ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 juillet 2023 (*)

« Pourvoi – Authentification d’un arrêt par le Tribunal – Article 118 du règlement de procédure du Tribunal – Copie de l’arrêt à signifier – Signature des juges – Ententes – Article 101 TFUE – Marché des condensateurs électrolytiques au tantale et à l’aluminium – Accords et pratiques concertées sur plusieurs éléments des prix – Notion d’infraction “par objet” – Charge de la preuve de la Commission européenne – Portée géographique d’un comportement anticoncurrentiel – Infraction unique et continue – Amende – Calcul du montant de base – Ventes à prendre en compte – Circonstances atténuantes – Pleine juridiction »

Dans l’affaire C‑759/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 décembre 2021,

Nippon Chemi-Con Corporation, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes P. Neideck, H.-J. Niemeyer, M. Röhrig, Rechtsanwälte, et par Me I.–L. Stoicescu, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme B. Ernst, M. T. Franchoo, Mmes C. Sjödin et L. Wildpanner, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme L.S. Rossi (rapporteure), présidente de chambre, MM. J.–C. Bonichot et S. Rodin, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Nippon Chemi-Con Corporation (ci–après « NCC ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021, Nippon Chemi-Con Corporation/Commission (T‑363/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:638), par lequel celui-ci a rejeté le recours de NCC tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2018) 1768 final de la Commission, du 21 mars 2018, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire AT.40136 – Condensateurs), publiée sous forme de résumé au Journal officiel de l’Union européenne du 11 décembre 2018 (JO 2018, C 446, p. 10, ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle concerne NCC, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision ou à la réduction de son montant.

 Le cadre juridique

2        L’article 37 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit :

« Les arrêts sont signés par le président et le greffier. Ils sont lus en séance publique. »

3        L’article 24 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Quorum des chambres siégeant avec trois juges ou avec cinq juges », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les délibérations des chambres siégeant avec trois juges ou avec cinq juges ne sont valables que si trois juges sont présents. »

4        L’article 35 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Attributions du greffier », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sous l’autorité du président du Tribunal, le greffier est chargé de la réception, de la transmission et de la conservation de tous documents, ainsi que des significations que comporte l’application du présent règlement. »

5        L’article 118 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Prononcé et signification de l’arrêt », prévoit, à son paragraphe 2 :

« La minute de l’arrêt, signée par le président, les juges ayant pris part aux délibérations et le greffier, est scellée et déposée au greffe. Une copie en est signifiée à chacune des parties. »

6        Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose, à son article 18, intitulé « Demandes de renseignements » :

« 1.      Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission [européenne] peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires.

2.      Lorsqu’elle envoie une simple demande de renseignements à une entreprise ou à une association d’entreprises, la Commission indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis. Elle indique aussi les sanctions prévues à l’article 23 au cas où un renseignement inexact ou dénaturé serait fourni.

3.      Lorsque la Commission demande par décision aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements, elle indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis. Elle indique également les sanctions prévues à l’article 23 et indique ou inflige les sanctions prévues à l’article 24. Elle indique encore le droit de recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision.

4.      Sont tenus de fournir les renseignements demandés, au nom de l’entreprise ou de l’association d’entreprises concernées, les propriétaires des entreprises ou leurs représentants et, dans le cas de personnes morales, de sociétés ou d’associations n’ayant pas la personnalité juridique, les personnes chargées de les représenter selon la loi ou les statuts. Les avocats dûment mandatés peuvent fournir les renseignements demandés au nom de leurs mandants. Ces derniers restent pleinement responsables du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis.

5.      La Commission transmet sans délai une copie de la simple demande ou de la décision à l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel est situé le siège de l’entreprise ou de l’association d’entreprises et à l’autorité de concurrence de l’État membre dont le territoire est concerné.

6.      À la demande de la Commission, les gouvernements et les autorités de concurrence des États membres fournissent à la Commission tous les renseignements nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement. »

7        L’article 23 de ce règlement, intitulé « Amendes », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE] [...]

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]

3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

8        L’article 31 dudit règlement, intitulé « Contrôle de la Cour de justice », énonce :

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

9        Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») sont rédigées comme suit :

« 13      En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’[Espace économique européen (EEE)]. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (ci-après “la valeur des ventes”).

[...]

21      En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

[...]

25      En outre, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. La Commission peut également appliquer un tel montant additionnel dans le cas d’autres infractions. En vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au point 22.

[...]

29      Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission. Ceci ne s’appliquera pas aux accords ou pratiques de nature secrète (en particulier les cartels) ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ; le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ;

–        lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ;

–        lorsque le comportement anti-concurrentiel a été autorisé ou encouragé par les autorités publiques ou la réglementation. [...]

[...]

37      Bien que les présentes Lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au point 21. »

10      Les points 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17) prévoient :

« (14)      Toute entreprise souhaitant solliciter l’immunité d’amende doit prendre contact avec la direction générale de la concurrence de la Commission. Elle peut soit demander dans un premier temps l’octroi d’un marqueur, soit présenter immédiatement une demande formelle d’immunité d’amende à la Commission, de manière à remplir les conditions fixées au point (8) a) ou b), selon le cas. La Commission peut s’abstenir de prendre en considération une demande d’immunité d’amende pour le motif qu’elle lui a été présentée après l’envoi de la communication des griefs.

(15)      Les services de la Commission peuvent accorder un marqueur protégeant la place d’une entreprise dans l’ordre d’arrivée des demandes pendant un délai qui sera déterminé au cas par cas afin de leur permettre de rassembler les renseignements et éléments de preuve nécessaires. Pour pouvoir obtenir un marqueur, l’entreprise doit communiquer à la Commission des informations concernant son nom et son adresse, les participants à l’entente présumée, le ou les produits en cause, le ou les territoires affectés, une estimation de la durée de l’entente présumée et la nature de l’entente présumée. Elle doit également informer la Commission de toute demande de clémence déjà présentée ou qui serait présentée à d’autres autorités au sujet de l’entente présumée et justifier sa demande d’un marqueur. Lorsqu’ils accordent un marqueur, les services de la Commission fixent le délai dans lequel l’entreprise doit compléter sa demande en fournissant les renseignements et éléments de preuve nécessaires pour atteindre le niveau de preuve requis pour l’immunité. Les entreprises qui ont obtenu un marqueur ne peuvent satisfaire à cette condition par la présentation d’une demande formelle en termes hypothétiques. Si l’entreprise s’exécute dans les délais impartis par les services de la Commission, les renseignements et éléments de preuve seront considérés comme ayant été communiqués à la date d’octroi du marqueur. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

11      Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 36 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante pour les besoins de la présente procédure.

12      NCC est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. Elle a également fabriqué des condensateurs électrolytiques au tantale jusqu’au mois de mars 2005 et en a vendu jusqu’au mois de janvier 2011, avec des ventes directes, facturées dans l’EEE, jusqu’au mois de février 2005.

13      L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

14      Le prix de ces condensateurs électrolytiques est un paramètre concurrentiel important.

15      Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont déposé une demande de marqueur auprès de la Commission, au titre des points 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.

16      Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’ « accord EEE »), dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises (ci-après les « participants à l’entente »), à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, NCC, Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble) et Nichicon Corporation, ont participé.

17      La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

18      L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et, tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents.

19      Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre l’année 1998 et l’année 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre l’année 2003 et l’année 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale » ou « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » (ci-après les « réunions ATC »). Elles ont été, enfin, organisées, entre l’année 2005 et l’année 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci–après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP ») ont été organisées, entre l’année 2006 et l’année 2008.

20      Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (ci-après, pris ensemble, les « échanges anticoncurrentiels »). Dans le cadre de ces échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix.

21      La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée visant un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché.

22      La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique.

23      Elle a retenu la responsabilité de NCC en raison de sa participation directe et continue à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012, et, à ce titre, elle lui a infligé une amende d’un montant de 97 921 000 euros.

24      Aux fins du calcul du montant de cette amende, la Commission a appliqué la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 2006.

25      En premier lieu, pour déterminer le montant de base de l’amende, elle a pris en compte la valeur des ventes de NCC durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au point 13 de ces lignes directrices.

26      La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE.

27      En outre, elle a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée.

28      En ce qui concerne NCC, la Commission, tout d’abord, a estimé qu’il y avait lieu de prendre en compte, en tant que période de référence, d’une part, la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes des condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011/2012, et, d’autre part, la dernière année complète au cours de laquelle NCC a vendu des condensateurs électrolytiques au tantale, à savoir l’année 2003/2004, étant donné qu’elle avait cessé de les vendre avant la fin de sa participation à l’infraction.

29      Ensuite, la Commission a considéré que NCC, par l’intermédiaire d’Europe Chemi-Con et d’United Chemi-Con, avait facturé des ventes directes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium dans l’EEE pendant toute la durée de sa participation à l’infraction et des ventes directes de condensateurs électrolytiques au tantale dans l’EEE jusqu’au 1er février 2005.

30      Enfin, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur de 13,82 (correspondant à la période comprise entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012) pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, et de 5,26 (correspondant à la période comprise entre le 29 octobre 1999 et le 1er février 2005) pour les condensateurs électrolytiques au tantale.

31      La Commission a fixé à 16 % la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction. À cet égard, elle a estimé que des arrangements horizontaux de coordination des prix comptaient, par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE.

32      La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du point 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée.

33      La Commission a, dès lors, fixé à 205 649 000 euros le montant de base de l’amende.

34      En deuxième lieu, la Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard de NCC.

35      En troisième lieu, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

36      La décision litigieuse dispose ce qui suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, au cours des périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans le secteur des condensateurs électrolytiques couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix :

[...]

g)      [NCC] du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 ;

[...]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[...]

j)      [NCC] : 97 921 000 [euros] ;

[...] »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2018, NCC a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle la concerne et, à titre subsidiaire, à l’annulation de l’amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant.

38      À l’appui de son recours, NCC a invoqué six moyens.

39      Par ses cinq premiers moyens, elle a contesté la conclusion de la Commission concernant l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le secteur des condensateurs électrolytiques sur l’ensemble du territoire de l’EEE pendant une durée de presque quatorze ans. Le premier moyen était tiré de la violation du droit d’être entendu, de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des droits de la défense et du principe d’intangibilité de l’acte. Le deuxième moyen était tiré d’un défaut de preuves de l’infraction, d’erreurs matérielles de fait et de la prescription. Le troisième moyen était tiré de l’absence d’une infraction unique et continue. Le quatrième moyen était tiré de l’absence d’une infraction par objet. Le cinquième moyen était tiré de l’incompétence territoriale de la Commission pour appliquer en l’espèce l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE.

40      Par le sixième moyen, NCC a contesté l’amende qui lui a été infligée, en demandant son annulation ou la réduction de son montant. Ce moyen était tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende et de la violation des lignes directrices de 2006, ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

41      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties

42      Par son pourvoi, NCC demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse, dans la mesure où celle-ci la concerne ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où il confirme l’amende infligée à NCC, ainsi que l’article 2, sous j), de la décision litigieuse ;

–        à titre encore plus subsidiaire, de réduire le montant de l’amende infligée à NCC dans la mesure des moyens du pourvoi qui seront considérés comme fondés, et

–        de condamner la Commission aux dépens en première et en seconde instance.

43      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner NCC à supporter l’intégralité des dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

 Sur le pourvoi

44      Au soutien de son pourvoi, NCC soulève six moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 118, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal

 Argumentation des parties

45      NCC soutient que l’arrêt attaqué ne comporte pas la signature des trois juges ayant participé aux délibérations, violant ainsi l’article 118, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et l’article 37 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Le 30 septembre 2021, le greffier aurait adressé une lettre à NCC afin de régulariser l’absence de signatures et la justifier par une crise sanitaire.

46      Or, tout d’abord, cette procédure ne serait ni prévue ni autorisée par les règles de procédure du Tribunal. En particulier, la régularisation de l’absence de signature d’un arrêt par les juges ne saurait être déléguée au greffier.

47      Ensuite, cette violation du règlement de procédure du Tribunal porterait atteinte aux intérêts de NCC. Plus précisément, l’obligation incombant aux juges d’apposer leurs signatures originales sur un arrêt certifierait qu’il est satisfait à l’exigence relative au quorum. Étant donné que toutes les signatures font défaut en l’espèce, rien ne prouverait le respect du quorum juridiquement requis. Par conséquent, l’arrêt attaqué ne saurait être considéré comme valable, conformément à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal et à l’article 37 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

48      Enfin, à titre subsidiaire, NCC, en s’appuyant sur les arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 75), et du 6 avril 2000, Commission/ICI (C‑286/95 P, EU:C:2000:188, points 41 à 53), fait valoir que l’absence des signatures des juges sur l’arrêt attaqué constitue une violation d’une forme substantielle au sens de l’article 263 TFUE, à savoir l’authentification dudit arrêt au moyen de la signature. L’authentification des actes aurait pour but d’assurer la sécurité juridique. L’absence d’authentification constituerait une violation d’une forme substantielle, indépendamment de tout autre vice de procédure ou de fond, ou sans qu’il soit nécessaire de prouver que cette absence a causé un préjudice à l’une des parties au litige. Le contrôle du respect de la formalité de l’authentification serait un préalable à tout autre contrôle, et une violation de cette formalité entraînerait l’annulation de l’acte entaché d’un tel vice.

49      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

50      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 118, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que le Tribunal aurait commise en notifiant à NCC une copie de l’arrêt attaqué non signée par les juges ayant participé aux délibérations.

51      Afin de statuer sur ce moyen, il convient de relever, en premier lieu, qu’il ne résulte pas de cette disposition que la copie de l’arrêt signifiée à chacune des parties doit porter la signature du président du Tribunal, des juges ayant pris part aux délibérations et du greffier [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 13 décembre 2021, Portugal/Commission, C‑547/21 P(R), non publiée, EU:C:2021:1007, point 116].

52      En deuxième lieu, dès lors que NCC se prévaut de la lettre du greffier du Tribunal accompagnant la copie de l’arrêt attaqué qui lui a été signifiée pour établir que la minute de cet arrêt n’a pas été signée par les juges ayant pris part aux délibérations, il y a lieu de souligner que, s’il ressort certes de cette lettre que des mesures d’organisation spécifiques avaient été mises en place au sein de ladite juridiction, en ce qui concerne les modalités d’approbation des arrêts, en vue d’assurer la continuité de son fonctionnement malgré la crise sanitaire, il ne découle pas de ladite lettre que des signatures manuscrites ne sont pas, postérieurement à la signification de la copie dudit arrêt, apposées sur la minute de celui-ci, conformément à l’article 118, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 13 décembre 2021, Portugal/Commission, C‑547/21 P(R), non publiée, EU:C:2021:1007, point 117].

53      En troisième lieu, c’est dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par l’article 35, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel le greffier est chargé de la réception, de la transmission et de la conservation de tous documents, ainsi que des significations que comporte l’application dudit règlement, que le greffier du Tribunal a indiqué dans sa lettre d’accompagnement de l’arrêt attaqué qu’il a pris acte de l’accord des juges ayant pris part aux délibérations au moyen de la procédure écrite, ainsi que du fait que cet arrêt a été rendu en bonne et due forme le 29 septembre 2021.

54      Dans ces conditions, il ne fait aucun doute que, lors de l’adoption de l’arrêt attaqué, les exigences tenant au quorum étaient respectées et qu’une copie exacte de cet arrêt a été notifiée aux parties.

55      Par ailleurs, la jurisprudence sur laquelle le pourvoi se fonde est dénuée de pertinence, dans la mesure où non seulement elle ne concerne pas le règlement de procédure du Tribunal, mais elle se réfère à des situations dans lesquelles l’acte en question n’avait pas pu être authentifié autrement qu’avec la signature de l’autorité l’ayant adopté.

56      Il s’ensuit que le premier moyen est non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE au regard de la preuve de l’infraction

57      Le deuxième moyen se compose de trois branches

 Sur la première branche du deuxième moyen, concernant la preuve du lien entre les réunions ECC et l’EEE

–       Argumentation des parties

58      Par la première branche du deuxième moyen, NCC fait valoir que le Tribunal a, à tort, établi un lien entre l’ensemble des 20 réunions ECC et l’EEE, en se basant sur six seulement de ces réunions ECC dont les procès-verbaux, selon les points 266 et 267 de l’arrêt attaqué, ont fait des références explicites à des clients européens et aux marchés d’outre–mer.

59      Or, d’une part, moins d’un tiers des réunions ne saurait démontrer que l’ensemble des 20 réunions ECC présentent un lien avec l’EEE.

60      D’autre part, de telles références seraient inexistantes dans trois de ces six réunions, ou du moins les effets de ces trois réunions auraient été très insignifiants pour l’EEE.

61      Premièrement, la référence à la « société T » dans le procès-verbal de la réunion du 26 juin 1998 ne corroborerait pas la supposition de la Commission, car T n’aurait pas été une société française et le Tribunal n’aurait pas pu s’appuyer sur la déclaration de Rubycon, sans motiver pourquoi T faisait référence à une société française.

62      Deuxièmement, les discussions lors de la réunion ECC du 18 septembre 2002 auraient concerné quatre types spécifiques de produits écologiques, qui représentaient une sous-série extrêmement petite de condensateurs électrolytiques à l’aluminium, de sorte que tout prétendu comportement anticoncurrentiel n’aurait eu qu’un effet très négligeable dans l’EEE.

63      Troisièmement, le procès-verbal de la réunion du 15 mai 2003 ne prouverait pas que l’expression « outre–mer » couvrait l’EEE, étant donné que les participants à cette réunion auraient discuté des conséquences de la pandémie de SARS qui a sévi en Chine au cours de la période comprise entre l’année 2002 et l’année 2003, en se concentrant particulièrement sur les marchés chinois et taïwanais.

64      La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

65      Par la première branche du deuxième moyen, NCC fait valoir que, en se fondant sur les procès-verbaux de seulement six réunions ECC contenant des références explicites à des clients européens et aux marchés d’outre–mer, c’est à tort que le Tribunal a considéré que les 20 réunions ECC présentaient, dans leur ensemble, un lien avec l’EEE.

66      Cette argumentation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

67      En effet, tout d’abord, le Tribunal a, au point 263 de l’arrêt attaqué, constaté que la division des 20 réunions en cause en deux sous-groupes de réunions thématiques, respectivement intitulés « Domestic » et « Foreign Trade », était dénuée de pertinence afin d’établir si ces réunions concernaient l’EEE ou non.

68      Ensuite, comme le fait valoir la Commission, sans être contredite par NCC, aux points 266 et 267 de cet arrêt, le Tribunal n’a mentionné que les réunions pour lesquelles NCC avait contesté l’existence d’un lien avec l’EEE, sans chercher à énumérer toutes les réunions ayant un tel lien, et cela afin de rejeter l’argument de NCC, rappelé au point 265 dudit arrêt, selon lequel certaines réunions ECC n’avaient pas de lien avec l’EEE.

69      Enfin, NCC ne conteste pas le point 270 de l’arrêt attaqué, selon lequel « les participants auxdites réunions n’avaient pas limité leurs discussions à une zone géographique en particulier » et que donc, dans la mesure où l’infraction en cause avait une portée mondiale, la Commission avait pu à juste titre considérer que ces réunions incluaient l’EEE.

70      Dans ces conditions, c’est à tort que NCC soutient que le Tribunal s’est fondé sur l’analyse des seules réunions mentionnées aux points 266 et 267 de l’arrêt attaqué afin d’établir la portée géographique des réunions ECC en question.

71      Par ailleurs, dans la mesure où NCC conteste que trois des six réunions visées aux points 266 et 267 de l’arrêt attaqué présentaient des liens avec l’EEE, elle critique l’appréciation des faits par le Tribunal sans pour autant alléguer de dénaturation. Cet argument doit dès lors être écarté.

72      Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen est non fondée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, concernant la portée de l’expression « outre–mer »

–       Argumentation des parties

73      Par la deuxième branche du deuxième moyen, NCC soutient que, en établissant la pertinence de six réunions ECC et MK pour ce qui concerne l’EEE, le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné, dénaturé les éléments de preuve et renversé la charge de la preuve, en violant, ce faisant, la présomption d’innocence.

74      Tout d’abord, le Tribunal aurait, au point 273 de l’arrêt attaqué, considéré qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une appréciation individuelle de chaque réunion d’outre–mer, pourvu que le faisceau d’indices, apprécié globalement, ait été suffisant pour établir l’infraction. Toutefois, la présence d’un faisceau d’indices n’aurait pas permis au Tribunal d’écarter des éléments de preuve existants ou de renoncer à toute appréciation individuelle des éléments de preuve disponibles. Or, NCC aurait fourni de tels éléments de preuve. Le Tribunal, en omettant de les examiner, aurait commis une erreur de droit et violé les droits de la défense de NCC.

75      Ensuite, en raison de cette erreur, le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve.

76      En effet, premièrement, il aurait ignoré des éléments de preuve invoqués par NCC visant à démontrer que les réunions en cause concernaient principalement les marchés asiatiques et que, dès lors, le Tribunal n’aurait pas pu conclure, au point 275 de l’arrêt attaqué, que l’expression « outre–mer » couvrait également l’EEE et que l’entente alléguée « avait une portée mondiale », d’une manière continue et tout au long des 14 ans de son existence.

77      Deuxièmement, et en tout état de cause, le Tribunal n’aurait pas pu déduire, au point 273 de l’arrêt attaqué, du fait que l’expression « outre–mer » incluait, « au moins dans certains cas », l’EEE, que l’entente alléguée – considérée dans son ensemble et pour sa durée totale – avait une incidence directe et substantielle sur l’EEE.

78      Troisièmement, le Tribunal aurait omis d’apprécier une réunion ECC, une réunion MK et quatre réunions ATC.

79      Enfin, le Tribunal aurait confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle l’expression « outre–mer » ne faisait pas référence à une zone géographique particulière et devait donc nécessairement couvrir l’EEE. Ce faisant, le Tribunal aurait exigé de NCC qu’elle prouve que les réunions en cause étaient dénuées de toute pertinence pour l’EEE, alors qu’il aurait appartenu à la Commission de prouver le contraire. Bien que le Tribunal a, au point 274 de l’arrêt attaqué, fait référence à trois réunions lors desquelles l’expression « outre–mer » aurait été utilisée en rapport avec l’EEE, il n’aurait fourni aucune explication ni développé aucune hypothèse quant au point de savoir pourquoi cela signifiait nécessairement que cette expression devait toujours inclure l’EEE, du moins dans la vaste majorité des contacts.

80      Le Tribunal aurait donc méconnu la jurisprudence sur la présomption d’innocence, selon laquelle le doute doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (arrêt du 14 mai 2020, NKT Verwaltung et NKT/Commission, C‑607/18 P, non publié, EU:C:2020:385, point 237). Le Tribunal se serait par ailleurs fondé sur une présomption non étayée, tout en laissant à NCC la charge de réfuter cette présomption, en méconnaissant les exigences prescrites en matière de preuve (arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, points 43 et 44).

81      La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

82      Par la deuxième branche du deuxième moyen, NCC soutient que c’est à tort que le Tribunal a, aux points 273 à 275 de l’arrêt attaqué, établi la pertinence de six réunions ECC et MK pour ce qui concerne l’EEE en raison de la circonstance que ces réunions concernaient l’outre–mer.

83      Il convient de relever à cet égard que l’argumentation développée par NCC, notamment en ce qui concerne la signification de l’expression « outre-mer », repose entièrement sur la prémisse selon laquelle le Tribunal a omis de prendre en considération certains éléments de preuve.

84      Cependant, le Tribunal a, au point 274 de l’arrêt attaqué, apprécié les éléments de preuve pour parvenir à la conclusion que, en substance, l’expression « outre–mer » impliquait les marchés en dehors du Japon et donc aussi l’EEE et cela indépendamment des références faites à l’EEE dans telle ou telle réunion.

85      Le Tribunal a ainsi relevé, en substance, que, premièrement, l’expression « outre-mer » ne faisait référence à aucune zone géographique précise et était employée de manière générique, de sorte que rien ne permettait d’exclure l’EEE. Deuxièmement, il ne ressortait pas du dossier que les participants à l’entente aient exclu l’EEE des discussions concernant la situation sur les marchés en dehors du Japon. Troisièmement, NCC n’avait pas contesté que les participants à l’entente, qui utilisaient cette expression lors des différents contacts, étaient pour la plupart présents sur le marché de l’EEE à l’époque desdits contacts, y compris NCC elle-même. Quatrièmement, dans de nombreuses réunions ATC et MK, l’expression « outre-mer » incluait l’EEE.

86      Or, force est de constater que NCC n’invoque aucune erreur commise par le Tribunal dans ces motifs ni n’explique les raisons pour lesquelles la prise en considération des éléments que le Tribunal aurait omis de considérer aurait impliqué l’existence d’une erreur dans lesdits motifs.

87      À ce dernier égard, il suffit de mentionner que, dans son pourvoi, NCC mentionne, certes, plusieurs éléments de preuve. Toutefois, elle se borne à alléguer, en substance, que ceux-ci seraient de nature à démontrer que l’entente était fortement concentrée sur l’Asie et ne concernait l’EEE que dans une moindre mesure.

88      Ainsi, n’ayant pas infirmé l’interprétation de l’expression « outre-mer » effectuée par le Tribunal au point 274 de l’arrêt attaqué, NCC ne saurait soutenir que le Tribunal a méconnu les exigences en matière de preuve en exigeant qu’elle réfute une présomption non étayée, à savoir que cette expression couvrait, en l’espèce, l’EEE.

89      Par ailleurs, si NCC semble soutenir que, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 295 de l’arrêt attaqué, la vaste majorité des 113 contacts en question ne présentait pas de lien avec l’EEE, elle n’a, cependant, aucunement étayé cette allégation.

90      Dans ces conditions, la deuxième branche du deuxième moyen est non fondée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, concernant le lien entre deux réunions et l’EEE

–       Argumentation des parties

91      Par la troisième branche du deuxième moyen, NCC critique le Tribunal pour avoir estimé, aux points 284 et 295 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer la réunion ECC du 7 novembre 2003 et la réunion MK du 17 septembre 2009, en raison du faisceau d’indices disponible. En effet, d’une part, NCC aurait motivé de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles ces deux réunions étaient dénuées de pertinence pour l’EEE. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas pu recourir à la doctrine du faisceau d’indices dès lors qu’il existait des éléments de preuve.

92      D’autre part, NCC aurait contesté l’interprétation faite par la Commission concernant les réunions ATC du 17 décembre 2003, des 13 mai et 11 novembre 2004 ainsi que du 16 février 2005, ce que l’arrêt attaqué ne reflèterait pas. Or, ces réunions étant incluses dans l’infraction unique et continue et dans l’infraction par objet, elles auraient présenté un intérêt et une pertinence tels que le Tribunal était, de l’avis de NCC, tenu de les examiner.

93      La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

94      Par la troisième branche du deuxième moyen, NCC fait valoir que le Tribunal a omis, d’une part, aux points 284 et 295 de l’arrêt attaqué, de se prononcer sur la réunion ECC du 7 novembre 2003 et la réunion MK du 17 septembre 2009, et, d’autre part, de répondre aux griefs de NCC à l’égard de l’interprétation faite par la Commission concernant les réunions ATC du 17 décembre 2003, des 13 mai et 11 novembre 2004 ainsi que du 16 février 2005.

95      Or, il convient de relever que, comme le souligne la Commission, le Tribunal a exposé, notamment aux points 283, 284 et 295 de l’arrêt attaqué, ce dernier point se référant également aux points 81 et 271 de cet arrêt, les raisons pour lesquelles il a considéré que les éléments de preuve recueillis par la Commission étaient suffisants pour conclure que les contacts contestés par NCC dans le cadre de son deuxième moyen en première instance avaient, dans leur ensemble, des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur de l’Union et que cette conclusion n’avait pas pu être remise en question par le simple fait que certains seulement de ces contacts n’avaient pas, pris isolément, de tels effets.

96      NCC ne remettant pas en question cette prémisse du raisonnement du Tribunal, son argumentation visant à faire valoir que certains de ces contacts, pris isolément, n’avait pas eu d’effets sur le territoire de l’EEE est inopérante.

97      La troisième branche du deuxième moyen doit dès lors être écartée.

98      Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen est non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE au regard du caractère unique et continu de l’infraction

99      Le troisième moyen se compose de deux branches.

 Sur la première branche du troisième moyen, concernant l’existence d’un plan d’ensemble

–       Argumentation des parties

100    Par la première branche du troisième moyen, NCC soutient que le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné pour déterminer s’il existait un plan d’ensemble, permettant de conclure à l’existence d’une infraction unique et continue. En effet, le Tribunal, au point 320 de l’arrêt attaqué, aurait estimé que, à cette fin, il suffisait que la Commission démontre que le but de toutes les actions était la « coordination des comportements en matière de prix ». Ainsi, le Tribunal aurait permis à la Commission de définir ledit plan d’une manière vague.

101    Or, d’une part, la Commission aurait dû démontrer que toutes les actions individuelles s’inscrivaient dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 47). Un tel plan d’ensemble devrait être suffisamment précis.

102    En effet, dès lors qu’il existe une infraction unique et continue, la Commission ne serait pas tenue de démontrer le caractère infractionnel de chaque comportement. Par conséquent, la doctrine de l’infraction unique et continue allègerait l’obligation de motivation et la charge de la preuve incombant à la Commission. Cependant, une interprétation exagérément large du plan d’ensemble reviendrait, en pratique, à empêcher une entreprise de se défendre contre la constatation d’une infraction. Tel serait le cas dans la présente affaire. En effet, le Tribunal aurait, au point 379 de l’arrêt attaqué, écarté le grief de NCC selon lequel certaines réunions visées au point 91 du présent arrêt avaient des priorités différentes, au simple motif qu’elles concernaient toutes « la concurrence par les prix » et le « futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques ».

103    D’autre part, le Tribunal aurait, au point 323 de l’arrêt attaqué, renversé la charge de la preuve en demandant à NCC d’avancer un « élément concret permettant de suggérer que certains comportements avaient des caractéristiques indiquant qu’ils ne partageaient pas le même objet anticoncurrentiel et, partant, qu’ils ne s’inscrivaient pas dans le même plan d’ensemble ».

104    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

105    Par la première branche du troisième moyen, NCC soutient que, au point 320 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur une notion trop vague de « plan d’ensemble », se limitant à considérer que le comportement reproché à NCC concernait la coordination des prix.

106    Il convient de relever, à cet égard, qu’il ressort clairement du point 332 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est assuré que la Commission n’a pas défini de manière vague l’objectif du plan d’ensemble et qu’il a constaté que la Commission avait conclu que celui-ci consistait à éviter la concurrence par les prix et à coordonner le comportement futur des participants concernant la vente de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché.

107    Le Tribunal a par ailleurs précisé, tant à ce point 332 qu’au point 320 de l’arrêt attaqué, que, pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’était notamment appuyée sur les éléments rappelés aux points 314 à 316 de cet arrêt.

108    Or, il ressort de ces points de l’arrêt attaqué, que NCC ne conteste pas, que la Commission avait considéré que « les différents contacts anticoncurrentiels décrits à la section 4.3.6 de la décision [litigieuse] s’inscrivaient dans un plan global avec un but anticoncurrentiel unique. L’objectif poursuivi par les parties, et qui transparaît de ces échanges, était d’éviter la concurrence par les prix et de coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché [...] Cet objectif anticoncurrentiel unique était poursuivi au moyen de discussions sur les prix, y compris sur les prix futurs, de discussions sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions) et, dans certains cas, sur la conclusion, l’application et le suivi d’accords sur les prix. Bien que l’entente ait évolué avec le temps, l’objectif n’avait pas changé, les 113 contacts anticoncurrentiels décrits dans la décision [litigieuse] présentant des caractéristiques communes en ce qui concerne les participants, la nature et la portée matérielle des discussions, qui se recoupaient. Ainsi, les réunions multilatérales, organisées sous différents noms (réunions ECC de 1998 à 2003, réunions ATC de 2003 à 2005, réunions MK de 2005 à 2012 et réunions CUP de 2006 à 2008), ont été, à des moments différents, suivies par les neuf participants à l’entente et portaient à la fois sur les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. En parallèle, des contacts bilatéraux et trilatéraux se déroulaient selon les besoins, couvrant des questions spécifiques. Les mêmes individus, ou leurs successeurs selon le cas, étaient impliqués dans les contacts anticoncurrentiels ».

109    Dès lors, c’est à tort que NCC soutient que le Tribunal s’est contenté de vérifier que la Commission avait considéré que le plan d’ensemble poursuivi par l’entente concernait la coordination des prix et qu’il s’est fondé sur ce seul élément lorsqu’il a vérifié si la Commission avait prouvé l’existence de ce plan.

110    Par ailleurs, c’est également à tort que NCC fait valoir que le Tribunal a renversé la charge de la preuve lorsque, au point 323 de l’arrêt attaqué, il a reproché à NCC de n’avoir avancé aucun élément concret permettant de suggérer que certains comportements avaient des caractéristiques indiquant qu’ils ne partageaient pas le même objet anticoncurrentiel et, partant, qu’ils ne s’inscrivaient pas dans le même plan d’ensemble.

111    En effet, le Tribunal était déjà parvenu, au point 320 de l’arrêt attaqué, à la conclusion que les éléments identifiés par la Commission dans la décision litigieuse et, notamment, ceux rappelés aux points 314 à 317 de cet arrêt, concernant les caractéristiques communes des contacts anticoncurrentiels, dont le but ultime était la coordination des comportements en matière de prix, étaient suffisants pour démontrer qu’ils partageaient le même objet et s’inscrivaient dans un plan global visant un objectif unique. NCC n’a pas contesté ces points.

112    Dans ces conditions, le Tribunal ayant à bon droit considéré que la Commission avait prouvé à suffisance de droit l’existence d’un tel plan global, il était en droit de juger qu’il appartenait à NCC de prouver que certains comportements échappaient à ce plan.

113    Au demeurant, afin de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 58 et jurisprudence citée).

114    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est non fondée.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, concernant le caractère continu de l’infraction

–       Argumentation des parties

115    Par la seconde branche du troisième moyen, NCC fait valoir que, même à supposer que la première branche du troisième moyen ne soit pas accueillie, les faits tels que constatés par le Tribunal ne justifient pas l’existence d’une infraction continue.

116    NCC estime à cet égard que, pour établir l’existence d’une infraction unique et continue, les actions individuelles doivent se poursuivre de façon ininterrompue, de sorte qu’elles puissent être qualifiées d’infraction unique. Pour ce qui concerne le caractère continu de l’infraction, la constatation du Tribunal devrait reposer sur des indices objectifs et concordants (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 264), c’est–à–dire que le caractère continu devrait être clairement établi.

117    Toutefois, les faits sur lesquels le Tribunal se serait fondé ne soutiendraient pas la constatation d’une infraction unique et continue, couvrant l’ensemble de la période s’étendant du 26 juin 1998 au 23 avril 2012, puisque seuls certains contacts individuels revêtiraient une pertinence pour l’EEE.

118    D’une part, les références limitées à l’EEE ne devraient pas suffire pour supposer l’existence d’une infraction unique et continue pendant la période s’étendant du 22 novembre 2000 au 29 août 2002. Pendant cette période, la Commission a établi l’existence de cinq réunions ECC, dont la pertinence limitée pour le marché de l’EEE ne permettrait pas de considérer que sont satisfaites les exigences juridiques relatives à la continuité.

119    En particulier, tout d’abord, pour ce qui concerne les réunions ECC du 22 novembre 2000 et du 19 septembre 2001, le Tribunal aurait, aux points 279 et 292 de l’arrêt attaqué, retenu des références génériques à des clients européens.

120    Ensuite, pour ce qui concerne les réunions ECC des 14 novembre 2001 et 19 mars 2002, le Tribunal aurait, aux points 272 et 274 de l’arrêt attaqué, invoqué la référence générique à l’expression « outre–mer », sans mentionner l’EEE.

121    Enfin, pour ce qui concerne la réunion ECC du 17 juillet 2002, le Tribunal aurait, aux points 272, 274 et 284 de l’arrêt attaqué, invoqué une référence générique à l’expression « outre–mer » et la pertinence alléguée des produits, qui ont fait l’objet des discussions lors de cette réunion, pour l’EEE, sans toutefois en apprécier la pertinence d’une manière substantielle.

122    D’autre part, quelques références à l’EEE ne devraient pas suffire pour supposer l’existence d’une infraction unique et continue pendant la période s’étendant du 4 août 2005 au 18 octobre 2006. Pendant cette période, la Commission aurait établi l’existence de huit contacts et réunions d’une faible pertinence pour l’EEE.

123    En particulier, NCC n’aurait pas participé à la réunion du 16 décembre 2005 ni au contact du 26 janvier 2006. Le Tribunal affirmerait dès lors erronément que NCC n’a pas contesté la pertinence de ces réunions pour l’EEE, alors qu’elle les aurait plutôt exclues comme réunions pertinentes.

124    Quant aux autres réunions et contacts, premièrement, le Tribunal ferait, au point 365 de l’arrêt attaqué, référence à un client européen et à l’Allemagne, mentionnés dans le procès–verbal de la réunion MK du 10 novembre 2005. Toutefois, le libellé de ce procès-verbal (« Casio se montre forte au Japon, en Allemagne ») ne fournirait aucune information sur les prix.

125    Deuxièmement, le Tribunal, au point 366 de l’arrêt attaqué, a mentionné que deux clients, Intel et Dell, qui possédaient des usines en Europe, ont été mentionnés lors du contact trilatéral du mois de janvier 2006, sans qu’il apparaisse clairement si ces usines étaient couvertes par ce contact trilatéral, alors qu’une référence claire à l’Asie ressortait des éléments de preuve et que ces derniers établissaient des liens entre les condensateurs électrolytiques à l’aluminium en polymère au Japon.

126    Troisièmement, le Tribunal, au point 367 de l’arrêt attaqué, se serait référé, de manière générale, au marché automobile européen et aux marchés européens, mentionnés dans le procès–verbal de la réunion MK du 12 avril 2006, bien que le Tribunal ait reconnu l’absence de pertinence des consoles de jeu pour l’EEE et que les affirmations générales concernant les marchés européens ne contenaient pas d’informations sensibles, ce que la Commission aurait reconnu.

127    Quatrièmement, le Tribunal, au point 368 de l’arrêt attaqué, ferait une référence générale à la crédibilité des éléments de preuve et à la portée mondiale de la réunion CUP du 4 juillet 2006. Le Tribunal aurait interprété de manière manifestement erronée les critiques formulées par NCC concernant le procès–verbal de cette réunion et la déclaration orale produits par Rubycon. Le grief relatif au caractère non fiable des éléments de preuve se serait concentré sur le fait que les notes avaient été fournies sur la base du souvenir d’un seul employé presqu’une décennie après cette réunion. En outre, l’interprétation faite par le Tribunal du procès–verbal de ladite réunion, selon laquelle les discussions « ne se limitaient pas à une zone géographique spécifique », serait erronée, parce que les informations prétendument sensibles échangées, telles que mentionnées dans le procès–verbal, faisaient explicitement référence au « marché des BRICS » (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), c’est–à–dire qu’elles excluaient l’EEE.

128    Cinquièmement, le Tribunal aurait relevé, au point 369 de l’arrêt attaqué, une simple référence à l’expression « outre–mer » dans le procès–verbal de la réunion MK du 12 juillet 2006, alors que, lors d’autres réunions, cette expression a été définie comme signifiant « la Chine et Taïwan ». En outre, le Tribunal aurait écarté l’argument avancé par NCC concernant les négociations de prix à la fin de chaque année avec les clients européens. Le postulat, non démontré, du Tribunal, selon lequel les prix étaient prétendument discutés « au cours de l’année concernée », ne permettrait pas de réfuter que discuter des prix au milieu de l’année (le 12 juillet) n’aurait eu aucun sens.

129    Sixièmement, le Tribunal, au point 370 de l’arrêt attaqué, se serait fondé sur le procès–verbal de la réunion MK du 13 septembre 2006 faisant référence à trois clients japonais, à savoir SONY, Pioneer et JVC, dont certains s’avéraient être des clients de la filiale européenne de NCC. Toutefois, le Tribunal aurait considéré erronément que ces éléments suffisaient pour démontrer que les informations échangées lors de cette réunion MK affectaient les ventes de condensateurs aux branches européennes des trois clients.

130    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

131    Par la seconde branche du troisième moyen, NCC fait valoir que, même à supposer que la première branche du troisième moyen ne soit pas accueillie, les faits tels que constatés par le Tribunal ne justifient pas l’existence d’une infraction continue.

132    À cet égard, tout d’abord, dans la mesure où, par son argumentation, NCC soutient que certains contacts ou réunions ne concernaient pas l’EEE, il suffit de constater, comme le Tribunal l’a rappelé au point 360 de l’arrêt attaqué, que « l’entente avait une portée mondiale et sa connexion avec l’EEE était motivée par le fait que les participants à l’entente avaient réalisé des ventes de condensateurs électrolytiques dans l’EEE ». La Commission n’était donc pas tenue de démontrer que chaque réunion ou échange anticoncurrentiel incluait une référence spécifique à l’EEE.

133    Ensuite, en ce que, par cette branche, NCC demande à la Cour d’apprécier les éléments de preuve dont disposait la Commission afin de vérifier si ces réunions ou échanges anticoncurrentiels présentaient un lien avec le marché de l’EEE, ladite branche est manifestement irrecevable au stade du pourvoi.

134    Enfin, dans la mesure où NCC reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs lors de l’appréciation des preuves sans, toutefois, alléguer de dénaturation, elle demande à la Cour de substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal. Or, une telle demande ne relève pas du contrôle de la Cour sur pourvoi.

135    Il s’ensuit que la seconde branche du troisième moyen est en partie irrecevable et en partie non fondée.

136    Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE au regard de la notion d’infraction par objet

137    Le quatrième moyen se compose de deux branches.

 Sur la première branche du quatrième moyen, concernant la qualification de l’infraction par objet dans son entièreté

–       Argumentation des parties

138    Par la première branche du quatrième moyen, NCC soutient que le Tribunal n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles l’infraction tout entière, c’est–à–dire l’ensemble des 113 réunions et contacts, a été qualifiée d’infraction par objet.

139    Selon NCC, la constatation d’une infraction par objet exempte la Commission de procéder à l’examen des effets du comportement anticoncurrentiel. Une telle exemption devrait se limiter aux actions qui par leur nature même révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 113 et 114). En ce qui concerne l’échange d’informations, le comportement devrait atténuer ou supprimer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 121 et 122). Le Tribunal ne devrait pas recourir à une analyse systémique mais prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question.

140    Le Tribunal n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles il a rejeté l’allégation de NCC, selon laquelle elle a rarement partagé des informations sur les prix.

141    D’une part, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé au point 423 de l’arrêt attaqué, il conviendrait de déterminer non pas si un seul échange d’informations peut suffire à établir une concertation, mais s’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour qualifier l’ensemble de l’infraction comme étant une infraction par objet. Des échanges de prix individuels seraient insuffisants à cet égard.

142    D’autre part, le Tribunal aurait simplement affirmé, au point 425 de l’arrêt attaqué, que, lors de « plusieurs réunions », des informations ont été divulguées concernant de futures intentions de prix. Il aurait fait référence, de manière générale, à son appréciation antérieure, aux points 199 à 257 de l’arrêt attaqué, du « caractère anticoncurrentiel » des échanges d’informations. En raison de ce caractère général, il n’apparaîtrait pas clairement quel seuil le Tribunal a appliqué pour établir que l’infraction dans son ensemble pouvait être considérée comme étant une infraction par objet et quelles réunions étayaient la constatation, par le Tribunal, de l’infraction par objet.

143    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

144    Par la première branche du quatrième moyen, NCC soutient que le Tribunal n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles l’infraction a été qualifiée dans son entièreté d’infraction par objet.

145    Afin de statuer sur cette branche, il suffit de relever, en premier lieu, que le Tribunal a, notamment aux points 409 à 414 de l’arrêt attaqué, lesquels ne sont pas contestés par le pourvoi, exposé les raisons pour lesquelles il a considéré que l’infraction constituait, dans son ensemble, une infraction par objet. En particulier, à ces points, le Tribunal a expliqué que l’infraction devait être considérée comme une infraction par objet, étant donné que les participants à l’entente avaient échangé des informations sensibles leur permettant de coordonner leur comportement sur le marché.

146    En second lieu, le Tribunal a, aux points 422 à 425 de l’arrêt attaqué, répondu à l’allégation de NCC selon laquelle elle aurait rarement partagé ses intentions en matière de prix.

147    Auxdits points, le Tribunal a expliqué que cette allégation devait être rejetée au motif qu’elle était, d’une part, dénuée de pertinence car, même si elle était exacte, elle ne suffirait pas pour exclure une infraction par objet, et, d’autre part, inexacte dans les faits, puisque NCC avait divulgué ses futures intentions de prix lors de plusieurs réunions qui ont eu lieu au cours de la période infractionnelle, ainsi que cela ressort de l’analyse du deuxième moyen de recours effectuée par le Tribunal.

148    Or, contrairement à ladite allégation de NCC, la circonstance que, au point 425 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se soit référé à des motifs contenus dans une autre partie de cet arrêt ne saurait impliquer une insuffisance de motivation. En effet, ces motifs sont clairement identifiables, NCC elle-même les ayant indiqués comme étant ceux exposés aux points 199 à 257 dudit arrêt, points que NCC n’a pas valablement contestés.

149    La référence, au point 425 de l’arrêt attaqué, à ces points 199 à 257 permettait à NCC de comprendre les raisons pour lesquelles, selon le Tribunal, il existait suffisamment d’éléments de preuve pour qualifier l’ensemble de l’infraction comme étant une infraction par objet. En particulier, audit point 425, le Tribunal a indiqué que les participants à l’entente, y compris NCC, ont divulgué leurs futures intentions de prix lors de plusieurs réunions qui ont eu lieu au cours de la période infractionnelle, ces réunions étant donc celles analysées aux points 199 à 257 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a examiné et rejeté les allégations de NCC selon lesquelles les participants à l’entente n’ont pas échangé d’informations commerciales sensibles lors des différents contacts.

150    Dans ces conditions, l’allégation de NCC selon laquelle elle aurait rarement partagé ses intentions en matière de prix manque en fait et il n’est dès lors pas nécessaire de vérifier si elle aurait été ou non pertinente en l’espèce.

151    Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen est non fondée.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen, concernant la qualification d’une infraction par objet

–       Argumentation des parties

152    Par la seconde branche du quatrième moyen, NCC fait valoir que le Tribunal n’a pas appliqué le critère juridique correct relatif à l’établissement d’une infraction par objet.

153    D’une part, le Tribunal aurait, au point 417 de l’arrêt attaqué, justifié l’existence d’une infraction par objet en faisant référence à un prétendu objectif économique unique, à savoir la coordination des comportements en matière de prix. Toutefois, un objectif économique ne permettrait pas, à lui seul, d’établir que des actions individuelles, et, notamment, l’infraction dans son ensemble, créent un « degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence », ce qui serait la condition préalable à l’établissement d’une infraction par objet. Une appréciation individuelle des comportements prétendument anticoncurrentiels aurait été nécessaire.

154    D’autre part, le Tribunal aurait rejeté l’argument selon lequel les informations partagées lors des réunions et des contacts n’étaient pas de nature à atténuer ou à supprimer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause, en affirmant simplement, aux points 423 et 424 de l’arrêt attaqué, qu’un seul échange d’informations pouvait suffire à établir une concertation et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer que les concurrents avaient fixé en commun leur comportement futur sur le marché. En outre, le Tribunal aurait, au point 426 de l’arrêt attaqué, fait référence d’une manière générale au contexte économique et juridique de l’infraction. Toutefois, le Tribunal aurait ignoré le fait que, lors de nombreuses réunions et contacts, les informations échangées étaient générales, non liées aux prix et publiquement disponibles, ce qui pourrait difficilement causer un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence.

155    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

156    Par la seconde branche du quatrième moyen, NCC fait valoir que le Tribunal n’a pas appliqué le critère juridique correct pour la qualification d’une infraction par objet.

157    Or, comme le soutient la Commission, l’argumentation de NCC procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

158    En effet, contrairement aux allégations de NCC, ce n’est pas au point 417 de cet arrêt que le Tribunal a motivé sa conclusion selon laquelle l’infraction constituait une infraction par objet. Le Tribunal était déjà parvenu à cette conclusion au point 414 dudit arrêt et cela sur la base des motifs, non contestés dans le pourvoi, figurant aux points 409 à 413 du même arrêt, dans lesquels le Tribunal a, en substance, considéré que l’objet de l’infraction tenait à la coordination des prix.

159    En particulier, ladite conclusion n’était pas fondée sur l’existence d’un objectif économique unique, mais notamment sur le fait, mentionné au point 412 de l’arrêt attaqué, que les échanges d’informations visaient non seulement à éliminer ou à réduire les incertitudes quant au comportement envisageable des participants à l’entente, mais aussi à permettre à ces derniers de s’accorder sur les prix et à limiter le pouvoir de négociation de leurs clients.

160    En revanche, au point 417 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à répondre à un argument de NCC et, à cette fin, s’est référé à l’existence d’un objectif économique unique pour confirmer l’existence d’un schéma régulier permettant d’établir une stratégie concurrentielle.

161    Par ailleurs, NCC ne conteste pas le point 419 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a constaté que les participants à l’entente ont échangé des informations individualisées, sensibles et confidentielles, de nature à influer directement sur leur stratégie commerciale et à atténuer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause. Or, une telle constatation est suffisante pour établir que l’infraction en cause avait un objet anticoncurrentiel.

162    Il s’ensuit que la seconde branche du quatrième moyen est non fondée.

163    Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE au regard de la compétence territoriale de la Commission

 Argumentation des parties

164    Par le cinquième moyen, NCC soutient que le Tribunal a, aux points 71 à 83 de l’arrêt attaqué, appliqué erronément l’article 101 TFUE et les articles 53 et 56 de l’accord EEE lorsqu’il a conclu que la Commission était territorialement compétente pour sanctionner l’ensemble de l’infraction.

165    En particulier, en appliquant la jurisprudence selon laquelle la Commission est compétente lorsqu’une entente a été mise en œuvre sur le territoire du marché intérieur, indépendamment du lieu où elle a été formée (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 16), le Tribunal aurait, au point 81 de l’arrêt attaqué, confirmé cette compétence sur la base de la seule considération que NCC « ne nie pas que les participants à l’entente, y compris elle–même, ont, directement ou indirectement, réalisé des ventes de condensateurs électrolytiques à l’échelle mondiale, y compris en Europe, même si [NCC] affirme que les ventes dans cette zone géographique étaient très limitées et effectuées par ses filiales ».

166    NCC fait valoir que, en réalité, si les ventes réalisées sur le territoire de l’Union peuvent être considérées comme étant une sorte de mise en œuvre des pratiques visées par la décision litigieuse, la référence générale à une simple vente dans l’Union ne devrait pas suffire à établir la compétence de la Commission pour toutes les réunions et tous les contacts.

167    D’une part, les réunions en question se seraient tenues au Japon, n’auraient inclus que certaines références à des clients européens ou à des produits vendus sur le marché européen et auraient concerné des ventes limitées au territoire de l’EEE. Dans ce contexte, le Tribunal aurait dû appliquer un seuil d’effet sensible plutôt que recourir à une simple vente dans l’Union.

168    D’autre part, il ne ressortirait pas clairement de l’arrêt attaqué sur quelles ventes précises repose l’appréciation du Tribunal, qui aurait dû expliquer au moins les raisons pour lesquelles des ventes, souvent limitées, suffisaient à établir la compétence de la Commission pour l’ensemble de l’infraction.

169    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

170    Afin de statuer sur ce cinquième moyen, il y a lieu de constater, d’une part, que, si NCC soutient que ses ventes dans l’EEE étaient peu importantes, elle ne nie cependant pas qu’elle a effectué de telles ventes et que celles-ci peuvent être regardées comme étant une mise en œuvre de l’entente.

171    Or, comme le soutient à juste titre la Commission, contrairement à la gravité d’une infraction, qui peut effectivement dépendre, notamment, du volume des ventes dans l’EEE et donc du degré d’exécution de cette infraction dans l’EEE, la compétence de la Commission pour poursuivre une telle infraction est justifiée par la simple circonstance que celle-ci a été mise en œuvre dans le marché intérieur.

172    Ainsi, étant donné que le Tribunal a, au point 81 de l’arrêt attaqué, constaté que NCC n’avait pas contesté que les participants à l’entente, y compris NCC, avaient effectué des ventes dans l’EEE, c’est à bon droit qu’il a conclu, au point 82 de cet arrêt, que le critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union était rempli en l’espèce, que l’infraction visée par la décision litigieuse relevait donc du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que la Commission était compétente aux fins de l’application de cette disposition et de l’article 53 de l’accord EEE.

173    D’autre part, dans la mesure où NCC soutient que certaines réunions et certains contacts ne relevaient pas de la compétence de la Commission, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé que c’est au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble, qu’il convient de déterminer si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

174    Il s’ensuit que le cinquième moyen est non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité au regard du calcul du montant de l’amende

175    Le sixième moyen se compose de trois branches.

 Sur la première branche du sixième moyen, concernant la prise en compte des liens limités entre l’infraction et l’EEE

–       Argumentation des parties

176    Par la première branche du sixième moyen, NCC soutient que le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en jugeant que le montant de l’amende infligée à NCC n’était pas disproportionné à la gravité de l’infraction alléguée.

177    En particulier, le Tribunal aurait commis une erreur lorsqu’il a, notamment aux points 490 à 495 et 523 de l’arrêt attaqué, écarté, aux fins du calcul de l’amende, les liens limités entre l’infraction et l’EEE. Par ailleurs, alors que le Tribunal aurait affirmé, au point 523 de l’arrêt attaqué, ou, du moins, « insinué », au point 504 de cet arrêt, que l’existence de liens limités entre l’infraction et l’EEE n’avait pas été démontrée, il n’aurait procédé, en réalité, à aucune appréciation quantitative ou qualitative de l’étendue et de l’intensité de ces liens avec l’EEE.

178    Or, le principe de proportionnalité exigerait que la Commission et le Tribunal procèdent à une appréciation globale de l’infraction alléguée, en mettant en balance tous les faits qui leur sont soumis. La gravité de l’infraction notamment devrait être appréciée au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels figureraient le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels (arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 197 et jurisprudence citée). L’étendue dans laquelle une infraction présente des liens avec l’EEE concernerait l’intensité de cette infraction dans l’EEE. La même considération s’appliquerait aux parts de marché que les destinataires d’une décision de la Commission possèdent dans l’EEE, en particulier lorsque ces parts de marché sont substantiellement différentes de la part de marché mondiale, comme en l’espèce.

179    La Commission aurait omis d’exercer son pouvoir d’appréciation lors de la fixation du montant des amendes.

180    Dans l’arrêt attaqué, tout d’abord, le Tribunal n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles la Commission ne disposait pas d’un pouvoir d’appréciation pour appliquer les lignes directrices de 2006, ainsi que l’avait soutenu NCC.

181    Ensuite, il n’aurait pas non plus justifié l’affirmation selon laquelle l’application par la Commission de ces lignes directrices était conforme au principe de proportionnalité. La référence au fait qu’un facteur de gravité de 16 % se trouve exactement au milieu de l’échelle, qui peut aller jusqu’à 30 % au titre desdites lignes directrices, comme le Tribunal l’aurait indiqué aux points 502 et 503 de l’arrêt attaqué, méconnaîtrait la pratique de longue date de la Commission, consistant à appliquer des facteurs de gravité se situant entre 15 et 18 % même pour les ententes les plus graves, catégorie dont ne relève pas l’infraction mise à la charge de NCC.

182    En outre, bien que le Tribunal ait reconnu que la liste des circonstances atténuantes n’est pas exhaustive, il n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles des liens limités avec l’EEE ne pouvaient pas être qualifiés de circonstance atténuante « extraordinaire ». Il se serait, en revanche, au point 504 de l’arrêt attaqué, écarté du sujet, en faisant référence à des circonstances, telles que le fait que l’infraction ne se limitait pas à l’EEE, qui n’auraient aucun lien avec les griefs spécifiques soulevés par NCC.

183    Enfin, le Tribunal aurait, au point 509 de l’arrêt attaqué, considéré que des liens limités entre l’infraction et l’EEE ne pouvaient pas être pris en considération au titre du point 37 des lignes directrices de 2006. En réalité, la Commission ne pourrait et ne devrait pas recourir au seul point 37 de ces lignes directrices lorsqu’elle est tenue de le faire pour assurer le respect des principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

184    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

185    Par la première branche du sixième moyen, NCC soutient que, en jugeant que le montant de l’amende infligée à NCC n’était pas disproportionné à la gravité de l’infraction, le Tribunal a violé le principe de proportionnalité.

186    Afin de statuer sur cette branche, il convient de relever que le Tribunal, afin de rejeter la seconde branche du sixième moyen du recours, tirée de la non-réduction du montant de l’amende en fonction des liens limités entre l’infraction et l’EEE, a, aux points 490 à 511 de l’arrêt attaqué, suivi un raisonnement en quatre étapes.

187    En premier lieu, le Tribunal a, aux points 493 à 499 de l’arrêt attaqué, rejeté les arguments de NCC concernant la prétendue existence de liens limités entre l’infraction et l’EEE. À cette fin, le Tribunal a, en substance, renvoyé aux motifs concernant les mêmes allégations de NCC visant à remettre en question l’existence même de l’infraction.

188    Comme le soutient la Commission, cela aurait pu être suffisant pour rejeter cette seconde branche du sixième moyen du recours en première instance, les autres arguments au soutien de celle-ci présupposant l’existence de tels liens limités. Est par ailleurs non pertinente à cet égard la référence à la jurisprudence issue de l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 203 à 207). En effet, dans cet arrêt, la Cour a reconnu l’importance de la fréquence des contacts et non celle de leur lien avec l’EEE.

189    En tout état de cause, en deuxième lieu, le Tribunal a, aux points 500 à 503 de l’arrêt attaqué, rejeté l’argumentation de NCC selon laquelle la Commission aurait dû tenir compte des liens limités entre l’entente et l’EEE afin de réduire le coefficient de gravité de l’infraction. À ces fins, le Tribunal a expliqué les raisons pour lesquelles il a considéré que la prise en compte de 16 % de la valeur des ventes de NCC au titre du point 21 des lignes directrices de 2006 n’était pas disproportionnée en l’espèce.

190    En troisième lieu, le Tribunal a, au point 504 de l’arrêt attaqué, rejeté l’argument de NCC selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des liens limités entre l’infraction et l’EEE au titre des circonstances atténuantes. Le Tribunal a relevé que, d’une part, il avait déjà été établi que l’infraction visée par la décision litigieuse « présentait une connexion avec l’EEE tout au long de la période infractionnelle » et que, d’autre part, même à supposer que les liens entre l’infraction et l’EEE fussent limités, il n’aurait pas été possible de rattacher cette circonstance à l’une des circonstances atténuantes mentionnées expressément au point 29 des lignes directrices de 2006. De plus, même si la liste prévue à ce point 29 n’était pas exhaustive, le fait que l’infraction n’était pas limitée à l’EEE, et qu’elle n’avait pas son origine dans l’EEE, n’était pas susceptible d’atténuer la gravité relative de la participation de NCC à cette infraction et, partant, de justifier une réduction, au titre des circonstances atténuantes, du montant de base de l’amende qui lui avait été infligée.

191    En quatrième et dernier lieu, le Tribunal a, aux points 505 à 509 de l’arrêt attaqué, rejeté les allégations de NCC selon lesquelles les particularités de l’affaire justifiaient que la Commission se départît, au titre du point 37 des lignes directrices de 2006, de la méthode de calcul du montant de l’amende fixée par ces lignes directrices.

192    Ainsi, contrairement aux allégations du pourvoi, tout d’abord, le Tribunal a indiqué, en se référant à d’autres parties de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il a considéré que NCC n’avait pas prouvé l’existence de liens limités entre l’infraction et l’EEE.

193    Ensuite, s’agissant du facteur de gravité, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que, l’infraction comptant, par sa nature même, parmi les infractions les plus graves et s’étendant sur l’ensemble du territoire de l’EEE, il ne saurait être considéré que le coefficient de gravité de 16 % ne serait pas approprié ou serait trop élevé au regard de l’infraction de NCC ou que son application à tous les destinataires de la décision litigieuse violerait le principe d’égalité de traitement. La pratique antérieure de la Commission n’est pas pertinente à cet égard.

194    En outre, en ce qui concerne l’argument de NCC selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des liens limités entre l’infraction et l’EEE au titre des circonstances atténuantes, étant donné que l’existence même de ces liens limités n’a pas été prouvée, cet argument est inopérant.

195    Enfin, en ce qui concerne l’argument de NCC concernant l’application du point 37 des lignes directrices de 2006, il appartient à l’entreprise concernée de prouver qu’une affaire présente des particularités justifiant que la Commission se départe de la méthode prévue dans les lignes directrices de 2006. En effet, ces lignes directrices encadrent la marge de manœuvre de la Commission dans la fixation des amendes et la Commission, dès qu’elle décide d’adopter de telles lignes directrices, est, en principe, tenue de les suivre.

196    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen est non fondée.

 Sur la deuxième branche du sixième moyen, concernant l’exercice, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction

–       Argumentation des parties

197    Par la deuxième branche du sixième moyen, NCC soutient, en substance, que, pour les mêmes raisons que celles résumées aux points 177 à 179 du présent arrêt, le Tribunal a violé le principe de proportionnalité et l’article 49 de la Charte en n’exerçant pas les pouvoirs de pleine juridiction dont il a été investi au titre de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003, pour réduire le montant de l’amende infligée à NCC. Si la portée du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi l’empêche de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation du montant de l’amende à celle du Tribunal, NCC soutient que la Cour peut néanmoins contrôler si le Tribunal, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, a commis une erreur manifeste ou a manqué aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

198    Ainsi, selon NCC, quand bien même les autres moyens du pourvoi seraient non fondés, il reste que le Tribunal était tenu, conformément au principe de proportionnalité, d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende en raison des liens limités entre l’infraction et l’EEE.

199    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

200    Par la deuxième branche du sixième moyen, NCC soutient que, en n’exerçant pas ses pouvoirs de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée, le Tribunal a violé le principe de proportionnalité et l’article 49 de la Charte.

201    Contrairement aux allégations de la Commission, NCC ne demande pas à la Cour de substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal afin de réduire l’amende qui lui a été infligée, de sorte que cette deuxième branche est recevable.

202    Cependant, cette deuxième branche du sixième moyen repose sur les mêmes allégations que celles développées au soutien de la première branche de ce moyen.

203    Étant donné qu’il résulte du point 196 du présent arrêt que cette première branche est non fondée, la deuxième branche du sixième moyen doit également être écartée.

 Sur la troisième branche du sixième moyen, concernant des éléments essentiels du calcul de l’amende

–       Argumentation des parties

204    Par la troisième branche du sixième moyen, NCC soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en motivant insuffisamment ses appréciations concernant des éléments essentiels du calcul de l’amende, violant, ce faisant, l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), de la Charte. Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en produisant une appréciation incomplète des éléments de preuve et des faits.

205    Tout d’abord, le Tribunal n’aurait, aux points 505 et 509 de l’arrêt attaqué, pas motivé suffisamment sa conclusion selon laquelle la Commission n’était pas tenue d’accorder à NCC une réduction du montant de son amende, conformément au point 37 des lignes directrices de 2006, au motif qu’aucune particularité n’avait été démontrée, justifiant l’application de ce paragraphe 37. En réalité, NCC aurait démontré de telles particularités.

206    Ensuite, le Tribunal n’aurait, au point 458 de l’arrêt attaqué, pas produit d’appréciation complète des éléments de preuve et des faits pertinents présentés par NCC à l’appui de son argument selon lequel le calcul de la valeur des ventes par la Commission violait le principe de proportionnalité.

207    Enfin, le Tribunal n’aurait, aux points 483 à 489 de l’arrêt attaqué, pas produit d’appréciation complète des éléments de preuve produits et des faits présentés par NCC concernant la nature extraordinaire de l’exercice 2011/2012.

208    La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

209    Par la troisième branche du sixième moyen, NCC soutient que le Tribunal, en motivant insuffisamment ses appréciations concernant des éléments essentiels du calcul de l’amende, a violé l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), de la Charte. Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en procédant à une appréciation incomplète des éléments de preuve et des faits.

210    Afin de statuer sur cette troisième banche, il convient de relever que, tout d’abord, NCC répète ses allégations, développées dans le cadre de la première branche du sixième moyen, concernant l’absence de liens entre l’infraction et l’EEE, allégations qui ne sauraient prospérer pour les motifs exposés aux points 185 à 196 du présent arrêt.

211    Ensuite, dans la mesure où NCC reproche au Tribunal de ne pas avoir, au point 458 de l’arrêt attaqué, apprécié de manière complète les éléments de preuve à l’appui de son argument selon lequel le calcul de la valeur des ventes par la Commission violait le principe de proportionnalité, il suffit de constater que, à ce point 458, c’est à titre subsidiaire que le Tribunal a considéré que l’argument de NCC tiré d’une violation du principe de proportionnalité n’était pas étayé. À titre principal, le Tribunal a, audit point 458, précisé que les ventes en cause de NCC dans l’EEE correspondaient au chiffre d’affaires provenant des produits qui faisaient l’objet de l’infraction et que, partant, ces ventes constituaient un élément objectif qui donnait une juste mesure de la nocivité de l’infraction et de son ampleur sur le marché concerné ainsi que du poids de la requérante dans celle-ci. Or, NCC n’ayant pas contesté cette appréciation, formulée à titre principal, son argumentation dirigée contre l’appréciation subsidiaire figurant à ce même point 458 de l’arrêt attaqué, est inopérante.

212    Enfin, dans la mesure où NCC soutient que le Tribunal n’a pas procédé à une appréciation complète en ce qui concerne l’utilisation par la Commission de l’exercice 2011/2012 comme année de référence pour déterminer la valeur des ventes de NCC, il suffit de relever que la prise en compte de cet exercice découlait de l’application des lignes directrices de 2006. Dès lors, la Commission était tenue de prendre en compte ledit exercice, comme l’a jugé le Tribunal au point 482 de l’arrêt attaqué. À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 486 de l’arrêt attaqué, que les éléments invoqués par NCC ne suffisaient pas à prouver que cette prise en compte était injustifiée. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir procédé à l’appréciation desdits éléments.

213    Il s’ensuit que la troisième branche du sixième moyen est non fondée.

214    Compte tenu de ce qui précède, le sixième moyen doit être écarté.

215    Aucun moyen n’ayant prospéré, le pourvoi doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

216    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

217    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

218    En l’espèce, NCC ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Nippon Chemi-Con Corporation est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.