ISSN 1725-2431

Journal officiel

de l'Union européenne

C 110

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Édition de langue française

Communications et informations

47e année
30 avril 2004


Numéro d'information

Sommaire

page

 

II   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen
406e session plénière des 25 et 26 février 2004

2004/C 110/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes en ce qui concerne l'accès des services des États membres chargés de la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen (COM(2003) 510 final – 2003/0198 (COD))

1

2004/C 110/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples (COM(2003) 436 final)

3

2004/C 110/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant les activités de certains pays tiers dans le domaine des transports maritimes (Version codifiée) (COM(2003) 732 final — 2003/0285 COD).

14

2004/C 110/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'air ambiant (COM(2003) 423 final – 2003/0164 (COD))

16

2004/C 110/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (COM(2003) 424 final — 2003/0165 COD))

18

2004/C 110/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil établissant les règles de police sanitaire relatives à l'importation, dans la Communauté, de certains ongulés vivants et modifiant les directives 90/426/CEE et 92/65/CEE(COM(2003) 570 final —2003/0224 CNS)

22

2004/C 110/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table et modifiant le règlement (CEE) no 827/68 (COM(2003) 698 final — 2003/0279 CNS)

24

2004/C 110/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européen (COM(2003) 650 final)

26

2004/C 110/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 90/434/CEE, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (COM(2003) 613 final — 2003/0239 COD)

30

2004/C 110/0

Avis du Comité économique et social européen sur le Système de préférences généralisées (SPG)

34

2004/C 110/1

Avis du Comité économique et social européen sur Les répercussions de l'accord de libre-échange des Amériques sur les relations UE/Amérique latine/Caraïbes

40

2004/C 110/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes

55

2004/C 110/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (COM(2003) 452 final — 2003/0167 COD)

72

2004/C 110/4

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité

77

2004/C 110/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) (COM(2003) 806 final — 2003/0312 CNS)

96

2004/C 110/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — l'Europe et la recherche fondamentale (COM(2004) 9 Final)

98

2004/C 110/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil concernant des mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et modifiant les règlements (CEE) no 2847/93 et (CE) no 973/2001 (COM(2003) 589 final — 2003/0229 (CNS))

104

2004/C 110/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil instituant des conseils consultatifs régionaux dans le cadre de la politique commune de la pêche (COM(2003) 607 final – 2003/0238 CNS)

108

2004/C 110/9

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Politique budgétaire et type d'investissement.

111

2004/C 110/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (COM(2003) 698 final — 2003/0278 (CNS))

116

2004/C 110/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions concernant la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique (du passage au numérique à l'abandon de l'analogique) (COM(2003) 541 final)

125

2004/C 110/2

Avis du Comité économique et social européen Sur Les mesures de soutien à l'emploi

127

2004/C 110/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des animaux en cours de transport et aux opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE (COM(2003) 425 final – 2003/0171 CNS)

135

FR

 


II Actes préparatoires

Comité économique et social européen 406e session plénière des 25 et 26 février 2004

30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/1


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes en ce qui concerne l'accès des services des États membres chargés de la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen»

(COM(2003) 510 final – 2003/0198 (COD))

(2004/C 110/01)

Le 16 septembre 2003, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la:

La section «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2004 (rapporteur: M. BARROS VALE).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   INTRODUCTION

1.1

La Convention de Schengen, qui prévoit de manière générale la libre circulation des personnes et des biens, a été signée en 1995, initialement par l'Allemagne, la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auxquels se sont ultérieurement joints d'autres pays de l'UE, à l'exception de l'Irlande et du Royaume-Uni, ainsi que la Norvège et l'Islande.

1.2

Quoiqu'elles ne soient pas parties à la Convention de Schengen en ce qui concerne la libre circulation, l'Irlande et le Royaume-Uni participent en revanche aux efforts de coopération de l'UE en matière de sécurité, eu égard à la diminution de celle-ci que la libre circulation des personnes et des biens est susceptible d'engendrer.

1.3

La Convention de Schengen identifie les autorités qui ont accès à son système d'information, ainsi que les fins auxquelles cet accès peut être autorisé. Le texte de la Convention actuelle ne permet pas aux autorités responsables des systèmes d'immatriculation de véhicules d'accéder à cet instrument.

1.4

La Commission a l'intention d'apporter des changements à la Convention d'application de l'Accord de Schengen afin d'introduire dans la législation des mécanismes permettant d'accéder aux données figurant dans le SIS (Système d'Information Schengen) sur les véhicules à moteur et les remorques volés ainsi que sur les documents officiels vierges et les documents d'identité délivrés (passeports, cartes d'identité, permis de conduire) qui ont été volés, de façon à pouvoir vérifier si les véhicules présentés en vue d'une seconde immatriculation n'ont pas été volés, détournés ou égarés et si les personnes souhaitant obtenir un certificat d'immatriculation n'utilisent pas à cette fin des documents d'identité ou d'immatriculation volés.

1.5

Cette matière est d'autant plus importante que le nombre de véhicules volés s'élève à quelque 9.000 par jour (environ un toutes les dix secondes) et qu'environ quinze millions de véhicules sont présentés chaque année à l'enregistrement, dont six à sept millions pour une seconde immatriculation (1).

1.6

L'appréciation de la proposition de la Commission doit se faire sous plusieurs angles à la fois, dont en particulier ceux de la justice, de la lutte contre la fraude, du renforcement du marché intérieur et de la politique des transports.

2.   OBSERVATIONS GÉNÉRALES

2.1

Le Comité souscrit à la position de la Commission sur l'extension de l'accès aux données du SIS aux autorités nationales chargées de la délivrance et du contrôle des documents visés ici, vu l'étendue des fraudes et du crime organisé visant ces biens et équipements ainsi que les documents y afférents.

2.2

De l'avis du Comité, l'intention de la Commission, exposée dans la proposition à l'examen, de modifier la Convention de Schengen, est pertinente et apporterait des avantages au niveau de la sécurité et de la célérité de la justice, pour autant que le système garantisse la protection des données.

2.3

Le Comité met en exergue la nécessité de garantir l'inexistence d'incompatibilités entre la proposition de la Commission et les dispositions légales et internes des États membres.

2.4

Le SIS s'inscrit clairement dans une philosophie communautaire: il ne peut être utilisé que dans l'EEE, comme le stipule la Convention de Schengen, cette condition devant selon le CESE être maintenue. La faiblesse des systèmes de coopération avec les pays tiers dans ce domaine suscite la préoccupation du CESE, dans la mesure où une grande partie du trafic de véhicules volés ou détournés dans l'Union européenne s'effectue en dehors de ses frontières.

2.5

Une des solutions envisageables, de l'avis du Comité, est la coopération avec INTERPOL (181 pays) au moyen du système ASF (Automated Search Facility) et EUROPOL. Il suffirait pour cela que les informations introduites dans le SIS le soient simultanément dans les deux autres systèmes. La rapidité d'introduction des données est fondamentale, en particulier dans le cas du SIS, vu que les véhicules sortent très rapidement de la zone de juridiction de l'UE.

2.6

Le Comité est d'avis que l'accès aux données du SIS à cette fin doit être octroyé aux États membres non signataires de la Convention de Schengen, vu qu'il s'agit d'une question de sécurité.

2.7

Les nouveaux États membres, d'après les informations fournies par la Commission, n'auront accès aux données du SIS II (nouvelle génération de ce système d'information) qu'à la fin 2006. Selon le Comité, le délai qui interviendra jusqu'à la pleine utilisation du SIS par ces pays doit être le plus court possible, ce qui aura des avantages évidents aux fins des objectifs poursuivis par l'application du système.

2.8

Le CESE se félicite que le document à l'examen tienne compte de l'existence de services privés chargés de l'immatriculation des véhicules dans un certain nombre d'États membres, lesquels services pourront, de manière indirecte et en passant par l'une des autorités publiques ayant accès au SIS, obtenir les informations nécessaires à la bonne fin de leurs activités, à condition que soit garantie la protection des données.

2.9

Le CESE juge particulièrement important de voir garantir l'existence de mécanismes qui limitent l'accès à d'autres informations du système aux autorités administratives qui ont accès au SIS, ces autres informations devant être réservées aux autorités prévues à l'article 1er de la Convention de Schengen, pour des questions de protection des droits généraux des citoyens.

2.10

Le CESE se félicite des assurances données par la Commission selon lesquelles la solution trouvée n'aura pas d'impact financier sur le budget de l'UE, dans la mesure où les coûts seront pris en charge par les États membres.

2.11

Le Comité considère également qu'il faut établir, traiter et diffuser des données statistiques relatives à ce type de criminalité, de manière à mieux organiser la lutte contre celle-ci.

3.   AUTRES OBSERVATIONS

3.1

L'existence de ce système et son accès aisé par les autorités des différents États membres est de l'avis du Comité un incitant à l'accroissement de la libre circulation de véhicules à l'intérieur de l'Union. Cela responsabilise les autorités nationales pour ce qui est de démanteler certaines dispositions internes qui rendent difficile l'utilisation par leurs ressortissants de véhicules immatriculés dans un autre État membre.

3.2

La Commission, maintenant qu'est renforcée sa capacité de contrôle et de lutte contre la fraude et les vols de véhicules, doit encourager les États membres à ne pas maintenir de dispositions qui entravent l'utilisation et la circulation de véhicules immatriculés dans un autre État membre, ce qui arrive souvent pour des raisons d'ordre purement fiscal contraires aux règles du marché intérieur.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Statistiques disponibles sur le site http://europa.eu.int/comm/energy_transport/etif/transport_means_road/…


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/3


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples»

(COM(2003) 436 final)

(2004/C 110/02)

Le 18 juillet 2003, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 2 février 2004 (rapporteur: M. WOLF).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 103 voix pour et 1 abstention.

1.   Résumé

1.1

Le Comité a déjà fait remarquer précédemment que le capital humain est la ressource la plus tangible et la plus précieuse pour la recherche et le développement, et qu'il soutenait en conséquence les efforts de la Commission en vue de disposer de ressources humaines plus abondantes et de les préserver.

1.2

Par conséquent, le Comité approuve la communication de la Commission sur les problèmes liés à la profession de chercheur dans l'UE, ainsi que les propositions et initiatives qu'elle contient. Il soutient avec force l'intention de la Commission d'œuvrer pour une amélioration sensible de la situation actuelle, et invite également les États membres à poursuivre le même objectif. Des mesures doivent être prises sans tarder.

1.3

Le Comité partage l'avis de la Commission, qui estime que des améliorations s'imposent en ce qui concerne non seulement les contrats des chercheurs, mais également l'adaptation et la transférabilité des différents éléments de la sécurité sociale et du système des pensions.

1.4

Tant que l'achèvement encore imparfait du marché unique européen ou des réglementations insuffisantes dans les États membres empêchent de satisfaire à ces exigences, la Commission devrait veiller à compenser le mieux possible les lacunes existantes, par exemple dans le cadre de son programme pour la mobilité, et à proposer des mesures d'incitation plus énergiques. Un aspect particulièrement important dans ce contexte est notamment la cohésion des familles et les questions qui y sont liées.

1.5

Le Comité fait toutefois remarquer que deux éléments entrent en ligne de compte dans le choix de la profession de chercheur: un contrat attrayant reflétant l'importance de la recherche et du développement, ainsi qu'une dotation fiable des instituts et laboratoires industriels de recherche, permettant de faire des projets à long terme. La politique de recherche ne doit donc pas être à la merci de prévisions budgétaires à court terme ou d'orientations expérimentales. Elle doit plutôt viser à promouvoir de manière adéquate le potentiel et les capacités des chercheurs en toute autonomie et au bénéfice de la collectivité.

1.6

La plupart des grandes découvertes révolutionnaires ne sont pas le résultat d'une mission bien précise, mais de recherches sur les lois de la nature. Pouvoir poursuivre ces recherches avec des moyens suffisants et indépendamment des impératifs politiques fait non seulement partie intégrante du droit fondamental à la liberté de la recherche, mais constitue également – en équilibre avec la recherche et le développement ciblés — une condition essentielle du progrès futur et du bien-être général.

1.7

Le Comité est très préoccupé par le fait qu'actuellement, ces conditions ne sont malheureusement pas réunies, ou le sont de manière insuffisante, dans de nombreux États membres. Outre des inconvénients graves et connus pour l'économie, cette lacune entraîne aussi une augmentation inquiétante de l'exode des meilleurs jeunes chercheurs, surtout vers les États-Unis.

1.8

Par conséquent, le Comité invite le Conseil, le Parlement et la Commission, mais en particulier les États membres et l'industrie européenne, à remplir leurs obligations confirmées à plusieurs reprises, et à augmenter leurs investissements dans la recherche et le développement technologique pour atteindre 3 % du produit intérieur brut d'ici 2010. Des investissements dans la recherche et le développement soutenant la comparaison avec les économies concurrentes sont une condition fondamentale de la réalisation des objectifs de Lisbonne.

1.9

Le Comité approuve également les mesures particulières proposées par la Commission, telles que l'élaboration d'une «Charte européenne du chercheur» et d'un «code de conduite pour le recrutement des chercheurs»; ces deux réglementations peuvent être très utiles dans de nombreux cas. Le Comité émet toutefois des réserves claires à cet égard: ces réglementations (comme le propose la Commission) ne doivent être appliquées que sur une base volontaire, et leur utilisation ne doit en aucun cas donner lieu à une réglementation excessive (surbureaucratisation) dans un domaine déjà fortement réglementé.

1.10

Les objectifs de Lisbonne doivent rester le fil conducteur de la politique de recherche. Ainsi, il y a lieu de permettre et de soutenir la concurrence entre les systèmes et instituts de recherche pour la meilleure structure, les meilleurs équipements et la meilleure politique du personnel, et de ne pas l'entraver par une réglementation excessive. Le comportement de l'ensemble repose sur l'exemple de ceux qui réussissent. Il convient donc de reconnaître ces derniers, de les soutenir et de les laisser travailler comme ils l'entendent — dans les limites fixées par l'éthique et les lois.

1.11

En ce qui concerne la formation et la carrière des chercheurs, il conviendrait — dès le lycée — de prévoir des mesures d'incitation et des procédures de sélection et d'apprécier les prestations à leur juste valeur de manière à ce qu'un nombre suffisant des plus doués optent pour une formation scientifique (universitaire) et que les chercheurs les plus talentueux se voient attribuer et/ou assument des fonctions dirigeantes.

1.12

Eu égard aux investissements consentis, tant par la société que par le chercheur lui-même, pour l'acquisition des connaissances spécialisées de base et de haut niveau requises, vastes et complexes, il incombe à la société — représentée par le monde de la politique — de veiller à utiliser au mieux ces investissements. Cette responsabilité doit aussi se traduire par un souci de proposer aux chercheurs ainsi formés une carrière appropriée, avec des possibilités de bifurcation attrayantes sans voie de garage. Le Comité soutient la Commission dans ses efforts pour accomplir cette mission.

1.13

Une revendication importante à cet égard, également soulignée par la Commission, est l'amélioration des passerelles entre le monde académique et l'industrie, ainsi que l'intensification des échanges de personnel. Bien que quelques progrès aient été accomplis, il reste beaucoup à faire dans ce domaine. L'industrie pourrait y contribuer notamment grâce à l'augmentation sensible demandée de son engagement dans la recherche et le développement.

1.14

Afin de préserver les chercheurs d'une quantité excessive de tâches et de problèmes administratifs — y compris les procédures d'expertise (actives et passives) en relation avec ces activités — il conviendrait d'éviter, au sein des systèmes hiérarchiques d'approbation et d'orientation, l'apparition d'un trop grand nombre d'instances verticales et horizontales (parallèles) agissant séparément, car cela peut non seulement donner lieu à des querelles intestines évitables et à une charge de travail inutile et inopportune pour les plus brillants, mais aussi à des exigences et des décisions opaques, voire contradictoires.

1.15

La société et le monde politique doivent veiller à ce que les conditions nécessaires à la naissance et au maintien de l'excellence et des prestations de pointe existent ou soient créées.

1.16

En ce qui concerne ses nombreuses observations et recommandations spécifiques, le Comité renvoie aux paragraphes suivants du présent avis.

2.   Introduction

2.1

En janvier 2000, la Commission a adopté une communication proposant la création d'un espace européen de la recherche (EER) (1). Le Comité a publié à ce sujet un avis favorable circonstancié (2), dans lequel il abordait déjà les problèmes de mobilité ainsi que d'autres aspects liés à la profession de chercheur, et recommandait les mesures à prendre pour pallier cette situation. Depuis, d'autres avis (3) du Comité sur de nouveaux documents de la Commission ont également porté sur ce thème et proposé des solutions appropriées.

2.2

La communication de la Commission à l'examen aborde — dans le contexte des objectifs de Lisbonne et du rôle essentiel conféré à la recherche et au développement — la question de la profession de chercheur et des possibilités de carrière dans ce domaine au sein de l'espace européen de la recherche.

2.3

À ce propos, la Commission écrit ceci: «La communication révèle des faiblesses structurelles ainsi que des différences sensibles entre chacun de ces éléments, en fonction des secteurs dans lesquels les chercheurs travaillent ou des environnements géographiques, juridiques, administratifs et culturels dans lesquels ils évoluent. Ces différences et le manque d'ouverture des carrières de chercheur en Europe empêchent le développement de perspectives de carrière intéressantes au niveau européen et l'émergence d'un véritable marché de l'emploi pour les chercheurs en Europe, que ce soit d'un point de vue géographique, sectoriel ou d'égalité entre hommes et femmes. Ces différences ont également des répercussions importantes sur l'attrait des carrières dans la R&D pour les jeunes et sur la reconnaissance des chercheurs par le grand public».

3.   Contenu de la communication de la Commission

3.1

La communication de la Commission analyse les différents éléments qui caractérisent la profession et définit les divers facteurs qui conditionnent le développement de la carrière des chercheurs au niveau européen, à savoir le rôle et la nature de la formation à la recherche, les différences entre les méthodes de recrutement, les aspects contractuels et budgétaires, les mécanismes d'évaluation et les perspectives de progression dans la carrière. Les thèmes abordés dans cette communication sont donc très vastes et traités de manière exhaustive, de sorte qu'il n'est guère possible ici d'en résumer brièvement les éléments essentiels — pour autant qu'ils ne soient pas abordés explicitement dans les chapitres suivants.

3.2

La communication de la Commission aborde notamment les aspects énumérés ci-après:

Contexte politique; définition du chercheur; perspectives de carrière; besoins de main-d'œuvre; la reconnaissance des carrières dans la R&D, passerelles entre universités et entreprises; dimension européenne; inégalités entre hommes et femmes; les facteurs qui déterminent les carrières; formation à la recherche; environnement; programmes de doctorat; méthodes de recrutement; conditions d'emploi et de travail; déréglementation des carrières; incitations fiscales; besoin d'autres possibilités de titularisation; systèmes d'évaluation; actions et initiatives proposées.

3.3

Dans le cadre des mesures et des initiatives proposées par la Commission, cette dernière a notamment l'intention de:

créer un groupe de haut niveau chargé d'identifier d'autres exemples de bonne pratique concernant les différentes possibilités d'emploi, comme la mobilité intersectorielle ou de nouveaux modèles de prétitularisation conditionnelle, et de les diffuser largement dans la communauté des chercheurs;

lancer l'élaboration de la «Charte européenne du chercheur», un cadre pour la gestion de la carrière du personnel de R&D, sur la base d'une réglementation volontaire;

esquisser un «code de conduite pour le recrutement des chercheurs» basé sur les meilleures pratiques, afin d'améliorer les méthodes de recrutement.

4.   Considérations générales

4.1

Le Comité se réjouit au plus haut point que la Commission aborde dans une communication le thème important et jusqu'à présent sous-estimé du métier de chercheur. Le Comité partage entièrement l'avis de la Commission, qui estime que «dans le domaine de la recherche, les ressources humaines constituent dans une large mesure la clé des efforts, de l'excellence et des performances» et approuve l'intention de la Commission d'envisager cette problématique sous l'angle de la Communauté. Dans un précédent avis (4), le Comité avait déjà fait remarquer que le capital humain était la ressource la plus tangible et la plus précieuse pour la recherche et le développement, et qu'il soutenait en conséquence les efforts de la Commission en vue de disposer de ressources humaines plus abondantes et de les préserver. Le Comité considère qu'une nette amélioration est nécessaire à cet égard et se félicite de l'intention de la Commission d'agir en conséquence.

4.2

Eu égard aux investissements consentis, tant par la société que par le chercheur lui-même, pour l'acquisition des connaissances spécialisées de base et de haut niveau requises, vastes et complexes, il incombe à la société — représentée par le monde de la politique — de veiller à utiliser au mieux ces investissements. Cette responsabilité doit aussi se traduire par un souci de proposer aux chercheurs ainsi formés une carrière appropriée, avec des possibilités de bifurcation attrayantes sans voie de garage. Le Comité soutient la Commission dans ses efforts pour accomplir cette mission.

4.3

Cependant, le Comité souligne également que le succès de la recherche-développement requiert des appareils (grands équipements) et une infrastructure techniques appropriés et compétitifs mais malheureusement souvent coûteux — associés à une phase pluriannuelle exigeante d'installation et de formation des groupes concernés — ainsi que le budget nécessaire pour les exploiter à des fins scientifiques.

4.4

Il faut pour cela que le monde politique et les entreprises prennent des décisions permettant de faire de la recherche à grande échelle et à long terme, d'investir des moyens suffisants à cette fin et de garantir la fiabilité de la planification. Ce dernier point en particulier est décisif pour inciter les jeunes à construire leur avenir professionnel dans cette branche, et donc pour augmenter les ressources humaines de ce secteur, les conserver et les utiliser de manière optimale.

4.5

Le Comité est en outre très préoccupé par le fait qu'actuellement, ces conditions ne sont malheureusement pas réunies, ou le sont de manière insuffisante, dans de nombreux États membres. Outre des inconvénients graves et connus pour l'économie, cette lacune entraîne en outre une augmentation inquiétante de l'exode (5) des meilleurs jeunes chercheurs, surtout vers les États-Unis.

4.6

Par conséquent, le Comité invite instamment le Conseil, le Parlement et la Commission, mais en particulier les États membres, à remplir effectivement les obligations qu'ils ont contractées, par exemple lors de la réunion du Conseil à Barcelone, et à augmenter leurs investissements dans la recherche et le développement technologique (RDT) pour atteindre 3 % du produit intérieur brut d'ici 2010, tout en garantissant la fiabilité de la planification et la liberté de la recherche — et en particulier un niveau suffisant de recherche fondamentale (6). Des investissements dans la recherche et le développement soutenant la comparaison avec les économies concurrentes (7) sont une condition fondamentale de la réalisation des objectifs de Lisbonne, à savoir, faire de l'Union européenne, d'ici à 2010, «l'économie de la connaissance la plus concurrentielle et dynamique dans le monde».

4.7

Le Comité rappelle en outre qu'il a déjà recommandé (8), pour la période postérieure au sixième programme-cadre, de fixer comme objectif politique à moyen terme une augmentation de 50 % du budget communautaire de R&D.

4.8

Cette volonté doit bien sûr être complétée par des mesures efficaces visant (i) à rapprocher les jeunes de la recherche et des sciences, et en outre (ii) à donner plus de poids, dans les programmes scolaires, aux connaissances scientifiques, en particulier dans le domaine des sciences naturelles, mais également techniques et mathématiques de base, et à les présenter de manière attrayante. La recherche et le développement sont le fondement de notre mode de vie actuel et le substrat de l'innovation, du bien-être et de la paix futurs (9).

4.9

L'importance, les exigences et l'ampleur de cette matière ne sont toutefois pas suffisamment enracinées dans la conscience générale des citoyens. Les programmes scolaires et l'attitude du corps enseignant ne reflètent pas de manière adéquate l'importance de la recherche.

4.10

Comme le constate très justement la Commission, c'est notamment de l'attitude et de l'estime de la société que dépendent à la fois la motivation des jeunes doués à opter pour une formation universitaire débouchant sur le métier de chercheur et par la suite, la décision des chercheurs confirmés lorsqu'ils doivent choisir dans quelle institution et dans quel pays ils iront travailler.

4.11

Cette estime ne doit pas se manifester uniquement dans les pages des journaux consacrées aux débats et opinions, mais également dans la continuité, la fiabilité et la solidité des décisions prises en la matière par le monde politique et les entreprises. Cela s'applique tant au niveau communautaire qu'à celui des États membres. Les ressources humaines et matérielles, des possibilités d'emploi permettant l'épanouissement professionnel nécessaire, ainsi que leur financement, sont des facteurs étroitement liés (10).

4.12

Lorsque la volonté et les conditions matérielles sont réunies, et que les décisions nécessaires ont été prises pour encourager de manière adéquate la recherche et le développement tant au niveau de l'Union que des États membres (11), pour faire en sorte que la profession de chercheur soit davantage appréciée à sa juste valeur, et pour fournir des efforts démesurés dans les États membres ayant particulièrement besoin de rattraper leur retard, les problèmes soulevés dans la communication de la Commission, notamment le fait que «[les] différences et le manque d'ouverture des carrières de chercheur en Europe empêchent le développement de perspectives de carrière intéressantes au niveau européen et l'émergence d'un véritable marché de l'emploi pour les chercheurs en Europe, que ce soit d'un point de vue géographique, sectoriel ou d'égalité entre hommes et femmes» pourront être résolus plus facilement.

4.13

Le métier de chercheur dans l'espace européen de la recherche requiert à juste titre de la mobilité et de la flexibilité. Cela ne doit toutefois pas nuire aux conditions de vie personnelle et familiale et à la sécurité sociale des chercheurs. Par conséquent, le Comité soutient la Commission, qui entend contribuer à la résolution des problèmes en la matière, ainsi que réclamer et/ou garantir une situation contractuelle appropriée pour les chercheurs, compétitive au niveau international.

4.14

Le Comité approuve dans les grandes lignes les mesures et initiatives proposées et/ou prévues par la Commission à cet égard. Il doute cependant que ces mesures et initiatives soient suffisantes pour atteindre les buts fixés dans la communication. Le Comité est d'avis que l'extension et l'approfondissement des études analytiques, évoquées à plusieurs reprises dans la communication, sont utiles dans certains cas, mais ne sont en aucune façon suffisantes.

4.15

Il convient plutôt de prendre les décisions politiques qui s'imposent, en particulier au niveau des États membres. À cet égard, le Comité aurait apprécié des propositions concrètes, ainsi qu'un examen des bases juridiques.

4.16

Les mesures concrètes n'impliquent toutefois pas une limitation de la marge de manœuvre nécessaire et de la concurrence entre les meilleures solutions par des prescriptions et réglementations trop nombreuses.

4.17

Le Comité recommande en outre de tenir compte davantage de l'expérience acquise jusqu'à présent lors de la mise en œuvre d'actions thématiques au titre des programmes cadres de R&D et EURATOM, des programmes Socrates et Marie Curie et du programme de mobilité (12), et d'accorder dans ce contexte une attention particulière aux expériences et aux problèmes des chercheurs ayant déjà une carrière «européenne». Il recommande également de se pencher en temps utile sur les éventuels obstacles juridiques (13) et de trouver des solutions satisfaisantes.

5.   Observations spécifiques

5.1   Chapitre 2: Définition du chercheur

5.1.1

Le Comité approuve et confirme la plupart des affirmations figurant au chapitre 2 de la communication de la Commission.

5.1.1.1

Certes, le Comité comprend pourquoi la Commission s'est basée sur le «Manuel de Frascati» de l'OCDE pour élaborer sa définition de la recherche, à savoir: «La recherche et le développement expérimental (R&D) englobent les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d'accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l'homme, de la culture et de la société, ainsi que l'utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications».

5.1.1.2

Toutefois, le Comité propose à la Commission de revoir cette définition de manière à ce que celle-ci fasse également référence à la nature (sciences naturelles) et à la technique — eu égard en particulier aux objectifs de Lisbonne.

5.1.1.3

Il faudrait aussi que cette définition laisse apparaître clairement l'importance décisive d'un niveau suffisant de recherche fondamentale primaire non ciblée (14). La plupart des grandes découvertes révolutionnaires ne sont pas le résultat d'une mission bien précise, mais de recherches sur les lois de la nature. Pouvoir poursuivre ces recherches avec des moyens suffisants et indépendamment des impératifs politiques fait non seulement partie intégrante du droit fondamental à la liberté de la recherche, mais constitue également — en équilibre avec la recherche et le développement ciblés — une condition essentielle du progrès et du bien-être général futurs.

5.1.1.4

Le Comité renvoie à cet égard à un précédent avis (15), dans lequel il avait recommandé que l'on appuie toutes les mesures susceptibles d'éviter la polarisation et qui favorisent une interaction accrue entre sciences humaines et économiques d'une part, et sciences exactes et technique d'autre part. Cela implique également l'instauration d'un dialogue sur des sujets tels que la méthodologie, l'élaboration de concepts, ainsi que l'évaluation et la vérification des résultats.

5.1.1.5

En outre, le savoir doit non seulement être élargi, mais aussi approfondi. Le Comité recommande de tenir compte de ces observations lors d'une révision de la définition précitée.

5.1.1.6

En ce qui concerne la définition du «chercheur» proposée par la Commission, le Comité aurait apprécié qu'il soit fait référence à la nécessité de disposer d'un niveau élevé de qualification, de savoir et d'indépendance attestés pour pouvoir être considéré comme chercheur au sens de la définition.

5.1.1.7

Par conséquent, le Comité recommande la définition suivante du chercheur, légèrement modifiée: «Experts travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes et de systèmes nouveaux et à la gestion des projets concernés, et possédant, eu égard à leur formation et à leur expérience, les qualifications requises à cette fin».

5.1.1.8

Sauf indication contraire expresse, l'on entend par chercheur, dans le texte ci-après, des scientifiques ou des ingénieurs possédant les qualifications requises dans chaque cas.

5.1.2

Le Comité renvoie en outre à la description qu'il avait faite de la recherche et du développement dans un avis précédent (16). Dans le droit fil de cette description, le Comité soutient également l'intention de la Commission de ne pas définir de manière trop rigide les différentes possibilités et passerelles d'une carrière professionnelle dans le domaine de la R&D.

5.1.3

Toutefois, le Comité ne peut admettre, de manière générale, que «toutes ces carrières devront être traitées et appréciées sur un pied d'égalité». Il convient plutôt de reconnaître les chercheurs (potentiels) particulièrement inventifs et créatifs, de les attirer et de les garder – afin que l'Europe puisse bénéficier d'un enrichissement du savoir et d'une plus-value économique. Pour cela, il y a lieu de créer des possibilités et des mesures d'incitation exceptionnelles.

5.1.4

Cependant, les aptitudes exceptionnelles et les activités pionnières sont justement celles qui entrent le plus difficilement dans des schémas d'évaluation préétablis – qui comportent également des possibilités d'abus.

5.1.4.1

Ainsi, le comportement de certains auteurs pose problème: ils se citent mutuellement dans leurs publications, et forment des «cartels de citation», qui les avantagent en cas d'évaluation schématique.

5.1.4.2

En outre — dans certains cas — les découvertes révolutionnaires, précisément, n'ont été publiées, reconnues et citées dans la littérature qu'avec un certain retard.

5.1.4.3

La personnalité ne peut être évaluée avec précision de manière formalisée et schématique. Il convient plutôt de tirer parti de la précieuse expérience et de l'état des connaissances des représentants de premier plan de cette partie de la «communauté scientifique» dans laquelle des résultats ont été obtenus et/ou sont attendus (et même en adoptant cette approche, des erreurs de jugement peuvent se produire, ce qui a d'ailleurs déjà été le cas dans le passé).

5.1.5

Dans ce contexte, le Comité recommande de veiller à ce que l'application — volontaire, il est vrai — du «code de conduite pour le recrutement des chercheurs» proposé par la Commission (voir à ce propos le paragraphe 5.2.5) ne donne pas lieu à une réglementation excessive, qui pourrait entraîner une certaine rigidité.

5.1.5.1

Le Comité ne nie pas — bien au contraire — qu'il faut garantir la transparence et l'égalité des chances pour tous les candidats au sein de l'UE, et ce faisant, promouvoir surtout l'augmentation du pourcentage de femmes dans la profession. À cet égard, il reconnaît l'utilité potentielle d'un tel code pour atteindre cet objectif important.

5.1.5.2

Par ailleurs, le Comité recommande toutefois, eu égard aux exigences très différentes pour chacun des postes proposés et compte tenu des diverses «cultures» des organismes de recherche en question (17), de ne pas recourir à des méthodes d'évaluation et procédures de recrutement formalisées et généralisées, mais de se baser sur l'expérience et les connaissances des «communautés scientifiques» concernées. En fin de compte, il y a lieu de veiller à ce que les instituts de recherche européens soient suffisamment attrayants, et aient la volonté, la possibilité et les outils économiques et administratifs nécessaires pour pouvoir se lancer avec succès dans la concurrence mondiale et séduire les «cerveaux».

5.1.5.3

Le Comité préconise donc un traitement au cas par cas des situations dans lesquelles, manifestement, une approche erronée a été adoptée ou des erreurs ont été commises, la (sur)réglementation générale ne devant être utilisée qu'en dernier recours.

5.1.6

Par conséquent, l'expression «sur un pied d'égalité» est également difficile à interpréter en raison des différences tant au sein des États membres qu'à l'intérieur du paysage et des activités de recherche, et doit donc être envisagée de manière très différenciée.

5.1.7

En ce qui concerne les catégories de recherche dont il est question dans la communication, telles que la recherche fondamentale, la recherche stratégique, etc., ainsi que leur définition, le Comité renvoie à de précédents avis (18) et recommandations (19), en particulier en ce qui concerne le terme de «recherche appliquée», courant et recommandé au niveau international, et recommande que cette question soit réexaminée en temps utile par un groupe d'experts approprié.

5.1.8   Autres aspects de la profession de chercheur

5.1.8.1

L'activité de recherche proprement dite, c'est-à-dire l'étude directe de problèmes scientifiques et techniques, implique des tâches de planification, de gestion d'entreprise, d'administration et d'expertise, qui, dans une large mesure, ne peuvent être assumées que par des scientifiques.

5.1.8.2

Il s'agit notamment de propositions de programmes, procédures de demande, rapports, publications, décisions en matière de personnel et de procédures d'expertise (actives et passives) en relation avec ces activités.

5.1.8.3

Si toutefois ces tâches sont imposées de manière non coordonnée, par un trop grand nombre d'institutions ou de commanditaires associés au programme, avec des formats, niveaux de détail et délais différents, la charge de travail requise dépassera celle consacrée aux activités de recherche proprement dites.

5.1.8.4

Eu égard à l'inflation des tâches, expertises et procédures de surveillance requises, le Comité recommande donc à la Commission de se pencher sur la question et de s'efforcer de mettre en place des procédures coordonnées qui garantiraient un équilibre raisonnable en la matière et éviteraient le risque manifeste que cette activité n'engendre que des «papiers» toujours semblables, et ne soit pas productive (20). Il faut absolument supprimer toute «surbureaucratisation» du monde de la recherche.

5.1.8.5

Dans ce contexte, le Comité recommande que la Commission revoie en conséquence ses propres procédures de demande et d'attribution ainsi que les critères y afférents. En effet, la communauté scientifique émet de nombreuses critiques à cet égard, et doute en outre de la raison d'être de telles demandes, compte tenu de l'investissement important qu'elles exigent et du très faible taux de réussite. Par ailleurs, les procédures et les critères (par exemple pour l'attribution de bourses) ne devraient pas être modifiés si fréquemment.

5.1.8.6

Il convient en particulier d'éviter l'apparition d'un trop grand nombre d'instances (et de procédures) d'approbation et d'orientation, car cela donne non seulement lieu à des querelles intestines qui sont source d'inefficacité, mais aussi, la plupart du temps, à des exigences et des décisions tatillonnes, opaques, et dans certains cas contradictoires.

5.2   Chapitre 3: Perspectives de carrière

5.2.1

Besoins de main-d'œuvre dans le secteur de la R&D: Le Comité partage les préoccupations de la Commission en ce qui concerne la divergence manifeste et irritante entre les analyses macroéconomiques et les pronostics («possibilités d'emploi pour des milliers de chercheurs») et les constatations moins favorables relatives aux offres effectives ou à l'absence d'offres sur le marché de l'emploi. La plupart des universités et organismes de recherche enregistrent surtout, actuellement, une diminution des investissements privés et publics et ne sont donc guère disposés à recruter du personnel, et encore moins à offrir des postes durables à des chercheurs.

5.2.1.1

Même l'industrie, notamment l'industrie pharmaceutique à très forte intensité de recherche, éprouve des difficultés à garder les jeunes chercheurs en Europe (21). Les universités et instituts de recherche financés par des fonds publics sont en outre tenus, par leur organisme de financement, de n'offrir à une bonne partie de leurs chercheurs qu'une série de contrats à durée déterminée, afin de pouvoir réagir rapidement aux restrictions budgétaires ou aux réorientations de programmes imposées par des tiers.

5.2.2

Dans ce contexte, le Comité attire également l'attention sur un autre aspect important: les chercheurs qui travaillent dans les universités ou dans des instituts de recherche financés par les pouvoirs publics sont généralement rémunérés selon les barèmes du service public.

5.2.2.1

Ces barèmes sont en général nettement plus bas que ceux du secteur privé. À cet égard, le Comité confirme les propos de la Commission, selon lesquels «Les salaires constituent l'un des éléments les plus visibles de la reconnaissance de la carrière. Les salaires des chercheurs semblent avoir pris du retard, par exemple par rapport à ceux des personnes qui occupent des postes de gestion».

5.2.2.2

Ce désavantage des travailleurs rémunérés selon les barèmes du service public se justifie par une sécurité sociale d'ordinaire plus élevée et de meilleures garanties en matière de carrière dans le service public (fonctionnaires de l'administration, enseignants, juges, …).

5.2.3

Cependant, de nombreux chercheurs sont souvent privés intentionnellement d'une meilleure sécurité sociale, afin d'obéir à l'objectif de flexibilité accrue de la planification de la recherche, des prévisions budgétaires et de la politique du personnel.

5.2.3.1

Cette lacune n'est aucunement compensée par d'autres avantages ou garanties. Les barèmes présentent en outre l'inconvénient de laisser une marge de manœuvre insuffisante en matière de rémunération, pour la reconnaissance/l'évaluation de l'efficacité et de l'engagement.

5.2.3.2

Ce serait toutefois une erreur de tenter d'imposer des contrats à durée déterminée, avec les conséquences décrites ci-après, pour obtenir la flexibilité et la mobilité effectivement nécessaires dans la recherche sans proposer de rémunération appropriée.

5.2.3.3

Il faudrait par conséquent des barèmes mieux adaptés à la profession de chercheur, représentant une augmentation très sensible des barèmes appliqués jusqu'à présent (qui ne doivent en aucun cas diminuer), tout en permettant une souplesse beaucoup mieux adaptée aux cas particuliers. Ces barèmes devraient permettre d'atteindre les objectifs précités au moyen d'incitations. Il convient donc de prévoir en outre pour les universités et les instituts de recherche davantage de postes de post-doctorat, avec des accords fiables de prétitularisation conditionnelle. Le manque actuel de telles possibilités en matière de barèmes et de perspectives de carrière, ainsi que les périodes d'inactivité caractérisant les carrières suffisent à expliquer pourquoi les meilleurs éléments se tournent vers les États-Unis (22) pour assurer leur avenir et pourquoi il est difficile de les récupérer ensuite.

5.2.3.4

Le désavantage qui en résultait jusqu'à présent pour les chercheurs pèse particulièrement lourd eu égard aux formations très longues et au temps important consacré au perfectionnement (doctorat, agrégation). Cette situation doit être réexaminée de toute urgence si l'on veut rendre le métier de chercheur attrayant.

5.2.3.5

En effet, la «carrière» (23) type démoralisante d'un jeune chercheur se caractérise souvent par une série de contrats à durée déterminée (24) — chaque fois qu'il change d'employeur ou qu'il progresse dans sa carrière (et ce, pendant une période pouvant aller jusqu'à 12 ans).

5.2.3.6

Lorsque ces contrats arrivent à échéance, ce qui, dans la plupart des cas, n'est pas dû à des prestations insuffisantes mais des prescriptions administratives ou des obligations de proportionnalité, ou encore à des restrictions budgétaires, le chercheur risque de ce fait d'être contraint d'abandonner sa carrière, voire, souvent, de se retrouver au chômage.

5.2.3.7

Ce type de «carrière» risque ainsi de se retrouver dans une impasse, à un âge (par exemple, 40 ans) où il devient déjà très difficile de changer d'emploi ou de repartir à zéro sur le marché du travail — en raison, notamment, de la politique de recrutement de l'industrie, qui accorde la préférence aux jeunes sans expérience professionnelle.

5.2.3.8

Il convient en outre de faire remarquer qu'il s'agit souvent dans ce contexte de scientifiques ayant déjà franchi plusieurs étapes d'un processus de sélection sévère et fait l'objet d'une évaluation positive, car seuls les étudiants ayant le mieux réussi leurs études ont la possibilité de passer un doctorat, et parmi eux, seuls les plus doués, à nouveau, se verront proposer plus tard un poste de chercheur ou une bourse.

5.2.3.9

Pour devenir compétents, compétitifs ou pour occuper une position de pointe dans un domaine scientifique spécialisé, les personnes et les groupes professionnels concernés doivent d'abord passer par des périodes exigeantes — durant souvent plusieurs années — de formation complémentaire et d'adaptation.

5.2.3.10

De plus, il est souvent nécessaire de commencer par mettre en place et développer des appareils de qualité et de créer un milieu stimulant pour la recherche ainsi que les structures organisationnelles correspondantes. Cet investissement précieux et coûteux dans le «capital humain» et dans l'infrastructure de recherche nécessaire est déjà un résultat de l'activité de recherche, qui s'ajoute à l'expérience acquise et est à présent disponible pour une exploitation ultérieure.

5.2.4

Par conséquent, le chômage des chercheurs qualifiés n'est pas seulement un problème social, mais représente aussi pour l'économie un gaspillage de ressources financières et humaines.

5.2.4.1

Il démotive non seulement les chercheurs menacés ou concernés, mais décourage aussi les jeunes qui doivent choisir une profession d'opter pour une branche aussi difficile et exigeante. Le décalage entre les promesses optimistes et attrayantes des pouvoirs publics et la réalité rebutante — voire catastrophique dans certains États membres — du marché de l'emploi et des perspectives de carrière est un facteur démotivant supplémentaire.

5.2.4.2

À cet égard, il convient de se réjouir du fait que de nombreux scientifiques, en particulier des jeunes, saisissent la possibilité qui leur est offerte de chercher et de trouver du travail hors de l'UE, surtout aux États-Unis, du moins tant que les institutions européennes équivalentes ne sont pas en mesure de leur offrir des conditions analogues. Il conviendrait de sensibiliser davantage le monde politique et l'opinion publique au fait que cette situation provoque d'importants dégâts économiques pour l'UE tout en avantageant considérablement le pays d'accueil.

5.2.4.3

Le manque d'attrait économique et les risques sociaux considérables liés à l'image du métier de chercheur pourraient même être l'une des raisons pour lesquelles les collégiens et les lycéens manifestent de moins en moins d'intérêt pour les sciences naturelles et les mathématiques.

5.2.4.4

Il n'est donc pas surprenant que lorsque l'on a besoin de chercheurs, l'on constate soudainement le manque de «capital humain» (voir le début de la communication de la Commission).

5.2.5

Comme l'a également indiqué la Commission, il est donc urgent, pour pouvoir offrir des perspectives de carrière aux chercheurs et atteindre l'objectif des 3 % (25), de réduire cet écart manifeste entre, d'une part, les impératifs économiques dans l'UE et, d'autre part, la politique microéconomique ou le comportement actuel en matière de gestion budgétaire (par exemple des pouvoirs publics), ainsi que la «politique du personnel» qui en résulte.

5.2.5.1

La recherche ne doit donc pas faire l'objet d'une appropriation, ni être à la merci d'orientations expérimentales ou de contraintes budgétaires à court terme. Une bonne politique de recherche, pour qu'elle soit couronnée de succès, doit être planifiée à long terme et ne peut pas être lancée, arrêtée ou réorientée au gré des cycles conjoncturels, des crises budgétaires ou des tendances du moment en matière de politique ou de planification; une continuité, une liberté et une fiabilité suffisantes sont indispensables. C'est le seul moyen de lutter contre les dysfonctionnements décrits précédemment et de les éviter à l'avenir.

5.2.5.2

Comme le constate également la Commission, il est également urgent de définir des programmes d'étude et des possibilités de bifurcation appropriés afin d'éviter de telles impasses professionnelles et offrir à la place une perspective encourageante et fiable aux jeunes qui doivent choisir un métier.

5.2.5.3

À cet égard, il serait utile de promouvoir de meilleures passerelles vers l'industrie (cf. paragraphe 5.4) ou l'enseignement (par exemple, la possibilité pour un chercheur n'ayant pas d'emploi stable dans une université ou un institut de recherche financé par les pouvoirs publics de travailler dans un institut d'enseignement supérieur comme professeur ayant une expérience dans la recherche, d'autant plus que ces écoles ont souvent un manque de personnel qualifié et expérimenté dans le domaine de la recherche).

5.2.6

Par conséquent, le Comité approuve expressément les mesures annoncées par la Commission dans sa communication:

créer un groupe de haut niveau chargé d'identifier d'autres exemples de bonne pratique concernant les différentes possibilités d'emploi, comme la mobilité intersectorielle ou de nouveaux modèles de prétitularisation conditionnelle, et de les diffuser largement dans la communauté des chercheurs;

lancer l'élaboration de la «Charte européenne du chercheur», un cadre pour la gestion de la carrière du personnel de R&D, sur la base d'une réglementation volontaire;

lancer des études d'impact pour évaluer et analyser comparativement les multiples parcours de carrière des chercheurs;

esquisser un «code de conduite pour le recrutement des chercheurs» basé sur les meilleures pratiques, afin d'améliorer les méthodes de recrutement.

Il préconise toutefois la prise en compte de ses observations sur ces questions.

5.2.6.1

Le Comité recommande que les initiatives en la matière (26) lancées par certains États membres dans l'enseignement supérieur soient étendues aux organismes de recherche non universitaires, tout en vérifiant attentivement si les mesures (27) respectives donnent effectivement lieu aux améliorations prévues.

5.3   Chapitre 3.2: La reconnaissance publique des carrières dans la R&D

5.3.1

La reconnaissance publique des carrières dans la R&D est un élément extrêmement important. Le Comité est entièrement d'accord avec la Commission lorsqu'elle déclare que «La question du soutien des chercheurs par le public est liée de toute évidence à la façon dont la science est perçue comme un moyen de contribuer au développement de la société».

5.3.2

Le Comité partage également les autres points de vue exprimés au chapitre 3.2 de la communication. Il fait toutefois remarquer que les problèmes et les difficultés liés à une «carrière européenne de chercheur», que la communication de la Commission tente de résoudre, sont liés au fait que le «marché unique» n'est pas encore complètement achevé, et que les citoyens et le grand public — et dans une large mesure, les élus politiques eux-mêmes — n'en sont souvent pas suffisamment conscients. Des mesures doivent donc être prises pour informer les hommes politiques, avec documentation à l'appui.

5.3.3

Il serait toutefois réducteur de penser que le cœur du problème réside uniquement dans l'absence d'estime et de reconnaissance des citoyens pour la recherche et le développement.

5.3.4

Même s'il est vrai que les citoyens, en général, ne sont pas suffisamment informés du fait qu'ils ne doivent la majeure partie de leur bien-être qu'à de précédentes conquêtes de la R&D, l'on constate cependant qu'ils manifestent — pour la plupart — un certain respect à l'égard des chercheurs et de leurs capacités.

5.3.5

Le problème réside surtout dans l'absence de volonté politique cohérente pour améliorer la situation personnelle et professionnelle des chercheurs et dans la nécessité de remédier aux désavantages précités. Les aspects négatifs mentionnés précédemment peuvent également contribuer au manque de reconnaissance publique.

5.3.6

Cette volonté politique nécessaire est malheureusement mise à mal, d'une part parce que la promotion de la R&D — et donc, de la profession de chercheur — n'est généralement pas suffisamment médiatisée et ne suscite par conséquent pas l'intérêt du public, alors que ce sont deux éléments important pour le monde politique, et d'autre part, parce que les chercheurs ne sont pas suffisamment nombreux pour s'organiser et faire valoir avec force leurs intérêts professionnels et sociaux.

5.3.7

À cela s'ajoutent aussi le fait qu'il faut un laps de temps relativement long avant que les investissements dans la R&D ne produisent des bénéfices économiques et culturels, alors que la «mémoire politique» de la société est, elle, assez courte, et le fait que l'importance et le potentiel des nouvelles découvertes n'entrent en général que progressivement dans la conscience collective, et non de manière spectaculaire.

5.3.8

Le Comité approuve donc totalement la Commission lorsqu'elle déclare: «Afin de mieux faire apparaître l'importance politique de la recherche en tant qu'élément crucial du développement de la société, le lien entre le contenu de la recherche et le bénéfice net pour la société doit être clairement souligné. De même, la société devrait mieux être placée pour reconnaître le rôle de la recherche, l'utilité de mener des activités de recherche et la valeur des carrières dans la R&D». En outre, la société devrait être mieux informée des conditions de fonctionnement d'une recherche d'excellence.

5.4   Chapitre 3.3: Passerelles entre universités et entreprises

5.4.1

À ce propos, la Commission constate que «Les partenariats entre le monde universitaire et les entreprises ou les organismes de recherche financés par des fonds privés et publics sont apparus comme impératifs pour soutenir le transfert de connaissances et l'innovation, mais on ne sait pas encore exactement comment ces relations devraient être structurées et encore moins comment échanger du personnel ou promouvoir des programmes de formation communs». Le Comité soutient largement ce point de vue, mais n'a plus une opinion aussi critique sur la situation.

5.4.2

Cependant, le Comité reconnaît que des améliorations sont toujours nécessaires, ainsi qu'une meilleure compréhension mutuelle des méthodes de travail et des critères applicables en matière de carrière.

5.4.2.1

Un aspect particulièrement important en relation avec les programmes d'études est la question de savoir pourquoi l'industrie, lorsqu'elle recrute des scientifiques et des ingénieurs, préfère en règle générale les jeunes fraîchement diplômés aux experts possédant une expérience de plusieurs années dans la recherche, et dont les vastes connaissances accéléreraient le «transfert de savoir» pour les méthodes et procédures de pointe.

5.4.2.2

Le Comité réitère en outre ses recommandations précédentes (28), concernant la modification et le renforcement du programme existant en matière d'encouragement de la mobilité («bourses d'accueil en entreprises») de manière à ce que celui-ci encourage clairement la mobilité pour les personnes qui le souhaitent en proposant des périodes d'échange d'une durée suffisante qui apparaîtraient suffisamment attrayantes pour les deux parties concernées. Cela pourrait également inciter l'industrie à engager des scientifiques plus âgés et expérimentés.

5.4.3

Des progrès ont été réalisés dans certains cas. Les obstacles évoqués dans la communication, par exemple, ne sont plus aussi importants, dans la mesure où il s'agit des relations entre l'industrie et les universités techniques ou les instituts de recherche axés sur la technologie.

5.4.4

Cependant, il convient ici aussi de veiller — tant au niveau national que communautaire – à la compatibilité et/ou à la transférabilité/reconnaissance des différentes composantes des systèmes de sécurité et de prévoyance sociales (telles que l'assurance maladie, l'assurance en cas d'incapacité de travail, la pension de vieillesse et les droits à pension, ainsi que les années de services antérieures entrant en ligne de compte pour le calcul de la pension, etc.).

5.4.5

Enfin, il ne faut pas oublier non plus qu'il existe différents talents et aptitudes exceptionnelles, qui dans certains cas conviendront plutôt à l'industrie et pourront particulièrement bien s'y épanouir, et dans d'autres correspondront davantage à un poste de recherche scientifique universitaire.

5.5   Chapitre 3.4: La dimension européenne des carrières dans la R&D

Dans ce chapitre, la Commission propose une analyse argumentée des opportunités, des missions et des problèmes liés à cet aspect de la profession de chercheur.

5.5.1

Les opportunités résident dans l'élargissement considérable du marché de l'emploi, qui revêt une importance particulière, tant personnelle qu'économique, en particulier pour les experts hautement spécialisés. Il convient en outre de souligner l'importance d'une «européanisation» du métier de chercheur pour la réalisation de l'objectif de la Commission, également soutenu par le Comité (29), à savoir «un ensemble de ressources matérielles et d'infrastructures optimisé à l'échelle de l'Europe».

5.5.2

Les risques sont liés, d'une part, à l'appréciation et à la reconnaissance appropriées, sur le marché «national», de l'expérience professionnelle acquise dans un autre État membre de l'UE, avec tous les avantages qui en découlent pour la poursuite de la carrière, et, d'autre part, au manque persistant de compatibilité/transférabilité/prise en compte des différents éléments de sécurité sociale (telles que l'assurance maladie, l'assurance en cas d'incapacité de travail, la pension de vieillesse/les droits à pension, les années de services antérieures entrant en ligne de compte pour le calcul de la pension, etc.).

5.5.3

Cela implique que des mesures adéquates soient prises afin de veiller à ce que les changements d'employeur, de lieu de séjour/d'État membre, de poste de travail dans les instituts publics de recherche de différents États membres, dans l'industrie, etc. qui sont souhaitables et caractérisent la carrière professionnelle type des chercheurs «européens», n'aient pas une incidence défavorable en ce qui concerne les exigences précitées — ce qui n'a pas toujours été le cas jusqu'à présent.

5.5.4

Il y a lieu, dans ce contexte, d'élaborer et de mettre en œuvre des solutions concrètes si l'on souhaite atteindre les objectifs fixés dans la communication de la Commission.

5.5.5

C'est pourquoi il est nécessaire, parallèlement à la mise en œuvre des programmes de recherche, d'adapter les salaires, les réglementations relatives à l'assurance vieillesse, à l'assurance maladie (!), aux frais de déménagement, de courtage immobilier, de rénovation et d'achat de terrain, à l'éducation des enfants, au maintien de la cohésion familiale (!), au chômage et à l'incapacité de travail, ainsi que les aspects fiscaux correspondants (30), aux conditions requises pour pouvoir poursuivre une carrière européenne de chercheur. Bon nombre des réglementations existantes (par exemple, le droit de mutation immobilière) ne sont justement pas favorables à la mobilité.

5.5.5.1

Il conviendrait en particulier de créer un système de retraite paneuropéen — ou de l'appliquer effectivement s'il a déjà été adopté —, afin que les droits acquis puissent être entièrement conservés ou transférés en cas de changement d'employeur et d'État membre, et ce, sans être mois avantageux dans l'ensemble.

5.5.5.2

L'activité professionnelle du conjoint ou du partenaire pose souvent un autre problème d'ordre général. Afin de ne pas menacer la cohésion familiale, il faudrait s'efforcer de rechercher ou de créer des possibilités pour que le conjoint puisse exercer un emploi ou une activité professionnelle adéquats. Une stratégie officielle (31) devrait être élaborée en la matière.

5.5.6

Cet avis est largement partagé par la Commission; elle écrit en effet: «Enfin, la promotion de la dimension européenne dans les carrières dans la R&D doit être intégrée dans un cadre juridique structuré et coordonné au niveau européen, garantissant aux chercheurs et à leur famille un niveau élevé de sécurité sociale pour réduire au minimum le risque de perdre les droits de sécurité sociale déjà acquis (remarque du Comité: il faudrait certainement veiller à supprimer ce risque!). Dans ce contexte, les chercheurs devraient pouvoir profiter des travaux en cours au niveau de l'UE visant à moderniser et simplifier la coordination des systèmes de sécurité sociale […]. À cet égard, les besoins spécifiques des chercheurs et de leur famille devraient être pleinement pris en compte».

5.5.7

Le Comité recommande toutefois, tant que ces objectifs ne sont pas atteints et/ou que les réglementations demandées ne sont pas en vigueur, d'aménager les programmes de mobilité concernés et leurs règlements d'application de manière à compenser non seulement les inconvénients qui existent toujours, mais également à créer des incitations supplémentaires allant encore plus loin. Ces incitations sont nécessaires non seulement pour rendre la carrière européenne de chercheur attrayante pour les scientifiques de pointe, mais également pour pouvoir, si possible, quand même attirer ou récupérer d'éminents chercheurs, travaillant par exemple aux États-Unis.

5.5.8

Afin que l'élargissement du marché du travail assez restreint (pour les scientifiques et les chercheurs à la recherche d'un emploi), dans le cadre de la réalisation d'un espace européen de la recherche, soit encore plus efficace, le Comité recommande à la Commission de développer systématiquement et de perfectionner sa plate-forme internet (32) dans le but de regrouper, de manière ordonnée et suffisamment détaillée, l'ensemble des offres d'emploi/appels d'offres pour des instituts/projets de recherche et universités, ainsi que des entreprises de l'UE (Ce point devrait aussi être ancré dans la «Charte»). Le Comité propose d'entrer également en contact avec les institutions des États membres assurant aussi cette mission dans leur pays.

5.6   Doctorants, doctorat et grade de docteur

La Commission aborde également la question des doctorants. Selon le Comité, cette question revêt plusieurs aspects, à savoir (i) le rôle et la situation des doctorants, et (ii) le besoin en scientifiques/ingénieurs/chercheurs possédant le grade de docteur.

5.6.1

Afin qu'un étudiant ait la chance de pouvoir mener à bien une thèse de doctorat, il est ordinairement indispensable qu'il ait terminé ses études scientifiques avec de très bons résultats.

5.6.2

Par conséquent, la thèse de doctorat peut donc être considérée, d'une part, comme une étape supplémentaire, complémentaire et d'approfondissement de la formation universitaire mais surtout, d'autre part, comme un certificat d'aptitude de haut niveau pour pouvoir mener une carrière de chercheur indépendante.

5.6.3

En outre, une thèse de doctorat apporte d'autres qualifications générales importantes, telles que l'aptitude à mener des recherches approfondies, l'aptitude à présenter par écrit et oralement, de façon compréhensible, des questions particulièrement complexes, ainsi que, dans les domaines des sciences naturelles et des sciences techniques, en particulier dans un environnement international, l'utilisation de la langue anglaise.

5.6.4

Les doctorants, considérés comme la «piétaille» (33) de la recherche universitaire, contribuent de manière essentielle et indispensable aux activités de recherche — et donc, à la mission déclarée — des universités et instituts de recherche similaires.

5.6.5

Ces chercheurs exigent donc à juste titre — sans toutefois être suffisamment entendus — que cette activité (34) soit reconnue comme activité professionnelle à part entière (rémunération, prestations sociales).

5.6.6

Une particularité inévitable de l'activité de doctorant est une certaine dépendance vis-à-vis du superviseur, chargé dans une large mesure d'évaluer le travail fourni.

5.6.6.1

La mission et la méthode du superviseur ne devraient toutefois pas diminuer l'attrait, voire la nécessité (considérée comme un critère essentiel) pour le doctorant d'un travail indépendant.

5.6.6.2

Cependant, la fonction et la mission du superviseur sont généralement très utiles, même si dans certains cas, elles peuvent présenter des possibilités d'abus. Celles-ci peuvent être dues par exemple à une rémunération insuffisante, et partant, donner lieu à des exigences démesurées, principalement dans l'intérêt du superviseur, entraînant un délai excessif pour obtenir le grade de docteur.

5.6.7

Le Comité recommande donc à la Commission d'envisager l'élaboration d'un code de conduite sur le rôle et le traitement des doctorants et d'intégrer celui-ci à la «Charte».

5.6.8

La Commission, dans sa communication, indique en outre que «les entreprises semblent désireuses d'employer des chercheurs sans diplôme de doctorat, estimant que les titulaires d'un tel diplôme sont trop spécialisés (35)».

5.6.9

Même si le fait que l'industrie préfère engager des jeunes universitaires fraîchement diplômés semble malheureusement s'avérer exact et constitue également un obstacle à la mobilité entre le monde universitaire et l'industrie, le Comité ne peut partager complètement ce point de vue. Tant dans l'industrie chimique de certains États membres que dans d'autres secteurs industriels technico-scientifiques, le doctorat obtenu avec mention, quand il n'est pas déjà un critère de recrutement, est généralement la condition sine qua non d'une carrière réussie (cela ne s'applique pas de manière générale aux ingénieurs diplômés).

5.6.10

Le doctorat est en tout cas une condition indispensable pour pouvoir ultérieurement occuper un emploi et faire carrière dans le milieu universitaire, y compris dans les instituts publics de recherche (cela ne s'applique pas de manière générale aux ingénieurs diplômés).

5.7   Attrait scientifique et excellence

5.7.1

Lorsque des jeunes optent pour le métier de chercheur et décident dans quel pays ils souhaitent travailler plus tard, il leur importe de savoir s'il existe pour l'exercice de leur profession des institutions attrayantes, de pointe, au sein desquelles travaillent d'éminents chercheurs, qui montrent l'exemple et posent des jalons.

5.7.2

Par conséquent, la société et le monde politique doivent veiller à ce que les conditions nécessaires à la naissance et au maintien de l'excellence et des prestations de pointe existent ou soient créées.

5.7.3

L'excellence et les élites sont toutefois le résultat d'un processus de développement et de sélection complexe, difficile et de longue haleine, qui se déroule selon des règles internes, et dans lequel interviennent de nombreux facteurs importants et connexes.

5.7.4

Les éléments déterminants sont l'exemple brillant du chercheur ayant particulièrement bien réussi, l'attrait des équipements et des structures, une gestion du personnel encourageant la créativité et l'imagination, la conscience de participer aux découvertes ou au développement de nouveautés, ainsi que l'espoir justifié de tous les acteurs concernés de pouvoir développer leur propre potentiel, d'apporter leur pierre à l'édifice et d'être reconnus pour leur travail.

5.7.5

Tout cela ne peut se développer et prospérer que grâce à une formation universitaire solide, étendue et de qualité, ainsi qu'un paysage de recherche caractérisé par une recherche fondamentale suffisante.

5.8   Une année européenne des chercheurs

5.8.1

Le Comité approuve et soutient l'intention de la Commission d'organiser dans un avenir proche une «année européenne des chercheurs».

5.8.2

Le Comité estime que cette initiative serait une bonne occasion de promouvoir la profession de chercheur et son importance pour la société et les objectifs de Lisbonne, et de s'efforcer en outre d'œuvrer pour une compréhension mutuelle approfondie entre la société civile et le monde scientifique.

5.8.3

Le Comité recommande d'associer également à cette mission les organisations concernées dans les États membres ainsi que les organisations scientifiques pertinentes, actives au niveau européen, et il se déclare prêt à apporter sa contribution en la matière.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  COM(2000) 6 final du 18.01.2000.

(2)  JO C 204 du 18.7.2000, p. 1.

(3)  JO C 221 du 7.8.2001 et JO C 95 du 23.4.2003.

(4)  JO C 204 du 18.7.2000.

(5)  Un échange mutuel de chercheurs entre l'Europe et les États-Unis, par exemple, est évidemment très utile et judicieux, ne fût-ce que pour l'échange d'expériences et la mise en réseau des savoirs et des méthodes. Cela ne doit toutefois pas donner lieu à un exode unilatéral des meilleurs jeunes chercheurs, comme cela tend à être le cas aujourd'hui compte tenu de la situation actuelle. En effet, la plus-value économique attendue, au lieu d'être exploitée dans l'UE, où d'importants investissements pour la formation ont été consentis, bénéficie de la sorte à une autre économie, parfois même concurrente.

(6)  Voir également le paragraphe 5.1.1.3.

(7)  Un aspect particulièrement important dans le cadre de cette comparaison est le montant des investissements dans la R&D (par exemple aux États-Unis) provenant en partie du budget de la défense pour alimenter la recherche scientifique et technique générale (recherche mixte).

(8)  JO C 260 du 17.9.2001.

(9)  JO C 221 du 7.8.2001, paragraphes 3.2.3 et 3.2.4.

(10)  Voir à ce sujet notamment Jürgen Enders (Ed.): Academic Staff in Europe: Changing Contexts and Conditions (2001).Westport, CT: Greenwood Press, 2001.

(11)  Voir également l'avis du Comité sur la «Communication de la Commission: Plus de recherche pour l'Europe — Objectif: 3 % du PIB».

(12)  Le Comité recommande également de se baser sur les expériences des institutions concernées des États membres, telles que la Fondation Humboldt.

(13)  Recueils de la jurisprudence de la Cour européenne de justice, 1996, pp. II-02041, IA-00553, II-01471.

(14)  Des grands équipements souvent très coûteux et demandant eux aussi des performances techniques pionnières sont toutefois nécessaires à cette fin.

(15)  JO C 221 du 7.8.2001, paragraphe 3.9.1.

(16)  Voir JO C 221 du 7.8.2001, paragraphe 4.7: «La recherche est un pas vers l'inconnu, et chaque individu, chaque groupe, choisit sa manière de procéder; ces méthodes varient et se complètent en fonction des besoins, des talents et des tempéraments. Les chercheurs sont des gestionnaires, des ingénieurs, des collectionneurs, des coupeurs de cheveux en quatre, ou des artistes. Faire de la recherche, c'est tâtonner dans le brouillard, deviner par intuition, mesurer un terrain inconnu, collecter et classer des informations, trouver de nouveaux signaux, déceler des relations et des modèles génériques, reconnaître de nouvelles corrélations, développer des modèles mathématiques, élaborer les concepts et la symbolique nécessaires, mettre au point et construire de nouveaux appareils, chercher des solutions simples et rechercher l'harmonie. C'est aussi confirmer, assurer, élargir, généraliser et reproduire».

(17)  Ainsi, la Max-Planck-Gesellschaft (Société Max Planck) n'a en règle générale pas recours aux appels d'offres pour rechercher ou recruter des scientifiques de haut niveau; elle tente plutôt de trouver le (la) candidat(e) le(la) mieux qualifié(e) pour la mission prévue parmi les chercheurs connus pour leurs prestations au sein de la communauté scientifique mondiale.

(18)  INT/197, CESE 1588/2003 du 10.12.2003, paragraphes 4.5.3 et 4.5.5.

(19)  JO C 204 du 18.7.2000. Voir le paragraphe 7.1: «Fondamentalement, la recherche et le développement forment un tout qui regroupe différents domaines de recherche et, par là, également différents stades du savoir pour d'éventuelles nouvelles technologies tels que la recherche fondamentale, la recherche appliquée, la recherche “encyclopédique” (par exemple en vue de compléter notre savoir sur les propriétés de certaines substances, les nouveaux matériaux, les substances actives, etc.), les évolutions de la technologie ainsi que le développement des produits et des procédés. L'innovation résulte de l'interaction et de l'enrichissement mutuel entre ces domaines de recherche que l'on ne peut séparer qu'artificiellement».

(20)  Voir également JO C 95 du 23.4.2003, points 8 et suivants de l'annexe.

(21)  Interview de M. D. VIESELLA, président du conseil d'administration de Novartis (Autriche), parue dans le Standard le 26.1.2004, p. 3.

(22)  Même parmi les chercheurs originaires par exemple de Russie, d'Inde ou de Chine, et travaillant pour des instituts de recherche de l'UE, les plus doués ont tendance, après quelques années de pratique professionnelle, à accepter des offres d'emploi aux États-Unis.

(23)  Les circonstances et les détails de la »carrière« dépeinte ici ne s'appliquent pas dans la même mesure à tous les États membres.

(24)  La situation est parfois plus compliquée encore en raison des règles relatives à la protection contre le licenciement.

(25)  JO C 95 du 23.4.2003.

(26)  Par exemple, le programme Lichtenberg de la Fondation Volkswagen.

(27)  Par exemple, la Juniorprofessur en Allemagne.

(28)  JO C 204 du 18.7.2000, paragraphe 8.2.2.

(29)  JO C 204 du 18.7.2000, paragraphe 9.6.

(30)  Dans certains États membres, les sommes accordées aux chercheurs en compensation des frais accrus de mobilité sont même imposables!

(31)  Conscientes de ce problème, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (»Communauté allemande de la «recherche») et la Stifterverband für die Deutsche Wissenschaft («Fédération des donateurs allemands pour la science) ont organisé une manifestation conjointe sur le thème de la double carrière. Voir à ce sujet les sites internet www.kowi.de et www.dfg.de/wissenschaftliche_karriere/focus/doppelkarriere_paare/index.html.

(32)  http://europa.eu.int/eracareers/index_en.cfm.

(33)  Ce terme est sans doute très parlant, mais est loin d'être toujours pertinent. En effet, une thèse de doctorat peut constituer une œuvre pionnière exceptionnelle. Ainsi, il est déjà arrivé que des thèses de doctorat présentent des découvertes ayant abouti à un prix Nobel (par exemple, R. MÖSSBAUER, prix Nobel en 1961; R.A. HULSE, prix Nobel en 1993).

(34)  Dans la mesure où il s'agit d'une activité professionnelle principale, et non, par exemple, exercée à titre complémentaire.

(35)  Cette affirmation est liée à la question de la politique de recrutement de l'industrie, abordée dans un paragraphe précédent. L'approche en question devrait être analysée de manière approfondie et améliorée dans la mesure du possible.


30.4.2004   

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C 110/14


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant les activités de certains pays tiers dans le domaine des transports maritimes (Version codifiée)»

(COM(2003) 732 final — 2003/0285 COD).

(2004/C 110/03)

Le 9 décembre 2003, le Conseil a décidé, conformément à l'article 71 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 3 février 2004. (rapporteur: M. RETUREAU).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 102 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Proposition de la Commission, base juridique

1.1

La proposition de décision soumise au Conseil des Ministres et au Parlement européen consiste en un exercice de codification de la décision 78/774/CEE du Conseil, du 19 septembre 1978 (1) concernant les activités de certains pays tiers dans le domaine des transports maritimes. La décision précitée a notamment été modifiée substantiellement par une décision 89/242/CE du Conseil du 5 avril 1989 (2) sur le même sujet.

1.2

La base juridique de la version codifiée consiste en une décision interne de la Commission du 1er avril 1987 (3), confirmée par les conclusions de la Présidence du Conseil européen d'Édimbourg, de décembre 1992 (partie A, annexe 3); la codification s'effectue conformément à la Communication de la Commission au Parlement et au Conseil sur la Codification de l'Acquis communautaire (4), c'est-à-dire à droit égal, tout en étant soumise à la procédure législative d'adoption en vigueur au moment de la codification.

1.3

La procédure d'adoption de la législation codifiée en l'espèce (transports maritimes) est fixée par les articles 80 et 251 TCE.

2.   Observations et conclusions du CESE

2.1

Le CESE a déjà eu l'occasion par le passé de s'exprimer dans divers avis (5) sur le fond du problème traité par la version codifiée, reprenant sans modification de fond des textes antérieurs qui visent à identifier les pratiques éventuelles de dumping initiées par certains pays tiers en matière de transports maritimes et portant atteinte aux intérêts des transporteurs communautaires afin de prendre, le cas échéant, des contre-mesures appropriées. Il n'est donc pas utile ici d'y revenir.

2.2

La codification vise à améliorer la clarté et la transparence du droit communautaire, s'agissant en particulier de dispositions modifiées au cours du temps et dispersées entre l'acte originaire et les actes modificatifs ultérieurs; elle offre ainsi une sécurité juridique accrue au moment de la codification pour les destinataires et usagers du droit communautaire.

2.3

Le Comité approuve et encourage les efforts de simplification de l'acquis communautaire, et notamment les procédures de consolidation et de codification du droit en vigueur. Ces efforts contribuent à une bonne gouvernance démocratique en facilitant la compréhension de l'acquis communautaire et sa bonne application.

2.4

Dans le cas examiné ici, la proposition de codification s'appuie sur une consolidation préalable effectuée par l'Office des Publications Officielles des CE. Un tableau de correspondance annexé indique la corrélation entre l'ancienne et la nouvelle numérotation des articles de la Décision.

2.5

La base juridique et la procédure législative proposées sont pleinement conformes au droit communautaire en vigueur.

2.6

Le Comité approuve et appuie en conséquence la proposition de codification qui lui est soumise pour avis et recommande son adoption au législateur.

Bruxelles, le 25février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  JO no L258 du 21 septembre 1978 p. 35-36.

(2)  JO no L097 du 11 avril 1989 p. 47.

(3)  COM(1987) 868 PV.

(4)  COM(2001) 645 final.

(5)  Avis d'initiative sur les problèmes des transports en relation avec les pays de l'Est (JO C59 du 8 mars 1978 p. 10-13), avis sur le projet de décision 78/774 (JO C269 p. 56 du 13 novembre 1978, avis sur le projet de modification de la décision 78/774 (JO C105 p. 20-21 du 16 avril 1979, avis sur le projet de modification de la décision 78/774/1978 (JO C71 p. 25 du 20 mars 1989).


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C 110/16


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'air ambiant»

(COM(2003) 423 final – 2003/0164 (COD))

(2004/C 110/04)

Le 29 août 2003, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions des articles 95 et 251 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2004 (rapporteur: M. McDONOGH).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 101 voix pour et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La directive 96/62/CE du Conseil concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant (la directive-cadre sur la qualité de l'air) trace le cadre de la législation communautaire à venir sur la qualité de l'air.

1.2

L'annexe I de la directive 96/62/CE prévoit de réglementer la qualité de l'air ambiant concernant l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) en définissant des critères et des techniques d'évaluation de la qualité de l'air ambiant et en arrêtant des dispositions pour la transmission des informations à la Commission et au public.

1.3

La proposition de la Commission à l'examen remplit les obligations imposées par la directive 96/62/CE en introduisant une législation relative aux métaux lourds mentionnés à l'annexe I, qui sont des agents cancérogènes connus ou supposés pour l'homme, et pour lesquels il n'existe pas de seuil identifiable concernant leurs effets nocifs sur la santé des personnes.

2.   Contenu essentiel de la proposition

2.1

La proposition de la Commission reconnaît qu'il n'existe pas de mesure économiquement rentable pour respecter partout des niveaux de concentration qui ne génèrent pas d'effets nuisibles pour la santé des personnes. Par conséquent, elle ne suit pas à la lettre la directive 96/62/CE qui prévoit la fixation de valeurs limites obligatoires.

2.2

La proposition prévoit une surveillance obligatoire là où les concentrations dépassent les seuils d'évaluation suivants:

6 ng d'arsenic/m3,

5 ng de cadmium/m3,

20 ng de nickel/m3,

1 ng de benzo(a)pyrène (BaP)/m3.

Des concentrations inférieures à ces valeurs réduiraient au minimum les effets nocifs pour la santé des personnes. Par conséquent, seule une surveillance indicative de ces métaux lourds sur un nombre limité de sites spécifiques est requise lorsque les seuils d'évaluation ci-dessus ne sont pas dépassés.

2.3

En ce qui concerne le mercure, la Commission considère qu'il convient d'examiner les indices relatifs à l'exposition totale le moment venu, et que cet examen devrait porter spécialement sur les relations entre la source et le récepteur et sur la transformation du mercure dans l'environnement.

2.4

Les États membres ont le devoir d'informer la Commission et le public de tout dépassement de la valeur cible, des raisons de celui-ci et des mesures prises à cet égard.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité reconnaît qu'il est particulièrement difficile de fixer des objectifs puisqu'il n'existe pas de seuil connu permettant d'évaluer les effets nocifs sur la santé des personnes. Étant donné que les effets de ces polluants sur la santé des personnes et l'environnement s'exercent à travers les concentrations dans l'air ambiant et le dépôt dans les environnements terrestre et aquatique, et que le dépôt dans l'environnement terrestre peut également avoir une influence sur la qualité et la fertilité des sols ainsi que sur la contamination de la végétation, le Comité approuve la proposition de la Commission.

3.2

Le Comité partage l'avis de la Commission, qui considère sa proposition comme «ambitieuse et pratique». Par conséquent, il estime également essentiel que les objectifs soient révisés en temps opportun, car de nombreuses questions relatives au devenir et au comportement des métaux lourds et des composés organiques persistants sont encore mal comprises, en particulier en ce qui concerne le mercure.

4.   Observations spécifiques

4.1

Le Comité attire l'attention sur le fait que les concentrations dans l'air ambiant rapportées dans la proposition sont des valeurs moyennes pour l'UE-15, et qu'il existe des variations spatiales, voire saisonnières pour certains polluants. Ainsi, les concentrations de BaP, composé lourd de HAP, sont beaucoup plus élevées en hiver en raison de l'utilisation accrue de combustibles pour le chauffage domestique. Cela peut entraîner un dépassement de la valeur cible pendant une partie importante de l'année, même si la moyenne annuelle est conforme à la valeur limite.

4.1.1

Il est aussi probable que les seuils d'évaluation proposés pour les métaux lourds (et les valeurs cibles pour le BaP) seront dépassés à proximité de certaines installations industrielles et dans la plupart des sites ruraux pendant les mois d'hiver, lorsque la demande pour le chauffage de locaux est élevée. En conséquence, un certain nombre de sous-populations dans l'UE pourraient être exposées en permanence à des niveaux de pollution dans l'air ambiant supérieurs aux limites souhaitables. Ces propositions ne garantissent donc pas une protection adéquate (en tout cas à court terme) de certaines parties de la population.

4.2

Les données relatives aux émissions auxquelles se réfère la proposition de directive datant de 1990, le Comité estime que la Commission devrait envisager l'intégration de données plus récentes, qui permettraient d'identifier des tendances pour les quelque dix dernières années. Cela permettrait également d'identifier les diminutions éventuelles des émissions aux sources principales.

4.3

Le BaP a été choisi comme traceur du risque cancérogène, bien qu'il ne soit que l'un des 16 composés de HAP prioritaires généralement mesurés. La liste de la CEE-ONU, par exemple, contient 3 autres composés traceurs. Le CESE est d'avis qu'afin de garantir la compatibilité (et la comparabilité) de la 4ème directive-fille avec d'autres accords internationaux (tels que le protocole de la CEE-ONU sur les POP), il conviendrait d'envisager l'inclusion d'autres composés de HAP dans la directive.

4.4

Le Comité estime que les sources diffuses telles que le chauffage domestique (importantes en ce qui concerne les composés de HAP) sont plus difficiles à contrôler et entraînent donc des coûts plus élevés. D'autres mesures visant à contrôler les émissions mobiles (par exemple, l'amélioration de la qualité des combustibles pour réduire les émissions de particules) contribueront également à la réduction des concentrations dans l'air ambiant. Il semble que l'optimisation des poêles/brûleurs domestiques pour contrôler les émissions de BaP permettrait de réduire les expositions, en particulier dans les zones rurales. Une modernisation rétroactive des poêles existants entraînerait probablement des coûts excessifs mais il conviendrait de prévoir des spécifications pour les nouveaux poêles, chaudières et appareils de chauffage afin de garantir une réduction future des émissions.

4.5

Selon le Comité, il est clair qu'il convient de poursuivre l'évaluation des sources potentielles de ces polluants dans les dix pays adhérents et que les émissions de ces derniers influencent probablement la qualité de l'air ambiant dans toute l'Europe. Ces pays doivent donc être encouragés à se conformer à la directive en temps utile, et bénéficier, si nécessaire, d'une aide à cette fin, pour réduire au minimum la pollution transfrontalière.

4.6

Le Comité est conscient du fait que d'après les calculs de coûts et d'avantages, la mise en conformité des principales sources d'émissions nécessiterait des investissements considérables. Ces investissements pourraient avoir de graves conséquences pour l'industrie, et entraîner une perte de compétitivité. La Commission doit donc veiller à trouver un équilibre entre les incidences économiques et les bénéfices pour la santé des personnes lorsqu'elle mettra la directive en œuvre, même si des mesures difficiles sont nécessaires pour améliorer la qualité de l'air, réduire les expositions et améliorer la santé des personnes.

4.7

Le Comité estime également qu'une part importante de la mise en œuvre de cette proposition de 4ème directive-fille consistera à informer le public de la qualité de l'air local en ce qui concerne ces polluants. Toutefois, il est impératif de fournir au public les outils nécessaires pour interpréter et comprendre ces données.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


30.4.2004   

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C 110/18


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires»

(COM(2003) 424 final — 2003/0165 COD))

(2004/C 110/05)

Le 29 juillet 2003, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions des articles 95 et 251 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de la préparation des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2004 (rapporteuse: Mme DAVISON).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant à l'unanimité.

1.   Introduction

1.1

Le CESE se félicite globalement du règlement de la Commission et de l'accent qu'il place sur la nutrition et la santé. Cela intervient au moment où l'OMS (zone Europe) indique que 20 à 30 % des adultes connaissent des problèmes de surpoids et que la mauvaise alimentation et le manque d'activité physique sont également liés aux pathologies cardiovasculaires. Les gouvernements, à leur tour, admettent de plus en plus qu'il existe une relation entre l'alimentation, la santé et le bien-être et reconnaissent les conséquences de la mauvaise santé sur les économies nationales.

1.2

La proposition de règlement sur les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires arrive au moment où l'alimentation, les régimes et la santé font la une des journaux, les consommateurs ayant plus que jamais besoin d'informations précises et probantes leur permettant de faire des choix éclairés. Pour le CESE, l'information et la protection des consommateurs revêtent une importance majeure.

1.3

Dans ce contexte, la Commission a proposé en premier lieu, en tant que supplément à la directive 2000/13/CE relative à l'étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires ainsi qu'à la publicité faite à leur égard, ce règlement qui fixe des critères pour les producteurs souhaitant, sur une base volontaire, recourir à de telles allégations. L'intention est d'instaurer des règles équitables dans un domaine où l'interprétation varie d'un pays à l'autre et de fournir des informations objectives aux consommateurs. Elle permet ainsi de surmonter certains problèmes dus au manque de clarté à cet égard de l'actuelle directive sur la publicité actuelle.

2.   Résumé de la proposition

2.1

La directive 2000/13/CE interdit de manière générale l'emploi d'informations qui induiraient l'acheteur en erreur ou attribueraient aux denrées alimentaires des vertus médicinales. Le nouveau règlement contiendrait des orientations plus spécifiques concernant les allégations nutritionnelles et de santé. Leur nécessité s'est imposée en raison du nombre croissant de ces allégations, dont certaines sont douteuses du fait de l'absence de données scientifiques claires pour les étayer. En outre, l'étiquetage actuel tend souvent à semer la confusion chez les consommateurs (1).

2.2

La présente proposition vise essentiellement à:

garantir un niveau élevé de protection des consommateurs par la communication d'informations complémentaires facultatives, en plus des informations prescrites par la législation communautaire;

faciliter la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur;

augmenter la sécurité juridique pour les acteurs économiques;

garantir une concurrence loyale dans le domaine des aliments; et

promouvoir et protéger l'innovation dans le domaine des aliments.

2.3

L'article 3 de la proposition de règlement dispose que les allégations nutritionnelles et de santé ne doivent pas:

a)

être inexactes ou trompeuses;

b)

susciter des doutes quant à la sécurité et/ou l'adéquation nutritionnelle d'autres denrées alimentaires;

c)

affirmer ou impliquer qu'une alimentation équilibrée et variée ne peut, en général, fournir des nutriments en quantité appropriée;

d)

mentionner des modifications des fonctions corporelles en des termes inappropriés ou alarmants, sous la forme soit de texte, soit d'images, d'éléments graphiques ou de symboles.

2.4

L'article 4 prévoit un profil nutritionnel minimal que les denrées alimentaires doivent présenter pour pouvoir porter des allégations nutritionnelles ou de santé — par exemple, les boissons alcoolisées ne peuvent pas porter d'allégations de santé ni d'allégations nutritionnelles sauf si elles concernent une réduction de la teneur en alcool ou du contenu énergétique.

2.5

Il ne peut y avoir d'allégations nutritionnelles et de santé que si l'on peut prouver scientifiquement un effet nutritionnel ou physiologique bénéfique, tel qu'établi par des données scientifiques généralement admises et mises à jour en fonction des avancées technologiques, et lorsque l'impact est important et l'allégation peut être comprise du consommateur.

2.6

Les allégations de santé doivent être assorties d'autres informations, telles qu'une indication sur l'alimentation et le mode de vie.

2.7

Ne sont pas admises les allégations faisant référence aux fonctions psychologiques et comportementales, à l'amaigrissement ou au contrôle du poids, aux conseils formulés par des professionnels de la santé ou des associations philanthropiques. Elles ne peuvent pas non plus donner à penser que la non-consommation de la denrée alimentaire pourrait être préjudiciable à la santé. Les allégations relatives à la réduction d'un risque de maladie doivent faire l'objet d'une autorisation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et il doit être clairement mentionné que les maladies ont de multiples facteurs de risque.

2.8

L'annexe dresse la liste des allégations nutritionnelles et des conditions applicables à celles-ci.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE se félicite de cette proposition de cadre réglementaire européen dans le double intérêt de la protection du consommateur et de l'harmonisation du marché intérieur. Il reconnaît la nécessité de traiter le problème des différences qui persistent actuellement entre les législations nationales du fait de codes de conduite nationaux basés sur l'autoréglementation. Le nouveau règlement sera l'instrument législatif nécessaire pour garantir un effet direct et identique dans tous les États membres.

3.2

Il se peut néanmoins que les produits importés puissent enfreindre la réglementation tant en termes d'allégations que d'étiquetage lorsque aucune langue européenne ne figure sur l'étiquette. L'inquiétude du CESE concerne également les produits achetés via Internet et provenant de pays hors UE.

3.3

Le CESE souligne la nécessité pour la législation d'être proportionnée, prévisible, correctement appliquée et surtout pratique, et s'inquiète du fait que certaines dispositions liées à la justification des allégations puissent être inutilement complexes, voire pesantes. Il faut instaurer des procédures réalisables assorties de calendriers clairs, qui évitent des retards inutiles dans le processus d'autorisation. Le CESE redoute une charge opérationnelle excessive sur l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

3.4

Le CESE souligne que la législation doit aller de pair avec l'éducation des consommateurs tout au long de la vie, qui inclut l'acceptation de la responsabilité personnelle. À l'heure où l'obésité, notamment, gagne rapidement du terrain, même chez les jeunes enfants, il convient de souligner l'importance d'une alimentation équilibrée, sans pour autant se priver du plaisir de la table. Cela doit également aller de pair avec l'exercice. Le CESE admet qu'adresser ce message essentiel d'équilibre et de modération aux consommateurs constitue un défi.

3.5

Le Comité reconnaît néanmoins que tous les acteurs concernés (producteurs, distributeurs et détaillants, organes chargés de l'application des normes commerciales, administrations, organisations professionnelles, sociales et de consommateurs) doivent prendre leurs responsabilités et les coordonner dès que possible. Le soutien des médias est essentiel pour une communication grand public.

3.6

Le CESE souligne également la nécessité d'encourager les États membres à développer des programmes d'éducation à la consommation dans les écoles, en les intégrant à des enseignements existants tels que les langues, l'économie ménagère ou l'éducation civique, et cela dès le plus jeune âge. D'autres groupes, tels que les personnes âgées, les personnes handicapées et les minorités ethniques, ont également besoin d'être aidés par les organisations sociales locales. Des exemples de bonnes pratiques pourraient être regroupés et comparés au niveau communautaire.

3.6.1

Le CESE encourage la Commission à promouvoir des campagnes en matière de santé et d'alimentation à travers son programme de santé publique.

3.7

Le CESE estime la valeur d'une alimentation globalement équilibrée et modérée plus importante qu'une catégorisation excessive des produits alimentaires en «bons» ou «mauvais». La Commission doit être plus précise dans ses propositions à l'article 4 relatif au profil nutritionnel, afin que les producteurs sachent exactement comment opérer.

4.   Observations spécifiques

4.1

Article premier, paragraphe 2. Le CESE approuve l'inclusion des allégations dans la restauration collective (hôpitaux, restaurants et écoles) étant donné le grand nombre de consommateurs concernés, vulnérables pour bon nombre d'entre eux. Il doute cependant de la faisabilité de cette proposition, tant sur le plan de la mise en œuvre de la réglementation que du contrôle de son respect.

4.1.1

Paragraphe 4. Le CESE souligne l'importance toute particulière des denrées alimentaires répondant aux besoins nutritionnels spécifiques de certaines catégories de consommateurs vulnérables.

4.2

Article 2, définitions, paragraphe 1. Le CESE se demande si des noms de marques peuvent être créés pour exprimer des caractéristiques nutritionnelles ou médicales particulières afin d'éviter de justifier les allégations implicites.

4.2.1

Paragraphe 2. Le sodium fait partie des nutriments énumérés. Il convient de clarifier les références au sel et au sodium, qui prêtent à confusion.

4.2.2

Paragraphe 3. La définition fournie est générique et difficile à déterminer, ce pourquoi il conviendrait de spécifier qu'il est fait référence à toute substance ayant un effet nutritionnel ou physiologique, y compris les éléments probiotiques et les enzymes contenus dans de nombreux aliments tels que le yaourt, le miel, etc.

4.2.3

Paragraphe 8. Le CESE remarque que la Commission tire sa définition du «consommateur moyen» de celle de la CJCE. Il est préoccupé par le fait que de nombreux consommateurs, peu scolarisés et dotés de faibles compétences alimentaires, ne sont pas en mesure de comprendre les implications de certaines allégations, notamment lorsqu'elles comportent des pourcentages, ni leur étiquetage.

4.3

Article 4, paragraphe 1. Le CESE note que cet article relatif au profil nutritionnel ne figurait pas dans la première version de la proposition. Bien qu'il soit défendu par l'OMS et les États membres, l'industrie alimentaire le juge impossible à mettre en pratique et inutilement restrictif, et estime que les consommateurs devraient être responsables de leurs propres choix en ce qui concerne leur régime alimentaire global. Le CESE reconnaît cependant que les consommateurs sont tellement influencés par les allégations de bénéfices spécifiques et confirmés figurant sur les denrées alimentaires (par exemple: faible teneur en matières grasses, en sucre ou en sel) qu'ils peuvent ne pas tenir compte du fait que ces mêmes aliments peuvent également contenir des doses élevées de nutriments indésirables. Par exemple, une crème glacée achetée parce qu'elle ne contient que 2 % de matières grasses peut contenir du sucre en quantité élevée, ce dont le consommateur ne tiendra pas compte. La proposition de la Commission, qui met l'accent sur une «vertu» confirmée du produit en omettant ses «vices», permettra de fournir des renseignements certes véridiques et exacts, mais néanmoins trompeurs pour le consommateur.

4.3.1

Par conséquent, le CESE demande instamment à la Commission de clarifier ses propositions en matière de profil nutritionnel et, comme compromis provisoire, de limiter les allégations de santé sur les denrées alimentaires contenant des ingrédients qui sont propices à la surconsommation et susceptibles de provoquer des effets indésirables sur la santé.

4.3.2

Le CESE reconnaît qu'il y aura des zones grises, certains produits se trouvant à la limite (tels que les jus de fruits et le lait entier) et nécessitant une évaluation spécifique par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

4.4

Article 6, paragraphe 3. Le rôle des «autorités compétentes», auxquelles il est également fait référence à l'article 24, devrait être élargi et il conviendrait de définir leur relation avec l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

4.5

Chapitre III. Le CESE reconnaît qu'il est nécessaire d'établir des comparaisons, mais souligne que la taille de la police de caractères utilisée pour ce faire doit être lisible (par exemple: la mention «30 % de matières grasses en moins» et en minuscules «par rapport à la marque standard» ). En outre, la proposition devrait préciser clairement que les fabricants ne sont pas tenus d'énumérer les composants absents de leur produit (par exemple: «ce produit ne contient pas de vitamine A ou C»).

4.6

Chapitre IV, article 10. Le CESE se félicite des conditions spécifiques à respecter pour les allégations de santé car il faut prêter une attention accrue aux produits pouvant faire l'objet d'un choix davantage émotionnel que d'autres et pour lesquels la méconnaissance des termes scientifiques employés est plus grande. Il souhaiterait que la Commission fasse en sorte que les allégations utilisées concernent exclusivement le produit en question, et non d'autres utilisés en accompagnement (par exemple: certaines céréales pour petit-déjeuner prétendent contribuer à la «santé des os», alors que c'est le lait qui apporte le calcium).

4.7

Article 11, paragraphe 1, point d). Le CESE reconnaît le rôle de certaines organisations professionnelles et caritatives dans la promotion d'une alimentation saine pour prévenir certaines pathologies. Leur contribution est la bienvenue, si elles désirent fournir des conseils de spécialistes. Néanmoins, il faut surveiller leur éventuelle dépendance par rapport à un soutien financier ou un sponsoring. En effet, elles peuvent soutenir des produits alimentaires dans le cadre de simples campagnes de promotion qui ne sont basées sur aucun critère ou ne sont pas ouvertes aux marques concurrentes. En outre, il convient de définir des critères clairs pour l'acceptabilité des opérations de sponsoring.

4.8

Le CESE se demande si des allégations sur la santé en général ou le bien-être (par exemple: «sans colorant») ou des allégations relatives à l'amaigrissement sont acceptables si elles satisfont aux conditions formulées.

4.9

Article 14, paragraphe 1 c). Il est souvent fait référence à la mise à disposition de documentation pour le public. Le CESE approuve cette transparence mais espère que des efforts seront consentis pour toucher le grand public (voir également article 15, paragraphe 6 et article 17, paragraphe 2).

4.9.1

Paragraphe 2. Le CESE a l'impression que les procédures d'autorisation définies par la Commission sont inutilement complexes. Les précédentes procédures d'autorisation pourraient être modifiées et l'on pourrait davantage se fier au registre de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Il se demande également si le fonctionnement de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne sera pas ralenti par ces nouvelles procédures. Il convient de clarifier le libellé du paragraphe 2: le CESE propose que les allégations seules soient traduites dans les langues officielles de l'UE et que les entreprises du secteur bénéficient de souplesse en matière de traduction à des fins de commercialisation. De même, en ce qui concerne l'article 15, le CESE se demande si les délais sont raisonnables ou trop longs, ce qui entraînerait des retards inutiles dans la procédure d'autorisation dans la mesure où les articles 1 et 2 laissent à l'EFSA le soin du contrôle des délais.

4.10

Annexe. Le CESE se félicite de l'inclusion de l'annexe qui tente de clarifier les définitions et de fournir un guide pratique à l'attention des fabricants. Il reconnaît la nécessité, du fait de la mondialisation, que cette annexe tienne dûment compte des recommandations du Codex alimentarius et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il demande à la Commission de procéder immédiatement à une clarification détaillée de chaque clause (sur l'utilisation du terme «naturel», par exemple) avant l'adoption du règlement et tant qu'il est encore possible de le modifier. Le Comité conteste l'interprétation du terme «allégé/light» faite par la Commission car les consommateurs le comprennent davantage dans le sens «faible teneur en…» que «teneur réduite en…».

5.   Conclusion

5.1

Le CESE considère que cette proposition constitue un grand pas en avant en matière de protection des consommateurs et d'harmonisation des règles du marché intérieur. Il attend que des progrès soient réalisés en matière d'étiquetage nutritionnel, tout en admettant que ce n'est pas la seule solution au problème de la communication avec les consommateurs.

5.2

Le CESE appuie l'objectif général de cette proposition, mais souligne la nécessité de simplifier les procédures et d'examiner minutieusement les délais. De plus, il recommande en l'espèce certains compromis, qui pourraient être nécessaires pour équilibrer l'exigence qu'ont les consommateurs de disposer de plus d'informations probantes et la nécessité pour les industriels d'opérer sur un marché sans contraintes excessives. Le Comité souligne la contribution importante de l'éducation des consommateurs et le rôle que doivent jouer tous les acteurs concernés dans sa promotion.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Voir l'étude de l'association de consommateurs britannique Consumers' Association, avril 2000.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil établissant les règles de police sanitaire relatives à l'importation, dans la Communauté, de certains ongulés vivants et modifiant les directives 90/426/CEE et 92/65/CEE»

(COM(2003) 570 final —2003/0224 CNS)

(2004/C 110/06)

Le 16 octobre 2003, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de la préparation des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2004 (rapporteur: M. DONNELLY).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 106 voix pour et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Les épidémies de fièvre aphteuse et de peste porcine classique que l'Union européenne a connues ces dernières années ont amené les responsables à revoir en profondeur les mesures communautaires destinées à lutter contre ces maladies des animaux et à en prévenir l'apparition. Pour parer au risque de résurgence, la Commission propose de rationaliser, de renforcer et de mettre à jour la législation concernant l'importation, dans la Communauté, d'animaux sauvages et domestiques des espèces sensibles à la fièvre aphteuse comme à la peste porcine classique et des espèces sensibles à l'une des deux maladies.

1.2

La directive 72/462/CEE (1) du Conseil du 12 décembre 1972 concernant des problèmes sanitaires et de police sanitaire lors de l'importation d'animaux des espèces bovine, porcine, ovine et caprine, de viandes fraîches ou de produits à base de viande en provenance des pays tiers assure un niveau élevé de protection de la santé animale par le biais d'exigences sanitaires générales à remplir lors de certaines importations en provenance de pays tiers. Cependant, dans le train de propositions sur l'hygiène, la directive 2002/99/CE (2) du Conseil fixant les règles de police sanitaire régissant la production, la transformation, la distribution et l'introduction des produits d'origine animale destinés à la consommation humaine remplacera la directive 72/462 pour ce qui concerne les exigences applicables à la viande et aux produits à base de viande. Cette proposition sur l'importation des ongulés vivants et la modification des directives 90/426/CEE (3) et 92/65/CEE (4) finira par annuler la directive 72/462/CEE du Conseil.

1.3

En application de la directive 90/426/CEE du Conseil du 26 juin 1990 relative aux conditions de police sanitaire régissant les mouvements d'équidés et les importations d'équidés en provenance des pays tiers, les importations d'équidés à destination de la Communauté ne sont autorisées qu'en provenance des pays tiers figurant sur une liste établie conformément à la directive 72/462/CEE. Par conséquent, des modifications seront nécessaires afin de satisfaire aux nouvelles exigences résultant de la procédure d'actualisation et de consolidation.

1.4

La directive 92/65/CEE du Conseil du 13 juillet 1992 définissant les conditions de police sanitaire régissant les échanges et les importations dans la Communauté d'animaux, de spermes, d'ovules et d'embryons non soumis, en ce qui concerne les conditions de police sanitaire, aux réglementations communautaires spécifiques visées à l'annexe A section I de la directive 90/426/CEE établit les conditions d'importation, dans la Communauté, des ongulés autres que les animaux domestiques des espèces bovine, ovine, caprine, porcine et équine. Cette directive devra être amendée, la nouvelle proposition fixant des règles pour les ongulés sauvages aussi bien que domestiques. Il est également nécessaire de modifier la directive 92/65/CEE du Conseil afin de refléter les critères de la nouvelle proposition concernant l'établissement d'une liste de pays tiers autorisés.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1

Cette proposition établit les exigences de police sanitaire applicables à l'importation, dans la Communauté, d'ongulés vivants des espèces énumérées à l'annexe A.

2.2

La proposition consolide, dans un texte unique, les conditions de police sanitaire concernant l'ensemble des ongulés, y compris les dispositions communautaires en matière de protection animale.

2.3

De plus, la proposition clarifie les conditions d'octroi aux pays tiers d'autorisations en vue de l'exportation d'équidés (chevaux) à destination de l'Union européenne et modifie en conséquence les directives 90/426/CEE et 92/65/CEE.

2.4

L'article 4 définit les conditions particulières à prendre en compte lors de l'établissement de la liste des pays tiers autorisés, y compris les expériences antérieures d'importation et les audits des pays tiers.

2.5

Les articles 8 et 9 prévoient des dérogations afin de permettre une certaine souplesse lorsque les animaux voyagent dans le cadre de salons et d'évènements sportifs, par exemple.

2.6

La proposition envisage des contrôles et des audits des pays tiers par la Commission afin de vérifier leur conformité ou équivalence aux règles communautaires en matière de santé animale.

2.7

Il est proposé que cette directive tienne compte des nouvelles procédures de comitologie établies par le règlement (CE) no 178/2002 (5) définissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE se félicite de cette proposition qui s'inscrit dans le cadre de la révision en cours des mesures communautaires visant à prévenir et à combattre la fièvre aphteuse et la peste porcine classique.

3.2

Le CESE soutient le principe de consolidation, dans une directive unique, des textes régissant l'importation des ongulés sauvages et domestiques.

3.3

Le CESE est également très favorable à l'intégration, dans cette proposition, des exigences générales en matière de protection des animaux de la directive 91/628/CEE (6) du Conseil sur la protection des animaux lors du transport, notamment en ce qui concerne l'abreuvement et l'alimentation.

3.4

Le CESE se félicite du recours aux nouvelles procédures de comitologie, ce qui permet de réagir en temps utile dans le cas des actions basées sur des conseils scientifiques.

4.   Observations spécifiques

4.1

Le CESE admet que la flexibilité sous forme de dérogations est souhaitable mais il souligne que les dérogations ne devraient être accordées qu'au cas par cas pour ne pas accroître le risque d'importation de maladies.

4.2

Le CESE reconnaît l'existence de nouveaux risques potentiels nés de la modification des frontières de l'UE suite à l'élargissement; il recommande donc à la Commission de débloquer des ressources suffisantes pour le contrôle et l'audit dans les pays tiers.

5.   Conclusions

5.1

Le CESE appuie la proposition de la Commission, pour protéger la santé des animaux et assurer la cohérence des dispositions communautaires.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  JO L 302 du 31.12.1972, p. 28 à 54.

(2)  JO L 018 du 23.01.2003, p. 11 à 20.

(3)  JO L 224 du 18.08.1990, p. 42 à 54.

(4)  JO L 268 du 14.09.1992, p. 54 à 72.

(5)  JO L 31 du 01.02.2002, p. 1 à 24.

(6)  JO L 340 du 11.12.1991, p. 17 à 27.


30.4.2004   

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C 110/24


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table et modifiant le règlement (CEE) no 827/68»

(COM(2003) 698 final — 2003/0279 CNS)

(2004/C 110/07)

Le 1er décembre 2003, le Conseil a décidé, conformément à l'article 36 et au troisième alinéa du paragraphe 2 de l'article 37 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2004 (rapporteuse: Mme Maria Luísa SANTIAGO).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 103 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La Commission propose de modifier le règlement no 136/66/CEE sur les matières grasses, qui ne sera plus en vigueur à compter du 1er novembre 2004. Le nouveau règlement régit les secteurs de l'huile d'olive et des olives de table et prévoit des mesures relatives au marché intérieur, aux échanges avec les pays tiers et à la promotion de la qualité au sens large. La Commission propose qu'à partir de 2005, la campagne de commercialisation pour l'huile d'olive débute le 1er juillet de chaque année, après une campagne de commercialisation transitoire de 8 mois en 2004. Elle suggère également de conserver les mesures actuelles de stockage privé et de supprimer les restitutions à l'exportation et à la fabrication de denrées alimentaires conservées dans l'huile d'olive. Les mesures existantes en matière de qualité et de traçabilité doivent également être renforcées.

2.   Observations générales

2.1

Le CESE se félicite de la simplification législative de la nouvelle proposition, sur laquelle il formule néanmoins les observations suivantes:

2.2

Organisations d'opérateurs, article 7 — Les organisations professionnelles agréées ne devraient englober que les organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles agréées et uniquement celles-ci. Nous pensons qu'ainsi les intérêts des producteurs et des transformateurs seraient mieux défendus qu'ils ne le sont actuellement avec l'intervention de personnes extérieures au secteur.

2.3

Programmes de divulgation, article 8 — Les programmes de trois ans destinés à l'amélioration de la qualité, de l'incidence environnementale de l'oléiculture ainsi que de la diffusion d'informations et de la promotion devraient également pouvoir être réalisés dans des pays tiers et des états membres, qui sont déjà producteurs ou qui commencent à produire ou encore qui sont nouveaux consommateurs ou consommateurs potentiels comme la France, l'Australie, le Pérou et d'autres.

2.3.1

Le CESE estime que la promotion de la stratégie de la qualité pour l'huile d'olive est extrêmement importante pour le secteur et il souligne la nécessité d'un renforcement financier pour les mesures y relatives, qui seraient plus efficaces si elles étaient intégrées dans l'OCM correspondante.

2.3.2

Le CESE attire l'attention de la Commission sur le travail important qui a été réalisé par le Conseil oléicole international (COI) relativement à des questions aussi importantes que la promotion et l'amélioration de la qualité de l'huile d'olive, et il insiste sur le fait que, au moyen de contrôles adéquats, le COI doit continuer à développer ces activités.

2.3.3

Le CESE considère qu'il faudrait inclure, parmi les programmes d'activités des organisations professionnelles, les actions orientées vers la concentration de l'offre et la commercialisation des huiles mises en bouteille sous une marque propre par les producteurs.

2.4

Régime d'échanges avec les pays tiers, article 11 — La suspension totale ou partielle des droits de douane pour l'huile d'olive ne semble pas nécessaire pour un produit non périssable et sur un marché en expansion. La Commission justifie cette mesure au considérant 14 de sa proposition en invoquant la nécessité de garantir un approvisionnement approprié du marché intérieur, tout en soulignant le fait que les exportations d'huile d'olive ont doublé ces dix dernières années.

2.5

Restitutions aux exportations — Il serait prudent de les maintenir pendant une durée déterminée, pour avoir le temps de connaître l'impact de la réforme actuelle sur l'évolution tant de la production que des prix de l'huile d'olive produite dans l'EU. Le maintien de ce régime, qui dans la pratique n'a pas d'incidence financière dès lors que les restitutions sont fixées à zéro depuis 1998, permettrait néanmoins de l'actionner en cas de graves perturbations sur le marché, qui découleraient de la proposition actuelle, en permettant d'assurer la compétitivité de l'huile d'olive communautaire sur le marché mondial.

2.6

Aide au stockage privé — Ce système, qui a déjà prouvé son inefficacité du fait qu'il n'est pas adapté aux réalités du marché, doit être souple et pouvoir être déclenché automatiquement, et être destiné uniquement au règlement de crises graves dans le secteur. De même, il est nécessaire d'actualiser les prix de déclenchement en fonction des références de prix actuelles.

2.7

Normes de qualité — Le CESE insiste à nouveau sur la nécessité d'interdire totalement, à l'intérieur de l'UE, des mélanges d'huile d'olive avec d'autres huiles d'origine végétale (1).

2.7.1

La difficulté technique de l'analyse et du contrôle des mélanges et du pourcentage d'huile d'olive incorporé ainsi que de la qualité de celle-ci empêche de vérifier si le règlement 1019/2002, article 6, est strictement appliqué, ce qui rend possible les fraudes qui ne font que contribuer à la détérioration de la bonne qualité et de l'image de l'huile d'olive, outre le fait qu'elles pénalisent le consommateur.

2.7.2

L'introduction d'huiles alimentaires dans les mélanges avec de l'huile d'olive pénalise non seulement cet aliment de haute qualité mais induit également en erreur le consommateur dès lors qu'il fait l'acquisition d'un produit reconnu comme étant inférieur à l'huile d'olive du point de vue de la qualité alimentaire.

2.8

Dénomination d'origine — Dans le souci de défendre et de promouvoir la qualité, le CESE insiste également sur la nécessité de déterminer la provenance de l'huile en fonction du lieu d'origine de l'olive.

2.9

Le CESE souhaite attirer l'attention de la Commission et des pays producteurs sur la situation grave dans laquelle se trouve le sous-secteur de l'huile de grignons, à la suite de ce que l'on a appelé «la crise du benzopyrène», qui depuis son début en juillet 2001 a entraîné de lourdes pertes dans le secteur, qui se sont traduites par une chute de 70 % des prix et de 50 % de la consommation par rapport aux références antérieures.

2.9.1

Le CESE demande à la Commission qu'elle fixe les teneurs maximales en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans l'huile de grignons, ce que l'on attend depuis plus de deux ans, avec un préjudice important pour le secteur.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  NAT/102; JO C 22 du 7.08.2001, p 68-73.


30.4.2004   

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C 110/26


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européen”»

(COM(2003) 650 final)

(2004/C 110/08)

Le 30 octobre 2003, la Commission européenne a adopté la communication adressée au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions:

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 4 février 2004 (rapporteur: M. CABRA DE LUNA).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 116 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

Le CESE a reçu avec grand intérêt la communication de la Commission européenne intitulée «Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européen». Il avait en effet souligné dans de nombreux documents que la réussite de l'Année européenne des personnes handicapées devrait se mesurer à l'aune des résultats concrets qu'elle aurait produits. La communication offre un cadre favorable au suivi de l'Année européenne des personnes handicapées.

1.2

Les personnes handicapées (1) forment 10 % de la population, un pourcentage qui augmente avec le vieillissement de nos sociétés. Dans l'Union européenne élargie, elles seront dès lors près de 50 millions. Si l'on ajoute à ce chiffre les membres des familles des personnes handicapées, il est clair que l'on ne parle pas d'une petite minorité de la population.

1.3

Tout au long de l'année, le CESE a continué d'intensifier ses travaux sur les questions relatives au handicap. L'élaboration d'un avis sur la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées (2), l'organisation de deux séminaires consacrés à l'emploi des personnes handicapées et à l'évaluation de l'Année européenne, la préparation d'une note d'orientation sur l'intégration de la notion de handicap dans les travaux du CESE et l'organisation d'une exposition de peintures d'artistes handicapés au siège du CESE, en sont des exemples représentatifs. La coopération entre le CESE et le Forum européen des personnes handicapées, et d'autres organisations, s'avère toujours aussi utile.

1.4

Le CESE estime que l'Année européenne des personnes handicapées a contribué à sensibiliser davantage la société à la situation de ces personnes. L'un des principaux objectifs de l'Année européenne consistait à faire prendre conscience de la nécessité d'une approche du handicap fondée sur les droits des personnes. Toutefois, il convient de noter que les différentes initiatives nationales visant à protéger les personnes handicapées des discriminations au moyen de nouvelles lois aboutissent à creuser l'écart entre les États membres. Ce phénomène ne porte pas seulement préjudice à l'idée d'une Europe sociale, il créera également des obstacles supplémentaires à un véritable marché unique.

1.5

L'initiative des Nations Unies visant à promouvoir une Convention thématique sur les droits des personnes handicapées a contribué à faire reconnaître que le handicap est une question relevant des droits humains.

1.6

La nouvelle Constitution européenne comprendra des références plus explicites aux questions de handicap, et notamment une clause demandant d'intégrer la dimension de non-discrimination à l'ensemble des domaines politiques. Le potentiel de cette nouvelle clause nécessite une analyse plus détaillée.

1.7

Le CESE se réjouit de l'insertion prochaine de la Charte européenne des droits fondamentaux dans le Traité de l'UE, en particulier en raison du fait que son article 21 interdisant toute discrimination à l'égard, entre autres, des personnes atteintes de handicap, et son article 26 sur l'intégration des personnes handicapées, reconnaissent la nécessité de prévoir des mesures destinées à garantir leur indépendance, leur inclusion sociale et professionnelle, ainsi que leur participation à la vie de la communauté.

1.8

Les nouveaux chiffres d'Eurostat sur l'emploi des personnes handicapées montrent que 78 % des personnes présentant un handicap sévère, en âge de travailler, ne font pas partie des actifs, contre 27 % des personnes valides. Considérant les actifs, le taux de chômage est presque deux fois plus élevé parmi les personnes présentant un handicap sévère que parmi les personnes valides. Seuls 16 % de ceux qui sont confrontés à des obstacles à l'emploi reçoivent une assistance leur permettant de travailler (3). Une répartition par sexe de ces statistiques fait apparaître une situation encore plus défavorable pour les femmes handicapées.

2.   Observations et suggestions au sujet de la proposition de la Commission

2.1

Le CESE se félicite du fait que l'Année européenne des personnes handicapées ait abouti à un plan d'action concret pour la période 2004-2010. Toutefois, il convient de souligner que celui-ci manque quelque peu d'ambition, et le CESE se propose donc d'y ajouter quelques éléments supplémentaires, à prendre en considération, si possible, dès la phase initiale du plan d'action ou, dans le cas contraire, au cours de la période après 2005.

2.2

Un précédent avis du CESE (4) suggérait de lancer une méthode ouverte de coordination concernant les politiques en matière de handicap. Le CESE se félicite donc de la proposition, reprise dans la communication de la Commission, de publier tous les deux ans un rapport sur le handicap. Le CESE estime que ces rapports devraient reposer sur des orientations communes afin de permettre un étalonnage entre les pays. L'emploi est certes à l'évidence une priorité des personnes handicapées, mais ces rapports devraient s'attacher également à d'autres domaines politiques. Ainsi, l'inclusion sociale et la pleine participation des personnes handicapées à la société devraient constituer les principes directeurs et les objectifs généraux. Le CESE propose que les résultats de ces rapports biennaux soient présentés au Conseil Emploi et Affaires sociales. L'implication des organisations représentatives des personnes handicapées à l'échelon national et communautaire dans ce processus est considérée comme étant d'une importance vitale.

2.3

Le CESE se félicite de trouver dans la communication de la Commission des références au projet de renforcement des capacités entrepris par le Forum européen des personnes handicapées dans dix pays candidats. Afin de s'appuyer sur les travaux déjà réalisés dans le cadre de ce projet, le CESE souhaiterait que l'on consacre, pendant une période de transition, une attention particulière aux organisations de personnes handicapées dans les dix pays candidats. Des mesures ciblées devraient permettre à ces organisations d'accroître le volume de leurs connaissances, et de devenir ainsi vraiment actives dans la mise en œuvre des politiques européennes en faveur des personnes handicapées. Le soutien aux organisations de personnes handicapées des pays candidats qui n'entreront pas dans l'UE en mai 2004 doit être intensifié.

2.4

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, dans la communication à l'examen, d'élaborer un document de travail sur la manière d'intégrer le handicap dans l'ensemble des lignes directrices pour l'emploi. En complément, le CESE propose de mettre en place un mécanisme de suivi propre permettant d'élaborer des recommandations spécifiques, pays par pays, à l'adresse des États membres, au sujet de la manière dont ils prennent en compte les questions liées au handicap. À cet égard, la priorité devrait être donnée à l'emploi des personnes handicapées sur le marché du travail ouvert, y compris l'emploi de personnes handicapées par les autorités et administrations publiques ainsi que des mesures spéciales en faveur de l'emploi de personnes handicapées dans les zones rurales. Le rôle des partenaires sociaux dans ce processus revêt une importance essentielle. Compte tenu de l'évolution démographique dans nos sociétés, l'augmentation du taux d'emploi des personnes handicapées peut avoir une incidence énorme et positive, même sur le plan économique.

2.5

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, dans la communication à l'examen, d'utiliser les fonds structurels dans le but de promouvoir l'inclusion sociale des personnes handicapées. Ceci devrait faire l'objet d'une double approche. D'une part, il conviendrait de financer des projets portant spécifiquement sur le handicap, et d'autre part, tous les projets financés par les fonds structurels devraient remplir les critères d'accès obligatoires. Cette double approche doit être intégrée à la nouvelle réglementation européenne sur les fonds structurels, que la Commission européenne a prévu de présenter en mai 2004. Le processus de révision des fonds structurels, actuellement en cours, doit déboucher sur la reconnaissance du handicap et des personnes handicapées comme un domaine clé et un groupe cible dont il convient de tenir compte à l'échelle communautaire ainsi que nationale, indépendamment des nouvelles perspectives financières.

2.6

Le CESE a suivi de près le processus d'élaboration des nouvelles directives européennes sur les marchés publics (5). Le potentiel que recèlent les marchés publics pour promouvoir l'emploi des personnes handicapées, l'accessibilité des transports publics et de l'environnement bâti, ainsi que pour produire des biens et des services accessibles, est énorme. Le CESE se félicite donc de l'engagement pris de produire une série d'outils destinés à faciliter l'inclusion, dans les appels d'offres pour des marchés publics, des exigences en matière d'accessibilité aux technologies de l'information et des communications, et suggère d'étendre cet exercice à d'autres produits et services.

2.7

Le CESE souligne les conséquences négatives de la non-transposition de la directive européenne 2000/78 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dans la plupart des États membres. Le CESE invite la Commission européenne à utiliser tous les instruments à sa disposition à l'égard des États membres qui n'ont pas encore mis en oeuvre cette directive, ou qui ne l'ont pas mise en oeuvre correctement. En outre, il convient de prendre des mesures en vue d'augmenter la capacité des organisations de personnes handicapées, des partenaires sociaux et des systèmes judiciaires, afin de garantir une réelle application de cette directive.

2.8

Le CESE a demandé dans plusieurs de ses précédents avis (6) une directive spécifiquement consacrée aux personnes handicapées, fondée sur l'article 13 du Traité de l'UE, afin de lutter contre les discriminations qui touchent ces personnes dans tous les domaines de la vie. Le CESE est dès lors extrêmement déçu de ne trouver dans la communication de la Commission aucune référence à cette initiative. Tout en étant conscient du fait qu'il est difficile à l'heure actuelle de lancer une telle initiative avec succès, le CESE s'attendait au moins à ce que l'on reconnaisse sa nécessité, ainsi que celle d'un certain nombre d'actions préparatoires, qui auraient ouvert la voie au lancement d'une initiative de ce type.

2.9

Le CESE estime qu'une telle directive garantirait un niveau minimum de protection contre les discriminations dans tous les domaines de la vie, et dans toute l'Union européenne. En s'appliquant à l'accès aux biens et services, elle contribuerait également à rendre le marché unique plus efficace.

2.10

Le CESE partage l'avis selon lequel les médias sont très importants pour contribuer à améliorer l'image des personnes handicapées dans la société. Il suggère de créer un réseau européen «Médias et handicap», qui pourrait permettre ensuite de brosser un meilleur portrait des personnes handicapées dans les médias, notamment en encourageant les échanges de bonnes pratiques entre les médias. L'exemple du réseau britannique intitulé «Broadcasting and Creative Industries Disability Network» (BCIDN ou Réseau des industries audio-visuelles et créatives de personnes handicapées) pourrait servir de modèle.

2.11

Le CESE se réjouit que le plan d'action européen mette l'accent sur l'accessibilité. Toutefois, il estime que les propositions faites ne permettront pas d'atteindre réellement l'objectif fixé. Un cadre politique adéquat doit être créé, qui fournira des incitations financières aux entreprises pour leur permettre de rendre leurs locaux et leurs services accessibles. Il devrait s'accompagner de campagnes de sensibilisation ciblées sur les entreprises afin de leur montrer l'importance que représentent les personnes handicapées en tant que consommateurs. En cas de besoin, celles-ci devraient être complétées par une législation contraignante afin de rendre obligatoires les normes d'accessibilité.

2.12

Le CESE se félicite du rapport produit par le groupe d'experts sur l'accessibilité de l'environnement bâti et demande à la Commission européenne de mettre en œuvre l'ensemble de ses recommandations, en particulier celles liées à la directive 89/106/CEE sur les produits de construction. Le CESE soutient également l'action de suivi de l'étude sur des critères harmonisés pour une bonne accessibilité des sites touristiques (7). Le CESE rappelle qu'une législation appropriée ainsi qu'une utilisation adéquate des fonds publics seront les éléments essentiels de la réussite si l'on veut promouvoir l'objectif de l'accessibilité des sites touristiques.

2.13

Le CESE accueille également avec satisfaction le rapport sur les technologies d'assistance présenté récemment par la Commission, et se réjouit d'assister à la mise en œuvre de ses recommandations, compte tenu en particulier du marché unique, ainsi que de la nécessité pour les États membres d'accroître la transparence concernant les produits et les régimes de remboursement.

3.   Recommandations et engagements supplémentaires

3.1

Le CESE a souligné dans ses précédents rapports la nécessité d'intégrer la notion de handicap dans tous les domaines politiques. Il accueille dès lors favorablement la nouvelle ligne budgétaire qui financera un projet pilote sur l'intégration des actions en matière de handicap, en tant qu'initiative de suivi de l'Année européenne des personnes handicapées. Le CESE considère ce projet pilote comme un premier pas vers un programme d'action spécifique en faveur des personnes handicapées, qui sera centré sur l'intégration du handicap dans tous les domaines politiques importants.

3.2

Le CESE souhaiterait suggérer certaines actions susceptibles d'être menées dans le cadre de ce projet pilote:

l'élaboration d'un document d'orientation sur la manière d'intégrer le handicap dans tous les domaines politiques, mis à la disposition des responsables politiques de la Commission, et lié à la méthode d'évaluation d'impact;

le financement d'actions destinées à renforcer la capacité des organisations nationales d'aide aux handicapés afin de leur permettre d'être activement associées à l'élaboration des plans d'action nationaux sur l'emploi et l'inclusion sociale;

la mise au point d'indicateurs statistiques pour mesurer l'impact réel de l'intégration;

le financement d'actions favorisant les échanges d'informations sur les meilleures pratiques en matière d'intégration du handicap à l'échelle nationale;

pour toutes les mesures appelées à être financées au titre de ce projet pilote, il convient de prêter une attention particulière aux personnes handicapées des futurs États membres;

le financement d'un réseau européen «Médias et handicap».

3.3

Le CESE attend avec impatience le Livre vert sur la non-discrimination et souligne la nécessité d'un engagement clair en faveur d'une directive spécifique en matière de handicap.

3.4

Le CESE accueille favorablement la participation de grandes entreprises européennes à l'Année européenne des personnes handicapées. Leur rôle de catalyseurs par rapport à d'autres entreprises ne doit pas être sous-estimé. Comme il l'a mentionné dans un précédent document, le CESE accueillerait avec satisfaction la mise sur pied d'un réseau européen «Entreprises et handicap», comme l'un des résultats concrets de l'Année européenne des personnes handicapées. Ce réseau pourrait contribuer à améliorer le cadre législatif en vue d'augmenter l'emploi de personnes handicapées et la production de biens et services accessibles, renforçant ainsi les arguments économiques en faveur des personnes handicapées. Il fournirait également des conseils utiles aux nouvelles entreprises qui souhaitent être plus activement associées aux questions de handicap, un effort particulier devant être fait envers les PME.

3.5

Le CESE se félicite de la campagne menée par la Confédération européenne des syndicats et ses membres. Il insiste sur le rôle important des syndicats et les encourage à s'intéresser davantage aux questions de handicap.

3.6

Dans tous ses précédents rapports, le CESE a mis en exergue l'importance d'associer les organisations représentatives des personnes handicapées à tous les niveaux d'élaboration des politiques. Le caractère représentatif du Forum européen des personnes handicapées est accepté par toutes les institutions de l'UE et son statut spécial doit donc être reconnu. Un Forum européen fort et indépendant, agissant en tant que gardien, est l'une des meilleures garanties du respect des droits des personnes handicapées dans toutes les initiatives de l'UE.

3.7

Le Forum européen des personnes handicapées ne pourrait jouer son rôle sans ses membres nationaux et européens. Pour cette raison, l'aide financière que la Commission européenne accorde aux organisations européennes spécifiques au handicap de personnes handicapées, membres dudit Forum, revêt une importance vitale et doit être maintenue. La diversité du mouvement des handicapés ne peut être respectée que si une aide financière est octroyée à ces différentes organisations européennes spécifiques.

3.8

Le CESE souhaiterait la mise en place d'une structure de suivi du plan d'action de la Commission. La participation de tous les partenaires concernés dans cette structure de suivi, y compris le Forum européen des personnes handicapées, sera essentielle pour assurer la réussite du plan d'action. Le CESE souhaiterait y être associé.

3.9

Le CESE se réjouit de l'impact qu'a eu l'Année européenne des personnes handicapées, qui a permis d'inscrire le handicap à l'ordre du jour de nouveaux domaines politiques, tels que la jeunesse et la culture. La résolution du Conseil intitulée «Accès des personnes handicapées aux infrastructures et activités culturelles» (8) en est une bonne illustration. Le CESE souligne l'importance de garantir que tous les projets bénéficiant de financements européens dans les domaines de la culture, de la jeunesse et de l'éducation respectent les critères d'accessibilité.

3.10

Le nouveau programme de travail de la Commission européenne pour 2004 prévoit plusieurs initiatives dignes d'intérêt pour les personnes handicapées, et l'engagement d'intégrer le handicap devrait conduire à ce que ces initiatives comportent des références adéquates aux personnes handicapées. Parmi ces initiatives, citons:

la révision à mi-parcours de eEurope et le plan d'action eEurope révisé pour une Europe élargie;

la stratégie de développement durable, la nouvelle proposition de la Commission sur les services du marché intérieur et les propositions futures relatives aux services d'intérêt général;

la proposition concernant une nouvelle génération de programmes dans les domaines de l'éducation et de la culture après 2006;

la communication de la Commission sur les droits des passagers dans le secteur des transports;

la communication de la Commission sur les stratégies d'inclusion sociale des pays candidats;

la proposition de la Commission sur le réexamen de l'agenda européen de la politique sociale après 2005.

3.11

Le CESE accueille favorablement les références faites au groupe de haut niveau chargé des questions concernant les personnes handicapées, et estime que le rôle de ce groupe doit être accentué. La participation du Forum européen des personnes handicapées aux réunions de ce groupe doit être permanente, en phase avec la méthode de travail du comité consultatif de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Les partenaires sociaux à l'échelle de l'UE devraient également être associés aux travaux de ce groupe de haut niveau.

3.12

Le CESE demande que tous les travaux menés à l'avenir dans le domaine des droits de l'homme accordent une attention spécifique aux droits des personnes handicapées. Il attend avec impatience les résultats de l'étude en cours sur la situation des personnes handicapées dans des institutions résidentielles, qui devrait non seulement dresser un état des lieux, mais également formuler des propositions concrètes concernant des mesures communautaires alternatives en faveur de ce groupe important constitué par les personnes handicapées.

3.13

Le CESE accueille avec satisfaction le document d'orientation sur la coopération au développement et le handicap, présenté en mars 2003 et élaboré en collaboration avec le Forum européen des personnes handicapées et le Consortium international sur le handicap et le développement. Le CESE invite la Commission européenne à appliquer cette note d'orientation afin de garantir aux personnes handicapées qu'elles pourront bénéficier des fonds de coopération au développement, y compris dans des situations d'urgence et d'aide humanitaire.

3.14

Le CESE s'engage à continuer de se concentrer sur les questions de handicap. Les efforts qu'il a consentis pour garantir le plein accès à ces nouveaux locaux et services démontrent le véritable engagement du CESE, qui veut être considéré comme un modèle en matière de protection et de promotion des droits des personnes handicapées et de leurs familles.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Compte tenu de la nouvelle approche du handicap promue durant l'Année européenne des personnes handicapées, il serait peut-être opportun de revoir la terminologie utilisée pour définir les personnes handicapées et le handicap qui, dans de nombreux pays, n'a pas évolué et continue de refléter une approche obsolète.

(2)  JO C 133 du 06.06.2003.

(3)  «L'emploi des personnes handicapées en Europe en 2002», Population et conditions sociales, THEME 3 — 26/2003 Population et conditions de vie Eurostat, 25 novembre 2003.

(4)  «L'intégration des personnes handicapées dans la société», JO C 241 du 07.10.2002.

(5)  «Avis sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, de services et de travaux», JO C 193 du 10.07.2001.

(6)  «L'intégration des personnes handicapées dans la société», JO C 241 du 07.10.2002, et «Proposition de décision du Conseil relative à l'Année européenne des personnes handicapées 2003» — (COM(2001) 271 final - 2001/0116 (CNS), JO C 36 du 08.02.2002.

(7)  Voir également l'avis du CESE INT/173 «Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable», JO C 32 du 05.02.2004.

(8)  Résolution du Conseil «Accès des personnes handicapées aux infrastructures et activités culturelles», 5-6.V.2003, 8430/03 (Presse 114) 23.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/30


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 90/434/CEE, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents»

(COM(2003) 613 final — 2003/0239 COD)

(2004/C 110/09)

Le 28 octobre 2003, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément aux dispositions de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux en la matière, a émis son avis le 9 février 2004 (rapporteur: M. RAVOET).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 114 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   La stratégie de la Commission en matière d'impôt sur les entreprises

1.1

Cette proposition est un élément de la stratégie de la Commission en matière d'impôt sur les sociétés présentée en 2001 (1), dans laquelle elle a identifié un certain nombre d'obstacles fiscaux à l'activité économique transfrontalière dans le marché intérieur, et annoncé ses intentions à court et à plus long terme en vue de les éliminer.

1.2

Cette stratégie prévoit un certain nombre de mesures ciblées portant sur des questions comme l'extension des directives sur les dividendes, les intérêts et redevances et les fusions, ainsi que sur la compensation transfrontalière des pertes, les prix de transfert et les conventions en matière de double imposition.

1.3

La Commission estime qu'à plus long terme, les entreprises doivent se voir offrir la possibilité d'être imposées sur la base d'une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'Union européenne, de façon à échapper aux inefficacités coûteuses qui résultent actuellement de la coexistence de 15 (et bientôt 25) corps de règles fiscales distincts.

1.4

Dans son avis sur «La fiscalité directe des entreprises» adopté en 2002 (2), le CESE a soutenu les propositions de la Commission européenne visant à supprimer à court terme toute forme de double imposition et d'autres obstacles fiscaux auxquels se heurtent les entreprises qui exercent des activités transfrontalières au sein du marché intérieur.

1.5

En ce qui concerne le plus long terme, le CESE approuve l'ambition d'un marché intérieur sans entraves fiscales. Il estime que ce ne peut être qu'un moyen de parvenir à établir des principes communs favorisant un marché intérieur dans lequel prévaudrait une concurrence loyale. Ces principes communs devraient également favoriser les objectifs de simplification, de compétitivité et de création d'emplois.

1.6

La stratégie adoptée par la Commission européenne en 2001 a fait l'objet d'un premier bilan en novembre 2003 (3). Elle y conclut que sa stratégie à deux niveaux sur la fiscalité des entreprises reste, après deux ans de travaux, la meilleure approche pour s'attaquer aux problèmes qui se posent dans le marché intérieur et qu'elle a bien mené les actions et initiatives promises. Cette conclusion a été confirmée lors de la conférence européenne sur la fiscalité des entreprises organisée à Rome les 5 et 6 décembre 2003 (4).

2.   Mesures ciblées de la stratégie de la Commission à court terme

2.1

L'adoption de propositions visant notamment à actualiser et à étendre le champ d'application des directives «mère-fille» et «fusion» figure parmi les objectifs à court terme que la Commission européenne s'est fixée dans sa stratégie pour la fiscalité des entreprises d'octobre 2001.

2.2

Il en va de même pour l'adoption et la modernisation subséquente de la proposition de directive «intérêts et redevances» qui était incluse dans le «paquet fiscal», lequel comprenait le Code de bonne conduite, la directive «Épargne» et la directive «Intérêts et redevances».

2.3

La proposition de directive de modernisation de la directive «mère-fille» a été adoptée lors du Conseil ECOFIN du 22 décembre 2003. Le texte final de la directive a été publié au Journal officiel le 13 janvier 2004 (5).

2.4

La directive «intérêts-redevance» a été adoptée le 3 juin 2003 (6) et doit être transposée dans les droits nationaux pour le 1er janvier 2004. Une proposition de directive de modernisation de cette directive a été publiée par la Commission le 30 décembre 2003 (7). Elle devrait notamment intégrer les améliorations importantes apportées au champ d'application de la directive «mère-fille».

2.5

La proposition de directive «fusion» est donc la dernière des trois propositions qui doit être adoptée par le Conseil. Elle repose sur un travail important et remarquable de consultation qui a permis d'identifier l'ensemble des problèmes fiscaux liés aux restructurations transfrontalières.

3.   Proposition de modernisation de la directive sur le «régime commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions»

3.1

La directive en vigueur (90/434/CEE) prévoit le report de l'imposition des plus-values résultant de restructurations transfrontalières de sociétés effectuées sous la forme de fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions.

3.2

Ce régime de report de l'imposition assure la neutralité fiscale des opérations de restructuration, sous la forme d'une exonération temporaire: l'imposition des plus-values est reportée jusqu'à une cession ultérieure des actifs apportés. C'est pourquoi:

les actifs et passifs de la société apporteuse sont transférés à la société bénéficiaire à leur valeur fiscale;

l'attribution des actions de la société bénéficiaire aux actionnaires de la société apporteuse ne peut pas aboutir à une imposition dans le chef de ces derniers (autrement, il y aurait une double imposition économique).

3.3

Cette directive du 23 juillet 1990 permet donc déjà de remédier dans certains cas à l'obstacle transfrontalier que constitue la charge fiscale élevée entraînée par les restructurations de sociétés, en garantissant qu'une opération transfrontalière ne donnera pas lieu à des dettes fiscales plus importantes que si cette opération avait été réalisée à l'intérieur d'un même État membre.

3.4

La proposition de modernisation de cette directive remplace une proposition de 1993 qui a été retirée par la Commission. Elle vise à améliorer la portée de la directive actuelle ainsi que les méthodes de report de l'imposition, tout en sauvegardant les intérêts financiers des États membres. Elle complète également une proposition de dixième directive en matière de droit des sociétés visant à faciliter les fusions entre sociétés d'États membres différents.

3.5

Les éléments principaux de la nouvelle proposition de modernisation de la directive «fusion» sont les suivants:

3.5.1

La proposition vise à aligner la directive «fusion» sur les modifications introduites dans la directive «mère-fille», à savoir:

l'abaissement de 25 % à 10 % du niveau minimal de participation pour pouvoir être considérée comme une société mère ou filiale;

l'actualisation de la liste des sociétés auxquelles la directive s'applique, ce qui permet de couvrir de nouvelles formes d'entités juridiques, notamment certaines coopératives et sociétés sans capital-actions, sociétés mutuelles, caisses d'épargne, fonds et associations exerçant des activités commerciales. La nouvelle liste inclut la société européenne et la société coopérative européenne qui peuvent être créées respectivement à partir de 2004 et de 2006;

cet élargissement du champ d'application de la directive sur les fusions est atteint par l'adjonction à la liste d'entités annexée à la directive de nouvelles formes juridiques nommément désignées. Il s'agit en principe de la même liste que celle qui a été adoptée dans le cadre de la directive de modernisation de la directive «mère-fille» et qui devrait également être adoptée dans le cadre de la directive de modernisation de la directive «intérêts-redevances».

3.5.2

La proposition étend également le bénéfice de la directive (régime du report d'imposition) aux sociétés reprises dans son champ d'application qui sont assujetties en tant que sociétés contribuables dans leur État membre de résidence, mais qui sont considérées fiscalement comme transparentes dans un autre État membre.

3.5.2.1

Sans remettre en cause le régime de transparence, la proposition de directive prévoit que cet autre État ne pourra plus imposer ses contribuables résidents qui détiennent des intérêts dans la société lors d'opérations couvertes par la directive. Ces derniers ne seront imposés que lors d'une cession ultérieure des actifs apportés.

3.5.3

La proposition étend le champ d'application aux opérations de scissions avec échange d'actions, à savoir des opérations de scissions limitées ou partielles qui laissent subsister la société apporteuse. Le régime de report d'imposition sera ainsi applicable à ces opérations.

3.5.3.1

Une scission partielle est une opération par laquelle une société, sans être dissoute, transfère à une société bénéficiaire une partie de ses éléments d'actif et de passif, constituant une ou plusieurs branches d'activité. En échange, la société bénéficiaire attribue des titres représentatifs de son capital social aux associés de la société apporteuse.

3.5.4

La proposition assure la neutralité fiscale du transfert du siège central d'une société européenne ou d'une société coopérative européenne d'un État membre à un autre. Elle prévoit ainsi un régime de report d'imposition qui évite qu'un tel transfert n'aboutisse à l'imposition immédiate des plus-values liées aux actifs qui devront rester rattachés à l'établissement stable que la société qui transfère son siège statutaire aura désormais dans l'État membre où elle avait sa résidence. Ce régime fiscal portera également sur les provisions ou réserves constituées par la société avant le transfert du siège, sur l'éventuelle reprise de pertes et sur l'existence d'un établissement stable dans un troisième État membre.

3.5.4.1

Cette possibilité de transfert du siège statutaire est expressément prévue dans le statut de ces sociétés, afin de garantir la liberté fondamentale que constitue le droit d'établissement. Il est donc impératif que cette liberté ne soit pas entravée par des dispositions fiscales.

3.5.5

La proposition clarifie que le régime de report d'imposition de la directive peut également s'appliquer dans le cas où une société décide de transformer sa succursale étrangère en filiale.

3.5.5.1

Le report d'imposition prévu par la directive est lié au rattachement des actifs et passifs transférés à un établissement stable de la société apporteuse, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une succursale d'une société étrangère est transformée en filiale de cette même société. Dans ce cas, les actifs et passifs transférés sont en effet rattachés à la société bénéficiaire (la nouvelle filiale). Les opérations de filialisation étant conformes aux buts de la directive et ne portant pas atteinte aux prérogatives fiscales de l'État membre concerné (les actifs et passifs continuent de relever de la même compétence fiscale), il est opportun de préciser que ces opérations rentrent bien dans le champ d'application de la directive.

3.5.6

La proposition étend également le bénéfice de la directive aux opérations d'échange d'actions lorsque la majorité des droits de vote au sein de la société acquise est obtenue d'associés qui ne sont pas résidents fiscaux d'un État membre de l'Union européenne.

3.5.7

La proposition introduit enfin des règles appropriées pour empêcher la double imposition économique due aux différentes règles d'évaluation des actions et des actifs applicables dans les différents États membres. Ceci concerne les opérations d'apports d'actifs et d'échange d'actions.

3.5.7.1

Dès lors que les plus-values sur les actifs apportés seront taxables ultérieurement dans le chef de la société bénéficiaire, il convenait d'harmoniser les règles fiscales nationales d'évaluation des actions reçues suite à un apport d'actifs ou à un échange d'actions. Il est ainsi prévu que ces actions se verront attribuer la valeur «réelle» que les éléments d'actifs et de passifs avaient immédiatement avant un apport d'actifs ou la valeur «réelle» que les actions reçues avaient au moment d'un échange d'actions (une exception étant toutefois prévue en cas de détention d'actions propres).

4.   Observations générales

4.1

La directive «fusion» du 23 juillet 1990 vise à garantir une indispensable neutralité des opérations de restructuration transfrontalière de sociétés, tout en veillant à sauvegarder les intérêts financiers des États membres.

4.2

Le Comité accueille favorablement les propositions de modernisation de cette directive «fusion» formulées par la Commission européenne. Ces propositions apportent des améliorations indispensables et appropriées à la directive du 23 juillet 1990 et n'entraînent en principe aucune conséquence défavorable aux entreprises par rapport à la situation actuelle. Elles ne nécessitent en outre aucune obligation ou formalité fiscale nouvelle pour que les entreprises s'y conforment.

4.3

Le but de la proposition de modernisation de la directive est d'améliorer et d'étendre le régime du report d'imposition prévu pour les plus-values résultant de restructurations. Un nombre accru de formes de sociétés (dont la société européenne («SE») et la société coopérative européenne («SCE»), ainsi que les formes de sociétés généralement adoptées par les petites et moyennes entreprises) et d'opérations de restructuration (comme la scission partielle ou la transformation d'une succursale) sont ainsi désormais expressément visées.

4.4

En étendant à la SE et à la SCE le régime de neutralité fiscale, y compris dans l'hypothèse du transfert du siège statutaire qui est spécifique au statut de ces deux formes de société, la proposition de directive contribuera à la création et à la gestion de sociétés de dimension européenne et libérées des obstacles liés à l'application territoriale limitée du droit fiscal et du droit des sociétés des différents États membres.

4.5

Toutes ces modifications permettront aux entreprises - y compris désormais un nombre accru de PME - de profiter pleinement des avantages liés au marché unique (par une imposition équilibrée des activités nationales et transfrontalières qui assurera la neutralité des décisions d'investissement et de restructuration), ce qui devrait améliorer leur compétitivité et avoir ainsi une incidence positive sur la création d'emploi et la lutte contre le chômage.

5.   Observations spécifiques

5.1

Pour le Comité, il conviendrait de généraliser la clause qui prévoit que toute nouvelle forme de société instituée par un État membre sera automatiquement jointe à la liste des formes de sociétés de cet État membre qui annexée à la directive. Ceci permettrait de résoudre les problèmes liés à la non-adaptation de cette liste.

5.2

Pour le Comité, il est en outre essentiel que la modernisation des directives «fusion», «mère-fille» et «intérêts-redevances» s'effectue de manière concordante, tant en ce qui concerne la définition du champ d'application (par exemple, la liste des formes de sociétés reprise en annexe des directives) qu'en ce qui concerne les conditions pour pouvoir bénéficier du régime fiscal prévu (par exemple, le niveau de participation désormais ramené à 10 % par la directive de modernisation de la directive «mère-fille»).

5.3

Le Comité considère que l'extension du champ d'application (à d'autres formes de sociétés et à d'autres opérations de restructuration) n'est pas complète — et partant satisfaisant — dans la mesure où:

il n'inclut pas tous les types d'impôts concernés par des opérations de restructuration (notamment les droits d'enregistrement ou les droits d'apport);

le régime du report d'imposition en cas de transfert du siège statutaire est limité aux SE et SCE, alors que la jurisprudence de la Cour de Justice européenne reconnaît dans son arrêt Centros (8) le droit à liberté d'établissement et à liberté dans le choix de localisation du siège social à toutes les formes de sociétés.

5.4

Enfin, le Comité insiste pour que la neutralité fiscale des opérations de restructuration transfrontalières soit intégralement assurée, notamment en ce qui concerne les reports de pertes et l'immunisation des provisions et réserves.

6.   Conclusions

6.1

Le Comité soutient entièrement les propositions de modification de la directive «fusion» formulées par la Commission européenne. Ces propositions apportent des améliorations indispensables et appropriées à la directive et permettront aux entreprises — y compris désormais la SE, la SCE et un nombre accru de PME — de profiter pleinement des avantages liés au marché unique, ce qui devrait améliorer leur compétitivité et avoir ainsi une incidence positive sur la création d'emploi et la lutte contre le chômage.

6.2

Le Comité invite toutefois la Commission à réexaminer certains aspects essentiels laissés en suspens et qui font l'objet de ses observations particulières.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Communication de la Commission du 23 octobre 2001«Vers un marché intérieur sans entraves fiscales — Une stratégie pour permettre aux entreprises d'être imposées sur la base d'une assiette consolidée de l'impôt des sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'Union européenne», COM(2001) 582 final.

(2)  JO 241 du 7.10.2002.

(3)  Communication du 24 novembre 2003, «Un marché intérieur sans obstacles liés à la fiscalité des entreprises: réalisations, initiatives en cours et défis restant», COM(2003) 726 final.

(4)  Voir: www.europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/company_tax/conference_rome.htm.

(5)  Directive 2003/123/CE du Conseil du 22 décembre 2003 modifiant la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, JO L 7 du 13.01.2004.

(6)  Directive du 3 juin 2003 (2003/49/CE) concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents, JO L 157 du 26.06.2003, p. 49.

(7)  COM(2003) 841 final.

(8)  Affaire no C 212/97 du 9 mars 1999.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/34


Avis du Comité économique et social européen sur le «Système de préférences généralisées (SPG)»

(2004/C 110/10)

Le 20 janvier 2003, le Commissaire en charge du commerce, Pascal LAMY, a saisi le Comité économique et social européen, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'une demande d'avis sur le «Système de préférences généralisées».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux en la matière, a élaboré son avis le 6 février 2004 (rapporteur: M. PEZZINI).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 117 voix pour et une voix contre.

1.   Introduction

1.1

Au cours des dernières décennies, l'UE a procédé, à la lumière des développements intervenus, à une révision et à une mise à jour substantielles de sa politique de préférences commerciales en faveur des pays en voie de développement. La dernière révision importante du système de préférences généralisées (SPG) a pris effet le 1er janvier 1995 pour une période de dix ans à compter de son entrée en vigueur. Ce système arrivera donc à échéance le 31 décembre 2004 et une nouvelle révision s'avère en conséquence nécessaire.

1.2

Les orientations actuelles ont apporté un certain nombre de modifications importantes, en substituant à l'approche traditionnelle — qui consistait à accorder l'accès au marché en exemption de droits pour des quantités restreintes — le principe de modulation, qui prévoit des préférences limitées pour des quantités illimitées. De nouvelles dispositions ont dans le même temps été introduites en matière de graduation, ce qui a permis d'exclure, pour certains pays bénéficiaires, des secteurs d'exportation déterminés.

1.2.1

Des préférences complémentaires ont par la suite été prévues sous forme de régimes spéciaux d'encouragement visant à promouvoir les objectifs suivants:

mise en oeuvre d'un développement durable,

assistance aux pays les moins développés,

lutte contre la production et le trafic de stupéfiants,

protection des droits des travailleurs,

protection de l'environnement.

1.2.2

Des dispositions prévoient le retrait temporaire des régimes préférentiels pour les pays qui ne respectent pas les droits de l'homme, qui violent gravement et systématiquement les droits fondamentaux des travailleurs, dont les contrôles douaniers sont déficients, qui sont complices de trafic de drogue, qui ont un comportement frauduleux ou des pratiques commerciales déloyales, qui portent atteinte aux conventions internationales relatives à la conservation et à la gestion des ressources halieutiques ou qui ne respectent pas une ou plusieurs autres exigences. Cependant, cette sanction est si rarement invoquée qu'elle est tout à fait inefficace, le seul pays actuellement sanctionné de la sorte est le Myanmar.

1.3

En 1998, la Commission européenne, afin de faciliter l'application du SPG, avait présenté des propositions (COM(1998) 521 final) qui regroupaient dans un règlement unique, applicable du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001, les dispositions très disparates en vigueur concernant les produits agricoles et industriels. Le Comité avait approuvé ces propositions (1) reprises dans le règlement (CE) no 2820/98 du Conseil.

1.4

En 2001, la Commission a présenté des propositions (COM(2001) 293 final) introduisant un régime modifié pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004. Le Comité a émis un avis favorable sur ces propositions (2) qui ont ensuite été mises en oeuvre via le règlement (CE) no 2501/2001 du Conseil.

2.   Les propositions de la Commission

2.1

Initialement, la Commission avait pensé publier un document en septembre 2003 en y incluant ses propositions concernant le nouveau régime qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2005. Par la suite, elle a décidé de reporter d'un an l'introduction du nouveau système et de présenter une proposition de régime transitoire pour la période considérée, régime qui aurait repris les orientations existantes en introduisant quelques modifications relativement peu importantes et de nature principalement technique.

2.1.1

La décision de reporter l'introduction de modifications fondamentales au système s'explique notamment par la volonté d'attendre les résultats de la réunion de Doha, dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, et de ne pas compromettre l'issue de ces rencontres. Ce report a également été motivé par le recours introduit par l'Inde contre l'UE dans le cadre de l'OMC. Il a également été considéré qu'il serait avantageux de reporter l'introduction de nouvelles orientations à une date ultérieure quelque temps après que l'élargissement de l'Union ait eu lieu, de manière à donner aux nouveaux États membres plus de temps pour s'adapter; l'un d'entre eux (Chypre) est actuellement bénéficiaire du SPG.

2.1.2

La décennie d'application du nouveau régime devrait débuter le 1er janvier 2007. Même dans l'hypothèse où les règles négociées lors du cycle de négociations de Doha ne seraient pas entrées en application d'ici à cette date, la Commission a maintenant décidé de ne pas rechercher une nouvelle prorogation du statu quo. L'échec relatif des négociations de Cancún n'est pas de bon augure pour la réussite des négociations de Doha dans ce laps de temps.

2.2

Les propositions de la Commission pour la période intermédiaire ont été publiées en septembre 2003 (COM(2003) 634 final), et le CESE les a dûment approuvées (3).

2.3

Conformément à la demande de M. LAMY, le CESE présente ici ses observations et recommandations sur la forme que devraient prendre les orientations pour le nouveau système définitif de préférences généralisées, qui sera introduit à la fin de cette période intermédiaire.

3.   Observations du CESE

3.1

Le Comité estime que les objectifs du régime actuel (voir ci-dessus) sont pertinents et doivent être à la base de tout nouveau système visant à remplacer les accords en vigueur.

3.2

Il s'agit à présent de mettre au point un système qui garantisse une mise en oeuvre effective des politiques communautaires dans ce domaine.

3.3

Le Comité observe à cet égard que la plupart du temps, les régimes spéciaux d'encouragement n'ont pas eu l'effet désiré. D'après le dernier recensement, un seul pays (la République de Moldavie) bénéficie du régime spécial d'encouragement à la protection des droits des travailleurs (un deuxième pays, le Sri Lanka, devrait en bénéficier en février 2004) et aucun du régime spécial d'encouragement à la protection de l'environnement; cela indique clairement que les régimes spéciaux d'encouragement ne sont pas parvenus à remplir leurs fonctions d'incitation. Le CESE considère donc que le processus de révision doit également envisager un remaniement en profondeur de ces mécanismes.

3.3.1

Dans un avis antérieur en la matière (4), le Comité a soutenu que les propositions présentées par la Commission afin d'améliorer ces régimes n'étaient peut être pas allées assez loin pour améliorer l'attractivité des incitations offertes aux pays bénéficiaires. Il se demande en conséquence s'il est possible, dans le cadre du système de modulation et des préférences limitées correspondantes, d'inciter les pays concernés à adopter les modes de comportement souhaités.

3.3.2

La nouvelle réduction forfaitaire de 3,5 % entraîne une réduction totale de 7 % et pourrait s'avérer inopérante face aux énormes sommes d'argent qui entrent en jeu dans le trafic de stupéfiants ou aux coûts considérables que représente, pour les finances nationales des pays bénéficiaires, la mise en oeuvre de projets dans le domaine environnemental.

3.3.3

Il faut en outre se demander quel genre d'incitations est à privilégier: vaut-il mieux accorder des réductions ex post, après s'être assuré qu'un pays bénéficiaire a satisfait aux exigences prescrites, ou bien faut-il préférer des incitations ex ante, afin d'encourager les pays concernés à adopter les politiques nécessaires. Toutefois, aucune de ces deux approches n'aura l'effet voulu si les préférences ne sont pas d'un niveau suffisant pour représenter une véritable incitation.

3.4

Le Comité estime que les mesures adoptées, quelle que soit leur nature, devraient être transparentes, cohérentes, objectives et non discriminatoires. En outre, elles devraient se fonder sur des normes adoptées et des critères reconnus au niveau international, lorsqu'il y en a, y compris les huit normes du travail centrales de l'OIT. Elles devraient également être compatibles avec les règles de l'OMC et les autres obligations imposées par les traités.

3.5

Dans son précédent avis (5), le Comité a affirmé que la nouvelle révision du règlement ne permettrait pas d'harmoniser totalement ni d'unifier toutes les normes et procédures du SPG et il a invité à saisir l'occasion du profond remaniement prévu pour 2004 pour simplifier, harmoniser, assouplir, codifier, réduire et unifier l'ensemble du système. Il réitère ici cette affirmation et souligne l'importance qu'il attache à cette question. Une simplification est fondamentale pour améliorer le fonctionnement du SPG et pouvoir en réaliser les objectifs. Les arrangements existants se caractérisent par un manque de clarté, de concision et de structure.

3.6

Le mécanisme de graduation est l'un des facteurs contribuant à la complexité du système actuel. Il permet en effet d'exclure des secteurs d'exportation spécifiques de certains pays bénéficiaires lorsqu'il n'est plus nécessaire de soutenir ces secteurs et qu'une prorogation du SPG ne se justifie donc pas dans le cadre de l'aide aux pays en voie de développement, même si d'autres types d'industrie de ces mêmes pays continuent à bénéficier d'aides. Le Comité s'est prononcé en faveur (6) du maintien de la graduation dans le cadre des régimes transitoires pour la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004, mais il estime que ce processus devrait être revu dans le contexte de la révision plus approfondie en cours actuellement.

3.7

Dans de nombreux avis récents (7), le Comité a souligné à quel point il est essentiel que les propositions législatives soient assorties d'analyses d'impact détaillées. Il souhaite que la Commission prépare une analyse d'impact concernant ses propositions de révision du SPG.

4.   Le point de vue de la société civile

4.1

Le 10 juin 2003, le Comité a organisé une audition des représentants de la société civile à son siège de Bruxelles. Les positions exposées dans ce chapitre reflètent les contributions écrites reçues et les interventions effectuées lors de l'audition.

4.2

Le sentiment qui prédomine est que le système actuel ne fonctionne pas aussi bien qu'il le pourrait. Dans plusieurs réponses, les personnes interrogées ont exprimé de sérieux doutes quant à l'efficacité des tarifs préférentiels, tout en affirmant ne pouvoir justifier plus concrètement ces réserves. Ils affirment en outre qu'il est difficile d'évaluer le succès du système en raison du manque de données disponibles. D'autres réponses ont signalé l'existence d'un déséquilibre dans la distribution des bénéfices; 75 % du volume total des réductions tarifaires bénéficie aux pays orientaux et un tiers de ce pourcentage est destiné à la Chine. Des préoccupations ont été exprimées quant au fait que la plupart des avantages profitent aux pays en voie de développement les plus avancés et non aux pays les plus faibles. Il n'est pas rare que les principaux bénéficiaires soient les opérateurs commerciaux internationaux plutôt que les États. On a en outre l'impression que l'impact des préférences généralisées est souvent plus que compensé par d'autres facteurs, tels que les barrières non tarifaires.

4.3

Différents problèmes ont été pointés du doigt:

L'érosion tarifaire compromet l'impact des préférences généralisées. La réduction générale des tarifs a pour effet de réduire la marge de manœuvre disponible pour accorder un traitement préférentiel dans une mesure significative à certains pays. La conclusion des négociations de Doha aboutira, pense-t-on, à de nouvelles réductions généralisées;

le système est vulnérable aux fraudes. Il est relativement facile pour des opérateurs peu scrupuleux établis dans des pays ne pouvant bénéficier de tarifs préférentiels d'exporter leurs marchandises dans un pays profitant de ces tarifs et de là, de les réexporter vers l'UE comme s'il s'agissait de produits de ce dernier pays;

même en l'absence de fraudes, le contrôle relatif au pays d'origine constitue un processus complexe, en particulier pour les articles manufacturés contenant divers matériaux ou composants; dans bien des cas, cela impose à l'importateur UE des contraintes tellement lourdes qu'elles sont inacceptables;

les règles, notamment celles relatives au mécanisme de graduation, sont trop complexes et sont source de confusion et de controverses.

Il faut déplorer une absence de cohésion entre le système SPG et les autres instruments UE. Dans certains cas, certains pays peuvent bénéficier de quotas dans le cadre:

a)

d'un accord bilatéral conclu avec l'UE;

b)

de contingents autonomes et spécifiques par produit accordés chaque année à tous les pays tiers, sans égard pour l'origine;

c)

de tarifs préférentiels accordés dans le cadre du système SPG.

4.4

De fortes oppositions se sont fait jour sur la question des objectifs à assigner au système SPG durant la prochaine décennie. Les organisations syndicales sont fermement convaincues que les critères essentiels du travail, de la protection de l'environnement et de la lutte contre la production et le trafic de drogue doivent rester un élément clé du système, au point de prévoir l'exclusion des pays qui ne respectent pas ces conditions, quelle que soit leur situation économique. Inversement, les associations commerciales, tout en reconnaissant la grande importance de ces questions, considèrent que le système SPG ne constitue pas un instrument approprié pour traiter ces problèmes et que leur inclusion a compliqué l'application du régime préférentiel, en donnant de plus lieu à certaines incertitudes juridiques.

4.5

Certains participants ont affirmé que l'actuelle liste de pays bénéficiaires n'est pas cohérente car:

a)

le spectre des phases de développement incluses dans la liste est trop large;

b)

la liste inclut indifféremment économies en voie de développement et économies en transition;

c)

certains pays bénéficiaires bénéficient également d'un statut préférentiel en raison d'accords commerciaux bilatéraux ou régionaux.

D'autres intervenants sont d'avis que le PIB par habitant ne devrait pas servir de critère pour la définition des pays bénéficiaires, car certains pays dont le PIB par habitant est faible occupent dans certains secteurs industriels une position forte voire dominante au niveau du commerce mondial. Les représentants syndicaux soutiennent que les seuls critères à appliquer devraient être ceux du respect des droits fondamentaux des travailleurs, de la protection de l'environnement et de la lutte contre le trafic de drogue. Il ressort de nombreuses réponses que la liste des bénéficiaires devrait être limitée aux 49 pays qui figurent sur la liste des pays les moins avancés établie par les Nations unies.

4.6

Un consensus général s'est dégagé sur le fait que les préférences de base devraient être accordées selon un critère ex ante, mais que les préférences spéciales, pour autant qu'elles soient accordées, devraient l'être selon un critère ex post.

4.7

Parmi les propositions de simplification figurent:

la réduction de la liste des pays bénéficiaires,

la réduction du nombre des secteurs industriels et des catégories de produits,

l'exclusion des pays ayant conclu un accord bilatéral avec l'UE,

l'exclusion des pays bénéficiant d'un accord commercial régional,

l'abolition des préférences spéciales ou la réduction de leur nombre,

la simplification des règles relatives au pays d'origine,

la simplification ou la suppression du mécanisme de graduation,

la suppression de tous les droits ad valorem de 3 % ou moins et de tous les droits spécifiques de valeur égale ou inférieure à cinq euros.

Les partisans de la proposition visant à limiter les bénéficiaires aux 49 pays les moins avancés ont fait valoir que cette mesure se traduirait ipso facto par une simplification du système.

4.8

De l'avis général, le fonctionnement du mécanisme de graduation n'est pas satisfaisant et a généré de nombreuses controverses. L'une des personnes interrogées est allée jusqu'à affirmer que l'actuel système de graduation est tout à fait opaque et non transparent. Il est observé que la perte du bénéfice du SPG a souvent entraîné une baisse des investissements directs extérieurs dans le pays concerné, car les investissements étaient liés à l'existence des tarifs préférentiels: les pays exclus ont donc souffert d'une double pénalisation. Un autre problème résulte du fait que la période de référence utilisée pour actualiser la graduation est trop éloignée du moment de l'actualisation effective: c'est ainsi par exemple que la période de référence pour 2003 est la période 1997-1999.

4.9

L'avis général est que non seulement il faut déplorer un manque de cohérence entre les politiques générales de l'UE en matière de commerce et de développement, mais qu'en outre celles-ci sont parfois contradictoires. Remédier à cette situation et parvenir à établir un équilibre entre les différents facteurs à prendre en considération demandera une approche coordonnée de la part de toutes les institutions UE ainsi que la participation active de certaines directions générales de la Commission.

5.   La position des pays tiers

5.1

Le même questionnaire a été envoyé aux gouvernements et organisations représentatives de plusieurs pays bénéficiaires. Malheureusement les réponses ont été très peu nombreuses; il n'a donc pas été tenu compte de ces résultats dans l'enquête, car le taux de réponse a été jugé trop bas pour être représentatif d'un point de vue statistique. Toutefois, le CESE demeure activement engagé dans l'aide aux pays en développement destinée à la construction de leurs capacités pour pouvoir répondre à des demandes de cette nature.

6.   Observations particulières

6.1

Il est probable, en raison de ses débuts difficiles, que le cycle de négociations du GATT à Doha traînera autant que les précédents. Le CESE souscrit par conséquent à la décision de la Commission de poursuivre la procédure d'introduction du nouveau système, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2006 et de ne pas attendre l'issue de celles-ci a une date ultérieure incertaine.

6.2

L'initiative «tout sauf les armes» lancée par l'UE relative à 49 pays moins développés signifie que ceux-ci ne sont de fait plus couverts par le système SPG. Dans la mesure où ils sont autorisés à exporter tous les autres produits (avec des exceptions transitoires dans le domaine agricole) vers l'UE en quantités illimitées, en franchise de droits de douane, le SPG ne s'applique plus à ces pays dès lors que l'on ne peut réduire, dans le cadre d'un système de préférences, ce qui a déjà été fixé à zéro.

6.3

Le SPG est un élément de la politique de développement de l'UE. En tant que tel, il ne doit pas être en décalage avec les autres éléments de cette politique. Les modifications apportées au SPG doivent être considérées à la lumière d'une stratégie de développement globale, ce qui requiert un degré élevé de coordination entre les différentes directions générales de la Commission concernées.

6.4

Le CESE espère que l'on saisira l'occasion de l'introduction du nouveau système, pour harmoniser toutes les règles et les procédures du système.

6.5

Le SPG est en premier lieu destiné à aider les pays en développement à développer leurs économies. Il ne saurait être une panacée pour tous les problèmes auxquels ces derniers sont confrontés.

6.6

Le SPG actuel a fait l'objet de plusieurs critiques, notamment:

trop de pays sont couverts par ce schéma SPG;

les régimes spéciaux d'encouragement ont échoué;

il y a un déséquilibre dans la distribution des bénéfices;

le mécanisme de graduation est trop complexe;

le système SPG peut donner lieu à des fraudes; et

l'impact système SPG s'est affaibli en raison de l'érosion tarifaire.

6.6.1

Le CESE admet que trop de pays sont couverts par le SPG. La liste actuelle des nations éligibles en compte 174 et il existe entre ces pays de larges disparités en terme de stade de développement, de volume d'échanges, de PIB par habitat, de niveau d'industrialisation, de niveau de pauvreté et d'adhésion aux normes de responsabilité sociale acceptées au niveau international.

6.6.1.1

D'une part, la liste comprend des nations qui sont de grands acteurs commerciaux tels que la Chine, l'Inde et la Fédération de Russie ainsi que l'Afrique du Sud, qui sont de formidables concurrents de l'UE sur de nombreux secteurs du marché et, d'autre part, en bas de l'échelle, elle compte des territoires insulaires éloignés avec de minuscules économies tels que l'île Christmas, l'île Heard, les îles McDonald et les îles South Georgia et South Sandwich. Entre ces deux extrêmes l'on trouve des paradis fiscaux tels que les îles Cayman, des nations pétrolières riches telles que le Koweït et des pays avec économies bien développées tels que l'Égypte et des régimes totalitaires tels que le Zimbabwe.

6.6.1.2

Le CESE admet que la proposition selon laquelle le PIB par habitant ne doit pas être le seul critère utilisé pour déterminer l'éligibilité à une inclusion dans le dispositif SPG. Il partage également les préoccupations qui ont été exprimées dans de nombreuses enceintes quant au fait que ce sont les nations qui en ont le moins besoin qui reçoivent la plus grosse part de bénéfices. Pour garantir que l'aide accordée dans le cadre du SPG est bien ciblée sur les pays qui en ont le plus besoin, le CESE recommande que les nouvelles orientations devraient exclure les catégories de pays suivantes:

les nations qui n'ont pas été désignées par l'Organisation des Nations Unies comme «pays en développement»;

les nations qui ont conclu des accords commerciaux bilatéraux ou régionaux avec l'UE;

les nations qui sont membres de l'OPEP;

les nations qui ont un programme d'armes nucléaires; et

les nations qui se comportent comme des paradis fiscaux.

6.6.1.3

Afin de ne pas désavantager les nations avec lesquelles l'UE a conclu des accords commerciaux bilatéraux ou régionaux, il devrait être possible de modifier les accords existants de manière à consolider dans le cadre de ceux-ci tous les bénéfices auxquels elles pourraient actuellement être éligibles dans le cadre du SPG.

6.6.2

Le CESE accorde une extrême importance à la promotion du respect des normes principales du travail, à la protection de l'environnement et à la lutte contre le trafic de drogue mais il faut dire que le système actuel de SPG s'est avéré totalement inefficace pour parvenir à ces objectifs. Un seul pays a été inclus dans le régime spécial d'encouragement à la protection des droits des travailleurs et aucun ne bénéficie du régime spécial d'encouragement à la protection de l'environnement tandis que rien ne prouve que le régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogue, dont douze pays ont bénéficié, ait eu un impact quelconque sur le commerce de stupéfiants.

6.6.2.1

Le CESE estime qu'il n'y pas lieu de prolonger un système qui, tout en étant admirable dans ses objectifs, est un échec patent en pratique. Il est d'avis qu'il faudrait rechercher des formules plus efficaces pour atteindre ces objectifs louables. Il considère que le SPG devrait être employé à cette fin et la meilleure manière d'y parvenir serait d'avoir davantage recours au mécanisme temporaire de retrait. Jusqu'à présent, celui-ci n'a été invoqué que contre l'un des 174 pays de la liste, malgré le fait que l'on puisse facilement trouver des infractions aux normes requises. Dans de nombreux cas, la raison en est que l'on estime que c'est impolitique d'offenser ou de se mettre à dos les régimes des pays concernés. Le CESE ne peut pas fermer les yeux sur la subordination de questions de principes à l'opportunisme politique.

6.6.2.2

Le CESE recommande que, dans le cadre des nouvelles orientations, la Commission définisse clairement les normes de protection des droits des travailleurs, de protection de l'environnement, de lutte contre le trafic de drogue, de respect des droits de l'homme fondamentaux, de développement durable, sans oublier d'autres domaines donnant lieu à préoccupation tels que la protection des consommateurs et le bien-être des animaux. Les pays dont on sait qu'ils enfreignent gravement et systématiquement ces normes devraient, en premier lieu, se voir signaler leur comportement frauduleux et demander de le corriger. Dans le cas où ils ignoreraient cette première démarche, un avertissement public devrait être publié les prévenant qu'en cas de non-respect des normes requises à une date spécifiée, ils seraient sanctionnés sous forme de retrait temporaire de tous les bénéfices du SPG. Les pays ne réagissant pas à cet avertissement devraient donc se voir retirer toutes les préférences jusqu'à ce qu'ils agissent en conformité avec les exigences requises. Pour produire l'effet escompté, cela doit être considéré comme une mesure appliquée de manière relativement courante lorsque nécessaire et non comme une arme qui est utilisée en dernier ressort, in extremis.

6.6.2.3

Lorsqu'il existe des normes acceptées à l'échelle internationale, comme c'est le cas des principales normes du travail de l'OIT (8), celles-ci devraient constituer la base des normes de l'UE applicables. Toutefois, l'absence de telles normes ne devrait pas être un obstacle à la formulation et l'application de normes correspondantes de l'UE. L'UE a le droit de poser des conditions dans la conduite de ces échanges commerciaux à des conditions préférentielles avec d'autres pays. La tentation de fermer les yeux sur le trafic de drogue, d'ignorer les violations des droits de l'homme et de piller l'environnement sont grandes et, pour y résister, il faut un contrepoids suffisamment lourd de manière à parer à l'accusation selon laquelle ces exigences ne sont pas autre chose que des barrières non tarifaires déguisées.

6.6.3

Le CESE admet qu'il y a un déséquilibre dans la distribution actuelle des bénéfices, les principaux bénéficiaires étant les pays les plus avancés parmi les pays en développement et non ceux qui ont le plus besoin d'aide. Il est d'avis que l'élimination des catégories mentionnées précédemment au paragraphe 6.6.1.2 irait dans le sens du rétablissement du juste équilibre. Afin de promouvoir le développement économique dans les pays les plus pauvres, les préférences relatives aux produits devraient être déterminées principalement en fonction des intérêts en termes d'exportation du pays bénéficiaire. Cela simplifierait considérablement la procédure si l'on pouvait rationaliser quelque peu les secteurs industriels et les catégories de produits couverts par le système.

6.6.4

Le CESE admet que le mécanisme actuel de graduation est trop complexe et qu'il a donné lieu à beaucoup de controverses et de mécontentement, en particulier de la part de pays qui en ont fait l'objet; une amélioration de celui-ci est incontestablement souhaitable mais le CESE ne partage pas l'avis de ceux qui préconisent une graduation discontinue. La graduation ne doit pas être considérée comme une sanction mais plutôt comme une reconnaissance du fait que les préférences ont fonctionné et qu'un secteur industriel particulier a progressé au point de ne plus avoir besoin d'une aide préférentielle. Pour preuve le fait que huit des neuf pays dont l'industrie a fait l'objet d'une graduation jusqu'à présent ont continué à accroître leur volume d'exportations vers l'UE après la graduation. L'idée selon laquelle des secteurs et des nations parviendraient éventuellement à ce stade est inhérente au système de SPG

6.6.4.1

Le CESE recommande que le mécanisme de graduation soit simplifié, rendu plus transparent et combine une évaluation économique statistique basée sur une formule d'indicateurs de marché étayée par une sérieuse évaluation du marché du secteur concerné. L'on aurait tout avantage à associer la DG Entreprises à cet exercice et il faudrait également demander le point de vue de l'industrie européenne. En outre, l'intervalle de temps séparant le point de graduation et la période de référence devrait être réduit.

6.6.4.2

Le CESE recommande de reprendre dans les nouvelles orientations pour le nouveau système définitif la disposition introduite dans les régimes transitoires, selon laquelle la procédure de graduation ne devrait pas s'appliquer au pays bénéficiaire dont les exportations vers la Communauté européenne représentent moins de 1 % du volume total des importations communautaires pour les produits couverts par le Système de préférences communautaire au cours de l'une des années de référence au moins. En effet, il est d'avis que l'on pourrait même envisager de relever ce seuil.

6.6.5

Le CESE est préoccupé par l'importance de la fraude et estime qu'il faut tout mettre en oeuvre pour la réduire. Les règles de l'origine sont trop complexes et il est difficile de les appliquer. Elles ne sont fréquemment pas comprises et requièrent une connaissance approfondie d'une énorme quantité de textes juridiques. Elles agissent par conséquent à la fois comme une contrainte sur le commerce et une incitation à la fraude. Trop souvent, des pays bénéficiaires ne servent que de canaux de transit pour les produits des pays non bénéficiaires. L'incidence de la publication incorrecte ou de la falsification dans certains pays d'origine du formulaire A du certificat d'origine du SPG dans les années 90 en est un exemple. Il faut établir un système efficace d'inspection, de vérification et d'application. Cela requiert de renforcer les services douaniers à l'intérieur de l'UE et de mieux les coordonner

6.6.5.1

Il faut également demander aux pays bénéficiaires d'améliorer leurs contrôles. Ceux qui contribuent à la fraude en mettant en oeuvre des mécanismes de contrôle inopérants devraient être sanctionnés par un retrait temporaire de leurs bénéfices. L'UE supporte un coût annuel excédentaire de 2,2 milliards d'euros sous forme de perte de recettes douanières afin de financer le SPG tandis que les pays participants reçoivent un bénéfice collectif annuel de ce montant. Si l'UE doit accorder des avantages de cette importance elle doit pouvoir imposer les termes et les conditions dans lesquelles ces avantages sont accordés.

6.6.5.2

Il faut également des contacts et une coopération plus étroits entre les services douaniers de l'UE et ceux des pays d'origine. Cela peut nécessiter des engagements financiers au niveau communautaire pour pouvoir mettre en liaison les fonctionnaires des douanes de l'UE et leurs homologues des pays en développement. De plus, il faudra peut-être prévoir des actions de formation à l'intention des services douaniers de ces pays. Il ne faut pas oublier l'aspect sécurité. En effet, dans les circonstances actuelles, il a été reconnu qu'en réalité, les frontières extérieures de l'UE ne se situent pas seulement aux limites de ses États membres mais de plus en plus dans les territoires des pays d'où proviennent ses importations. Le CESE est actuellement en train de préparer un avis sur ce thème (9).

6.6.6

Le CESE reconnaît que l'efficacité des préférences au titre du SPG est de plus en plus érodée par les réductions tarifaires progressives générales qui se produisent à la suite des cycles successifs de négociations du GATT. Cette situation lui semble inévitable et pas forcément indésirable. Il a été clairement démontré que les réductions tarifaires globales se sont avérées très efficaces pour stimuler les échanges mondiaux et accroître l'activité commerciale globale, ce qui ne peut que bénéficier à toutes les nations commerciales. En effet, l'évolution de ce processus est telle que les nouvelles orientations dont on envisage qu'elles demeureront en vigueur pour une période de dix ans, pourraient bien représenter la dernière application par l'UE d'un système conventionnel de réduction tarifaire.

6.7

Le CESE estime que les règles de l'origine actuelles appliquées aux échanges préférentiels sont trop complexes. En conséquence, elles sont sources de contraintes inutiles pour les importateurs de l'UE et ont pour résultat un système qui se caractérise par l'opacité et la confusion. Un tel système ne peut que favoriser la fraude. Le CESE aimerait voir ces règles remplacées par de nouvelles élaborées sur le modèle de celles qui sont actuellement en vigueur pour les marchandises ne bénéficiant pas de conditions préférentielles.

6.8

Une autre mesure de simplification consisterait à éliminer les droits de douane pour lesquels un traitement préférentiel a pour résultat: des droits ad valorem de 3 % ou moins; des droits spécifiques de 5 euros ou moins.

6.9

Afin de donner aux gouvernements des pays en développement et aux importateurs de l'UE le temps d'ajuster leur planning, tout changement dans le traitement préférentiel d'un pays devrait être rendu public une année avant son entrée en vigueur.

6.10

Le CESE estime que les nouvelles orientations devraient être: simples, prévisibles, faciles à administrer, cohérentes, transparentes, pertinentes, équitables, stables dans le temps.

7.   Conclusions

7.1

Le CESE souscrit à la décision de la Commission d'introduire le nouveau système SPG avec effet au 1er janvier 2006.

7.2

Le CESE recommande vivement de saisir cette occasion pour harmoniser, unifier et intégrer toutes les règles et procédures du SPG dans les nouvelles orientations.

7.3

Le CESE estime que la Commission devrait assortir ses propositions relatives aux nouvelles orientations d'un rapport d'évaluation d'impact détaillé.

7.4

Le CESE admet que les régimes spéciaux d'encouragement existants se sont avérés inopérants et il préconise de les retirer. A la place, la Commission devrait définir des normes acceptables à l'échelle internationale et basées sur les principes fondamentaux de la société européenne. Un pays qui enfreindrait l'une ou l'autre de ces normes devrait voir son accès à des tarifs préférentiels temporairement suspendu.

7.5

Le CESE partage le point de vue sur lequel trop de nations participent au SPG et fait valoir qu'il faudrait en réduire le nombre, comme souligné dans le texte.

7.6

Le CESE recommande de maintenir le mécanisme de graduation mais en le simplifiant et en le rendant plus transparent.

7.7

Le CESE est préoccupé par l'importance de la fraude dans le cadre du système actuel et appelle à l'instauration de contrôles plus stricts.

7.8

Le CESE estime que les règles de l'origine préférentielles actuelles sont trop complexes et suggèrent de les simplifier sur le modèle des règles de l'origine non préférentielles en vigueur.

7.9

Le CESE estime que la simplification du système devrait être l'objectif premier dans le cadre des nouvelles orientations. Il espère que les propositions qu'il a formulées afin de, entre autres choses, réduire le nombre de pays bénéficiaires, remplacer les régimes spéciaux d'encouragement par l'application d'un mécanisme de retrait temporaire basé sur des règles clairement définies, de remplacer les règles de l'origine actuelles par des règles basées sur les règles de l'origine non préférentielles, de réduire le délai entre le moment de l'actualisation effective de la graduation et la période de référence et de rationaliser les secteurs industriels et les catégories de produits couverts par le SPG contribueront en partie à la réalisation de cet objectif.

7.10

Cet avis, préparé à la demande de M. LAMY, constitue un premier pas important dans la consultation de la société civile dans ce domaine. Le CESE est d'avis que l'introduction de nouvelles orientations devrait être précédée par d'autres consultations élargies et intervenant en temps opportun sur les propositions avec les parties concernées, tant dans l'UE que dans les pays en développement.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Avis sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 — (COM(1998) 521 final – 98/0280(ACC)), (J.O.C 40 du 15 février 1999)

(2)  Avis sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 — COM(2001) 293 final – 2001/0131(ACC) (JO C 311 du 7 novembre 2001.

(3)  Avis sur la proposition de règlement du Conseil prorogeant jusqu'au 31 décembre 2005 l'application du règlement (CE) no 2501/2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et modifiant ledit règlement – COM(2003) 634 final — 2003/0259 (ACC), (CES 1623/2003 du 10 décembre 2003).

(4)  Avis sur la proposition de règlement du Conseil portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 — COM(2001) 293 final – 2001/0131 (ACC), (J.O.C 311 du 7 novembre 2001, paragraphe 3.6).

(5)  Avis sur la proposition de règlement du Conseil portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 — COM(2001) 293 final – 2001/0131 (ACC), (J.O.C 311 du 7 novembre 2001).

(6)  Ibid.

(7)  Avis sur la simplification, (J.O. C 48 du 21 février 2002), Avis sur la Communication de la Commission —Simplifier et améliorer l'environnement réglementaire — COM(2001) 726 final (JO C 125 du 27 mai 2002) et avis sur la simplification, (J.O.C 133 du 6 juin 2003).

(8)  Normes de l'OIT 29,87,98,100,111,138, et 182

(9)  Avis sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil amendant le règlement (CEE) numéro 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire COM(2003) 452 final – 2003/0167(COD).


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/40


Avis du Comité économique et social européen sur «Les répercussions de l'accord de libre-échange des Amériques sur les relations UE/Amérique latine/Caraïbes»

(2004/C 110/11)

Le 21 janvier 2003, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Les répercussions de l'accord de libre-échange des Amériques sur les relations UE/Amérique latine/Caraïbes».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 décembre 2003 (rapporteur: M. SOARES).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 109 voix pour, 8 voix contre et 15 abstentions.

1.   Synthèse de l'avis

1.1

Le processus de constitution d'un accord de libre-échange pour les Amériques (ALCA), impulsé par les États-Unis d'Amérique (EUA), constitue une initiative de grande ampleur qui vise à transformer la région des Amériques dans l'un des plus vastes espaces commerciaux du monde avec plus de 800 millions de personnes, un PIB global de plus de 11.000 milliards d'euros et des échanges commerciaux de 3.500 milliards d'euros.

1.2

Malgré les diverses vicissitudes du processus et les doutes émis par certains sur le respect des délais fixés par l'agenda, le fait est que, jusqu'à présent, la date de janvier 2005 est maintenue comme étant celle de la fin des négociations afin que l'ALCA entre en vigueur en décembre de la même année. D'ailleurs, l'échec de la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce qui se s'est déroulée du 10 au 14 septembre 2003 à Cancun a donné une nouvelle impulsion au projet ALCA dont la date du prochain sommet extraordinaire vient d'être fixée en janvier 2004. En effet, le sommet ministériel du projet ALCA qui s'est tenu à la mi-novembre 2003, à Miami, a permis de débloquer les négociations afin de maintenir la date d'entrée en vigueur officielle (décembre 2005). Néanmoins, l'accord qui est intervenu lors de cette rencontre prévoit un ALCA allégé.

1.3

Une des caractéristiques du projet ALCA, et qui constitue la principale critique faite par de nombreux secteurs de la société latino-américaine, est son côté exclusivement marchand qui ne fera qu'aggraver les asymétries existantes dans la région où les EUA représentent, à eux seul, 77 % du PIB des Amériques et 62 % de l'ensemble des exportations du continent.

1.4

Les positions de la société civile d'Amérique latine et des Caraïbes (ALC) sur ce projet sont fort différentes. D'une part, le monde des affaires voit dans le projet ALCA une possibilité d'accès au grand marché américain, bien que certaines entreprises craignent la concurrence américaine et canadienne; d'autre part, il y a un certain nombre de secteurs groupés autour de l'Alliance sociale continentale (syndicats, ONG, instituts universitaires) qui refusent le projet ALCA d'autant plus que leurs principales préoccupations — respect de l'environnement, droits des travailleurs, exclusion sociale, dette extérieure, démocratie et respect des droits de l'homme, l'exploitation enfantine et le respect des communautés autochtones — ne sont pas considérés ou suffisamment prises en compte dans le projet.

1.5

Il est impératif que l'UE s'engage dans ses relations avec l'ALC avec plus de volonté politique d'autant plus que cela y va de ses intérêts économiques et commerciaux. L'UE ne doit pas oublier que l'entrée en vigueur de l'ALENA a eu d'importantes retombées négatives pour les entreprises européennes qui perdirent la moitié du marché mexicain. Malgré l'accord d'Association que l'UE négocia en très peu de temps avec le Mexique, les parts de marché perdues n'ont pas toutes été récupérées.

1.6

Le contexte politique et social actuel en Amérique latine est favorable pour que l'UE conclue avec succès les négociations avec ses partenaires d'ALC et en particulier avec le MERCOSUR.

1.6.1

L'élection de Luis Inácio Lula da SILVA au Brésil et de Néstor KIRCHNER en Argentine constituent les signes d'une demande de changement dans la région. Outre le grand intérêt commun qu'ils ont pour le développement du MERCOSUR avant même la conclusion de l'ALCA, ils souhaitent également favoriser les relations avec l'UE.

1.6.2

Aujourd'hui, plus que jamais, il y a un besoin manifeste d'Europe dans un continent latino-américain et caribéen en crise. L'UE continue à être considérée comme un modèle social et politique de référence. Le grand défi face auquel se trouvent actuellement l'ALC est celui de trouver un modèle économique et social alternatif à celui du «consensus de Washington» et au projet d'intégration avec les EUA vus comme excessivement hégémoniques.

1.7

Nonobstant, si ce souhait de plus d'Europe dans la société latino-américaine, en particulier dans les élites, paraît évident, reste que l'UE doit faire un important effort pour mieux incorporer la société civile dans sa stratégie. Seul un engagement politique décidé avec une information adéquate et efficace, et la participation de la société civile pourra permettre de montrer qu'il s'agit d'un projet réciproquement avantageux. L'UE ne peut se permettre de commettre la même erreur qui est reprochée au projet ALCA.

1.8

L'UE doit également prendre note de l'échec des négociations multilatérales de Cancun et considérer que ses partenaires internationaux, à l'instar des États-Unis d'Amérique, sont décidés à emprunter d'autres canaux, tels que le bilatéralisme ou le birégionalisme, pour faire avancer le commerce international. L'échec de Cancun constitue, aux yeux des États-Unis, une nouvelle motivation pour faire avancer les négociations de l'ALCA. Dans ce contexte, le CESE comprend que l'UE et le MERCOSUR doivent afficher une plus grande volonté politique afin de conclure un accord d'Association en outrepassant les hésitations et les obstacles que toute négociation comporte. Afin d'atteindre le même objectif avec, d'une part, la Communauté andine des nations (CAN) et, d'autre part, le Marché commun centre-américain (MCCA), le Conseil de l'UE doit octroyer un mandat à la Commission européenne pour que celle-ci puisse lancer les négociations. Le cas contraire, l'Union verra son ambition d'être un associé stratégique pour l'Amérique latine décliner risquant d'affaiblir son rôle dans le tracé des nouvelles règles du commerce et de la gouvernance mondiale. Les pays de l'ALC constituent des alliés naturels pour des raisons culturelles, politiques, économiques, et sont nécessaires pour redéfinir le rôle de l'Europe dans la politique mondiale.

1.9

Par conséquent, l'UE ne peut se permettre de mener une politique réactive par rapport à ses partenaires d'ALC. Il ne faut pas attendre que des progrès soient effectués dans le cadre des négociations de l'ALCA pour aller de l'avant dans le partenariat stratégique UE/ALC. L'UE doit épouser dans ce dossier de politique et commerce international une réelle attitude de leadership.

1.10

L'UE ne peut rester indifférente aux aspirations et aux justes revendications des populations d'ALC et devrait, par conséquent, donner une nouvelle impulsion politique aux relations avec cette région du monde et multiplier les efforts pour concrétiser les engagements des sommets de Rio de 1999 et de Madrid de 2002. Ainsi, l'UE doit redéfinir sa stratégie tout en ayant comme base les points suivants:

Le développement d'un plan d'action et d'un calendrier de négociation concret avec des propositions qui vont, aussi, à la rencontre des intérêts des pays d'ALC;

Libéralisation commerciale favorisant les économies de chacune des deux zones;

Une plus ample participation de la société civile organisée dans toutes les phases de la négociation;

La poursuite d'une politique d'appui aux groupements régionaux latino-américains et des Caraïbes;

La défense d'un modèle social cohérent dans ses relations avec l'ALC visant la promotion de la cohésion sociale;

Une augmentation significative des moyens financiers en accord avec l'importance stratégique de la région;

La dissociation de la conclusion de l'accord d'Association UE-MERCOSUR de la fin du cycle de négociation de Doha;

La conclusion rapide des accords d'Association avec les autres blocs régionaux tels que la CAN et le MCCA;

La redynamisation du dialogue politique inter-régional et par conséquent un renforcement de la présence ministérielle européenne dans les fora interministérielle à l'instar des rencontres UE-Groupe de Rio.

2.   Le projet d'Accord de libre-échange des Amériques

2.1   Les antécédents du projet de l'ALCA

2.1.1

L'idée d'intégrer l'ensemble des pays des Amériques est fort ancienne mais n'a jamais pu aboutir, faute d'un consensus entre les pays. L'Accord de libre échange des Amériques (ALCA) qui est actuellement en pleine négociation constitue une sérieuse tentative dans ce sens. En effet, le processus vient d'entamer sa phase finale.

2.1.2

Ce projet est à la base d'une initiative nord-américaine qui s'insère dans le contexte particulier des années '80. Le gouvernement Reagan lance en mai 1982 l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes qui avait pour objectif la mise sur pied d'un programme de partenariat économique axé sur l'ouverture commerciale et l'initiative privée. En janvier 1988, il signe un accord de libre-échange avec le Canada (ALE). Les pourparlers pour l'élargissement de cet accord au Mexique se font sous l'initiative du gouvernement Bush (père) et se concrétisent sous le gouvernement Clinton ce qui donnera naissance à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

2.1.3

En 1990, le président Bush annonçait son projet »l'Initiative pour l'entreprise des Amériques« (IEA) qui cherchait à créer une zone de libre échange à l'échelle de l'hémisphère ainsi qu'à établir un fonds d'investissement visant à encourager la poursuite des réformes économiques, à attirer les investissements internationaux et à alléger les dettes des pays latino-américains.

2.1.4

De leur côté, les gouvernements des pays d'ALC ont accueilli avec enthousiasme ce projet de grande alliance économique.

2.1.5

Dès son arrivée au pouvoir, l'administration Clinton va reprendre l'idée de lier l'ensemble des Amériques par un accord de libre-échange. Le premier Sommet des Amériques aura alors lieu en décembre 1994 à Miami et réunira les 34 chefs d'État et de gouvernement du continent, à l'exception de Cuba (1).

2.2   Lignes directrices et grands principes du projet

2.2.1

Au cours du sommet de Miami les parties adoptent un Plan d'action et une Déclaration de principe dans lesquels on y retrouve les lignes directrices et les grands principes du projet dont l'objectif central est l'instauration d'un espace de libre échange par l'élimination progressive des barrières au commerce et à l'investissement.

2.2.2

Ce plan d'action qui vise la promotion de la prospérité par le biais de l'intégration économique et du libre-échange, va contenir trois autres chapitres: la préservation et le renforcement de la démocratie; la lutte contre la pauvreté et la discrimination; le développement durable et la protection de l'environnement.

2.2.3

Lors du deuxième Sommet des Amériques tenu à Santiago en avril 1998, ce plan d'action sera remanié sans pour autant changer les orientations principales. Les quatre chapitres devenaient: l'éducation; la démocratie, la justice et les droits de la personne; l'intégration économique et le libre échange; l'éradication de la pauvreté et de la discrimination. Bien que la partie économique occupait toujours une place prédominante dans le projet, on y accordera, à la demande notamment du Brésil, une grande importance à la question sociale par le truchement de l'éducation et de la résolution de la pauvreté.

2.2.4

Le plan d'action va connaître de nouveaux changements. N'ayant rien apporté au niveau de la négociation, le chapitre sur l'éducation disparaît. Mais à l'instigation du Canada un nouveau thème va faire son apparition lors du troisième Sommet des Amériques organisé à Québec en avril 2001. Ainsi, au renforcement de la démocratie, à la prospérité économique et à la réalisation du potentiel humain, on y ajoutera le thème de la connectivité (accès aux nouvelles technologies de l'information et de communication).

2.3   La structure des négociations

2.3.1

Ces différents sommets de chef d'État et de gouvernement font partie de la très complexe structure qui encadre le processus de négociation. Ils se réunissent tous les 3 à 4 ans et leur tâche consiste à soutenir les grandes lignes du projet conçues par les autres niveaux des négociations ainsi qu'à faire connaître la volonté politique de leur pays. Mais l'instance politique qui occupe une place centrale dans la structure de négociation est bien celle des ministres du Commerce qui se réunissent approximativement tous les 18 mois pour définir les orientations générales de l'ALCA.

2.3.2

Il y a un niveau administratif qui est représenté par les sous-ministres du Commerce regroupés dans le Comité de négociation commerciale (CNC). Ce dernier joue un rôle clé dans ce sens qu'il oriente les travaux des neuf groupes de négociation, décide de la structure générale du futur accord de libre-échange et des questions institutionnelles, et assure la transparence du processus de négociation.

2.3.3

Reste un pilier de nature technique. Il s'agit de celui des négociateurs et experts qui se réunissent au sein des neuf groupes de négociation qui couvrent les domaines suivants: 1) accès aux marchés; 2) investissements; 3) services; 4) marchés publics; 5) règlement des différends; 6) agriculture; 7) droits de propriété intellectuelle; 8) subventions, droits anti-dumping et compensatoires; 9) politique de la concurrence.

2.3.4

Ces différents groupes bénéficient de l'appui technique et analytique du Comité tripartite composé de l'Organisation des États américains (OEA), de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) et de la Banque interaméricaine de développement (BID).

2.4   Les phases de négociations

2.4.1   Première phase de négociation

2.4.1.1

Depuis le sommet de Miami, le projet ALCA a connu plusieurs phases de négociation. La première phase qui s'étend de 1994 à 1998 constitue une étape préparatoire durant laquelle est fixée la structure de base du projet. Quatre réunions ministérielles y seront organisées (en juin 1995 à Denver, en mars 1996 à Carthagène, en mai 1997 à Belo Horizonte et en mars 1998 à San José).

2.4.1.2

Lors de cette première phase de négociation seront adoptés les principes directeurs des négociations de l'ALCA. Ainsi, il est décidé que les décisions seront adoptées par consensus, que l'ALCA constituera un engagement unique et qu'il sera conforme aux règles et disciplines de l'OMC. Enfin, il sera décidé à l'insistance du MERCOSUR et notamment du Brésil, mais contrairement au souhait américain, que l'ALCA pourra être compatible avec d'autres accords régionaux ou bilatéraux et que l'adhésion à cet accord pourra se faire de manière individuelle ou en bloc régional. À partir de ce moment, plusieurs espaces régionaux vont parler d'une seule voix dans les instances de négociation de l'ALCA, à l'instar de la Communauté andine (CAN), le MERCOSUR, la Communauté de la Caraïbe (CARICOM) et par la suite 4 (2) pays du Marché commun centre-américain (MCCA) dénommés CA-4.

2.4.1.3

Durant cette première phase de négociation, les parties ont également dédié leur effort à l'assemblage d'information, l'accumulation de connaissance et à asseoir les bases pour les futures négociations.

2.4.2   Deuxième phase de négociation

2.4.2.1

À l'occasion du Sommet de Santiago, les chefs d'État et de gouvernement vont manifester leur volonté d'aller de l'avant dans le projet des Amériques. Lors de cette deuxième phase, les ministres qui se réuniront à deux occasions (en novembre 1999 à Toronto et en avril 2000 à Buenos Aires) annoncent l'entrée en vigueur des mesures de facilitation de commerce pour janvier 2001. En outre, les groupes de négociations présentent aux ministres un avant-projet de l'accord sur l'ALCA.

2.4.2.2

Sous pression de la société civile, il sera décidé de rendre l'avant-projet publiquement disponible, afin d'accroître la transparence du processus. Les ministres ont réaffirmé leur volonté de finaliser le projet pour janvier 2005 afin qu'il entre en vigueur en décembre 2005.

2.4.3   Troisième phase de négociation

2.4.3.1

La troisième phase de négociation s'est amorcée avec la tenue du troisième Sommet des Amériques en avril 2001 à Québec. A cette occasion, les chefs d'État et de gouvernement ont émis une déclaration comportant de vastes engagements sociaux et économiques. Une clause démocratique a été adoptée: on s'est entendu pour tenir des consultations dans le cas où un pays participant renoncerait à ses institutions démocratiques. Aucune sanction n'a été précisée.

2.4.3.2

L'objectif de cette troisième phase est de préparer une nouvelle version plus élaborée du futur accord. Ainsi, lors de la 7ème rencontre ministérielle en novembre 2002 à Quito, on y publie une nouvelle ébauche du projet d'accord et établit les lignes directrices pour les négociations des 18 prochains mois. Les ministres vont également mettre en place un Programme de Coopération Hémisphérique destiné à favoriser une participation effective des plus petites économies du continent à l'ALCA. Avec Quito, les négociations sont entrées dans la phase finale du processus qui sont coprésidées par les EUA et le Brésil.

3.   Les caractéristiques et obstacles à la réalisation du projet

3.1

L'ALCA constituerait l'un des plus grands espaces de libre-échange au monde avec un marché de plus de 800 millions de personnes, un PIB global de plus de 11.000 milliards d'euros et des échanges commerciaux de 3.500 milliards d'euros.

3.2

Cependant, le processus d'intégration se démarque par son côté asymétrique et sa polarisation sur les EUA. En effet, rares sont les pays dans les Amériques qui n'ont pas les EUA comme premier partenaire commercial. Seuls l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay font exception vu qu'ils ont le Brésil comme premier partenaire en matière de commerce extérieure.

3.3

En 2000, l'économie nord-américaine représente à elle seule 77 % du PIB des Amériques et 62 % de toutes les exportations du continent. Le Brésil, le Canada et le Mexique comptent, respectivement 6 %, 5 % et 4 % du PIB des Amériques. Les 30 autres pays comptent pour 8 %. Des petits pays comme le Nicaragua et Haïti comptent ensemble pour 1/2000e du même total. L'ALENA et le MERCOSUR comptent respectivement pour 87 % et 9 % du PIB total et respectivement 90 % et 6 % du commerce hémisphérique.

3.4

En termes de PIB par habitant, les données confirment cette asymétrie: les EUA viennent en tête avec 34.400 euros par habitant, suivis du Canada (21.930 €), de l'Argentine (6.950€), de l'Uruguay (6.000€), du Brésil (3.060€) et du Mexique (5.560€). À l'autre extrémité, le Nicaragua et Haïti disposent de 745€ et 480€ par habitant. Il s'agit donc d'un projet qui intègre des économies fort disparates avec des degrés de développement fort différents (3).

3.5

Ces asymétries et inégalités ont soulevé le problème des effets éventuels d'une intégration économique en profondeur sur les économies dites de petite taille pour lesquelles aucun fonds de développement et aucun filet de sécurité n'est prévu. L'intégration de ces économies au processus de l'ALCA est devenue un enjeu considérable. Ces pays qui sont au nombre de 25 (4) font face à des difficultés certaines dans la participation aux négociations. La question de la suffisance des ressources financières et humaines afin de poursuivre ces négociations constitue un obstacle important. L'unique mesure de compensation qui, jusqu'à présent, a été prise pour contrecarrer les asymétries, est celle de la mise en place d'étapes plus longues pour la libéralisation commerciale des petites économies.

3.6

Le manque de clause sociale risque de se faire sentir d'autant plus qu'en l'espace de ces dix dernières années l'orthodoxie des politiques d'ajustement structurel a engendré une considérable poussée du chômage et une augmentation de la pauvreté en ALC qui, selon la CEPAL, a atteint, en 2002, plus de 220 millions de personnes ce qui correspond à 43,4 % de la population (5). Les problèmes sociaux, économiques et politiques que connaît ce continent n'ont d'ailleurs pas facilité l'avancement des pourparlers depuis le Sommet de Québec.

3.7

Malgré les réformes soutenues poursuivies depuis 20 ans, les économies d'ALC éprouvent toujours autant de difficultés à trouver les voies d'une croissance économique rigoureuse, stable et compétitive. Une étude de la CEPAL montre que pour la deuxième année consécutive, la croissance du PIB a été négative, soit –1,9 % pour l'année 2002 — période qu'elle a qualifiée de «demi-décennie perdue».

3.8

C'est notamment le cas de l'Argentine qui depuis décembre 2001 s'est retrouvée dans une situation de crise sans précédent. Après l'éclatement de la crise, l'Argentine a préféré se rapprocher de ses partenaires du MERCOSUR pour renforcer cette intégration régionale et développer des liens plus intenses avec l'Europe ainsi que pour prendre distance de la stratégie de d'alignement automatique sur Washington. Pour le président brésilien, Luiz Inácio Lula da SILVA, l'approfondissement du MERCOSUR ainsi que les relations avec l'UE constituent également une priorité.

3.9

Ceci dit, Brasilia ne prétend pas effectuer un tournant drastique dans sa position à l'égard de l'ALCA. Sa stratégie cherche surtout à développer des pourparlers entre le MERCOSUR, la CAN, le Chili, les pays des Caraïbes, la Guyana et le Surinam afin de créer un accord de libre-échange sud-américain (ALESA) ce qui permettrait aux pays d'ALC de renforcer leur position au sein des négociations de l'ALCA. En décembre 2002, les parties prenantes au projet ont convenu d'un échéancier: élimination des barrières douanières pour fin 2003 et entrée en vigueur du projet pour 2005. C'est dans le prolongement de cette logique de «relier toute l'Amérique du sud au MERCOSUR» pour la fin de l'année 2003 que l'administration Lula est parvenue à ce que le Pérou signe avec le MERCOSUR un accord d'association (août 2003) fort semblable à ceux conclus avec la Bolivie en décembre 1995 et le Chili en juin 1996. Le MERCOSUR espère, également, pouvoir concrétiser un accord d'association avec le Venezuela et en lancer un autre avec la Colombie. Ce projet — tant du point de vue de ses ambitions que du choix du calendrier — se veut une alternative au processus de l'ALCA.

3.10

De leur côté, les EUA n'ont pas hésité à emprunter la voie bilatérale — comme le prouve l'accord signé avec le Chili en décembre 2002 — pour faire avancer l'ALCA surtout depuis l'adoption du fast track ou TPA (6) (voie rapide) en juillet 2002. Suite à la Conférence ministérielle de l'OMC à Cancun, cette tendance au bilatéralisme risque de s'accélérer.

3.11

Néanmoins, cette mesure est affectée par les mesures protectionnistes prises aux EUA. En effet, après avoir augmenté les tarifs protégeant le secteur américain de l'acier et du bois d'œuvre, les EUA ont adopté une Farm bill qui prévoit 180 milliards de dollars en termes de subventions aux producteurs agricoles sur une période de dix ans. Ces mesures protectionnistes ne font que raviver les tensions entre les EUA et certains pays d'AL, le Brésil en tête.

3.12

Les subventions aux exportations sont devenues l'un des principaux obstacles à la réalisation de l'ALCA. De nombreux pays d'AL font pression pour que les EUA abaissent leurs subventions à l'agriculture. Mais l'administration Bush fait pression pour que les questions de subventions agricoles ainsi que le recours aux «droits antidumping» et des droits compensatoires, soient discutés dans le cadre de l'OMC. Mais l'échec des négociations multilatérales de Cancun montre la difficulté que les pays riches, à l'instar des EUA et de l'UE, rencontrent pour aborder notamment les questions agricoles dans le cadre de négociations internationales.

3.13

Prenant note de l'échec des négociations commerciales multilatérales, les EUA ont annoncé, lors de la conférence de presse de clôture du sommet de Cancun, leur volonté de jouer dans le registre bilatéral et régional. Si ces déclarations réalisées venaient à être suivies, il est probable que les négociateurs américains reprennent place à la table des négociations agricoles dans le cadre du projet ALCA. Une telle situation permettrait au projet d'intégration pan-américain d'écarter l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter et, partant, de réaliser des avancées considérables.

3.14

Néanmoins, malgré la TPA, le pouvoir de négociation de l'exécutif reste limité par le Congrès. Le Trade Act (qui octroie la TPA) prévoit des procédures d'examen qui pourraient s'avérer laborieuses, notamment pour tout ce qui a trait aux subventions et «droits anti-dumping» et compensateurs. Il prévoit aussi une procédure de consultation qui donne au Congrès un droit de regard important sur les négociations.

4.   Les acteurs de la société civile face au projet des Amériques

4.1   Participation institutionnelle

4.1.1

Le processus gouvernemental de l'ALCA est suivi par des organisations de citoyens dont la participation est prévue dans l'ALCA. Au-delà de cette participation, ces organisations se réunissent lors des rencontres ministérielles et présidentielles afin de peser sur le cours des négociations.

4.1.2

Les mécanismes de participation de la société civile se scindent entre les initiatives instaurées par les instances impliquées dans le processus de l'ALCA et celles en provenance des mouvements sociaux. Dans le cadre du processus de l'ALCA, un mécanisme a été institué par le Comité des représentants gouvernementaux sur la participation de la société civile afin de relayer les propositions en provenance du patronat, du travail, de l'environnement et des milieux académiques. Cette participation se fait de manière indirecte. En effet, ceux-ci peuvent s'adresser par écrit au comité qui transmettra ensuite leurs recommandations au CNC ou au groupe de négociation approprié.

4.1.3

Afin de favoriser la participation de la société civile, les responsables gouvernementaux du projet des Amériques ont organisé un colloque régional sur l'ALCA à Mérida, au Mexique en juillet 2002. Ce premier forum régional de discussion publique a réuni 100 membres du public. L'objectif était également d'offrir des informations et explications sur le processus comme tel.

4.1.4

Une deuxième initiative fut prise lors de la réunion ministérielle de Quito en novembre 2002: les ministres de Commerce ont rencontré séparément les représentants du secteur privé et ceux de la société civile (groupes environnementaux, syndicats, parlementaires et peuples indigènes). Le fait pour les représentants de la société civile de pouvoir s'adresser directement aux ministres constitue une première.

4.2   Positions de la société civile sur le projet ALCA

4.2.1

Les milieux d'affaires des Amériques se sont intéressés très tôt au projet de l'ALCA. En effet, depuis la première réunion ministérielle à Denver en 1995, ils ont cherché à organiser des rencontres parallèles au processus officiel afin de promouvoir les intérêts du secteur privé. Plus de 1500 hommes d'affaires ont été impliqués dans ces rencontres à travers le Forum des Gens d'Affaires des Amériques (Americas Business Forum, ABF) qui regroupe les milieux d'affaires sur une base sectorielle et nationale.

4.2.2

Le Forum des Gens d'Affaire des Amériques qui est favorable au projet d'intégration des Amériques cherche à contribuer au débat faisant des analyses techniques et d'information sur les objectifs stratégiques et les aspirations du secteur privé. Il contribue également à diffuser de l'information sur le processus et à établir des liens personnels et institutionnels entre les dirigeants d'entreprises et les organisations des Amériques.

4.2.3

Durant les réunions annuelles du Forum sont organisé des conférences et séminaires sur des thèmes clé de l'intégration hémisphérique. Bien que les rencontres annuelles prévues par le Forum des affaires ne soient pas inscrites de manière officielle dans le processus de négociation, les travaux qu'il effectue ont objectivement une forte influence sur le façonnement du projet. En effet, les recommandations émises par le secteur privé sont prises en compte par chacun des groupes de négociations. Une de ces recommandations concerne la mise en place rapide de mesures de facilitation du commerce et les dirigeants se sont en effet entendus pour que des mesures entrent en vigueur avant la fin des négociations.

4.2.4

En ce qui concerne les autres secteurs de la société civile — tel que mouvement syndical, ONG, centres de recherche universitaires — l'apport des échanges est beaucoup moins évident. Les organisations sociales ont entrepris leurs propres démarches pour se prononcer sur le processus d'intégration. Parmi les différentes initiatives il y a celle de l'Alliance sociale continentale (ASC) qui représente un important réseau d'organisations et de mouvements sociaux interaméricains. Elle regroupe aussi une grande diversité de positions qui vont de la réforme au refus du projet de l'ALCA. Bien que cette initiative se soit matérialisée en 1997, la société civile s'est mobilisée déjà bien avant.

4.2.5

En effet, tout comme le secteur patronal, les syndicats vont s'intéresser très tôt au projet des Amériques. Ils vont, eux aussi, marquer leur présence à l'occasion de la réunion ministérielle de Denver. Le mouvement syndical soutenu par l'Organisation régionale interaméricaine (ORIT) – branche continentale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – mettra sur pied une conférence parallèle au terme de laquelle sera rédigée une déclaration faisant état des préoccupations et revendications des participants.

4.2.6

Lors de la suivante réunion ministérielle à Carthagène, le mouvement syndical ne se limitera pas uniquement à la rédaction d'un nouveau document de réflexion, il cherchera également à faire pression sur les représentants gouvernementaux. D'ailleurs, ces derniers vont souligner, dans leurs conclusions finales, «l'importance de favoriser une plus grande reconnaissance et la promotion des droits des travailleurs et la nécessité d'envisager des mesures appropriées à ce sujet auprès de [leurs] gouvernements respectifs».

4.2.7

Le mouvement va s'élargir à d'autres groupes sociaux. Ainsi, lors de la troisième réunion ministérielle de Belo Horizonte en mai 1997, des délégués des coalitions d'opposition au libre-échange (ONG, certains centres de recherche, associations environnementales, féministes et autochtones) vont se joindre à la rencontre des représentants du mouvement syndical du continent américain donnant naissance à l'Association sociale continentale qui se manifestera en tant que telle l'année suivante au moment de la tenue du deuxième Sommet des Amériques.

4.2.8

Pour l'occasion, l'ASC a organisé le premier Sommet des peuples des Amériques duquel émerge un document intitulé Des alternatives pour les Amériques. Un deuxième Sommet des peuples sera organisé à l'occasion du troisième Sommet des Amériques en avril 2001 à Québec, regroupant plus de 2000 représentants de mouvements et organisations provenant de l'ensemble des Amériques, y compris Cuba.

4.2.9

L'ASC, consciente de l'influence objective des milieux d'affaires dans le cadre des négociations de l'ALCA, cherche à promouvoir un autre type de projet en proposant l'insertion dans le futur accord de mesures sociales et environnementales. Elle souhaite ainsi garantir l'emploi et sa qualité et éviter le «dumping écologique» par la prise en compte des coûts environnementaux dans les exportations. Mais en ALC nombreux sont les gouvernements à s'opposer à ce type de mesures car ils les considèrent comme un prétexte pour le protectionnisme. En outre, la position américaine adoptée depuis 2001 ne favorise pas le progrès dans ces domaines. Contrairement à ce qui s'est produit dans le cadre de l'ALENA, le projet d'inclure des clauses sur l'emploi et l'environnement a perdu de son importance dans les négociations officielles de l'ALCA aux EUA qui ont affiché à plusieurs reprises leur réticences à aborder ces thèmes dans les discussions.

4.2.10

L'Alliance sociale continentale a également fait savoir son opposition à la libéralisation systématique des marchés publics, des services de santé, de l'éducation et des investissements.

4.2.11

L'ASC a également cherché à dénoncer le manque de transparence du processus. Actuellement, elle est occupée à organiser une consultation sur le projet de l'ALCA qui doit se faire sur l'année 2003-2004 et à l'échelle des Amériques.

4.2.12

Dans ce mouvement d'opposition à la création de l'ALCA telle qu'elle est actuellement négociée, quelques parlementaires des Amériques ont également cherché à manifester leur position à l'égard du projet. En effet, des parlementaires issus de plus de 164 parlements provinciaux ou d'États, de même que des délégués des parlements régionaux en provenance des 34 pays négociant l'ALCA ainsi que de Cuba, se sont réunit à plusieurs reprises dans un forum dénommé Conférence des parlementaires des Amériques (COPA), afin de manifester leurs réticences par rapport au projet des Amériques.

4.2.13

Dans sa déclaration adoptée lors de sa deuxième assemblée générale en juillet 2000, la COPA appelait les chefs d'État et de gouvernement à prendre en compte le niveau de développement des pays impliqués dans le projet de l'ALCA et à assurer la participation des parlementaires de toutes les juridictions, de manière à favoriser la transparence.

4.2.14

Parallèlement à la réunion ministérielle de Quito, il y a eu une rencontre continentale de parlementaires qui a émis une résolution dans laquelle les députés participants ont rejeté l'ALCA et ont proposé aux gouvernements d'opter plutôt pour un renforcement des accords d'intégration latino-américains et des caraïbes, tels que le MERCOSUR, la CAN, le CARICOM, MCCA, etc.

4.3   Préoccupations et attentes de la société civile

4.3.1

Dans la société civile d'ALC, il y a différentes visions sur le projet ALCA. Les secteurs qui s'opposent au projet ALCA déplorent qu'il n'y ait pas de participation effective possible d'une partie importante de la société civile, tels que les syndicats et les ONGs représentatives, aux processus de décision et que les seuls à pouvoir jouir d'un accès direct aux négociateurs et à exercer une influence certaine sur les textes-brouillons en cours de négociation ne soient que les membres du Forum d'affaires des Amériques qui eux, par contre, sont favorables au projet ALCA.

4.3.2

La grande crainte est que le processus continue à avancer sans transparence ou que l'on applique la «politique du fait accompli» présentant à la société civile les résultats des négociations une fois terminées sans pouvoir y influer.

4.3.3

Les syndicats ainsi que d'autres acteurs sociaux regroupés autour de l'ASC se lamentent que les autorités politiques et le monde des grandes entreprises privées continuent à définir le futur accord d'intégration des Amériques sans tenir compte de leurs principales préoccupations: environnement, droits des travailleurs, précarité salariale, chômage, pauvreté, exclusion sociale, accroissement du déséquilibre entre les économies du continent, protectionnisme agricole et subsides américains à l'exportation qui affectent les pays d'ALC, dette extérieure, démocratie (est réclamée aux gouvernements l'organisation d'une consultation sur l'ALCA) ainsi que le respect des droits de l'homme, l'exploitation enfantine et le respects des communautés autochtones.

4.3.4

Si bien que la grande partie des mouvements sociaux (ONG, organisations syndicales, instituts de recherches, etc.) se dit plutôt favorables aux processus d'intégration régionale, de sérieuses réserves sont faites sur des accords d'intégration tel que l'ALCA. A leurs yeux, les processus d'intégration, à l'instar du MERCOSUR, sont perçus comme pouvant être un modèle de référence pour l'intégration dans les Amériques car ils incluent des aspects politiques, sociaux, culturels et stratégiques, alors que l'ALCA, tel qu'il est négocié actuellement, ne ferait qu'amplifier considérablement les asymétries entre les EUA et l'ALC, d'autant plus que ces premiers mènent des politiques protectionnistes qui affectent la compétitivité internationale de ce deuxième.

4.3.5

Ces acteurs sociaux sont en faveur d'une intégration qui ne se limite pas au commerce et s'opposent — contrairement à la grande majorité des gouvernements d'ALC — à un accord qui ne donne aucune garantie sur le plan social et environnemental. Ils souhaitent également que le respect des droits de l'homme soit sérieusement pris en compte. D'après leurs déclarations, ils seraient moins enclins à appuyer un accord entre les EUA et l'ALC qu'entre cette dernière et l'UE. Ils disent apprécier non seulement la place que l'UE réserve au social, à l'environnemental et aux droits de l'homme tant au niveau interne qu'international, mais également la cohérence dans laquelle ces mesures sont respectées. Mais ils lamentent le manquent d'énergie et de volonté que souffre la stratégie latino-américaine de l'UE.

4.3.6

L'ASC souhaite également que les gouvernements rendent le processus de négociation transparent et organisent un débat ouvert sur l'ALCA avec toutes les composantes de la société civile pour analyser la viabilité et les conséquences qu'un tel accord pourrait avoir pour les nations des Amériques.

4.3.7

En ce qui concerne la position des entrepreneurs, un grand nombre d'entre eux en ALC voit dans l'ALCA un moyen de percer le grand marché américain à la tête duquel ont trouve le monde de l'agrobusiness. Ils estiment que l'ALCA constitue un moyen important pour quitter le cercle vicieux de l'endettement des années '80, consolider les réformes libérales et sortir de l'isolement international. Néanmoins certains entrepreneurs sont moins enthousiastes. C'est le cas par exemple de l'industrie pétrochimique en AL qui a réitéré son opposition à l'ALCA lors de sa dernière réunion tenue (11 novembre 2003) dans le cadre de l'Association chimique et pétrochimique d'AL (APLA).

4.3.8

En Amérique latine, et notamment au Brésil, certains secteurs d'activités sont réticents à avancer dans les négociations de l'ALCA. Il s'agit surtout de certaines entreprises qui craignent fortement la concurrence américaine et canadienne que pourrait occasionner la signature de l'ALCA. Par contre, un grand nombre d'entreprises du secteur secondaire et tertiaire aux États-Unis et au Canada voient dans l'ALCA une opportunité pour percer les marchés latino-américains et, notamment, le marché brésilien.

4.3.9

Néanmoins, le secteur privé brésilien semble connaître un changement de position. En effet, alors que durant longtemps le monde des affaires national et le siège de la diplomatie brésilienne (Palais d'Itamaraty) partageaient la même vision négative par rapport au projet ALCA, ce premier commence à se positionner favorablement à une plus grande ouverture commerciale et se déclare, dès à présent, prédisposé à affronter la concurrence extérieure. Le secteur privé national a commencé à faire pression sur le gouvernement Lula pour que celui-ci assouplisse sa position dans les négociations de l'ALCA afin que l'accord soit conclu dans les délais.

4.4   Positions et préoccupations des décideurs politiques

4.4.1

Il existe un réel abîme entre les visions de la société civile et celles des gouvernements sur la voie à emprunter pour la réalisation de l'intégration des Amériques. Les gouvernements d'ALC qui sont surtout intéressé à l'ouverture économique et, notamment, à pénétrer le grand marché américain, cherchent, en négociant un accord commercial continental, à pousser les États-Unis à mettre un terme à leurs politiques protectionnistes agricoles.

4.4.2

Ils estiment, à l'instar des membres du MERCOSUR, que l'ALCA pourrait inciter l'UE à avancer dans ses négociations avec les pays d'ALC et à faire avancer les négociations multilatérales dans le cadre de l'OMC. L'ALCA, les négociations avec l'UE et l'OMC constituent à leurs yeux »trois processus inter-reliés et qui se conditionnent«. La ferme position adoptée par les pays en voie de développement (PED), par le truchement du »Groupe des 21« (G21, dit également G20-plus), face aux réticences des pays riches à lâcher du lest dans le domaine agricole durant la Conférence ministérielle de Cancun et l'échec de ces négociations pourraient, dans une certaine mesure, être interprétés comme la régression du multilatéralisme. Le blocage des discussions multilatérales semble ouvrir la voie à des stratégies régionales, bilatérales et birégionales. Comme il a déjà précédemment été souligné, les États-Unis affichent une grande volonté d'accélérer de tels accords. Les puissances émergentes, à l'instar de la Chine et du Brésil, ont également annoncé leur volonté de jouer sur ce registre.

4.4.3

Le bloc sud-américain est de l'avis que contrairement à l'offre des EUA en matière agricole, celle de l'UE est loin d'être claire. Il estime qu'une simple négociation sur les produits agricoles est insuffisante; il faut également négocier les subsides à l'exportation. En ce qui concerne ces items, l'ALCA lui semble plus porteuse d'espoir que les négociations avec l'UE. Néanmoins, les négociations avec l'UE lui semblent plus faciles que celles menées dans le cadre du projet ALCA: les discussions avec l'Europe impliquent une négociation birégionale alors que celles menées dans le cadre de l'ALCA font intervenir un nombre important d'acteurs et de propositions parfois fort différentes. Dans le cadre de la négociation de l'accord d'Association UE-MERCOSUR, l'Union, dont la position unique est défendue par la Commission européenne, a toujours incité, non sans réussite, les pays membres du MERCOSUR à définir une position commune. Lors des négociations birégionales, les propositions d'offres en provenance des parties sont ainsi réduites à deux ce qui facilite les négociations.

5.   Les relations Europe et Amérique latine/Caraïbes

5.1   Bref historique des relations

5.1.1

Du fait de facteurs historiques divers, certains pays européens à l'instar, notamment, de l'Espagne, de la France, de la Grande-Bretagne, du Portugal, des Pays-Bas, ont toujours entretenu des relations bilatérales plus ou moins étroites avec les pays d'ALC. Malgré la diversité culturelle et l'hétérogénéité qui caractérise l'ALC, l'identité culturelle de cette dernière est profondément imprégnée des valeurs qui ont forgé le caractère et l'histoire de l'Europe. L'importante diffusion des idéaux des philosophies des lumières tel que la démocratie, l'État de droit, l'idée de liberté, les droits de l'homme, dans cette partie du monde, facilite le rapprochement entre l'UE et l'ALC.

5.1.2

Néanmoins, l'institutionnalisation des rapports euro-latino-américains est un fait nouveau car depuis le début du XXème siècle, l'Amérique latine a développé une relation diplomatique inégalitaire et quasi-exclusive avec les EUA. Toutefois, l'Europe a toujours eu des relations institutionnalisées avec les pays caribéens dans le cadre des accords ACP, à l'exception de Cuba.

5.1.3

Bien que le retour de l'Europe sur la scène latino-américaine ait débuté il y a près de 30 ans, ce sont les années 1990 qui donneront à la CE/UE (7), grâce essentiellement à l'impulsion provoquée à la suite de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, une stratégie pour l'établissement de relations avec l'ensemble de l'ALC. Suite au souhait européen d'établir des relations préférentielles avec les pays d'AL, la CEE signera à partir des années 1960 une série d'accords sectoriels dits de «première génération» puis, dans les années 1970, des accords de «deuxième génération» qui englobaient plusieurs secteurs.

5.1.4

Les conflits armés en Amérique centrale durant les années 1980 et la configuration de la Coopération politique européenne vont conduire la CEE à jouer un rôle politique important en tant qu'intermédiaire. Les pourparlers qui réunissent en septembre 1984 à San José (Costa Rica) les ministres des affaires étrangères de la CEE, de l'Espagne et du Portugal avec des représentants des pays de l'Amérique centrale afin de rétablir la paix et discuter des mesures de démocratisation sur le continent marquent un renouveau des relations entre l'AL et la CEE (donnant naissance au «processus de San José»).

5.1.5

Avec l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté, ce dialogue politique va s'étendre au reste de la région où l'interlocuteur devient le Groupe de Rio. Ce dernier fut créé en 1986 par l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l'Équateur, le Mexique, le Paraguay, le Pérou, l'Uruguay et le Venezuela, pour traiter des problèmes politiques et de développement des relations extérieures ainsi que des questions d'intégration régionale. D'autres pays latino-américains rejoindront par la suite le Groupe. Ce dernier devient dans le domaine du dialogue politique l'interlocuteur privilégié de la CE/UE en Amérique latine. Ce dialogue birégional commence en 1987 pour s'institutionnaliser en 1990.

5.1.6

La fin du bipolarisme, la volonté européenne de faire de la Communauté un acteur international ainsi que la stabilité politique, le processus de démocratisation et l'adoption d'une économie tournée vers l'extérieur en AL vont continuer à redynamiser les relations entre les deux continents. Les facteurs historiques et culturels ainsi le partage de principes et valeurs philosophiques et juridiques communs vont également contribuer à faciliter le rapprochement entre les deux continents.

5.2   Caractéristiques des relations

5.2.1

Alors que les EUA instituaient l'ALENA et lançaient le projet ALCA en 1994, l'Europe cherchait à proposer un autre type de partenariat aux pays latino-américains. Consciente de la diversité de l'AL, l'UE a cherché à développer une stratégie sur base d'approches différenciées articulées en fonction des réalités nationales et régionales, autrement dit en tenant compte de l'hétérogénéité du continent, ce qu'omet de faire le projet ALCA. Ainsi l'UE va proposer un partenariat qui se fonde sur un dialogue mené au niveau des différents sous-groupes régionaux et sur un éventail d'instruments adaptés aux réalités politiques et socio-économiques de chacun d'entre eux.

5.2.2

La nouvelle stratégie européenne élaborée par le Commissaire Manuel MARÍN de la Commission Santer et entérinée par le Conseil d'octobre de 1994 cherchait à établir une «association» reposant sur les accords de troisième génération et sur de nouveaux accords dit de «quatrième génération» avec l'AL. Ces premiers qui se distinguent par l'intérêt voué à l'intégration et coopération régionale vont contenir une «clause évolutive» qui permet aux parties contractantes de compléter et augmenter le niveau de leur coopération et une «clause démocratique» qui permet de garantir le respect des principes de base qui correspondent aux valeurs communes. Les accords de quatrième génération reprennent à leur compte ces acquis et prévoient, en outre, la signature d'accords commerciaux.

5.2.3

Les politiques d'austérité et de privatisations appliquées au début des années 1990 dans les pays d'AL vont attirer les investissements privés européens favorisant ainsi le rapprochement entre les deux régions. Entre 1996 et 1999, l'UE devient la plus importante source d'investissement en AL et cette dernière se transforma dans le premier destinataire des investissements européens dans les «marchés émergents». Les investissements européens sont passés, au cours de cette même période, de 13.289 à 42.226 millions de dollars. En outre, le commerce birégional a doublé entre 1990 et 2000: alors que les exportations de biens de l'UE vers l'AL sont passés de 17 milliards d'euros à un peu plus de 54 milliards d'euros, celles d'AL vers l'UE passeront de 27 milliards à 49 milliards d'euros. Ainsi, l'UE est devenu le second investisseur et partenaire commercial d'AL, mais le premier pour le MERCOSUR et le Chili.

5.2.4

Suite à ce contexte doublement favorable, d'une volonté politique affirmée de part et d'autre et d'un rapprochement économique évident, naquit l'idée d'une avancée qualitative dans les relations: l'organisation en juin 1999, à Rio de Janeiro, d'un Sommet réunissant les 48 chefs d'État et de gouvernement de l'UE et d'ALC, Cuba inclue.

5.2.5

Ce sommet constituait un réel événement historique. Il permit de montrer la croissante maturité de l'UE comme acteur sur la scène mondiale et l'intérêt croissant que l'ALC suscitait sur les pays industrialisés. Ce sommet qui se voulait également une réponse à l'unipolarisme de la post-guerre froide, mettait en avant le régionalisme comme nouvelle force dans les relations internationales. D'aucuns n'ont pas hésité à voir dans cet événement la première pierre pour l'édification d'un monde multipolaire qui ne serait plus dominé par les EUA.

5.2.6

Le sommet donnera lieu à deux documents: une déclaration et un plan d'action qui devaient constituer la base d'une «nouvelle relation stratégique» entre les deux rives Atlantiques. La déclaration qui contenait 69 points appelait à un développement des relations dans les domaines politique, économique, scientifique, culturel, éducatif, social humain en vue d'établir l'Association stratégique. Quant au plan d'action qui l'accompagnait, il énonçait 55 priorités.

5.2.7

Vu le nombre de domaines et priorités avancés, ces documents ne réussirent pas à fixer de ligne d'action concrète. Par conséquent, le comité de suivi birégional, composé de hauts fonctionnaires, délimitera lors de sa première réunion à Tuusula (Finlande, novembre 1999) le nombre des priorités à 11 (8). Certains progrès seront enregistrés en ce qui concerne les priorités 5,7 et 8. En ce qui concerne la priorité 5, un «Mécanisme de coordination birégional» pour la lutte contre la drogue a été mis en place. Les progrès réalisés par rapport à la priorité 7 ont été du à la signature d'accords d'Associations avec respectivement le Mexique et le Chili. Enfin, la priorité 8 a vu l'instauration d'un dialogue birégional spécifique en ce qui concerne la science et la technologie ce qui a débouché sur la Conférence ministérielle de Brasilia (mars 2000). A cette occasion furent adoptés la «Déclaration de Brasilia» et un Plan d'action UE-ALC sur science et technologie qui sera présenté au sommet de Madrid et dont les priorités sont la santé et la qualité de vie, le développement durable et l'urbanisation, le patrimoine culturel et la société de l'information.

5.2.8

Néanmoins, malgré l'élaboration de la «liste de Tuusula» pour la délimitation des priorités et la réalisation de certains objectifs, l'idée d'absence d'orientation claire pour la relation birégionale sera confirmée lors du deuxième sommet Union européenne/Amérique latine/Caraïbes qui se tiendra en mai 2002 à Madrid.

5.2.9

La Commission prévoit en moyenne 323 millions d'euros pour la période 2000-2006 (9) pour l'ensemble de l'AL ce qui est manifestement insuffisant vu l'importance du projet et de tout ce qui est en jeu. L'Amérique latine continue, ainsi, à être l'une des régions les moins favorisées par l'aide communautaire.

5.2.10

En ce qui concerne les négociations en soit, le sommet de Madrid qui se tiendra dans le contexte politique post-11 septembre, donnera peu de résultats concrets. Ainsi, à l'initiative européenne, les thèmes de sécurité et de terrorisme prédominèrent l'agenda des discussions, alors que les pays d'ALC étaient bien plus intéressés par les aspects économiques et commerciaux. Cette différence dans la hiérarchie des priorités s'était déjà fait remarquer lors du sommet de Rio durant lequel les Européens avaient mis en avant les thèmes de gouvernance et de pauvreté à la différence de l'ALC qui affichait un intérêt plus certain pour les relations économiques et leurs répercussions sur l'emploi. Il faut que le troisième sommet qui se tiendra en mai 2004 au Mexique définisse un agenda reposant sur un réel commun dénominateur.

5.3   L'État actuel des relations

5.3.1

La grande réussite de Rio constitue sans aucun doute le lancement des négociations commerciales entre l'UE et le MERCOSUR. Durant l'année 2000 entrera en vigueur l'accord signé par le Mexique avec l'UE, alors que le Chili parviendra à conclure un accord avec l'Union lors du sommet de Madrid (2002). Ces accords incluent les trois piliers de la stratégie européenne pour l'AL: dialogue politique, coopération et intégration économique et commerciale. En dehors de l'accord signé avec le Chili, il est difficile de voir quelles ont été les avancées opérées à Madrid par rapport à cette nouvelle alliance stratégique.

5.3.2

Paradoxalement, les processus régionaux d'AL, tant considéré par l'UE, n'ont pas encore réussi à signer des accords d'Association avec l'Europe. Au sommet de Madrid, l'UE proposa à la CAN et le MCCA de commencer les négociations par le dialogue politique et la coopération qui se sont terminé en octobre 2003. Par contre, en ce qui concerne le démarrage des négociations commerciales, il est conditionné par la fin du cycle de Doha prévu pour la fin de l'année 2004 et par le développement interne de la CAN et du MCCA.

5.3.3

Pour sa part, le MERCOSUR qui a le plus de liens politiques et économiques avec l'Europe, n'a pas encore fait connaître son offre globale de négociation concernant l'abaissement des tarifs douaniers, notamment pour les produits agricoles. Si les négociations achoppent notamment sur les questions agricoles, il relève de la responsabilité de l'UE de s'assurer que tout accord d'association ne vienne pas à l'encontre d'objectifs politiques de l'UE comme la sécurité sanitaire, la propriété intellectuelle et le développement durable.

5.3.4

Il est surprenant, vu la stratégie européenne de négociation avec des blocs régionaux, que l'UE ait donné priorité à des pays tels que le Mexique et le Chili qui sont les plus éloignés de l'idéal intégrationniste et les plus proches du projet d'intégration hémisphérique de Washington. Ainsi, et contrairement à ce qu'exigeait la Déclaration et le Plan d'Action approuvés au sommet de Rio qui orientait les relations UE-ALC vers une nouvelle relation stratégique, l'actuation de l'UE se démarque jusqu'à présent par son côté réactif face au projet ALCA.

5.3.5

La plupart des groupements régionaux d'AL souhaitent développer, au-delà des États-Unis, des relations commerciales avec d'autres piliers de l'échiquier international dont principalement l'UE. En diversifiant leurs relations extérieures et en développant, surtout, des liens politiques et économiques avec l'UE, les acteurs d'ALC, à l'instar du MERCOSUR, espèrent bénéficier d'une image beaucoup moins périphérique sur la scène mondiale. Dans ce contexte, une attitude plus active de l'UE pourrait constituer une contribution importante au prolongement et à la consolidation de l'existence même de ces groupements régionaux ainsi que pour la modification du jeu des alliances et le poids d'influence des pays d'ALC dans le cadre des négociations de l'ALCA. Sans oublier que ce nouveau partenariat stratégique pourrait donner la possibilité aux partenaires de faire valoir, dans les instances multilatérales, les points de vue sous lesquels il existe une convergence de vue et d'intérêts.

5.3.6

Toutefois, le CESE est d'avis que les accords préférentiels que l'UE signera avec le MERCOSUR, la CAN et le MCCA doivent être en accord avec l'article 24 du GATT/OMC (10).

5.3.7

Ces futurs accords doivent également prendre en considération les intérêts des grandes comme des petites entreprises agricoles aussi bien en Europe qu'en ALC et respecter l'harmonie sociale du monde rural.

5.4   Le rôle de la société civile organisée dans les relations UE/ALC

5.4.1

Le CESE a pris acte de la volonté stratégique de l'UE de renforcer ses relations avec l'ALC. C'est pour cette raison qu'elle suit avec beaucoup d'attention l'évolution de ces relations et s'est prononcée, à de nombreuses occasions, sur la nécessité d'impliquer davantage la société civile organisée dans toutes les phases du processus.

5.4.2

Les différents avis du CESE sur l'AL (11) soulignent le fait que, pour les questions d'ordre politique et commercial, il faut renforcer l'aspect social des relations entre l'UE et les régions d'Amérique latine et du Caraïbe dans le sens tant du respect des droits de l'homme et des travailleurs que du renforcement de la cohésion sociale.

5.4.3

Dans la perspective de renforcer la participation de la société civile, le CESE s'est engagé activement dans la préparation des rencontres de la société civile organisée de l'UE-ALC qui se sont tenues à Rio de Janeiro (1999) et Madrid (2002) à l'occasion des sommets des chefs d'État et de gouvernement de l'UE, d'Amérique latine et des Caraïbes.

5.4.4

C'est dans cette même logique que le CESE prépare actuellement la troisième rencontre de la société civile organisée qui aura lieu à Mexico, en 2004, à l'occasion du prochain sommet des chefs d'État et de gouvernement.

5.4.5

Un des exemples fructueux de cette stratégie est celui des rencontres ayant eu lieu entre le CESE et le Forum consultatif économique et social du MERCOSUR (FCES). Ces rencontres ont pour objectif le renforcement de la participation de la société civile organisée dans tous les domaines de la négociation birégionale dans le cadre d'un futur accord d'Association entre l'UE et le MERCOSUR.

5.4.6

Lors de la dernière réunion entre le CESE et le FCES qui s'est tenue les 5 et 6 mai 2003, les deux institutions interpellaient les parties négociatrices pour qu'elles renforcent les aspects liés à la dimension sociale de l'accord en négociation en faisant référence explicite à la «Declaración socio-laboral» (déclaration des droits des travailleurs) du MERCOSUR, la Charte des droits fondamentaux de l'UE et la Déclaration des principes et des droits fondamentaux de l'OIT de 1998.

5.4.7

D'autre part, elles ont exigé des formes concrètes de participation au déroulement des négociations de l'accord d'Association, car elles considèrent que le succès du processus oblige à l'intégration des actions et à la présence de la société civile organisée et représentative des deux régions dans tous les secteurs en discussion.

5.4.8

Dans le cadre d'autres rencontres institutionnelles surgiront des organisations sectorielles qui cherchent à promouvoir le dialogue transatlantique, à l'instar du Forum d'entrepreneurs UE-MERCOSUR et du récent Forum du travail UE-MERCOSUR, et à influencer les décisions politiques qui affectent leurs intérêts respectifs.

6.   Le partenariat stratégique entre l'UE et l'ALC dans le contexte post-Cancun

6.1   Les répercutions de l'échec de Cancun

6.1.1

A l'heure actuelle, nombreux sont les pays latino-américains en difficultés économiques qui cherchent à tout pris des débouchés économiques. Certains de ces pays qui sont membres de la CAN ou du MCCA, sont prêts à mettre un terme à leur engagement régional pour accepter les propositions de l'administration Bush de signer des accords commerciaux bilatéraux. C'est le cas, par exemple, de pays comme la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Pérou, El Salvador, etc. Cette possibilité est sérieusement envisagée par ces pays dans le contexte post-Cancun. Ces pays ainsi que le Chili et le Mexique chercheraient maintenant à se désolidariser du G21 à l'instar du Salvador qui abandonna le Groupe peu avant la fin du sommet de Cancun.

6.1.2

Malgré les premiers craquements que connaît le G21, il faut souligner que depuis le fiasco de la Conférence ministérielle de Seattle en décembre 1999, les grandes puissances commerciales de cette planète, que sont les États-Unis, le Japon et l'UE, doivent dorénavant compter dans les tractations multilatérales sur des pays, aujourd'hui qualifié de puissances émergentes, tels que l'Afrique du sud, le Brésil, la Chine et l'Inde, qui sont à même de constituer des coalitions de pays capables de bloquer l'avancée des négociations à l'instar du G21. Ce groupe de 21 pays a été appuyé de manière circonstancielle et pour des raisons différentes, par un front de 90 pays pauvres à dominante africaine. Ces derniers ne se sont pas, pour autant, fondus dans le G21.

6.1.3

Une des raisons principales de la constitution de ce type de coalition s'explique par la difficulté que les pays en voie de développement (PED) ont pour accéder aux marchés agricoles des pays riches. Les PED exigent des Américains, Européens et Japonais qu'ils mettent un terme à leurs subventions agricoles qu'ils considèrent comme déstabilisatrices pour leurs économies respectives. Bien que l'UE ait fait preuve d'une volonté de compromis en proposant d'isoler les seules subventions dont il est démontré qu'elles nuisent réellement aux agriculteurs des pays en développement, elle a refusé de s'engager sur une date de suppression des dites subventions tel qu'indiqué dans l'accord qu'Européens et Américains ont signé à la mi-août 2003 en vue du sommet de Cancun.

6.1.4

Au désaccord sur l'agriculture est venu s'ajouter celui sur les sujets dits de «Singapour» dont le nom rappelle qu'ils furent abordés pour la première fois lors de la conférence ministérielle de Singapour en 1996. Il s'agit de l'investissement, de la concurrence, de la transparence sur les marchés publics et de la facilitation des échanges. Ces sujets sont de grands intérêts pour les pays riches alors que pour les pays en développement ils posent problème.

6.1.5

À Cancun, un certain nombre de pays en développement ont réitéré leur opposition à entamer des négociations sur les «thèmes de Singapour» et sur la libéralisation des services. Face à l'obstination des pays riches, les pays les plus pauvres, jusqu'à présent toujours marginalisés dans les négociations en raison de leur faible poids dans les échanges mondiaux — moins de 1 % — ont maintenu leur position.

6.1.6

La mauvaise gestion du dossier sur le coton a conforté cette alliance qui s'était formée à Genève quelques mois avant le sommet de Cancun. Le texte final n'offrait rien de concret sur un sujet vital pour des pays parmi les plus pauvres de la planète que sont ceux du Sahel (Mali, Burkina Faso, Bénin, Tchad) alors que les négociations qui se sont ouvertes à Doha ont été qualifiées, à l'initiative de l'UE, de «cycle de développement». Les États-Unis se sont refusés à réduire les 4 milliards de dollars de subventions qu'ils octroient chaque année à leurs producteurs. Dans ce contexte les pays en développement ont refusé d'obtempérer.

6.1.7

Face à des positions fortement figées, le fiasco des négociations multilatérales de Cancun était inévitable.

6.1.8

L'échec de Cancun met en lumière non seulement la capacité grandissante des pays du sud à s'organiser pour faire valoir leurs intérêts, mais aussi le défaut d'appréciation, notamment, de l'UE par rapport à l'alliance du G21. Cet échec constitue une menace supplémentaire pour la gouvernance mondiale. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les relations internationales obéissent à une armature de règles et de traités internationaux. Cet ensemble de règles, souvent perçues comme une toile d'araignée permettant, dans la mesure du possible, de rapprocher les États de la planète, a été tissé autour de l'ONU. Malgré les faiblesses et les échecs qu'on lui prête, cette organisation a su mettre sur pied un certain ordre international minimal. L'UE a depuis le départ fait du multilatéralisme la clé de voûte des ses relations extérieures. Le cadre multilatéral fournit, dans les limites du possible, un espace permettant la gestion collective de la planète.

6.1.9

Aujourd'hui l'architecture juridique mondiale est remise en question et l'unilatéralisme, notamment des EUA, a tendance à se développer considérablement ces derniers temps ce qui constitue des atteintes sérieuses à l'ordre juridique international édifié patiemment depuis une cinquantaine d'années.

6.1.10

L'échec de Cancun contribue à cette crise de la gouvernance mondiale. A l'heure actuelle, les EUA cherchent à contourner l'OMC en privilégiant des alliances bilatérales avec leurs voisins. Le bilatéralisme constitue pour les EUA un moyen parmi d'autres pour faire avancer le projet ALCA. D'ailleurs, l'administration Bush a fait savoir, dernièrement, que bien que la guerre en Irak l'avait quelque peu éloigné de l'ALC, elle allait à nouveau s'atteler sérieusement à faire avancer le projet des Amériques, déclaration réitérée au lendemain de la Conférence ministérielle de Cancun. Tel que signalé au point 6.1, certains pays latino-américains seraient prêts à signer des accords bilatéraux avec les EUA délaissant ainsi leurs propres engagements régionaux ce qui aurait pour résultat de découdre les efforts intégrationnistes latino-américains tant appuyé par l'UE.

6.2   Les stratégies régionales dans le continent américain

6.2.1

Les EUA perçoivent l'ALCA comme un moyen pour accroître leur leadership mondial face aux grandes puissances commerciales mondiales que sont le Japon et l'UE. Il suffit de se pencher sur les multiples dimensions reliées au projet de l'ALCA, pour constater son envergure. Le projet engage les pays à aller bien au-delà de la simple signature d'un accord de libre échange dont l'objectif serait de stimuler le commerce des biens et services par le démantèlement des barrières douanières. Ce projet englobe également dans les discussions des thèmes comme la protection de l'investissement et de l'investisseur, les marchés financiers, la propriété intellectuelle, les marchés publics, les politiques de la concurrence, etc.

6.2.2

En réalité, ce qui est en train d'être mis sur pied c'est un cadre institutionnel reposant principalement sur la règle de droit et qui encouragerait un modèle d'intégration économique en profondeur par le marché. Cela signifie que le projet d'intégration des Amériques implique tant un processus d'ouverture des marchés que la mise en place d'une série de nouvelles normes, standards et réglementations qui régiront le commerce mondial. Vu le poids politique et économique des États-Unis, il est fort probable, que ces règles soient inspirées de la normative et réalité américaine.

6.2.3

Si un tel scénario venait à se concrétiser, cela ne ferait que continuer à engendrer une perte d'influence de l'Europe et à compliquer l'activité des entreprises européennes dans les marchés latino-américains et caribéens.

6.2.4

L'entrée en vigueur de l'ALENA avait déjà eu de fortes retombées négatives pour l'UE puisqu'il engendra un effet de déviation de commerce faisant perdre aux entreprises européennes la moitié du marché mexicain. Alors qu'en 1990 l'Europe fournissait encore 14,3 % des importations de Mexico, sa part de marché s'est réduite à 8,5 % en 1997. Dans le même temps, l'Union n'absorbait plus que 3,6 % des exportations mexicaines, contre 12,6 % au début de la décennie. Par contre les EUA qui absorbent dorénavant 90 % des exportations mexicaines se sont transformé dans le principal partenaire commercial du Mexique. Malgré l'accord d'Association que l'UE négocia en très peu de temps avec le Mexique, les parts de marché perdues n'ont pas toutes été récupérées. Trop habitué à commercer avec les États-Unis, le Mexique tarde à se tourner vers l'Europe. L'accord Mexique-UE détient un important potentiel qui n'a pas encore été maximalisé par les deux parties.

6.2.5

L'expérience de l'ALENA a démontré à quel point les courants d'échange pouvaient être modifiés par de telles entreprises. C'est très précisément ce type de situation de déviation de commerce et d'investissement qui pourrait survenir avec l'ALCA.

6.2.6

Même si la concrétisation de l'ALCA venait à prendre du retard, la tendance est déjà à la régionalisation/continentalisation des échanges commerciaux dans les Amériques suite aux différents accords de libre échange négociés sur le continent. Aujourd'hui, 60 % des exportations et 50 % des importations totales des 34 pays se font à l'intérieur des Amériques, contre 48 % et 41 % il y a 10 ans. Mis à part le MERCOSUR qui a l'UE comme premier partenaire commercial, le reste de l'ALC a un commerce fort dépendant du nord du continent. C'est près de 50 % des exportations de la CAN, 45 % des exportations du MCCA et 41 % des exportations du CARICOM qui vont vers l'ALENA. L'ALCA ne fera que conforter cette situation.

6.3   Le partenariat stratégique UE/ALC

6.3.1

L'UE doit prendre acte de la stratégie internationale des États-Unis pour construire la sienne. Ceci ne signifie pas s'affirmer comme acteur international en opposition aux États-Unis mais plutôt suivre la voie européenne qui est celle de la promotion de son modèle de gouvernance régionale de par les continents en harmonie avec les règles internationales existantes pour construire à terme un monde multirégional et, partant, plus équilibré. La signature d'accords préférentiels avec les différents groupements régionaux latino-américains permettrait de consolider leurs structures internes respectives ainsi que leur insertion internationale en tant qu'acteurs uniques.

6.3.2

L'UE ne peut se permettre de négliger cette région du monde car elle a besoin de partenaires pour redéfinir son rôle dans la politique mondiale. L'ALC constituent des alliés naturels pour des raisons culturelles, politiques, économiques, etc. d'autant plus qu'il existe, à l'heure actuelle, sur ce continent une réelle demande d'Europe. Il faut, comme le propose le rapport du Parlement européen d'octobre 2001, que l'UE ne conditionne plus la conclusion d'un accord de libre-échange avec le MERCOSUR à la finalisation des négociations de l'OMC (12) d'autant plus que la date fixée pour la conclusion du cycle de Doha semble compromise du fait de la difficulté que les parties éprouvent à trouver un consensus pour faire avancer les négociations commerciales multilatérales, comme le prouve l'échec de Cancun.

6.3.3

Il est important que l'UE prenne la mesure du projet des Amériques. Si elle souhaite maintenir son rôle sur le continent et participer au tracé des nouvelles règles du commerce international, il est urgent que l'UE se dote d'une volonté politique et de moyens financiers à la hauteur de ses ambitions internationales et qu'elle agisse d'une seule voix au sein des institutions économiques internationales (FMI, Banque mondiale, etc.) afin de faire jouer son influence.

6.3.4

En outre, aujourd'hui plus que jamais, il y a un besoin manifeste d'Europe dans un continent latino-américain et caribéen en crise. L'UE continue à être considérée comme un modèle social et politique de référence. L'Europe ne doit pas perdre de vue que le grands défis face auquel se trouvent actuellement l'ALC est celui de trouver un modèle économique et social alternatif à celui du «consensus de Washington» et au projet d'intégration avec les EUA.

6.3.5

Il est certain que les négociations multilatérales, l'élargissement à l'Est, l'évolution du contexte international depuis le 11 septembre 2001, la crise face à laquelle est confrontée l'AL sont tant d'éléments qui ont freiné les relations entre ces deux parties de l'Atlantique. Mais l'UE n'a pas seulement des intérêts économiques dans la région, elle constitue un acteur global. Par conséquent, elle ne peut se passer d'une politique intégrale et cohérente envers cette région.

6.3.6

Il y a en AL une forte demande de changement comme le démontre les nombreuses manifestations de contestations qui se sont déroulées au courant de ces dernières années dans les pays andins et sud-américains ainsi que l'élection de Luis Inácio Lula da SILVA au Brésil, ou encore de Néstor KIRCHNER en Argentine. Ces derniers ont manifesté leur volonté de renforcer leur espace régional avant de conclure l'ALCA et de favoriser les relations avec l'Union européenne comme le montre les visites que ces deux derniers présidents ont effectuées à différentes capitales européennes durant le mois de juillet 2003.

6.3.7

Cette demande d'Europe tarde pour le moment à être satisfaite. C'est pour cette raison que des voix s'élèvent en Europe pour dénoncer cette situation. En effet, certains parlementaires européens n'hésitent pas à souligner que malgré le fait que l'Europe dispose d'instruments nécessaires pour proposer à l'ALC un projet alternatif à celui de l'ALCA, la volonté politique fait défaut. Des propos qui furent réitéré lors de la XVI Conférence interparlementaire Union européenne/AL du mois de mai 2003.

6.3.8

Il est nécessaire d'accorder plus d'importance aux aspects sociaux, ainsi qu'environnementaux, de la relation. Le CESE appui l'initiative du Commissaire PATTEN de proposer qu'au prochain sommet UE-ALC, qui se tiendra en 2004 à Mexico, la «cohésion sociale» (13) constitue un des thèmes centraux des débats.

6.3.9

Vu l'augmentation du chômage ainsi que l'accélération de la paupérisation des sociétés et des iniquités sociales en ALC qui a eu lieu durant ces dix dernières années, il serait utile d'introduire dans le partenariat stratégique une clause sociale — ainsi qu'environnemental — afin que les accords commerciaux signés avec l'Europe puissent contribuer à diminuer la pauvreté et les inégalités extrêmes qui caractérisent la région, et atténuer les potentiels dégâts sociaux collatéraux de la libéralisation commerciale. Cette clause sociale aurait pour objectif que les gouvernements d'ALC utilisent les fonds de l'UE pour la redistribution des revenus. Ceci permettrait de lutter contre le fléau des disparités sociales qui caractérisent cette région du monde.

6.3.10

Par ailleurs, comme il a été signalé précédemment, l'UE et l'ALC ont éprouvé jusqu'à présent des difficultés à définir un véritable agenda commun. Il existe le risque que lors du sommet UE-ALC du Mexique, cette asymétrie dans les agendas se poursuive. Alors que le Commissaire PATTEN souhaite faire de ce troisième sommet celui de la cohésion sociale afin de contribuer à l'éradication des inégalités sociales et la pauvreté dans les pays d'Amérique latine, ces derniers estiment que c'est par un meilleur accès au commerce international qu'ils parviendront à relancer la croissance et ainsi lutter contre la pauvreté. Tant que les Européens et les Latino-américains ne parviendront pas à trouver un réel agenda commun ou du moins atténuer les divergences dans la hiérarchie des priorités, ils éprouveront beaucoup de difficultés à progresser dans l'ambitieuse initiative du partenariat stratégique proposé à Rio. Bien que le CESE appuie vigoureusement l'initiative de la cohésion sociale, il faut que l'Union prenne aussi en compte les priorités de ses partenaires de façon à ce que le sommet du Mexique soit une réussite. Tenant compte du contexte post-Cancun, l'UE doit non seulement s'attacher aux questions sociales qui lui permettent de se distinguer sur la scène internationale mais aussi répondre aux attentes des pays d'ALC qui consistent à signer des accords préférentiels avec qu'elle. Le sommet de Mexico est une occasion que l'Europe doit saisir pour insuffler l'élan dont le partenariat stratégique UE-ALC a vraiment besoin et cela quelques mois avant la fin des négociations de l'ALCA.

7.   Les propositions du CESE

7.1

L'accord de Cotonou, signé en juin 2000 entre l'UE et les pays d'Afrique Pacifique Caraïbe, exige le dialogue entre les institutions et les intervenants non étatiques de façon à ce que l'État et la société civile aient un rôle complémentaire dans les actions pour le développement. Aussi, le Livre Blanc sur la gouvernance européenne, présenté en 2001, soulignait l'importance de la société civile pour la définition des politiques à dimension internationale.

7.2

C'est, donc, dans ce cadre que la participation de la société civile de l'ALC doit se dérouler dans leurs relations avec l'UE tant dans les programmes de coopération que dans les négociations visant les accords en cours de préparation.

7.3

Jusqu'à présent, la participation de la société civile dans les négociations menées entre l'UE et l'ALC ne s'est pas faite sur une base réelle et stratégique; elle s'est plutôt démarquée par son caractère symbolique. Au-delà des rencontres entre le CESE et la société civile organisée de l'ALC, surtout à l'occasion du sommet des chefs d'État et de gouvernement, très peu a été fait dans ce sens.

7.4

Tenant compte que la participation citoyenne constitue un élément clé pour la consolidation de la démocratie et une base essentielle pour le développement durable et qu'il est indispensable de pouvoir compter sur la société civile pour donner une légitimité au partenariat stratégique UE/ALC et éviter l'écueil du projet ALCA tant reproché par des larges secteurs des sociétés des Amériques, le CESE formule les propositions suivantes:

7.4.1   Définir une stratégie claire

7.4.1.1

Dans un monde plus complexe et avec des risques de plus en plus nombreux, l'Union européenne doit avoir une stratégie globale qui doit s'appuyer sur les valeurs de paix, de développement durable et des droits humains tout en cherchant à bâtir un monde plus juste et équilibré.

7.4.1.2

Ces valeurs et cet objectif doivent être présents dans les relations avec l'Amérique Latine et le Caraïbe de façon à que les peuples de cette région comprennent que les accords avec l'UE peuvent être en élément fondamental pour leur propre développement et leur place dans l'échiquier mondial.

7.4.1.3

Pour parvenir à la concrétisation de cette stratégie il est important que l'UE augmente ses moyens financiers de manière conséquente.

7.4.1.4

Ainsi, dans les négociations qui sont en cours soit avec le MERCOSUR soit avec la CAN, le MCCA ou le CARICOM, l'UE doit, au-delà des questions commerciales ou douanières, prendre en considération la susdite stratégie globale.

7.4.1.5

L'UE doit également redynamiser le dialogue politique UE-ALC non seulement parce qu'il représente l'un des trois piliers des accords d'association qu'elle a signé ou est entrain de signer avec, notamment, des pays ou régions d'ALC mais aussi et surtout par ce qu'il constitue la marque qui permet de différencier le projet d'association que l'UE est entrain de tisser avec l'ALC de celui de l'ALCA. Pour ce faire, il est indispensable que la présence ministérielle européenne dans les fora interministériels UE-ALC, à l'instar des rencontres UE-Groupe de Rio, soit à la hauteur du but poursuivi: la réalisation d'un partenariat stratégique birégional.

7.4.2   Élaborer un plan d'action et un calendrier

7.4.2.1

Vu l'échec des négociations de l'OMC à Cancun et la décision nord-américaine de mener les négociations pour accomplir le calendrier prévu pour ALCA, l'Union européenne doit se doter au plus vite d'un nouveau plan d'action et d'un calendrier qui soit plus proche des nouvelles réalités.

7.4.2.2

En particulier, l'Union européenne doit réfléchir sur la nécessité d'un nouveau mandat de négociation qui ne soit pas dépendant de la conclusion des négociations de Doha.

7.4.2.3

Le CESE souhaiterait que l'Accord d'Association avec le MERCOSUR puisse être signé (ou, au moins, annoncé) pendant le sommet des chefs d'État et de gouvernement qui aura lieu à Guadalajara au Mexique durant le mois de mai 2004.

7.4.3   Renforcer la transparence et l'information

7.4.3.1

La transparence dans les négociations et l'information sur les réussites et les obstacles sont des éléments essentiels pour que la société civile soit impliquée dans toutes les phases du processus de négociation.

7.4.3.2

L'Europe doit prendre des initiatives auprès de tous les secteurs de la société civile en explicitant le sens de ses propositions et les concessions qu'elle est prête à faire pour aboutir à un accord avec les parties concernées.

7.4.4   Appuyer le renforcement de la société civil organisée

7.4.4.1

L'Union européenne a une très large expérience de dialogue civil dont le CESE est un des exemples plus remarquables.

7.4.4.2

Sans avoir la prétention d'exporter des modèles, l'UE doit appuyer la constitution des institutions de nature identique dans les régions où elles n'existent pas ou elles sont plus faibles.

7.4.4.3

De même, le soutien des contacts et des relations plus ou moins institutionnalisés avec des organisations des deux côtés de l'Atlantique semble être un élément de rapprochement très favorable à la stratégie européenne.

7.4.5   Élaborer des études d'impact et promouvoir des politiques de combat à la pauvreté et de promotion de l'emploi

7.4.5.1

Tous les processus d'intégration génèrent des conséquences qui affectent la vie quotidienne des gens et, surtout, de ceux dont la fragilité est plus accentuée.

7.4.5.2

Dans ce sens, l'UE doit élaborer des études sur les effets de l'intégration et de l'ouverture des marchés et, en conséquence, appuyer financièrement les politiques de combat à la pauvreté, à l'exclusion sociale et de promotion de l'emploi.

7.4.6   Promouvoir une politique de cohésion sociale

7.4.6.1

L'Union européenne ne peut considérer les accords avec l'ALC que comme une occasion d'accès à de nouveaux marchés, mais aussi comme une opportunité de développement économique et social pour les peuples concernés.

7.4.6.2

Les bénéfices de ces accords doivent atteindre toute la population et pas uniquement ceux qui en sont déjà bénéficiaires. Ce serait une erreur stratégique de conséquences très néfastes si l'UE était liée à une politique d'augmentation des inégalités économiques et sociales en ALC.

7.4.6.3

L'exigence d'une politique de cohésion sociale accompagnant tout le processus des accords négociés ou en cours de négociation doit être la marque qui puisse permettre de différencier le projet d'association que l'UE est entrain de tisser avec l'ALC de celui de l'ALCA.

7.4.6.4

Le CESE salue l'initiative de la Commission de suggérer qu'au Sommet du Mexique, le thème de discussion soit la cohésion sociale.

7.4.7   Renforcer le rôle du CESE dans le dialogue civil transatlantique

7.4.7.1

Dans le protocole signé entre la Commission européenne et le CESE, en 2001 et à la suite du Traité de Nice, on reconnaît que le Comité est l'instance privilégiée du dialogue entre les institutions européennes et la société civil non seulement en Europe mais aussi vis à vis la société civile organisée des pays tiers.

7.4.7.2

Le CESE a profité toutes les occasions pour accomplir ces fonctions, mais reconnaît qu'il peut (et doit) aller plus loin dans le dialogue avec les organisations similaires de l'ALC et chercher d'autres formes de collaboration, plus étroites et plus efficaces.

7.4.7.3

Ainsi, dans un moment-clé des relations entre l'UE et l'ALC, le CESE doit:

renforcer ses liens avec le FCES du MERCOSUR;

connaître de plus près la situation de la société civile organisée dans d'autres régions de l'ALC;

engager la société civile de l'ALC dans ses avis sur la problématique de l'Amérique latine et des Caraïbes.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Les pays participants au projet sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivia, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Dominique, El Salvador, Equateur, Etats-Unis, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, République dominicaine, St-Lucia, St-Kitts-et-Nevis, St-Vincent-et-Grenadines, Surinam, Trinité-et-Tobago, Uruguay et Venezuela.

(2)  El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua. Costa Rica est resté en dehors.

(3)  L'ensemble des chiffres avancés proviennent du DG COMMERCE de la Commission européenne.

(4)  Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivia, Costa Rica, Dominique, El Salvador, Equateur, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, Nicaragua, Panama, Paraguay, République dominicaine, St-Lucia, St-Kitts-et-Nevis, St-Vincent-et-Grenadines, Surinam, Trinité-et-Tobago, Uruguay.

(5)  Rapport annuel de la Commission Économique pour l'ALC des Nations Unies sur le «Panorama social de América Latina 2002-2003».

(6)  Le fast track, récemment rebaptisé Trade Promotion Authority (TPA), est l'autorisation que le Congrès américain donne à l'exécutif américain pour négocier des accords commerciaux sans passer à chaque étape de la négociation par ce premier. Le Congrès ne fait que ratifier ou rejeter l'accord conclu.

(7)  Alors que l'Acte unique fait de la Communauté économique européenne la Communauté européenne, le Traité de Maastricht de 1992 transforme cette dernière en Union européenne.

(8)  1. Approfondir et intensifier la coopération et les consultations existantes dans les enceintes internationales et les étendre à toutes les questions d'intérêt commun. 2. Promouvoir et protéger les droits de l'homme, notamment ceux des groupes les plus vulnérables de la société, et empêcher et combattre la xénophobie, les manifestations de racisme et les autres formes d'intolérance. 3. Femmes — adoption de programmes et projets liés aux domaines prioritaires mentionnés dans la déclaration de Beijing. 4. Renforcer les programmes de coopération dans le domaine de l'environnement et des catastrophes naturelles. 5. Drogue — mise en œuvre du plan 'd'action mondial de Panama, y compris les mesures destinées à lutter contre le trafic illicite d'armes. 6. Élaborer des propositions pour la coopération entre les deux régions visant à mettre en place des mécanismes destinés à promouvoir au niveau mondial un système économique et financier stable et dynamique, à renforcer les systèmes financiers nationaux et à élaborer des programmes spécifiques afin d'aider les pays relativement moins développés sur le plan économique. 7. Encourager les forums commerciaux, notamment auprès des PME, et industriels. 8. Fournir un appui à la coopération entre les deux régions dans les domaines de l'éducation et des études universitaires, ainsi que dans ceux de la recherche et des nouvelles technologies. 9. Patrimoine culturel, forum culturel UE-Amérique latine/Caraïbes. 10. Mise en place d'une initiative commune sur des aspects particuliers de la société de l'information. 11. Activités de soutien liées à la recherche, aux études de troisième cycle et à la formation dans le domaine des processus d'intégration. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, «Suivi du premier sommet organisé entre l'Amérique latine, les Caraïbes et l'Union européenne», Bruxelles, 31.10.2000, COM(2000)670final.

(9)  Le total prévu est de 2 264 millions d'euros distribué de la façon suivante: 2000 —368,37 millions d'euros; 2001 — 336,25 millions d'euros; 2002 — 315 millions d'euros; 2003 — 310 millions d'euros; 2004 — 310 millions d'euros; 2005 — 310 millions d'euros; 2006 — 315 millions d'euros.

(10)  L'article 24 permet à plusieurs parties contractantes d'établir des discriminations vis-à-vis des autres, lorsqu'il s'agit de former des arrangements répondant aux critères d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange. Ces arrangements doivent obéir aux critères suivants: les droits de douane et autres réglementations doivent être éliminés, entre pays participants, pour l'essentiel de leurs échanges commerciaux; les droits et réglementations applicables aux pays tiers ne doivent pas être plus élevés ou rigoureux ou d'incidence plus élevée ou rigoureuse qu'avant la formation de la zone ou de l'union; tout accord prévoyant la formation progressive d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange doit comporter un plan et un calendrier pour leur réalisation dans un délai raisonnable.

(11)  JO C169 du 16/06/99 (rapporteur ZUFIAUR); JO C260 du 17/09/01 (rapporteur ZUFIAUR); JO C94 du 18/04/02 (rapporteur GAFO FERNÁNDEZ). Le CESE est actuellement entrain d'élaborer un avis sur «La cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes» (rapporteur ZUFIAUR).

(12)  Parlement européen, «Informe sobre una Asociación global y una Estrategia Común para las relaciones entre la Unión Europea y América Latina», Comisión de Asuntos Exteriores, Derechos Humanos, Seguridad Común y Política de Defensa (Rapporteur: José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra), 11 octobre 2001, A5-0336/2001 final.

(13)  PATTEN, C., «Latin America: what has gone wrong? A EU policy proposal focussed on social cohesion», Communication présentée lors du Forum interministériel UE-Groupe de Rio, Vouliagmeni (Grèce), 28 mai 2003.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/55


Avis du Comité économique et social européen sur la «Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes»

(2004/C 110/12)

Le 1er juillet 2003, par lettre du commissaire PATTEN, la Commission a demandé au Comité économique et social européen, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'élaborer un avis sur le thème de la: «Cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes».

La section spécialisée des relations extérieures, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 février 2004 (rapporteur: M. ZUFIAUR).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 94 voix pour, 5 voix contre et 11 abstentions.

Résumé

i.

Cet avis exploratoire, demandé par le commissaire PATTEN, a pour objet de rendre compte des positions de la société civile organisée européenne, latino-américaine et caribéenne sur la cohésion sociale dans la région ALC, en particulier quant à la manière dont les organisations de la SCO peuvent contribuer à cet objectif, à travers, par exemple, la concertation sociale le développement des systèmes de protection sociale ou la promotion de la responsabilité sociale des entreprises. Dans cette perspective, cet avis du CESE devrait être complété par les contributions des organisations latino-américaines et caribéennes ainsi que par les résultats du débat qui se tiendra dans le cadre de la IIIème Rencontre de la société civile organisée UE-ALC, qui se tiendra dans la ville de Mexico en avril prochain.

ii.

Sans prétendre vouloir donner une définition définitive du concept de cohésion sociale, le présent avis en indique les différentes dimensions - politique, économique, sociale, territoriale - afin de prendre en compte non seulement les facteurs macro-économiques habituellement considérés mais également d'autres, comme l'éducation, les institutions ou l'accès aux biens publics essentiels, qui sont fondamentaux pour analyser le degré de cohésion sociale dans la région ALC.

iii.

La manifestation la plus marquante du manque de cohésion sociale dans la région ALC est, comme il ressort de l'avis, la pauvreté et l'inégalité. Bien que la situation se soit relativement améliorée en ce qui concerne le premier aspect cette dernière décennie (elle touchait 48 % de la population en 1990 et n'en touche plus que 43 % en 2002), pour ce qui est du deuxième aspect, elle a continué à s'accentuer jusqu'à devenir chronique. En conséquence, l'Amérique latine dans son ensemble, et dans le cadre d'une grande hétérogénéité interne, est la région la plus marquée par l'inégalité au monde. À la pauvreté matérielle s'ajoute la pauvreté immatérielle (accès à l'éducation et à la répartition des chances) et la pauvreté juridique (inégalité effective face à la loi, faible citoyenneté civile, politique et sociale, insécurité face à l'existence). Tout cela provoque violence, désagrégation et anomie sociale, et compromet la crédibilité des institutions et du système démocratique. Le risque de voir s'étendre en Amérique latine une perception des citoyens selon laquelle leurs démocraties ne seraient pas fonctionnelles a été souligné dans un rapport récent du PNUD (rapport sur la démocratie en Amérique latine en 2004).

iv.

Le faible développement des éléments structurants, propre à toute société avancée (infrastructures, éducation, systèmes de santé et fiscal, justice, protection sociale, cadre de relations de travail, etc.) est un élément commun à l'ensemble des pays latino-américains et caribéens, à tel point que le rapport précité parle d'états absentéistes, comme d'un phénomène caractéristique de nombreux pays de la région. Cette caractéristique se manifeste essentiellement entre autres par la faible qualité des systèmes éducatifs, l'inégalité dans l'accès à ceux-ci et le fait qu'il soit déconnecté du système productif; l'inefficacité et le caractère inéquitable des systèmes fiscaux dominants dans la région et le manque, dans la majorité des pays, de systèmes de protection sociale universels, ce qui entraîne de profondes inégalités et l'exclusion de la majorité de la population de la couverture sociale des systèmes existants.

v.

Selon le présent avis, parvenir à une plus grande efficacité et démocratisation du système productif est une condition essentielle, ce système étant freiné par des niveaux élevés d'informatisation, la taille réduite des marchés, la diversification insuffisante des économies, et l'insuffisance des infrastructures, surtout en matière de transport et de communication, les réformes agraires pendantes, le manque de ressources financières et leur dépendance en la matière vis-à-vis de l'extérieur, le faible développement des différentes formes d'économie sociale, la faible qualité de l'emploi et la protection insuffisante de celui-ci ainsi que l'inexistence de systèmes de relations de travail fondées sur le respect des droits du travail essentiels, l'équilibre et la confiance.

vi.

Un aspect central du point de vue du CESE est également souligné dans l'avis. À savoir que parvenir dans la région ALC à des niveaux supérieurs de démocratie, de développement humain et de gouvernabilité implique de renforcer la SCO et d'augmenter la participation de celle-ci à la prise de décision. C'est une condition essentielle pour renforcer la démocratie politique, parvenir à une distribution plus juste de la richesse matérielle et immatérielle et permettre l'inclusion dans la vie politique, économique et sociale des secteurs de la population et des minorités tels que la population indigène marginalisée depuis des siècles.

vii.

Dans l'avis, une série de propositions et de suggestions sur la contribution que les relations entre l'UE et l'ALC pourraient apporter à la cohésion sociale dans cette région est formulée. Ces considérations partent de deux postulats. Le premier est l'importance stratégique des relations avec l'ALC pour l'UE, tant en vue de consolider son rôle au plan mondial que pour donner un élan à un ordre international nouveau et fondé sur une gouvernance juste et solidaire de la mondialisation et, d'autre part, l'importance pour l'ALC également de ses relations avec l'UE, tant pour réussir une intégration équilibrée dans la région que pour renforcer sa capacité de négociation à l'échelle internationale. Le second est la conviction selon laquelle, outre la nécessité de contribuer à l'augmentation de la cohésion sociale dans la région ALC à travers l'aide et la coopération au développement, l'UE doit placer cet objectif au centre de l'ensemble de ses relations, dans tous les domaines, avec cette région.

viii.

Parmi les suggestions formulées dans l'avis, certaines portent sur le renforcement de la société civile organisée (appui à des projets de développement de la dimension sociale dans les processus d'intégration régionale, promotion de forums mixtes UE-ALC regroupant les organisations socio-professionnelles, ouverture d'une ligne de financement pour le renforcement des organisations socio-économiques, création d'un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme dans la région ALC, etc.). D'autres concernent le développement du système productif et l'instauration de cadres démocratiques de relations de travail et de dialogue social (transferts d'expériences européennes de concertation sociale, encouragement à la création d'infrastructures de nature à attirer les investissements étrangers directs, dotations d'un fonds destiné aux PME pour l'Amérique latine, plans de codéveloppement avec les pays d'origine de l'immigration vers l'UE, établissement d'une Charte de principes de responsabilité sociale des entreprises). Certaines initiatives suggérées ont pour objet la diminution de la charge de la dette extérieure et le financement du développement (formules de renégociation, rachat ou annulation de la dette extérieure au travers de programmes de lutte contre la pauvreté, de coopération environnementale ou dans le domaine de l'éducation, recommandations pour tenter d'éviter la dépendance vis-à-vis des agences de rating). Certaines propositions sont destinées au renforcement des systèmes de protection sociale (transferts d'expériences européennes, soutien à la conclusion d'accords entre les pays sur l'immigration, soutien à la gestion et à la formation spécialisée). Enfin, en ce qui concerne l'aide au développement et la coopération au développement, plusieurs suggestions sont également formulées: accroître la coordination entre les donateurs européens, améliorer la cohérence des aides avec les objectifs poursuivis, soutenir les pays bénéficiaires qui prennent les décisions essentielles sur les interventions à faire, et aider les pays qui en ont le plus besoin pour faciliter et renforcer leur capacité à assumer une présence autonome dans les négociations multilatérales, sans oublier, de manière générale et à titre de priorité, la formation des personnes et le renforcement des institutions.

1.   Introduction

1.1

Le 28 mars 2003, le commissaire PATTEN a présenté aux membres du Groupe de Rio réunis à Vougliameni, en Grèce, une initiative destinée à donner un élan à la cohésion sociale dans les pays d'Amérique latine. Cette initiative devra occuper une place centrale lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'UE, de l'Amérique latine et des Caraïbes, qui se tiendra à Guadalajara, au Mexique les 28 et 29 mai 2004. Cette initiative a pour point de départ le constat que les bénéfices de la démocratisation et du développement économique obtenus dans les années 90 du siècle passé n'ont pas atteint de larges couches de la population, qui sont toujours victimes de l'inégalité et de l'exclusion, ce qui constitue un obstacle au développement économique et une source d'instabilité dans la région.

1.2

L'UE est disposée à promouvoir un nouveau consensus entre les gouvernements d'Amérique latine et des Caraïbes, qui devra être officialisé lors du prochain sommet de Mexico à travers un engagement ferme d'atteindre certains objectifs, notamment en matière de politique sociale, de politique fiscale, de développement économique et de dépense sociale. L'UE a prévu de contribuer à cet objectif, qui représente un aspect particulièrement important pour l'association stratégique birégionale, grâce à un programme de 30 millions d'euros consacré au transfert d'expériences et de connaissances en matière d'élaboration et d'application des politiques sociales.

1.3

Pour donner un élan à cette initiative, la Commission a organisé, les 5 et 6 juin 2003, en collaboration avec la Banque interaméricaine de développement (BID), un séminaire intitulé: «la cohésion économique et sociale en Amérique latine et aux Caraïbes», dont l'objectif était de lancer un large débat sur l'ampleur du problème de manque de cohésion sociale, son impact négatif sur les développements et la stabilité, les options politiques possibles et les efforts que les gouvernements latino-américains doivent développer pour faire face aux problèmes liés à l'absence de cohésion sociale, tels que l'inégalité et l'exclusion sociales.

1.4

Le 1er juillet 2003, le Commissaire PATTEN a adressé au CESE une demande d'avis exploratoire sur la cohésion sociale en Amérique latine, en vue de la Troisième rencontre de la société civile UE-Amérique latine que le CESE, en coopération avec ses homologues d'Amérique latine et des Caraïbes, organisera au Mexique, les 13, 14 et 15 avril 2004.

1.5

Selon le Commissaire PATTEN, l'avis devrait rendre compte des opinions de la société civile organisée en Amérique latine, aux Caraïbes et en Europe en matière de cohésion sociale dans la région ALC, compléter les documents élaborés à l'occasion du séminaire de juin 2003 (précédemment mentionné), faire état du rôle que jouent actuellement les partenaires sociaux en Amérique latine et aux Caraïbes et étudier, avec les organisations de la société civile d'Amérique latine et des Caraïbes, comment les partenaires sociaux peuvent contribuer à une cohésion sociale accrue dans leur pays. Cette contribution pourrait par exemple passer par la concertation sociale, la gestion commune des systèmes de protection sociale ou la mise en oeuvre, par les entreprises européennes qui investissent en Amérique latine, d'une politique de responsabilité sociale (1), qui s'avère bénéfique pour la compétitivité des entreprises et, dans le même temps, pour la cohésion sociale de toutes les parties intéressées.

2.   Le concept de cohésion économique et sociale

2.1

Le concept de cohésion économique et sociale fait l'objet de multiples interprétations. Aux fins de l'élaboration de cet avis, partons du concept développé par la Commission européenne au fil des rapports successifs sur la cohésion économique et sociale dans l'Union, en incorporant à l'analyse certains des aspects qui font la singularité de la situation latino-américaine, tels que la faim, les populations indigènes et l'emploi informel, ainsi qu'un plus grand déterminisme social dans l'accès à l'égalité des chances.

2.1.1

Pour parvenir à une plus grande cohésion sociale, les États doivent selon les propos de M. Enrique IGLESIAS, président de la BID, se doter d'un cadre de nature à promouvoir des mécanismes et des institutions à même de réduire les inégalités et les divisions. Dans cette perspective, le concept de cohésion sociale ne se limite pas à un ensemble d'indicateurs socio-économiques mais doit également englober plusieurs dimensions.

2.2   Dimension politique

2.2.1

Tout d'abord, la cohésion sociale possède une dimension politique essentielle, qui s'étend de la qualité des institutions démocratiques à la participation des citoyens à la chose publique, en passant par la préservation des liens sociaux, l'instauration de sociétés plus équitables, de systèmes de protection sociale et de solidarité, la conservation du patrimoine culturel et des ressources naturelles ou la participation active des acteurs économiques et sociaux à la vie économique et sociale.

2.2.2

Pour atteindre des niveaux de cohésion sociale supérieurs, il faut une intervention de l'État et des institutions publiques, au moyen de règles et d'actions efficaces: développement d'infrastructures, services publics de qualité, justice indépendante, règles régissant les relations du travail, systèmes fiscaux équitables, etc. Les institutions publiques ont, en somme, un rôle clé à jouer dans la promotion des droits et de la citoyenneté civique, politique et sociale. La cohésion sociale serait donc en premier lieu une question politique.

2.3   Dimension économique

2.3.1

La dimension économique de la cohésion sociale est liée à la richesse et à sa distribution, au développement du tissu productif (accès aux ressources essentielles, renforcement des facteurs ayant une incidence sur la productivité, environnement favorable au développement des investissements et des PME, etc.), à la recherche, au développement et à l'innovation, au taux et à la qualité de l'emploi, au niveau des salaires et aux différences salariales existantes. La réalisation de ces objectifs est rendue difficile, dans le cas des pays d'Amérique latine et des Caraïbes (ALC), notamment par la dualité du marché du travail partagé entre emploi formel et informel, par le manque d'investissements productifs et la faible qualification de la main-d'œuvre de la région. Des niveaux élevés d'inégalité économique, tels que ceux qui caractérisent les sociétés latino-américaines, sont un frein au développement économique et, partant, sont synonymes de retard économique et de déstructuration sociale.

2.3.2

Par ailleurs, il ne sera pas possible d'accroître de manière substantielle la cohésion sociale en ALC si cette région ne s'engage pas sur la voie d'une croissance économique soutenue et du développement social. Pour y parvenir, une plus grande stabilité macroéconomique est nécessaire, sans préjudice de grands progrès en matière d'équité sociale, en accord avec le processus de réformes structurelles qui mobiliseraient les ressources productives de la région, en améliorant en particulier l'incitation à la création d'entreprises, la qualification des travailleurs, une meilleure distribution du revenu et la création d'un cadre démocratique pour les relations de travail.

2.4   Dimension territoriale

2.4.1

La cohésion sociale est étroitement liée à la cohésion territoriale: capacité de créer des synergies entre tous les acteurs d'un territoire; dotation suffisante en infrastructures diverses, y compris les nouvelles technologies de l'information et de la communication, accès pour tous aux services essentiels pour la communauté (depuis la santé jusqu'à l'éducation, en passant par l'eau, les transports, l'électricité ou le logement). Les inégalités se manifestent sur le territoire, entre le centre et la périphérie, entre les zones urbaines et les zones rurales, entre les zones côtières et celles de l'intérieur, ou encore entre différents secteurs de la société, population indigène et celle qui est issue des nouvelles migrations, par exemple.

2.5   Dimension sociale

2.5.1

La répartition équitable de la richesse, des différentes sources de richesse matérielle et immatérielle ainsi que du revenu est inhérente au concept de cohésion sociale. C'est la tentative de conjuguer développement économique et développement social qui a caractérisé le modèle social européen (pour ce qui est des points communs aux différents modèles qui coexistent en Europe: dépenses élevées de protection sociale, rôle régulateur de l'État, rôle important joué par les acteurs sociaux). En d'autres termes, la définition des règles de distribution de la richesse (normes professionnelles et sociales, systèmes de protection sociale en cas de vieillissement, de maladie, de chômage, protection de la famille, négociation collective, régime d'imposition), doit intervenir au bénéfice de tous, avant les résultats économiques et la production de cette richesse.

2.5.2

La dimension sociale de ce concept de cohésion sociale renvoie également aux problèmes, très actuels, d'inégalité horizontale liés à la discrimination basée sur le sexe, la race, l'origine ethnique ou d'autres signes distinctifs de différents groupes sociaux. En ce sens, les principes essentiels sur lesquels se cimente la cohésion sociale sont la sécurité devant l'existence et la garantie de droits pour tous.

2.5.3

Une conception globalisante du concept de cohésion sociale, comme celle qui est proposée ici, ouvre un large éventail de possibilités pour le renforcement de cet objectif, tant grâce aux politiques que doivent mettre en oeuvre les pays d'Amérique latine et des Caraïbes qu'au travers des relations entre l'UE et l'ALC. Il s'agirait, d'une part, d'approfondir - avec le soutien matériel mais également grâce aux expériences réalisées dans l'UE - les vecteurs stratégiques de nature à contribuer à l'accroissement des niveaux de cohésion sociale dans cette région et, d'autre part, de favoriser un type de relations entre l'UE et l'ALC, qui, en plus des ressources destinées à la coopération au développement, intègre l'objectif de favoriser la cohésion sociale en ALC aux échanges et aux politiques commerciales, éducatives, technologiques et sociales. À l'issue des deux premières rencontres de la société civile UE - ALC un constat similaire a été dressé et plusieurs grands dirigeants latino-américains, tels que les Présidents LAGOS au Chili, Lula da SILVA au Brésil et KIRCHNER en Argentine, se sont récemment exprimés dans ce sens.

3.   Le déficit social en Amérique latine

3.1

Toute analyse de la région ALC doit partir de la reconnaissance de la grande hétérogénéité des situations économiques, politiques et sociales qui y règne. Toutefois, et même au risque de simplifier, nous pouvons, aux fins de l'élaboration du présent avis, dégager quelques caractéristiques communes pour analyser le degré de cohésion économique et sociale de la région dans son ensemble et tirer des conclusions sur la manière de résorber le déficit de cohésion, dont pâtissent tous ces pays à des degrés différents.

3.1.1

Dans cet avis, l'on tiendra compte essentiellement de trois niveaux d'analyse de la réalité latino-américaine et caribéenne: le champ socio-économique, le champ politique et les indicateurs d'insatisfaction sociale.

3.2   Le champ socio-économique

3.2.1

Les problèmes de pauvreté et d'inégalité sont perçus par la population latino-américaine comme les plus graves parmi ceux qu'ils subissent. Selon le Latino baromètre, plus de la moitié de la population estime que les problèmes les plus importants en Amérique latine sont le chômage, les bas salaires et la pauvreté. En 2003, pratiquement un quart des citoyens latino-américains ont déclaré que leurs revenus ne leur permettaient pas de couvrir leurs besoins essentiels. Ces problèmes sont jugés comme prioritaires par rapport à d'autres, comme la corruption ou la criminalité.

3.2.2   Pauvreté

3.2.2.1

En l'an 2002, selon les données de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes) (2), le niveau de pauvreté dans cette région a atteint 43,4 % de la population et le niveau d'extrême pauvreté 18,8 %, ce qui correspond, en termes absolus, à 220 millions d'habitants et à 95 millions d'habitants respectivement. Les prévisions pour l'année 2003 indiquent une augmentation de 0,5 % du nombre de pauvres, ce qui suppose une augmentation des niveaux de pauvreté dans la région pour la troisième année consécutive. Entre 1997 et 2002, le niveau de pauvreté s'était stabilisé autour de 43,5 % de la population. Toutefois, en termes absolus, la population disposant d'un niveau de vie insuffisant a augmenté pour passer de 204 millions à 220 millions d'habitants. Cela est dû au faible niveau de croissance économique enregistré ces six dernières années et en général, à cette «décennie à moitié perdue», à laquelle la CEPAL a également fait allusion.

3.2.2.2

La pauvreté est plus prononcée dans les zones rurales où elle est deux fois plus élevée que dans les zones urbaines (59,1 % contre 26,1 %). Cependant, en termes absolus et à cause de l'exode rural croissant, la population pauvre est également distribuée entre les zones urbaines et les zones rurales. La pauvreté est concentrée dans les foyers dont le chef de famille travaille dans l'agriculture et dans le secteur des services urbains non financiers (35,5 % et 29,1 %, respectivement de la population pauvre de la région). Très graves également les inégalités internes qui existent dans de nombreux pays comme le Brésil, le Guatemala ou la Colombie, dans lesquels le manque de cohésion territoriale est un facteur qui favorise la violence politique.

3.2.2.3

La pauvreté touche davantage les femmes que les hommes. Le pourcentage de femmes sans revenu est supérieur tant dans les zones urbaines (45 % contre 21 %) que dans les zones rurales (53 % contre 20 %). Dans les zones urbaines, le pourcentage de foyers pauvres dont le chef de famille est une femme est supérieur à celui des foyers dont le chef de famille est un homme (30, 4 % contre 25 %). La pauvreté est également beaucoup plus prononcée parmi les citoyens d'origine indigène ou descendant des Africains que dans le reste de la population. Certaines études relatives au Brésil, à la Bolivie, au Guatemala et au Pérou, indiquent que la pauvreté dans ces catégories de population est deux fois plus élevée que dans le reste de la population.

3.2.3   Distribution du revenu

3.2.3.1

Le décile le plus riche de la population de la région ALC détient 48 % du revenu total, tandis que le décile le plus pauvre ne reçoit que 1,6 % de ce revenu. L'inégalité, mesurée au moyen de l'indice de Gini, s'est accrue dans la région ces trois dernières années. Une étude de la CEPAL couvrant 11 pays de la région (Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Équateur, Mexique, Nicaragua, Panama, Uruguay et Venezuela), indique une augmentation de la concentration du revenu dans tous les États, à l'exception du Mexique. Toutefois, il faut savoir qu'il existe des écarts importants en ce qui concerne la distribution du revenu entre les pays de la région, écarts qui ne sont pas liés au niveau de développement industriel.

3.2.4   La faim

3.2.4.1

De manière générale, la faim (mesurée en pourcentage de la population souffrant de dénutrition) a diminué dans la région au cours des périodes 90-92 et 98-2000, pour atteindre une moyenne de 11 % de la population. Cependant, il faut également savoir qu'il existe là aussi de grandes disparités entre les pays de la région, car dans les données relatives à la période 1998-2000, l'on a inclus des pays qui comptent plus de 20 % de leur population en état de sous-alimentation (Bolivie, Guatemala, Haïti, Honduras, Nicaragua et République dominicaine) aux côtés d'autres qui n'en comptent que 5 % (Argentine, Chili et Uruguay). La dénutrition est imputable, entre autres facteurs, selon la CEPAL, à un accès inégal à l'offre d'aliments, à la rareté de l'offre et à la mauvaise distribution du revenu.

3.2.4.2

La dénutrition touche avant tout la population infantile et revêt une importance particulière à cause de ses conséquences à long terme. Bien que les indicateurs montrent une amélioration de l'indicateur de dénutrition infantile pour la période 1995-2000, elle atteint encore des niveaux extrêmement élevés: la dénutrition infantile chronique touche 19,5 %, de la population âgée de moins de 5 ans.

3.2.4.3

La dénutrition infantile chronique est le principal vecteur de transmission du sous-développement et de la pauvreté d'une génération à l'autre, dès lors que le manque d'aliments dans les années les plus critiques du développement physique et psychomoteur des enfants compromet de manière décisive leurs capacités intellectuelles, leur rendement scolaire, leurs capacités productives et leur intégration sociale, et a donc un impact énorme sur le potentiel de développement de la société en général.

3.2.5   Éducation et accès à l'éducation

3.2.5.1

Le niveau d'analphabétisme est élevé comparé aux normes des pays développés mais il est très hétérogène dans la région. Dans certains pays comme l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, Cuba et l'Uruguay, le niveau d'analphabétisme est inférieur à 5 % de la population âgée de plus de quinze ans. Toutefois, cet indicateur atteint des niveaux supérieurs à 20 % au Salvador, au Guatemala, en Haïti, en Honduras et au Nicaragua. L'analphabétisme est généralement plus élevé chez les femmes.

3.2.5.2

L'accès à l'éducation élémentaire (élèves entre 7 et 12 ans) est très élevé dans les zones urbaines, où il atteint des niveaux supérieurs à 90 % (l'assiduité ou la régularité des cursus suivis étant une autre question: selon la CEPAL (3), en l'an 2000, près de 15 millions de jeunes, âgé de 15 à 19 ans, sur un total de 49 millions d'habitants, avaient abandonné l'école avant d'avoir terminé leurs douze années de scolarité). Les niveaux de scolarisation sont toujours beaucoup plus élevés dans les familles disposant de revenus supérieurs, surtout dans les pays enregistrant une plus grande concentration du revenu et un développement relatif inférieur, comme c'est le cas de la Colombie, de l'Équateur, du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et de la République dominicaine. Cette différence en matière d'accès à l'éducation en fonction du niveau de revenus est plus prononcée à mesure que l'âge augmente en raison de la nécessité pour les jeunes plus âgés d'entrer dans le marché du travail pour aider la famille. Dans la majorité des pays ALC, le niveau de scolarisation des femmes est supérieur à celui des hommes (tous niveaux de revenus confondus) et surtout, dans la classe d'âge des 20 à 24 ans.

3.2.5.3

Les problèmes d'éducation dans la région ALC se concentrent sur trois volets. En premier lieu, la qualité de l'offre éducative qui, dans certains domaines comme l'enseignement élémentaire et secondaire est très basse, ce qui se manifeste par des taux d'abandon et d'échec scolaire élevés, les faibles taux de rendement scolaire des élèves, l'insuffisance de l'équipement des établissements ou le peu de motivation du corps enseignant. Ensuite, le manque d'équité dans l'accès à l'offre de formation: les inégalités en la matière se reflètent dans les disparités des taux respectifs d'inscription et de rendement scolaire selon qu'il s'agit d'un environnement urbain ou d'un environnement rural, et en fonction également de l'origine ethnique de la population scolaire, voire de l'appartenance à un sexe. Enfin, il existe un décalage considérable entre le système de formation et les besoins du marché du travail, non seulement en raison des faiblesses de ce dernier mais également des lacunes, entre autres, de l'enseignement secondaire et professionnel.

3.2.6   Santé et situation sanitaire

3.2.6.1

L'espérance de vie varie entre 59 ans en Haïti et 77 ans au Costa Rica ou à la Barbade, tandis que le taux de mortalité infantile suit une courbe avec des valeurs allant de 7 pour 1.000 pour Cuba à 59 pour 1.000 pour Haïti (4).

3.2.6.2

En termes comparatifs, l'espérance de vie de la population latino-américaine est de 8 ans inférieure à celle d'un pays européen comme l'Espagne. Ce retard en matière de santé se reflète également dans les chiffres relativement élevés de la mortalité que la région continue d'enregistrer, lesquels sont 7 fois plus élevés que ceux de l'Espagne ou de l'Allemagne.

3.2.7   Dépense sociale et protection sociale

3.2.7.1

La dépense sociale moyenne en ALC (pour ce qui concerne quatre rubriques uniquement: éducation, santé, sécurité, et assistance sociale et logement) a atteint en 2000-2001 13,8 % du PIB, niveau supérieur de 1,7 % à celui de la période 1996-1997. Les dépenses sont ventilées comme suit: 4,2 % pour l'éducation, 3,1 % pour la santé, 5,1 % pour la sécurité et l'assistance sociale et 1,4 % pour le logement et autres. La dépense sociale publique par habitant moyenne est presque 30 fois inférieure à la moyenne de l'Union européenne.

3.2.7.2

Au cours des années 1990, l'on a observé que les dépenses sociales dans la région suivaient une tendance cyclique, augmentant dans la période de croissance et diminuant dans les périodes de crise économique. Ainsi, bien que les dépenses sociales publiques n'aient pas diminué dans la région, l'on a constaté un ralentissement de leur croissance depuis 1998, à partir du ralentissement de la croissance du produit régional.

3.2.7.3

Les systèmes de protection sociale (vieillesse, maladie, incapacité) atteignent des niveaux de couverture très faible. Dans l'immense majorité des pays ALC, 10 % à 15 % seulement de la population concernée bénéficie d'un système de protection sociale approprié et même dans les pays enregistrant de meilleures prestations, cette couverture ne dépasse pas 50 % de la population active, avec une tendance préoccupante à la baisse comme conséquence de l'«informalisation» de l'économie.

3.2.7.4

Les réformes des systèmes de protection sociale menées à bien ces dernières décennies - privatisation de la gestion des systèmes de retraite et de santé — et la transformation des systèmes de financement par répartition en systèmes financiers de capitalisation individuelle n'ont pas produit les résultats annoncés, ont diminué le contrôle de l'état ainsi que sa capacité de recouvrement et ont favorisé l'emploi informel et laissé en marge des systèmes de protection une majorité croissante de la population. L'accroissement des flux migratoires intra-régionaux, consécutif aux processus d'intégration qui ont lieu, en l'absence de mécanismes de prévention sociale reconnus, contribue également à créer des poches de pauvreté, de marginalité et d'exclusion.

3.2.7.5

L'Année 2004 a été déclarée par les Chefs d'État et de gouvernement d'Amérique latine «année des personnes handicapées». L'on a calculé que l'Amérique latine compte entre 45 et 65 millions de personnes souffrant d'un handicap, lesquels sont pour la plupart des conséquences de l'exclusion sociale et de la pauvreté, le même sort étant souvent réservé à leur famille.

3.2.8   Le marché du travail

3.2.8.1

Le marché (5) du travail en ALC connaît actuellement une période de détérioration des relations de travail à la suite du ralentissement de la croissance économique enregistré ces 6 dernières années. Le taux de chômage urbain a augmenté pour atteindre 9,2 % aux premiers trimestres de 2002, le plus élevé jamais enregistré au cours de ces 22 dernières années. Plus de 70 % des foyers de la région dépendent exclusivement des revenus du travail; un travailleur sur deux reçoit une rémunération qui le situe au seuil de pauvreté. Une majorité croissante de la population active n'est pas couverte par la législation du travail, et cette couverture a diminué pendant les années 90.

3.2.8.2

L'on constate pour la période 1990-2002 une forte tendance à l'«informalisation» de l'emploi (7 emplois sur 10 créés depuis 1990 l'ont été dans le secteur informel et l'emploi informel représente 46,3 % de l'emploi total de la région) et à la précarisation du travail: seuls 6 emplois sur 10 nouveaux emplois créés dans le secteur formel donnent accès à une forme de couverture sociale contre 2 sur 10 dans le secteur informel. L'on estime le déficit en matière de «travail décent» à 93 millions de travailleurs, soit 30 millions de plus qu'en 1990 (il est fait référence ici aux 50,5 % de la population active qui sont sans emploi, travaillent dans le secteur informel ou à ceux qui, tout en travaillant dans le secteur formel de l'économie, ne bénéficient pas de prestations sociales où travaillent dans des conditions très précaires).

3.2.8.3

Les relations de travail sont caractérisées par une reconnaissance inégale et incomplète des droits du travail fondamentaux (il existe des pays disposant de cadres de relations de travail nominalement équivalents à ceux que l'on trouve en Europe et d'autres dans lesquels des dizaines de syndicalistes sont assassinés chaque année dans l'exercice de leurs fonctions), le faible niveau de développement des systèmes de négociation collective et de concertation sociale, le faible pourcentage d'affiliation à des syndicats (14 % seulement de la force de travail urbaine) ou à des organisations d'employeurs, le manque de confiance et le conflit comme règle dans les relations entre les travailleurs et les employeurs.

3.2.9   Immigration

3.2.9.1

L'immigration est un facteur qui a une influence énorme sur la situation socio-économique des pays ALC, apportant à celle-ci aussi bien des aspects positifs que des aspects négatifs. Les principaux flux migratoires concernent le nord, à savoir les États-Unis et le Canada mais pendant cette dernière décennie d'importants flux se sont également dirigés vers l'Union européenne.

3.2.9.2

Ce sont les rentrées d'argent que les immigrés envoient dans leur pays d'origine qui constituent la contribution positive de l'immigration et qui souvent sont une source importante de devises pour le pays, outre le fait qu'elles pallient le manque de ressources de larges pans de la population.

3.2.9.3

Mais les aspects négatifs de l'immigration sont également importants et nous ne mentionneront que ceux de nature macroéconomique, sans entrer dans le détail de ce que suppose pour les personnes de devoir abandonner leur pays et s'éloigner de leur famille. Le principal élément négatif à souligner est la perte de capital humain, dans la mesure où ceux qui émigrent font généralement partie des personnes les mieux préparées, les plus entreprenantes et qui ont le plus d'initiative. De plus, lorsque les flux migratoires se prolongent dans le temps, une certaine «culture de l'immigration» se crée, alimentant l'idée selon laquelle l'immigration est la clé de la prospérité, ce qui enlève de son dynamisme économique à la société du pays de départ et favorise le manque de cohésion sociale.

3.2.10   Croissance, développement et réformes structurelles

3.2.10.1

Les conditions économiques de la région ne sont pas les plus appropriées pour garantir une croissance économique soutenue. Les améliorations importantes réalisées ces dernières années en matière de stabilité macroéconomique dans un assez grand nombre de pays de la région constitue un acquis essentiel, bien qu'insuffisant, pour garantir des rythmes supérieurs et plus stables de croissance économique.

3.2.10.2

Le volet extérieur des économies latino-américaines demeure une entrave à la croissance soutenue. La forte dépendance des flux externes de capital constitue un frein majeur les gênant pour donner un élan au développement interne. La volatilité de ces flux, qui changent au gré des crises internationales ou des changements de la conjoncture des pays émetteurs, met la continuité et l'accroissement de l'investissement productif hors de portée des agents économiques locaux. Les effets de cette dépendance se font plus aigus lorsqu'elle soumet les pays latino-américains, pour ce qui est de l'autre composante de leurs restrictions externes, la dette, à des soubresauts continuels en fonction des coûts variables de financement. Cette extrême vulnérabilité des économies latino-américaines face au cycle économique extérieur est l'un des facteurs les plus significatifs parmi ceux qui gênent la dynamique de celles-ci.

3.2.10.3

Cependant, c'est la faiblesse-même des institutions locales, le fait que les économies latino-américaines sont peu diversifiées, le poids de la dette extérieure et la faible production de ressources financières propres — épargne — qui expliquent ce niveau élevé de dépendance et de vulnérabilité vis-à-vis de l'extérieur. Face à cette situation, un renforcement décisif du marché intérieur (qu'il ne faut pas ramener, de manière simpliste, à des processus de substitution des importations) pourrait ouvrir de nouvelles voies au développement économique latino-américain.

3.2.10.4

En ce sens, donner une impulsion accrue aux processus régionaux d'intégration économique contribuerait à faire fonctionner des marchés de plus grande dimension, dans lesquels les économies d'échelle ainsi obtenues devraient opérer comme un incitatif à l'expansion du tissu productif local et attirer les investissements étrangers.

3.2.10.5

Actuellement, le tissu productif de la région est extrêmement atomisé et caractérisé par un cadre institutionnel hautement informel et contraint d'opérer sur des marchés locaux de détail aux dimensions réduites et protégées d'une manière ou d'une autre de la concurrence extérieure. Cependant, avant de les soumettre aux conditions de concurrence de l'environnement, il faudrait aborder les facteurs qui expliquent leur faible niveau de productivité.

3.2.10.6

Le développement des petites entreprises et des micro-entreprises se heurte à des barrières infranchissables, compte tenu d'une culture d'entreprise insuffisante et d'un manque de capital humain ou de l'incertitude juridique de l'environnement institutionnel dans lequel il intervient, tout cela dans le cadre d'un système financier peu évolué et dont les instruments d'intermédiation sont peu développés.

3.2.10.7

De même, l'inégalité dans la distribution actuelle des actifs productifs (de la terre au capital physique ou humain) accentue les goulets d'étranglement auxquels sont confrontées les entreprises latino-américaines.

3.2.10.8

L'expansion de l'activité des entreprises dans les économies latino-américaines est une condition essentielle pour parvenir à une croissance soutenue. Toutefois, les réformes sur ce terrain se déroulent dans un contexte caractérisé par l'indifférence d'une partie du monde des entreprises, le manque de crédibilité où le manque d'esprit de continuité des pouvoirs publics dans leurs programmes d'industrialisation ou de réformes agraires, le manque de consensus politique et social quant à un projet démocratique de société et, assez souvent, avec une forte résistance de certaines élites locales, davantage intéressées par la répartition des bénéfices du démantèlement de l'état industriel, aujourd'hui devenu par ailleurs obsolète, que par la création d'un tissu industriel et productif compétitif.

3.2.10.9

Dans ce contexte, l'économie sociale peut jouer un rôle important en tant que facteur de développement du tissu social, de développement économique et de cohésion sociale. Ce type d'économie devrait également être mis en valeur en tant que porte de sortie dans des situations de crises économiques et de restructurations industrielles (prise en charge d'entreprises en crises par les travailleurs eux-mêmes) et en tant qu'alternative efficace à la promotion du développement local (coopératives de développement local, etc.).

3.3   Le champ politique: éléments politiques définissant la qualité des institutions et des instruments de participation politique

3.3.1

La pratique généralisée du système démocratique en Amérique latine ne s'est pas accompagnée d'un renforcement de la citoyenneté sociale (emploi, assurance vieillesse, assurance-maladie, assurance-chômage, assurance invalidité, éducation, logement, égalité des chances, sécurité des citoyens, améliorations du niveau économique, accès aux nouveaux instruments d'information et de communication). De nombreux citoyens ne bénéficient toujours pas des droits civils et sociaux essentiels. L'incapacité et la faiblesse des États de la région qui ne parviennent pas à garantir des aspects essentiels tels qu'une certaine équité fiscale, l'accès à la justice, la protection contre différentes formes de violence, des systèmes de protection sociale universels, la participation des citoyens aux questions qui les concernent, etc., ont amené certains à parler d'États absentéistes et conduit à une citoyenneté peu affirmée.

3.3.2

Dans le cas de l'Amérique latine, le tissu social est distendu. La société civile est peu articulée et les institutions ne remplissent pas un rôle moteur en ce sens: il semblerait que les élites politiques ont de sérieuses réserves quant à l'ouverture des institutions à la participation de la société civile, avec pour conséquence un tissu social lâche et vulnérable. Toutefois, il est essentiel de pouvoir compter sur des interlocuteurs structurés et crédibles aux yeux la société et sur une collaboration efficace entre les sphères publiques et privées d'action pour rendre plus efficaces les politiques orientées vers la cohésion sociale.

3.3.3

L'égalité des chances est possible avec des politiques sociales, c'est-à-dire, des investissements dans la santé, dans l'éducation, dans l'emploi et dans le logement. Dans le même temps, ces politiques contribuent à une répartition plus équitable du revenu et à un renforcement des institutions pour que les individus participent plus activement aux décisions politiques, en renforçant ainsi la démocratie et la «gouvernabilité».

3.3.4

À cet égard, l'on peut déceler un phénomène de dissociation dans la sensibilité politique des citoyens d'Amérique latine et des Caraïbes. Il se manifeste par le fait que, d'une part, ils exigent de plus en plus de la démocratie qu'elle réponde à leurs besoins matériels et, d'autre part, l'abstentionnisme électoral augmente. Sur ce terrain, la situation la plus problématique est enregistrée chez les plus jeunes, qui expriment un sentiment aigu de désaffection politique vis-à-vis des partis ou d'autres types d'organisations et d'institutions politiques. Selon un rapport du PNUD, 54,7 % de latino-américains seraient disposés à accepter un gouvernement autoritaire, pourvu qu'il règle leur situation économique.

3.4   Indicateurs d'insatisfaction sociale

En étroite interaction avec ce qui précède, l'analyse de la situation en matière de fracture sociale dans l'espace latino-américain et caribéen implique de connaître les niveaux d'insatisfaction de la société quant à la réalité qu'elle vit et de considérer les autres formes d'expression sociale de ce rejet: violence urbaine, délinquance, émergence de sociétés parallèles et de «légalités mafieuses».

3.4.1   Insatisfaction en ce qui concerne les institutions

3.4.1.1

Selon les données du Latino baromètre (6), les citoyens perdent confiance dans toutes leurs institutions, en particulier dans les institutions politiques. Cela conditionne sans aucun doute la dynamique-même des institutions et affecte de manière négative la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques.

3.4.2   Égalité devant la loi

3.4.2.1

Le phénomène précédemment évoqué semble avoir un lien étroit avec l'évolution de la situation en matière d'équité sociale et économique dans la région, mais il est également étroitement lié à l'inexistence de droits civiques et politiques fondamentaux. Ainsi, plus de 50 % des latino-américains interrogés par le Latino baromètre font valoir que le facteur le plus important selon eux pour avoir confiance dans leurs institutions est «l'égalité de traitement» (outre les questions liées à la répartition des richesses, le traitement discriminatoire, même celui qui est légalement reconnu, accordé à certaines minorités sociales ou ethniques peut avoir une influence). Cela pourrait expliquer l'essor de mouvements indigénistes dans différents pays de la région, ainsi que la persistance de phénomènes de travail forcé ou d'esclavage).

3.4.2.2

Bien que tous les pays de la région aient ratifié les conventions internationales sur les droits de l'homme, les violations de ceux-ci y sont très nombreuses. Toutefois, elles ne sont plus la conséquence d'actes de gouvernements dictatoriaux mais découlent d'une violence diffuse pratiquée par des bandes ou des corps particuliers (narcotrafiquants, milices privées, parfois en liaison avec les appareils répressifs de l'État). Dans ce contexte, il est indispensable de renforcer, en conjugaison avec d'autres politiques, le système judiciaire afin qu'il soit respecté et autonome et qu'il permette de fonder la citoyenneté sur l'autorité de la loi, de manière à pouvoir surmonter l'une des contradictions majeures des démocraties des pays ALC, à savoir l'inapplication des normes légales.

3.4.3   La corruption

3.4.3.1

Dans les pays ALC, la confiance des citoyens dans la démocratie en tant que forme de gouvernement a enregistré une baisse tout au long des années 90 (7). La consolidation des institutions va de pair avec le degré d'acceptation de celles-ci par les citoyens. Mais pour qu'une telle identification puisse exister, il est indispensable d'assurer une gestion transparente de la chose publique.

3.4.3.2

La corruption politique et économique, phénomène qui est présent dans presque tous les pays du monde et dont il ne faut pas oublier qu'il a toujours deux faces, celle du corrompu et celle du corrupteur, est considérée comme l'un des problèmes les plus graves de la région. Cela peut expliquer pourquoi l'on enregistre de plus en plus une perception négative des citoyens vis-à-vis de leurs gouvernements et des partis politiques qui les soutiennent, un regain de vitalité de formations politiques populistes et le rejet de certaines réformes économiques réalisées ces dix dernières années.

3.4.3.3

La corruption et l'illégalité institutionnalisées ont pour effet de rompre les liens éthiques, normatifs et communautaires essentiels pour la cohabitation sociale. Pour les retisser, il est indispensable d'agir à partir du champ éducatif, en redonnant du crédit à l'État de droit et de l'efficacité à la loi. La réduction des inégalités sociales à travers des politiques de protection et d'inclusion, d'attention portée aux populations indigènes, aux femmes, aux jeunes et, en général, d'extension et de développement des facteurs de citoyenneté sociale au bénéfice de tous, est essentielle pour assurer un développement durable et accroître la confiance des sud-américains dans leurs institutions politiques et dans le système démocratique.

3.4.4   Violence, Criminalité et insécurité des citoyens

3.4.4.1

Les niveaux élevés de criminalité et de violence dans la région sont liés à l'exclusion sociale, à la pauvreté et à l'inégalité. L'indice de victimologie, élaboré par les Nations Unies montre que les niveaux de délinquance et de criminalité en ALC sont parmi les plus élevés du monde. Une étude promue en l'an 2000 par la Banque mondiale (8) met en évidence une étroite relation entre inégalité économique et niveau de criminalité. En Amérique latine et dans les Caraïbes, le nombre de morts violentes est passé de 8 pour 100.000 habitants dans les années 70 à 13 pour 100.000 dans les années 90. La Colombie est en tête de la liste mondiale y relative avec 60 morts par assassinat (non politique) pour 100.000 habitants.

3.4.4.2

La violence qui caractérise la vie quotidienne dans les grandes agglomérations latino-américaines a des causes historiques et sociales multiples et complexes, qui se sont exacerbées ces dernières années en raison de la crise économique et de l'affaiblissement des institutions. Mis à part les pays dans lesquels la violence a une origine politique, dans le reste de l'Amérique latine, les causes principales de celle-ci sont à chercher dans la présence importante d'organisations criminelles qui se livrent au trafic de drogue et dans les inégalités sociales. Cette violence diffuse est un obstacle important pour la cohabitation, la démocratie et le développement productif.

3.4.4.3

Le narcotrafic, source d'insécurité et de violence qui touche en premier lieu les secteurs les plus pauvres de la population, fragilise les institutions politiques et déstabilise les systèmes économiques et les relations sociales. De plus, il alimente la corruption et les guerres civiles, tout en accroissant les inégalités dans la région. La lutte contre celui-ci exige en outre, non seulement une coopération policière et judiciaire internationale, mais un effort très coûteux pour les pays affectés pour pouvoir éliminer les réseaux et les laboratoires.

3.4.4.3.1

La production de cultures illicites en Amérique latine demeure une question épineuse dans les relations nord/sud, qui prend racine dans la misère de certaines zones rurales qui ne disposent pas d'autres moyens pour survivre.

3.4.4.3.2

Les pays consommateurs devraient assumer leur part de responsabilité dans la lutte contre la culture de drogues et ne pas faire retomber toute la responsabilité sur les pays producteurs, sachant que c'est dans les premiers que l'on trouve les systèmes financiers qui permettent le blanchiment de l'argent de la drogue.

3.4.4.3.3

Le CESE appelle l'UE à poursuivre et à approfondir sa politique d'ouverture commerciale, sans préjudice des règles de l'OMC, vis-à-vis des pays andins qui se montreraient disposés à réduire leurs cultures illicites et à les remplacer par d'autres, tout en condamnant la destruction aérienne aveugle de superficies cultivées, qui s'est avérée être un échec du point de vue de leur élimination, outre le fait qu'elle a favorisé la violence sociale et politique.

3.4.4.3.4

Il faudrait, pour que le système de substitution soit plus efficace, apporter une aide financière et technique à ces nouvelles cultures et les mettre en valeur au moyen de réseaux locaux de transport qui faciliteraient la commercialisation à l'échelle régionale des produits alternatifs.

3.4.4.4

Très souvent, les réseaux délictueux, en particulier à la périphérie des agglomérations urbaines, constituent des formes parallèles d'organisations sociales, qui bloquent et empêchent, par la violence, le développement de la société civile organisée, élément essentiel pour la construction d'un État démocratique qui soit satisfaisant pour la majorité de ses citoyens. Ces sociétés parallèles, en imposant leur propre forme de régulation dans l'environnement dans lequel elles opèrent, portent atteinte à la légitimité de l'État démocratique, voire le remettent en question.

4.   Les racines du déséquilibre social en Amérique latine

4.1

L'indépendance coloniale ne s'est pas accompagnée dans la majorité des pays latino-américains d'un processus de réformes sociales, économiques et politiques en profondeur. Elle s'est généralement traduite par un changement dans les élites politiques sans transformations particulières dans le domaine des institutions. Nombre des structures sociales et économiques pré-capitalistes sont restées en place, maintenant les sociétés latino-américaines dans les mêmes conditions ou dans des conditions similaires à celles d'autrefois.

4.2

L'héritage social et économique colonial et les échecs successifs enregistrés dans les tentatives de modification radicale de celui-ci, ont eu pour résultat une forte concentration dans la propriété des ressources (le cas de la propriété de la terre est emblématique à cet égard dans certains pays latino-américains); la marginalisation politique, économique et sociale de pans entiers des sociétés latino-américaines; l'appropriation de l'activité économique par une partie des élites au pouvoir, avec les conséquences que l'on connaît en termes de corruption et d'inefficacité de l'action publique; la faible régulation du marché qui a entraîné de nombreuses externalités négatives et, en particulier, une profonde inégalité dans la distribution de revenus et enfin, un degré d'urbanisation déstructurée croissant, dans laquelle les bases sociales de l'économie de marché se diluent pour aboutir à l'économie informelle.

4.3

Depuis la décolonisation, l'histoire économique de l'ALC montre (avec de grandes disparités selon les pays toutefois) une suite ininterrompue de crises profondes, caractérisées par un déséquilibre vis-à-vis de l'extérieur, qui a pénalisé les tentatives de la région de promouvoir son développement. Pour résumer, l'on peut distinguer trois stades communs dans la dynamique économique de ces pays au cours des deux derniers siècles. Pendant une grande partie du XIXème siècle et au début du XXème siècle, les économies latino-américaines ont évolué selon un modèle dénommé «exportateur primaire» basé sur une forte spécialisation dans les exportations de produits primaires. Dans un deuxième stade, qui commence dans les années 20 et 30 du siècle passé, à la faveur de la forte expansion économique provoquée dans certains pays latino-américains par la Première guerre mondiale, l'on s'oriente vers un modèle de «substitution des importations», visant à remplacer les importations, dans le cadre de l'intégration des économies nationales dans l'environnement économique mondial, par une production nationale et à créer un tissu productif propre. Cependant l'apparition de profonds déséquilibres macroéconomiques (inflation et déficits des balances des paiements) ont compromis ces tentatives de développement endogènes. Enfin, à la fin des années 70 et au début des années 90, l'on a vu se généraliser dans la région l'application de politiques économiques qui, sous les auspices des organismes internationaux (le dénommé «consensus de Washington»), ont encouragé une large ouverture des économies sur l'extérieur, en basant sur les marchés le développement économique et social.

4.4

Ces dernières décennies, si les réformes en profondeur mises en oeuvre dans les économies latino-américaines dans le cadre du «consensus de Washington» (privatisations, libéralisation et stabilité macroéconomique) ont bien permis d'atteindre ce troisième objectif: surmonter les niveaux d'inflation et d'instabilité monétaire élevés, elles n'ont pas apporté d'améliorations substantielles dans les variables de l'équilibre réel à savoir: emploi, croissance et distribution des revenus. Au contraire, comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, certains de ces paramètres ont empiré (et ce, de manière spectaculaire dans certains pays comme l'Argentine).

4.5

Outre le fait que nombre de ces politiques préconisées dans le cadre du «consensus de Washington» sont devenues des fins en soi plutôt que des moyens au service d'une croissance durable et équitable, d'autres facteurs externes ont eu une incidence négative sur le niveau de cohésion sociale des pays ALC. C'est le cas de la politique de «deux poids, deux mesures» pratiquée par les pays plus développés dans leurs relations commerciales avec la région d'Amérique latine; des programmes d'ajustement structurel imposés par des institutions financières internationales qui, le plus souvent, ont aggravé les crises de ces pays; de l'absence de législation exigeante et appropriée pour régir les investissements étrangers ou parfois, la non-application de celle-ci, qui ont abouti dans certains cas à l'élimination des concurrents locaux et à la création de situations de monopole au lieu de contribuer à l'amélioration du tissu productif et de la responsabilité sociale des entreprises. C'est aussi le cas de la dette accumulée à partir des années 60 et que les pays débiteurs ont plus que remboursé à travers le paiement de ses intérêts; des aides officielles au développement (AOD) qui ne sont pas toujours destinées à des projets globaux et cohérents mais ne sont parfois que de simples instruments pour alimenter des relations commerciales ou diplomatiques privilégiées. Ce sont autant d'éléments centraux qui conditionnent le progrès de la cohésion sociale dans la région ALC.

5.   Les faiblesses des sociétés latino-américaines face au processus de cohésion sociale

5.1

L'on peut déduire de ce qui a été dit précédemment que les sociétés latino-américaines souffrent de certaines faiblesses essentielles pour affronter le défi consistant à parvenir à des niveaux acceptables de cohésion sociale, que l'on peut résumer aux cinq carences suivantes:

5.2

Carences dans la fonction de l'État, en tant qu'organisme chargé de défendre l'intérêt général et de promouvoir le bien commun, en tant qu'espace de régulation du développement de l'économie de marché et du pacte social, en tant qu'instrument irremplaçable pour assurer la cohésion sociale dès lors que la société civile ne dispose pas à elle seule des moyens pour y parvenir et pour la préserver. L'État, dans les sociétés latino-américaines n'a pas joué son rôle modernisateur et promoteur en matière de développement économique et de protection sociale, qui s'est avéré essentiel dans d'autres zones, aujourd'hui développées, de la planète. Au gré de l'histoire et des circonstances spécifiques de chaque pays, l'État dans cette région a été davantage au service des intérêts peu légitimes de certains groupes sociaux; rôle qui est très différent de celui joué par l'État dans la majorité des pays développés, en tant que régulateur de l'économie de marché, médiateur dans le conflit social, promoteur de l'activité économique à travers un cadre de politiques microéconomiques et macroéconomiques et sociales appropriées pour accompagner le processus de développement. Dans de nombreux cas, la faiblesse de l'État a empêché celui-ci de mener à bien, voire même d'envisager, des politiques effectives de cohésion sociale.

5.3

Inégalité sociale qui, au-delà des statistiques sur la distribution de la richesse, suppose un blocage de la mobilité sociale et économique des citoyens. En l'absence de ces mécanismes de rupture du déterminisme social, ce sont les schémas les plus traditionnels de reproduction des groupes et des classes sociales qui fonctionnent. Dans ce contexte, les instruments de participation caractéristiques des systèmes démocratiques ont d'énormes difficultés à s'implanter et à se consolider en tant que formules d'organisation sociale.

5.4

La faiblesse de la société civile organisée. Pour avancer sur la voie du développement économique et de la cohésion sociale, il ne suffit pas de mettre en place des institutions démocratiques et d'instaurer l'économie de marché. Il faut également transformer les sociétés, mettre un terme à la pauvreté extrême et à l'exclusion, créer les conditions pour l'égalité des chances, faciliter l'accès à des services essentiels tels que la santé et l'éducation. Ce processus ne saurait être décrété depuis l'intérieur du pays ni être dicté de l'extérieur. Il implique que chaque pays assume ses propres responsabilités, ce qui ne sera possible que s'il existe une participation permanente de la société aux décisions, à travers ses différentes formes d'expression: partis politiques, organisations d'employeurs, syndicats, organisations sociales. Une répartition plus juste et plus équitable des richesses, premier fondement de la cohésion sociale, implique toujours une répartition du pouvoir qui n'est pas possible sans le renforcement de la société civile organisée. La productivité même du système économique se ressent de cette carence, dès lors que les situations de manque de cohésion remettent continuellement en cause les bases de la stabilité juridique et politique dont toute institution économique a besoin pour bien fonctionner.

5.5

Déséquilibres dans le contexte de la mondialisation. Les économies latino-américaines sont particulièrement vulnérables face à ce qui se passe à l'extérieur de leurs frontières. Dans certains cas, leur intégration dans le processus de mondialisation économique croissante s'accompagne d'une perte d'efficacité relative et de compétitivité internationale de leurs structures productives. Cela contribue à intensifier le phénomène de «causalité circulaire», selon l'expression de l'économiste et prix Nobel suédois Myrdal, en particulier dans les phases de récession du cycle économique international; phénomène qui empêche d'atteindre des niveaux de cohésion économique et sociale plus élevés.

5.6

Les politiques structurelles pratiquées ces dernières décennies, souvent à la demande des organismes internationaux qui exercent différentes formes de pression pour les voir appliquer, ont contribué à aggraver une partie des déséquilibres traditionnels de ces sociétés, en particulier en ce qui concerne les niveaux de cohésion sociale.

6.   Les vecteurs possibles de la cohésion sociale en Amérique latine et aux Caraïbes

6.1

À la lumière de l'expérience européenne et compte tenu de ce que nous avons identifié dans les paragraphes précédents comme étant les faiblesses du développement économique et social de la région ALC, nous citerons certains des vecteurs qui pourraient également être stratégiques dans la réalité de cette région pour parvenir à des niveaux de cohésion sociale supérieurs.

6.2   État, institutions et politique

6.2.1

L'on ne peut parler de cohésion sociale si l'on n'a pas la garantie que tous les citoyens ont les mêmes droits et que ces droits leur sont garantis de la même manière par la loi, sont exigibles judiciairement et soutenus par des programmes économiques et sociaux qui les prendraient pour objectifs.

6.2.2

De même, il n'est pas possible d'organiser un État moderne, qui assume les fonctions qui lui incombent sans un système d'imposition juste, efficace et suffisant. Ces systèmes d'imposition dans la région ALC sont caractérisés par la faiblesse des mécanismes de gestion du recouvrement et de contrôle fiscal, la tendance du système à tourner autour de l'impôt indirect, la faible pression fiscale et les niveaux élevés d'évasion fiscale. C'est par conséquent un des plus grands défis auxquels sont confrontées les sociétés et les économies de la région ALC. Il est probable que la mise en oeuvre de réformes fiscales se heurte à la résistance de groupes sociaux et économiques, habitués à une activité économique défiscalisée ou avec des charges fiscales essentiellement régressives mais il s'agit là d'une condition essentielle pour la cohésion sociale.

6.2.3

De plus, la cohésion sociale requiert la présence active de l'État dans la promotion de politiques spécifiques qui répondent à des situations d'inégalité sociale manifeste, qui soient des politiques de redistribution et solidaires et de nature à promouvoir l'égalité des chances pour tous les citoyens, en mettant un terme aux situations d'exclusion sociale. Mais pour cela il manque dans les pays de la région des systèmes de protection sociale universels, ceux-ci étant dans la majorité des cas inexistants ou souffrant de graves carences, voire étant des facteurs d'inégalité.

6.2.3.1

L'on ne peut parvenir à la cohésion sociale au moyen de plans d'actions contre l'exclusion sociale uniquement; il faut également des systèmes de sécurité sociale qui assurent, entre autres choses, des soins de santé et des retraites pour toute la population. Il s'avère à cet égard particulièrement indispensable de faire face aux profondes inégalités dont souffre la population plus âgée qui est très souvent au bord de l'indigence et/ou de l'exclusion sociale. La mise en place de systèmes publics de retraite financés par répartition, avec une large couverture générale, est une condition sine qua non pour parvenir à un degré raisonnable de cohésion sociale, sans préjudice de l'éventuel maintien de systèmes complémentaires présentant d'autres caractéristiques.

6.2.3.2

Les systèmes de protection et de sécurité sociale devrait également englober des formules pour fournir une couverture aux travailleurs indépendants, aux faux indépendants et aux travailleurs de l'économie informelle, secteurs qui pèsent lourd dans les pays ALC, en mettant à profit des expériences qui existent dans certains pays européens.

6.2.3.3

L'amélioration de la santé publique est un autre facteur clé pour l'amélioration de la cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes. L'efficacité sociale des systèmes publics de santé, financés selon les principes de la redistribution, a été démontrée dans l'expérience européenne où ils se sont avérés plus solidaires, moins coûteux et plus favorables à la cohésion que le système de l'assurance privée.

6.2.3.4

À partir des années 90, certains pays de la région ALC ont lancé des programmes sociaux publics orientés vers la satisfaction de certains des besoins essentiels des catégories de la population les plus vulnérables. Ces programmes sont soumis à certaines exigences ou contreparties. Ainsi, les programmes d'éducation sont conditionnés par l'assiduité scolaire et les programmes alimentaires sont liés aux campagnes de vaccination et à l'information en matière d'hygiène alimentaire. Ce sont des programmes promus et gérés par l'État qui ont un impact variable sur la redistribution des revenus ainsi que sur la scolarisation et la santé. Dans un autre domaine, certains gouvernements ont pris des initiatives pour favoriser l'accès au crédit. Au Brésil par exemple, des cartes de crédit électroniques ont été distribuées pour faciliter l'accès aux micro - crédits garantis par l'État. L'UE pourrait soutenir ce type de mesures novatrices dans le cadre d'une stratégie orientée vers la cohésion sociale dans la région ALC.

6.2.3.5

Une protection sociale complète dans les relations de travail formelles, une extension progressive de la couverture aux travailleurs de l'économie informelle, la protection sociale des flux d'immigrants et l'éradication de certaines des causes fondamentales de la mortalité infantile constituent également des priorités majeures dans le cadre de l'amélioration de la couverture sociale dans la région ALC.

6.2.3.6

Certaines régions ultrapériphériques de l'UE, situées en Amérique latine et dans les Caraïbes, bénéficient d'aides structurelles communautaires, destinées plus particulièrement au développement d'infrastructures de base. Toutefois, leur niveau de cohésion sociale reste très inférieur à celui du continent européen, leur faible intégration dans la région des Caraïbes leur pose des défis économiques quant à leur avenir et certains de leurs produits essentiels, comme les produits agricoles ou ceux de tourisme, peuvent pâtir d'une concurrence des pays ACP qui bénéficient d'accords préférentiels, tandis que leurs coûts de production sont plus élevés. Il conviendrait par conséquent que l'UE, dans ces nouvelles perspectives financières, prenne en considération la nécessité de maintenir les aides spécifiques concédées à ces régions ultrapériphériques de l'Union.

6.3   Infrastructures économiques, recherche et développement

6.3.1

La dotation en infrastructures de tous types (et plus particulièrement en ce qui concerne cette région, la création d'infrastructures de transport, de communication, de distribution d'eau potable et d'énergie avec des garanties de durabilité et d'entretien) est une condition essentielle du développement économique, de l'accroissement de la production et des échanges et, en définitive, de la progression de la productivité. De même, l'augmentation de la productivité passe par l'incorporation dans les processus productifs d'un contenu technologique plus important et par la formation de tous les éléments intégrant le système productif.

6.3.2

L'effort des sociétés ALC pour s'intégrer de manière compétitive dans l'économie mondialisée doit s'appuyer sur une action décidée des pouvoirs publics et du secteur privé, orientée vers le développement de bases technologiques plus avancées, pour pouvoir non seulement combler le fossé qui les sépare des pays plus développés mais également pour tenter de relever le défi du développement «par le haut», en entrant en concurrence dans le système productif mondialisé en créant de la valeur ajoutée.

6.3.3

Des efforts pour enrichir la formation permanente, au travers de systèmes de formation professionnelle et universitaire, sont essentiels dans cette perspective. C'est un domaine dans lequel l'UE peut apporter des connaissances spécifiques et une expérience dans la gestion de systèmes de formation professionnelle, l'homologation de diplômes professionnels et la création d'infrastructures éducatives.

6.4   L'éducation

6.4.1

L'éducation est un facteur clé dans l'élimination des obstacles qui s'opposent aux processus de développement économique et social ou qui les entravent et il constitue un élément essentiel pour garantir l'égalité des chances et la mobilité sociale. Compte tenu des conditions d'éducation précédemment évoquées (faible qualité de l'enseignement, inégalités dans l'accès à celui-ci, déconnexion de celui-ci d'avec le système productif), l'enseignement dans la région ALC peut finir par se transformer en un mécanisme consolidant et reproduisant l'inégalité sociale au lieu d'être un facteur de progrès, de mobilité sociale et de promotion de l'équité. Sans sous-estimer les espaces éducatifs que peut développer l'initiative privée, c'est à l'État qu'il revient de garantir des niveaux élémentaires d'éducation à tous les citoyens, dans des conditions permettant une qualité satisfaisante, de garantir l'accès sans discrimination aux niveaux supérieurs du système éducatif, de mieux relier l'enseignement au marché du travail et de promouvoir les talents où ils se trouvent et de lutter contre de nouvelles formes d'exclusion dues à l'introduction de la dénommée «société de la connaissance».

6.5   Le système productif et son dynamisme

6.5.1

La cohésion sociale requiert un système productif efficace, capable de générer de l'emploi et du revenu pour tous les citoyens. À cet égard, il est essentiel que dans la région ALC, l'on accorde une attention particulière au tissu d'entreprises de niveau local et régional, constitué par un large réseau de petites entreprises dont un grand nombre se trouve aujourd'hui dans l'économie informelle et ne sont intégrées dans les marchés nationaux que de manière collatérale, avec par conséquent un faible potentiel de croissance.

6.5.2

L'expansion de l'économie informelle est l'expression, en premier lieu, de l'impuissance économique des États à réguler des marchés capables de s'élargir. Plus qu'un potentiel d'expansion, l'économie informelle est le reflet, dans la majorité des cas, des économies en retard et disposant d'une faible capacité de création d'emplois décents.

6.5.3

L'économie sociale - coopératives et associations communautaires - constitue une réalité économique et sociale très significative dans plusieurs pays de l'UE. Dans les pays latino-américains, elle peut être une voie importante à explorer à l'avenir, comme alternative à l'économie informelle, pour le développement économique, la création d'emplois, l'intégration sociale et la participation de larges secteurs au processus productif, et cela a été expressément reconnu dans une récente déclaration des pays latino-américains (9).

6.5.4

Les faiblesses sur le terrain des ressources financières sont l'un des facteurs d'étranglement les plus marquants des systèmes productifs de la région ALC. Il ne s'agit pas seulement des faibles niveaux d'épargne mais également de l'inefficacité des mécanismes d'intermédiation, ce qui rend difficile un accès accru et meilleur au financement des agents économiques, en particulier des PME (environ 80 % des entreprises de la région sont des PME ou des micro-entreprises), des travailleurs indépendants, des coopératives, etc. L'on peut déplorer à cet égard le non-développement de systèmes de micro-crédits et de renforcement de la capacité de gestion des petites entreprises ou des travailleurs indépendants.

6.5.5

L'importance relative que revêt encore le secteur primaire dans de nombreux pays ALC place celui-ci, aux côtés d'une politique de soutien, tant verticale qu'horizontale, au développement industriel, au centre des réformes en cours pour parvenir à un plus grand développement économique et social. La recherche de niveaux de productivité supérieurs dans l'agriculture, qui constitue pour de nombreux pays une source essentielle de devises, doit aller de pair avec le règlement de conflits sociaux fortement enracinés dans les zones rurales des pays ALC. La réforme agraire, avec différents scénarios et contenus selon les pays, demeure une absolue nécessité pour résoudre la situation de millions d'agriculteurs et journaliers plongés dans la pauvreté, pour accroître la capitalisation et la production agricole et contribuer ainsi à une cohésion économique et sociale accrue.

6.5.6

L'intégration économique régionale (une intégration qui englobe, en plus de la libéralisation du marché, des mécanismes de compensation et de solidarité équivalents à ce qu'ont représenté dans l'UE les fonds structurels), telle qu'elle se déroule peu à peu dans le Mercosur, dans la Communauté andine et, entre les deux groupements sous-régionaux, etc., constitue un élément essentiel pour renforcer le développement économique et social de la région ALC, surtout si l'on considère plus particulièrement l'indispensable diversification des économies latino-américaines et la nécessité de développer des secteurs productifs compétitifs et d'attirer des investissements étrangers.

6.6   L'étendue et la qualité de l'emploi

6.6.1

Dans la majorité des pays latino-américains et caribéens, le taux de chômage est, de l'avis de leurs propres citoyens, l'un des problèmes sociaux les plus graves, (Argentine, Colombie, Équateur, Jamaïque,...) et dans tous ces pays, l'emploi illégal atteint des proportions alarmantes et ne cesse de croître. Parvenir à un taux d'emplois supérieur et à des conditions d'emplois décentes pour l'ensemble de la population active est un objectif incontournable et des plus urgents pour les pouvoirs publics et les acteurs sociaux dans la région.

6.6.2

L'objectif de parvenir à plus d'emplois et de meilleure qualité requiert des interventions résolues et issues d'un consensus concernant le fonctionnement des marchés du travail. Les réformes du travail menées à bien dans de nombreux pays de la région n'ont pas atteint les objectifs annoncés. Elles ont même souvent contribué à généraliser la précarité de l'emploi, dont la meilleure illustration sont les chiffres élevés du travail informel enregistrés.

6.6.3

La mise en oeuvre de politiques macro-économiques orientées vers la réduction de l'extrême volatilité économique, le perfectionnement des systèmes d'intermédiation dans le monde du travail, l'établissement d'un lien plus fort entre le système éducatif et la création d'emplois, la mise en place de mécanismes appropriés de protection des travailleurs face à une perte de revenus provoquée par la rotation continuelle des emplois, le renforcement des qualifications des travailleurs, le respect de la législation du travail et la promotion de relations professionnelles négociées et basées sur le consensus constituent en ce sens quelques-unes des exigences d'ordre structurel à satisfaire pour parvenir à augmenter l'emploi et à améliorer la qualité de celui-ci.

6.7   Droit du travail et dialogue social

6.7.1

L'ancien Président de la Commission européenne, Jacques DELORS, a défini le modèle social européen comme celui qui combine État et marché, initiative privée et droits collectifs, entreprises et syndicats. L'existence de cadres démocratiques de relations de travail a été et continue d'être en Europe un facteur essentiel de compétitivité économique et de cohésion sociale.

6.7.2

Outre le respect des droits de l'homme au travail (comme ceux qui sont consignés dans les conventions fondamentales de l'OIT), ce système de relations de travail se caractérise par l'existence d'organisations syndicales et d'employeurs représentatives, par des procédures de négociations collectives à différents niveaux et, dans certains cas, par des formes de concertation tripartite pour les orientations de politique économique et sociale (qui vont des formes de législation négociée à des pactes sociaux sur les revenus) et par différentes formes de participation des travailleurs dans les entreprises et dans les institutions sociales (sécurité sociale, formation professionnelle, etc.).

6.7.3

Le développement insuffisant des systèmes de relations de travail pleinement démocratiques est l'une des principales faiblesses des sociétés latino-américaines, qui les empêche de renforcer leur cohésion sociale.

6.7.4

En juillet 2001, la Commission européenne a publié un Livre vert relatif à la promotion d'un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, initiative qui s'ajoutait, entre autres, à la Déclaration tripartite de principes sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'Organisation internationale du travail.

6.7.5

Ce Livre vert énumère une série de critères pour définir la responsabilité sociale des entreprises européennes: le caractère volontaire (au-delà par conséquent des obligations juridiques auxquelles sont tenues les entreprises) des actions entreprises; le caractère durable de l'engagement pris (pas d'actions ponctuelles mais une nouvelle forme de gouvernement de l'entreprise); association des parties concernées, intérieures et extérieures à l'entreprise, aux questions qui les concernent et l'exigence de transparence s'agissant de démontrer les pratiques de responsabilité sociale.

6.7.6

Ces critères devraient être encouragés pour que toutes les entreprises multinationales, et en particulier européennes, présentes dans la région ALC, les respectent volontairement de manière à ce qu'ils deviennent un élément moteur et servent d'exemple pour le développement de cadres démocratiques de relations de travail et de l'action responsable des entreprises en matière de respect des droits du travail et environnementaux.

6.8   Une société articulée: Le renforcement de la société civile

6.8.1

Atteindre des niveaux supérieurs de démocratie, de développement humain et de «gouvernabilité» implique d'augmenter les formes de participation sociale. La participation de la société civile permet l'expression des demandes des citoyens au bénéfice de la réalisation de l'intérêt général, incitant ainsi à une gestion publique plus efficace et constituant un instrument de contrôle citoyen et une forme de participation effective à la prise de décision dans les institutions publiques et privées. C'est une condition de la bonne gouvernance démocratique.

6.8.2

Selon le Latino baromètre, le trait principal de la culture latino-américaine est le faible niveau de confiance entre les personnes. Donner un élan à des projets collectifs constitue par conséquent une condition essentielle pour donner une assise politique au défi de la cohésion sociale dans la région ALC.

6.8.3

Le renforcement des organisations sociales représentatives, disposant d'une capacité à conclure des accords et indépendantes est une condition essentielle pour l'instauration d'un dialogue social et d'un dialogue civil fructueux, et enfin pour le développement-même des pays latino-américains.

6.8.4

La participation de la société civile dans l'expérience européenne s'est appuyée traditionnellement, non seulement sur le système des partis mais également sur les systèmes de relations de travail et de concertation sociale précédemment évoqués, et la création de comités ou de conseils économiques et sociaux a été l'une des manifestations de cette participation. Elle s'est également appuyée sur la participation des acteurs sociaux au sein des différentes institutions sociales (dialogue social, protection sociale, système d'assurance-chômage, institutions publiques d'emplois et de formation, etc.), tant au niveau sectoriel qu'intersectoriel.

6.8.5

La reconnaissance légale de la liberté d'association a été l'un des piliers sur lesquels a reposé la participation de la société civile ainsi que le dialogue avec différentes organisations de défense de groupes sociaux particuliers et, plus récemment, le développement du dialogue civil avec les organisations non gouvernementales.

6.8.6

Le contexte local s'est avéré particulièrement porteur pour l'articulation de cette participation ainsi que pour l'interaction entre les organisations représentatives du dialogue social et du dialogue civil.

7.   Les relations Union européenne/Amérique latine et Caraïbes — Leur incidence sur la cohésion sociale

7.1

Le CESE a élaboré une série d'avis sur ce thème, traitant des relations entre l'UE et les pays ALC ainsi que sur l'initiative de l'ALEA et sur les relations avec différents groupements régionaux ou pays (Mercosur, Mexique, Chili), dans lesquelles il analysait l'état de ces relations, en particulier dans la perspective de la dimension socio-économique des différents accords d'association.

7.2   Des relations plus complètes et plus équilibrées

7.2.1

Pour le CESE, l'approfondissement des relations de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes peut très considérablement contribuer, à certaines conditions, à une cohésion sociale accrue dans cette région. En ce sens, l'UE a récemment conclu des accords d'association politique avec la Communauté andine et l'Amérique centrale. De même, un calendrier et une date limite ont été fixés pour parachever les négociations avec le Mercosur.

7.2.2

Le CESE a toujours préconisé une clôture rapide de ces négociations avec le Mercosur afin qu'elles ne soient pas subordonnées à celles de l'OMC, qui sont dans l'impasse après l'échec du dernier sommet de Cancun, ainsi qu'un accord équilibré et satisfaisant, dans lequel seraient incorporés, entre autres questions, celles relatives à l'agriculture et au commerce des services.

7.2.3

La conclusion d'un accord avec le Mercosur et l'approfondissement des accords avec la CAN et le MCCA devraient contribuer à un meilleur équilibre dans les relations économiques de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes, qui à l'heure actuelle se caractérisent par un déficit commercial croissant des pays latino-américains par rapport à l'UE.

7.2.4

Pour le CESE, le développement d'une alliance stratégique birégionale, comme celle qui a été proclamée lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de Rio et de Madrid, requiert l'établissement d'un agenda commun permettant de démarrer rapidement les négociations en vue d'un accord d'association avec toute la région latino-américaine.

7.2.5

Les instruments institutionnels encadrant les relations entre l'UE et l'Amérique latine se limitent essentiellement à des accords et des sommets. L'établissement d'un agenda plus opérant exige l'instauration de modes de relations plus structurés. À cet égard, il faut savoir qu'il existe déjà pour les relations de l'UE avec les pays ACP une assemblée paritaire et un secrétariat permanent basé à Bruxelles. De l'avis du CESE, il conviendrait de donner un élan à des mécanismes relationnels plus souples, permanents et structurés entre l'UE et l'AL, pour favoriser cette alliance euro-latino-américaine.

7.2.6

Il s'agirait en définitive d'orienter de manière stratégique les relations de l'UE, dans tous leurs volets: aide et coopération au développement mais également, commercial, technologique, politique, éducatif, culturel, etc. de manière à intégrer dans la formulation de toutes ces composantes l'objectif de cohésion sociale dans les pays ALC.

7.2.7

Au-delà des accords commerciaux, le CESE estime que les relations de l'UE avec l'Amérique latine et les Caraïbes sont essentielles pour renforcer le rôle d'acteur international de l'UE, soutenir un processus d'intégration régionale dans la région ALC qui, à la différence du projet initial de la ZLEA, permette à la région ainsi qu'à ses différents groupements sous-régionaux, de disposer d'une plus grande capacité de négociation sur la scène internationale. Elles sont essentielles également pour donner un élan à l'instauration d'un nouvel ordre économique international et une gouvernance mondiale de la mondialisation. Une gouvernance qui doit se caractériser par le multilatéralisme, la subordination au droit international, la préservation de l'environnement, la défense de la paix et la réduction des écarts de développement entre le nord et le sud de la planète.

7.3   Renforcement et participation de la société civile organisée

7.3.1

Les relations entre l'UE et la région ALC devraient favoriser, du point de vue du CESE, des processus d'intégration régionale en Amérique latine, qui, comme cela s'est produit pour la construction européenne, incorporent, outre une dimension accrue des marchés pour faciliter le développement économique, des mécanismes de solidarité et un ensemble de normes sociales qui accompagnent la réalisation du marché unique dans le cadre de ces processus et favorisent des niveaux de cohésion sociale supérieurs.

7.3.2

En ce sens, le CESE préconise que l'UE établisse des projets visant la consolidation de la dimension sociale dans les processus d'intégration sous-régionale et le renforcement des instances consultatives de la société civile organisée, dans l'ensemble de la région, similaires au projet de soutien à la dimension socio-professionnelle du MERCOSUR.

7.3.3

De même, le CESE demande que dans tous les accords conclus entre l'UE et les différents pays ou groupements sous-régionaux de l'ALC, l'on établisse des procédures institutionnalisées, comme les Comités consultatifs mixtes, de participation et de consultation de la société civile organisée à la mise en œuvre de tels accords. À cette fin, l'UE devrait soutenir la constitution ou le développement d'instances de participation de la SCO là où elles n'existent pas ou n'en sont encore qu'au stade embryonnaire, afin de rendre possible la réalisation de cet objectif.

7.3.4

Favoriser une relation directe entre les organisations socio-professionnelles de l'UE et des pays ALC peut contribuer au transfert d'expériences, aux échanges économiques, politiques, sociaux et culturels et au renforcement des organisations de la SCO. Le CESE estime que les expériences qui existent déjà comme le Forum des entreprises UE-Mercosur, les forums d'ONG UE-Amérique centrale ou Mexique, devraient s'étendre à d'autres secteurs comme les syndicats (un forum socioprofessionnel UE-Mercosur a déjà commencé à fonctionner), l'économie sociale ou l'agriculture.

7.3.5

De même, le CESE préconise de créer dans l'UE, sur le modèle des lignes budgétaires existantes pour favoriser le développement urbain, les échanges de technologies ou la formation, une ligne budgétaire destinée au renforcement des organisations de la société civile organisée — syndicales, entrepreneuriales et sociales dans la région ALC.

7.3.6

La Banque mondiale et le FMI devraient également participer au renforcement des organisations de partenaires sociaux et de la société civile, en coopération avec le CESE et d'autres institutions de l'UE ainsi qu'avec l'OIT.

7.3.7

L'existence d'un cadre développé de relations professionnelles est une condition essentielle pour que puissent exister des processus de concertation sociale favorisant les investissements productifs, des conditions de travail décentes et assorties de droits, un horizon de stabilité pour l'activité économique, des transformations du système productif et une meilleure distribution du revenu. Les expériences européennes et les organisations d'employeurs et syndicales, ainsi que différentes institutions, tant au niveau communautaire qu'à celui des États membres, pourraient contribuer au renforcement de la position des partenaires sociaux, des systèmes de négociation et de règlement des conflits entre les parties, des formes de participation au sein des entreprises et de concertation entre tous les agents sociaux.

7.4   Investissements productifs et responsabilité sociale des entreprises

7.4.1

L'Union européenne est l'un des investisseurs les plus importants en Amérique latine. Le flux d'investissements directs à partir des pays européens affichent toujours une tendance à la hausse, de sorte qu'actuellement il constitue le volume de ressources le plus important pour l'investissement dans la région. La coopération UE/ALC est essentielle pour créer les conditions, au niveau national comme international, de garantie de la qualité et de la permanence des flux d'investissements, en particulier des investissements dans les infrastructures, comme base d'attraction pour les investissements étrangers directs. Selon le CESE, l'action résolue des entreprises européennes investissant en Amérique latine, avec l'appui des institutions communautaires et des États membres doit constituer un élément fondamental des relations avec la région et un facteur d'amélioration de ses niveaux de développement économique et social.

7.4.2

L'aide financière au renforcement des PME s'avère particulièrement importante dans la région ALC, surtout pour améliorer leurs ressources tant en capital physique et technologique qu'humain. Dans cet ordre d'idées, il serait très utile de créer un fonds destiné aux PME d'Amérique latine, alimenté par des contributions des États membres et de l'UE.

7.4.3

Cette augmentation des investissements européens devrait s'accompagner d'un renforcement de l'engagement volontaire de la part des entreprises investissant dans la région à mener une politique de responsabilité sociale qui aille au-delà des exigences nationales correspondantes, qu'elles soient prévues par la loi ou par des conventions, et des normes fondamentales du travail de l'OIT et qui puisse ainsi servir de référence dans la construction de cadres démocratiques de relations de travail.

7.4.4

L'établissement d'une Charte des principes de la responsabilité sociale des entreprises, que les entreprises implantées dans la région, à commencer par les européennes, pourraient librement appliquer, contribuerait considérablement à la promotion du dialogue social et au respect de l'environnement et enfin, à la cohésion sociale dans la région.

7.5   Immigration

7.5.1

Les flux migratoires de l'ALC vers l'UE ont considérablement augmenté ces dernières années. L'UE pourrait contribuer à la cohésion sociale dans la région au moyen d'accords facilitant l'immigration légale, l'insertion des immigrés et de leurs familles dans les États membres de l'UE et la mise en œuvre d'une politique de codéveloppement (programmes éducatifs et de financement de projets productifs sur la base de l'expérience professionnelle des immigrés rapatriés, etc.) entre les pays d'origine et les pays d'accueil. Cela aiderait à pallier la perte de talents et d'initiative que représentent pour les pays latino-américains les processus migratoires vers l'UE.

7.6   Aide officielle au développement

7.6.1

Le CESE estime que l'UE, comme vient de le demander le Parlement européen, devrait développer et doter de manière suffisante un fonds de solidarité birégional pour la région ALC (destiné à promouvoir la gestion et le financement des programmes de santé, d'éducation et de lutte contre la pauvreté extrême, entre autres choses) et augmenter, pour ce qui est des engagements déjà pris par l'Union et ses pays membres, le montant de l'AOD destiné à l'Amérique latine, de même qu'elle devrait en réorienter les modalités d'application. Elle devrait également améliorer la coordination avec les autres les institutions financières régionales ou internationales.

7.6.2

Comme cela a été dit précédemment, le CESE est d'avis que l'UE devrait intégrer l'objectif stratégique de la cohésion sociale dans toutes ses relations (dans les domaines commercial, technologique, entrepreneurial, éducatif, etc.) avec la région ALC. Toutefois, aussi bien l'aide au développement que la coopération au développement conservent toute leur importance. Dans les pays les plus pauvres de la région, l'UE devrait s'efforcer de définir une stratégie de réduction de la pauvreté, s'assurant que l'aide est bien destinée à l'objectif central de la lutte contre la pauvreté et promouvant une meilleure coordination entre les donateurs (tout du moins entre les donateurs communautaires). Dans le cas des pays de cette région enregistrant un développement relatif plus faible, la coopération au développement de l'UE devrait viser à créer les conditions permettant à ces pays de s'intégrer avantageusement à l'environnement international, en diminuant leur degré de vulnérabilité vis-à-vis de l'extérieur et en favorisant des politiques de nature à corriger les niveaux d'inégalité ainsi qu'à légitimer et à enraciner socialement les institutions. Il faut pour cela intégrer à la stratégie précitée le dialogue politique, l'assistance technique, la coopération financière et le soutien dans le contexte international.

7.6.3

En tout état de cause, l'UE et ses pays membres devaient faire un effort pour améliorer la qualité et l'efficacité de l'aide. Cela est possible tout d'abord en améliorant les niveaux de cohérence des politiques publiques, ensuite en améliorant la coordination entre les donateurs et enfin, en apportant un soutien au processus d'appropriation du développement par les pays bénéficiaires auxquels devraient appartenir les décisions essentielles dans les processus de conception et de gestion des interventions.

7.6.4

De l'avis du CESE, une partie de l'aide communautaire devrait être destinée au renforcement de la capacité de négociation des pays moins développés de la région ALC au sein des instances multilatérales, à travers une aide aux institutions qui en sont chargées et un renforcement de ces dernières. Dans tous les pays de la région, il est nécessaire de concentrer les efforts de l'UE sur la formation des ressources humaines, pour les adapter aux exigences du marché du travail, et sur le renforcement des institutions.

7.7   Diminuer la charge de la dette extérieure et financer le développement et la cohésion sociale

7.7.1

La dette extérieure demeure un goulet d'étranglement important pour le développement dans de nombreux pays ALC. L'importance de cette dette et le fonctionnement déficient des marchés financiers sont des facteurs liés et qui ont une incidence sur la concrétisation des investissements, tant étrangers que locaux. Quant à la dette, malgré l'initiative de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour alléger celle des pays pauvres les plus endettés (Bolivie, Guyana, Honduras et Nicaragua comptent parmi les pays de l'ALC bénéficiaires de cette initiative), les problèmes de ces pays n'ont pas été résolus. Même l'annulation de la dette sera insuffisante si elle ne s'accompagne pas de mesures d'appui à l'investissement productif.

7.7.2

Les États membres de l'UE détiennent 50 % de la dette des pays ALC. L'UE et ses pays membres devraient, de l'avis du CESE, entreprendre des démarches dans le sens d'un réexamen, au sein des instances multilatérales, des conditions de renégociation de la dette; de l'adoption de formules de rachat de la dette à travers des programmes de coopération dans les domaines environnemental ou éducatif, etc. et de l'annulation même de celle-ci, assortie d'engagements d'investissements (soutien au développement rural, promotion des PME, création d'infrastructures de base, programmes d'incitation pour de nouveaux projets productifs à lancer par des immigrés revenus au pays …).

7.7.3

Le captage de ressources financières sur les marchés internationaux est indispensable pour les pays ALC, qui ont une faible capacité de formation interne de capital. L'accès à ces marchés financiers, à des conditions appropriées en termes de quantité et de coût, est fortement conditionné par les agences de rating (qualification du risque) qui, dès lors qu'elles opèrent en situation d'oligopole de facto, déstabilisent souvent financièrement les marchés internationaux et compromettent le caractère accessible du crédit international pour les pays ALC. La promotion par les instances communautaires comme par les entités financières européennes, d'un niveau de concurrence supérieur sur les marchés du rating pourrait contribuer à un développement et à une cohésion accrus dans la région ALC.

7.8   Renforcer l'échelon local

7.8.1

Dans le contexte de la mondialisation, le niveau local revêt une importance accrue, en tant qu'échelon essentiel tant pour le développement productif, la création d'emplois et l'intégration sociale que pour la concrétisation d'une démocratie plus participative. L'UE et les États membres ont l'expérience et les institutions (les différentes formes de concertation locale, le Comité des régions, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, etc.) qui pourraient contribuer dans une très large mesure au renforcement des entités locales et des actions en la matière dans région ALC.

7.9   Renforcement des systèmes de protection sociale

7.9.1

Les systèmes de protection sociale sont des éléments centraux d'une stratégie ayant pour objectif l'inclusion sociale, la réduction de la pauvreté et l'amélioration du bien-être social en Amérique latine. En ce sens, l'UE pourrait contribuer à développer des systèmes de protection sociale universels et à favoriser la signature de conventions internationales entre les différents pays de la région ALC pour la coordination de leurs législations en matière de sécurité sociale. Elle pourrait également apporter son soutien à la modernisation de la gestion des systèmes de protection sociale et donner un élan à la formation dans ce domaine.

7.10   Promouvoir et équilibrer le développement régional de la région ALC

7.10.1

De l'avis du CESE, l'UE pourrait contribuer à une intégration régionale meilleure et plus équilibrée en ALC, facteur important pour son développement et l'acquisition d'une plus grande autonomie. Cela peut se faire non seulement à travers des accords d'association mais également au moyen d'une assistance technique et d'un investissement dans des infrastructures, des procédures institutionnelles et sur la base de l'expérience des politiques communautaires. Cette contribution ne doit pas cependant être le seul fait de l'UE ou des gouvernements nationaux; les organisations d'entreprises, syndicales et sociales, devraient également y participer.

7.11   Développement durable

7.11.1

Il est communément admis qu'il n'est pas possible de garantir un développement durable, à moyen et long terme si l'on ne progresse pas en matière d'impacts environnementaux, l'UE pourrait, dans le cadre de ses relations avec la région ALC, contribuer à favoriser une spécialisation productive qui n'ait pas pour effet d'accélérer l'épuisement des ressources naturelles, dont la région est si riche.

7.12   La défense des droits de l'homme

7.12.1

De nombreux rapports publiés par des organisations internationales mettent en exergue les difficultés qu'il y a dans la région ALC à faire respecter les droits de l'homme. Les défenseurs de ces droits sont assez souvent l'objet de persécution, de diffamation, de torture ou d'assassinat. Selon un rapport des Nations Unies (2002), 90 % des assassinats de défenseurs des droits de l'homme perpétrés de par le monde le sont en Amérique latine. La persécution et la criminalisation de mouvements sociaux parfaitement légitimes constituent un frein important à la lutte contre l'exclusion et l'inégalité sociales. De l'avis du CESE, il serait très opportun que l'UE mette en place un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme dans la région ALC.

7.13   Document ouvert

7.13.1

Ce projet d'avis est un document ouvert auquel il sera mis un point final seulement après la clôture du débat sur son thème, à savoir la cohésion sociale dans la région ALC, qui doit se dérouler pendant la Troisième rencontre de la société civile organisée qui se tiendra à Mexico à la fin du mois d'avril de l'année prochaine. Nous avançons ici quelques propositions sur les contributions éventuelles que l'UE pourrait promouvoir pour parvenir à une plus grande cohésion dans la région ALC. Cependant, il lui manque des apports concernant la façon dont les organisations de la société civile latino-américaine et caribéenne pensent qu'il faut agir, s'agissant de certains secteurs stratégiques – le rôle de l'état et de ses institutions, la fiscalité, l'éducation, la santé, la sécurité sociale, les infrastructures économiques et la politique industrielle, le cadre des relations de travail, la participation de la société civile et la protection des droits de l'homme, pour parvenir à des niveaux supérieurs de cohésion sociale dans la région. Lorsque ces contributions auront été apportées et que le débat consécutif sera lancé, nous pourrons ajouter une annexe au présent avis ou bien produire un avis complémentaire afin de pouvoir transmettre à la Commission «les points de vue de la société civile d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Europe», auxquels se référait le Commissaire PATTEN dans la lettre où il saisissait le Comité d'une demande d'avis à ce sujet.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Lettre du Commissaire PATTEN au Président BRIESCH du 1er juillet 2003: «… le rôle joué par les entreprises européennes investissant dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes pour démontrer que les “politiques sociales” pratiquées par les entreprises peuvent avoir des effets bénéfiques sur la compétitivité». Voir avis du CESE du 20 mars 2002 sur le «Livre vert — promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises» (JO C 125/2002), qui développe le concept de responsabilité sociale des entreprises».

(2)  «Panorama social de l'Amérique latine 2002 – 2003», CEPAL (2003), Santiago du Chili.

(3)  «Panorama social de l'Amérique latine 2002 – 2003», CEPAL (2003), Santiago du Chili.

(4)  «Vers l'objectif du millénaire: réduire la pauvreté en Amérique latine et dans les Caraïbes», CEPAL, Santiago du Chili.

(5)  «À la recherche de nouveaux emplois: les marchés du travail en Amérique latine» (http ://www.iadb.org/res/ipes).

(6)  Http://www.latinobarometro.org.

(7)  Http://www.latinobarometro.org.

(8)  Pablo FAJNZYLBER, Daniel LEDERMAN et Norman LOAYZA: «Illégalité et criminalité violente». Banque mondiale, Washington (2000).

(9)  XIIIème sommet ibéroaméricain des chefs d'État et de gouvernements, tenu à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/72


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire»

(COM(2003) 452 final — 2003/0167 COD)

(2004/C 110/13)

Le 4 août 2003, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2004 (rapporteur: M. SIMPSON).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 67 voix pour et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) s'est intéressé de près à l'évolution des politiques douanières, car elles concernent les importations, les exportations et les opérations de transit de l'Union européenne; il a appuyé les changements destinés à permettre aux autorités douanières de mieux s'acquitter de leurs responsabilités, qui consistent notamment à consolider les avantages du marché intérieur en réduisant au maximum les retards ou les perturbations dans la mise en œuvre du Code des douanes communautaire (1).

1.2

Le CESE partage les ambitions de la Commission quant aux mérites d'un environnement simple et sans support papier au sein duquel les fonctions douanières peuvent être administrées de manière plus effective et efficace.

1.3

Le Comité salue la réorientation de l'approche stratégique relative aux services douaniers, qui met depuis peu un accent supplémentaire et justifié sur les défis de la mise en œuvre des politiques douanières communes aux nouvelles frontières externes de l'Union après son élargissement. Il reconnaît également que le contexte a été modifié par les nouvelles préoccupations en matière de procédures de sécurité, eu égard en particulier à l'expérience des États-Unis, afin de protéger les citoyens de l'Union.

1.4

Par conséquent, le CESE approuve ces communications de la Commission ainsi que les modifications proposées du Code des douanes communautaire par la révision du règlement 2913/92.

2.   Communication sur un environnement simple et sans support papier

2.1

La communication à l'examen illustre le rôle constructif pouvant être joué par la Commission en ce qui concerne la coordination et l'amélioration des nombreuses procédures douanières des États membres. Chaque État membre est responsable de l'administration de ses services douaniers, mais tout le monde sera gagnant si les procédures sont logiques et conçues pour faciliter la coopération transfrontalière.

2.2

Idéalement, les procédures devraient être harmonisées pour améliorer l'impact du marché unique fonctionnant sans frontières internes et au sein duquel serait appliqué un cadre administratif commun pour les services douaniers.

2.3

Non seulement, cette harmonisation dépend d'une coopération mutuelle à divers niveaux en matière d'administration ainsi que d'un accord sur les mécanismes de vérifications, mais elle pourrait être améliorée encore si les documents sont standardisés et les méthodes de transmission modernisées.

2.4

Il n'est donc pas surprenant que la Commission propose des principes de simplification et l'application des notions de l'e-Europe dans le cadre d'un réexamen visant à définir des méthodes pour mieux réglementer les services douaniers.

2.5

En particulier, mais pas exclusivement en raison de l'accent mis récemment sur le rôle des services douaniers dans l'évaluation des risques que représentent pour la sécurité le terrorisme et le commerce de marchandises dangereuses, destinées à des fins offensives ou frauduleuses, l'harmonisation des procédures douanières n'est pas seulement un exercice de simplification de la documentation et des informations. Les services douaniers doivent désormais recourir à une analyse de risques appropriée afin de déterminer le degré et les méthodes de surveillance pour identifier et décourager les fraudes en matière de contrôles douaniers, et également pour déterminer quels sont les produits représentant des risques plus importants pour la sécurité.

2.6

Ces responsabilités doivent être assumées tout en tenant compte de l'objectif de facilitation du commerce au sein de l'Union — en étant conscient, en particulier, des difficultés supplémentaires qui se poseront après l'élargissement — et entre l'Union et ses partenaires commerciaux. Cette vigilance accrue doit être compensée par de meilleures méthodes approuvées par tous les États membres de l'Union.

3.   Les propositions de la Commission pour un environnement simple et sans support papier

3.1

La Commission européenne invite le Conseil et le Parlement européen à approuver les cinq objectifs stratégiques suivants:

3.1.1

Les régimes douaniers doivent subir une refonte totale et une simplification radicale, intégrant les techniques modernes, notamment les technologies de l'information et l'analyse des risques auxquelles il est recouru de manière extensive.

3.1.2

Le travail douanier doit être organisé pour que les opérateurs puissent bénéficier de la dimension du marché intérieur, c'est-à-dire quel que soit le lieu où commence ou finit un régime douanier.

3.1.3

L'intervention de la douane doit garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et empêcher l'introduction ou le maintien de barrières, notamment les barrières numériques.

3.1.4

Les contrôles douaniers doivent être de même intensité et de même fiabilité à l'intérieur du territoire national et aux frontières extérieures de l'UE, en particulier là où la protection de notre société et de sa sécurité est en jeu; il faut à cet effet une gestion commune des risques.

3.1.5

Les systèmes douaniers informatiques des États membres doivent offrir partout les mêmes facilités aux opérateurs et devraient être pleinement interopérationnels.

3.2

La réalisation de ces objectifs stratégiques dépend manifestement de l'acceptation des principes par les 25 États membres et de leur application uniforme.

3.2.1

La Commission fait remarquer qu'il est logique de mettre en œuvre rapidement cet environnement sans support papier, puisque les documents peuvent être acceptés en recourant aux équipements disponibles pour le commerce et l'administration électroniques.

3.2.2

Tous les États membres devraient prendre des dispositions pour l'échange d'informations grâce à la technologie numérique. Cette technologie doit permettre d'éviter les différences entre les États membres, car celles-ci pourraient créer des barrières numériques. Les systèmes devraient être coordonnés pour en garantir la compatibilité et la connectivité.

3.2.3

La Commission a également défini quelques principes de base pour simplifier l'administration des douanes. Les contrôles aux frontières seraient surtout limités aux aspects de sécurité et les autres contrôles seraient déplacés vers les autorités douanières responsables des locaux des opérateurs. Cela réduirait les risques de fraudes et de non-respect des prescriptions.

3.2.4

La Commission se considère comme le catalyseur nécessaire à la conception et à l'introduction de ces changements. Il est indispensable d'assurer l'interopérabilité des systèmes en continuant à développer l'initiative e-Europe 2005. Il importe également de comprendre la pertinence de l'initiative en vue d'une meilleure réglementation présentée dans le livre blanc sur la gouvernance européenne, et de la mettre en œuvre.

3.3

Les bénéficiaires de l'amélioration des services douaniers seraient notamment:

3.3.1

la société, car elle serait mieux protégée:

grâce à l'aide apportée aux consommateurs pour se protéger contre des marchandises faisant l'objet d'un dumping ou contre des marchandises subventionnées ou contrefaites;

grâce à la protection de la santé publique et de l'environnement en décourageant ou en prévenant l'importation de substances dangereuses;

grâce à la lutte contre les activités criminelles telles que le blanchiment des capitaux, le commerce illégal des armes ou l'exploitation pornographique des enfants;

grâce à la détection des fraudes en matière de fiscalité indirecte;

grâce à la promotion de l'intégration régionale par le biais de relations commerciales préférentielles;

3.3.2

les entreprises, grâce à des services douaniers plus simples et plus efficaces:

grâce à des services douaniers plus efficaces;

grâce à une facilitation accrue des transactions commerciales, en particulier lorsque le point d'importation ou d'exportation est éloigné du point de destination ou de départ (et se situe au-delà des frontières des États membres);

grâce à une application plus uniforme du droit des douanes;

grâce à la possibilité d'utiliser un seul point d'entrée pour les déclarations en douane (à laquelle s'ajoutent les dispositions existantes en matière de transit entre le point d'entrée et la destination);

grâce à la simplification et à la standardisation des exigences en matière d'information et à la simplification des procédures administratives;

grâce à la réduction du nombre de contrôles physiques nécessaires par l'utilisation des techniques appropriées d'analyse des risques.

4.   Observations générales du CESE sur la communication relative à un environnement simple et sans support papier pour la douane et le commerce

4.1

Le CESE approuve totalement les objectifs stratégiques formulés par la Commission pour améliorer l'environnement des services douaniers.

4.2

Il existe naturellement un antagonisme entre les efforts visant à simplifier et à faciliter les échanges d'une part et la nécessité d'améliorer les normes de mise en œuvre d'autre part. Par conséquent, il y a lieu de veiller à une plus grande clarté des objectifs, d'évaluer les risques pour définir le degré de sévérité des contrôles, et de garantir la mise en œuvre de normes communes à toutes les frontières extérieures de l'Union.

4.2.1

Le Comité reconnaît que depuis les événements survenus aux États-Unis le 11 septembre 2001, la surveillance douanière ne concerne désormais plus uniquement les infractions aux règles du commerce et en matière de droits de douane, mais également la protection de la sécurité pour décourager les activités terroristes.

4.3

Le Comité prend acte des propositions administratives plus détaillées que la Commission a l'intention d'examiner avec les représentants concernés des États membres dans le cadre de la préparation d'un plan d'action.

4.4

Les principes de base sont logiques et souhaitables. En particulier, le Comité constate l'accent mis sur les éléments suivants:

agir, dans toute la Communauté, comme une seule administration (de fait);

partager les données liées aux risques;

définir un maximum de règles et d'exigences communes en matière de données;

instituer une procédure d'autorisation européenne unique afin d'améliorer les régimes suspensifs;

ramener les treize régimes douaniers existants (procédure et documents) à trois (importation, exportation y compris réexportation et régimes suspensifs);

partager les données électroniquement;

établir un calendrier de transition pour passer du système «papier» au système électronique;

améliorer l'interopérabilité des systèmes nationaux;

mainlevée plus rapide des marchandises lorsque les opérateurs respectent certaines procédures de notification (et de prénotification);

accord sur les droits et responsabilités des opérateurs et commissionnaires de transport.

4.5

Le Comité prend acte des six propositions d'action pour la douane électronique, et approuve le calendrier ambitieux pour l'examen des propositions et leur mise en œuvre.

4.6

Il souhaite attirer l'attention de la Commission sur deux caractéristiques spécifiques de ces principes d'action. Premièrement, le Comité approuve l'accent mis sur l'utilisation potentielle des «nouvelles technologies» (TIC) et suggère à la Commission de développer une extension spécifique du projet IDA pour soutenir l'administration des services douaniers (2). Deuxièmement, dans le contexte d'une limitation prudente de l'application des TIC, le Comité souhaite que dans le cadre de l'échange électronique des données, une attention particulière soit accordée à la nécessité de garantir aux opérateurs la confidentialité des informations sur l'entreprise, ainsi que des données personnelles et commerciales.

5.   Communication sur le rôle de la douane dans la gestion intégrée des frontières extérieures

5.1

Dans cette deuxième communication, la Commission demande au Conseil, au Parlement et au CESE d'approuver une série de mesures visant à améliorer la gestion intégrée des frontières extérieures. Ces propositions visent à développer la stratégie pour une union douanière adoptée par le Conseil dans une résolution de juin 2001 (3). La communication à l'examen découle directement d'une communication précédente de la Commission, datant de mai 2002, sur la gestion intégrée des frontières extérieures (4).

5.2

L'objectif de la communication est de «conférer aux douanes et aux autres services chargés de la gestion des marchandises à la frontière extérieure les moyens de combattre ensemble toute forme de risques pour la sécurité et la sûreté de la Communauté» (5).

5.3

La Commission demande que ces mesures soient soutenues afin qu'elle puisse présenter au plus vite des propositions concrètes pour les mettre en œuvre. La Commission reconnaît qu'elle joue un rôle de catalyseur pour les actions dans toute la Communauté. Elle admet en outre que la mise en œuvre des propositions exigera des engagements financiers au niveau communautaire, afin d'assurer le perfectionnement des systèmes administratifs en vue d'en améliorer l'interopérabilité, compte tenu en particulier des besoins des nouveaux États membres.

5.4

Les orientations devant servir de base aux discussions reposent sur 5 groupes de propositions:

i.

rationaliser la charge des contrôles douaniers aux postes frontières;

ii.

mettre en place une approche commune des risques liés aux marchandises et la rendre opérationnelle dans un mécanisme commun de concertation et de coopération;

iii.

garantir un niveau adéquat de ressources humaines et d'équipements aux frontières extérieures;

iv.

assurer un cadre légal et réglementaire intégrant la dimension sécurité du travail douanier;

v.

renforcer la coopération avec la police, les gardes frontières et les autres autorités aux frontières extérieures.

6.   Observations générales sur la communication relative à la gestion intégrée des frontières extérieures

6.1

Les deux premières orientations (paragraphe 5.4) constituent des développements des ambitions exprimées précédemment (voir ci-dessus) concernant la mise en place d'un environnement simplifié et sans support papier pour les services douaniers.

6.1.1

Le Comité constate que la Commission utilise le terme «rationaliser» en ce qui concerne les postes frontières. Eu égard aux diverses tâches prioritaires à examiner, le Comité préférerait que la Commission cherche à en optimiser le nombre plutôt que d'adopter une approche qui semble moins tenir compte des nouveaux besoins.

6.2

Les trois autres orientations ouvrent le débat à d'autres sujets qui, outre les services douaniers, concernent également d'autres domaines, et proposent des modèles de fonctionnement coopératifs contribuant à une meilleure administration aux frontières extérieures.

6.3

Les propositions relatives à un niveau adéquat de ressources humaines et d'équipements découlent d'une ambition logique de la Communauté mais les suggestions détaillées entraînent des coûts supplémentaires qui représenteraient une charge particulièrement lourde pour les nouveaux États membres. Si la Communauté a intérêt à améliorer la situation aux frontières extérieures, un instrument financier spécifique serait souhaitable. Cela nous amène à envisager l'extension des responsabilités de la Communauté.

6.4

La Commission est non seulement favorable à ce que la Communauté fournisse une aide financière pour la mise en œuvre des politiques améliorées, car elles touchent les nouveaux États membres, mais elle propose également l'élaboration de mesures communes de formation pour le personnel douanier, l'identification des meilleures pratiques pour garantir la sécurité aux frontières extérieures, et la création d'équipes de réaction rapide aux risques inattendus.

6.5

Ces nécessités et opportunités montrent qu'il existe de nombreux arguments pour que la Commission, au nom de la Communauté, soit dotée d'une plus grande autorité dans le traitement de ces matières. En particulier, le Comité est favorable à la mise en place d'inspections communautaires pour s'assurer de l'efficacité de la coordination douanière aux frontières extérieures de l'Union.

6.6

Le renforcement de la coopération et de l'autorité en ce qui concerne les diverses instances aux frontières extérieures dépasse le domaine des services douaniers. Le CESE félicite la Commission d'avoir identifié ces besoins mais fait remarquer que les améliorations reposeront essentiellement sur de bons accords de coopération entre les instances partageant des responsabilités mais dépendant d'autorités nationales différentes, et dont les fonctions ne sont pas totalement identiques à celles des services douaniers.

6.7

Le CESE approuve la suggestion de promouvoir, pour ces services importants, des accords de responsabilités partagées dans l'intérêt mutuel de ces instances.

6.8

Le CESE se félicite de la décision du Conseil, du 4 novembre 2003, d'approuver les propositions de la Commission pour renforcer le rôle de la douane dans la gestion intégrée des frontières extérieures, et prend acte de l'invitation lancée à la Commission de soumettre toutes les propositions nécessaires à la mise en œuvre de cette approche, tout en accordant une importance particulière au renforcement de l'échange d'informations entre l'ensemble des administrations et agences et les opérateurs qui interviennent dans les échanges internationaux. (6)

7.   Proposition de modification du règlement (CEE) no 2913/92 établissant le code des douanes communautaire

7.1

Les deux communications de la Commission précèdent la publication d'une proposition de règlement modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.

7.2

Étant donné que cette proposition de règlement reflète une partie des propositions présentées dans les deux communications, pouvant être soutenues par une modification formelle du Code des douanes, et puisque le CESE approuve le contenu essentiel de ces propositions, il est également favorable à la plupart des propositions de modification du règlement.

7.3

Ces mesures ne peuvent qu'améliorer la cohérence et l'efficacité d'une application paneuropéenne des politiques douanières. Le Comité constate que les propositions législatives apportent les clarifications suivantes:

la notion de responsabilité douanière au sens large s'étend aux autres législations liées à l'importation et à l'exportation de marchandises et à la coordination des actions avec d'autres autorités formelles;

la terminologie liée aux «opérateurs» est définie plus précisément;

la responsabilité de l'établissement d'un cadre commun de gestion des risques incombe à la Commission;

l'usage en matière d'échange de données confidentielles est clarifié.

7.4

L'une des principales caractéristiques du règlement proposé est l'obligation de présenter les déclarations en douane avant l'arrivée des marchandises. Cette obligation est liée au principe selon lequel le dédouanement final des marchandises doit se faire au lieu d'établissement de l'opérateur, à proximité de la destination déclarée, plutôt qu'aux frontières extérieures.

7.5

Le Comité émet toutefois de sérieuses réserves quant à la «règle de base» qui veut que la déclaration en douane soit déposée 24 heures avant la présentation des marchandises. La Commission reconnaît que l'application de cette règle à certaines catégories de marchandises pourrait entraîner des retards, ce qui comporterait de graves inconvénients. Cela concerne par exemple les marchandises acheminées en moins de 24 heures.

7.6

La formulation proposée de l'article 36bis du Code des douanes prévoit une procédure visant à déterminer quand il peut être dérogé à cette exigence. Le Comité suggère que les règles relatives à l'obligation de présenter la déclaration 24 heures à l'avance soient clarifiées avant la modification du Code afin que les divers secteurs susceptibles d'être désavantagés par cette exigence soient nommés explicitement et que des procédures de compromis soient adoptées formellement plutôt que considérées comme dérogations ad hoc à la règle de base. Il conviendrait toutefois de prévoir une dérogation générale pour les exportations des opérateurs autorisés, étant donné que leurs procédures ont déjà été contrôlées lors de l'octroi de l'autorisation.

8.   Résumé

8.1

Ces communications de la Commission et le nouveau règlement proposé offrent une perspective d'amélioration en ce qui concerne l'application d'un code des douanes uniforme dans toute la Communauté.

8.2

La proposition de règlement modifiant le code des douanes communautaire ne sera conforme aux principes présentés dans les deux communications que si elle fait l'objet d'une mise en œuvre uniforme, y compris en ce qui concerne les systèmes électroniques.

8.3

Les principes d'un environnement simple et sans support papier pour la douane et le commerce sont désormais logiques et praticables. Ils sont également nécessaires au bon fonctionnement, sans obstacles inutiles, du marché intérieur de l'Union.

8.4

Les principes relatifs à l'établissement de normes douanières communes aux frontières extérieures de l'Union sont inhérents au concept de l'Union en tant que zone commerciale unique.

8.5

En outre, il convient de saluer le fait qu'un cadre coopératif ait été reconnu nécessaire afin de garantir une efficacité maximale des services douaniers, de la police des frontières, du contrôle de la sécurité et des stratégies communes de gestion des risques.

8.6

Le CESE souhaite que cette série d'améliorations des politiques et des services soit effective dès que possible.

8.7

En l'absence d'une responsabilité communautaire en matière de services douaniers, ces modifications se rapprochent du cadre d'une agence douanière unique pouvant améliorer le fonctionnement de la Communauté.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Avis du CESE sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant adoption d'un programme d'action pour la douane dans la Communauté (Douane 2007)», JO C 241 du 7.10.2002, p. 8.

Avis du CESE sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accises», JO C 221 du 17.9.2002, p. 1.

(2)  L'avis du CESE sur la fourniture interopérable de services paneuropéens de gouvernement électronique vante les mérites des initiatives IDA et IDABC (TEN/154).

(3)  JO C 171 du 15.6.2001.

(4)  COM(2002) 233 du 7.5.2002.

(5)  COM(2003) 452 du 24.7.2003, p. 37.

(6)  Conclusions du Conseil «Affaires économiques et financières», 4 novembre 2003.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/77


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité»

(2004/C 110/14)

Le 23 janvier 2003, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Les enjeux du nucléaire pour la production d'électricité».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2004 (rapporteur: M. CAMBUS).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 68 voix pour, 33 voix contre et 11 abstentions.

INTRODUCTION

Cet avis d'initiative a été présenté pour contribuer à la clarification du débat sur la production nucléaire d'électricité au moment où la Commission l'a relancé par le Livre vert sur la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Union et par le «paquet nucléaire» sur les principes généraux dans le domaine de la sûreté et sur la gestion du combustible nucléaire irradié et des déchets radioactifs.

Notre Comité s'est exprimé favorablement sur chacune de ces initiatives. Dans l'avis sur le Livre vert (CES 705/2001 du 01/05/2001), il a en particulier affirmé: «L'énergie nucléaire engendre un certain nombre de problèmes, mais comporte également des avantages indéniables. Les décisions relatives à l'utilisation du nucléaire sont prises par les États membres. Il est néanmoins difficile d'imaginer comment l'UE pourra répondre aux défis que représentent l'approvisionnement en énergie, la garantie d'un prix abordable et le changement climatique si l'on ne réserve pas au moins la part actuelle du nucléaire dans la production d'électricité» (5.7.8).

Dans l'avis sur le «paquet nucléaire» (CES 411/2003 du 26/03/2003), il a approuvé très largement l'initiative de la Commission tout en y apportant les suggestions résultant de son expertise.

Le présent avis aborde les autres aspects et enjeux du nucléaire – notamment environnementaux, physiologiques et économiques – qui apparaissent indispensables au Comité pour une compréhension complète de la problématique énergétique de l'Union afin que le débat soit le plus large et le plus éclairé possible.

Les données quantitatives et qualitatives figurant dans cet avis sont pour une question de cohérence relatives à l'UE 15 puisque les perspectives reposent sur une analyse des évolutions passées. La prise en compte des pays en voie d'adhésion et des pays candidats change dans une mesure certaine les chiffres, mais en revanche n'affecte pas la problématique, qu'il s'agisse des aspects positifs ou des aspects négatifs de l'usage du nucléaire.

Il faut mentionner que la question de la sûreté des installations de production d'électricité nucléaire des nouveaux pays de l'UE et de ceux qui les rejoindront, a fait l'objet depuis 1992 d'une analyse, de programmes de mise à niveau comportant des décisions d'arrêt d'installations, d'adaptions d'installations et d'organisations, de formation à la sûreté lorsque c'était nécessaire. Une vigilance constante des exploitants et des Autorités de Sûreté des États membres concernés reste nécessaire pour maintenir, voire améliorer, ce niveau de sûreté.

Enfin, les limites de cet avis sont précisées par son titre lui-même; il n'est qu'un élément d'un débat plus large sur la politique énergétique, qui a déjà fait l'objet d'autres avis et qui doit être poursuivi notamment pour ce qui concerne le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de la demande.

1.   Première partie: Le nucléaire pour la production d'électricité aujourd'hui

1.1   La production d'électricité nucléaire actuelle dans le monde

1.1.1

En 2002, il y avait dans le monde 441 réacteurs de puissance en service, représentant une capacité installée de 359 Gwe et 32 nouveaux réacteurs en construction. Les réacteurs en service ont assuré la production de 2.574 TWh soit environ 17 % de la production mondiale totale d'électricité. Pour l'UE la part du nucléaire dans la production d'électricité est 35 %.

1.1.2

Rapportés aux besoins totaux d'énergie primaire qui étaient de 9.963 Mtep en 2000, le nucléaire contribuait pour 6,7 %, les énergies renouvelables pour 13,8 % (biomasse et déchets urbains, 11 %, hydraulique, 2,3 %, géothermie, solaire, éolien 0,5 %), les combustibles fossiles pour 79,5 % (pétrole, 34,9 %, charbon, 23,5 % et gaz, 21,1 %).

1.1.3

Ce sont 32 pays qui produisent de l'électricité d'origine nucléaire. En 2002, la part du nucléaire dans la production totale d'électricité allait de 80 % en Lituanie, 77 % en France à 1,4 % en Chine. La construction de 32 nouveaux réacteurs de puissance s'est poursuivie et montre que le nucléaire constitue au plan mondial un secteur industriel en développement, ce qui ne peut pas être négligé par l'UE tant dans sa réflexion sur l'énergie que sur l'industrie. Au sein de l'UE, en Finlande, la compagnie TVO a obtenu en janvier 2002 une décision «de principe» du gouvernement en vue de la construction d'une cinquième centrale nucléaire, décision confirmée par le vote du Parlement en mai 2002.

1.1.4

À l'opposé, la Suède avait exprimé lors d'un référendum en 1980 l'opinion des Suédois en faveur de l'arrêt de ses 12 réacteurs nucléaires avant 2010. Mais le Parlement et le Gouvernement suédois ont du constater en 1997, que l'objectif de remplacer ces réacteurs par d'autres sources d'énergie n'était pas réalisable. En 2003, un seul réacteur (de 600 MW) a pu être arrêté, Barsebäck 1. L'avenir de Barsebäck 2 est actuellement en discussion car il ne pourra pas être arrêté en 2003. Il est question de négocier avec les compagnies propriétaires des centrales nucléaires – comme cela s'est fait en Allemagne – une sortie graduelle du nucléaire. Un sondage d'opinion récent a fait apparaître une évolution dans l'opinion de la population qui semble actuellement favorable à la poursuite de l'utilisation de l'énergie nucléaire.

1.1.5

En Belgique, le gouvernement a pris, en mars 2002, la décision de sortie du nucléaire à partir de 2015 et le Parlement l'a validée en début 2003. La loi fixe une limite de durée d'exploitation de 40 ans pour les centrales ce qui devrait conduire à leur fermeture entre 2015 et 2025 et stipule qu'aucune nouvelle centrale nucléaire ne peut être créée et/ou mise en exploitation. La loi ouvre cependant la porte à la poursuite de l'usage du nucléaire en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement en électricité.

1.1.6

En Allemagne, le Gouvernement de coalition «sociaux-démocrates (SPD) et Verts» a décidé une politique d'abandon progressif du nucléaire et a conclu à cet égard un accord volontaire avec l'industrie nucléaire: après de difficiles négociations, un accord a été conclu avec les propriétaires des 19 centrales nucléaires allemandes, qui prévoit de limiter la durée de vie de ces centrales à 32 ans en moyenne, à compter de leur mise en service. Une première centrale a déjà été fermée et la plupart le seront après 2012 et jusqu'en 2022.

1.1.7

Hors de l'UE mais au milieu de nous géographiquement, en Suisse, les citoyens ont rejeté deux initiatives antinucléaires en mai 2003, «moratoire plus» et «électricité sans nucléaire». La première consistait à prolonger de dix ans le moratoire actuel de dix ans pour la construction de nouvelles centrales; elle a été rejetée par 58,4 % des votants; quant à la seconde, qui appelait à une sortie par étapes de l'emploi du nucléaire - sans recourir aux combustibles fossiles - et à l'arrêt du retraitement des combustibles usés, elle a été rejetée par 66,3 % des votants.

1.1.8

Les différentes technologies utilisées

Le tableau ci-après présente les technologies mises en oeuvre (filières).

Filière désignation usuelle

Niveau d'énergie des neutrons

Modérateur

Combustible

Caloporteur

Nombre total d'unités installées/ Nombre de pays

Eau ordinaire (dite légère) pressurisée (PWR ou REP)

low

eau ordinaire

U enrichi avec ou sans Pu

eau ordinaire pressurisée *

258/25

Eau ordinaire (dite légère) bouillante (BWR)

-id-

eau ordinaire

-id-

eau ordinaire bouillante *

91/10

Eau lourde pressurisée (PHWR ou Candu)

-id-

eau lourde

U naturel

eau lourde

41/6

Gaz-graphite (UNGG, ou Magnox, ou AGR

-id-

graphite

U naturel ou légèrement enrichi

CO2 ou He

32/1

Eau ordinaire -graphite (RBMK)

-id-

-id-

U enrichi

eau ordinaire bouillante

13/3

Rapide (FBR)

haut

Sans

U et Pu

Sodium fondu

4/4

1.1.9

Principaux pays producteurs d'électricité nucléaire: États-Unis, 780 TWh (20,3 % de leur production totale), France, 416 TWh (78 %), Japon, 313 TWh (34,5 %), Allemagne, 162 TWh (30 %), Russie, 129 TWh (16 %), Corée du Sud, 113 TWh (38,6 %), Royaume-Uni, 81,1 TWh (22 %) (Ndlr: chiffres 2002).

1.1.10

D'autres pays ont une part de la production d'électricité d'origine nucléaire significative: Arménie, 40,5 %, Belgique, 57 %, Finlande, 30 %, Hongrie, 36 %, Lituanie, 80 %, Slovaquie, 73 %, Suède, 46 %, Suisse, 40 %, Ukraine, 46 % (Ndlr: chiffres 2000).

1.1.11

La situation de l'UE à 15 est caractérisée par une production d'électricité de 855,6 TWh en 2002 soit 35 % de l'électricité produite. Ce ratio ne sera pas sensiblement modifié par l'élargissement quand les 10 nouveaux États auront rejoint l'UE en 2004. Ainsi le nucléaire est la plus importante source de production d'électricité et avec sa part dans l'énergie primaire consommée dans l'UE (15 %) il est un facteur important de la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union.

1.2   La production de CO2 évitée par le nucléaire dans l'UE

1.2.1

En 1990, les émissions totales de gaz à effet de serre (GHG) atteignaient 4.208 millions de tonnes (Mt ou Tg) CO2 équivalent.

1.2.2

Le rapport 2002 de l'agence européenne de l'environnement donne pour l'année 2000 un niveau d'émission de GHG total de 4.059 Mt en hausse de 0,3 % par rapport à 1999 mais inférieur de 3,5 % au niveau 1990.

1.2.3

Par rapport à l'objectif de réduction de 8 % des émissions totales de GHG au terme de 2008-2012, le résultat 2000 (4.059 Mt) est au-dessus de l'objectif résultant pour cette même année d'une décroissance linéaire entre 1990 et 2010 (4.208 diminué de 4 % soit 4.039 Mt).

1.2.4

Les usages énergétiques (usages industriels, raffineries, production d'électricité, chauffage des locaux et carburants des transports) constituent l'essentiel de ces émissions avec 3.210 Mt en 2000, dont 1.098 Mt pour la production d'énergie et seulement 836 Mt pour la production d'électricité à usage des réseaux.

1.2.5

Pour le seul CO2, qui représente 82 % des GHG, les émissions sont de 3.325 Mt en 2000; elles ne sont inférieures que de 0,5 % à leur niveau de 1990 (3.342 Mt).

1.2.6

Tous ces chiffres montrent que le respect des engagements de Kyoto sera difficile. D'autant qu'ils correspondent à une période de croissance faible; le résultat serait encore moins bon si l'UE avait atteint les objectifs de croissance qu'elle s'était fixés (3 %).

1.2.7

En relation avec ces chiffres, le nucléaire a permis en Europe d'éviter, selon les références, entre 300 et 500 Mt (1) d'émission de CO2 chaque année. Ces chiffres sont de l'ordre de grandeur de la production de CO2 de tous les véhicules de transport de passagers dans l'UE en 1995 soit 430 Mt (2).

1.2.8

Dans une étude «bottom-up» de 2001 (3) effectuée pour la Commission par un groupe d'experts du secteur de l'énergie, on publiait des chiffres de 1.327 Mt pour l'émission de CO2 due au secteur de l'énergie (hors secteur des transports) en 1990 avec une projection - à technologie constante - au niveau de 1.943 Mt en 2010. En regard de cette croissance, le recours à l'usage de nouvelles filières de production de vapeur et d'électricité portant sur quatre hypothèses évitaient des émissions de CO2 de:

500 Mt par recours au gaz naturel en cycle combiné pour toutes nouvelles installations; il faut remarquer que miser pour le futur en totalité sur le gaz pour compléter les énergies renouvelables pour la production d'électricité accélérera l'épuisement des réserves de gaz et ne constituerait pas une attitude «durable»,

229 Mt supplémentaires par recours aux énergies renouvelables,

23 Mt par optimisation des cycles de raffineries de pétrole,

50 Mt par la capture du CO2 sous réserve d'approfondissement d'études et d'un accroissement sensible des coûts,

280Mt, selon une autre étude (Shared Analysis Project) (4) par le maintien de sa part en proportion nécessiterait l'installation d'une capacité nucléaire de 100 Gwe (de l'ordre de 70 réacteurs).

C'est un recours à ces diverses possibilités combiné à une politique vigoureuse de maîtrise de la demande qui permettront l'amélioration de l'efficacité énergétique de 1,4 % par an mentionnée au 2.4.2.2 du présent avis.

1.2.9

Ainsi, dans le cas où tous les gains potentiels seraient effectivement réalisés, il semble que les objectifs de Kyoto puissent être atteints, mais:

d'une part on ne peut pas préjuger aujourd'hui de la totale faisabilité des politiques correspondantes ni de l'acceptabilité de leurs coûts;

d'autre part, les objectifs de Kyoto sont globaux et il ne suffit pas de réduire de 8 % les émissions du secteur énergétique si on ne sait pas réduire celles du secteur des transports par exemple;

enfin un renoncement au nucléaire dans la production d'électricité serait à l'origine d'un «gap positif» annuel de 300 Mt d'émissions de CO2 du secteur énergétique.

1.3   La gestion des déchets radioactifs et des combustibles nucléaires usés

1.3.1

Les centrales électronucléaires sont aujourd'hui les plus importants producteurs de déchets radioactifs devant les établissements médicaux les établissements industriels et les laboratoires de recherche utilisant des sources radioactives pour les examens et les mesures.

1.3.2

Pour la classification des déchets, deux paramètres entrent en ligne de compte: l'intensité du rayonnement souvent appelée activité et la durée de vie (période) de ces produits. On entend donc parler de faible, moyenne ou haute activité et de déchets à vie courte ou a vie longue. A noter que la durée de vie la plus longue ne signifie pas que les produits sont les plus radioactifs; au contraire, la durée de vie longue signifie que la désintégration et donc la radioactivité sont plutôt faibles.

1.3.3

Pour la gestion de ces déchets, des solutions techniques sont d'ores et déjà connues. Pour les déchets à faible activité et à vie courte, une des solutions acceptables est le stockage en surface et elle est déjà officiellement décidée et mise en oeuvre par certains États membres. Pour les déchets à haute activité ou à vie longue, le stockage en couche géologique profonde est reconnu internationalement par les experts comme la solution technique de référence mais, en attendant que les États membres concernés aient décidé démocratiquement quelle option de gestion ils retiennent, l'entreposage en surface est la solution d'attente. Il faut préciser que pour ces produits, le conditionnement et l'entreposage en surface répondent aux exigences légitimes de sûreté et que cette solution provisoire est gérée dans l'attente de la mise en oeuvre de solutions définitives. Le «paquet nucléaire» proposé par la Commission dans le cadre du Traité Euratom vise à accélérer le processus décisionnel pour le stockage géologique.

1.3.4

La production de combustibles usés étant fonction de la quantité d'électricité produite, les États membres les plus impliqués sont évidemment ceux qui ont la plus grande production d'électricité nucléaire. Pour les déchets à haute activité ou à vie longue, la situation est différente d'un État membre à l'autre:

la Finlande qui est le pays le plus avancé a opté pour la solution du stockage géologique et a choisi un site de stockage;

le Suède a aussi opté pour le stockage géologique et est en cours d'identification d'un site;

la France évalue trois axes de recherche, le stockage géologique, la réduction de durée de vie par séparation-transmutation et l'entreposage de longue durée en surface ou sub-surface;

les autres pays n'ont pas encore engagé le processus de choix d'une solution définitive pour les déchets à haute activité ou à vie longue.

Pour les autres déchets à faible activité et à vie courte, la technique de stockage en surface en vigueur dans la plupart des États membres peut être considérée comme la solution acceptable.

1.3.5

Situation dans les pays candidats (5)

«Dans les pays candidats qui exploitent des centrales électronucléaires et des réacteurs de recherche de conception russe, la gestion du combustible irradié est devenu un problème crucial au cours de la dernière décennie, car il n'est plus possible de renvoyer le combustible irradié en Russie pour retraitement ou stockage. Ces pays ont dû construire dans l'urgence des installations de stockage temporaire pour leur combustible irradié. La mise en œuvre de programmes de gestion à long terme et d'évacuation définitive de ces déchets a peu, voire pas du tout, avancé.

En ce qui concerne les déchets d'exploitation moins dangereux issus des centrales électronucléaires, seules la République tchèque et la Slovaquie disposent de sites d'évacuation définitive opérationnels. Plusieurs pays disposent d'entrepôts de construction russe destinés à des déchets radioactifs institutionnels (ne provenant pas du cycle du combustible nucléaire). Mais ces installations ne satisfont pas aux normes de sûreté actuellement en vigueur. Dans certains cas, il se peut que les déchets doivent être retirés et évacués ailleurs».

1.3.6

Dans l'UE, 2.000.000 de m3 de déchets radioactifs à faible activité ou à faible durée de vie ont déjà été éliminés. Ces déchets, qui représentent des volumes bien plus importants que les catégories plus dangereuses, ne posent pas de difficultés techniques importantes en ce qui concerne leur évacuation, mais n'en nécessitent pas moins un suivi étroit lors de leur stockage temporaire (COM 2003-32 final).

2.   Deuxième partie: Perspectives énergétiques à long terme (2030)

2.1

Proposer des perspectives à long terme d'évolution de la consommation d'énergie est difficile car les facteurs d'incertitudes sont nombreux. L'on sait que l'accroissement de la consommation d'énergie a été la condition de tous nos progrès récents, qu'il s'agisse de la technologie, des conditions de vie et de confort, de l'hygiène et de la santé, de l'économie, de la culture. L'on constate, en sens inverse, que l'intensité énergétique de nos activités (quantité d'énergie consommée par unité de production) décroît avec le changement de structure de l'économie (tertiarisation) et avec les progrès des processus utilisant l'énergie. Les besoins d'énergie des milliards d'habitants des pays en développement ne peuvent être sous estimés. Enfin, on prend conscience des effets de la consommation d'énergie sur l'environnement et sur le climat.

2.2

Par rapport à ces enjeux nous nous sommes référés à deux des études disponibles et réalisées pour le compte de la Commission: le «European energy outlook» de P. CAPROS et L. MANTZOS de l'université d'Athènes (6) et le «World energy, technology and climate policy outlook» (WETO) de la DG Recherche (7). Nous les avons choisies parce que toutes les deux essaient d'éclairer l'horizon 2030 mais l'une porte sur les perspectives européennes et considère comme acquis l'abandon du nucléaire tandis que l'autre porte sur les perspectives mondiales et suppose la poursuite de l'usage des technologies actuellement disponibles.

2.3

Elles ont en commun d'utiliser des modèles d'extrapolation reposant sur le prolongement des tendances du passé, y compris les évolutions de structures et les progrès des techniques. Mais ils ne peuvent intégrer les nouvelles politiques en rupture avec le passé. Ceci n'est toutefois qu'un inconvénient mineur puisque nul ne peut prévoir sérieusement les ruptures de tendances. Nous prenons ces études en compte comme éléments d'appréciation de la nature des enjeux et non comme études prédictives.

2.4

Les éléments marquants de ces deux travaux sont:

2.4.1   Étude CAPROS-MANTZOS

En 2030, le produit intérieur brut de l'UE aura plus que doublé par rapport à 1995 mais du fait des progrès technologiques réalisés aussi bien dans les filières de production d'énergie que dans les processus de consommation et aussi de l'évolution des structures économiques, la consommation d'énergie, passerait de 1650 Mtep à 1968 Mtep (UE-25) augmentant de 20 % soit une baisse moyenne de l'intensité énergétique de 1,7 % par an.

Dans cette perspective, le pétrole conserve une part prépondérante, suivi du gaz et du charbon. Les émissions de CO2 totales (4.208 Mt en 1990) qui avaient diminué, en indice, de 100 en 1990 à 98,7 en 1995 remontent à 109,5 en 2020 et 117,2 en 2030. Ce scénario de base ne permet pas de tenir les engagements de Kyoto et, dans la hausse des émissions de CO2 (évaluée dans l'étude à 568 Mt entre 1995 et 2030), les secteurs industrie, tertiaire et usages privés sont en diminution mais les secteur des transports et de la production d'énergie augmentent respectivement de 163 Mt et de 533 Mt. L'abandon du nucléaire représenterait l'essentiel de ce dernier chiffre.

2.4.2   Étude WETO

2.4.2.1   Perspectives mondiales 2030

La population mondiale augmente de 6,1 milliards d'humains en 2000 à 8,2 milliards en 2030, et la croissance moyenne annuelle du produit mondial brut serait de 3 % (elle était de 3,3 % pendant les 30 années 1970-2000).

La consommation d'énergie serait en augmentation de 70 % entre 2000 et 2030 (passant de 9.963 Mtep à environ 17 Gtep), soit seulement 1,8 % de croissance annuelle pour une croissance du PNB de 3 %.

Pour les combustibles fossiles, la part du pétrole atteindrait 5,9 Gtep soit 34 % de la consommation mondiale, celle du gaz naturel 4,3 Gtep soit 25 %, et le charbon plus compétitif en prix atteindrait 4,8 Gtep soit 28 %.

Le nucléaire augmenterait de 0,9 %/an sur la période mais ne représenterait que 5 % de la consommation totale en 2030 contre 6,7 % en 2000.

La part du grand hydraulique et de la géothermie se stabiliserait à 2 % du total (2,3 % en 2000). Le solaire, le petit hydraulique et l'éolien augmenterait de 7 %/an entre 2000 et 2010 puis de 5 % ensuite; pour autant leur part serait seulement de 1 % du total en 2030 (0,5 % en 2000).

La part du bois à brûler et de l'incinération des déchets diminuerait et ne représenterait que 5 % en 2030 contre 11 % aujourd'hui.

Au total les énergies renouvelables représenteraient 8 % en 2030 du total de la consommation mondiale.

Ce bilan traduit que la consommation globale augmente de 1,8 %/an quand la population augmente de 1 % et la richesse per capita de 2,1 %/an ce qui nécessite une réduction de l'intensité énergétique de –1,2 %/an.

2.4.2.2   Perspectives 2030 pour l'UE

Dans l'UE, la population est supposée stable. La richesse per capita est supposée augmenter de 1,9 %, les progrès de la MDE permettent une réduction de l'intensité énergétique de 1,4 %, donc la croissance de la demande d'énergie est évaluée à 0,4 %/an.

La demande totale passerait de 1,5 Gtep en 2000 à 1,7 Gtep en 2030. Cette hypothèse tient compte de l'arrivée des pays en adhésion. Leur taux de croissance est plus élevé mais les gains en termes d'intensité énergétique le sont aussi (8).

Dans l'UE la part du gaz naturel (GN) atteint 27 % derrière le pétrole 39 % et devant le charbon et le lignite 16 %.

2.4.2.3   Perspectives pour la production d'électricité

La production mondiale d'électricité augmente régulièrement de 3 % par an. Plus de la moitié de la production est assurée par des technologies qui ont émergé depuis les années 90 comme les cycles combinés des turbines à gaz, les technologies avancées de combustion du charbon et les énergies renouvelables.

La part du gaz dans la production d'électricité augmente dans les trois principales régions où se trouve le gaz.

Le développement du nucléaire ne suffit pas à maintenir sa part dans la production mondiale d'électricité qui descend à 10 % seulement.

Les énergies renouvelables couvrent 4 % des besoins contre 2 % en 2000, principalement grâce à la production d'électricité éolienne. Pour l'UE-25, la production totale d'électricité passe de 2.900 TWh en 2000 à 4.500 TWh en 2030, la part des énergies renouvelables passant de 14,6 % à 17,7 %, celle de la cogénération de 12,5 % à 16,1 % tandis que celle du nucléaire chuterait de 31,8 % à 17,1 %.

2.4.2.4   Les émissions de CO2

De 1990 à 2030 dans le scénario central, les émissions mondiales annuelles de CO2 vont plus que doubler, passant de 21Gt à 45 Gt.

Par exemple, la Chine deviendra le plus gros émetteur de CO2 en 2030 car elle sera la plus grosse économie (elle aura multiplié par 10 son PNB depuis 1990). Ses émissions de CO2 augmenteront de 290 % par rapport à 1990.

Pour l'UE la part du charbon diminue de 7 %, celle du pétrole de 4 % tandis que celle du gaz augmente de 10 %; la conséquence est une baisse modeste de l'intensité en carbone de la consommation d'énergie combiné à une croissance globale de la consommation qui conduit à un accroissement des émissions de CO2 de 18 % entre 1990 et 2030.

2.4.2.5   Les variantes apportées au scénario de base

Ce qui précède concerne le scénario central de l'étude WETO; quatre variantes ont été également étudiées autour de ce scénario:

la variante «gaz» repose sur l'abondance des ressources et l'introduction de progrès importants des cycles combinés de turbines à gaz ainsi que des piles à combustibles; elle se traduit par une consommation de gaz supérieure de 21,6 % au scénario central et des émissions de CO2 inférieures de 1,6 %;

la variante «charbon» repose sur des progrès majeurs pour les technologies avancées des générateurs super critiques, la gazéification intégrée aux cycles combinés et les chaudières à combustion directe; elle conduit à une consommation de charbon supérieure de 15 % au scénario central et à des émissions de CO2 sans augmentation;

la variante «nucléaire» repose sur des innovations importantes en termes de coûts et de sûreté ayant une influence sur les réacteurs à eau légère et plus particulièrement sur de nouvelles générations de réacteurs; elle conduit à un supplément de production électronucléaire de 77,5 % et à une baisse des émissions de CO2 de 2,8 %;

la variante «énergies renouvelables» repose sur des progrès importants en particulier pour l'énergie éolienne, des centrales thermiques solaires, les petites productions hydroélectriques et les cellules photovoltaïques; elle conduit à une augmentation de la part de ces énergies de 132 % et à une réduction des émissions de CO2 de 3 %.

2.5

Il résulte de ce qui précède que, sans modifications supplémentaires par rapport à l'état des technologies et des réglementations de l'année 2000 (celle des deux études), il sera très difficile de parvenir à stabiliser les émissions de GHG tant au niveau mondial qu'à celui de l'UE élargie.

Ces deux études montrent que parmi les moyens technologiques aujourd'hui connus, la contribution du nucléaire à la maîtrise du climat est de la même importance que celle des énergies renouvelables.

3.   Troisième partie: Les perspectives de la recherche

3.1   Les acquis de la recherche-développement nucléaire

3.1.1

L'énergie nucléaire est sans doute la source d'énergie qui fait appel à la plus forte «intensité en R&D». L'Union européenne, dans le Traité EURATOM adopté en 1957, a encouragé la recherche et la diffusion des connaissances dans le domaine nucléaire bien avant l'inscription dans le Traité CE d'une politique générale relative à la recherche. La recherche a porté sur les filières technologiques et sur les questions de sûreté, de protection des travailleurs, des populations et de l'environnement.

3.1.2

Les retombées concrètes de la mise en œuvre de la recherche nucléaire civile sont pour les pays produisant leur électricité partiellement par le nucléaire, la réduction de la facture énergétique pour les citoyens et pour les entreprises, une plus grande sécurité d'approvisionnement énergétique et une contribution évidente à la réduction de l'émission des GHG.

3.2   Les enjeux de la recherche dans le domaine nucléaire

3.2.1

Le Livre vert de la Commission européenne «Vers une stratégie européenne d'approvisionnement énergétique» (2001) aborde le défi majeur pour l'Union européenne: pauvre en ressources énergétiques et dépendante à 50 % d'importations – essentiellement d'énergies fossiles – en provenance de pays souvent instables, comment peut-elle préserver sa compétitivité, respecter ses engagements de Kyoto, assurer le bien-être de sa population? Cette équation est considérablement compliquée par la perspective d'un accroissement de cette dépendance à l'horizon 2020-2030, et par l'urgence d'une action visant à lutter contre le changement climatique.

3.2.2

Une des suggestions du Livre vert est, que «l'Union européenne se doit de conserver la maîtrise de la technologie nucléaire civile pour conserver l'expertise nécessaire et développer des réacteurs de fission plus efficaces …», dans une logique de développement durable, conciliant à la fois développement économique, équilibre social et respect de l'environnement. Le Parlement européen dans sa réponse au Livre vert confirme l'existence de ces enjeux. Il faut être conscient que conserver cette expertise nécessite de préserver le parc de réacteurs actuel en exploitation.

3.3   Les thèmes clés de la recherche dans le secteur nucléaire

3.3.1

La recherche menée dans le secteur nucléaire répond aux mêmes objectifs que celle des autres secteurs technologiques: améliorer les performances dans les différents domaines concernés. Au titre du 6ème PCRD Euratom, les efforts de recherche portent sur le domaine des déchets et des effets des faibles doses.

3.3.2

La recherche dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs vise à assurer une maîtrise des déchets radioactifs aussi parfaite que possible. Il existe aujourd'hui des solutions industrielles sûres pour le stockage définitif des déchets de faible radioactivité et pour le conditionnement (vitrification) et l'entreposage des déchets de haute radioactivité ou à vie longue.

3.3.2.1

Pour ce qui concerne les déchets à haute activité ou à vie longue, on étudie par ailleurs des concepts d'entrepôts de surface ou de sub-surface (à quelques dizaines de mètres sous terre) capables de garder des colis de déchets intègres pendant plusieurs siècles. D'autres recherches se poursuivent concernant le stockage en formation géologique, le stockage direct des combustibles «usés».

3.3.2.2

Des études portent également sur la possibilité d'affiner les opérations de retraitement des combustibles usés en vue de séparer puis de «transmuter» (transformer en éléments radioactifs à vie plus courte) les déchets à vie longue les plus radiotoxiques encore présents dans les déchets ultimes actuels. La «transmutation» pourrait se faire dans des réacteurs nucléaires de technologie actuelle ou dans des réacteurs en cours d'étude (cf. concepts innovants).

3.3.3

La recherche menée dans le domaine des concepts innovants s'inscrit dans la logique de développement durable. Le défi mondial d'assurer aux générations futures un avenir énergétique impose d'utiliser toutes les technologies bénéficiant de ressources en combustible sur le long terme.

3.3.4

Le nucléaire se prépare, au sens industriel du terme, à répondre à ce défi par le développement, d'abord vers 2010, de technologies évolutionnistes, dites de «génération III+», à partir des réacteurs à eau légère existants puis, vers 2035/2040, de nouvelles filières dites de «génération IV» basés sur des technologies différentes (par exemple à fluide caloporteur gaz ou métal liquide).

3.3.5

Les recherches menées sur les nouvelles filières – visent plusieurs objectifs: le renforcement de la compétitivité du nucléaire (notamment par une diminution de la durée d'investissement) et de la sûreté de ces réacteurs, la minimisation de la production de déchets et le recyclage des matières valorisables, la polyvalence en permettant par cogénération d'autres productions que l'électricité, par exemple l'hydrogène. Des progrès sont également à attendre en matière de dessalement de l'eau de mer.

3.3.6

La filière HTR (High Temperature Reactor), réacteurs modulaires refroidis à l'hélium à très haute température, équipés d'un système de conversion en cycle direct par turbine à gaz, se situe entre les générations 3+ et 4. Le concept est connu et sa mise en œuvre devrait bénéficier des avancées technologiques sur les cycles haute température classiques, mais présente encore des verrous technologiques pour une industrialisation.

3.3.7

La recherche dans le domaine des systèmes du futur se déroule dans un contexte de dimension internationale, et notamment dans le cadre du programme international Génération IV initié par les États-Unis et auquel participent 10 pays. À partir d'une centaine de propositions, 19 familles de concepts ont été évaluées et 6- concepts ont été sélectionnés, comprenant souvent plusieurs projets de réacteurs. Les concepts retenus se situent à des stades divers de développement, et pourront émerger industriellement à des horizons différents à partir de 2035/2040. Certains satisferont des «marchés» de l'énergie élargis à la production de chaleur ou d'hydrogène.

3.3.8

Les réacteurs de «génération IV», lorsqu'ils seront disponibles, valoriseront mieux le potentiel énergétique de l'uranium, utiliseront d'autres combustibles (plutonium, thorium) et brûleront leurs propres déchets, tout en étant très économiques et très sûrs, satisfaisant en cela pleinement les exigences de développement durable. Tous les concepts retenus présentent des perspectives très intéressantes pour chacun des objectifs visés par «Génération IV» de durabilité (utilisation des ressources de combustible et minimisation des déchets), de sûreté et d'économie. Ils présenteront, comme les réacteurs existants, toutes garanties de non-prolifération de matières nucléaires à des fins militaires. Quant aux réacteurs électrogènes, ils ont tous un cycle du combustible fermé.

3.3.9

Les programmes R et D dans le cadre d'EURATOM ont fait de la radioprotection une priorité thématique et couvre un large spectre de recherches: étude des faibles doses (avec des approches aussi bien de biologie cellulaire et moléculaire qu'épidémiologique), exposition médicale (et notamment mise au point des radiothérapies adaptées en fonction de la radiosensibilité de chaque patient) et sources naturelles de rayonnement; protection de l'environnement, radioécologie; gestion des risques et des urgences; protection du lieu de travail. Toutes ces recherches font aujourd'hui appel aux techniques les plus modernes, par exemple celles de la génomique et des biotechnologies. Et les résultats de ces recherches sont et seront utilisés pour faire évoluer les méthodes de protection de l'homme et de l'environnement ainsi que les normes correspondantes.

3.3.10

La sûreté des installations nucléaires est bien entendu l'une des grandes priorités dans le domaine de la recherche nucléaire. Là encore, les programmes de recherche et développement d'EURATOM (9) ont clairement identifié quelles étaient les priorités en la matière, en soulignant qu'il s'agit avant tout, au niveau européen notamment, d'améliorer la sûreté des installations nucléaires existantes dans les États membres et les pays en adhésion et candidats. Cette recherche est centrée sur la gestion des installations - y compris les effets du vieillissement - et la performance du combustible. Elle intègre aussi la gestion des accidents graves, et notamment la mise au point de codes de simulation numérique avancés. Il sera également utile de partager, entre acteurs, les capacités et connaissances européennes résultant de la pratique du démantèlement, et organiser le travail en commun pour l'élaboration de bases scientifiques concernant la sûreté et l'échange des meilleures pratiques au niveau européen.

3.3.11

Enfin, dans des perspectives plus lointaines mais également prometteuses, il convient de mentionner la recherche dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée, qui fait l'objet d'un avis d'initiative en cours d'élaboration au CESE.

4.   Quatrième partie: Santé, protection contre les rayonnements, sûreté

4.1   Effets biologiques des rayonnements

4.1.1

Les rayonnements ionisants agissent par arrachage des électrons (ionisation) aux principaux atomes constitutifs de la matière vivante. Ces rayonnements peuvent être constitués de particules (alpha ou bêta) ou électromagnétiques (rayons X, rayons gamma).

4.1.2

Les émissions de rayonnements ionisants se mesurent par leur «activité» à savoir le nombre d'émissions par seconde. L'unité est le becquerel (Bq) qui correspond à une émission par seconde(le Curie (Ci) est l'activité d'un gramme de radium, soit 37 milliards de becquerels).

4.1.3

Depuis leurs origines, les organismes vivants sont baignés dans les rayonnements ionisants auxquels ils doivent pour partie leur évolution. Actuellement, nous sommes en permanence soumis à des rayonnements ionisants provenant de notre corps (6000 à 8000 Bq) et de notre environnement, la terre qui contient de l'uranium (650.000 Bq pour un mètre cube de terre), l'air qui contient du radon, le ciel par les rayons cosmiques et des produits aussi familiers que l'eau de mer (10 Bq/litre) ou le lait (50 Bq/litre).

4.1.4

Les effets des rayonnements ionisants s'évaluent en «dose absorbée», le gray (énergie de 1 joule par kilogramme de tissus) et en «dose efficace», le sievert (somme des doses absorbées pour chaque organe, avec des coefficients qui tiennent compte de la nature du rayonnement (plus ou moins dangereux) et de celle du tissu (plus ou moins sensible).

4.1.5

Exprimée en dose efficace, l'irradiation naturelle et médicale (intervenant pour 30 %) pour une personne vivant à Paris ou Bruxelles est d'environ 2,5 mSv/an (millième de sievert par an). Elle atteint 5 mSv/an environ dans des sites granitiques comme le Massif Central en France et dépasse 20 mSv/an dans certaines régions du globe (Iran, Kerala). En regard de ces chiffres, l'irradiation liée à l'industrie nucléaire représente pour un Européen environ 0,015 mSv/an.

4.1.6

L'organisme humain possède ses propres systèmes pour réparer les dégâts causés par les rayonnements ionisants à ses chromosomes. Ceci explique que les rayonnements ionisants administrés à faible débit de dose ne sont pas cancérigènes (on n'a jamais pu mettre en évidence un tel effet) et qu'on ne constate pas plus de cancer qu'ailleurs dans les régions du monde où l'irradiation naturelle atteint 20 mSv/an.

4.1.7

Les rayonnements ionisants peuvent avoir deux types d'effet:

4.1.7.1

des effets «déterministes» ou «non aléatoires» au delà de 700 mSv; comme ils n'apparaissent qu'à des seuils donnés, il est assez facile de s'en protéger en restant au dessous de ces seuils avec des marges de précaution.

4.1.7.2

des «effets aléatoires» qui sont de deux types: les inductions de cancer dont la probabilité augmente avec la dose; ils n'ont été mis en évidence qu'au delà de 100-200 mSv chez l'adulte et 50-100 mSv chez l'enfant; le second type est l'apparition de malformations congénitales héréditaires; cet effet constaté chez la souris n'a jamais été mis en évidence de façon scientifique chez l'homme, ni dans les populations concernées par Hiroshima-Nagasaki, ni dans celles concernées par Tchernobyl.

4.2   Politique de protection contre les rayonnements ionisants

4.2.1

La politique de protection contre les rayonnements ionisants résulte d'une succession d'étapes où interviennent diverses instances internationales et nationales.

4.2.2

Au niveau «initial» sont présents l'UNSCEAR (10) (instance de l'ONU dont les membres sont désignés par leur gouvernement) et surtout la CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements, organisation internationale indépendante dont les membres sont cooptés) qui analysent la littérature scientifique et établissent des recommandations sous forme de rapports. Par exemple le rapport CIPR 73 s'intéresse aux irradiations résultant des pratiques médicales.

Ensuite intervient (en Europe) la Communauté européenne qui adapte les textes de la CIPR sous forme de recommandations ou de directives. Par exemple la CIPR 73 a conduit à la directive Euratom 97/43, relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d'expositions à des fins médicales.

Enfin, les États membres transposent les recommandations ou directives européennes en droit national.

4.2.3

Les normes de base (11) pour la protection du grand public contre les rayonnements ionisants sont très sévères en imposant une limite d'exposition supplémentaire, dues aux activités nucléaires industrielles, de 1 mSv par an par individu. Ce seuil réglementaire qui n'a pas de lien avec les chiffres évoqués dans le chapitre sur les effets biologiques a été fixé essentiellement en fonction des possibilités techniques de l'industrie nucléaire.

4.2.4

Les normes de base pour la protection des travailleurs de l'industrie nucléaire fixent les limites de doses reçues à 100 mSv sur cinq années consécutives soit une moyenne annuelle de 20 mSv, à condition que la dose ne dépasse pas 50 mSv au cours d'une seule année.

4.2.5

Les compagnies qui exploitent du nucléaire ont réalisé des progrès continus; on peut citer le plus important en nombre d'installations dans l'UE, dont les travailleurs exposés ont vu les doses annuelles moyennes reçues tomber de 4,6 mSv en 1992 à 2,03 mSv en 2002.

4.2.6

Ces résultats ont pu être atteints par une organisation des interventions en zone exposée répondant toujours préalablement aux questions de principe de justification, d'optimisation et de limitation. Pour concrétiser industriellement ces trois principes, une démarche «ALARA» (as low as reasonably achievable) a été mise au point par l'ensemble des exploitants.

4.3   Le principe d'organisation de la sûreté

4.3.1

La sûreté nucléaire repose sur un ensemble de dispositions qui concernent la conception, la construction, le fonctionnement, l'arrêt et le démantèlement des installations nucléaires ainsi que le transport des matières radioactives.

4.3.2

Ces dispositions, destinées à prévenir les accidents et à en limiter les effets, reposent sur le concept de «défense en profondeur» qui consiste à appliquer plusieurs lignes de défense systématiquement:

la prévention pour éviter la défaillance; il s'agit essentiellement du respect des consignes d'exploitation;

la surveillance (ou la détection) qui vise à anticiper sur la défaillance par des essais et/ou des contrôles; cette surveillance peut être réalisée sous la forme d'essais périodiques des matériels nécessaires à la sûreté;

les moyens d'action ou de traitement permettant de limiter les conséquences d'une défaillance et de faire en sorte qu'elle ne puisse pas se reproduire;

une analyse systématique des événements d'exploitation qui pourraient être le précurseur de situation plus dégradée est également mise en œuvre;

On distingue les dispositions:

matérielles: ce qui concerne la conception et la fiabilité des installations;

organisationnelles: dans le travail, le système qualité repose sur la définition claire des responsabilités de chaque acteur, sur les contrôles pertinents et sur la mise en place de ressources adaptées lorsque la situation l'exige notamment pour les organisations de crise;

et humaines pour assurer que l'action des hommes repose sur une formation spécifique au métier et à leur responsabilité, et sur une culture de sûreté qui incite chaque acteur à être rigoureux et vigilant.

4.4   La responsabilité et le contrôle de la sûreté

4.4.1

La sûreté nucléaire est de la responsabilité de l'exploitant de l'installation qui agit sous le contrôle de - et selon les règles édictées par les autorités nationales de sûreté.

Des échanges internationaux entre autorités de sûreté nationales et où exploitants nucléaires aboutissent à des publications régulières d'indicateurs représentatifs de la qualité d'exploitation. Des échanges réguliers sont organisés à travers des inspections internationales (comme OSART -Operational Safety Review Team- sous l'égide de l'AIEA -Agence Internationale de l'Énergie Atomique- ou «Peer Review», inspections par des pairs, sous l'égide de WANO –World Association of Nuclear Operators) au cours desquelles une installation est visitée par une équipe d'experts internationaux.

4.4.2

Ces indicateurs montrent une amélioration continue des performances d'exploitation des unités nucléaires de l'Union européenne et notamment la réduction du nombre «d'incidents significatifs» (niveau 1 sur l'échelle INES -International Nuclear Event Scale- qui en comporte 7) et la réduction des rejets radioactifs dans l'environnement.

4.4.3

Récemment, la Commission a défini (COM(2003) 32) une fonction de vérification communautaire de l'efficacité des dispositifs nationaux de contrôle de la sûreté nucléaire. À cette occasion, le Comité a rappelé que dans ce domaine, les directives européennes relatives à la sûreté des installations nucléaires et aux procédures de contrôle correspondantes devraient s'appliquer sans préjudice des tâches et des compétences actuelles des autorités nationales de sûreté et que l'exploitant d'installations nucléaires doit conserver la responsabilité exclusive de la sûreté de ces installations. Cette dernière demande repose sur le principe du pollueur-payeur, auquel le Comité attache beaucoup d'importance.

5.   Les enjeux économiques du nucléaire pour produire l'électricité

5.1

La production d'électricité nucléaire se caractérise par un coût très élevé en capital et par un coût proportionnel de fonctionnement très bas et stable. Il faut noter que 362 centrales produisent de l'électricité dans les pays de l'OCDE et qu'elles sont aujourd'hui généralement compétitives sur leur propre marché qu'il soit dérégulé ou non.

5.2

La compétitivité du nucléaire à long terme dépend étroitement des hypothèses que l'on prend pour les énergies concurrentes et particulièrement le gaz qui semble être aujourd'hui une référence compte tenu des impératifs de réduction des émissions de CO2. Il demeure un avantage important pour l'électricité nucléaire de pouvoir afficher un prix stable, en plus d'être compétitif, au moment où le marché intérieur de l'électricité commence à entraîner des fluctuations de prix à la hausse lorsque l'équilibre offre demande se tend (le réseau Nordel en a apporté la démonstration durant l'hiver 2002-2003).

5.3

La compétitivité du nucléaire dépend du coût des investissements. Pour un taux de rentabilité financière de 5 %, le nucléaire est nettement compétitif dans plus du quart des pays de l'OCDE ayant fourni en 1998 des données sur leurs études d'investissements de production d'électricité en 2005. Pour un taux de 10 %, il ne l'est plus.

5.4

Mais les résultats de l'étude publiée en 1998 reposent sur des hypothèses prises par l'AIE (International Energy Agency) pour le prix du gaz au cours des 25 prochaines années soit un niveau inférieur à celui de l'année 2000 et de moins de la moitié du prix de l'année 1980, en valeur réelle. Sur la durée de vie complète d'une centrale nucléaire (40 à 60 ans) il est très improbable que le prix du gaz n'évolue pas fortement à la hausse.

5.5

La question principale est dans la prise de risque financier par un opérateur investissant dans la production d'électricité dans un marché devenu fortement concurrentiel. Ceci conduit les industriels du nucléaire à reposer la question de la taille des unités de production. La tendance avait été jusqu'à présent d'accroître la taille pour réaliser des économies d'échelle. Actuellement il faut tester des projets répondant à des besoins de capacité unitaire plus faible compte tenu des nouvelles caractéristiques du marché de l'électricité. Pour des pays tels la Finlande, la France et le Japon, le nucléaire apparaît toujours comme la forme la plus économique de production d'électricité.

5.6

Les constructeurs d'installations nucléaires (AREVA-Framatome et BNFL/Westinghouse) affichent des baisses de coûts pour les réacteurs à eau légère qui seraient engagées aujourd'hui de l'ordre de 25 % par rapport aux prix des réacteurs actuels en service. Le véritable test sera la consultation réalisée par TVO en Finlande puisque cette société a obtenu tous les accords pour investir dans une nouvelle unité de production électronucléaire.

5.7

Pour les études GIF (Generation IV International Forum), une baisse de 50 % des coûts en capital est recherchée ainsi qu'une réduction de la durée de construction afin de rapprocher le niveau du risque financier de celui des autres filières concurrentes.

5.8

A plus long terme, la compétitivité du nucléaire dépendra aussi des prix des énergies renouvelables. Ces dernières sont pour la plupart intermittentes et nécessitent donc des installations complémentaires de production ou de stockage d'électricité ce qui rend leur coût encore élevé tant que des progrès importants ne seront pas faits.

5.9

Il faut noter que le prix de l'électricité nucléaire intègre des coûts de traitement des déchets et de démantèlement des installations, ces derniers sont en général estimés à 15 % du coût initial des installations.

5.10

Parmi les éléments qui concourent à former les choix et les décisions, il faut également mentionner que, dans l'UE aujourd'hui, les industries nucléaires civiles emploient 400.000 salariés dans des fonctions généralement hautement qualifiées.

5.11

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un enjeu économique en tant que tel, la question de la pression à la baisse des coûts accompagnant généralement un marché libéralisé concurrentiel et de ses effets sur les dispositions prises pour améliorer la sûreté des installations et la sécurité des travailleurs et des populations peut se poser. Pour le Comité, il appartiendra à la Commission dans le cadre des dispositions qu'elle propose en matière de sûreté d'y veiller tout particulièrement.

6.   Conclusions

6.1

À partir des données recueillies dans les publications existantes de l'Union européenne et des agences spécialisées, au cours des auditions d'experts, auprès des industriels, données reprises dans le présent avis, le Comité estime qu'il convient de souligner particulièrement les points qui suivent pour répondre à la question des enjeux du nucléaire pour la production d'électricité.

6.2

L'énergie nucléaire produit une part importante de l'électricité de l'UE (35 %) et constitue 15 % des énergies primaires consommées. Elle contribue de façon importante à la sécurité des approvisionnements et à la réduction de la dépendance énergétique de l'Union.

6.3

Elle évite annuellement l'émission de 300 à 500 Mt de CO2. Elle contribue donc très utilement à la panoplie des solutions permettant de respecter les engagements de Kyoto.

6.4

Elle assure des prix de production stable et ainsi elle contribue à la stabilité des prix dans l'Union et élimine pour les agents économiques un facteur d'incertitude sur leurs perspectives de développement.

6.5

Les énergies renouvelables dont le développement est souhaitable et encouragé par l'Union (Cf. Directive 2001-77 CE) ne suffisent pas à l'échéance des installations nucléaires actuelles à relever à la fois le défi de leur remplacement et la réponse à l'augmentation de la demande d'électricité. Par exemple, l'énergie éolienne ne peut offrir qu'une disponibilité relativement limitée et généralement imprévisible de l'ordre de 2.000 - 2.500 heures par an.

6.6

La maîtrise de la demande d'énergie doit contribuer à la réduction de l'intensité énergétique des activités humaines (économie et sphère privée) mais elle n'apporte pas d'argument déterminant en faveur de l'arrêt de la production nucléaire car, du fait des quantités en cause, elle devra porter prioritairement sur des usages autres que l'électricité tels les transports par exemple.

6.7

Les questions posées par le nucléaire sont la sûreté, la protection contre les effets physiologiques des rayonnements ionisants et les déchets et combustibles usés. Les deux premières ont déjà fait l'objet de réponses techniques et réglementaires qui évolueront dans le temps. L'évolution des risques d'agression externes auxquels la société et les activités industrielles dans leur ensemble doivent faire face, est un point qui doit être pris en compte par les pouvoirs publics et l'industrie dans leurs politiques de sûreté et de protection.

6.8

Certains États membres de l'UE progressent dans la solution de la question des déchets. Deux pays (Finlande et Suède) ont choisi la solution et même le site; d'autres pays (France et Espagne) ont arrêté des solutions pour les produits à faible activité et poursuivent les investigations pour les produits à plus haute activité; la Commission européenne a engagé une action dans le cadre du Traité Euratom pour accélérer le processus. Une industrie du conditionnement des produits à haute activité s'est mise en place en France et au Royaume-Uni. Le stockage est une réalité et le fait que d'autres recherches se poursuivent ne peut pas être interprété comme une absence de solution.

6.9

En regard des éléments contenus dans l'avis et des conclusions qui précèdent, le Comité considère, comme le Livre vert l'avait mentionné, que le nucléaire devrait constituer un des éléments d'une politique énergétique diversifiée, équilibrée, économique et durable au sein de l'UE. Compte tenu des questions qu'il pose, il ne saurait être envisagé de tout miser sur le nucléaire mais, à l'opposé, le Comité estime que son abandon partiel ou total compromettrait les chances de respecter les engagements de l'Union vis à vis de la question climatique. Il va de soi qu'en vertu du principe de subsidiarité, la définition consensuelle d'un choix énergétique pour l'avenir s'effectue dans les États membres qui sont en mesure de tenir compte de leurs spécificités nationales.

6.10

Le Comité suggère que, à la suite de cet avis, un effort d'information des véritables enjeux de l'industrie nucléaire: sécurité d'approvisionnement, non émission de CO2, prix compétitifs, sûreté et gestion des combustibles usés soit envisagé et conduit pour permettre à la société civile organisée d'analyser de façon critique le contenu des débats qui lui sont proposés sur ces questions.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  La Commission a établi ce chiffre par référence à une production équivalente d'électricité par le gaz. En fait, si la référence prise est le mix énergétique de la décennie passée c'est plutôt 500 millions de tonnes de CO2 équivalent qui ont été évités par le nucléaire chaque année.

(2)  Economic Evaluation of Sectoral Emission Reduction Objectives for Climate Change, Bottom-up Reports, Energy, European Commission-Environment, March 2001., chapitre 1.3.4.

(3)  Voir Fn 2.

(4)  The Shared Analysis Project, Economic Foundations for Energy Policy – Directorate General for energy.

(5)  Extrait COM (2003)32 fin – CNS 2003/0022, Avant-propos, Point 5.

(6)  The European energy outlook to 2010 and 2030, P. Capros and L. Mantzos, 2000.

(7)  World energy, technology and climate policy outlook 2030 -WETO- Directorate-General for Reasearch Energy, 2003.

(8)  Des éléments plus récents fournis par la Commission font étét de 1.650 Mtep en 2000 et 1.968 Mtep en 2030 pour l'UE-25.

(9)  Les éléments qui suivent correspondent notamment aux axes de recherche prioritaires identifiés dans le Programme spécifique pour la recherche dans le domaine nucléaire, et qui seront couverts par le 6ème PCRD EURATOM.

(10)  United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation.

(11)  Une directive européenne dans le cadre du traité Euratom (dir 96/29) prise en mai 1996 fixe les limites de doses efficaces reçues pour les populations et pour les travailleurs du nucléaire.


ANNEXE I

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés lors de la discussion.

Introduction

Modifier comme suit le 6ème alinéa:

«Il faut mentionner que la question de la sûreté des installations de production d'électricité nucléaire des nouveaux pays de l'UE et de ceux qui les rejoindront, a fait l'objet depuis 1992 d'une analyse, de programmes de mise à niveau comportant des décisions d'arrêt d'installations, d'adaptions d'installations et d'organisations, de formation à la sûreté lorsque c'était nécessaire. Une vigilance constante des exploitants et des Autorités de Sûreté des États membres concernés reste nécessaire pour maintenir en permanence le plus haut, voire améliorer, ce niveau de sûreté et l'améliorer sans cesse. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, la question de la sûreté a incontestablement pris une nouvelle dimension».

Exposé des motifs

Il ne suffit pas de maintenir à son niveau actuel la sûreté des centrales nucléaires, mais il faut aussi le cas échéant l'améliorer. C'est ainsi par exemple qu'il faut en tout état de cause protéger les centrales contre les crashs aériens.

Résultat du vote

Voix pour: 34, Voix contre: 60, Abstentions: 8

Paragraphe 1.1.3

Modifier comme suit:

«Ce sont 332 pays sur 192 qui produisent de l'électricité d'origine nucléaire au niveau mondial. Dans 18 de ces pays, il n'y a plus aucun réacteur en construction. En 2002, la part du nucléaire dans la production totale d'électricité allait de 80 % en Lituanie, 77 % en France à 1,4 % en Chine. La planification voire dans certains cas la construction de 32 nouveaux réacteurs de puissance s'est poursuivie et montrent que le nucléaire constitue au plan mondial un secteur industriel encore en développement aujourd'hui en dehors de l'UE, en dépit des risques élevés qu'il représente sur le plan économique, politique et de la sûreté, ce notamment dans des pays dans lesquels une utilisation de matières fissiles à des fins militaires ne peut être exclue, ce qui ne peut pas être négligé par l'UE tant dans sa réflexion sur l'énergie que sur l'industrie. Au sein de l'UE, alors qu'en Europe, la dernière commande concernant la construction d'une centrale nucléaire a été passée en 1985, le gouvernement finlandais en Finlande, a confirmé en janvier 2002 à la compagnie finlandaise TVO a obtenu en janvier 2002 une décision son accord “de principe” du gouvernement en vue de la construction d'une cinquième centrale nucléaire, décision confirmée entérinée par le vote du Parlement en mai 2002; mais aucune demande officielle n'a encore été introduite».

Exposé des motifs

Le texte laisse entendre qu'il continue d'y avoir partout dans le monde (et donc en Europe aussi) une forte demande de nouveaux réacteurs. Ce n'est pas le cas. Une partie des installations «en construction» dont il est fait mention sont gelées depuis des années. En Europe, la dernière commande concernant la construction d'un nouveau réacteur a été passée il y a une vingtaine d'années.

Résultat du vote

Voix pour: 30, Voix contre: 58, Abstentions: 9

Paragraphe 1.1.4

Insérer après le paragraphe 1.1.3 un nouveau paragraphe 1.1.4:

«Au sein de l'UE à 15, 145 réacteurs fournissent actuellement de l'électricité dans huit États membres. Le Portugal, la Grèce, l'Italie (depuis 1987), l'Autriche (référendum de 1978), le Luxembourg et l'Irlande ont totalement renoncé à l'énergie nucléaire. Aux Pays-Bas, un réacteur est encore en service, le deuxième ayant été arrêté en 1997. L'Espagne (9 réacteurs) a instauré un moratoire, de même que la Belgique (voir paragraphe 1.1.5), tandis qu'au Royaume-Uni (35 réacteurs), l'industrie nucléaire rencontre d'énormes difficultés économiques et ne survit que grâce à des subventions issues des taxes sur la consommation d'électricité provenant d'autres sources d'énergie».

Exposé des motifs

Puisque l'avis décrit la situation dans l'UE, autant qu'il en dresse un tableau complet.

Résultat du vote

Voix pour: 36, Voix contre: 55, Abstentions: 8

Paragraphe 1.1.11

Modifier comme suit ce paragraphe:

«La situation de l'UE à 15 est caractérisée par une production d'électricité de 855,6 TWh en 2002 soit 35 % de l'électricité produite. Ce ratio ne sera pas sensiblement modifié par l'élargissement quand les 10 nouveaux États auront rejoint l'UE en 2004. Ainsi le nucléaire représente actuellement importante source de production d'électricité et avec sa part dans l'énergie primaire consommée dans l'UE (15 %) il est un facteur important de l'approvisionnement énergétique de l'Union. Mais il n'en sera ainsi qu'aussi longtemps que les réacteurs actuels, qui arrivent en fin de vie, seront en service. Si l'on veut maintenir ce ratio à moyen ou à long terme, notamment parce que l'on ne pense pas pouvoir compenser sa perte par une augmentation de l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, etc., il faudrait construire un nombre correspondant de nouvelles centrales nucléaires. Quant à savoir s'il serait possible d'imposer au niveau politique la construction d'un nombre approximatif de 100 nouvelles centrales, la question est loin d'être réglée».

Exposé des motifs

Avec 35 % de l'électricité produite, l'énergie nucléaire n'est pas la principale source de production d'électricité mais une source importante. Même si le propos de cet avis n'est pas de lancer un débat sur la politique énergétique, il faudrait clairement marquer que cette question essentielle ne saurait être occultée au sein de l'UE: sera-t-il seulement possible de faire accepter la construction (d'un grand nombre) de nouvelles centrales? Le CESE ne peut faire l'impasse sur cette question.

Résultat du vote

Voix pour: 36, Voix contre: 65, Abstentions: 8

Paragraphe 1.2.9

Modifier comme suit le dernier alinéa:

«enfin un renoncement au nucléaire dans la production d'électricité serait à l'origine d'un “gap positif” annuel de 300 Mt d'émissions de CO2 du secteur énergétique. Ce chiffre doit néanmoins être tempéré dans la mesure où d'une part l'abandon du nucléaire s'opère sur une période assez longue et où d'autre part les sources d'énergie renouvelables fournissent de nouvelles capacités de production, tandis que les mesures d'amélioration de l'efficacité énergétique sont renforcées».

Exposé des motifs

Le volume d'émissions mentionné représente un instantané de la situation et ne permet pas de tirer de conclusions claires quant aux émissions futures, car celles-ci dépendent de l'évolution des besoins en énergie, de l'intensité énergétique et des capacités de production.

Résultat du vote

Voix pour: 32, Voix contre: 66, Abstentions: 9

Paragraphe 1.3.3

Modifier comme suit:

«Pour la gestion, l'entreposage et le stockage final de ces déchets, on est encore en quête de solutions techniques définitives, compte tenu de la problématique des substances dangereuses. Pour les déchets à faible activité et à vie courte, une des solutions acceptables est le stockage en surface et elle est déjà officiellement décidée et mise en oeuvre par certains États membres. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'on dispose d'ores et déjà de solutions sûres. Pour les déchets à haute activité ou à vie longue, le stockage en couche géologique profonde est reconnu internationalement par les experts comme la solution technique de référence mais, en attendant que les États membres concernés aient décidé démocratiquement quelle option de gestion ils retiennent, l'entreposage en surface est la solution d'attente. L'UE ne dispose pour l'instant ni de site de stockage définitif ni même des expériences à long terme requises. Il faut préciser que pour ces produits, le conditionnement et l'entreposage en surface doivent répondre aux exigences légitimes de sûreté et que cette solution provisoire doit être gérée dans l'attente de la mise en oeuvre de solutions définitives. Le “paquet nucléaire” proposé par la Commission dans le cadre du Traité Euratom vise à accélérer le processus décisionnel pour le stockage géologique. Il est clair que les critères de sécurité auxquels doit satisfaire un site de stockage définitif, pour garantir la sécurité pendant un million d'années, sont extrêmement élevés. Les coûts de stockage définitif doivent être intégrés dans les coûts de la production d'électricité.»

Exposé des motifs

Il est tout à fait faux que l'on dispose déjà de solutions praticables pour toutes les questions relatives au stockage (définitif) des déchets nucléaires.

Résultat du vote

Voix pour: 34, Voix contre: 68, Abstentions: 7

Paragraphe 2.1

Ajouter à la fin du paragraphe l'alinéa suivant:

«Proposer des perspectives à long terme d'évolution de la consommation ……… conscience des effets de la consommation d'énergie sur l'environnement et sur le climat.

Des études prospectives s'efforcent de concevoir les différents scénarios possibles pour l'évolution future de l'approvisionnement énergétique. Elles visent à présenter les solutions alternatives afin d'en faire l'objet d'un débat social en vue de l'obtention d'un consensus en la matière. Ce faisant, elles mettent toutefois également en lumière les fondements incontournables d'un tel concept de l'approvisionnement énergétique».

Exposé des motifs

Évident. Ce passage doit être inséré à cet endroit, afin de pouvoir situer à leur juste place les études longuement examinées par la suite.

Résultat du vote

Voix pour: 32, Voix contre: 60, Abstentions: 15

Paragraphe 2.3

Modifier comme suit:

«Elles ont en commun d'utiliser des modèles d'extrapolation reposant sur le prolongement des tendances du passé, y compris les évolutions de structures et les progrès des techniques. Ces deux études partent du principe que les décisions d'investissement dans le secteur énergétique ne connaîtront pas de modification radicale pendant la période considérée, par exemple par suite de décisions politiques visant à augmenter nettement la part des investissements dans les énergies renouvelables ou à accroître l'efficacité énergétique dans une mesure encore supérieure à la tendance actuelle. Mais ils ces modèles ne peuvent intégrer les nouvelles politiques en rupture avec le passé. Ceci n'est toutefois qu'un inconvénient mineur puisque nul ne peut prévoir sérieusement les ruptures de tendances. Nous prenons ces études en compte comme éléments d'appréciation de la nature des enjeux et non comme études prédictives».

Exposé des motifs

Les deux études considérées constituent pour l'essentiel des scénarios de référence, qui ne prennent pas en compte de telles modifications des flux d'investissement, tout à fait envisageables d'un point de vue tant technique qu'économique. Si de telles décisions devaient être prises – ce que l'on ne peut exclure – la diminution de l'intensité énergétique pourrait par exemple s'accélérer fortement, compte tenu des potentiels disponibles. Ce scénario n'est aucunement utopique, mais tout à fait conforme à la politique de l'UE. Dans la proposition de directive sur l'efficacité énergétique qu'elle vient de présenter (COM(2003) 739 final du 10.12.2003), la Commission européenne a proposé à cet égard d'améliorer par des mesures politiques d'au moins 1 % cumulatif l'augmentation de l'efficacité énergétique, qui selon la tendance du marché est déjà actuellement de 1,5 % par an en moyenne. Cela permettrait de diminuer nettement la consommation d'énergie.

Résultat du vote

Voix pour: 33, Voix contre: 64, Abstentions: 10

Paragraphe 2.5

Modifier comme suit:

«Il résulte de ce qui précède que, sans modifications supplémentaires par rapport à l'état des technologies et des réglementations de l'année 2000 (celle des deux études), il sera très difficile de parvenir à stabiliser les émissions de GHG tant au niveau mondial qu'à celui de l'UE élargie.

Dans l'hypothèse de la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires, et dans l'état actuel des technologies, la contribution du nucléaire à la maîtrise du changement climatique dans les prochaines années devrait se situer au même niveau que celle des énergies renouvelables.

À long terme, la question climatique ne pourra de toute façon être résolue qu'à l'aide des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, puisque la matière première de l'énergie nucléaire, l'uranium, est une ressource limitée».

Exposé des motifs

La restriction («Dans l'hypothèse …») tient compte du fait que dans l'un des deux scénarios envisagés, l'énergie nucléaire est abandonnée et que seul l'autre scénario prévoit la poursuite de son exploitation. C'est pourquoi la phrase ne se réfère qu'à un scénario (avec énergie nucléaire), et non pas à deux comme prétendu. Le risque d'une augmentation des émissions évoqué dans l'hypothèse d'un abandon du nucléaire peut être conjuré par le maintien en service des centrales nucléaires (ce qui signifie renoncer à l'abandon du nucléaire), mais aussi par des efforts accrus en faveur de l'introduction des énergies renouvelables et de l'amélioration de l'efficacité énergétique ou par d'autres mesures envisageables. Or rien n'est dit à ce sujet.

Résultat du vote

Voix pour: 29, Voix contre: 62, Abstentions: 9

Paragraphe 3.3.2

Modifier comme suit:

«La recherche dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs doit viser à assurer une maîtrise des déchets radioactifs absolument parfaite. Il n'existe pas encore de solutions industrielles absolument sûres pour le stockage définitif des déchets de faible radioactivité et pour le conditionnement (vitrification) et l'entreposage des déchets de haute radioactivité ou à vie longue. Le CESE se demande toutefois pendant combien de temps encore la recherche dans ce secteur industriel doit être conçue et financée comme une mission de service public».

Exposé des motifs

Le rapporteur indique déjà au paragraphe 3.1.1 que «l'énergie nucléaire est sans doute la source d'énergie qui fait appel à la plus forte intensité en R&D». Il y a lieu de se demander pendant combien de temps les pouvoirs publics devront participer aux travaux de recherche de ce secteur industriel, d'autant qu'il est clair qu'en raison du caractère limité de l'uranium, l'industrie nucléaire est elle aussi une industrie condamnée à long terme.

Résultat du vote

Voix pour: 29, Voix contre: 72, Abstentions: 7

Paragraphe 4.1.6

Supprimer paragraphe.

Exposé des motifs

Telle qu'elle est formulée, cette déclaration dans sa globalité est erronée.

Résultat du vote

Voix pour: 43, Voix contre: 58, Abstentions: 9

Paragraphe 4.3.1.

Insérer un nouveau paragraphe 4.3.1:

«4.3.1.

Pendant de nombreuses années, les risques en matière de sécurité dans le cadre d'un fonctionnement normal et lors de dysfonctionnements ont constitué les plus grandes craintes de la population vis-à-vis de la production d'électricité nucléaire. La terrible catastrophe de Tchernobyl a montré qu'il n'est pas possible d'écarter entièrement l'erreur humaine ni de prévoir toutes les éventualités, du point de vue les techniques de sécurité. Il serait trop facile de passer sur Tchernobyl en parlant de l'insuffisance d'un système politique précis. L'accident survenu à la centrale nucléaire américaine de Harrisburg, mais aussi la recrudescence encore inexpliquée de cas de leucémie à proximité de centrales nucléaires allemandes montrent que les réacteurs“ occidentaux” doivent eux aussi faire l'objet d'une critique».

Exposé des motifs

Inutile.

Résultat du vote

Voix pour: 32, Voix contre: 63, Abstentions: 8

Paragraphe 4.3.2.

Insérer un nouveau paragraphe 4.3.2:

«4.3.2.

Un risque nouveau, important et jusqu'ici inconnu dans la production d'énergie nucléaire est la menace que constituent le terrorisme, mais aussi les éventuelles guerres. L'énergie nucléaire est la seule forme de production d'électricité susceptible de revêtir un intérêt fondamental pour les terroristes. Lorsque le nucléaire en était à ses débuts, cette forme de menace était inimaginable pour les ingénieurs ou les hommes politiques, mais les temps ont malheureusement beaucoup changé et il ne faut pas l'oublier, dans la discussion. On peut se poser la question de savoir dans quelle mesure il est possible de supprimer ces risques considérables dans nos états démocratiques. Ces risques sont encore beaucoup plus grands dans des pays qui sont instables sur le plan politique».

Exposé des motifs

Inutile.

Résultat du vote

Voix pour: 32, Voix contre: 63, Abstentions: 8

Paragraphe 5.1

Modifier le paragraphe comme suit:

«La production d'électricité nucléaire se caractérise par un coût très élevé en capital et par un coût proportionnel de fonctionnement très bas et stable. Cela résulte entre autres des subventions élevées, de l'amortissement des techniques, des réserves non soumises à l'impôt, du fait que les coûts totaux du stockage définitif ne soient pas pris en compte, d'une assurance insuffisante contre les risques et du soutien élevé dans le domaine de la recherche. Tout cela contribue à ce que dans les pays de l'OCDE Il faut noter que 362 centrales produisent de l'électricité et qu'elles sont qui, dans les conditions générales données, est aujourd'hui généralement compétitives sur leur son propre marché , qu'il soit dérégulé ou non ; de la même manière, il y a lieu de constater qu'au Royaume-Uni par exemple, toutes les tentatives de privatiser la production d'électricité nucléaire se sont soldées par un échec. Cela révèle de manière on ne peut plus sûre qu'il existe aussi des incertitudes économiques».

Exposé des motifs

Ressort du texte.

Résultat du vote

Voix pour: 26, Voix contre: 69, Abstentions: 6

Paragraphe 5.2

Modifier le paragraphe comme suit:

«La compétitivité du nucléaire à long terme dépend étroitement des hypothèses que l'on prend pour les énergies concurrentes et particulièrement le gaz qui semble être aujourd'hui une référence compte tenu des impératifs de réduction des émissions de CO2. Il demeure un avantage important pour l'électricité nucléaire de pouvoir afficher un prix stable, en plus d'être compétitif, au moment où le marché intérieur de l'électricité commence à entraîner des fluctuations de prix à la hausse lorsque l'équilibre offre/demande se tend (le réseau Nordel en a apporté la démonstration durant l'hiver 2002-2003). La compétitivité de l'énergie nucléaire dépend du prix du gaz. Elle peut aussi contribuer à la stabilité des prix dans le marché intérieur de l'électricité, car elle réduit l'effet des tensions de l'équilibre offre/demande immanentes au marché intérieur (voir la situation dans le réseau scandinave Nordel durant l'hiver 2002 2003) et empêche ainsi que celles-ci ne conduisent à des fluctuations de prix trop importantes».

Exposé des motifs

La première phrase ajoutée dans l'amendement est une explication de la première phrase du paragraphe 5.2; elle énonce clairement que la compétitivité de l'énergie nucléaire dépend aujourd'hui en premier lieu du prix du gaz. Dans sa forme péremptoire, la phrase d'origine («il demeure un avantage important pour l'énergie nucléaire») est en contradiction directe avec la première phrase et doit de ce fait être supprimée. La deuxième phrase explique le mécanisme conduisant à la stabilité des prix.

Résultat du vote

Voix pour: 27, Voix contre: 65, Abstentions: 9

Paragraphe 5.3

Modifier comme suit:

«La compétitivité du nucléaire dépend du coût des investissements , des subventions et des autres paramètres encadrant la politique énergétique . Pour un taux de rentabilité financière de 5 %, le nucléaire est nettement compétitif dans plus du quart des pays de l'OCDE ayant fourni en 1998 des données sur leurs études d'investissements de production d'électricité en 2005. Pour un taux de 10 %, il ne l'est plus».

Exposé des motifs

Évident.

Résultat du vote

Voix pour: 38, Voix contre: 63, Abstentions: 6

Paragraphe 5.10

Apporter les modifications suivantes à ce paragraphe:

«Parmi les éléments qui concourent à former les choix et les décisions, il faut également mentionner que, dans l'UE aujourd'hui, les industries nucléaires civiles emploient 400.000 salariés dans des fonctions généralement hautement qualifiées. Une extension et une montée en puissance des énergies renouvelables et des technologies d'efficacité énergétique créeraient dans l'UE un nombre de postes de travail qui se situerait au moins dans un ordre de grandeur équivalent ».

Exposé des motifs

Vu la situation délicate du marché de l'emploi, il conviendrait de repérer tout particulièrement les marchés susceptibles de donner naissance à de nouveaux postes de travail. L'estimation quantitative proposée apparaît frileuse si l'on considère que le syndicat de la construction BAU évalue que le secteur de l'isolation des bâtiments pourrait générer environ 200.000 emplois supplémentaires pour la seule Allemagne et qu'Eurosolar estime à quelque 500.000 ceux susceptibles de se créer dans le secteur des énergies renouvelables.

Résultat du vote

Voix pour: 28, Voix contre: 61, Abstentions: 18

Paragraphe 5.11

Compléter comme suit:

«Bien qu'il ne s'agisse pas d'un enjeu économique en tant que tel, la question de la pression à la baisse des coûts accompagnant généralement un marché libéralisé concurrentiel et de ses effets sur les dispositions prises pour améliorer la sûreté des installations et la sécurité des travailleurs et des populations peut se poser. Certains gros exploitants ont d'ores et déjà procédé à de fortes compressions de personnel. Pour le Comité, il appartiendra à la Commission dans le cadre des dispositions qu'elle propose en matière de sûreté d'y veiller tout particulièrement».

Exposé des motifs

Ne nécessite pas d'explication.

Résultat du vote

Voix pour: 28, Voix contre: 63, Abstentions: 18

Paragraphe 6.3

Apporter la retouche suivante:

«Elle évite annuellement l'émission de 300 à 500 Mt de CO2. Elle contribue donc très utilement à la panoplie des solutions permettant de respecter les engagements de Kyoto.»

Exposé des motifs

L'amendement est proposé pour adapter l'avis à la modification du paragraphe 1.2.9.

Résultat du vote

Voix pour: 27, Voix contre: 67, Abstentions: 12

Paragraphe 6.4

Effectuer l'adjonction suivante:

«Elle assure des prix de production stable et ainsi elle contribue à la stabilité des prix dans l'Union et élimine pour les agents économiques un facteur d'incertitude sur leurs perspectives de développement. On aboutit cependant à une autre évaluation de ses coûts si l'on se fonde sur des considérations de long terme, tant du point de vue économique que de celui des techniques de sécurité ».

Exposé des motifs

Va de soi.

Résultat du vote

Voix pour: 31, Voix contre: 65, Abstentions: 6

Paragraphe 6.5

Modifier comme suit:

«Les énergies renouvelables dont le développement est souhaitable et encouragé par l'Union (Cf. Directive 2001-77 CE) ne suffisent actuellement pas encore à l'échéance des installations nucléaires actuelles à relever à la fois le défi du de leur remplacement des installations nucléaires existantes et la réponse à l'augmentation de la demande d'électricité , qui continue à augmenter dans certains secteurs. Certains problèmes structurels s'y opposent encore: Pp ar exemple, l'énergie éolienne ne peut aujourd'hui offrir qu'une disponibilité relativement limitée et généralement imprévisible de l'ordre de 2.000 - 2.500 heures par an. Mais la situation pourrait changer de manière radicale, notamment grâce à des mesures en faveur de l'efficacité énergétique, le développement de sources d'énergie durablement disponibles comme la biomasse, etc.».

Exposé des motifs

Les énergies renouvelables se trouvent encore dans leur phase de mise sur le marché. La biomasse et la géothermie notamment, énergies renouvelables capables de couvrir les besoins de base et qui seraient en mesure de remplacer l'énergie nucléaire même dans les régions où il s'agit d'une source d'énergie privilégiée, en sont encore au stade primaire. C'est vrai également pour les systèmes de stockage qui permettraient aux énergies intermittentes comme l'énergie éolienne et l'énergie solaire de couvrir les besoins de base. Il faut donc considérer la situation décrite comme un instantané qui ne reflète que la situation actuelle.

Résultat du vote

Voix pour: 27, Voix contre: 54, Abstentions: 16

Paragraphe 6.6

Insérer le nouveau paragraphe 6.6 suivant:

«6.6

Le CESE estime qu'il est important de montrer que bientôt, l'UE sera placée devant des choix décisifs. En effet, la date d'échéance des centrales nucléaires existantes approche. L'Europe est donc confrontée à la question de savoir si l'on souhaite passer à une nouvelle génération en matière d'utilisation de l'énergie nucléaire et dans quelle mesure un tel choix serait acceptable pour la société. C'est aux hommes politiques qu'il appartient de répondre à cette dernière question. Ou bien est-elle déjà prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour ouvrir l'ère d'une politique énergétique n'ayant pas recours à des matières fossiles ou nucléaires. Finalement, il ne s'agit pas de savoir s'il faut ou non franchir ce pas, mais simplement à quel moment».

Exposé des motifs

Notre mode de vie repose sur les sources d'énergies fossiles, et principalement d'énergie solaire stockée (sous la forme de charbon, de pétrole et de gaz) mais aussi d'uranium, dont les réserves ne sont pas non plus illimitées. Notre entrée dans une nouvelle ère énergétique n'est qu'une question de temps. Le CESE ne peut éviter de répondre à la question de savoir à quel moment.

Résultat du vote

Voix pour: 32, Voix contre: 58, Abstentions: 15

Paragraphe 6.6

Modifier le paragraphe 6.6 comme suit:

«La maîtrise de la demande d'énergie doit contribuer à la réduction de l'intensité énergétique des activités humaines (économie et sphère privée). À cet égard, le secteur de l'électricité offre un potentiel élevé non encore utilisé qu'il convient d'exploiter. Toutefois, l'exploitation seule de ces possibilités ne suffit pas à compenser l'arrêt éventuel de la production nucléaire. En outre, le potentiel des secteurs de la production de chaleur et des transports en ce qui concerne la réduction de l'intensité énergétique est plus important encore. Le secteur des transports mérite une attention particulière, afin de parvenir lui aussi à réduire efficacement les émissions de CO2 et à garantir en même temps une mobilité durable».

Exposé des motifs

Ces conclusions découlent logiquement des scénarios décrits dans la deuxième partie de l'avis.

Résultat du vote

Voix pour: 34, Voix contre: 59, Abstentions: 13

Paragraphe 6.9

Biffer le texte et le remplacer par le texte suivant:

« Sans préjudice du débat de société mené sur l'énergie nucléaire dans les États membres de l'UE, qui suscite toujours des controverses, le CESE constate que, compte tenu du principe de subsidiarité, la définition consensuelle d'un mix énergétique d'avenir reste une mission prioritaire pour les décideurs nationaux. Dans ce contexte, il y a lieu de prendre en compte les spécificités nationales, en particulier dans quelle mesure et en quelles quantités des sources d'énergie propres sont disponibles. Ces sources propres devraient être utilisées en priorité afin de réduire la dépendance non négligeable de l'UE par rapport aux importations dans ce secteur. Cette priorité avait d'ailleurs déjà été reconnue par le Livre vert sur la sécurité des approvisionnements énergétiques. Dans ce contexte, il est indéniable qu'une importance significative doit être accordée aux énergies renouvelables et à l'augmentation de l'efficacité énergétique, dans la mesure où elles diminuent la dépendance à l'égard des importations et qu'elles n'affectent pas le climat avec des gaz à effet de serre. Le développement des énergies renouvelables et des techniques d'efficacité est un élément décisif pour faire de l'Europe une région fondée sur la connaissance, à haut niveau de développement, compétitive et tournée vers l'exportation et, partant, pour satisfaire aux accords de Lisbonne dans le secteur énergétique. Il permettra en outre de créer de nouveaux emplois».

Exposé des motifs

Le contenu du texte parle de lui-même et s'inscrit dans le fil des déclarations de l'UE concernant la politique énergétique. En outre, ce paragraphe insère l'énergie nucléaire dans le débat général sur un mix énergétique durable.

Résultat du vote

Voix pour: 33, Voix contre: 61, Abstentions: 13


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/96


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)»

(COM(2003) 806 final — 2003/0312 CNS)

(2004/C 110/15)

Le 16 janvier 2004, le Conseil a décidé, en vertu de l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la proposition susmentionnée.

Le 27 janvier 2004, le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section «Agriculture, développement rural, environnement» de préparer les travaux du Comité en la matière.

En raison de l'urgence des travaux, lors de la 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 25 février 2004), le Comité économique et social européen a nommé M. DONNELLY rapporteur général et a adopté le présent avis par 60 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

L'acte d'adhésion a prévu pour les nouveaux États membres la mesure «respect des normes communautaires» financée par le FEOGA, section Garantie, dans l'intention de soutenir les agriculteurs qui s'efforcent de respecter les normes durant la période de transition accordée en leur accordant une aide pour compenser les coûts de la mise aux normes.

1.2

La réforme de la PAC a introduit la mesure «respect des normes» (1) pour aider les agriculteurs à s'adapter aux coûts d'exploitation résultant des normes communautaires nouvellement introduites dans les domaines de l'environnement, de la santé publique, de la santé animale, phytosanitaire, du bien-être animal et de la sécurité au travail.

1.3

La proposition de la Commission sur l'adaptation de l'acte d'adhésion à la réforme de la PAC (2) supprime la mesure «respect des normes communautaires» afin d'éviter tout double emploi et maintenir sous la nouvelle mesure «respect des normes» les possibilités offertes aux nouveaux États membres.

1.4

Toutefois, plusieurs nouveaux États membres ont réservé des montants significatifs dans le cadre de leur allocation «développement rural» du FEOGA, section Garantie pour couvrir les investissements à la ferme visant à une mise en conformité avec les normes communautaires dans le domaine de l'environnement plutôt que de prévoir cette dépense dans leur allocation FEOGA, section Orientation.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1

Étant donné qu'il semble très difficile à ce stade d'augmenter les ressources disponibles dans le cadre des Fonds structurels afin de financer le respect des normes, et que l'une des priorités de l'Union est d'accélérer le respect des normes communautaires, en particulier dans le domaine environnemental, la Commission propose l'introduction d'une dérogation supplémentaire au sein du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil pour permettre aux nouveaux États membres de prendre en compte les coûts d'investissements sous certaines conditions lorsque ceux-ci déterminent le niveau de soutien annuel au titre de la mesure «respect des normes».

2.2

Cette dérogation temporaire est limitée à la période de programmation 2004-2006 et n'entraîne pas de dépenses supplémentaires pour le budget de la Communauté car elle sera financée à l'intérieur des enveloppes 2004-2006 arrêtées pour les nouveaux États membres.

3.   Observations générales

Le Comité approuve totalement la priorité de la Commission relative à l'accélération du respect des normes communautaires, en particulier dans le domaine de l'environnement, et souscrit donc à la proposition de la Commission visant à autoriser les dix pays adhérents à utiliser des ressources du FEOGA section Garantie pour améliorer et protéger l'environnement.

4.   Observations spécifiques

4.1

Le CESE considère que les mesures dans le domaine de l'environnement sont prioritaires, et qu'il est souhaitable d'investir dans des projets visant à améliorer l'environnement au niveau des exploitations agricoles dans les nouveaux États membres.

5.   Conclusions

5.1

Le CES souscrit pleinement à la proposition de la Commission.

Bruxelles, le 25 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Règlement du Conseil (CE) no 1783/2003 du 29 septembre 2003 modifiant le règlement (CE) no 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), chapitre V a, JO L 270 du 21.10.2003.

(2)  (COM(2003)643): «Proposition de décision du Conseil portant adaptation de l'acte d'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, et des adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne, à la suite de la réforme de la politique agricole commune».


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/98


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — l'Europe et la recherche fondamentale»

(COM(2004) 9 Final)

(2004/C 110/16)

Le 14 janvier 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — l'Europe et la recherche fondamentale».

Le Comité économique et social européen a décidé de charger la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» de préparer les travaux en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen, lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), a désigné comme rapporteur général M. WOLF et a adopté l'avis suivant à l'unanimité.

1.   Introduction et contenu de la communication de la Commission

1.1

Pendant longtemps, les États membres ainsi que les organes de l'UE ont estimé que la recherche fondamentale relevait principalement de la compétence de chacun des États membres, tandis que la Communauté devait surtout se concentrer sur la recherche et le développement appliqués. Cette position découlait d'une interprétation assez partiale — avec le recul — de l'article 163 du traité (1) instituant la Communauté européenne.

1.2

Cela a commencé à changer au début de l'année 2000, grâce à deux événements qui ont ouvert de nouvelles perspectives. Le premier élément déterminant fut la communication de la Commission (2) intitulée «Vers un espace européen de la recherche», qui ne considérait certes pas encore explicitement la recherche fondamentale comme une compétence communautaire, mais qui la laissait déjà transparaître dans sa présentation. L'autre élément déterminant fut la décision du Conseil européen de Lisbonne (3) de fixer pour la Communauté un objectif exigeant et important, à savoir, devenir une économie et une société basées sur la connaissance; là non plus, cependant, le caractère essentiel de la recherche fondamentale n'avait pas été souligné de manière explicite.

1.3

Presque en même temps, ce fut cependant le Comité économique et social européen qui, dans son avis (4) sur la communication de la Commission intitulée «Vers un espace européen de la recherche», insista sur l'importance d'un équilibre et la nécessité d'une interaction entre la recherche fondamentale d'une part et la recherche et le développement appliqués d'autre part. Dans cet avis, il recommandait explicitement d'encourager suffisamment la recherche fondamentale axée sur les connaissances, en tant que source de nouvelles découvertes, de nouveaux concepts et de nouvelles méthodes.

1.4

Depuis, cette opinion s'est largement répandue. L'on a pris davantage conscience des exigences d'une économie et d'une société basées sur la connaissance et l'on a donc aussi reconnu combien il importait de faire des progrès dans toutes les disciplines scientifiques, y compris la recherche fondamentale, si l'on souhaitait atteindre réellement les objectifs fixés à Lisbonne.

1.5

Dans le secteur de la recherche fondamentale, l'Europe dispose d'incontestables forces, que ce soit au niveau universitaire ou dans le cadre d'organismes spécifiques (5). Davantage d'initiatives seraient toutefois souhaitables au niveau communautaire.

1.5.1

Historiquement, c'est même dans le domaine de la recherche fondamentale qu'ont été lancées les premières initiatives de coopération scientifique en Europe (occidentale). Elle naquirent de la nécessité de construire des centres pouvant accueillir des grands appareils et de créer une masse critique dont les coûts dépassaient la capacité ou la volonté financières de chaque État pris individuellement.

1.5.2

Ainsi, les années 50 virent la création du CERN (physique des hautes énergies), et les années 60 celle de l'ESO (astronomie), ainsi que de l'EMBO et de l'EMBL (biologie moléculaire) (6), ou de l'ILL (7) franco-allemand, et plus tard également de l'ESRF (8). De grandes installations d'essai (9) utilisées sur une base bilatérale ou multilatérale ont aussi été créées entre-temps dans un certain nombre d'États membres.

1.5.3

Même des programmes européens qui sont de prime abord particulièrement axés sur la pratique et fortement marqués par la technologie, notamment dans le domaine de l'espace et de la fusion nucléaire, sont en étroite interaction avec la recherche fondamentale et dépendent considérablement de celle-ci.

1.6

Des institutions ayant entre-temps acquis une importance mondiale ont ainsi pu être créées, et ont contribué (10) dans une très large mesure au prestige scientifique de l'Europe. En outre, ces institutions exercent un rayonnement et un attrait importants pour de nombreuses activités de recherche dans les universités et d'autres instituts de recherche. Cela a permis la mise en place de réseaux de coopération fructueux, qui sont une condition essentielle de la réussite commune.

1.7

Les activités de recherche menées dans le cadre des réseaux et des projets de la Fondation européenne de la science (FES), organisation non spécialisée créée dans les années 70, portent aussi souvent sur des thèmes de recherche assez fondamentale. Il en va de même des activités menées dans le contexte du programme-cadre de R&D de l'Union européenne, qui, en tant qu'élément des grandes actions thématiques, demandent et comprennent un certain volume — relativement faible il est vrai — de recherche de caractère fondamental.

1.8

Dans ce contexte, la communication de la Commission à l'examen porte sur le rôle, l'importance et la situation actuelle de la recherche fondamentale dans l'espace européen de la recherche, et envisage les mesures à prendre par la Commission pour promouvoir la recherche fondamentale dans l'UE, non seulement de manière beaucoup plus intensive, mais aussi plus systématique.

1.9

Par conséquent, la communication de la Commission aborde les aspects suivants de la recherche fondamentale:

la recherche fondamentale et son impact;

la situation dans le monde et en Europe;

la recherche fondamentale au niveau européen;

les perspectives;

les prochaines étapes.

1.10

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation de la recherche fondamentale au niveau européen, la Commission constate ce qui suit:

1.10.1

En Europe, le secteur privé est encore relativement peu actif dans la recherche fondamentale. Peu d'entreprises possèdent des capacités de recherche fortes dans ce domaine, et leurs activités tendent généralement à se concentrer sur les activités de recherche et développement appliqués. Le financement de la recherche par le truchement de fondations demeure par ailleurs limité.

1.10.2

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, où le secteur privé a toujours défendu l'idée de la nécessité d'un financement public de la recherche fondamentale (11), en Europe, l'industrie s'est longtemps fait l'avocat d'une orientation privilégiée des financements publics vers la recherche appliquée dans les entreprises elles-mêmes. Aujourd'hui, l'importance de la recherche fondamentale pour la compétitivité économique tend toutefois à être de plus en plus largement reconnue en Europe, y compris dans le monde de l'entreprise (cf. par exemple la table ronde des industriels européens).

1.11

Les autres mesures abordées dans la proposition de la Commission reposeront aussi sur les avis de nombreuses personnalités, organisations et instances, notamment un groupe de 45 lauréats européens du Prix Nobel, la Fondation européenne de la science (FES), l'association des directeurs et présidents des conseils nationaux de recherche (EuroHORCs) (12), l'association Eurosciences, Academia Europeae, le groupe EURAB de conseillers pour la recherche de la Commission, et un groupe ad hoc de personnalités (ERCEG) mis en place suite à la conférence organisée à Copenhague les 7 et 8 octobre 2002 par la présidence danoise de l'Union sur le thème du «Conseil européen de recherche» (13).

1.12

Par conséquent, la Commission prévoit ce qui suit au premier trimestre 2004:

un large débat dans la communauté scientifique et les milieux intéressés sur la communication à l'examen, en liaison avec les réflexions sur le «Conseil européen de recherche»;

un débat au niveau politique au Conseil et au Parlement européen sur la base de la communication à l'examen.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité, eu égard notamment aux avis qu'il a adoptés ces dernières années sur le thème de la recherche et du développement, dans lesquels il a à plusieurs reprises (14) souligné la nécessité que l'UE, compte tenu des objectifs de Lisbonne, encourage suffisamment — c'est-à-dire bien plus qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent — la recherche fondamentale, approuve avec force la communication présentée par la Commission ainsi que les constatations et les projets dont elle fait état.

2.2

Faisant référence tout spécialement à son avis (15) sur la proposition de la Commission relative au sixième programme-cadre en matière de R&D, dans lequel il avait recommandé une augmentation de 50 % du budget communautaire global (il s'agissait du budget de 15 États membres!) de R&D, le Comité soutient en particulier l'appel lancé par la Commission pour qu'une quantité significative de ressources fraîches soit prévue dans le budget de recherche de l'UE. Il se réjouit également de l'intention de la Commission de suivre les recommandations du «groupe Mayor» et de faire en sorte que le soutien renforcé à la recherche fondamentale devienne l'un des grands axes de l'action future de l'Union dans le domaine de la recherche. À cet égard, il attire l'attention sur les indicateurs alarmants avancés par la Commission, qui révèlent qu'en matière de savoir et de recherche, le fossé entre l'Europe et, par exemple, les États-Unis continue même de s'élargir.

2.3

Le Comité approuve en outre les premières réflexions sur la création d'un «conseil scientifique européen», qui pourrait assumer au niveau européen les tâches dont sont chargées au sein des États membres des institutions telles que les «Research Councils» au Royaume-Uni, la Deutsche Forschungsgemeinschaft en Allemagne, le Vetenkapsradet en Suède, le NWO aux Pays Bas, le FNRS en Belgique, etc. Celles-ci garantissent — sur demande — le financement de projets ou l'octroi d'allocations à des projets d'équipes individuelles comparables à celles auxquelles on a recours aux États-Unis.

2.4

Le Comité partage l'avis de la Commission sur la quasi-impossibilité d'établir des critères de démarcation stricts entre recherche fondamentale et appliquée. Il ne considère toutefois pas que cela pose problème (et recommande donc d'autoriser dans la pratique une certaine marge d'appréciation), car il y a et il doit y avoir une interaction fructueuse entre ces deux catégories, voire une synergie.

2.4.1

Le Comité renvoie à l'une de ses recommandations précédentes (16) concernant le renforcement de la corrélation entre recherche fondamentale / recherche appliquée dans un système scientifique pluraliste et multipolaire.

2.4.2

Le Comité estime toutefois nécessaire que la Commission, lors d'une prochaine étape, définisse la notion de recherche fondamentale (ou propose une définition) de manière à fournir pour les demandes d'aide une base de décision suffisamment praticable. Il renvoie à cet égard à sa précédente recommandation (17) en la matière.

2.5

Dans sa communication, la Commission aborde également la question très complexe du droit de propriété intellectuelle en relation avec la recherche fondamentale. Il est notoire que les découvertes ne sont pas brevetables, contrairement aux inventions. Les chercheurs sont confrontés à un conflit en raison de la nécessité de publier rapidement leurs résultats, dont il sera question plus loin et qui est souhaitable pour la diffusion du savoir.

2.5.1

En effet, la question qui se pose simultanément est celle de savoir si leur découverte ne pourrait pas donner lieu à une application, qui devrait être brevetée; dans ce cas, il conviendrait de déposer, avant publication, un brevet pour le savoir concerné. Ce conflit peut soit être néfaste pour la diffusion du savoir et partant, le prestige scientifique, soit réduire à néant la possibilité de protéger par un brevet de nouvelles idées, parfois révolutionnaires, au profit de l'UE et de l'inventeur.

2.5.2

Ce conflit pourrait être fortement atténué par l'introduction d'un «délai de grâce» (18). Le Comité rappelle donc qu'il a recommandé à plusieurs reprises (19) d'introduire également dans l'UE un délai de grâce, comme c'est le cas aux États-Unis. Dans le même temps, il insiste à nouveau sur l'urgence d'introduire le brevet communautaire européen, qui permettrait d'éliminer un grave handicap dont souffrent les chercheurs et les entreprises européens.

2.6

Le Comité souhaite en outre que l'on réfléchisse à l'opportunité et à la manière de faire figurer explicitement l'aide à la recherche fondamentale (pour réaliser les objectifs de Lisbonne) dans les futurs traités ou décisions européens.

3.   Observations particulières

3.1

Le Comité approuve de manière générale la description et l'analyse de la situation actuelle de la recherche fondamentale présentées par la Commission.

3.1.1

Il ne souscrit toutefois pas à tous les constats de la Commission. Ainsi, cette dernière écrit notamment que «A côté de ses atouts, l'Europe (…) souffre en matière de recherche fondamentale d'une série de faiblesses, liées en grande partie au cloisonnement des systèmes nationaux de recherche, en premier lieu l'absence d'une compétition suffisante entre chercheurs, équipes et projets individuels à l'échelle européenne»; elle en conclut qu'une meilleure coordination des activités, des mesures et des programmes nationaux en matière de recherche fondamentale sont nécessaires.

3.1.2

Le Comité estime toutefois que la dernière affirmation de la Commission, concernant le cloisonnement et l'absence de compétition – qui ne s'applique probablement même pas, de manière générale, à toutes les institutions auxquelles sont confiées, au niveau politique, la responsabilité et l'orientation de la recherche – est trompeuse, de manière générale et en ce qui concerne la recherche scientifique. Cette affirmation traduit surtout une méconnaissance ou une prise en compte insuffisante d'une caractéristique essentielle de la recherche scientifique.

3.1.3

L'une des principales motivations des chercheurs — outre la recherche de reconnaissance après une découverte ou une invention — sont en effet la compétition entre des groupes et laboratoires concurrents et le désir d'échanger des idées avec des spécialistes travaillant ailleurs. L'excès de concurrence ou d'ambition nuit toutefois à l'essence de la recherche scientifique, car il peut être source de superficialité, empêcher d'effectuer le travail scientifique avec le soin et la profondeur requis, et entraver la recherche de la nouveauté.

3.1.4

Ces échanges d'idées et cette concurrence ont lieu entre autres dans le cadre de conférences/congrès scientifiques internationaux ainsi que dans des revues spécialisées de renom. Le prestige national et international des chercheurs (et donc leurs possibilités de carrière) ainsi que des institutions dans lesquelles ils travaillent dépend également de la rapidité avec laquelle ils acquièrent et publient de nouvelles connaissances.

3.1.5

En règle générale, ces conférences/congrès sont organisés par les différentes sociétés scientifiques ou associations professionnelles et constituent — à l'intersection de la coopération et la compétition — le forum international pour l'échange des derniers résultats et projets, le lancement de nouvelles coopérations, mais également la présentation des capacités et des performances, et donc le déroulement de la concurrence.

3.1.6

En outre, la forte composante internationale (20) de nombreux projets de recherche, ainsi que leur intégration dans des programmes internationaux (21), favorisent l'échange de savoirs et la coordination.

3.1.7

Chaque institution et leurs chercheurs en tirent évidemment des conclusions, ce qui se traduit également par un processus continu d'adaptation et de réorientation des programmes de recherche, en fonction du rythme de la recherche scientifique.

3.1.8

Comme l'a déjà souligné le Comité dans un précédent avis, la Commission devrait mieux prendre en compte, reconnaître et exploiter ce processus d'autoréglementation et d'adaptation de la science stimulé par la concurrence et se déroulant désormais au niveau international. Elle devrait par conséquent impliquer, davantage que par le passé, les chercheurs éminents et reconnus ainsi que les représentants des sociétés scientifiques et associations professionnelles (qui sont des organisations prises en charge et financées par leurs membres, donc des ONG) dans ses processus internes de consultation, et en particulier de répartition des ressources.

3.1.9

Les remarques ci-dessus n'excluent toutefois pas — dans la mesure où elles sont nécessaires et utiles — une «coordination ouverte» et donc une «européanisation» ultérieures des différents programmes de recherche fondamentale. Cependant, celles-ci devraient de préférence être atteintes par des mesures d'incitation suffisantes permettant à des processus «ascendants» de se développer spontanément ainsi que par le soutien des projets (22) ou grands appareils qui — conformément au principe de subsidiarité — requièrent une capacité ou une volonté de financement dépassant celle des États, et dont le rayonnement permettra la constitution de réseaux européens pertinents.

3.1.10

Il convient en outre de développer un environnement culturel ainsi qu'un contexte administratif et financier approprié stimulant l'excellence, laissant la place à des thèmes et programmes de travail plus ouverts, et devenant ainsi plus attrayants pour les chercheurs.

3.1.11

Le Comité rappelle ses préoccupations quant à l'absence de synergies suffisantes et d'échanges appropriés de chercheurs entre le monde universitaire et les entreprises, qui induit une dichotomie entre la recherche de base et la recherche appliquée, complique l'interaction entre approches, méthodes et technologies différentes, et réduit l'interdisciplinarité, tout en encourageant les comportements qui privilégient dans une trop large mesure les publications scientifiques d'une part, et les résultats à court terme d'autre part.

3.2

En outre, les programmes et institutions bénéficiant du financement de l'UE en la matière devraient de préférence être ceux dont l'activité exige une importante recherche interdisciplinaire. Celle-ci gagne en importance dans de nombreux domaines et pour plusieurs problématiques essentielles, et pour être efficace, nécessite le regroupement des diverses disciplines et appareils requis en un lieu central, d'où ils pourront à nouveau être exploités et mis en réseau au niveau européen.

3.3

Compte tenu des observations ci-dessus, le Comité approuve donc les réflexions de la Commission en ce qui concerne les mesures suivantes:

renforcer le soutien européen aux infrastructures de recherche, et soutenir la création de centres d'excellence dans l'Union élargie, à l'aide d'une combinaison de financements nationaux et européens, publics et privés;

accroître le soutien au développement des ressources humaines, à la formation des chercheurs et au déroulement des carrières scientifiques (23);

soutenir la collaboration et la mise en réseau.

3.4

Selon le Comité, un instrument important de cette aide devrait être un soutien financier suffisant des projets. Comme le propose la Commission, l'on pourrait à cet égard envisager de recourir à une organisation telle que le Conseil européen de la recherche, dont la méthode de travail serait basée sur celle d'institutions fonctionnant déjà très bien au niveau des États membres, comme la «Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)» ou les «Research Councils» (britanniques). Toutefois, eu égard notamment aux problèmes abordés ci-après, il conviendrait d'allonger suffisamment la durée des projets; en outre, il conviendrait — dans une certaine mesure — de prendre également en compte certains types (24) de financements plus institutionnalisés (par exemple sur des périodes de 12 à 15 ans).

3.4.1

Dans ce contexte, il y a lieu de prêter attention à deux points de vue importants, déjà abordés dans de précédents avis (25) du Comité.

3.4.2

Il s'agit d'une part de prévoir un contrat individuel approprié pour les chercheurs participant au projet. En raison de la durée limitée inhérente à la nature des projets, il faut en effet garantir que les contrats, les revenus et la couverture sociale des chercheurs qui y sont associés n'entraînent non seulement aucun inconvénient, mais soient en outre suffisamment intéressants pour attirer et garder les personnes les plus qualifiées pour ces missions.

3.4.3

D'autre part se pose le problème des dépenses (26) liées aux procédures de demande, expertises, etc., et ce à la fois pour le demandeur et pour l'expert. À cet égard, il convient notamment de garantir — comme c'est le cas au sein de la DFG — que ces dépenses seront minimes par rapport au succès potentiel qui pourrait être obtenu si les fonds demandés sont accordés. Une solution éventuelle serait d'uniformiser et de rassembler les procédures de demande et de contrôle de tous les donateurs concernés, et de ne pas les modifier constamment.

3.5

Une situation difficile pourrait survenir si le budget octroyé à la recherche fondamentale était limité à un point tel que de très nombreuses demandes, dépassant de loin les fonds disponibles, devraient être introduites, traitées et faire l'objet d'une réponse — négative dans la plupart des cas.

3.5.1

En effet, il convient d'une part d'éviter que les demandeurs n'ayant pas obtenu satisfaction, qui sont d'ailleurs majoritaires, n'éprouvent de la contrariété à l'égard de la Commission et de l'UE – notamment en raison du montant qu'ils ont investi.

3.5.2

D'autre part, il faut empêcher que des dépenses administratives excessives (voir ci-dessus) soient nécessaires pour pouvoir prouver la conformité et l'équité de la procédure. C'est en particulier la raison pour laquelle le Comité recommande à la Commission de consulter les organisations des États membres expérimentées dans ce domaine, et surtout les demandeurs, ayant ou non obtenu satisfaction (!).

3.6

La Commission fait remarquer, à juste titre, le rôle décisif de la recherche fondamentale dans la mission de formation des universités, et le Comité approuve par conséquent la déclaration suivante de la communication: «En ce sens et pour cette raison, la recherche fondamentale a vocation à demeurer un aspect central de l'activité et de la mission des universités, qui trouvent dans son exécution, en liaison avec l'enseignement, leur raison d'être même.» Le Comité est d'avis que cela s'applique de la même manière aux organismes de recherche extérieurs aux universités, pratiquant (aussi) de la recherche fondamentale, et qui sont liés à la recherche et à la formation universitaires à divers égards, au niveau de leur personnel, de leur programmation ou de leur organisation.

4.   Conclusion

Le Comité approuve avec force l'objectif de la Commission de promouvoir de manière appropriée et systématique la recherche fondamentale également au niveau de l'UE, et de prévoir à cette fin un budget suffisant ainsi que des instruments administratifs adéquats et souples. Il recommande à la Commission de lancer les prochaines étapes prévues en tenant compte des remarques et recommandations détaillés ci-dessus.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Repris dans une large mesure dans le projet de Constitution du 18 juillet 2003 (article III-146).

(2)  COM(2000) 6 final.

(3)  Conseil européen de Lisbonne, 23 et 24 mars 2000.

(4)  JO C 204 du 18.7.2000.

(5)  JO C 204 du 18.7.2000.

(6)  CERN: Organisation européenne pour la recherche nucléaire; ESO: Observatoire européen pour l'hémisphère austral; EMBO: Organisation européenne de biologie moléculaire; EMBL: Laboratoire européen de biologie moléculaire.

(7)  Institut Laue-Langevin, à Grenoble.

(8)  ESRF: Installation européenne de rayonnement synchrotron, également à Grenoble.

(9)  Par exemple, le DESY (synchrotron à électrons allemand) à Hambourg.

(10)  Le Comité rappelle en outre que le système de communication révolutionnaire qu'est la «toile mondiale», à la base d'internet, a été développé par le CERN, et était initialement destiné uniquement à l'échange de données scientifiques entre les laboratoires impliqués dans la recherche.

(11)  Voir le rapport «America's Basic Research: Prosperity Through Discovery» du «Committee for Economic Development», qui se compose de représentants des grands groupes industriels. Il existe toutefois aux États-Unis des entreprises, telles qu'IBM ou Bell Labs, qui pratiquent toujours dans une large mesure une recherche très fondamentale, même si la tendance est à la baisse.

(12)  EuroHORCS: European Heads of Research Councils; EURAB: European Research Advisory Board; ERCEG: The European Research Council Expert Group, présidé par le Professeur Federico Mayor.

(13)  Le 15 décembre 2003, le ministre danois de la recherche a transmis à ses homologues européens le rapport final de ce groupe, qui plaide en faveur de l'établissement d'un Fonds européen de la recherche fondamentale principalement financé par le programme-cadre de recherche de l'Union à l'aide de moyens nouveaux, et opérant par l'intermédiaire d'un Conseil européen de la recherche.

(14)  JO C 221 du 7.8.2001, paragraphes 4.4.1, 4.4.2, 4.4.3, 4.4.4 et 4.4.5.

(15)  JO C 260 du 17.9.2001, p.3.

(16)  JO C 221 du 7.8.2001, paragraphe 6.7.2.

(17)  CESE 1588/2003, paragraphe 4.5.3.

(18)  Le droit allemand des brevets prévoit même un «délai de prépublication anticipé» !

(19)  Voir en particulier le JO C 95 du 23.4.2003, p. 48, paragraphe 5.2.

(20)  Par exemple, plus de 50 % des jeunes chercheurs et même un quart des directeurs d'instituts de la société Max-Planck viennent de l'étranger.

(21)  Cela s'applique en particulier aux programmes également abordés par la Commission dans les domaines de la climatologie, de l'océanographie, de la physique de l'atmosphère, etc.

(22)  JO C 95 du 23.4.2003.

(23)  Voir la Communication de la Commission «Les chercheurs dans l'Espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples» (COM (2003) 436 du 18.7.2003) ainsi que l'avis du CESE à ce sujet (CESE 305/2004).

(24)  Tels que, en Allemagne, les «centres de recherche coordonnée» (Sonderforschungsbereiche) de la DFG.

(25)  CESE 350/2004, paragraphe 5.1.8.

(26)  CESE 305/2004, paragraphe 5.1.8.4.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant a été mis au vote et rejeté au cours des débats (article 54, paragraphe 3 du Règlement intérieur):

Paragraphe 2.6: supprimer.

Exposé des motifs

La recherche fondamentale est déjà financée par le 6ème programme cadre de recherche. Il convient que la combinaison entre recherche fondamentale et recherche appliquée soit définie par les décideurs politiques (Conseil et Parlement européen) en fonction des objectifs stratégiques du moment. En outre, cette proposition poserait des problèmes pratiques en l'absence d'une définition unanimement acceptée de la «recherche fondamentale».

Résultat du vote:

Voix pour: 18, Voix contre: 43, Abstentions: 12.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/104


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil concernant des mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et modifiant les règlements (CEE) no 2847/93 et (CE) no 973/2001»

(COM(2003) 589 final — 2003/0229 (CNS))

(2004/C 110/17)

Le 16 décembre 2003, le Conseil, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Le 27 janvier 2004, le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section spécialisée «agriculture, développement rural, environnement» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité, lors de sa session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004) a désigné M. SARRÓ IPARRAGUIRRE comme rapporteur général et a adopté le présent avis par 63 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Introduction

1.1

En présentant la proposition de règlement à l'examen (1), la Commission européenne a pour but de réviser le règlement (CE) no 1626/94 du Conseil du 27 juin 1994, prévoyant certaines mesures techniques de conservation des ressources de pêche en Méditerranée (2), en tenant compte des principaux éléments exposés dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, laquelle établit un plan d'action communautaire pour la conservation et l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée dans le cadre de la politique commune de la pêche (3).

1.2

La Commission propose en outre de modifier le règlement (CEE) no 2847/93 du Conseil du 12 octobre 1993 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche (4) et le règlement (CE) no 973/2001 du Conseil du 14 mai 2001 prévoyant des mesures techniques de conservation de certains stocks de grands migrateurs (5).

1.3

Dans sa proposition de règlement, comportant vingt-six considérants, onze chapitres et cinq annexes, la Commission propose une série de mesures de gestion afin de parvenir à une exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée. Ces mesures ont pour but de réglementer les espèces, les habitats et les zones protégées, d'établir des restrictions pour les engins de pêche, de fixer la taille minimale de certaines espèces d'organismes marins, de réglementer la pêche non commerciale, de prévoir la possibilité d'établir des plans de gestion, d'établir des mesures de contrôle, de fixer certaines conditions pour la capture d'espèces hautement migratoires et d'instituer certaines dispositions spécifiques aux eaux qui entourent Malte.

2.   Observations générales

2.1

Dans des avis antérieurs (6), le CESE a déjà précisé sa position quant à la gestion de la pêche en Méditerranée. Du fait de leur intérêt, de leur caractère descriptif de la pêche en Méditerranée, de leur importance et de leur actualité, le Comité juge utile de reproduire dans le présent avis les conclusions de son avis de 1998 sur cette question:

La Méditerranée possède des caractéristiques particulières auxquelles les systèmes de gestion doivent nécessairement s'adapter pour être efficaces.

L'efficacité des systèmes de gestion dépendra également de leur caractère équitable qui doit permettre d'éviter des situations discriminatoires.

La recherche scientifique doit continuer à recevoir davantage de moyens, par la redynamisation du CGPM, qui doit lui permettre d'être l'organisme prioritaire, sans renoncer à la coopération scientifique via l'élaboration d'études menées conjointement par des pays riverains de la Méditerranée.

L'existence de situations différentes étant constatée, une harmonisation réelle et globale de la pêche en Méditerranée est nécessaire. L'harmonisation ne sera possible que si l'on procède à l'élimination graduelle de toutes les dérogations existant dans le règlement (CE) no1626/94 et non justifiées scientifiquement et lorsque les mêmes mesures techniques s'appliqueront à toutes les flottes.

Le Comité souhaite que la législation proposée fasse l'objet d'une consultation des professionnels afin de les associer à son application, appuyant ainsi la proposition formulée par l'Union européenne au sein du CGPM relative à la création d'un Comité où les professionnels seraient directement présents.

Des mesures appropriées doivent être prises contre les producteurs qui ne respectent pas les normes de conservation des ressources. Il faut encourager un commerce responsable afin d'éviter la concurrence déloyale existant actuellement, notamment en ce qui concerne les flottes des pays tiers.

La fixation de zones de pêche protégées en Méditerranée constitue un mécanisme approprié pour assurer l'efficacité des mesures de protection et de conservation des ressources.

Les conférences diplomatiques doivent dépasser le niveau de la déclaration d'intention. Il faut développer une collaboration accrue avec tous les pays par l'élaboration de travaux préalables permettant d'adopter des conclusions dont l'application puisse prendre effet immédiatement.

Dans le processus d'adaptation à une pêche durable en Méditerranée, la pêche artisanale doit recevoir la priorité sur la pêche industrielle. Les intérêts des pays riverains doivent primer sur ceux des pays étrangers à la Méditerranée.

2.2

Au paragraphe 2.6 de l'avis 402/2003, le Comité précisait ce qui suit: «Une gestion intégrée des pêches suppose une analyse des aspects biologiques, économiques et sociaux, la recherche d'instruments de gestion adéquats et un dialogue entre professionnels, administrations et milieux scientifiques».

2.3

De l'avis du CESE, la proposition de règlement de la Commission ne répond ni aux attentes suscitées par son plan d'action (7), ni aux orientations définies par le Comité dans ses avis antérieurs, notamment pour les raisons suivantes:

2.3.1

La proposition de règlement de la Commission n'analyse pas les raisons pour lesquelles elle estime nécessaire la révision du Règlement (CE) no 1626/94. De l'avis du CESE, l'une des raisons de l'échec des mesures établies par le Règlement en question est que l'on a accordé de multiples dérogations qui ont causé des inégalités de traitement entre pays et secteurs; ces inégalités, à leur tour, ont entraîné l'absence d'une véritable politique commune de la pêche en Méditerranée.

2.3.2

La Commission n'a pas étayé comme il convient d'un point de vue scientifique les propositions techniques qu'elle formule. En l'absence de toute référence, l'on ignore sur quelles études scientifiques et techniques la Commission se fonde pour présenter lesdites propositions.

2.3.3

Le Comité constate qu'une fois de plus, la Commission omet de mentionner et de tenir compte des aspects économiques et sociaux de la pêche en Méditerranée, et qu'elle ne fait pas la moindre référence à l'impact des mesures proposées sur les entreprises, les travailleurs et les zones côtières fortement tributaires de la pêche.

2.3.4

La proposition de règlement n'accorde pas assez d'attention aux systèmes de gestion par le biais du contrôle du commerce; elle ne mentionne pas les problèmes découlant de la capture de navires qui arborent des pavillons de complaisance et pêchent illégalement en Méditerranée. Elle omet également d'établir les mécanismes permettant de contrôler efficacement la qualité sanitaire des produits de la pêche.

2.3.5

Le texte de la Commission ne prend pas en considération l'importance de l'accroissement de la coopération multilatérale, laquelle, notamment au sein de la CGPM (8), s'efforce de faire en sorte que les normes fixées pour les États membres de la Communauté soient également applicables aux flottes de pays tiers qui pêchent en Méditerranée.

En ce sens, le CESE invite la Commission à renforcer le rôle des projets régionaux de la FAO, tels que Copemed et Adriamed.

2.3.6

La Commission se limite à réglementer des mesures techniques déjà existantes en les rendant plus restrictives, sans prévoir d'éventuelles solutions de rechange novatrices qui seraient le fruit de la recherche de mécanismes plus sélectifs.

2.4   Aspects négatifs de la proposition de règlement

Parmi les onze chapitres que compte la proposition de règlement, l'on analysera tout d'abord ceux qui présentent des aspects négatifs.

2.4.1

En ce qui concerne les dispositions prévues au chapitre IV, qui traite des restrictions concernant les engins de pêches, le CESE formule les observations suivantes:

2.4.1.1

La rédaction des articles, ambiguë et confuse, laisse la porte ouverte à des exceptions qui peuvent donner lieu à un nouvel échec des mesures faute de répondre à une véritable politique commune de la pêche. Le CESE estime qu'il y a lieu de reformuler plus clairement les articles, d'éliminer les exceptions et de faire le choix de mesures harmonisées valables dans toute l'Union européenne, mesures que l'on pourrait harmoniser ensuite avec les pays tiers ayant des activités de pêche en Méditerranée.

2.4.1.2

La définition des différents engins de pêche est confuse. Il conviendrait de définir les segments réglementés selon des normes internationales telles que la classification internationale normalisée des catégories d'engins de pêche (9) de l'Organisation des Nations unies pour l'Agriculture et l'alimentation de 1980, et de séparer au moins les chaluts de fond et les filets tournants des engins plus petits. De même, il y a lieu de réglementer séparément les différents filets remorqués afin que les mesures générales prévues pour les chaluts de fond n'affectent pas des engins à caractère local tels que les sennes.

2.4.1.3

La Commission n'inclut pas, parmi les engins et pratiques de pêche interdits, l'utilisation de filets maillants dérivants. Le Comité estime que l'interdiction d'utiliser des filets maillants dérivants et plus particulièrement les engins maillants destinés à la capture de grands migrateurs doit figurer au nombre des engins de pêche interdits.

2.4.1.4

En ce qui concerne le maillage minimal, les propositions ne reposent sur aucun rapport scientifique sérieux et leur application pratique pourrait entraîner la disparition de nombreuses entreprises et de nombreux emplois axés sur la pêche, leur activité cessant d'être rentable. Le CESE suggère dès lors qu'avant de prendre une décision sur la taille des maillages minimaux, la Commission devrait renforcer la recherche scientifique afin d'affiner les connaissances de la typologie des engins à utiliser et de tester la sélectivité des engins de pêche, garantissant ainsi la continuité des activités de pêche à l'avenir.

2.4.1.5

La taille minimale des hameçons prévue pour la capture des brèmes de mer (voraces) n'a pas de raison d'être. Les rapports scientifiques existants, rédigés à partir d'expériences de sélectivité d'hameçons et de leur rapport avec la taille de maturation de l'espèce, conduisent le CESE à préconiser des hameçons de 3,95 cm de longueur et de 1,65 cm de largeur inférieure. D'autre part, dans le cas de la palangre de fond et de la palangre de surface, il serait préférable de limiter le nombre total d'hameçons plutôt que la longueur totale de l'engin. Ainsi, l'on devrait limiter le nombre d'hameçons à 3000 pour la palangre de fond et à 2.000 ou 10.000 pour la palangre de surface, selon qu'il s'agit de la capture d'espadons ou d'autres espèces.

2.4.1.6

En ce qui concerne les distances et les profondeurs minimales proposées par la Commission pour l'utilisation des engins de pêche, le CESE estime que la rédaction de l'article est ambiguë et prête à confusion. L'application des propositions de la Commission provoquera presque à coup sûr la disparition de la pêche aux crustacés en mer sur une grande partie du littoral méditerranéen. Le Comité considère que la limitation de l'activité de pêche en fonction de la distance minimale par rapport à la côte peut produire des effets négatifs compte tenu de la configuration de la plate-forme continentale dans tout le bassin méditerranéen. C'est la raison pour laquelle le CESE est partisan de limiter l'activité de pêche en fonction de la profondeur minimale. Il propose ainsi d'interdire l'utilisation des filets dérivants en deçà de l'isobathe 50 et des filets tournants en deçà de l'isobathe 35.

2.4.2

À propos du chapitre V, qui réglemente la taille des organismes marins et la reconstitution artificielle, le CESE formule les observations suivantes:

2.4.2.1

La Commission européenne n'indique pas les arguments scientifiques qui pourraient justifier les tailles proposées. Dans certains cas, comme celui du merlu, pour lequel la Commission propose de ramener la taille de débarquement de 20 à 15 cm, la position est incohérente et indéfendable quel que soit le point de vue que l'on adopte – biologique, scientifique ou économique; dans d'autres, comme dans le cas de l'espadon, elle propose une taille alors même que la CICTA (10) ne s'est pas encore prononcée à ce sujet; dans d'autres cas encore, comme celui des petits stocks pélagiques, la Commission décide de supprimer la taille minimale, sans tenir compte des graves effets d'une telle décision sur le marché.

2.4.2.2

Le CESE considère que permettre la capture de frai de sardines par le biais d'une exception constitue une mesure impropre sur le plan biologique et un mauvais précédent, qui va de plus à l'encontre de l'augmentation de la taille minimale proposée de manière générale.

2.4.3

Les mesures proposées pour les espèces hautement migratoires au chapitre IX n'ont pas la base scientifique suffisante pour être adoptées. Dans la mesure où il s'agit de mesures de gestion qui affectent des ressources internationales réglementées par la CICTA, le CESE estime que c'est à cette organisation qu'il appartient de procéder à une réglementation en formulant des recommandations. La CICTA ne préconise aucune mesure concrète pour l'espadon méditerranéen; dès lors, il y a lieu de rejeter les propositions de la Commission visant à établir une dimension minimale pour les hameçons des palangres, une interdiction de quatre mois pour la pêche à l'aide de palangres pélagiques et une taille minimale pour l'espadon. Si elles étaient adoptées, c'est toute l'activité des pêcheurs à la palangre consacrée à ces espèces qui serait condamnée à l'extinction.

2.5   Aspects positifs, quoique susceptibles d'amélioration, de la proposition de règlement

2.5.1

Le chapitre II réglemente les espèces et les habitats protégés, et interdit la pêche au-dessus des prairies sous-marines (Posidonia oceanica) ou autres phanérogames marines. Le CESE se félicite de cette disposition, même s'il estime qu'elle devrait concerner également les fonds coraligènes ou «maerl».

2.5.2

Les zones protégées, qu'elles soient nationales ou communautaires, sont réglementées au chapitre III. Le Comité marque son accord avec l'établissement de telles zones afin de protéger les juvéniles et les reproducteurs.

2.5.3

Le CESE reconnaît la nécessité de réglementer la pêche non commerciale ou sportive, comme le fait la Commission au chapitre VI de la proposition. Il estime cependant qu'il y a lieu d'interdire l'utilisation de la palangre de fond et d'obliger tous les États membres à instaurer des systèmes nationaux de licence permettant de connaître l'ampleur réelle de cette activité. Par ailleurs, la proposition interdit la commercialisation des captures d'organismes marins provenant de la pêche dite récréative ou sportive. De l'avis du Comité, l'on devrait accepter à titre exceptionnel la commercialisation de produits de la pêche provenant de concours sportifs, pour autant que les bénéfices provenant de la vente soient destinés à des organismes à but non lucratif, cela afin d'éviter le commerce illégal et de faciliter les contrôles sanitaires.

2.5.4

Le chapitre VII réglemente les plans de gestion communautaires et nationaux. Le CESE estime que les plans de gestion peuvent constituer un bon instrument qui, en combinant la gestion de l'effort de pêche et les mesures techniques spécifiques, serait susceptible de répondre aux caractéristiques particulières d'un grand nombre de pêcheries méditerranéennes. Le Comité met toutefois en garde contre le danger qui pourrait résulter de l'utilisation des plans de gestion dans le but de contourner, sous la forme d'exceptions, certaines des dispositions générales du Règlement; il préconise d'inclure dans la proposition de règlement l'obligation pour les mesures de gestion envisagées d'être plus restrictives que celles figurant dans le Règlement. En clair, les plans de gestion ne pourront comporter des mesures moins restrictives que celles prévues par le Règlement en ce qui concerne la sélectivité, les rejets et l'effort de pêche.

2.5.5

De l'avis du CESE, les mesures de contrôle établies au chapitre VIII sont nécessaires; il estime également, toutefois, qu'il y a lieu d'inclure les captures effectuées avec les palangres de fond et les filets maillants de fond dans le groupe des captures qui doivent être déchargées et commercialisées pour la première fois dans les ports désignés par les États membres. De même, le Comité estime que l'obligation d'inscrire dans le journal de bord toute quantité supérieure à 10 kg d'équivalent poids vif pour certaines espèces peut entraîner un travail bureaucratique lourd et inutile; il préconise dès lors que, dans le cas de navires basés dans des ports où les déchargements sont comptabilisés pour transmission immédiate à l'administration compétente, l'on établisse une équivalence entre les notes de vente directe à la halle des marées et les annotations dans le journal de bord, éliminant par conséquent cette dernière exigence.

2.6

Le CESE ne se prononce pas sur le contenu du chapitre X intitulé «Mesures relatives aux eaux autour de Malte» dans la mesure où il s'agit de dispositions destinées à l'application des mesures accordées dans le Traité d'adhésion à l'Union européenne signé en 2003 par ce pays.

3.   Conclusion

3.1

Compte tenu de ce qui précède, et du refus généralisé auquel se heurte la proposition de règlement parmi les professionnels du secteur des quatre pays membres de l'Union européenne riverains de la Méditerranée, le CESE propose à la Commission de retirer sa proposition.

3.2

Compte tenu du désir du Comité de voir appliquées le plus vite possible des mesures efficaces de gestion pour une exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée, le CESE invite la Commission à formuler d'urgence une nouvelle proposition de règlement tenant compte des observations du présent avis.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  COM(2003) 589 final.

(2)  JO L 171 du 6 juillet 1994, p. 1. Règlement modifié pour la dernière fois par le Règlement (CE) no 973/2001 (JO L 137 du 19 mai 2001).

(3)  JO C 133 — 6.6.2003.

(4)  JO L 261 du 20 octobre 1993, p. 1.

(5)  JO L 137 du 19 mai 2001, p. 1.

(6)  JO C 133 — 6.6.2003.

(7)  JO C 133 — 6.6.2003.

(8)  Commission générale des pêches pour la Méditerranée.

(9)  En anglais: ISCFG International Standard Classification Fishing Gears.

(10)  Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/108


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil instituant des conseils consultatifs régionaux dans le cadre de la politique commune de la pêche»

(COM(2003) 607 final – 2003/0238 CNS)

(2004/C 110/18)

Le 16 décembre 2003, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37° du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Le 27 janvier, le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section spécialisée de l'agriculture, du développement rural et de l'environnement de préparer ses travaux en la matière.

En raison de l'urgence des travaux, lors de la 406ème session plénière, des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a nommé M. Eduardo Manuel CHAGAS rapporteur général et a adopté l'avis suivant avec 76 voix pour et 2 contre.

1.   La proposition de la Commission

1.1

Le règlement 2371/2002 du Conseil a prévu la création de Comités consultatifs régionaux (CCR) en tant que moyen de renforcer le dialogue dans le secteur communautaire de la pêche communautaire grâce à une participation accrue des parties concernées au processus décisionnel relatif à la politique commune de la pêche.

1.2

La proposition actuellement présentée par la Commission tente de promouvoir une approche équilibrée et cohérente, établissant des éléments qui seront communs à tous les CCR qui seront créés, en ce qui concerne après leur création, leur composition, leur structure, leur fonctionnement et leur financement.

1.3

La Commission propose de créer six CCR, qui couvriraient cinq zones maritimes (mer Baltique, mer du Nord, mer méditerranéenne, les eaux occidentales septentrionales, les eaux du Nord occidental et les eaux du Sud occidental) et leurs stocks pélagiques.

1.4

La création des CCR sera laissée à l'initiative des pêcheurs et autres parties prenantes qui devront en faire la demande aux États membres concernés et à la Commission. Ils disposeront d'une assemblée générale qui désignera un comité exécutif composé de 12 à 18 membres. Au sein de ces deux organes, deux tiers des membres représenteront le secteur de la pêche et d'autres secteurs concernés par la politique commune de la pêche. Des observateurs, issus par exemple du milieu scientifique, des représentants d'autres États membres qui ne sont pas couverts par le CCR en question et des représentants des pays tiers qui ont des intérêts dans la zone en question ou des représentants du Comité consultatif de la pêche et de l'aquaculture (CCPA) pourront être invités. Les représentants d'administrations nationales qui seront également intégrés à titre d'observateurs.

1.5

La Commission assurera également un financement pour la phase de démarrage CCR et pour les trois premières années d'activité, en plus de celui du dispositif d'interprétation lors des réunions et de traduction des documents.

2.   Observations générales

2.1

La nécessité d'impliquer les principaux intéressés - armateurs et travailleurs à la définition et à la mise en oeuvre de la politique et des mesures concrètes en matière de pêche communautaire, a été souligné à plusieurs reprises par le CESE. Le secteur de la pêche communautaire étant caractérisé dans une large mesure par la taille réduite des entreprises et par un faible niveau de regroupement associatif, il est essentiel d'associer ces acteurs à toutes les phases du processus décisionnel afin, d'une part, de mieux appréhender la nécessité des mesures à arrêter et, d'autre part, d'une meilleure adéquation de celles-ci non seulement à l'état des ressources halieutiques mais également à la réalité socio-économique des communautés concernées.

2.2

Dans le «Livre vert sur l'avenir de la politique commune de la pêche» (1) la Commission reconnaissait déjà qu'il était important de prévoir de nouvelles formes de participation des parties prenantes dans la phase précédant l'adoption des décisions en matière de PCP. Le Comité a en son temps eu l'occasion d'exprimer sa satisfaction (2) quant à l'intention de la Commission de «promouvoir une plus grande participation au débat de toutes les parties concernées par le processus et la co-responsabilisation de la filière dans les décisions et dans la gestion au niveau local».

2.3

Dans l'avis (3) sur la communication de la Commission relative à la réforme de la politique commune de la pêche (document guide), le CESE avait marqué son soutien à la création des CCR, attirant toutefois l'attention sur la nécessité de veiller à ce que cette création ne remette en cause le maintien de la politique commune de la pêche en affaiblissant ses principes essentiels en raison du transfert du débat au niveau régional. En conséquence, il importe de prévoir la possibilité de participation aux réunions des CCR, en qualité d'observateur, d'un représentant du CCPA (Art. 6.4), ainsi que l'obligation de la présentation à la Commission, aux États membres et au CCPA d'un rapport annuel d'activité de chaque CCR (Art. 10.1).

2.4

La nécessité de garantir que les membres des CCR sont suffisamment représentatifs des différents intérêts de chaque pays concerné, se traduira nécessairement par la participation d'un grand nombre d'organisations. Cependant, le fait que ce sont les États membres qui désignent les membres de l'assemblée générale pourraient être source de perturbations et de conflits autour de la question de la représentativité effective des membres désignés. Dans la mesure où il est proposé que l'assemblée générale se réunira une fois par an, il faudrait prévoir une participation aussi élargie que possible des représentants de toutes les organisations reconnues comme étant représentatives et ayant des intérêts dans le CCR en question.

2.5

Le CESE approuve la possibilité pour les organisations européennes nationales de pouvoir proposer des membres aux États membres concernés (Art. 5.2). Il sera néanmoins nécessaire d'assurer en temps voulu la divulgation de l'intention de créer le CCR, non seulement auprès des organisations nationales mais également auprès des organisations européennes. Une plus grande implication du CCPA dans ce processus présenterait des avantages, notamment, en demandant aux organisations européennes de désigner leurs représentants respectifs, en centralisant et en gérant les réponses apportées.

2.6

Dans la mesure où il revient au comité exécutif de gérer l'activité du CCR ainsi que d'adopter ses recommandations et suggestions, le CESE estime que, comme le propose la Commission, une représentativité légitime n'est pas assurée. En effet, en exigeant seulement que le Comité exécutif compte au moins un représentant du secteur de la capture de chaque État membre concerné, l'on court le risque d'écarter systématiquement les représentants des travailleurs.

2.6.1

L'on a pu constater récemment à plusieurs occasions que les représentants syndicaux n'avaient pas été inclus parmi les représentants désignés par les États membres pour participer aux réunions sur les questions liées à PCP. Si l'on veut défendre la participation des professionnels du secteur, le CESE estime qu'il faut également prendre en considération les armateurs et les pêcheurs salariés, ces derniers étant ceux qui mettent réellement en pratique les mesures adoptées. Le CESE préconise que le règlement mentionne explicitement la nécessité d'assurer la participation tant des armateurs que des représentants des pêcheurs salariés.

2.7

Par ailleurs, la proportion attribuée aux «autres groupes d'intérêts», à savoir un tiers du total des sièges, semble également exagérée. Sachant que leur participation au CCR peut se faire dans le cadre d'une approche différente que leur contribution ne manquera pas d'apporter, les avis du CCR doivent être le fruit essentiellement de la rencontre des différents intérêts nationaux en jeu. Une participation de l'ordre de 20 %, tant à l'assemblée générale qu'au comité exécutif serait plus appropriée pour la représentation de ce groupe.

2.8

Bien que le règlement 2371/2002 stipule à son article 32o que les CCR s'occuperont de zones marines placées sous la juridiction d'au moins deux États membres, le CESE suggère d'envisager la création d'un septième CCR qui, compte tenu de l'importance de la flotte communautaire de pêche dans les eaux extérieures non communautaires, puisse regrouper les parties prenantes à l'activité de pêche dans ces eaux, sous la dénomination CCR «Régions de pêche extérieures». En outre, le CESE juge primordial que soient également représentées au sein de ce CCR les organisations représentatives des armateurs et des pêcheurs salariés des pays tiers concernés.

3.   Observations particulières

3.1   Article 2 — création des conseils consultatifs régionaux

3.1.1

Comme cela était suggéré précédemment, il conviendrait d'ajouter un alinéa g) prévoyant un septième CCR «régions de pêche extérieures».

3.2   Article 4 — structure

3.2.1

Le nombre nécessairement réduit de membres du comité exécutif devrait limiter les compétences de cet organe. Le CESE estime en particulier que les recommandations et suggestions adoptées par le CCR devraient toujours passer par l'assemblée générale.

3.2.2

Contrairement aux autres versions linguistiques, il est question dans la version portugaise parfois d'assemblée régionale et à d'autres endroits d'assemblée générale, ce dernier terme nous paraissant être celui qui est correct. Il faudrait par conséquent procéder à la correction du texte.

3.3   Article 5 — Membres

3.3.1

Les désignations des membres des CCR devraient faire l'objet d'une coordination par le CCPA, en coopération avec les organisations européennes qui le composent.

3.3.2

La proportion de représentants du secteur de la pêche devrait être reconsidérée comme cela a été dit au paragraphe 2.7 ci-dessus.

3.3.3

Il faudrait garantir la participation au comité exécutif d'au moins un représentant des pêcheurs salariés pour chaque État membre.

3.3.4

Dans la version portugaise de la proposition, il est stipulé au deuxième paragraphe que: «Os membres da assembleia geral serão nomeados por comum acordo entre os Estados-Membros interessados». Il en va de même pour la version anglaise tout du moins. Or le CESE est d'avis que c'est le libellé de la version française qui est le plus approprié: «Les membres de l'assemblée générale sont nommés d'un commun accord par les États membres concernés». En effet, il ne semble pas justifié que les autres États membres doivent se prononcer sur les noms indiqués par un État donné.

3.4   Article 6 — Participation

3.4.1

Il faut garantir aux observateurs le droit de prendre la parole même s'il n'est pas assorti du droit de vote.

3.4.2

L'ouverture des réunions publiques devrait être facultative, et ce doit être à l'organe en question d'en décider.

3.5   Article 7 — Fonctionnement

3.5.1

Quoique le CESE souscrive au fait que la désignation du président advienne par consensus, il estime justifié de prévoir que le président doit être originaire du secteur de la capture.

3.6   Article 9 — Financement

3.6.1

L'on ne voit pas clairement comment un organe transnational tel que le CCR pourra cadrer avec la personnalité juridique. La Commission devra clarifier cette notion.

3.6.2

Le CESE souscrit à l'intention de la Commission de contribuer à la prise en charge, au moyen de «conventions» annuelles, des frais d'interprétation et de traduction. En effet, ce n'est qu'en garantissant qu'il soit possible à tous les intervenants de s'exprimer dans leur langue maternelle et que tous les documents soient traduits dans les langues utilisées et en temps utile que les membres des CCR pourront participer aux travaux de ceux-ci dans des conditions d'égalité.

4.   Conclusions

4.1

Le CESE prend acte de la proposition de la Commission à l'examen, qui vise à promouvoir une approche équilibrée et cohérente, en établissant des éléments qui seront communs à tous les CCR qui seront créés, en ce qui concerne leur création, leur composition, leur structure, leur fonctionnement et leur financement.

4.2

Le CESE estime cependant que la proposition n'est pas de nature à assurer une représentation appropriée dans la composition des CCR telle que proposée des principaux acteurs du secteur de la capture dans la Communauté, et notamment des armateurs et des pêcheurs salariés. Il serait possible d'y remédier à travers une plus grande implication du CCPA et des organisations européennes représentées en son sein, dans le processus de désignation des membres des CCR.

4.3

Le CESE considère également que le poids relatif de la composante «autres groupes d'intérêts» dans la composition des CCR n'est pas approprié et propose que la proportion de sièges qui lui est réservée soit de 20 % du total.

4.4

Il propose également la création dans CCR «Régions de pêche extérieures» qui regrouperait les parties prenantes à l'activité de la pêche menée en dehors des eaux communautaires, laquelle représente un segment important de la flotte de pêche de l'UE.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  COM(2001)135.

(2)  Avis publié au JO C 36 do 8.2.2002.

(3)  Avis publié au JO C 85 do 8.4.2003.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/111


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Politique budgétaire et type d'investissement».

(2004/C 110/19)

Le 21 janvier 2003, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 23, paragraphe 3, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur la «Politique budgétaire et type d'investissement».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 9 février 2004 (rapporteuse: Mme FLORIO).

Lors de sa 406 ème session plénière des 25et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 98 voix pour, 38 voix contre et 3 abstentions.

1.   De Maastricht au Pacte de stabilité

1.1

Le Traité de Maastricht a été approuvé en 1992; les critères du Traité, qui ont présidé à l'entrée des premiers pays (auxquels la Grèce s'est ajoutée par la suite) dans la monnaie unique, visaient avant toute chose une baisse radicale du déficit budgétaire et de la dette publique et la réduction de l'inflation. Les critères quantitatifs sur lesquels il se fonde figurent à l'article 104 (ex article 104 C) du Traité et dans le Protocole annexé à celui-ci sur la procédure en cas de déficits excessifs, qui en fixe le rythme et le calendrier de révision.

1.2

Ces mêmes critères ont ensuite été repris et mis en pratique par le Pacte de stabilité, mais contrairement au Pacte, le Traité de Maastricht conférait au Conseil un certain pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de l'application et du contenu des sanctions; par ailleurs, il n'établissait aucun échéancier concernant les différentes étapes en vue d'atteindre les objectifs établis (1).

1.3

Le Pacte de stabilité et de croissance, approuvé en 1997, passera à l'histoire des traités et des accords comme l'une des étapes les plus importantes de la politique de coordination souhaitée par l'Union européenne. Il poursuit essentiellement trois objectifs: le renforcement du contrôle des politiques budgétaires, la coordination des politiques économiques et le soutien des procédures de surveillance des politiques économiques.

1.4

Le Pacte stipule qu'à court ou moyen terme le budget doit se rapprocher d'une position «proche de l'équilibre» («close to balance»). C'est ce mécanisme qui devrait permettre une intervention plus efficace des stabilisateurs automatiques en phase de récession.

1.5

Le déficit est excessif s'il excède 3 % du PIB. En tout état de cause, il est prévu une «clause d'exceptionnalité» qui peut être déterminée par des facteurs extérieurs non contrôlables par les États membres (catastrophes naturelles, etc.). Quant au concept de «position proche de l'équilibre», aucun pays ne s'est risqué à identifier de façon précise le pourcentage acceptable proche de l'équilibre pour la zone euro.

1.6

Conformément aux dispositions établies par le Pacte, le gouvernement national de chaque pays participant à la zone euro présente un «programme de stabilité», alors que les autres pays s'en tiennent à des «programmes de convergence» (nationaux). Le Conseil décide du moment indiqué et des modalités à suivre pour émettre d'éventuelles recommandations et rappels. Les échéances précises fixées dans le Pacte de stabilité et de croissance, contrairement aux critères fixés à Maastricht, permettent, en cas de déficit public excessif, une décision rapide en ce sens.

1.7

L'évolution de la croissance économique, très inférieure aux prévisions, a empêché la France et l'Allemagne – et dans une certaine mesure le Portugal — de respecter les critères fixés. Conformément aux dispositions de l'article 104 (8) du Traité et du règlement 1466/97 du Pacte de stabilité et de croissance, des mécanismes d'ajustement drastique et d'éventuelles sanctions auraient dû s'appliquer pour non-respect des règles établies. Cependant, le Conseil Ecofin du 25 novembre 2003 a décidé de suspendre les procédures d'infraction à l'encontre de la France et de l'Allemagne.

1.8

D'une manière générale, on peut affirmer que le Traité de Maastricht a produit des résultats considérables et positifs et a surtout permis l'entrée en vigueur de l'euro dans douze pays de l'Union, au point qu'aussitôt après la signature du Traité, soit dès 1993, les déficits budgétaires ont commencé à diminuer dans la plupart des pays UE (en 1993, avec 5,5 %, le déficit budgétaire dans la zone euro atteignait son record historique).

1.9

Le CESE s'est prononcé dans différents avis sur les politiques budgétaires et notamment sur le Pacte de stabilité et de croissance, dès 1997 (2).

2.   Le Pacte de stabilité dans le contexte économique actuel au niveau européen et mondial

2.1

Une réflexion sur les politiques budgétaires et sur les investissements nécessaires pour relancer le système économique européen ne peut se faire sans un examen de la situation actuelle, de ses développements possibles et des instruments nécessaires pour surmonter cette phase, qui hésite entre équilibre et stagnation.

2.2

Autant pour le Japon que pour les États-Unis, de même que pour l'Europe, le taux d'intérêt déterminé par les grandes banques centrales se situe déjà à des niveaux historiques très bas: 2,5 % pour la BCE, 1,25 % pour la Réserve fédérale américaine et 0,5 % pour la Banque japonaise (données relevées en juillet 2003). La Banque centrale européenne (BCE) soutient que toute marge de manœuvre sur les taux apparaît particulièrement difficile; en outre, un taux d'intérêt unique pourrait s'avérer trop élevé pour les uns et trop bas pour les autres. C'est probablement pour cette raison que la BCE se montre particulièrement prudente, eu égard à la rapidité d'intervention qui caractérise la Réserve fédérale (3).

2.2.1

De fait, une politique monétaire plus prompte à prendre des contre-mesures face aux difficultés qui freinent la reprise et la croissance pourrait représenter l'un des moyens (mais non le seul) susceptibles de faire repartir le moteur économique de l'UE.

2.2.2

La Banque centrale européenne aurait pu faire jouer une certaine marge de manœuvre sur les taux, afin de favoriser avant toute chose les échanges extérieurs de l'UE et soulager quelque peu les économies nationales en difficulté, en dépit des affirmations du Président de la BCE qui, dans la foulée des décisions du Conseil, a déclaré que les événements récents allaient saper la confiance dans l'euro en provoquant une reprise de l'inflation et qu'en conséquence il faudrait intervenir en augmentant les taux d'intérêt. Ce risque ne semble pas constituer une menace immédiate dans le contexte actuel.

2.3

L'on estime qu'une situation particulièrement critique des finances publiques dans les grands pays industrialisés est de nature à entraver les efforts de relance économique et financière en termes de nouvelles dépenses (investissements), surtout dans la zone euro. Le déficit budgétaire de la France s'élève à 3,1 % du PIB en 2002; l'Allemagne, avec un solde négatif de 3,6 %, est plus mal lotie. Aux États-Unis, l'annonce au début de l'année d'un vaste plan de relance assorti d'une enveloppe de 674 milliards de dollars répartie sur 10 ans, a eu pour effet d'accroître le déficit budgétaire, qui s'est à l'évidence alourdi avec les dépenses militaires destinées à la guerre en Irak et que ne compense que partiellement aujourd'hui la non-restitution aux contribuables américains d'une partie du prélèvement fiscal. Au Japon, les prévisions se situent autour de 8 % du PIB pour 2003, soit au même niveau qu'en 2002.

2.4

Dans son dernier rapport publié le 2 avril 2003, la Banque mondiale prévoit pour le second semestre de 2003 une croissance de 2,3 % dans le monde (2,5 % aux États-Unis, 1,4 % dans la zone euro et 0,6 % au Japon), mais les données les plus récentes nous donnent à penser qu'une lente reprise de l'économie américaine se dessine, tendance qui reste d'ailleurs à confirmer. Les estimations conjoncturelles confirment la phase actuelle de croissance à peine perceptible de l'économie: selon les données Eurostat, au cours des quatre derniers mois de 2003, la croissance du PIB de la zone euro a été de 0,4 %, de même que dans l'UE des 15.

2.5

Au cours des derniers mois, le conflit en Iraq a aggravé le climat mondial d'insécurité au niveau politique et militaire. Après le conflit en Irak, le prix du pétrole n'a pas connu la baisse prévue et les tensions se sont intensifiées vis-à-vis des pays arabes et du Moyen-Orient, avec une exaspération sensible du conflit entre Israël et la Palestine.

2.5.1

Les économistes estiment que les difficultés persistantes de l'économie mondiale ne résultent pas d'une pénurie de crédit mais d'un déficit de confiance, accentué encore par la crise internationale.

2.5.2

En Europe, la présence d'un état d'incertitude diffus dans le monde économique et productif et dans l'opinion publique en général quant à l'évolution future de la stratégie de l'Union européenne en matière de politique économique et budgétaire, jointe à la lenteur de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne et à l'inconnue du Pacte de stabilité, constituent le principal obstacle à une véritable reprise économique. Si la référence reste l'évolution du taux de croissance de l'économie américaine, l'économie européenne n'accèdera pas de manière autonome à la reprise.

2.5.3

Quels sont donc les «spectres» à combattre pour susciter une reprise économique? Avant toute chose, il faut citer la demande intérieure faible qui caractérise l'ensemble de l'UE (faible croissance, chômage stable, faible capacité d'utilisation des ressources humaines).

3.   Réinterpréter le Pacte?

3.1

Pour la Commission européenne, le non-respect des critères fixés dans le Traité de Maastricht et dans le Pacte (3 % et 60 %) par un certain nombre de pays importants comme la France et l'Allemagne pourrait créer un obstacle objectif aux efforts de relance économique, à l'amélioration de la coordination des politiques budgétaires dans la zone euro et à la relance des politiques en faveur de l'emploi, mais nombreux sont ceux qui affirment que l'obstacle le plus sérieux à la réalisation du Pacte résiderait plutôt dans une utilisation restrictive du Pacte et dans l'absence de stratégie de relance de l'offre et de la demande dans l'UE.

3.1.1

Le caractère restrictif de l'utilisation du Pacte a aggravé la situation économique dans certains pays, par exemple le Portugal, dans lesquels les diminutions des dépenses publiques courantes, et principalement des dépenses d'investissement, nécessaires à la réduction du déficit, ont détérioré la situation économique et conduit des milliers de personnes au chômage. Le Pacte devrait permettre l'utilisation contracyclique des finances publiques.

3.2

À de nombreuses occasions, la Commission européenne a soutenu que c'est le report dans le temps de l'application de mesures de réglementation pour réaliser les objectifs en question qui génère en soi une méfiance dans l'instrument, surtout dans une phase où le phénomène peu prévisible de stagnation/récession met à nouveau le Pacte à l'épreuve.

3.3

Mais cela ne suffit pas: de grands organismes internationaux comme le FMI et l'OCDE suggèrent de relever le seuil d'inflation de 2 à 2,5 %. À noter toutefois, avant toute chose, la donnée de fait reconnue dans presque tous les milieux économiques et financiers, à savoir que l'instrument monétaire n'est pas le seul à mettre en oeuvre pour réaliser une reprise économique réaliste.

4.   Le Pacte de stabilité et de croissance: un instrument pour sortir de la crise

4.1

Le Pacte doit être soutenu par des politiques ciblées, axées non seulement sur le contrôle de l'inflation, l'ajustement, la réduction de la dette, mais aussi sur une stimulation accrue de la demande intérieure et sur les investissements publics et privés nécessaires à la relance économique dans le cadre des objectifs de la stratégie de Lisbonne, comme le CESE l'a préconisé dans plusieurs documents.

4.2

Une fois épuisé l'effet «récompense» représenté par l'entrée en vigueur de l'euro, les instruments prioritaires à mettre en oeuvre pour stimuler la croissance, le développement et l'emploi seront ceux destinés à renforcer les politiques macro-économiques, qui devraient tendre avant toute chose à la relance de la stratégie de Lisbonne et au plein emploi ainsi qu'à la création d'emplois de qualité et au renforcement de l'offre et de la demande. Le rôle dévolu aux stabilisateurs automatiques dans les phases de récession économique peut en outre contribuer à consolider la demande.

4.3

Le CESE considère en somme que les politiques en faveur de l'emploi devraient constituer l'un des critères fondamentaux d'évaluation de la croissance économique; en particulier, la politique de «cohésion économique et sociale» doit devenir un critère d'évaluation de la croissance économique permettant aux pays de la cohésion d'augmenter leurs dépenses d'investissement dans ce domaine.

4.4

La Banque centrale européenne (BCE), gardienne de la politique monétaire, de la stabilité des prix, mais également attentive à la croissance économique et de l'emploi, pourrait jouer un rôle plus important encore que celui établi par le Traité, lequel prévoit qu'elle soit en contact permanent avec les institutions européennes (Conseil, Commission) et avec les partenaires sociaux. La Banque européenne pour les investissements (BEI), à son tour, pourrait exercer son mandat en harmonisant son action avec celle des autres institutions européennes et avec les plans prévus par les gouvernements nationaux en vue de soutenir le développement et une cohésion économique et sociale accrue dans l'UE.

4.4.1

Du reste la BEI, en tant qu'instrument financier, a pour mission principale de contribuer à la réalisation des objectifs et des politiques de l'Union. Coordonner avec la Commission la programmation pluriannuelle des ressources budgétaires permettrait d'optimiser l'impact des mesures en question, afin de soutenir la cohésion économique et sociale de l'UE dans le cadre des nouvelles perspectives financières.

4.5

Par la suite, l'entrée de dix nouveaux États membres dans l'Union exigera un effort économique supplémentaire en termes d'investissements destinés aux infrastructures, comme déjà prévu du reste, mais surtout en matière de formation, de soutien à la recherche et aux réformes dans l'administration publique.

4.6

Le Comité juge indispensable de soutenir le Pacte de stabilité au travers d'une vaste campagne d'information, en impliquant directement également les niveaux intermédiaires de la société (à commencer par les partenaires sociaux, mais aussi les associations de consommateurs, etc.), à l'instar de ce qui s'est fait pour l'introduction de la monnaie unique. Le partage, la coresponsabilité et une grande campagne d'information de l'opinion publique ont été la clé du succès du Traité de Maastricht et de l'adhésion à la monnaie unique. Il n'en a pas été de même avec le Pacte de stabilité et de croissance.

4.7

En outre, il serait opportun de revoir la définition des «circonstances exceptionnelles» qui autorisent dans le Pacte le dépassement du seuil de 3 %, en accordant un répit aux économies en difficulté ou qui ont enregistré une croissance annuelle négative.

4.7.1

Devrait notamment être considéré comme circonstance exceptionnelle l'établissement d'une croissance maximale des dépenses publiques, à long terme, compte tenu de la situation de chaque pays, et moyennant un contrôle au niveau européen; ainsi, les objectifs seraient adaptés à la conjoncture et à la phase cyclique dans lesquelles se trouve chaque pays.

4.8

Un véritable plan stratégique européen devra s'inscrire dans le prolongement de celui entrepris il y a plus de dix ans avec le Livre blanc de Jacques DELORS jusqu'au renforcement des objectifs de Lisbonne, en soutenant l'efficacité du Pacte de stabilité et de croissance sur un terrain politique. Si l'on veut que le Pacte soit géré différemment, il faut envisager une stratégie commune de croissance pour l'Union incluant également la politique fiscale. Pour ce faire, il convient d'insister sur l'importance d'une flexibilité suffisante dans l'évaluation des écarts par rapport à la règle prescrivant une position budgétaire «proche de l'équilibre», de manière à permettre des investissements dans des activités favorisant la croissance. Les infrastructures sont sans aucun doute nécessaires à un marché étendu à plus de 25 pays, mais la clé de voûte d'une telle stratégie doit résider essentiellement dans les investissements dans les ressources humaines ainsi que dans l'avenir de l'UE: à savoir la recherche, mais aussi l'éducation et la formation universitaire, orientées vers les nouvelles générations et les défis de la concurrence, la formation tout au long de la vie, etc.

5.   Nécessité d'exclure de la comptabilisation du déficit public les investissements d'intérêt européen destinés à la réalisation des objectifs de Lisbonne

5.1

Le non-respect des prévisions et le manque d'investissements risquent d'accentuer le retard de développement des nouveaux pays membres de l'UE, lesquels, s'ils ne sont pas aidés de façon appropriée dans leur croissance et dans la création de nouveaux emplois, qualifiés et compétitifs, risquent de venir alimenter des poches de pauvreté et d'exclusion dangereuses et indésirables pour l'ensemble du système économique et social de l'Union.

5.2

Repenser un «gouvernement» différent du Pacte implique l'adoption de politiques budgétaires souples et expansives, comportant une stratégie commune de croissance et de cohésion, considérant les investissements stratégiques et ceux destinés à la croissance comme ne pouvant pas être comptabilisés dans le déficit budgétaire, et prévoyant de confier au Conseil, avec l'accord de la Commission, la mission de définir ce que l'on entend par «investissements stratégiques» d'intérêt européen, comme déjà décrit dans le Livre blanc de DELORS et par les objectifs de Lisbonne.

5.3

Comme l'affirme déjà le rapport de la Commission présenté en vue du Sommet de printemps en mars 2003 («Opter pour la croissance»), «il faudra favoriser tous les aspects de la chaîne de la connaissance – de l'éducation fondamentale à la recherche avancée, en passant également par des financements de compétences en matière de gestion des entreprises».

5.4

Aussi serait-il important également d'arriver à harmoniser les critères relatifs aux systèmes fiscaux, où les principes d'équité, de proportionnalité et d'efficacité sont universellement garantis, contrôlés également au niveau européen et soutenus par les citoyens européens.

5.5

Un système fiscal national, contrôlé au niveau européen, garantit non seulement une évolution saine des dépenses courantes, mais aussi, potentiellement, une participation importante aux investissements publics destinés à relancer le système économique dans son ensemble et l'emploi au niveau national et européen.

5.6

Une politique fiscale saine limite au maximum l'utilisation de mesures «una tantum», d'amnisties fiscales, etc., susceptibles d'encourager des modes de gestion irresponsables des politiques nationales budgétaires.

5.7

Il conviendra d'indiquer à cet égard quels sont les investissements utiles à la croissance; il faudra établir de concert des critères communs à tous les pays européens, bien que, de toute évidence, les réalités et les besoins de croissance varient d'un pays à l'autre. Ceci pourrait impliquer également une réflexion sur un rôle différent pour la BCE, non plus uniquement comme «gardienne» de la politique monétaire mais comme instrument stratégique pour la croissance et le développement économique et pour soutenir la Commission, laquelle verrait se renforcer son rôle de suivi et d'évaluation ex ante et ex post des investissements stratégiques.

5.8

Le Comité économique et social européen estime dès lors qu'il convient de favoriser la réalisation de tout le potentiel de croissance économique et de l'emploi, tout en préservant dans le même temps la stabilité macroéconomique, particulièrement dans la zone euro.

5.9

À cette fin, les investissements nécessaires exigent des gouvernement nationaux davantage de coopération macroéconomique, l'adoption d' un consensus, de normes communes et de comportements «vertueux» et harmonisés. Au niveau européen, la méthode ouverte de coordination pourrait représenter l'un des instruments les plus souples pour la définition des interventions utiles à la relance de l'économie et de l'emploi.

5.10

L'objectif consiste à tendre à la croissance et à la cohésion économique et sociale sur la base d'un socle commun, partagé et défini conjointement par tous les acteurs sociaux (institutions nationales et supranationales, gouvernements, partenaires sociaux et groupes d'intérêt), dans le respect des règles communautaires.

5.11

Le Comité économique et social européen pourra jouer un rôle important dans sa fonction reconnue et consolidée de consultation et de suivi des parcours définis par le Pacte de stabilité et de croissance.

à Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Cf. Marco BUTI «Maastricht's fiscal rules at ten: an assessment» Vol. 40, no 5 — Décembre 2002.

(2)  JO no C 287 du 22 septembre 1997, p. 74.

(3)  FITOUSSI «La règle et le choix», Seuil 2002.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Mis aux voix, l'amendement suivant a été rejeté au cours des débats (cf. article 54, paragraphe 3 du règlement intérieur).

Paragraphe 5.2

Remplacer ce paragraphe par le texte suivant:

«Une reconsidération des règles du pacte, et de l'application de ces règles, devrait tenir compte de la nécessité d'adopter des politiques budgétaires suffisamment flexibles, qui soutiennent une stratégie commune de croissance à moyen terme et de cohésion. Les règles modifiées devraient définir clairement ce qui constitue un déficit budgétaire, de manière à permettre les emprunts à des fins de financement des investissements stratégiques, dans le cadre de l'application d'une politique macroéconomique discrétionnaire anticyclique et à rester extérieur aux mesures de court terme sur l'échelle autorisée des déficits courants».

Résultat du vote

Voix pour: 43, Voix contre: 61, Abstentions: 8.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/116


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs»

(COM(2003) 698 final — 2003/0278 (CNS))

(2004/C 110/20)

Le 1er décembre 2003, conformément à l'article 37, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2004 (rapporteur: M. Fernando MORALEDA QUILEZ, corapporteurs: M. Christos FAKAS, M. Adalbert KIENLE et Mme Maria Luísa SANTIAGO).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant avec 58 voix pour, 7 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1

Le 26 juin 2003, à Luxembourg, les ministres européens de l'agriculture ont adopté une réforme fondamentale de la PAC en laissant aux États membres une marge de manœuvre pour sa mise en oeuvre pendant la période 2005 à 2007. L'accord incluait également une déclaration commune du Conseil et de la Commission pour certaines productions pour lesquelles les mêmes principes et normes étaient maintenus ainsi que le même horizon budgétaire à long terme (2013) et le cadre financier actuel (statu quo).

1.2

La Commission précise dans l'exposé des motifs de la proposition de règlement à l'examen que depuis 1992, la politique agricole commune (PAC) fait l'objet d'un processus de réforme fondamentale qui a pour objectif le passage d'une politique de soutien des prix et de la production à une autre plus globale de soutien aux revenus des agriculteurs. Relevant de cette tendance, on peut citer l'adoption du règlement (CE) no 1782/2003, établissant les dispositions communes applicables aux régimes d'aide directe dans le cadre de la politique agricole commune et instaurant certains régimes d'aide aux agriculteurs.

1.3

Le découplage de l'aide directe au producteur et l'introduction d'un régime de paiement unique constituent des éléments essentiels du processus de réforme de la politique agricole commune. À la suite du processus de réforme engagée, la Commission propose l'intégration des régimes d'aide actuels pour le coton, l'huile d'olive, les olives de table, le tabac et le houblon dans le règlement mentionné.

2.   Observations générales

2.1

Le CESE tient à rappeler que la politique agricole commune a pour finalité la réalisation des objectifs énoncés dans le traité instituant la Communauté européenne et en particulier, la stabilisation des marchés, l'accroissement de la productivité, la garantie de niveaux de vie équitables pour les agriculteurs, une augmentation de leurs revenus, objectifs dont la réalisation serait sérieusement compromise si les propositions formulées par la Commission pour les secteurs en question venaient à être appliquées, dès lors que la proposition de réforme ne garantit ni la production de ces cultures pas plus qu'elle ne prend en considération les producteurs situés dans les zones défavorisées ou qu'elle n'augmente la compétitivité et respecte l'environnement.

2.2

Les travaux préparatoires pour la réforme de juin ont consisté dans certains cas à évaluer l'impact qu'aurait pour les exploitations et les territoires l'application de l'un ou l'autre modèle. Ainsi, le Parlement européen, au cours de l'audition de septembre dernier sur le thème de «L'évolution des revenus des exploitations agricoles de l'Union européenne» a recommandé pour les futures réformes d'accorder une plus grande attention à l'analyse et à l'évaluation de leurs conséquences. Le CESE tient à rappeler que cet aspect n'a pas été pris en considération et il recommande de veiller à ce que cette situation ne se reproduise plus à l'avenir.

2.3

Selon le CESE, le découplage des aides dans les secteurs envisagés, sous les formes proposées, provoquerait toute une série de problèmes et d'inconvénients, dont certains peuvent être soulignés: l'aide historique par exploitation prévue est calculée en prenant pour référence une période antérieure et n'élimine par conséquent pas les déséquilibres territoriaux et sociaux existants actuellement, voire risque de les accroître; elle serait tout particulièrement préjudiciable à l'intégration des jeunes agriculteurs; elle aurait des effets négatifs sur les terres en fermage et compromettrait le maintien de la production dans certaines zones et régions.

2.4

Les productions agricoles envisagées dans la proposition s'appuient sur un large tissu social, tant du point de vue de la production que de la transformation et de l'élaboration. Aussi, s'agit-il de cultures à caractère éminemment «social» en raison de l'emploi qu'elles créent, s'agissant d'activités à forte intensité de main-d'œuvre et qui sont prédominantes dans certaines régions de l'Union européenne. Le CESE estime que les répercussions sociales et en termes d'emplois que pourraient avoir les réformes proposées seraient particulièrement graves et que leur gravité serait accentuée du fait que ces cultures sont situées dans des zones enregistrant des taux de chômage élevés.

2.5

En effet, la majorité des secteurs concernés par la proposition de la Commission sont situés dans des régions méditerranéennes, qualifiées de régions moins développées, de zones défavorisées du fait de leur dépeuplement ou de zones de montagne. Pour cette raison, le CESE estime que la Commission devrait prendre en considération les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2002, dans lesquelles il est souligné qu'il faut défendre les intérêts des producteurs des régions défavorisées de l'UE actuelle à 15.

2.6

La Commission entend renforcer le deuxième pilier de la PAC, c'est-à-dire le développement rural, au prix d'une réaffectation des fonds destinés aux secteurs concernés à des mesures envisagées dans le règlement (CE) no 1257/1999 sur le développement rural. Toutefois, le CESE estime que le vrai moteur du développement rural dans les régions concernées est le maintien de l'activité socio-économique actuelle sur la base des productions existantes. Aussi considère-t-il qu'il est prioritaire, dans le cadre des réformes actuelles, de garantir et de renforcer la polyvalence, au sens le plus large du terme, suivant en cela en définitive les conclusions des Conseils de Luxembourg (1997) et de Berlin (1999).

2.7

Avec les nouvelles considérations d'ordre environnemental récemment approuvées en ce qui concerne les aides directes, tant pour ce qui a trait à la conditionnalité du point de vue environnemental qu'au respect des bonnes pratiques agraires compatibles avec la conservation des ressources naturelles, l'on garantit une gestion soutenable des terres occupées par les cultures en question.

2.8

De plus, compte tenu de la décision du Conseil européen de Göteborg d'ajouter à la stratégie de Lisbonne (stratégie pour la réforme économique et sociale) une dimension environnementale, le CESE estime que la stratégie de développement durable dans l'UE doit préserver l'équilibre entre la croissance économique, le bien-être, la justice sociale et la protection de l'environnement, aspects qui doivent être pris en considération dans la proposition de la Commission afin de maintenir le tissu social et économique et de garantir la conservation des ressources naturelles dans les régions où sont situées ces cultures mentionnées dans le document à l'examen.

2.9

Le CESE est d'avis que si les superficies cultivées devaient être réduites dans les secteurs considérés, il en résulterait de graves conséquences pour les autres secteurs agricoles qui pourraient cultiver sur ces superficies, dès lors que les cultures seraient dans leur grande majorité contingentées, ce qui entraînerait de nouvelles distorsions de concurrence et des répercussions de nature économique, sociale voire environnementale.

2.10

Le CESE estime qu'il est nécessaire de réaliser une série d'analyses spécifiques par secteurs et régions sur les éventuels effets des différents niveaux de découplage des aides (effets sur le marché, le territoire, l'emploi, l'environnement, etc.), à titre d'étape préalable, avant d'arrêter des décisions de modification des mécanismes actuels. Plus particulièrement, une évaluation d'impact territorial des mesures proposées revêt une importance vitale. Selon le CESE, le découplage total des aides risque de provoquer une réduction des productions mentionnées dans les zones déjà défavorisées, entraînant des effets négatifs indésirables du point de vue de l'environnement, parmi lesquels l'on peut détacher l'accélération de la désertification dans des zones agricoles fragiles et qui connaissent des processus d'érosion croissante.

2.11

Lorsqu'elle prend des références historiques tant en termes de superficies que de quantités produites, la Commission ne doit pas oublier la réalité productive des différents secteurs, d'où la nécessité de prendre en considération les différentes données qui sont à la base des statistiques des dernières années.

2.12

Compte tenu des prescriptions du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil établissant des dispositions communes applicables aux régimes d'aides directes dans le cadre de la politique agricole commune, le CESE estime, en ce qui concerne la possibilité offerte aux États membres de fixer la date d'entrée en vigueur du nouveau régime d'aides entre 2005 et 2007, que cette faculté doit être assouplie par rapport aux autres secteurs dans lesquels s'appliquent des dispositions similaires.

2.13

Le CESE rappelle qu'au vu de l'échec de la conférence ministérielle de Cancún, l'on a du mal à comprendre que la Commission maintienne les mêmes principes que ceux qui ont présidé au démarrage des négociations sans en tirer, comme il serait logique de le faire, les conclusions qui s'imposent quant à l'opportunité de la stratégie suivie par l'Union européenne.

2.14

Enfin, le CESE fait valoir la nécessité de prévoir pour les décisions adoptées en juin le même traitement que pour les secteurs actuellement concernés par les réformes, afin de laisser aux États membres la marge de manœuvre nécessaire pour l'application de celles-ci.

COTON

3.   Description succincte de la proposition

3.1

La Commission propose, comme on sait, que sur les dépenses du Feoga consacrées au coton, la part qui était destinée au soutien des producteurs pendant la période de référence 2000-2002 soit affectée au financement de deux mesures destinées à soutenir le revenu des producteurs, à savoir le régime de paiement unique par exploitation et un nouveau soutien à la production, accordé sous la forme d'une aide à la surface. L'enveloppe globale disponible, pour les deux dispositifs, s'élève à 695,8 millions d'euros et se répartit comme suit: 504,4 millions d'euros pour la Grèce, 190,8 pour l'Espagne et 0,565 pour le Portugal.

3.2

Il est proposé que, pour chaque État membre, 60 % de ces dépenses de soutien aux producteurs soient transférées au régime d'aide unique par exploitation, qui prendra la forme de nouveaux droits et sera accordée à son bénéficiaire, qu'il pratique ou non la culture du coton. Un montant total de 417,3 millions d'euros sera versé dans ce dispositif d'aide unique, soit 302,4 pour la Grèce, 114,5 pour l'Espagne et 0,365 pour le Portugal.

3.3

Quant aux 40 % restants des dépenses de soutien, à savoir 202 millions d'euros pour la Grèce, 76,3 pour l'Espagne et 0,2 pour le Portugal, ou un total de 278,5 millions d'euros, la Commission propose que les États membres les conservent en tant qu'enveloppes budgétaires nationales destinées à octroyer aux producteurs la nouvelle aide fondée sur la surface (aide à l'hectare de coton) dans les zones adaptées à cette culture, afin qu'elle ne soit pas délaissée. La nouvelle aide à la surface est assortie d'une limite de superficie éligible de 425.350 hectares, se décomposant en 340.000 hectares pour la Grèce (soit une diminution de 11 % des surfaces admissibles pour la période de référence), 85.000 hectares pour l'Espagne (soit une diminution de 5 %) et 360 hectares pour le Portugal.

3.4

Enfin, la Commission propose de faire glisser des ressources se montant à 102,9 millions d'euros (82,68 pour la Grèce, 20,13 pour l'Espagne et 0,12 pour le Portugal) vers le deuxième pilier, pour des mesures de restructuration du secteur s'inscrivant dans le cadre du développement rural.

4.   Introduction

4.1

Le secteur cotonnier n'est pas régi par une organisation commune de marché mais par les protocoles 4 et 14 qui sont annexés aux actes d'adhésion de la Grèce, pour le premier, et de l'Espagne, dans le cas du second. Ils ont servi de base à l'instauration d'un régime visant:

à soutenir la production de coton dans les régions où elle est importante pour l'économie agricole,

à assurer un revenu équitable aux producteurs concernés,

à stabiliser le marché par l'amélioration des infrastructures au niveau de l'offre et de la mise en marché du produit.

4.2

Avec l'accord de Luxembourg sur la réforme de la PAC, conclu le 26 juin 2003, l'agriculture européenne s'est engagée sur la voie du découplage entre les aides et la production. Ce compromis comportait aussi une déclaration commune du Conseil et de la Commission (paragraphe 2.5) (1) concernant le deuxième paquet de propositions que cette dernière devait lancer à propos des produits méditerranéens (tabac, coton, huile d'olive),

suivant des principes et des règles identiques,

dans le même horizon à long terme (2013),

dans les limites du cadre budgétaire en vigueur (statu quo).

4.3

Le CESE considère que le respect intégral de l'accord constitue un impératif absolu et exhorte la Commission à faire preuve de la souplesse voulue dans la phase de négociation au Conseil, ainsi qu'à rectifier les fortes déviations qui affectent sa proposition, pour ce qui est des modalités comme du calendrier de mise en oeuvre de la réforme. Les revendications du CESE n'ajoutent mais ne retranchent rien non plus aux décisions arrêtées le 26 juin 2003 à l'unanimité pour les autres secteurs de la PAC.

5.   Observations générales

5.1

Le coton constitue un domaine d'activité d'une grande portée économique et sociale pour certaines régions de l'UE. Il occupe quelque 300.000 personnes dans le secteur primaire et plus de 100.000 dans le secondaire. En 2002, il a assuré 9 % de la production agricole totale de la Grèce et 1,5 % de celle de l'Espagne, ce pourcentage grimpant à 4 % dans le cas de l'Andalousie.

5.2

Le nombre d'exploitations atteint le chiffre de 71.600 en Grèce et de 10.000 en Espagne, avec cette différence que leur taille moyenne est nettement plus modeste dans le premier pays que dans le second, puisqu'elles y couvrent respectivement 4,9 et 9 hectares.

5.3

Le CESE ne partage pas l'analyse de la Commission, pas plus qu'il ne la suit lorsqu'elle estime que les superficies cultivées ne régresseront pas. En Grèce, elles n'ont cessé de reculer au cours de ces dernières années, passant de 440.000 hectares en 1995 à 380.000 hectares aujourd'hui. Il en a été de même en Espagne, où les surfaces consacrées à la culture du coton sont aujourd'hui de 90.000 hectares, contre 135.000 en 1988. En conséquence, le CESE juge que la proposition de diminuer les surfaces pouvant prétendre aux aides est dépourvue de toute justification et de tout fondement, surtout si elle doit s'effectuer à des taux différents pour chaque pays (11 % en Grèce et 5 % en Espagne).

5.4

Sur la scène internationale, l'UE ne joue qu'un rôle modeste comme productrice de coton, puisqu'elle ne compte que pour quelque 1,5 % des superficies cultivées et environ 2,5 % de la production cotonnière mondiale, qui est assurée principalement par la Chine (22,6 %), les États-Unis (20,1 %), l'Inde (13,1 %) et le Pakistan (9 %).

5.5

Avec ses importations de 708.000 tonnes et ses exportations de 227.000 tonnes de coton égrené, l'UE constitue le premier importateur net sur le plan mondial. On notera que les deux tiers des quantités importées proviennent de pays en développement et sont exemptées de droits. Il convient également de souligner que le coton européen est exporté sans subventions à l'exportation. Le CESE ne partage pas le point de vue de la Commission et n'arrive pas à concevoir comment le commerce mondial pourrait souffrir de distorsions alors que l'UE importe du coton en franchise de droits et dans de proportions tellement importantes et n'en exporte qu'en très petites quantités, sans aides pour ce faire.

5.6

Le CESE rappelle que lors de la Conférence ministérielle de Cancún, le régime d'aides au coton européen a été injustement attaqué, sans nul doute en raison de la stratégie d'alignement sur les États-Unis suivie par l'UE. Le CESE estime dès lors totalement injustifiée et infondée, dans le cas de l'UE, toute l'agitation produite par l'initiative que quatre États africains (le Burkina Faso, le Bénin, le Mali et le Tchad) ont lancée dans le cadre des négociations de l'OMC à Cancún en vue d'une suppression des aides au coton. Il ne se trouvera aucun interlocuteur sérieux pour prétendre que quiconque puisse peser sur les prix internationaux en n'assurant que 2,5 % de la production mondiale.

5.7

Le coton constitue la principale fibre textile de provenance naturelle qui devra gagner continuellement du terrain par rapport à celles d'origine synthétique. Même si une marge de progression existe encore dans ce domaine, celui qui est produit dans l'UE présente une bonne qualité, dans la mesure où l'industrie textile européenne a besoin d'une excellente matière première pour affronter la concurrence internationale. Sur ce point, le CESE endosse toutes les propositions formulées par la Commission en faveur de nouvelles améliorations qualitatives.

5.8

Le 22 mai 2001, le Conseil a adopté le règlement no 1051/2001, qui a revu le régime de l'aide en faveur du coton. Le nouveau dispositif a fonctionné de manière satisfaisante, du point de vue de la productivité des exploitations comme de la limitation des superficies cultivées et de la réduction des nuisances environnementales. Le CESE ne voit pas pourquoi deux ans plus tard, la Commission propose un système totalement différent, sans avoir eu au moins connaissance des résultats produits par la mise en oeuvre de la réforme de 2001. Il fait également remarquer que la Commission n'a pas assorti sa proposition d'une étude d'impact comme elle l'avait fait pour les secteurs réformés en juin 2003 et pour celui du tabac.

6.   Observations particulières

6.1

La Commission propose un redéploiement de ressources de 102,9 millions d'euros du premier vers le second pilier. En substance, elle pénalise doublement les producteurs de coton, qui contribuent déjà au développement rural par le biais du règlement horizontal et de la modulation des aides (qui seront réduites de 3 % en 2005, de 4 % en 2006 et de 5 % en 2007 et au-delà, lorsque le paiement unique dépasse un montant annuel de plus de 5.000 euros). Pareille disposition ne se retrouve dans aucun autre secteur que celui du tabac et du coton. Le CESE y voit une entorse à l'accord de Luxembourg et invite la Commission à revoir sa position.

6.2

Le CESE est d'avis qu'indépendamment des mesures horizontales obligatoires qui sont prévues pour protéger l'environnement, les programmes environnementaux complémentaires que les États membres pourront mettre en oeuvre stimulent l'effort de contrôle de la production ainsi que la protection du milieu. Dans la détermination des superficies éligibles aux aides, il faudra également prendre en compte, à côté des autres critères à appliquer, les caractéristiques socio-économiques des productions concernées.

6.3

Le CESE juge inacceptable la clause de révision spécifique, concernant les seuls produits méditerranéens. Il demande dès lors la suppression de l'article 155 bis, relatif à des propositions législatives à présenter avant le 31 décembre 2009, et propose en lieu et place que ces productions soient incluses dans le champ d'application des dispositions de l'article 64, paragraphe 3, du règlement horizontal (no 1782/2003), qui prévoit la présentation d'un rapport d'évaluation.

7.   Conclusions

7.1

Le coton cultivé dans l'Union européenne ne peut détenir une position concurrentielle sur le marché mondial, étant donné que ses coûts de production sont nettement plus élevés que ceux des autres pays concurrents. On se doit de signaler que les autres pays producteurs développés (essentiellement les États-Unis) apportent à leur coton des subventions dont l'ampleur atteint plusieurs fois celles de l'UE, tandis que dans les États en développement, les frais de production sont très faibles à cause du dumping social.

7.2

Le CESE estime que le principe de l'ouverture commerciale totale et celui du découplage des aides et de la production ne peuvent être recommandés dans le cas d'un secteur comme le coton qui est affecté par des fluctuations d'une telle ampleur pour ce qui est de l'évolution des prix internationaux et par un contraste aussi marqué entre ceux appliqués à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union.

7.3

Dans l'hypothèse où, en dépit des observations que l'on vient de formuler, la Commission persiste dans sa volonté d'inscrire également le secteur du coton dans la démarche du découplage, le CESE réclamera alors une application sans faille de l'accord de Luxembourg du 26 juin 2003, tant pour ce qui touche aux modalités de sa mise en oeuvre que pour son calendrier d'application.

7.4

De l'avis du CESE, tous les rebondissements qui, dans le domaine du coton, ont émaillé les tractations de l'OMC à Cancún ne sauraient fournir le cadre approprié dans lequel la négociation concernant cette culture pourra se dérouler au sein du Conseil des ministres. Avec 1,5 % de la superficie plantée en cotonniers à travers le monde et 2,5 % de la production cotonnière planétaire, l'UE joue un rôle des plus effacés sur la scène internationale dans ce secteur et n'influe absolument pas sur les prix internationaux. Le CESE estime que de telles approches n'aident absolument pas les pays en développement mais n'aboutissent qu'à battre en brèche et invalider le modèle agricole européen. Il juge dès lors que le coton ne peut être traité comme un secteur à traiter en tant que tel dans les négociations de l'OMC mais doit être inclus dans le chapitre de ces tractations relatif à l'agriculture.

HUILE D'OLIVE

8.   Introduction

8.1

La première Organisation commune du marché de l'huile d'olive, établie en 1966 par le règlement no 136/66/CEE, a fonctionné pendant 31 ans et elle a eu un impact très positif sur la modernisation de la culture des olives ainsi que sur le secteur de la transformation et de la commercialisation de ce produit.

8.2

En 1998, le régime d'intervention à été remplacé par un mécanisme de stockage privé, les aides à la consommation ont été supprimées et les restitutions à l'exportation ont été fixées à zéro.

8.3

L'aide à la production, octroyée à tous les producteurs sur la base des quantités d'huile d'olive produites et de l'équivalent en olives de table, est de 1.322,5 d'euros par tonne, cette valeur étant corrigée toutes les fois que les États membres dépassent leur QNG.

8.4

Le secteur de l'olive ne fait pas partie du paquet de la réforme, approuvé au Conseil de Luxembourg, mais ce même Conseil a invité la Commission à présenter dans le courant 2003 une proposition de réforme de l'OCM de l'huile d'olive fondée sur les principes de la nouvelle PAC.

9.   La proposition de la Commission

9.1

La Commission propose:

que les aides attribuées au secteur soient indépendantes de la production effective d'huile d'olive et d'olives de table de chaque oléiculteur;

que l'attribution de l'aide n'oblige pas à la cueillette des olives ni à la production de l'huile d'olive ou d'olives de table;

que le paiement des aides ne dépende que du respect des normes de bonnes pratiques agricoles.

9.2

Cependant, dans la crainte que le découplage total de l'aide provoque des problèmes tels que l'abandon de cette culture dans certaines zones productrices traditionnelles, conduise à une dégradation de la couverture du sol et du paysage et qu'il ait des impacts sociaux négatifs, la Commission a établi deux types d'aide:

une aide directe aux agriculteurs, découplée, égale à 60 % de la moyenne des paiements effectués pendant la période de trois ans 2000 à 2002;

une aide à l'hectare liée au maintien des oliveraies présentant un intérêt environnemental et social dûment reconnu, égale 40 %, qui sera exprimée en nombre d'olive SIG-ha. Il appartiendra aux États membres de la gérer en fonction de catégories éligibles (jusqu'à un maximum de cinq catégories) qu'ils établiront selon des critères environnementaux et sociaux, y compris en tenant compte des aspects liés au paysage et aux traditions.

9.3

Craignant que le nouveau système d'aide puisse altérer l'équilibre fragile du marché de l'huile d'olive, la Commission limite l'accès au régime de paiement unique aux seules superficies oléicoles qui existaient déjà avant le premier mai 1998 ainsi qu'aux nouvelles plantations prévues dans le cadre des programmes approuvés par la Commission.

9.4

La nouvelle législation proposée entrera en vigueur à l'expiration du règlement 136/66/CEE et à l'issue d'une campagne de commercialisation intermédiaire de 8 mois en 2004 (1/11/2004-30/6/2005).

9.5

Les mesures actuelles de stockage privé de l'huile d'olive devront être maintenues et il faudra renforcer les mesures actuelles visant à une augmentation de la qualité.

10.   Observations générales

10.1

Le CESE juge très positive l'affirmation de la Commission selon laquelle le secteur de l'huile d'olive est un élément clé du modèle agricole de l'Union européenne ainsi que la référence au fait que même si les restitutions à l'exportation ont été fixées zéro depuis 1998, les exportations d'huile d'olive de l'Union européenne ont doublé ces dix dernières années.

10.2

L'effort de développement réalisé dans le secteur en faveur de la qualité et de l'organisation du marché ainsi que de l'extension des marchés existants et de la conquête de nouveaux, conjugué à la reconnaissance des propriétés de l'huile d'olive dans la prévention des maladies, notamment cardio-vasculaires, a considérablement pesé dans l'augmentation progressive de la consommation mondiale de ce produit.

10.3

Le CESE rappelle que le rôle des oliveraies dans la création de l'emploi, dans la lutte contre la désertification et dans la protection de la biodiversité a également été largement mis en lumière dans certains de ses avis antérieurs, notamment en ces termes: «Le CESE fait valoir que l'oliveraie est la superficie boisée productive la plus méridionale de l'UE, et qu'elle joue un rôle social et environnemental important dans des régions où il est difficile, voire impossible, de la remplacer par d'autres cultures; de plus, elle permet le maintien et la fixation de la population rurale» (2).

10.4

En ce qui concerne la réforme actuelle de la Politique agricole commune également, le CESE a averti la Commission à plusieurs reprises, dans son avis d'initiative sur «l'avenir de la PAC» (3) comme dans ses avis relatifs à la «révision à mi-parcours de la PAC» (4) et la «révision de la PAC 2003» (5), qu'un découplage total des aides pourrait entraîner dans certaines régions et pour certaines cultures un abandon de la production avec de graves conséquences pour l'emploi et le tissu social des zones rurales environnantes.

10.5

Ce risque élevé et évident est contraire à l'objectif principal de toute réforme d'une OCM, à savoir maintenir une production et le tissu social qu'elle soutient, en particulier lorsque cette production se trouve dans des régions parmi les plus défavorisées de l'Union et qu'il s'agit d'une culture fortement dépendante du facteur main-d'œuvre (qui peut atteindre 90 % des postes de travail du secteur agricole).

10.6

Le CESE constate avec satisfaction que la Commission a pris cette crainte en considération et a jugé plus prudent de proposer pour certains des secteurs couverts par la proposition approuvée au Conseil de Luxembourg, le découplage partiel des aides, avec la possibilité pour chaque État membre de fixer le pourcentage découplé des aides.

10.7

Le Comité est surpris de constater que ce critère n'a pas été adopté dans la proposition de règlement à l'examen.

10.8

L'attribution d'une aide additionnelle de 40 % à l'oliveraie, totalement découplée de la production, va certainement entraîner, en particulier dans les zones de très faible productivité et/ou de coûts de production très élevés, l'abandon technique inévitable de cette culture.

10.9

En effet, ces zones dépendent d'un ensemble complexe de multiples facteurs qui entraînent pour cette culture des charges considérables supplémentaires de nature à encourager l'abandon éventuel de cette activité économique.

10.10

Parallèlement, un tel scénario impliquera la fermeture d'unités de transformation qui sont associées à cette culture, du fait de l'absence de matières premières, conduisant à un abandon forcé des exploitations qui présentaient encore une certaine compétitivité productive.

10.11

Le CESE invite la Commission à atteindre les buts assignés dans la refonte du règlement 136/66 par le règlement 1938/98, qui a donné lieu à une période transitoire, dont l'objectif était de donner du temps à la Commission pour obtenir des données précises sur la réalité de la production oléicole dans l'Union européenne et pouvoir ainsi concevoir un nouveau système basé sur des arguments solides, s'appuyant sur la réalité productive du secteur et les données statistiques des dernières années.

11.   Observations particulières

11.1

Le CESE attire l'attention sur le fait qu'à l'article 155A, Titre IV — A Transferts financiers A, il est prévu que la Commission présente au Conseil, d'ici le 31 décembre 2009, un rapport sur l'exécution du règlement à l'examen accompagné, le cas échéant, de propositions législatives.

11.2

Le CESE juge inacceptable la clause de révision spécifique applicable uniquement aux produits méditerranéens et réclame sa suppression. Il propose à la place que ce secteur soit inclus dans le champ d'application de l'article 64, paragraphe 3, du règlement horizontal (n 1782/2003), qui prévoit la présentation d'un rapport d'évaluation.

11.3

L'on ne comprend pas que dans un secteur productif aussi sensible, qui n'a d'importance que pour les pays méditerranéens, et exclusivement pour ceux-ci, il ne soit pas permis aux États membres d'utiliser, en ce qui concerne les 40 % d'aide destinée à la protection de la valeur environnementale et sociale, un système semblable à celui qui est prévu aux articles 66-67-68 de la section 2 du chapitre V du Règlement 1782/2003 du 29 septembre 2003 (grandes cultures, ovins et caprins et bovins), en fonction duquel chaque État membre pourra décider du pourcentage d'aide couplée qu'il souhaite.

11.4

En effet, le découplage total de la production peut impliquer, en particulier dans les zones de faible productivité, un risque réel d'abandon de la culture avec de graves conséquences du point de vue de l'emploi local et de l'industrie environnante ainsi qu'en termes d'occupation du territoire. Par ailleurs, nous estimons qu'il est nécessaire d'appliquer le principe de subsidiarité pour ce qui est des aides additionnelles de manière à ce que ces aides soient distribuées selon des critères définis par chaque État membre, tant en ce qui concerne la quantité que le système d'aide. En tout état de cause, cette aide doit assurer:

la pérennité de l'activité productive des oliveraies et de l'industrie annexe, en garantissant, par les contrôles voulus, la transparence du marché et la traçabilité du produit,

le maintien des oliveraies à faible rendement, qui jouent un rôle primordial du point de vue socio-économique et environnemental.

11.5

Pour cette raison, le CESE insiste pour que, comme dans le règlement 1728/2003 du 29 septembre 2003, la possibilité soit donnée aux États membres de décider du pourcentage d'aide couplée à la production et de la campagne pendant laquelle doit s'appliquer le paiement unique.

11.6

Le CESE est d'avis que les dispositions du Conseil, notamment ce qui concerne l'éligibilité des superficies de nouvelles plantations autorisées par le Conseil en 1998 ainsi que la dotation y relative, devraient être envisagées.

11.7

Le CESE estime que les fonds de l'OCM actuelle correspondant aux mesures que l'on entend supprimer, comme les restitutions à l'exportation, les aides à l'utilisation d'huile d'olive dans les conserves et au financement des agences de contrôle doivent demeurer dans l'enveloppe financière du secteur attribuée à chaque État membre.

TABAC

12.   Résumé des propositions de la Commission

12.1

La proposition de règlement à l'examen prévoit le découplage total des aides suivant le schéma déjà exposé dans la communication de la Commission du mois de septembre dernier (6). L'on envisage pour le secteur du tabac un découplage graduel en trois phases.

12.2

De même, l'on prévoit la création d'une enveloppe destinée à la restructuration du secteur du tabac, composée d'un pourcentage retenu de la prime actuelle, qui sera gérée dans le cadre des mesures de développement rural, avec pour mission fondamentale la reconversion des régions productrices de tabac.

12.3

De même, la proposition de Règlement prévoit une révision de la réforme actuellement proposée pour l'an 2009.

13.   Introduction

13.1

Le CESE tient à signaler:

Que le tabac est une plante annuelle dont la culture a des répercussions sociales très importantes dans toute l'Europe. Même la Commission possède des études où l'importance sociale et culturelle de cette culture, qui étaye, dans les zones productrices, un réseau important de services, est reconnue. En Europe 453.887 (7) postes de travail sont directement liés à la production du tabac et il faut rappeler que 80 % du tabac européen se cultive dans des régions classées dans la catégorie de l'objectif 1.

L'importance de la main-d'œuvre dans la culture du tabac est reconnue par la Commission elle-même, qui précise que cette culture fait partie des cultures à plus forte intensité de main-d'œuvre de la Communauté (8). En moyenne, l'agriculteur européen a besoin de 2.200 heures de travail annuel pour cultiver un ha alors qu'un agriculteur dont la culture fait partie du groupe des cultures générales ne doit investir que 147 heures pour cultiver un ha de sa production. En outre, pour la majorité des variétés, la main-d'œuvre représente entre 50 % et 70 % des coûts de production.

13.2

Le CESE estime qu'il faut rappeler la capacité de ce secteur à générer de l'emploi féminin dans la phase de transformation. Étant donné que cette culture est localisée à 80 % dans des régions défavorisées, le maintien de ces postes de travail fait que ces zones productrices sont plus dynamiques que celles de toute autre culture.

14.   Observations

14.1

Le CESE s'est prononcé à plusieurs reprises ces dernières années en la matière. Dans son avis le plus récent (CES 190/2002) (9), il soulignait déjà la nécessité de réaliser une étude sur le secteur dans laquelle la Commission évaluerait ses décisions compte tenu du fait que cette culture a une grande incidence régionale pour certaines zones défavorisées et constitue une source d'emplois. Aujourd'hui, l'on a réformé la PAC en découplant les aides de la production et nous attendons des études qui dissocient totalement la culture de l'habitude de fumer.

14.2

Le document de la Commission base la proposition relative au tabac sur une autre communication, celle qui concerne le développement durable présenté au Conseil européen de Göteborg de juin 2001 (10), le CESE rappelle qu'après la consultation juridique d'un certain État membre producteur, l'absence de décision quant à l'avenir du tabac au cours du sommet précité a été confirmée. En effet, le rapport des services juridiques du Conseil est précis lorsqu'il affirme qu'en définitive la Commission cherche à ce que le Conseil accepte, à travers le considérant 5 (élimination des aides au tabac), une mesure qui bien qu'elle ait été incluse et proposée dans sa communication au Conseil européen, celui-ci ne l'a non seulement pas acceptée mais l'a également expressément exclue (11).

14.3

Pour le CESE, la réforme de la PAC, décidée le 26 juin 2003 à Luxembourg, est l'un des éléments que la Commission a pris en considération au moment d'envisager la réforme de l'OCM actuelle du tabac. Les objectifs fondamentaux de la réforme repris dans l'exposé des motifs de la communication de septembre 2003 sont partiellement inaccomplis.

14.4

De même, concernant le tabac et la santé, le rapport d'évaluation et l'étude d'impact reconnaissent que l'OCM n'a aucune influence sur les chiffres du tabagisme. Actuellement, il n'existe pas de relations entre production et consommation; cette dernière dépend davantage des modes que de la culture du tabac. Il faut savoir que 20 % de la consommation européenne concerne la production communautaire, en liaison avec un système de soutien à la production de tabac brut.

14.5

Dans l'Accord-cadre pour le contrôle du tabagisme, approuvé à l'unanimité le 21 mai 2003 par les 192 membres de l'OMS, l'on a explicitement évité de se prononcer sur les subventions à la culture du tabac et exclu toute référence à celles-ci dans la rédaction finale de son article 17.

14.6

Le CESE reconnaît toutefois que l'opinion fait l'amalgame entre production et consommation et qu'il ne peut par conséquent manquer de faire valoir la nécessité urgente d'étendre et de renforcer les campagnes contre le tabagisme, en particulier celles qui sont destinées aux plus jeunes et à ceux qui sont le plus exposés au risque de dépendance.

14.7

Le CESE a constaté la faible utilisation des ressources du Fonds communautaire du tabac. En conséquence, il recommande vivement que les recettes fiscales considérables qui proviennent de ce produit soient utilisées au financement de programmes plus ambitieux de lutte contre le tabagisme.

14.8

Le CESE reconnaît que la disparition de la production communautaire de tabac pourrait signifier la disparition du tabac comportant le moins de résidus phytosanitaires au monde et produit de la manière la plus durable (du point de vue environnemental).

14.9

Sans une protection extérieure qualifiée ou sans une qualité particulière de la production, il sera difficile de rivaliser avec les producteurs des pays tiers qui pratiquent le plus souvent le dumping social, à savoir qu'ils exploitent une main-d'œuvre composée de femmes et d'enfants. Une étude de l'OMS (12) révèle qu'actuellement en Inde, 325.000 mineurs travaillent dans le secteur, dont 50 % sont âgés de moins de 7 ans; au Brésil, le nombre de mineurs travaillant dans le secteur s'élève à 520.000, dont 32 % n'ont pas 14 ans. L'on sait que de telles situations existent aussi dans d'autres pays comme la Chine, l'Indonésie, le Zimbabwe, l'Argentine, etc., qui sont les principaux pays producteurs de tabac.

14.10

Pour le CESE, la survie du secteur de la transformation primaire en Europe est directement liée au maintien de la culture du tabac dans la Communauté. Compte tenu des coûts très élevés de transport du tabac brut, un premier transformateur ne peut survivre en transformant du tabac importé. Si cette culture disparaît, l'on commencera à importer du tabac transformé, avec les conséquences évidentes sur ce secteur industriel et l'emploi qui lui est associé qui en découleront.

14.11

De plus, il n'existe pas d'alternative agricole économiquement viable pour cette culture, qui soit capable actuellement de générer seule les mêmes postes de travail et par conséquent de fixer la population en milieu rural comme le fait actuellement la culture du tabac. L'on ne peut à l'heure actuelle rechercher des alternatives à cette culture quand les autres cultures sont contingentées (à savoir qu'elles font l'objet de quotas de production et de pénalités en cas de dépassement de ceux-ci) et quand l'on propose une réforme sans avoir réalisé une étude rigoureuse sur le secteur. Cela témoigne clairement d'une volonté de réduire le budget consacré au secteur, tandis que les États membres continueront à prélever des impôts même si le tabac est importé des pays tiers.

14.12

Selon le CESE, il s'agit d'une proposition qui s'inscrit dans le cadre des politiques de développement durable et de santé derrière lesquelles se cache néanmoins une bonne dose de confusion car la consommation de tabac (par ailleurs source importante de recettes fiscales pour les États membres de la Communauté: 63.000 millions d'euros) ne peut ni ne doit être combattue à court terme en provoquant une crise grave dans les régions des cultivateurs européens, installés pour la plupart dans des zones rurales très défavorisées et qui ne reçoivent du budget communautaire que 955 millions d'euros.

14.13

Avant d'approuver le découplage total des aides, la Commission devrait présenter des mesures pour remédier aux conséquences que cela aura dans le secteur. Le CESE regrette qu'à l'heure actuelle, il ne soit proposé aucune autre solution que le changement de production.

14.14

À cet égard, le CESE souligne les bénéfices environnementaux du processus de culture du tabac en Europe, et la Commission elle-même reconnaît le risque que présente l'abandon de cette culture dans des régions montagneuses, qui représentent 30 % des régions de production du tabac. De même, selon des informations fournies par des experts du secteur (13), le tabac en Europe est quatre fois moins polluant que d'autres productions végétales.

14.15

L'étude d'impact (14) reconnaît que 81 % de la production mondiale de tabac est situé dans les pays en développement, lesquels consomment 71 % des cigarettes. Il faut également savoir que l'OCM du tabac n'a pas d'influence sur les prix mondiaux, que les mécanismes d'intervention et les restitutions à l'exportation ont disparu depuis une décennie et que la protection aux frontières et très faible.

14.16

Le CESE estime que la contribution de l'OCM du tabac au développement durable des régions productrices est très importante, dès lors qu'elle conjugue développement économique et respect de l'environnement et conditions de travail dignes, tout cela, essentiellement, pour la grande majorité, dans des régions défavorisées relevant de l'objectif 1.

14.17

De même, le CESE souligne la préoccupation croissante de la société européenne pour la qualité des produits, qui englobe les méthodes de production et les conditions de travail dans lesquelles ils sont produits.

15.   Conclusions

15.1

Le CESE signale le manque de cohérence dans la proposition de la Commission et les graves répercussions qu'elle aura dans les régions productrices ainsi que sur les revenus des producteurs de tabac.

15.2

Le CESE estime que d'après les études réalisées au sein du secteur du tabac, la proposition de la Commission ne prévoit aucune mesure pour remédier aux conséquences que le découplage total aura dans le secteur. C'est pour cela que le CESE estime que la Commission devrait proposer toutes les autres solutions possibles pour garantir l'avenir des agriculteurs et celui des régions concernées.

15.3

Le CESE estime que l'on a progressé quant au fait qu'il faut dissocier la culture du tabac en Europe et l'habitude de fumer. Toutefois, il reconnaît que l'opinion publique continue à faire l'amalgame.

15.4

Le CESE demande à la Commission d'envisager dans la réforme du tabac un système de découplage, qui tienne compte de l'importance sociale de la culture, en laissant une grande souplesse aux États membres, de manière à prendre en considération les différentes réalités productives.

15.5

Le CESE juge positif pour la réforme de l'OCM du tabac que la structure du secteur continue à être gérée comme à l'heure actuelle par des groupements de producteurs qui ont apporté un caractère fonctionnel et opérationnel à celui-ci.

15.6

Le CESE estime qu'il est sain que puisse exister à l'intérieur du secteur une mobilité en termes de transferts entre agriculteurs pour promouvoir une plus grande viabilité et compétitivité des exploitations à l'avenir et que puisse être confirmée l'option du rachat des quotas.

15.7

De même, le CESE réclame le maintien de la totalité du budget dans la sous-rubrique 1 a), laissant à l'État membre le choix d'utiliser un pourcentage pour le développement rural.

15.8

Étant donné l'importance écologique et sociale particulière de la culture du tabac dans les régions, il y a lieu d'établir une définition spécifique des exigences requises en ce qui concerne le maintien des sols dans un bon état agricole et écologique. Il convient également de prévoir des critères minimaux de garantie de l'emploi et de permettre l'acceptation de ces aides.

HOUBLON

16.   Introduction

16.1

Le houblon constitue une matière première indispensable au brassage de la bière. Cette plante (humulus lupulus) est une vivace grimpante, qui se cultive sur de coûteuses structures palissées. C'est elle qui confère à la bière son arôme, son amertume et ses vertus de conservation.

16.2

Le 30 septembre 2003, la Commission européenne a présenté un rapport (COM(2003) 571) sur l'évolution du secteur du houblon.

16.2.1

Dans ce document très complet, elle donne un excellent aperçu du secteur houblonnier et des réglementations qui régissent son organisation commune de marché.

16.3

L'évaluation qu'elle y effectue de ladite organisation aboutit à des conclusions positives.

16.3.1

Grâce à cette organisation, l'Union a réussi à accompagner positivement les adaptations considérables que le marché du houblon a connues ces dernières années. Les producteurs communautaires ont su préserver leur première place sur le marché mondial. Des mesures spéciales ont permis de mieux faire concorder l'offre et la demande. C'est l'exploitation familiale spécialisée, d'une superficie moyenne de 7,8 hectares, qui caractérise la culture houblonnière dans les huit États membres de l'UE qui la pratiquent. En face, du côté de la demande, c'est-à-dire des brasseries, elle se trouve confrontée à une forte concentration.

16.3.2

L'actuelle organisation commune du marché du houblon sert également de base à la mise en oeuvre du dispositif global de certification du produit, qui comporte notamment une garantie d'origine exhaustive pour chaque lot et un régime global d'assurance-qualité et de contrats.

16.4

Le fonctionnement de ce régime repose sur les groupements de producteurs, qui, de l'avis même de la Commission européenne, constituent la «cheville ouvrière» de l'organisation commune de marché du houblon. Ils assument effectivement une mission essentielle dans le régime global d'assurance-qualité et de contrats, avec sa certification globale du produit et sa garantie d'origine exhaustive pour chaque lot. La même appréciation s'applique en ce qui concerne le lancement et l'exécution de projets en matière de qualité, de culture, de recherche, de mesures phytosanitaires, de commercialisation et de techniques de production.

16.5

Depuis des années, les dépenses pour le secteur houblonnier ont pu être contenues à un niveau stable, qui se situe aux alentours de 13 millions d'euros l'an.

17.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

17.1

Jusqu'à présent, les cultures permanentes, telles que le houblon ou l'olivier, étaient exclues du champ d'application du règlement no 1782/2003. Les modifications qu'il est proposé d'y apporter auraient pour effet que ce règlement général sur les soutiens directs couvrirait dorénavant aussi ceux qui sont octroyés pour le houblon au titre du règlement no 1696/71 portant organisation commune de marché de cette culture.

17.2

La proposition de la Commission consiste à inclure intégralement la prime pour le houblon dans le régime de paiement unique, son montant restant fixé à 480 euros l'hectare.

17.3

La Commission préconise toutefois que les États membres aient la faculté, s'ils le souhaitent, de coupler à la production de houblon jusqu'à 25 % de la part du plafond national.

18.   Observations

18.1

Le CESE estime que la Commission agit de manière logique et cohérente lorsque dans le fil des «résolutions de Luxembourg» arrêtées le 26 juin 2003 pour la réforme de la politique agricole commune, elle entend incorporer dorénavant les aides directes pour le houblon dans le règlement général sur le soutien direct et les maintenir à leur niveau actuel. En toute hypothèse, il y a lieu d'apporter la garantie qu'en matière de production houblonnière, l'UE, avec ses nouveaux États membres, pourra conserver la tête au niveau mondial.

18.2

Le CESE reprend à son compte les conclusions du Conseil de Luxembourg et les arguments formulés par la Commission pour faciliter l'application d'un découplage partiel dans les secteurs présentant un risque particulier d'abandon de la production ou de déséquilibre. Le Comité serait dès lors favorable à ce qu'une certaine proportion des soutiens directs soit couplée à la production de houblon dans tous les États membres où elle se pratique.

18.2.1

De l'avis du CESE, le pourcentage de couplage partiel dans le secteur du houblon devrait être porté de 25 %, tel que prévu initialement par la Commission, à 40 %, de manière à prendre dûment en considération le travail indispensable effectué par les groupements. Par ailleurs, il conviendrait que les surfaces de houblonnières qui ont été arrachées dans le cadre du programme spécial entrent en ligne de compte pour le calcul du montant de référence.

18.2.2

Pour ce qui est de la possibilité laissée aux États membres de choisir entre un schéma de mise en oeuvre au niveau des exploitations (articles 51 à 57) ou des régions (article 58 et suivants), le CESE fait observer que si un pays optait pour cette dernière solution, les aides actuellement accordées pour le houblon »fondraient« de manière appréciable et seraient redistribuées au profit d'autres utilisations des terres concernées.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Réforme de la PAC, compromis de la présidence (en accord avec la Commission).

(2)  JO C 221 du 7 août 2001.

(3)  JO C 125 du 27 mai 2002.

(4)  JO C 85 du 8 avril 2003.

(5)  JO C 208 du 3 septembre 2003.

(6)  COM(2003) 554 final.

(7)  Livre blanc du tabac UNITAB.

(8)  COM(96) 554 — Rapport de la Commission au Conseil sur l'OCM dans le secteur du tabac brut.

(9)  JO C 94 du 18.4.2002, p 14 — 17.

(10)  COM(2001) 264 final.

(11)  Rapport des services juridiques du Conseil (2002) concernant la communication de la Commission sur le développement durable et les conclusions du Conseil européen de Göteborg au regard des considérants 5 et 6 de la proposition de règlement sur le tabac (traduction libre).

(12)  OMS-OIT.

(13)  Régime applicable aux secteurs du tabac. Évaluation élargie d'impact SEC(2003) 1023.

(14)  Voir note en bas de page no 9.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/125


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions concernant la transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique (du passage au numérique à l'abandon de l'analogique)»

(COM(2003) 541 final)

(2004/C 110/21)

Le 17 septembre 2003, la Commission européenne, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 3 février 2004 (rapporteur: M. GREEN).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant à l'unanimité.

1.   Historique

1.1

Le passage de l'analogique au numérique dans la radiotélédiffusion est un processus complexe dont les implications sociales et économiques dépassent largement le cadre d'une simple migration technique. Le remplacement de l'analogique par le numérique comporte de nombreux avantages en termes d'efficacité d'utilisation des fréquences et d'augmentation des possibilités de transmission, d'où amélioration de l'éventail des services, choix plus grand pour le consommateur et accroissement de la concurrence. Ces avantages sont exposés dans le plan d'action eEurope 2005. (1)

1.2

Le plan d'action eEurope 2005 a pour objectifs de donner à tous la possibilité de participer à la société de l'information, d'offrir un environnement favorable à l'investissement privé et à la création d'emploi, d'accroître la productivité et de moderniser le secteur public. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne cherche à stimuler le développement de services, d'applications et de contenus sécurisés sur la base d'une infrastructure à large bande accessible à tous.

1.3

La Commission ne se prononce toutefois pas sur un éventuel calendrier pour l'abandon des systèmes analogiques; c'est là une décision qui relève des États membres ou des autorités régionales. Le document porte en fait sur la diffusion terrestre.

1.4

Selon la communication de la Commission, le passage au numérique dans l'UE présente de nombreux avantages, mais ces derniers sont contrebalancés par un certain nombre de problèmes non négligeables liés à la migration. Dans certains cas, elle estime qu'une intervention politique ayant pour but de résoudre les problèmes est justifiée; de même, elle admet le bien-fondé d'exigences générales auxquelles les interventions en question doivent répondre.

2.   Observations générales

2.1

Le CESE estime avec la Commission que le passage d'un système à l'autre implique bien davantage qu'une simple migration technologique. Compte tenu du rôle de la radio et de la télévision dans la société moderne, les conséquences ne sont pas uniquement de nature économique mais aussi d'ordre social et politique. La transition aura une incidence sur l'ensemble des segments de la chaîne de valeurs de la radiotélédiffusion, à savoir la production du contenu, la transmission et la réception.

2.2

Dès lors, le passage d'un système à l'autre est un processus complexe, long, qui comporte de nombreuses variables et qui a une incidence sur tous les groupes de la société: consommateurs, entreprises, pouvoirs publics.

2.3

Dans un monde où les technologies de production et de consommation sont de plus en plus souvent numériques, l'on peut raisonnablement penser que la diffusion analogique sera peu à peu remplacée par la diffusion numérique.

2.4

En principe, la loi du marché et la demande des utilisateurs doivent être le moteur du processus de transition. Cela suppose de débattre de la fonction et du rôle des activités de service public et de les adapter à une situation où le développement technologique modifie les conditions du marché et donne naissance à de nouveaux services. Les pouvoirs publics ont néanmoins l'obligation de créer les conditions indispensables pour que, lorsque les marchés sont suffisamment mûrs pour accepter les risques de la transition, une transparence totale du processus de migration soit garantie, pour que la migration ne conduise pas à l'exclusion sociale, toutes les catégories de la population puissent profiter des bénéfices potentiels, les normes élevées de qualité soient respectées et enfin, pour que les règles de services public inhérentes aux services de radiotélévision soient garanties.

2.5

Toutefois le CESE reconnaît que, comme le souligne la Commission, notamment dans le domaine de la télévision, il existe un certain nombre de problèmes spécifiques. Certains sont dus au développement de la télévision numérique, d'autres sont propres à la télévision en général.

2.6

Traditionnellement, les techniques de diffusion étaient au nombre de trois: transmission terrestre, par câble ou par satellite. Chacune de ces techniques s'est répandue en fonction de l'environnement social et géographique. Jusqu'à présent, la télévision numérique s'est principalement greffée sur la télévision à péage par satellite. La croissance de la télévision à péage s'étant toutefois ralentie, il semble que la télévision numérique ait dès lors besoin de nouveaux leviers autres que la télévision à péage traditionnelle.

2.7

Le domaine de la télévision revêt une importance sur le plan politique et social, ce qui a généralement motivé des exigences minimales en matière de qualité et de pluralisme et entraîné une réflexion justifiée sur les dysfonctionnements du marché.

2.8

Il existe dès lors une tradition d'intervention politique au sein du secteur de la radio et de la télévision plus solide que dans d'autres secteurs de l'information et de la communication tels que par exemple les télécommunications. Nombreux sont les arguments qui plaident en faveur d'une éventuelle intervention politique coordonnée au niveau de l'UE; dans le même temps, il est important que chaque pays applique ses propres modalités de transition, en fonction de ses traditions propres et de sa situation existante, notamment en ce qui concerne les différents réseaux (satellite et câble).

2.9

D'où la nécessité de réaffirmer les principes généraux qui sous-tendent la politique audiovisuelle de la Commission, tels que formulés dans sa Communication du 14 décembre 1999 (COM(1999) 657 final), à savoir, proportionnalité, subsidiarité, séparation de la réglementation des infrastructures et du contenu, reconnaissance du rôle de la radiodiffusion de service public et d'une nécessaire transparence de son financement, indépendance des instances de régulation vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques

3.   Observations particulières

3.1

Dans un modèle de transition axé à la fois sur le marché et la demande, il est vital que le changement soit impulsé tant par les utilisateurs que par les opérateurs.

3.2

La transparence revêt une importance déterminante pour les deux parties, qu'il s'agisse des services existants ou des nouveaux services.

3.3

S'agissant des services existants, il s'agit notamment des obligations de diffusion, qui garantissent le libre accès pour tous aux chaînes du service public. En tout état de cause, il est indispensable de prévoir une période d'essai étendue de façon à ce que la migration s'opère graduellement et sans solution de continuité ni aggravation de l'exclusion sociale et culturelle

3.4

Pour les utilisateurs, il est de plus important de clarifier les problèmes de droits d'auteur en liaison avec le libre accès aux chaînes de télévision numériques en clair diffusées par voie hertzienne/service public des pays voisins, afin de ne pas prendre de retard dans ce domaine avec la technologie numérique. Les problèmes portant plus particulièrement sur le droit d'auteur seront traités séparément par un autre groupe de travail.

3.5

En ce qui concerne les nouveaux services, le CESE estime avec la Commission qu'il est important que les pouvoirs publics stimulent l'offre de contenus à valeur ajoutée sur les réseaux de télévision, notamment en garantissant la diffusion de l'information publique. A cet égard, il est en outre important d'insister sur la neutralité technologique – notamment en ce qui concerne le rapport entre la communication de masse au sens traditionnel du terme et les nouveaux services mobiles.

3.6

Cet aspect est également d'une importance cruciale pour les futures allocations/répartitions de fréquences.

3.7

Le Comité insiste sur l'importance de créer de nouveaux modèles commerciaux capables de garantir l'équilibre entre la télévision numérique en clair et les télévisions à péage dans le futur système de télédiffusion numérique. Cela suppose également de donner au service public un rôle adapté à l'évolution du marché et de la société dans son ensemble par suite de l'évolution de la technologie de fréquences, la coopération européenne étant aussi essentielle, en particulier pour ce qui est de planifier l'utilisation du spectre, y compris la coordination des fréquences, et d'échanger les informations, comme le Conseil l'a déjà souligné, du reste, à l'intention de la Commission (2).

4.   Conclusions

4.1

Le passage de la radiotélédiffusion analogique à un système numérique a des implications décisives à la fois sur le plan social et politique et sur le plan industriel.

4.2

L'intervention des pouvoirs publics peut favoriser le processus de migration et garantir l'impartialité et la transparence, de manière à donner tous les éléments nécessaires tant aux pouvoirs publics qu'aux consommateurs. Les autorités des États membres ont un rôle essentiel à jouer à cet égard; dans le même temps, une coordination au niveau communautaire est importante.

4.3

Il y a lieu de veiller à la conception de modèles commerciaux durables en matière de télédiffusion afin de garantir le maintien d'un équilibre entre la diffusion numérique en clair et les services payants. A cet égard, il convient de ne pas oublier que jusqu'ici, le «modèle européen» alliant diffusion en clair/offre de service public et services payants a fait la preuve de sa viabilité, mais qu'il doit faire face aux défis d'un marché et de technologies en pleine mutation.

4.4

La coordination des pouvoirs publics au niveau de l'UE, en vue de garantir la proportionnalité et la nécessaire limitation de leur intervention à la réalisation des objectifs à caractère social, au caractère abordable des prix ainsi qu'à l'universalité et à la continuité dans la prestation du service public audiovisuel, s'avère indispensable.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  COM(2002) 263 final, eEurope 2005: une société de l'information pour tous

http://europa.eu.int/information_society/eeurope/news_library/documents/eeurope2005_en.pdf

(2)  Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 26 juin 2000 concernant la communication de la Commission sur les principes et lignes directrices de la politique audiovisuelle de la Communauté à l'ère numérique (JO no C 196 du 12 juillet 2000, p. 1, considérant 13).


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/127


Avis du Comité économique et social européen Sur «Les mesures de soutien à l'emploi»

(2004/C 110/22)

Le 17 juillet 2003, le Comité économique et social européen, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur, a décidé d'élaborer un avis sur: «Les mesures de soutien à l'emploi».

La section «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 4 février 2004 (rapporteuse: Mme HORNUNG-DRAUS; corapporteur: M. GREIF).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 102 voix pour, 10 voix contre et 11 abstentions.

1.   Résumé et évaluation globale

Le CESE salue le rapport de la task-force sur l'emploi présidée par Wim KOK, qui a réussi à présenter une analyse très équilibrée des défis actuels en matière de politique de l'emploi. Il attire clairement l'attention des États membres sur l'urgence des réformes à entreprendre.

1.1

Il convient d'approuver la méthode de la task-force qui consiste, grâce à l'étalonnage et à la diffusion des bonnes pratiques, à encourager activement les acteurs concernés à améliorer les mesures de soutien à l'emploi. Pour renforcer la compétitivité de l'Europe sur la scène internationale en garantissant la stabilité sociale et pour créer des emplois, le CESE considère que les mesures suivantes, proposées par la task-force, sont particulièrement importantes:

promotion d'une culture d'entreprise et réduction des trop nombreux obstacles administratifs et réglementaires à la création et à la gestion des entreprises;

promotion de l'innovation et de la recherche grâce à des investissements accrus dans ce domaine tout en créant un environnement favorable à l'innovation;

mise en place d'une flexibilité accrue — tant pour les travailleurs que les employeurs — sans perdre de vue l'équilibre nécessaire entre flexibilité et sécurité sur le marché de l'emploi, en associant notamment de nouvelles formes de flexibilité sur le marché du travail à de nouvelles formes de sécurité;

le système des impôts et des cotisations sociales doit être conçu de manière à ne pas décourager la création d'emplois, à condition de ne pas remettre en question la base financière ni la fonction sociale des systèmes de sécurité sociale;

augmentation de l'activité professionnelle des femmes par la création de conditions favorables à la conciliation de la vie professionnelle et familiale, en particulier en ce qui concerne l'accueil des enfants;

mise en place de conditions adéquates en termes de politique du marché de l'emploi et de politique du personnel afin d'inciter les travailleurs à prendre leur retraite plus tard et les employeurs à engager et conserver des travailleurs âgés;

relèvement du niveau d'instruction de base, déploiement d'efforts dans la formation scolaire et professionnelle initiale, et meilleure adaptation de la formation supérieure aux exigences du marché de l'emploi;

promotion de l'éducation et de la formation tout au long de la vie en veillant à la participation de tous les acteurs concernés — l'État, les individus et les entreprises;

nécessité d'intensifier d'urgence la lutte contre le chômage à tous les niveaux: en Europe, dans les États membres et à l'échelon local;

renforcement du rôle des parlements nationaux et des partenaires sociaux dans le processus d'élaboration des plans d'action nationaux.

1.2

Le CESE se réjouit que la task-force européenne sur l'emploi se soit également penchée sur la mise en œuvre des réformes proposées. Davantage d'efforts doivent être consentis dans ce domaine, à plusieurs égards. Le public doit être plus fermement convaincu que de bonnes réformes structurelles économiquement et socialement équilibrées renforceront l'Europe et amélioreront la situation du marché de l'emploi.

Néanmoins, plusieurs aspects du rapport de la task-force suscitent des critiques de la part du CESE:

il aurait été souhaitable que la task-force, dans certains chapitres, examine de manière plus approfondie encore les défis en matière de politique pour l'emploi, par exemple en se concentrant davantage sur le développement de capacités scientifiques et de compétences sociales essentielles ou la réduction des obstacles à une gestion fructueuse des entreprises;

le rapport n'accorde pas suffisamment d'importance au fait que le succès d'une politique de l'emploi dépend non seulement des mesures structurelles sur le marché de l'emploi, mais aussi d'une politique macroéconomique axée sur la croissance et l'emploi;

la question importante de la promotion d'une intégration durable des jeunes sur le marché de l'emploi n'a pas été traitée de manière suffisamment approfondie; de plus, outre le rôle incontestable joué par les partenaires sociaux dans ce contexte, le rapport n'approfondit pas l'importance d'organisations sociales telles que les ONG, les associations caritatives et les coopératives qui s'engagent en faveur des chômeurs et des exclus;

en ce qui concerne les investissements dans le capital humain, une contribution financière imposée par la loi à toutes les entreprises est proposée pour répartir les coûts entre les employeurs; eu égard aux particularités nationales, l'on peut toutefois se demander si cette approche est la bonne pour promouvoir dans l'ensemble des États membres les investissements dans le capital humain. Il faudrait dans une certaine mesure plutôt s'efforcer de développer le recours à des pools et fonds volontaires, sans omettre la conclusion d'accords entre les partenaires sociaux, par exemple au niveau local, régional, sectoriel et national, afin de permettre, en particulier aux PME, d'accroître leurs investissements dans le capital humain;

bien que dans les chapitres thématiques, un équilibre ait été trouvé entre la promotion de la flexibilité et de la sécurité sur le marché de l'emploi, ce point laisse à désirer en particulier dans le cinquième et dernier chapitre sur la gouvernance, qui prône un marché du travail flexible au détriment de la sécurité nécessaire;

le rapport n'examine pas l'influence de la réglementation européenne sur la situation actuelle de la politique pour l'emploi;

la relation entre, d'une part, les mesures actives de soutien à l'emploi préconisées par le rapport, qui entraînent nécessairement des dépenses supplémentaires pour le secteur public, et d'autre part, l'obligation de mettre ces réformes en œuvre compte tenu des contraintes budgétaires résultant du pacte de stabilité et de croissance, n'est pas traitée de manière satisfaisante.

1.3

Le développement de l'emploi est un thème essentiel pour le CESE, qui continuera à suivre son évolution très attentivement et activement. Le CESE espère que les observations ci-dessus seront prises en considération lors des discussions ultérieures en la matière.

1.4

Dans ce contexte, le CESE rappelle sa conviction, maintes fois exprimée, que cela ne peut se faire que grâce à la pleine participation des partenaires sociaux, en toute autonomie, à tous les niveaux et à toutes les étapes de la stratégie européenne pour l'emploi, de l'élaboration à l'évaluation en passant par la mise en œuvre, et en associant également les parlements nationaux aux procédures nationales qui en découlent. La réalisation de cet objectif demande une adaptation appropriée des délais.

2.   Introduction

2.1

Un niveau élevé d'emploi est un élément essentiel du développement durable de toute société. L'emploi est la condition sine qua non de l'intégration des divers groupes de la société dans un système social efficace et contribue de manière essentielle à l'insertion sociale. Il constitue le trait d'union entre les jeunes et les personnes âgées, entre les habitants de régions différentes et entre les couches sociales. La garantie de l'emploi et son développement, tant qualitatif que quantitatif, revêtent un caractère d'urgence eu égard au grand nombre de chômeurs dans toute l'Europe.

2.2

Dans de nombreux États membres de l'Union, les taux de chômage continuellement élevés, voire à nouveau en hausse, donnent lieu à des problèmes économiques, sociétaux et sociaux pressants. Tous les États membres de l'Union européenne sont invités à accorder la priorité absolue à l'amélioration de la situation du marché du travail par l'encouragement de la croissance économique et de l'emploi et par la diminution du chômage. L'objectif est de concrétiser les orientations définies par l'Union européenne en 2000 à Lisbonne. Selon ces orientations, l'Europe doit devenir, d'ici à 2010, l'économie de la connaissance la plus concurrentielle et dynamique dans le monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. Ces objectifs concernent les domaines de la croissance économique (croissance annuelle de 3 %), de l'emploi (en particulier, un taux d'emploi de 70 %) et de la cohésion sociale.

2.2.1

Le CESE maintient qu'à l'aune des critères de Lisbonne, auxquels le CESE adhère et apporte son soutien, il n'en subsiste pas moins des faiblesses et des carences notables, dans de nombreux États membres, en ce qui concerne le taux d'emploi et de participation, ainsi que la lutte contre le chômage et la productivité (1). Pour combler ces lacunes, il convient avant tout de se pencher sur les causes de la situation actuelle. Il s'agit de facteurs tels que les changements technologiques de plus en plus rapides, qui demandent une adaptation constante du savoir à de nouvelles conditions, ou la réaction insuffisante des États membres à la mondialisation croissante qui oblige les entreprises à adapter leurs structures de plus en plus souvent et rapidement afin de rester compétitives. L'on peut également donner comme autre exemple les prévisions parfois insuffisantes en ce qui concerne les futurs besoins en qualifications et l'orientation qui en découle en matière de formation.

2.2.2

Afin de pouvoir réagir de manière adéquate aux problèmes existants, il importe d'examiner en particulier les thématiques suivantes:

Mesures de promotion de la croissance économique: la coordination temporelle des orientations pour les politiques de l'emploi et des grandes orientations de politique économique contribue à la réalisation des objectifs de Lisbonne. Afin de poursuivre sur cette voie, il conviendrait de veiller à ce que les contenus soient mieux imbriqués. Le CESE est convaincu «qu'en l'absence d'une croissance économique soutenue et durable, il sera difficile d'atteindre les objectifs fixés à Lisbonne» (2). Les objectifs de Lisbonne requièrent un recentrage de la politique économique européenne sur les exigences relatives à l'accroissement de l'emploi. Outre les mesures de soutien à l'emploi et celles relevant de la politique du marché de l'emploi, il convient également de prêter attention à la politique économique générale, afin de «dégager une nouvelle dynamique européenne de croissance, dont dépend le redressement de l'emploi, en s'appuyant sur un ciblage plus précis, une application plus efficace et un encadrement plus cohérent des GOPE» (3).

Commerce international, libre-échange, mondialisation: ils ouvrent des possibilités de croissance économique et d'emploi, mais posent également de nouveaux défis. L'une des conséquences est que les entreprises doivent adapter leurs structures de plus en plus souvent et rapidement afin de rester compétitives. Cette nécessité a des conséquences importantes sur le développement économique et social de l'Europe. Elle concerne non seulement les grandes, mais également les petites entreprises. Le CESE a également adopté plusieurs avis sur cette thématique (4).

Structures de soutien à l'emploi dans les États membres de l'UE: la task-force européenne sur l'emploi, dans son rapport de novembre 2003, a présenté des mesures pratiques de réforme, qui doivent être prises par les États membres. Cette thématique fait l'objet du présent avis d'initiative du CESE.

2.3

Le CESE se réjouit de la création de la task-force européenne sur l'emploi, présidée par Wim KOK. La task-force européenne sur l'emploi a été créée lors du dernier Sommet européen de printemps, afin d'examiner les principales difficultés auxquelles se heurtent les politiques liées à l'emploi et d'identifier les mesures de réforme pratiques tant au niveau de l'UE qu'à celui des États membres, et apporter ainsi une nouvelle contribution à la stratégie européenne pour l'emploi. Elle attire l'attention des gouvernements sur l'urgence des réformes radicales à entreprendre et invite les États membres actuels et futurs à mettre effectivement ces réformes en œuvre.

2.3.1

Le rapport de la task-force, présenté en novembre 2003, aborde les domaines suivants:

«Améliorer l'adaptabilité» (expansion de l'activité économique, multiplication des emplois, développer et diffuser l'innovation et la recherche, promouvoir la flexibilité en liaison avec la sécurité sur le marché du travail);

«Marché du travail» (renforcer l'attrait financier du travail, renforcer les politiques actives du marché du travail, augmenter l'activité des femmes, stratégies pour faire face au vieillissement, intégration des minorités et des immigrants);

«Investir dans le capital humain» (augmentation des niveaux de capital humain, partager les coûts et les responsabilités, faciliter l'accès à l'éducation et à la formation tout au long de la vie);

«Mobiliser en faveur des réformes» (mobiliser nos sociétés, mettre en œuvre les réformes, utiliser les instruments de l'Union comme leviers).

2.3.2

La task-force européenne sur l'emploi identifie quatre facteurs clés indispensables pour pouvoir augmenter l'emploi et la productivité:

augmenter la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises;

attirer davantage de personnes sur le marché du travail;

investir davantage et plus efficacement dans le capital humain;

assurer une mise en œuvre effective des réformes au travers d'une meilleure gouvernance.

2.3.3

Le CESE approuve dans une large mesure le rapport présenté par la task-force. La task-force sur l'emploi a réussi à présenter une analyse très équilibrée des défis actuels en matière de politique de l'emploi. Cependant, divers aspects de ce rapport suscitent des critiques de la part du Comité.

Le rapport de la task-force sur l'emploi souligne, à l'intention des décideurs politiques des États membres et de l'Union, l'urgence de l'introduction et de la mise en œuvre de réformes afin que l'UE puisse réaliser l'objectif fixé à Lisbonne, à savoir, devenir, d'ici à 2010, l'économie de la connaissance la plus concurrentielle et dynamique dans le monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale.

2.4

Pour soutenir le processus de Lisbonne, il est essentiel et justifié d'introduire un processus d'apprentissage sous forme d'étalonnage, dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi, tout en laissant les compétences aux États membres (5). L'Europe peut proposer un cadre et suggérer aux États membres de le compléter. La stratégie européenne pour l'emploi contribue favorablement à la fourniture d'un cadre utile et donne des impulsions importantes pour résoudre les défis qui se posent au niveau national et local, en identifiant les problèmes sur les marchés de l'emploi de l'UE et en coordonnant les mesures des politiques pour l'emploi au niveau européen. Les États membres sont invités à intégrer sans délai ces impulsions dans leurs politiques.

2.4.1

En ce qui concerne les orientations en matière de politique pour l'emploi, la nouvelle approche à moyen terme, à l'horizon 2010, est judicieuse et appropriée (6). Une stabilité accrue et une plus longue perspective sont favorables à une politique comprenant non seulement des mesures à court terme, mais visant également le moyen et le long terme et permettant ainsi de poser des jalons fondamentaux. Le renforcement de la cohérence et de la complémentarité par une meilleure coordination temporelle des orientations pour les politiques de l'emploi et des grandes orientations de politique économique ainsi que des autres processus dans le cadre de la méthode ouverte de coordination (inclusion sociale, retraites, etc.) soutiennent les objectifs de Lisbonne. Le CESE juge essentiel de veiller à ce que les contenus des processus de coordination soient mieux imbriqués. Simultanément, il faudrait donner davantage de poids encore à la mise en œuvre des lignes directrices dans les États membres, aux résultats et à l'évaluation. Il ne faut en outre pas oublier que la stratégie européenne pour l'emploi, si elle est réussie, permet d'augmenter le nombre d'emplois et contribue de manière essentielle à l'intégration sociale. Le CESE souligne à cet égard que les objectifs fixés en matière de politique économique, sociale et de l'emploi, tels qu'ils ont été définis à Lisbonne, forment un tout et ne doivent pas être considérés indépendamment les uns des autres.

2.5

L'Europe, principalement en raison du prochain élargissement, se trouve au seuil de grands changements. Un marché intérieur comptant plus de 450 millions d'habitants, le développement de nouveaux marchés et le développement de l'infrastructure transfrontalière apportent une nouvelle dynamique économique à toute l'Europe et marqueront aussi fortement l'évolution de la situation de l'emploi. Ainsi, les objectifs de l'Union en matière d'emploi, définis à Lisbonne, seront eux aussi mis à l'épreuve. Par conséquent, les États membres actuels sont invités, notamment dans le domaine de la politique de l'emploi, à définir les exigences nationales de manière à être armés pour les nouveaux défis. En même temps, l'Union européenne devrait accorder une attention particulière aux besoins des nouveaux États membres dans le cadre de l'élaboration de leur stratégie pour l'emploi, afin que ces pays puissent eux aussi atteindre effectivement les objectifs de l'Union en matière d'emploi. Le Comité a déjà abordé ce thème en détail dans le cadre des «comités consultatifs mixtes» avec des représentants de la société civile des pays candidats (7).

Mesures de soutien à l'emploi

3.   Améliorer l'adaptabilité

3.1

Le développement économique et le développement de l'emploi sont en étroite corrélation. La croissance économique et un climat propice aux investissements sont des conditions sine qua non de la création de nouveaux emplois et du maintien des emplois existants. La réussite économique est la condition nécessaire à la création et à la protection durables des emplois. Un dosage macroéconomique et propice à l'emploi des politiques monétaire, fiscale et salariale, favorisant la compétitivité au niveau international (et tenant compte des compétences et de l'autonomie de chacun des acteurs), est une condition essentielle à la relance d'une croissance économique européenne permettant d'exploiter au mieux le potentiel de croissance et d'emploi de l'Union.

3.2

À cette fin, il est essentiel, selon le CESE, que les entreprises disposent d'un cadre renforçant leur marge de manœuvre et leur permettant de se concentrer sur leur activité principale et de créer des emplois tout en assumant leur responsabilité sociale (8). Afin que les entreprises puissent exploiter pleinement le potentiel de création d'emploi, le CESE souligne l'approche de la task-force sur l'emploi, qui consiste à faciliter la création d'entreprises et leur expansion, notamment en réduisant les obstacles administratifs et réglementaires à la création et à la gestion des entreprises et en créant des centres de services (guichets uniques) fournissant à ces entreprises un ensemble de services d'information et d'assistance.

3.3

Outre le soutien des entreprises existantes, notamment des PME, il faudrait, selon le CESE, prêter également une attention particulière au développement de l'esprit d'entreprise et à la promotion de la création d'entreprises (9). Les bases d'un tel esprit d'entreprise pourraient être jetées dès le stade de la formation. En 2000, la Charte européenne des petites entreprises avait défini les conditions nécessaires au renforcement des petites entreprises (10). Le CESE se félicite que la task-force sur l'emploi ait examiné de manière approfondie les conditions à mettre en place pour faciliter la création d'entreprises. Comme le souligne à juste titre le rapport, il importe en particulier de réduire le temps et les coûts nécessaires à la création d'une entreprise. Il existe à cet égard d'importantes disparités entre les États membres, qu'il convient de supprimer. Le rapport de la task-force précise également les conditions générales essentielles pour le développement des PME, telles que l'accès au financement. En outre, il y a lieu d'exploiter et de développer l'important potentiel d'emploi offert par les petites et moyennes entreprises. Il faut également mettre l'accent sur la promotion de l'emploi dans les petites entreprises. Pour permettre aux travailleurs d'exercer une activité indépendante et pour les y préparer, il conviendrait de proposer aux personnes intéressées une formation et un soutien adéquats, par exemple en rassemblant les informations auprès de certains services. Les jeunes entrepreneurs devraient prendre en considération le potentiel de développement de certains secteurs tels que les «services de garde et de soins» ou «l'environnement». À cet égard, le Comité a déjà attiré l'attention sur le potentiel d'emploi croissant de l'économie sociale (11). Le CESE estime important que la task-force, dans son rapport, exhorte les États membres à promouvoir une culture d'entreprise et à mettre tout en œuvre pour éviter l'opprobre suscité par les échecs.

3.4

La promotion et la diffusion de l'innovation et de la recherche, également abordées par la task-force dans son rapport, sont, selon le CESE, des éléments importants pour améliorer l'adaptabilité et la qualité du travail. Eu égard à l'interconnexion croissante des économies dans un monde globalisé, la capacité d'innovation devient un avantage concurrentiel important — bénéfique aux entreprises comme aux travailleurs. Le Comité approuve donc le plaidoyer de la task-force pour une augmentation, dans les États membres, des dépenses en matière de recherche et développement conformément aux objectifs fixés par le Conseil européen de mars 2003 (3 % du PIB). Simultanément, il convient toutefois d'encourager la création d'un environnement favorisant la transformation des idées et de la recherche en innovation.

3.5

Les États membres sont invités à prendre, conformément à leurs structures respectives, les mesures nécessaires pour que les entreprises et les travailleurs puissent mieux réagir aux mutations de plus en plus rapides. Selon le CESE, il importe à cet égard de trouver le juste équilibre entre flexibilité et sécurité sur le marché de l'emploi, afin que les entreprises aient la possibilité de proposer avec succès davantage d'emplois et que les travailleurs bénéficient simultanément de la sécurité nécessaire. Le CESE approuve l'approche équilibrée présentée par la task-force dans le chapitre intitulé «Promouvoir la flexibilité en liaison avec la sécurité sur le marché du travail». Bien que les conditions sociales et structurelles diffèrent d'un État membre à l'autre, il est possible de trouver dans ce contexte des éléments communs, auxquels il convient, selon le CESE, d'accorder une importance particulière:

la modernisation et l'amélioration des systèmes de sécurité sociale, afin de les adapter aux données actuelles, tout en maintenant leur fonction de protection sociale;

le renforcement de la flexibilité des entreprises en adaptant mieux les conditions générales à leurs besoins et à ceux de leur personnel, tout en garantissant une sécurité appropriée aux travailleurs;

la promotion et la consolidation des formes flexibles du travail telles que le travail temporaire, qui — dans la mesure où elles répondent à un souhait du travailleur — peuvent servir de tremplin vers des emplois durables, tout en respectant l'égalité de traitement et la protection des travailleurs. Il importe également de promouvoir les formes innovantes d'organisation du travail (comme, par exemple, le télétravail), en associant de nouvelles formes de flexibilité sur le marché du travail à de nouvelles formes de sécurité. Dans ce cadre, les partenaires sociaux ont un rôle important en ce qui concerne la mise en place de conditions générales adéquates, notamment dans le domaine de la politique relative aux conventions collectives;

la promotion de la mobilité géographique entre les États membres de l'UE et au sein du marché du travail des États membres, par exemple en surmontant les difficultés linguistiques et culturelles ou les obstacles administratifs.

4.   Attirer davantage de personnes sur le marché du travail

4.1

La task-force sur l'emploi aborde une thématique importante avec son chapitre sur le renforcement de l'attrait financier du travail. Les systèmes d'imposition et d'indemnisation des États membres doivent être conçus de manière à encourager les travailleurs à entrer, rester et progresser dans la vie professionnelle. Le CESE estime toutefois qu'une telle politique ne pourra être couronnée de succès que si elle s'accompagne de mesures visant à accroître le nombre d'emplois disponibles et — comme l'indique la task-force — à éviter «aux travailleurs d'être condamnés à des emplois peu rémunérés/de faible qualité et à des périodes de chômage récurrentes». À cet égard, il importe également de veiller à la conversion progressive du travail non déclaré en emploi légal, opération qui ne pourra aboutir que moyennant une combinaison de mesures de contrôle et d'incitations, ainsi qu'une réduction de la fiscalité professionnelle, comme l'a souligné le CESE dans son avis sur l'avenir de la stratégie européenne pour l'emploi (12). Ce faisant, les systèmes fiscaux et de cotisations sociales et le niveau de prestation des régimes de sécurité sociale doivent être organisés de manière à ne pas remettre en question la solidité financière des régimes de sécurité sociale et les dépenses d'infrastructure de l'État.

4.2

Le CESE considère que la promotion de mesures actives et préventives pour les chômeurs et les inactifs est un objectif important. Les instruments des politiques de l'emploi doivent viser de manière cohérente à la réinsertion des chômeurs dans le marché du travail principal. Il convient d'accorder une importance particulière à l'évaluation de ces mesures. Il est tout aussi important d'encourager les chômeurs à rechercher eux-mêmes activement un emploi. Il y a lieu de supprimer tous les obstacles qui pourraient entraver ce processus actif, notamment par le biais de services taillés sur mesure. Les services de l'emploi ont un rôle important à jouer en la matière. Il convient de viser à une collaboration étroite entre les services de placement et les entreprises, afin de garantir la flexibilité d'adaptation aux besoins changeants du marché de l'emploi. En outre, le CESE se félicite des recommandations de la task-force en matière de prévention et d'activation, et souligne qu'en cas de restructuration d'entreprise, les mesures actives devraient avoir la priorité sur les mesures passives, ce qui implique notamment l'information et la consultation des travailleurs. Les partenaires sociaux européens ont apporté une première contribution importante en la matière avec leurs «Orientations de référence pour gérer le changement et ses conséquences sociales» (13), ce dont le CESE se réjouit.

4.3

Il aurait été souhaitable que la task-force examine de manière plus approfondie les mesures d'intégration des jeunes dans le marché de l'emploi ainsi que les mesures de lutte contre le chômage des jeunes. Lorsque la situation économique est difficile et que le marché de l'emploi est surchargé, il faut prévoir des mesures d'incitation suffisantes pour que les jeunes puissent entrer sur le marché du travail. À cette fin, tous les acteurs du marché de l'emploi sont invités à réexaminer leurs contributions et politiques actuelles pour lutter contre le chômage des jeunes. Toutes les formations dispensées à l'adresse des jeunes, notamment celles conduisant aux emplois traditionnels, devraient comporter le développement des compétences nécessaires à l'économie de la connaissance dont l'ampleur est grandissante. Le CESE a étudié ce thème de manière approfondie dans plusieurs avis (14).

4.4

Certains groupes d'individus, tels que les personnes handicapées ou la main-d'œuvre peu qualifiée, mais également certains groupes d'immigrants, qui doivent faire face à des difficultés supplémentaires sur le marché du travail, ont souvent besoin de conditions particulières leur permettant d'accéder plus facilement au monde professionnel et d'y rester. L'intégration de ces personnes est une tâche importante pour la société. Une politique active d'insertion est indispensable. Pour que ces personnes aient accès au marché de l'emploi et puissent y demeurer, il faut qu'il y ait non seulement un changement des mentalités dans tous les groupes sociaux, mais il convient également de mettre en place les conditions appropriées sur le plan de l'économie et de la politique du personnel. La qualification de ces personnes est un moyen efficace de leur permettre de s'affirmer. Une intégration durable dans toutes les formes d'emploi devrait être à cet égard prioritaire.

4.5

Le CESE se réjouit que la task-force européenne sur l'emploi se soit penchée sur la question de l'augmentation de l'activité professionnelle des femmes. Le CESE invite les États membres à continuer à promouvoir la conciliation de la vie familiale et professionnelle. L'un des objectifs de Lisbonne est de faire passer le taux d'emploi des femmes de 54 % (en 2000) à 60 %. Pour atteindre cet objectif, il faut améliorer les conditions générales permettant aux femmes d'avoir un emploi. Il appartient à l'ensemble de la société d'assumer cette mission. La création de lieux d'accueils pour les enfants, notamment, offrirait aux femmes la possibilité de concilier leurs obligations familiales et professionnelles, et de rester dans la vie active et/ou d'y retourner rapidement après une interruption. Le CESE se réjouit donc que le Conseil ait invité les États membres à éliminer les facteurs décourageant la participation des femmes au marché du travail et à proposer des services de garde des enfants (15). Il se félicite également des observations de la task-force selon lesquelles les pouvoirs publics doivent faire en sorte que ces services soient largement accessibles et abordables financièrement. Il importe en outre que la task-force aborde également les formes flexibles d'organisation du travail, comme le travail à temps partiel par exemple. Simultanément, les partenaires sociaux sont invités à respecter le principe de l'égalité de traitement des hommes et des femmes lors de la conclusion de conventions collectives.

4.6

Étant donné que la population active diminue et vieillit, les États membres de l'Union européenne dépendent plus que jamais du savoir, de l'expérience et des aptitudes des travailleurs plus âgés pour garantir durablement la capacité d'innovation et la compétitivité. Il importe selon le CESE de promouvoir le vieillissement actif. Le CESE approuve l'approche de la task-force sur l'emploi, qui souhaite voir accorder des incitations aux travailleurs pour qu'ils prennent leur retraite plus tard et aux employeurs pour qu'ils engagent et conservent des travailleurs âgés. Pour concrétiser cela, il y a lieu de mettre en place des conditions économiques et politiques les incitant davantage à prolonger leur carrière tout en accordant des facilités aux entreprises qui souhaitent employer notamment des travailleurs plus âgés. Selon une étude de la Fondation de Dublin (16), pour promouvoir l'emploi des travailleurs plus âgés, le marché du travail doit être organisé de manière à permettre à ces travailleurs d'avoir un emploi, ce qui demande une participation active de tous les acteurs concernés, se traduisant notamment par des possibilités de perfectionnement pour améliorer les qualifications et une organisation flexible du travail. Il faut aussi veiller particulièrement à ce que les travailleurs plus âgés restent en mesure de travailler. À cette fin, il est tout aussi important de prévoir une organisation du travail et une gestion du personnel adaptées à l'âge de ces travailleurs que des dispositions appropriées en matière sécurité et de santé (17).

4.7

S'agissant de la baisse de la population active en Europe, le CESE a récemment souligné le rôle que les immigrants peuvent jouer en garantissant la présence sur le marché du travail d'un potentiel suffisant de main-d'œuvre qualifiée. (18)

5.   Investissements dans le capital humain

5.1

Une bonne formation scolaire et professionnelle constitue la porte d'entrée d'un parcours professionnel réussi. L'Europe se transforme en une «Europe de la connaissance». Dans le passé, le CESE a fortement insisté à plusieurs reprises sur l'importance de la formation (19). Le CESE se réjouit que la task-force européenne sur l'emploi ait mis particulièrement l'accent sur le domaine de la formation. C'est à l'école que sont jetées les bases de la formation. Comme le souligne à juste titre le rapport de la task-force, il est particulièrement important de réduire le nombre de jeunes qui quittent prématurément l'école sans avoir acquis un niveau suffisant de qualifications et de compétences, afin que les jeunes possèdent au moins les qualifications de base indispensables à un bon départ dans la vie professionnelle. À cette fin, il y a lieu de rendre l'école plus attrayante, sans en diminuer la qualité. La formation professionnelle, dans laquelle les partenaires sociaux jouent traditionnellement un rôle important, doit elle aussi être organisée selon un système efficace, tenant compte non seulement des objectifs politiques généraux en matière de formation, mais également des exigences du marché de l'emploi.

5.2

Le CESE considère qu'il convient de développer encore le domaine de la formation supérieure. Il y a lieu d'approuver l'objectif de la task-force, qui souhaite qu'une plus grande partie de la population ait accès à l'enseignement supérieur. Ce faisant, il ne faut toutefois tolérer aucune baisse de la qualité en matière de formation supérieure. La création d'un espace européen de l'enseignement supérieur constitue une autre étape importante. Depuis longtemps, le CESE demande que l'on intensifie les efforts en vue de la création d'un espace européen de l'éducation (20). Les qualifications doivent être transparentes dans toute l'Europe et au niveau international. Par conséquent, le CESE se félicite de la décision des ministres européens chargés de l'enseignement supérieur (21) d'introduire dans les prochaines années les diplômes internationalement reconnus de «master» et de «bachelor». Afin de faciliter l'entrée des jeunes diplômés dans la vie professionnelle, il importe également de vérifier la pertinence des programmes d'étude pour le monde du travail actuel.

5.3

Le domaine de l'apprentissage tout au long de la vie joue un rôle important pour tous les groupes de travailleurs. La notion d'apprentissage tout au long de la vie comprend en particulier l'effort d'apprentissage systématique et soutenu que les citoyens européens déploient sur toute la durée de leur existence pour satisfaire aux impératifs qui conditionnent le monde actuel (22). Outre les travailleurs eux-mêmes, les entreprises ont elles aussi intérêt à reconnaître et à développer les aptitudes professionnelles. Le CESE se félicite que la task-force compte également sur le secteur public en tant qu'acteur important dans ce domaine. Les partenaires sociaux ont également un rôle important à jouer dans ce domaine. Étant donné que l'éducation et l'apprentissage tout au long de la vie comportent des avantages pour les travailleurs, les entreprises et la société dans son ensemble, il convient d'en partager à la fois la responsabilité et les coûts qui en découlent. Un niveau élevé de qualité en matière de formation et de perfectionnement, avec la possibilité pour les travailleurs d'acquérir les compétences requises, réduit le risque de chômage, augmente les chances d'emploi et agit ainsi contre l'exclusion sociale. Les investissements dans l'augmentation des qualifications et les stratégies d'apprentissage tout au long de la vie sont essentiels pour la compétitivité future de l'Europe et occupent donc à juste titre une place importante dans la stratégie européenne pour l'emploi. Afin d'améliorer les possibilités d'épanouissement professionnel des travailleurs et d'augmenter leurs chances sur le marché de l'emploi, il importe de renforcer la formation et le perfectionnement en ce qui concerne le transfert des compétences pertinentes. Le CESE se réjouit par conséquent que les partenaires sociaux, dans le «Cadre d'actions pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie» (23) aient également adopté cette approche.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Avis du CESE sur «La stratégie européenne pour l'emploi», JO C 133 du 6.6.2003.

(2)  Avis du CESE sur la «Proposition de décision du Conseil relative à des lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres»JO C 208 du 3.9.2003.

(3)  Avis du CESE sur les «Grandes orientations de politique économique 2003»JO C 133 du 6.6.2003; voir également l'avis du CESE sur «La gouvernance économique dans l'Union européenne» (JO C 85 du 8.4.2003; l'avis du CESE sur «Les grandes orientations des politiques économiques pour la période de 2003 à 2005», ECO/110.

(4)  Voir, entre autres: rapport d'information du CESE «Maîtriser la globalisation — une nécessité pour les plus faibles», REX/062, avis du CESE «Pour une OMC à visage humain: les propositions du CESE», JO C 133 du 6.6.2003; avis du CESE sur la «Préparation de la cinquième conférence ministérielle de l'OMC», JO C 234 du 30.9.2003.

(5)  Avis du CESE sur «La stratégie européenne pour l'emploi», JO C 133 du 6.6.2003; avis du CESE sur «Les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres», JO C 208 du 3.9.2003.

(6)  Avis du CESE sur «Les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres», JO C 208 du 3.9.2003.

(7)  Voir entre autres REX/130-2003: «Vocational training and lifelong learning and their impact on employment in Estonia» (Incidence de la formation professionnelle et de l'apprentissage tout au long de la vie sur l'emploi en Estonie — disponible uniquement en anglais); REX/148-2003: «Déclaration conjointe»; REX/087-2002: «La situation des petites et moyennes entreprises en Hongrie à la lumière de la politique de l'UE en la matière».

(8)  Avis du CESE sur le thème «Livre vert: Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises» du 20.3.2002 (JO C 125 du 27.5.2002).

(9)  Avis du CESE sur le «Livre vert — L'esprit d'entreprise en Europe».

(10)  Charte européenne des petites entreprises, juin 2000; avis du CESE sur la «Charte européenne des petites entreprises», JO C 204 du 18.7.2000.

(11)  Avis du CESE sur le thème: «Économie sociale et Marché unique» (JO C 117 du 26.4.2000.

(12)  Avis du CESE sur «La stratégie européenne pour l'emploi», JO C 133 du 6.6.2003.

(13)  «Orientations de référence pour gérer le changement et ses conséquences sociales», 16.10.2003, UNICE, CES, CEEP, UEAPME.

(14)  Avis du CESE sur le «Livre blanc de la Commission européenne: Un nouvel élan pour la jeunesse européenne», JO C 149 du 21.6.2002; avis du CESE sur le «Livre blanc: Politique de la jeunesse», JO C 116 du 20.4.2001.

(15)  Décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres (2003/578/CE).

(16)  Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, «La lutte contre les barrières de l'âge dans l'emploi»; voir également l'avis du CESE sur «Les travailleurs âgés», JO C 14 du 16.1.2001.

(17)  Avis du CESE sur le thème «Livre vert: Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises» du 20.3.2002 (JO C 125 du 27.5.2002).

(18)  Avis du CESE sur «L'immigration, l'intégration et l'emploi» du 10.12.2003 (SOC/138).

(19)  Voir, entre autres: avis du CESE sur «La dimension européenne de l'éducation: nature, contenu et perspectives», JO C 139 du 11.5.2001; avis du CESE sur le «Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie», JO C 311 du 7.11.2001; avis du CESE sur les «Critères de référence européens pour l'éducation et la formation», JO C 133 du 6.6.2003; avis du CESE sur le «Plan d'action eLearning: Penser l'éducation de demain», JO C 36 du 8.2.2002; avis du CESE sur le «Programme eLearning» (JO C 133 du 6.6.2003).

(20)  Voir entre autres l'avis du CESE sur «La dimension européenne de l'éducation: nature, contenu et perspectives», JO C 139 du 11.5.2001.

(21)  Communiqué de la Conférence des ministres chargés de l'enseignement supérieur, Berlin, le 19 septembre 2003.

(22)  Avis du CESE sur le «Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie», JO C 311 du 7.11.2001.

(23)  «Cadre d'actions pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie», 14.3.2002.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Amendement rejeté

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté:

Paragraphe 3.5, troisième tiret Supprimer la première phrase de ce tiret, ainsi que la deuxième phrase jusqu'à «(comme, par exemple, le télétravail),» inclus. Modifier la partie restante de la première phrase et la phrase qui suit, de manière à obtenir le texte ci-après:

«Il convient d'associer de nouvelles formes de flexibilité sur le marché du travail à de nouvelles formes de sécurité. C'est aux partenaires sociaux de définir par convention collective les conditions générales applicables en la matière».

Exposé des motifs

Ce qui est dit concernant la promotion du travail à temps partiel n'est pas acceptable en termes de politique. Il existe des situations où de telles formes d'emploi sont nécessaires, mais ce qu'il convient de promouvoir, c'est l'emploi stable. Les formes d'emploi flexibles sont à considérer comme des exceptions à ce principe. Ce sont toujours les partenaires sociaux qui devraient régler la question des règles applicables en matière d'emploi flexible.

Résultat du vote sur la suppression du texte:

Voix pour: 53, Voix contre: 67, Abstentions: 4.


30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/135


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des animaux en cours de transport et aux opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE»

(COM(2003) 425 final – 2003/0171 CNS)

(2004/C 110/23)

Le 17 septembre 2003, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de la préparation des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 février 2003 (rapporteur: M. KALLIO).

Lors de sa 406ème session plénière des 25 et 26 février 2004 (séance du 26 février 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant à l'unanimité.

1.   Introduction

1.1

Dans le domaine du bien-être des animaux, le transport est l'un des aspects les plus controversés, qui, ces dernières années, fait l'objet d'une attention politique accrue au niveau de l'UE:

a)

En décembre 2000, la Commission a adopté un rapport (1) destiné au Conseil et au Parlement européen sur l'expérience acquise par les États membres depuis la mise en application de la directive 95/29/CE.

b)

Le rapport a été présenté au Conseil «Agriculture» en juin 2001, qui en approuvé les conclusions dans une résolution spécifique (2). En novembre 2001, le Parlement européen a adopté une résolution (3) sur ce rapport.

c)

Le 11 mars 2002, le comité scientifique de la santé et du bien-être des animaux a rendu un avis sur le bien-être des animaux en cours de transport. L'avis scientifique contient notamment des recommandations concernant l'aptitude des animaux à être transportés, la formation du personnel chargé du transport, la manipulation des animaux, l'augmentation de l'espace disponible et des limitations strictes de la durée des voyages.

1.2

Le transport par route représente entre 90 et 99 % de l'ensemble des échanges d'animaux sur pied dans l'UE, et constitue donc une partie importante de l'activité économique globale liée au transport commercial des animaux de ferme. À ce titre, il joue également un rôle important dans le développement économique régional. Le transport par route, en raison de la flexibilité qu'il offre, est utilisé pour de nombreuses opérations et par de nombreuses entreprises. Entre 1996 et 2000, le volume annuel moyen des échanges d'animaux vivants dans l'UE s'élevait à 2 millions de tonnes, 80 % de ces échanges étant intracommunautaires. Les exportations vers les pays tiers représentaient environ 10 % du transport annuel d'animaux vivants et le transport de longue distance représentait à peine 1,5 % du transport d'animaux dans l'UE.

1.3

Le protocole sur la protection et le bien-être des animaux annexé au traité instituant la Communauté européenne dispose que, lorsqu'ils formulent et mettent en œuvre la politique communautaire dans les domaines de l'agriculture et des transports, la Communauté et les États membres tiendront pleinement compte des exigences du bien-être des animaux.

2.   Contenu de la proposition

La proposition à l'examen présente une série de réformes et de règles spécifiques:

a)

L'objectif visé est une harmonisation au niveau de l'UE des exigences relatives aux véhicules de transport d'animaux, à la formation des conducteurs et aux autorités de contrôle. Il est également proposé d'améliorer les moyens de contrôle des autorités.

b)

Le champ d'application de la proposition de règlement est étendu au transport d'animaux vertébrés effectué à des fins commerciales à l'intérieur de la Communauté, sans limitations kilométriques, ainsi qu'aux contrôles spécifiques des transports d'animaux entrant sur le territoire douanier de la Communauté ou quittant celui-ci. La proposition de règlement ne s'applique pas au transport d'un seul animal accompagné par la personne qui en a la responsabilité.

c)

Les opérations de transport d'animaux continuent d'être soumises à autorisation. Le régime d'autorisation diffère toutefois selon qu'il s'agit d'un transport à longue ou à courte distance, et les conducteurs font l'objet de conditions d'autorisation spécifiques. Les véhicules de transport d'animaux utilisés pour de longs trajets sont également soumis à une procédure d'autorisation différente.

d)

Des exigences de formation uniformes à l'échelle de l'UE sont prévues pour les conducteurs chargés du transport d'animaux et le personnel manipulant les animaux.

e)

La proposition de règlement définit avec précision les conditions tenant à l'aptitude des animaux au transport et interdit le transport d'animaux très jeunes.

f)

Les normes techniques applicables aux véhicules de transport d'animaux ainsi que les exigences relatives aux véhicules utilisés pour les transports à longue distance sont mises à jour.

g)

Les dispositions relatives au transport par voie maritime et ferroviaire sont précisées et les navires de transport soumis à une procédure d'agrément particulière.

h)

Des règles plus précises sont fixées en ce qui concerne le chargement et le déchargement d'animaux, la manipulation d'animaux en cours de transport ainsi que les espaces destinés à la manipulation.

i)

Des plafonds sont définis pour les temps de transport d'animaux d'exploitation et des règles plus sévères fixées pour le transport des chevaux.

j)

Les animaux devront disposer d'un espace plus grand dans les véhicules de transport, tant pour les voyages courts que longs.

k)

Les carnets de route devront comporter les éléments suivants: la planification, le lieu de départ, le lieu de destination et les éventuels problèmes survenus pendant le voyage.

l)

Les documents requis pour le transport d'animaux seront harmonisés afin de faciliter les contrôles et les échanges d'informations.

m)

La proposition de règlement cherche à faciliter les contrôles par les autorités et à instaurer une coopération entre les instances de contrôle.

n)

La Commission a pris en compte la nécessité de prévenir la propagation de maladies animales infectieuses.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE soutient l'approche adoptée par la Commission dans sa proposition ainsi que les principes essentiels qu'elle y énonce, et reconnaît l'importance d'améliorer le bien-être des animaux pendant le transport. Il estime aussi que les principes moraux et éthiques en rapport avec le bien-être des animaux devraient être pris en considération. Le Comité estime que l'obligation de protection des animaux au cours du transport doit répondre aux bonnes pratiques en matière d'élevage définies selon les meilleurs conseils disponibles prodigués par les vétérinaires les plus compétents dans le traitement des animaux.

3.2

La mise au jour de problèmes relatifs à la protection des animaux pendant leur transport a fait l'objet de nombreuses discussions et d'une importante publicité au sein de l'UE. La pression exercée par l'opinion publique varie toutefois d'un État membre à l'autre. Dans le marché unique, les modifications et les dispositions relatives au bien-être des animaux pendant leur transport doivent s'appliquer de manière égale dans l'ensemble des États membres.

3.3

Le Comité se félicite du fait que les dispositions de la proposition de la Commission revêtent la forme juridique d'un règlement, ce qui signifie que, assimilées à un acte législatif, elles sont directement applicables sur tout le territoire de l'UE. Ce choix contribue à l'uniformisation des dispositions et de leur mise en application dans tous les États membres.

3.4

La proposition à l'examen a pour objet de réformer l'ensemble de la législation relative au transport d'animaux et de modifier les directives 64/432/CEE et 93/119/CE sur la base des recommandations du comité scientifique et des observations formulées lors de la consultation des parties intéressées. Il s'agit d'une réforme approfondie pour la mise en oeuvre de laquelle il conviendra également de prendre en compte une série d'éléments pratiques et économiques et de conditions différentes – l'utilisation de la «Comitologie» exposée dans la proposition permettra d'accomplir cette importante mission.

3.5

Le CESE entend souligner que les dispositions et les modifications contenues dans la proposition doivent reposer sur les plus récentes recherches scientifiques relatives à l'amélioration du bien-être des animaux. En outre, les coûts des mesures proposées doivent être évalués de manière réaliste du point de vue économique, à la fois concernant les investissements dans les nouveaux équipements et les nouvelles infrastructures qui seront nécessaires, et en tenant compte des éventuelles conséquences sociales de ces mesures, en particulier dans les zones périphériques et les régions touchées par la récession économique.

3.6

S'agissant de l'évaluation de la proposition de la Commission, il convient de garder à l'esprit que le bien-être des animaux résulte de la conjonction de plusieurs facteurs différents. Le débat sur les limites et les recommandations particulières et absolues peut, dans certains cas, conduire à des solutions moins bonnes que celles appliquées actuellement pour le bien-être des animaux et/ou à des solutions non viables sur le plan économique. Il faut pouvoir faire preuve de réflexion lorsque la situation le justifie, et lorsqu'un avis favorable est émis par des vétérinaires compétents. Ceci permettra une flexibilité appropriée, sans pour autant remettre en cause la défense du bien-être des animaux au cours du transport.

3.7

Il est nécessaire d'établir des règles de portée mondiale en matière de transport d'animaux. Le fait qu'une exception aux règles régissant le transport d'animaux soit prévue pour les animaux en provenance de pays tiers entraîne une distorsion des échanges commerciaux et affaiblit la compétitivité de l'Union par rapport à ces pays, étant donné que l'amélioration du bien-être des animaux engendre une hausse des coûts de transport. L'objectif premier de l'établissement d'un règlement européen doit donc être la fixation de règles de portée mondiale. L'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a intégré le bien-être des animaux dans son programme, ce qui offre des possibilités de négocier des règles communes plus vastes.

3.8

Le bien-être des animaux devrait représenter une part plus importante de l'ensemble des politiques liées à l'agriculture et au commerce, même s'il est davantage pris en considération ces dernières années – par exemple, dans le cadre des négociations de l'OMC, comme proposé par l'UE. Par conséquent, le bien-être des animaux devrait avoir davantage de poids au sein de la «catégorie verte» dans le cadre des politiques commerciales au niveau mondial.

3.9

Le bien-être des animaux doit, au même titre que des considérations économiques, servir de critère pour la planification d'un élevage durable. À l'avenir, le transport des carcasses et des produits de viande pourrait être une alternative pour réduire le transport à longue distance et international d'animaux vivants.

3.10

La Commission a intégré dans sa proposition la question de la prévention de la propagation de maladies animales infectieuses, ce qui contribue en effet largement au bien-être des animaux. Les épidémies de maladies animales qui ont éclaté ces dernières années et les mesures de lutte prises à leur égard ont provoqué des pertes économiques considérables et une publicité négative parmi l'opinion publique. Une planification à long terme et durable peut apporter une contribution essentielle à la prévention de telles épidémies, et requiert en particulier la mise en place de systèmes prévoyants, tenant compte en permanence du rôle potentiel du transport d'animaux dans la propagation des maladies infectieuses.

3.11

Le CESE accueille favorablement la prise en compte de la législation en matière de temps de travail des conducteurs dans le cadre de la planification du transport d'animaux. Il convient de prendre en considération à la fois le bien-être des animaux et les directives sur le temps de travail des conducteurs, par exemple sous la forme d'une durée maximale unique de transport. Toutefois, la législation devrait être suffisamment claire pour éviter la confusion entre la législation sur le transport des animaux et celle sur la durée du travail.

3.12

Le Comité constate que la proposition ne mentionne pas l'importance de transports d'animaux sûrs pour la santé des personnes, et estime que cet aspect devrait être intégré dans l'approche adoptée par la proposition.

4.   Observations spécifiques

4.1

Chapitre I, article 1er: il est opportun de revoir la définition de la notion de transport à des fins commerciales dans la mesure où elle détermine le champ d'application de la proposition de règlement, en gardant à l'esprit que le transport quotidien d'animaux d'une ferme à l'autre devrait être exclu du champ d'application (4) de la législation et que le transport d'animaux vivants sur une longue distance est dans la quasi-totalité des cas, presque toujours de nature commerciale. Lors de l'élaboration de nouvelles règles concernant le transport des animaux, il convient de tenir compte des besoins spécifiques des animaux reproducteurs pendant le transport.

4.2

Chapitre I, article 2, point h): bien que le chargement et le déchargement puissent être considérés comme étant inclus dans la durée du voyage, étant donné que les animaux sont également déplacés lors de ces opérations, la durée du voyage ne peut être mesurée dans la pratique qu'au moyen d'un tachygraphe. Le CESE estime donc que la durée du voyage doit être mesurée à partir du moment où le voyage débute réellement jusqu'au moment où il prend fin..

4.3

Chapitre III, article 16: comment harmoniser les exigences de formation pour les conducteurs déjà actifs dans le secteur? Une option pourrait consister à organiser des tests pour ces conducteurs, sans tenir compte de leur formation antérieure.

4.4

Chapitre IV, article 28: les guides de bonnes pratiques devraient être harmonisés à l'échelle de l'UE.

4.5

Annexe I, chapitre I - Aptitude au transport, point 2. e): certains États membres autorisent le transport des veaux à partir de 10 jours lorsque le nombril est cicatrisé. Si l'âge minimal auquel les veaux nouveaux-nés peuvent être transportés passe à deux semaines, cela posera certains problèmes pratiques pour la gestion quotidienne des fermes. Les porcelets à partir de trois semaines devraient être considérés comme aptes à être transportés. Le Comité estime donc que la Commission doit tenir compte de cet aspect dans l'évaluation globale de sa proposition.

4.6

Annexe I, chapitre III – Traitement des animaux, point 1.8 e): le recours à des instruments administrant des décharges électriques doit être évité dans toute la mesure du possible. Toutefois, dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire pour une question de sécurité du travail, notamment en raison de la grande taille des animaux. Une harmonisation avec les recommandations du Conseil de l'Europe est souhaitable, à condition que celles-ci soient compatibles avec les objectifs de la proposition à l'examen.

4.7

Annexe I, chapitre V - Durée des voyages: il y a lieu de clarifier les définitions des points a) période de repos et b) temps de voyage. S'agissant de la durée maximale des transports d'animaux, il faudrait conclure un accord sur les transports arrivant au lieu de destination sans retard. Le temps de conduite maximum de neuf heures est un compromis entre des études portant sur différentes espèces animales et la législation sur la durée du travail. En ce qui concerne les bovidés, des études ont montré que les véhicules de transport et les manipulations d'animaux ont un impact sur le bien-être des animaux supérieur à celui du temps de transport (5). Une durée de voyage maximale de douze à quatorze heures pourrait constituer une solution appropriée pour limiter les transports à longue distance, lorsque les animaux sont emmenés directement vers leur destination finale.

4.7.1

Si le temps de repos de douze heures proposé est d'application pour les véhicules, un plafond devrait être fixé pour la répétition des temps de transport. En outre, pour des raisons géographiques, une certaine flexibilité devrait être de mise pour ce qui concerne la durée maximale de transport, étant donné que l'application de périodes de repos de douze heures à des véhicules se trouvant dans des conditions extrêmes (–30 ou +30 degrés) peut diminuer le bien-être des animaux, notamment du fait d'une détérioration de la qualité de l'air ou d'une prolongation excessive de la durée du voyage. Lorsque le froid règne, il peut s'avérer impossible de chauffer ou de ventiler des véhicules demeurés longtemps immobiles. Les distributeurs d'eau potable peuvent geler. Des deux solutions suivantes, laquelle serait la meilleure pour les animaux: 9 heures de transport + 12 heures de repos + 3 heures de transport ou 12 heures de transport sans interruption?

4.8

Annexe I, chapitre VII - Espace disponible: la diminution de la densité du chargement et l'augmentation de la hauteur du compartiment affectent directement les coûts de transport. Des études complémentaires sont nécessaires en la matière afin de trouver la densité optimale. Si les animaux transportés sont trop peu nombreux, ils peuvent commencer à se bagarrer ou être victimes de mouvements brusques causés par le déplacement du véhicule de transport. Il peut en résulter une augmentation du risque de blessure ainsi qu'une diminution de la qualité des carcasses. La surface minimale au sol fixée dans les tableaux no 1 à 3 doit être disponible selon les modalités qui suivent: (ANNEXE I, Chapitre VII, point 1.1, lettres a) et b): a) Surface A1 pour tous les transports d'animaux des espèces équine, bovine, ovine, caprine et porcine.

4.9

Il conviendrait de ne pas exclure totalement le recours aux points d'arrêt. Les points d'arrêt peuvent apporter aux animaux un peu de répit au cours de longs trajets, à condition de prendre les mesures de précaution appropriées pour éviter la propagation de maladies infectieuses.

5.   Conclusions

5.1

Le CESE est d'avis que la proposition de règlement contribue à améliorer le bien-être des animaux pendant leur transport et les possibilités de contrôle des règles, mais qu'elle engendre dans le même temps une augmentation des coûts de transport, qui pourrait à son tour avoir une incidence sur l'ensemble de la chaîne de production alimentaire et les acteurs économiques concernés. Avant sa mise en oeuvre, il conviendra de réaliser une estimation circonstanciée des coûts en amont et en aval liés à l'application des nouvelles exigences ainsi que des éventuelles implications sociales des modifications proposées.

5.2

Le CESE estime que l'objectif principal du règlement doit être de veiller à ce que les animaux soient transportés vers leur lieu de destination sans retard et pris en charge par des personnes qualifiées en termes de manipulation. Le bien-être des animaux est la somme de plusieurs facteurs et doit être évalué dans sa globalité.

5.3

Il est souhaitable de renforcer les contrôles et les autorités doivent se voir conférer des pouvoirs leur permettant d'intervenir de manière équitable dans tous les États membres.

5.4

Le CESE entend souligner que les dispositions et les modifications contenues dans la proposition de règlement doivent reposer sur les recherches scientifiques les plus récentes relatives à l'amélioration du bien-être des animaux. Les incidences économiques des mesures envisagées doivent être évaluées de manière réaliste. Les modifications engendrant une hausse directe des coûts de transport sont particulièrement problématiques, et, d'un point de vue scientifique, sont contradictoires ou insuffisamment étayées pour ce qui est de leur impact sur le bien-être des animaux. Les règles en vigueur devraient dès lors être modifiées, il faudrait rechercher des informations supplémentaires et la législation ne devrait être actualisée que sur la base d'arguments scientifiques clairs et définitifs.

5.5

Les conditions géographiques et climatiques prévalant dans les différents pays peuvent gêner la mise en oeuvre des dispositions. Les spécificités régionales doivent être prises en considération lorsque les modifications proposées peuvent conduire à une diminution radicale de la compétitivité du secteur de l'élevage de bétail dans une région déterminée, en raison d'une hausse considérable des coûts de transport. Cela pourrait même signifier la fin de la production, ce qui augmenterait le risque de dépeuplement de régions déjà sensibles. Les règles doivent être suffisamment flexibles pour garantir des possibilités d'élevage d'animaux d'exploitation et de transport d'animaux vers les marchés dans des régions à faible densité d'animaux.

5.6

Des discussions devraient être entamées dès que possible en vue d'aboutir à des accords concrets sur l'application de normes internationales de transport d'envergure mondiale.

Bruxelles, le 26 février 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  COM(2000) 809 final adopté le 6 décembre 2000.

(2)  Résolution du Conseil du 19 juin 2001 sur la protection des animaux en cours de transport (JO C 273, 28.9.2001, p. 1).

(3)  Résolution du Parlement européen du 13 novembre 2001 sur le rapport de la Commission sur l'expérience acquise par les États membres depuis la mise en application de la directive 95/29/CE du Conseil modifiant la directive 91/628/CEE du Conseil relative à la protection des animaux en cours de transport (COM(2000) 809 - C5-0189/2001-2001/2085 (COS)) - A5-0347/2001.

(4)  Il devrait en être de même pour les migrations périodiques saisonnières (transhumance et retour dans la plaine).

(5)  Voir les résultats du projet «CATRA» (CAttle TRAnsport) financé par la Commission européenne, juin 2003. Cf. Commission IP 03/854, du 17 juin 2003.