ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

4 février 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Recevabilité — Dumping — Importations de chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam — Validité du règlement (CE) no 1472/2006 et du règlement d’exécution (UE) no 1294/2009 — Accord antidumping de l’OMC — Règlement (CE) no 384/96 — Article 2, paragraphe 7 — Détermination de l’existence d’un dumping — Importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché — Demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché — Délai — Article 9, paragraphes 5 et 6 — Demandes de traitement individuel — Article 17 — Échantillonnage — Article 3, paragraphes 1, 5 et 6, article 4, paragraphe 1, et article 5, paragraphe 4 — Coopération de l’industrie de l’Union — Article 3, paragraphes 2 et 7 — Détermination de l’existence d’un préjudice — Autres facteurs connus — Code des douanes communautaire — Article 236, paragraphes 1 et 2 — Remboursement de droits non légalement dus — Délai — Cas fortuit ou de force majeure — Invalidité d’un règlement ayant institué des droits antidumping»

Dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (division de la fiscalité), Royaume-Uni] et par le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne), par décisions des 9 décembre 2013 et 24 octobre 2013, parvenues à la Cour respectivement les 13 décembre 2013 et 24 janvier 2014, dans les procédures

C & J Clark International Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (C‑659/13),

et

Puma SE

contre

Hauptzollamt Nürnberg (C‑34/14),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur), M. Safjan, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juillet 2015,

considérant les observations présentées:

pour C & J Clark International Ltd, par Mes A. Willems, S. De Knop, S. Mourabit et J. Charles, advocaten,

pour Puma SE, par Me K. von Brocke, Rechtsanwalt, et Mes E. Vermulst, J. Sud et S. Van Cutsem, advocaten,

pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme S. Boelaert et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de M. B. O’Connor, solicitor, et de Me S. Gubel, avocat,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Armati et L. Grønfeldt ainsi que par M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur la validité et l’interprétation du règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le «règlement définitif»), et du règlement d’exécution (UE) no 1294/2009 du Conseil, du 22 décembre 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures mené conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 384/96 du Conseil (JO L 352, p. 1, ci-après le «règlement de prolongation» et, pris ensemble avec le règlement définitif, les «règlements litigieux»), ainsi que sur l’interprétation de l’article 236 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, C & J Clark International Ltd (ci-après «Clark») aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration des impôts et des douanes du Royaume-Uni) ainsi que Puma SE (ci-après «Puma») au Hauptzollamt Nürnberg (bureau principal des douanes de Nuremberg), au sujet du droit antidumping acquitté par Clark et par Puma, en application des règlements litigieux, à l’occasion de l’importation de chaussures à dessus en cuir dans l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994, ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 3 de cet accord (ci-après, ensemble, les «accords OMC»), au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’«accord antidumping de l’OMC»).

4

L’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC stipule:

«En règle générale, les autorités détermineront une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur connu ou producteur concerné du produit visé par l’enquête. Dans les cas où le nombre d’exportateurs, de producteurs, d’importateurs ou de types de produits visés sera si important que l’établissement d’une telle détermination sera irréalisable, les autorités pourront limiter leur examen soit à un nombre raisonnable de parties intéressées ou de produits, en utilisant des échantillons qui soient valables d’un point de vue statistique d’après les renseignements dont elles disposent au moment du choix, soit au plus grand pourcentage du volume des exportations en provenance du pays en question sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter.»

5

Aux termes de l’article 9.2 de cet accord:

«Lorsqu’un droit antidumping est imposé en ce qui concerne un produit quelconque, ce droit, dont les montants seront appropriés dans chaque cas, sera recouvré sans discrimination sur les importations dudit produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il aura été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et qu’elles causent un dommage, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement en matière de prix au titre du présent accord aura été accepté. Les autorités feront connaître le nom du ou des fournisseurs du produit en cause. Si, toutefois, plusieurs fournisseurs du même pays sont impliqués et qu’il ne soit pas réalisable de les nommer tous, les autorités pourront faire connaître le nom du pays fournisseur en cause. Si plusieurs fournisseurs relevant de plusieurs pays sont impliqués, les autorités pourront faire connaître le nom soit de tous les fournisseurs impliqués, soit, si cela est irréalisable, celui de tous les pays [des] fournisseurs impliqués.»

Le droit de l’Union

Le code des douanes

6

L’article 236 du code des douanes prévoit:

«1.   Il est procédé au remboursement des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de son paiement leur montant n’était pas légalement dû [...]

[…]

2.   Le remboursement ou la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur.

Ce délai est prorogé si l’intéressé apporte la preuve qu’il a été empêché de déposer sa demande dans ledit délai par suite d’un cas fortuit ou de force majeure.

[...]»

Le règlement no 384/96

7

À l’époque des faits à l’origine des litiges au principal, l’adoption de mesures antidumping par l’Union était régie par le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, et rectificatifs JO 1999, L 94, p. 27, et JO 2000, L 263, p. 34), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (JO L 77, p. 12, ci-après le «règlement no 384/96»).

8

L’article 1er du règlement no 384/96, intitulé «Principes», disposait, à ses paragraphes 1 et 2:

«1.   Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans [l’Union] cause un préjudice.

2.   Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers [l’Union] est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.»

9

L’article 2 de ce règlement, intitulé «Détermination de l’existence d’un dumping», prévoyait, à ses paragraphes 1 à 6, des règles générales relatives à la détermination de la valeur normale d’un produit. Cet article disposait notamment, à son paragraphe 1, qu’une telle valeur était «normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur».

10

L’article 2, paragraphe 7, dudit règlement disposait:

«a)

Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché [...], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris [l’Union], ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

[...]

b)

Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine, [...] du Viêt Nam [...] et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent.

c)

La requête présentée au titre du point b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si:

[...]

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie [de l’Union] a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête.»

11

L’article 3 du même règlement, intitulé «Détermination de l’existence d’un préjudice», prévoyait, à ses paragraphes 1, 2 et 5 à 7:

«1.   Pour les besoins du présent règlement, le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie [de l’Union], d’une menace de préjudice important pour une industrie [de l’Union] ou d’un retard sensible dans la création d’une industrie [de l’Union] et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif: a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de [l’Union]; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie [de l’Union].

[...]

5.   L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie [de l’Union] concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie [...]

6.   Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie [de l’Union] au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7.   Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie [de l’Union] sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et [de l’Union] et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie [de l’Union].»

12

L’article 4 du règlement no 384/96, intitulé «Définition de l’industrie [de l’Union]», disposait, à son paragraphe 1:

«Aux fins du présent règlement, on entend par ‘industrie [de l’Union]’ l’ensemble des producteurs [de l’Union] de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la production [de l’Union] totale de ces produits [...]

[...]»

13

L’article 5 de ce règlement, intitulé «Ouverture de la procédure», prévoyait, à ses paragraphes 1 et 4:

«1.   [...] une enquête visant à déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué est ouverte sur plainte présentée par écrit par toute personne physique ou morale ou toute association n’ayant pas la personnalité juridique, agissant au nom de l’industrie [de l’Union].

[...]

4.   Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimé par les producteurs [de l’Union] du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie [de l’Union] ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie [de l’Union] ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs [de l’Union] dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie [de l’Union] exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs [de l’Union] soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie [de l’Union].»

14

L’article 9 dudit règlement, intitulé «Clôture de la procédure sans institution de mesures; imposition de droits définitifs», disposait, à ses paragraphes 5 et 6:

«5.   Un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du présent règlement a été accepté. Le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable et, en règle générale, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 7, point a), le nom du pays fournisseur concerné.

En cas d’application de l’article 2, paragraphe 7, point a), un droit individuel peut toutefois être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que:

a)

dans le cas d’entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d’entreprises communes, les exportateurs sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices;

b)

les prix à l’exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement;

c)

la majorité des actions appartient à des particuliers. Les fonctionnaires d’État figurant dans le conseil d’administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou la société est suffisamment indépendante de l’intervention de l’État;

d)

les opérations de change sont exécutées au taux du marché, et

e)

l’intervention de l’État n’est pas de nature à permettre le contournement des mesures si les exportateurs bénéficient de taux de droit individuels.

6.   Lorsque la Commission a limité son examen conformément à l’article 17, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17 mais n’ont pas été inclus dans l’enquête ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon. [...] Des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel conformément à l’article 17.»

15

L’article 11 du même règlement, intitulé «Durée, réexamens et restitutions», prévoyait, à son paragraphe 8:

«[...] un importateur peut demander le remboursement de droits perçus lorsqu’il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle les droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur au niveau du droit en vigueur.

Pour obtenir le remboursement du droit antidumping, l’importateur doit soumettre une demande à la Commission. Cette demande est soumise via l’État membre sur le territoire duquel les produits ont été mis en libre pratique, et ce dans les six mois à compter de la date à laquelle le montant des droits définitifs à percevoir a été dûment établi par les autorités compétentes ou à compter de la date à laquelle il a été décidé de percevoir définitivement les montants déposés au titre des droits provisoires. Les États membres transmettent immédiatement la demande à la Commission.

[...]»

16

L’article 17 du règlement no 384/96, intitulé «Échantillonnage», disposait, à ses paragraphes 1 à 3:

«1.   Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

2.   Le choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application des dispositions relatives à l’échantillonnage, relève de la Commission, mais la préférence doit être accordée au choix d’un échantillon en consultation avec les parties concernées ou avec leur consentement, sous réserve que ces parties se fassent connaître et fournissent suffisamment de renseignements dans les trois semaines suivant l’ouverture de l’enquête afin de permettre le choix d’un échantillon représentatif.

3.   Lorsque l’examen est limité conformément au présent article, une marge de dumping individuelle est néanmoins calculée pour chaque exportateur ou producteur n’ayant pas été choisi initialement qui présente les renseignements nécessaires dans les délais prévus par le présent règlement, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile.»

Le règlement (CE) no 1972/2002

17

Postérieurement à son adoption, le règlement no 384/96 a été modifié à plusieurs reprises. En particulier, son article 9, paragraphe 5, a été modifié par le règlement (CE) no 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002 (JO L 305, p. 1). Cette modification a consisté, en substance, à ajouter au premier alinéa de cet article 9, paragraphe 5, un second alinéa. Le considérant 7 du règlement no 1972/2002 motive cette insertion comme suit:

«Le règlement no 384/96 n’indique pas les critères à prendre en considération pour attribuer à un exportateur pour lequel une valeur normale est établie en vertu de l’article 2, paragraphe 7, point a), un taux de droit individuel calculé en comparant cette valeur normale aux prix à l’exportation individuels de cet exportateur. Il convient, dans un souci de transparence et de sécurité juridique, de fixer des critères clairs d’attribution de ce traitement individuel. Les prix à l’exportation des exportateurs relevant de l’article 2, paragraphe 7, point a), du règlement no 384/96 peuvent donc être pris en considération à condition que les activités d’exportation de la société soient décidées librement, que le capital et le contrôle de la société soient suffisamment indépendants et que l’intervention de l’État ne soit pas de nature à permettre le contournement des mesures antidumping individuelles. Un tel traitement individuel peut être accordé aux exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que dans le cas d’entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d’entreprises communes, ils sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices, que les prix à l’exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement et que les opérations de change sont exécutées au taux du marché. Il devrait également être démontré que la majorité des actions appartient à des particuliers et que les fonctionnaires d’État figurant dans le conseil d’administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou que la société est suffisamment indépendante de l’intervention de l’État.»

Le règlement (CE) no 1225/2009

18

Postérieurement aux faits à l’origine des litiges au principal, le règlement no 384/96 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51), qui est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 22 décembre 2009.

19

Le libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 correspondait, dans sa version initiale, à celui de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, dans sa version issue du règlement no 1972/2002.

20

Cette disposition a cependant été modifiée depuis lors par le règlement (UE) no 765/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012, modifiant le règlement no 1225/2009 (JO L 237, p. 1). Conformément à son article 2, le règlement no 765/2012 est entré en vigueur le troisième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 3 septembre 2012, et ne s’applique qu’aux enquêtes ouvertes conformément au règlement no 1225/2009 et après cette entrée en vigueur. Les considérants du règlement no 765/2012 motivent la modification du règlement no 1225/2009 à laquelle il est procédé de la manière suivante:

«(1)

Le 28 juillet 2011, l’organe de règlement des différends (ORD) de l’[OMC] a adopté le rapport de l’organe d’appel et le rapport du groupe spécial, modifié par le rapport de l’organe d’appel (ci‑après dénommés les ‘rapports’), dans l’affaire ‘Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine’ [...]

(2)

Dans les rapports, il a été constaté, entre autres, que l’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009] était incompatible avec les articles 6.10, 9.2 et 18.4 de l’accord antidumping de l’OMC et avec l’article XVI:4 de l’accord sur l’OMC. L’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009] prévoit que les producteurs-exportateurs individuels de pays n’ayant pas une économie de marché, qui n’obtiennent pas le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché au titre de l’article 2, paragraphe 7, point c), du règlement [no 1225/2009], sont soumis à un taux de droit applicable à l’échelle nationale, à moins que ces exportateurs puissent démontrer qu’ils satisfont aux conditions permettant de bénéficier d’un traitement individuel énoncées à l’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009].

(3)

L’organe d’appel a estimé que l’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009] établit une présomption selon laquelle les producteurs-exportateurs opérant dans des pays n’ayant pas une économie de marché ne peuvent pas prétendre au bénéfice d’un traitement individuel et que, pour bénéficier de ce traitement, ils sont tenus de démontrer qu’ils respectent les critères donnant droit à un traitement individuel. Selon l’organe d’appel, aucun fondement juridique pour une telle présomption ne figure dans les accords visés de l’OMC.

(4)

Toutefois, l’organe d’appel a précisé que la question de savoir si la détermination d’une marge de dumping unique et d’un droit antidumping unique pour un certain nombre d’exportateurs est incompatible avec les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC dépendra de l’existence de situations qui indiqueraient que, bien que juridiquement distincts, deux exportateurs ou plus ont une relation telle qu’ils devraient être traités comme une entité unique. [...] À cet égard, les éléments figurant dans les modifications proposées de l’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009] qui reflètent ces situations devraient être lus à la lumière des précisions apportées par l’organe d’appel, sans préjudice d’éléments formulés dans des termes identiques ou similaires dans d’autres dispositions du règlement [no 1225/2009].

(5)

Le 18 août 2011, l’Union a informé l’ORD qu’elle avait l’intention de mettre en œuvre les recommandations et décisions de l’ORD relatives au présent différend, d’une manière qui respecte ses obligations dans le cadre de l’OMC.

(6)

À cette fin, il convient de modifier les dispositions de l’article 9, paragraphe 5, du règlement [no 1225/2009].»

Le règlement (CE) no 1515/2001

21

L’article 1er du règlement (CE) no 1515/2001 du Conseil, du 23 juillet 2001, relatif aux mesures que la Communauté peut prendre à la suite d’un rapport adopté par l’organe de règlement des différends de l’OMC concernant des mesures antidumping ou antisubventions (JO L 201, p. 10), prévoit notamment, à son paragraphe 1, que, lorsque l’ORD adopte un rapport concernant une mesure prise par l’Union en application de sa réglementation antidumping, le Conseil peut, selon les cas, abroger ou modifier la mesure incriminée, ou adopter toute autre mesure particulière jugée appropriée en l’espèce.

22

L’article 3 du règlement no 1515/2001 dispose que «[l]es mesures adoptées conformément au présent règlement prennent effet à compter de la date de leur entrée en vigueur et ne peuvent être invoquées pour obtenir le remboursement des droits perçus avant cette date, sauf indication contraire».

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Les règlements litigieux

23

Le 7 juillet 2005, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 166, p. 14), l’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations, dans l’Union, de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam (ci-après les «produits en cause»).

24

Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) no 553/2006, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 98, p. 3, ci-après le «règlement provisoire»). Conformément à son article 3, ce règlement est entré en vigueur le 7 avril 2006, pour une période de six mois.

25

Les considérants 119 et 120 du règlement provisoire indiquent:

«(119)

Des parties intéressées ont aussi affirmé que la structure des coûts était différente au Brésil et dans les pays concernés, car certains coûts [recherche et développement (‘R & D’), conception, etc.] à charge des clients des exportateurs chinois et vietnamiens sont supportés par les producteurs brésiliens et donc inclus dans leur coût de production.

(120)

Il a en effet été constaté que, dans certains cas, les exportateurs des pays en cause vendent le produit concerné dans [l’Union] à d’anciens producteurs [de ladite Union] qui continuent à prendre en charge les éléments du coût de production mentionnés ci-dessus et vendent le produit sous leur propre marque. Ce n’est toutefois pas une raison pour rejeter le Brésil, ces coûts pouvant faire l’objet d’ajustements au moment de l’établissement de la valeur normale.»

26

Le 5 octobre 2006, le Conseil a adopté le règlement définitif, qui a institué un droit antidumping définitif sur lesdites importations.

27

Les considérants 132 à 135 du règlement définitif indiquent:

«(132)

Certaines parties intéressées ont affirmé qu’aucun ajustement destiné à tenir compte des coûts de recherche-développement (‘R & D’) n’aurait dû être appliqué à la valeur normale, au motif que les producteurs chinois et vietnamiens supportaient des coûts similaires de R & D.

(133)

Il a cependant été constaté que les coûts de R & D supportés par les producteurs des pays concernés qui étaient retenus dans les échantillons concernaient uniquement la R & D afférente à la production, alors qu’au Brésil, la recherche-développement couvrait la conception et les échantillons de nouveaux modèles de chaussures, c’est-à-dire qu’il s’agit de deux types de R & D différents, et il est dès lors jugé nécessaire de maintenir cet ajustement.

(134)

Une autre partie a également affirmé qu’il convenait d’opérer un ajustement pour tenir compte du fait que le bénéfice réalisé sur les ventes aux fabricants d’équipements d’origine (‘OEM’) est inférieur à celui réalisé sur d’autres ventes.

(135)

Cette allégation n’a toutefois pas été corroborée par les conclusions de l’enquête effectuée auprès des sociétés brésiliennes, où de telles différences n’ont pas été constatées. De plus, les écarts éventuels entre les ventes aux OEM et les ventes sous marque propre entrent d’ores et déjà dans l’ajustement qui est effectué pour tenir compte des écarts entre les coûts de R & D. L’allégation a donc été rejetée.»

28

L’article 1er, paragraphe 3, du règlement définitif a fixé le taux de ce droit à 16,5 % pour les produits en cause fabriqués par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de Golden Step, à 9,7 % pour ceux fabriqués par cette dernière et à 10 % pour ceux fabriqués par toutes les sociétés établies au Viêt Nam.

29

Par ailleurs, l’article 3 de ce règlement a prévu que celui-ci entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, qui est intervenue le 6 octobre 2006, et qu’il serait applicable pendant une période de deux ans.

30

Le 5 septembre 2007, la Commission a adopté le règlement (CE) no 1028/2007, portant ouverture d’une enquête sur le contournement éventuel des mesures antidumping instituées par le règlement no 1472/2006 sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine par des importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, et soumettant ces importations à enregistrement (JO L 234, p. 3).

31

Le 29 avril 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 388/2008, portant extension des mesures antidumping définitives instituées par le règlement no 1472/2006 sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine aux importations du même produit expédié de la RAS de Macao, qu’il ait ou non été déclaré originaire de la RAS de Macao (JO L 117, p. 1).

32

Par un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 3 octobre 2008 (JO C 251, p. 21), la Commission a annoncé l’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam.

33

Le 22 décembre 2009, le Conseil a adopté le règlement de prolongation, qui a institué un droit antidumping définitif sur les importations des produits en cause, étendu aux importations expédiées de la RAS de Macao de la République populaire de Chine, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de cette région administrative spéciale, à la suite dudit réexamen.

34

L’article 1er, paragraphes 3 et 4, du règlement de prolongation a fixé le taux de ce droit à 16,5 % pour les produits en cause fabriqués par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de la société Golden Step, ainsi que pour ceux expédiés de Macao, à 9,7 % pour les produits en cause fabriqués par Golden Step et à 10 % pour ceux fabriqués par toutes les sociétés établies au Viêt Nam.

35

Par ailleurs, l’article 2 du règlement de prolongation a prévu que ce dernier entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 30 décembre 2009, et qu’il serait en vigueur pendant une période de quinze mois.

Les contentieux subséquents

36

Par deux arrêts du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T‑401/06, EU:T:2010:67) ainsi que Zhejiang Aokang Shoes et Wenzhou Taima Shoes/Conseil (T‑407/06 et T‑408/06, EU:T:2010:68), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté trois recours tendant à l’annulation du règlement définitif, introduits par certaines sociétés productrices et exportatrices des produits en cause et établies en Chine.

37

Par deux arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710), la Cour, saisie de pourvois contre ces deux arrêts du Tribunal, a, d’une part, annulé ces derniers et, d’autre part, annulé le règlement définitif en tant qu’il concernait les requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts.

38

Dans lesdits arrêts, la Cour a jugé, tout d’abord, que le règlement définitif était entaché d’une violation de l’obligation faite à la Commission d’examiner les demandes de producteurs qui ont souhaité obtenir le statut de société opérant en économie de marché et de se prononcer sur chacune de ces demandes dans un délai de trois mois à compter de l’ouverture de son enquête, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement no 384/96, y compris dans le cas où, d’une part, cette institution a décidé de recourir à la méthode de l’échantillonnage prévue à l’article 17 de ce règlement pour calculer les marges de dumping et où, d’autre part, les producteurs ayant présenté lesdites demandes ne font pas partie de l’échantillon retenu (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, points 36 à 40, et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, points 29 à 34).

39

Ensuite, la Cour a constaté qu’il n’était pas exclu qu’un tel examen aurait pu conduire à l’imposition, à l’égard des requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, d’un droit antidumping définitif différent du droit de 16,5 % qui leur était applicable en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement définitif. En effet, cette disposition imposait un droit antidumping définitif de 9,7 % à l’égard du seul producteur chinois figurant dans l’échantillon retenu par la Commission et ayant obtenu le statut de société opérant en économie de marché, à savoir Golden Step. Or, si la Commission avait constaté que les conditions d’une économie de marché prévalaient également pour ces requérantes, qui ne figuraient pas dans l’échantillon, mais qui avaient demandé à obtenir le même statut, ces dernières auraient également dû bénéficier de ce taux, dès lors que le calcul d’une marge de dumping individuelle n’était pas possible (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 42, et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, point 36).

40

Enfin, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas lieu de limiter dans le temps les effets de l’interprétation du règlement no 384/96 visée au point 38 du présent arrêt (arrêt Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, points 39 à 41).

L’affaire C‑659/13

41

Par une demande présentée à titre conservatoire le 30 juin 2010 à l’administration des impôts et des douanes du Royaume-Uni, en vertu de l’article 236 du code des douanes, Clark a sollicité le remboursement du droit antidumping dont elle s’était acquittée en raison de l’importation des produits en cause dans l’Union pendant une période comprise entre le 1er juillet 2007 et le mois d’avril 2010. Elle a motivé cette demande en faisant valoir que le règlement définitif était invalide, tout en invitant cette administration à surseoir à statuer sur cette question jusqu’au prononcé des arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710).

42

Par une demande présentée le 2 mars 2012 à ladite administration, en vertu de l’article 236 du code des douanes, Clark a réitéré sa précédente demande, tout en étendant la période au titre de laquelle elle sollicitait le remboursement du droit antidumping dont elle s’était acquittée jusqu’au 31 août 2010. La somme concernée s’élève à 42592829,52 livres sterling (GBP) (environ 60 millions d’euros).

43

Par une décision du 13 mars 2013, l’administration des impôts et des douanes du Royaume-Uni a rejeté les demandes présentées par Clark. Elle a fondé cette décision sur deux motifs tirés, le premier, de ce que, par les arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710), la Cour avait uniquement annulé le règlement définitif en ce qui concerne les requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts et, le second, de ce qu’aucun des produits importés par Clark dans l’Union ne provenait de ces requérantes.

44

Le 11 avril 2013, Clark a formé un recours contre ladite décision devant le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (division de la fiscalité)].

45

Cette juridiction doute de la validité du règlement définitif, compte tenu notamment des arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710). Elle s’interroge également sur l’interprétation qu’il convient de faire de l’article 236 du code des douanes.

46

Dans ces conditions, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (division de la fiscalité)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole les articles 2, paragraphe 7, sous b), et 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, étant donné que la Commission ne s’est pas prononcée sur le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché ni sur le traitement individuel demandé par les fabricants exportateurs de Chine et du Viêt Nam qui n’ont pas été retenus dans l’échantillon conformément à l’article 17 du règlement no 384/96?

2)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, étant donné que la Commission ne s’est pas prononcée sur le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché dans un délai de trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête, comme l’ont demandé les fabricants exportateurs de Chine et du Viêt Nam qui n’avaient pas été retenus dans l’échantillon conformément à l’article 17 du règlement no 384/96?

3)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, étant donné que la Commission ne s’est pas prononcée dans le délai de trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête sur l’application du statut de sociétés opérant dans les conditions d’une économie de marché, comme le demandaient les fabricants exportateurs de Chine et du Viêt Nam qui ont été retenus dans l’échantillon conformément à l’article 17 du règlement no 384/96?

4)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole les articles 3, 4, paragraphe 1, 5, paragraphe 4, et 17 du règlement no 384/96, étant donné qu’un trop faible nombre de producteurs de l’Union a coopéré de sorte à permettre à la Commission de procéder à une correcte appréciation du préjudice et, partant, à une évaluation correcte du lien de causalité?

5)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 384/96 et l’article 296 TFUE, étant donné que les preuves figurant dans le dossier d’enquête ont montré que le préjudice subi par l’industrie de l’Union a été apprécié en utilisant des données matériellement entachées d’erreurs et que le règlement définitif n’explique nullement pourquoi ces éléments de preuve ont été ignorés?

6)

Le règlement définitif est-il invalide dans la mesure où il viole l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 384/96, étant donné que les effets des autres facteurs connus comme susceptibles de causer un préjudice n’ont pas été correctement séparés et distingués des effets des importations faisant prétendument l’objet d’un dumping?

7)

Dans quelle mesure les juridictions des États membres peuvent-elles s’appuyer sur l’interprétation du règlement définitif effectuée par la Cour de justice dans les arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710), afin de considérer que les droits n’étaient pas légalement dus, au sens de l’article 236 du code des douanes, pour des compagnies qui, comme les parties requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, n’ont pas été retenues dans l’échantillon, mais dont les demandes d’octroi du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché et de traitement individuel n’ont pas été examinées?»

L’affaire C‑34/14

47

Par trois demandes présentées les 21 décembre 2011 et 20 janvier 2012 au bureau principal des douanes de Nuremberg, en vertu de l’article 236 du code des douanes, Puma a sollicité le remboursement du droit antidumping dont elle s’était acquittée en raison de l’importation des produits en cause dans l’Union pendant une période comprise entre le 7 avril 2006 et le 1er avril 2011, au motif que les règlements litigieux étaient invalides. La somme concernée s’élevait alors à 5100983,90 euros.

48

Par une décision du 5 juillet 2012, le bureau principal des douanes de Nuremberg a rejeté les demandes présentées par Puma. Il a fondé cette décision sur deux motifs tirés, le premier, de ce que, par l’arrêt Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), la Cour avait uniquement annulé le règlement définitif en tant qu’il concernait les requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et, le second, de ce qu’aucun des produits importés par Puma dans l’Union ne provenait de ces requérantes.

49

Par une réclamation introduite auprès du bureau principal des douanes de Nuremberg le 18 juillet 2012, Puma a de nouveau sollicité le remboursement du droit antidumping dont elle s’était acquittée. Elle a toutefois modifié la somme concernée, qui s’élève désormais à 5059386,70 euros.

50

À la suite du rejet de cette réclamation, par une décision du 13 novembre 2012, Puma a formé un recours devant le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich).

51

Cette juridiction doute de la validité des règlements litigieux, compte tenu notamment des arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710). Dans ce cadre, elle se demande également si les règlements litigieux et certaines des dispositions du règlement no 384/96, dont ces règlements ont fait application, sont conformes à l’accord antidumping de l’OMC. Elle s’interroge, enfin, sur l’interprétation qu’il convient de faire de l’article 236 du code des douanes.

52

Dans ces conditions, le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le règlement définitif et le règlement de prolongation sont-ils valides en totalité dans la mesure où ils n’ont pas été annulés par les arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710)?

2)

Pour le cas où il serait répondu à la première question par la négative, mais où lesdits règlements ne seraient pas invalides en totalité:

a)

À l’égard de quels exportateurs et producteurs établis en Chine et au Viêt Nam auxquels la requérante a acheté des marchandises au cours des années 2006 à 2011 le règlement définitif et le règlement de prolongation sont-ils invalides?

b)

L’invalidation totale ou partielle desdits règlements constitue-t-elle un cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 236, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code des douanes?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

53

Le Conseil et la Commission font valoir que Clark et Puma ne sont pas en droit d’exciper de l’invalidité des règlements litigieux devant les juridictions de renvoi et que, par voie de conséquence, les questions posées par ces juridictions et relatives à la validité de ces règlements doivent être déclarées irrecevables.

54

En premier lieu, la Commission soutient que des personnes morales telles que Clark et Puma sont individuellement concernées par les règlements litigieux et qu’elles pouvaient donc en demander directement l’annulation au juge de l’Union.

55

À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les affaires au principal ont pour origine des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés en application des règlements litigieux, lesquelles ont été présentées par Clark et Puma aux autorités douanières nationales compétentes, en vertu de l’article 236 du code des douanes, puis rejetées par ces dernières. À la suite de ces décisions de rejet, Clark et Puma ont toutes deux exercé le droit de recours que leur reconnaît l’article 243 du code des douanes, dans les conditions prévues par le droit interne.

56

Or, il est de jurisprudence constante que le principe général qui garantit à tout justiciable le droit d’exciper, dans le cadre d’un recours formé contre une mesure nationale qui lui fait grief, de l’invalidité de l’acte de l’Union servant de fondement à cette mesure ne s’oppose pas à ce qu’un tel droit soit subordonné à la condition que l’intéressé n’ait pas disposé du droit d’en demander directement l’annulation au juge de l’Union, en vertu de l’article 263 TFUE. Toutefois, ce n’est que dans l’hypothèse où il peut être considéré qu’une personne aurait été, sans aucun doute, recevable à demander l’annulation de l’acte en cause que cette personne est empêchée d’exciper de son invalidité devant la juridiction nationale compétente (voir, en ce sens, arrêts TWD Textilwerke Deggendorf, C‑188/92, EU:C:1994:90, point 23; Valimar, C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 28 et 29, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 18).

57

Ce n’est donc que dans l’hypothèse où il pourrait être considéré que des personnes morales telles que Clark et Puma sont, sans aucun doute, directement et individuellement concernées par les règlements litigieux, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qu’elles seraient empêchées d’exciper de leur invalidité devant les juridictions de renvoi.

58

Ensuite, il convient de relever que des règlements tels que les règlements litigieux ont un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés (voir, en ce sens, arrêts Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, points 11 et 12, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 18).

59

Enfin, il y a lieu de rappeler que, dans sa jurisprudence, la Cour a identifié certaines catégories d’opérateurs économiques pouvant être concernés individuellement par un règlement instituant un droit antidumping, sans préjudice de la possibilité pour d’autres opérateurs d’être individuellement concernés en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (voir, en ce sens, arrêts Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 16, et TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 22).

60

Premièrement, peuvent être individuellement concernés ceux d’entre les producteurs et les exportateurs du produit en cause auxquels les pratiques de dumping ont été imputées, en utilisant des données relatives à leur activité commerciale (arrêt Valimar, C‑374/12, EU:C:2014:2231, point 30 et jurisprudence citée).

61

Deuxièmement, cela peut aussi être le cas d’importateurs dudit produit dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l’exportation et qui sont, dès lors, concernés par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping (arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, EU:C:1990:115, point 15; Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, EU:C:1990:116, point 18, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 20).

62

Troisièmement, tel peut encore être le cas d’importateurs associés avec des exportateurs du produit en cause, notamment dans l’hypothèse où le prix à l’exportation a été calculé à partir des prix de revente sur le marché de l’Union pratiqués par ces importateurs et dans celle où le droit antidumping lui-même a été calculé en fonction de ces prix de revente (arrêts Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295, points 19 et 20, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 21).

63

En l’occurrence, il est constant que Clark et Puma ne sont pas identifiées, dans les règlements litigieux, comme étant des producteurs ou des exportateurs du produit en cause, au sens de la jurisprudence citée au point 60 du présent arrêt. En outre, la Commission a indiqué, dans ses observations, qu’elle ne soutient pas que Puma est un importateur associé, au sens de la jurisprudence citée au point 62 du présent arrêt. En revanche, il ressort de ses observations écrites et orales qu’elle fait valoir que Clark et Puma se caractérisent par un modèle économique spécifique, celui d’«original equipment manufacturer» (OEM), c’est-à-dire celui d’entreprise fournissant sous sa propre marque des produits fabriqués par d’autres entreprises, circonstance dont il a été tenu compte dans les règlements litigieux.

64

À cet égard, il est vrai que, dans des circonstances particulières, la Cour a déjà considéré, à la lumière de la jurisprudence citée au point 61 du présent arrêt, qu’un opérateur ayant opté pour le modèle économique susmentionné devait être regardé comme étant individuellement concerné par un règlement ayant institué des droits antidumping (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, EU:C:1990:115, points 3 et 17 à 20, ainsi que Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, EU:C:1990:116, points 3 et 20 à 23).

65

Toutefois, en l’occurrence, il est manifeste que les considérants 119 et 120 du règlement provisoire et les considérants 132 à 135 du règlement définitif, dont la Commission tire argument, ne permettent de considérer ni que Clark et Puma se trouvent dans une situation semblable à celle qui a donné lieu aux arrêts cités au point précédent du présent arrêt, ni, par conséquent, qu’elles pouvaient, sans aucun doute, demander directement l’annulation des règlements litigieux au juge de l’Union.

66

En effet, alors que, dans les arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil (C‑133/87 et C‑150/87, EU:C:1990:115) ainsi que Gestetner Holdings/Conseil et Commission (C‑156/87, EU:C:1990:116), la situation individuelle de certains des fournisseurs des requérantes auxquelles était imposé un droit antidumping avait été directement prise en compte par le Conseil, les considérants du règlement provisoire et du règlement définitif visés au point précédent du présent arrêt ne mentionnent aucun opérateur en particulier et se réfèrent, pour partie, à des constats relatifs à des sociétés brésiliennes.

67

En deuxième lieu, le Conseil et la Commission font valoir que Clark et Puma ne doivent pas se voir reconnaître le droit d’exciper de l’invalidité des règlements litigieux dans le cadre de recours tels que ceux formés devant les juridictions de renvoi, dès lors qu’elles avaient la faculté, conformément à l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96, de demander le remboursement des droits antidumping dont elles se sont acquittées, mais n’en ont pas fait usage dans le délai de six mois imparti à cet effet.

68

À cet égard, il doit être toutefois constaté, tout d’abord, que ni le libellé de l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96 ni celui de l’article 236 du code des douanes, sur lequel Clark et Puma se sont fondées pour présenter les demandes à l’origine des affaires au principal, ne fournissent le moindre fondement textuel permettant de considérer que des importateurs qui ne se sont pas prévalus de la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96 dans le délai imparti à cet effet ne seraient pas ou ne seraient plus en droit de demander le bénéfice de la procédure instituée à l’article 236 du code des douanes.

69

Ensuite, il convient de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général aux points 53 et 54 de ses conclusions, que la procédure instituée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96 ne poursuit pas le même objectif que celle prévue à l’article 236 du code des douanes. En effet, celle régie par l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96 vise à permettre aux importateurs qui se sont acquittés de droits antidumping d’en demander le remboursement à la Commission, par l’intermédiaire des autorités nationales compétentes, lorsqu’il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle ces droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur au niveau du droit en vigueur. Dans le cadre de cette procédure, les importateurs ne contestent pas la légalité des droits antidumping qui ont été imposés, mais invoquent une modification de la situation ayant un impact direct sur la marge de dumping initialement déterminée. En revanche, la procédure prévue à l’article 236 du code des douanes permet auxdits importateurs de demander le remboursement des droits à l’importation ou à l’exportation dont ils se sont acquittés, dans l’hypothèse où il est établi que ces droits n’étaient pas légalement dus au moment de leur paiement.

70

Enfin, l’économie de ces deux procédures est foncièrement différente. En particulier, celle instituée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 384/96 relève de la compétence de la Commission et sa mise en œuvre ne peut intervenir que dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le montant définitif des droits à percevoir a été dûment établi par les autorités compétentes, tandis que celle prévue à l’article 236 du code des douanes est du ressort des autorités douanières nationales et qu’il peut y être recouru dans un délai de trois ans à compter de la date de communication desdits droits au débiteur.

71

En troisième lieu, le Conseil et la Commission allèguent que Clark et Puma ne doivent pas se voir reconnaître la possibilité d’invoquer, dans le cadre d’une exception d’invalidité telle que celle dirigée contre les règlements litigieux, la violation des dispositions du règlement no 384/96 relatives aux demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché ou de traitement individuel. En effet, cela reviendrait à permettre à des importateurs de se prévaloir de droits de nature subjective, institués par ce règlement au seul bénéfice des producteurs et des exportateurs visés par une enquête antidumping.

72

Cette argumentation est dépourvue de pertinence dans le présent contexte. En effet, la situation dans laquelle se trouvent Clark et Puma est non pas celle d’une personne cherchant à obtenir, du juge de l’Union, l’annulation d’un règlement ayant institué un droit antidumping, mais celle d’une personne excipant, devant une juridiction nationale, de l’invalidité d’un tel règlement à l’occasion d’un recours formé contre une mesure nationale prise sur le fondement de cet acte, qu’elle n’aurait pas été manifestement recevable à attaquer devant le juge de l’Union.

73

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, des importateurs tels que Clark et Puma, qui se sont acquittés d’un droit antidumping, ont un intérêt et une qualité propres évidents à faire valoir, dans le cadre de recours tels que ceux au principal, que les règlements instituant ce droit sont invalides, au motif que ledit droit a été imposé sans que la Commission se soit préalablement prononcée, selon les règles prévues par le règlement no 384/96, sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché ou de traitement individuel présentées par les producteurs ou les exportateurs des produits concernés. En effet, l’absence de prise en compte de ces demandes est susceptible d’avoir une incidence négative sur le droit antidumping qui sera institué, au terme de la procédure, sur les produits des opérateurs concernés (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 42, et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, point 36).

74

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que Clark et Puma doivent être regardées comme étant en droit d’exciper de l’invalidité des règlements litigieux devant les juridictions de renvoi, de sorte que les questions préjudicielles posées à ce sujet sont recevables.

Sur les questions relatives à la validité du règlement définitif

75

Par les première à sixième questions dans l’affaire C‑659/13 ainsi que par la première question et la seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14, qu’il convient d’examiner ensemble, chacune des deux juridictions de renvoi demande si le règlement définitif viole, pour différents motifs, l’article 296 TFUE ainsi que l’article 2, paragraphe 7, sous b), l’article 2, paragraphe 7, sous c), l’article 3, paragraphes 1, 2 et 5 à 7, l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 4, l’article 9, paragraphe 5, l’article 9, paragraphe 6, ou l’article 17 du règlement no 384/96, considérés isolément, pour certains de ces articles ou dispositions, et conjointement, pour d’autres.

Observations liminaires

76

À titre liminaire, il convient de constater, tout d’abord, que certains des motifs conduisant la juridiction de renvoi, dans l’affaire C‑659/13, à demander si le règlement définitif est invalide se rapportent à l’enquête de la Commission qui a conduit à l’adoption de ce règlement (première à quatrième questions). Les autres motifs portent sur ledit règlement lui-même (cinquième et sixième questions). Or, le règlement en cause est un acte du Conseil. En outre, ce règlement a confirmé, pour l’essentiel, tant les choix méthodologiques et procéduraux effectués par la Commission dans le cadre de cette enquête que les appréciations et les conclusions qui en avaient été tirées par cette institution dans le règlement provisoire.

77

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par l’ensemble de ces questions, ladite juridiction de renvoi vise non seulement l’action de la Commission, ainsi que cela résulte explicitement desdites questions, mais également celle du Conseil. Il convient d’ailleurs de comprendre de la même manière les questions posées dans l’affaire C‑34/14. En effet, si le libellé de ces questions ne fait pas précisément état des différents motifs d’invalidité sur lesquels la juridiction de renvoi s’interroge, sa décision de renvoi permet de constater que ces motifs visent eux aussi l’enquête conduite par la Commission, pour les uns, et les conclusions qui en ont été tirées par le Conseil dans le règlement définitif, pour les autres.

78

Ensuite, dans l’affaire C‑34/14, la juridiction de renvoi s’interroge également, dans le cadre de sa première question et de sa seconde question, sous a), sur la validité du règlement de prolongation. Or, il ressort de sa décision de renvoi que cette juridiction n’invoque, à cet égard, aucun autre motif d’invalidité possible que ceux qui la conduisent à douter de la validité du règlement définitif.

79

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ce n’est que pour autant que l’examen des questions relatives au règlement définitif conduit à la conclusion que ce règlement est totalement ou partiellement invalide que le règlement de prolongation pourra, le cas échéant, être considéré comme invalide dans la même mesure.

80

Enfin, dans l’affaire C‑34/14, la juridiction de renvoi se prévaut, dans le cadre de ses questions relatives à la validité du règlement définitif, d’une part, de l’accord antidumping de l’OMC et, d’autre part, de certaines décisions et recommandations de l’ORD, qui pourraient, selon elle, avoir des répercussions sur la validité de ce règlement.

81

Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer, à titre liminaire, si cet accord et ces décisions et recommandations de l’ORD sont susceptibles d’être invoqués dans cette affaire, et, partant, si la validité du règlement définitif doit être examinée en tenant compte de ceux-ci.

82

En premier lieu, il résulte de l’article 216, paragraphe 2, TFUE que les accords internationaux conclus par l’Union lient les institutions de celle‑ci et prévalent, par conséquent, sur les actes qu’elles édictent (arrêt Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, point 42 et jurisprudence citée).

83

En l’occurrence, l’Union étant partie à l’accord antidumping de l’OMC, cet accord lie effectivement les institutions de celle-ci.

84

En deuxième lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union, d’une exception tirée de l’invalidité d’un tel acte ou encore d’un recours en indemnité qu’aux conditions que, d’une part, la nature et l’économie de l’accord en cause ne s’y opposent pas et, d’autre part, les dispositions invoquées apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises (voir, en ce sens, arrêts Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, points 43 et 45, ainsi que FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, points 110 et 120).

85

Or, la Cour a itérativement jugé que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée (voir, en ce sens, arrêts Portugal/Conseil, C‑149/96, EU:C:1999:574, point 47, et Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 38).

86

En effet, la Cour a relevé que le fait d’admettre que la tâche d’assurer la conformité du droit de l’Union aux accords OMC incombe directement au juge de l’Union reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de l’Union de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de l’Union. Il est en effet constant que certaines des parties contractantes, au nombre desquelles figurent les partenaires les plus importants de l’Union du point de vue commercial, ont précisément tiré, à la lumière de l’objet et du but des accords OMC, la conséquence que ceux-ci ne figurent pas parmi les normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlent la légalité de leurs règles de droit interne. Une telle absence de réciprocité, si elle était admise, risquerait d’aboutir à un déséquilibre dans l’application des accords OMC (arrêts Portugal/Conseil, C‑149/96, EU:C:1999:574, points 43 à 46, et Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 39).

87

Cela étant, dans deux situations, la Cour a admis, par exception, qu’il appartient au juge de l’Union, le cas échéant, de contrôler la légalité d’un acte de l’Union et des actes pris pour son application au regard des accords OMC. Il s’agit, en premier lieu, de l’hypothèse dans laquelle l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de ces accords et, en second lieu, du cas dans lequel l’acte de l’Union en cause renvoie expressément à des dispositions précises desdits accords (voir, en ce sens, arrêt Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

88

Il convient donc de déterminer ce qu’il en est en l’occurrence.

89

À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que ni l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96, sur lequel portent les interrogations de la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑34/14, ni d’ailleurs aucun autre article de ce règlement ne renvoient à une quelconque disposition précise de ces accords.

90

Ensuite, s’il est vrai que le considérant 5 du règlement no 384/96 indique qu’il convient de transposer, «dans toute la mesure du possible», les termes de l’accord antidumping de l’OMC dans le droit de l’Union, cette expression doit être comprise en ce sens que, même si le législateur de l’Union entendait tenir compte des règles de cet accord lors de l’adoption du règlement no 384/96, il n’a cependant pas manifesté la volonté de procéder à une transposition de chacune de ces règles dans ce règlement (arrêt Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 52).

91

En particulier, la Cour a déjà relevé que l’article 2, paragraphe 7, du règlement no 384/96 constitue l’expression de la volonté du législateur de l’Union d’adopter une approche propre à l’ordre juridique de l’Union, en instituant un régime spécial de règles détaillées relatives au calcul de la valeur normale à l’égard des importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché (voir, en ce sens, arrêt Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 47 à 50 et 53). Or, les dispositions de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96 renvoient à l’article 2, paragraphe 7, de ce règlement et font partie intégrante du régime qu’il institue.

92

Partant, il convient de conclure que l’accord antidumping de l’OMC ne saurait être invoqué pour contester la légalité du règlement définitif.

93

En troisième lieu, il convient de déterminer si cette conclusion pourrait être remise en cause par les deux rapports de l’ORD invoqués par ladite juridiction de renvoi. Le premier d’entre eux est relatif à l’affaire «Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (WT/DS397/R)», ainsi que cela a été indiqué au point 20 du présent arrêt. Le second de ces rapports, qui reprend sur certains points la substance du premier de ceux-ci, est relatif à l’affaire «Union européenne – Mesures antidumping visant certaines chaussures en provenance de Chine (WT/DS405/R)» et se prononce, entre autres points, sur la compatibilité des règlements litigieux avec les accords OMC.

94

À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, compte tenu de la nature et de l’économie du système de règlement des différends institué par les accords OMC et de la place importante que ce système réserve à la négociation entre les parties contractantes, le juge de l’Union ne saurait, en tout état de cause, contrôler la légalité ou la validité d’actes de l’Union au regard des règles de l’OMC tant que le délai raisonnable imparti à l’Union pour se conformer aux décisions et aux recommandations de l’ORD constatant le non-respect desdites règles n’a pas expiré, sous peine de priver d’effet ce délai (voir, en ce sens, arrêts Biret International/Conseil, C‑93/02 P, EU:C:2003:517, point 62, ainsi que X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, EU:C:2011:720, point 41).

95

De surcroît, la seule expiration de ce délai n’implique pas que l’Union ait épuisé les possibilités prévues par ledit système de règlement des différends pour trouver une solution au différend qui l’oppose à d’autres parties. Dans ces conditions, imposer au juge de l’Union, en raison du seul fait de l’expiration de ce délai, de contrôler la légalité ou la validité des mesures de l’Union concernées au regard des règles de l’OMC et des décisions et recommandations de l’ORD constatant leur non-respect pourrait avoir pour effet de fragiliser la position de l’Union dans la recherche d’une solution qui soit à la fois conforme aux règles de l’OMC et mutuellement acceptable par les parties au différend (voir, en ce sens, arrêts Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, points 51 et 54; FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, points 117 et 125 à 130, ainsi que X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, EU:C:2011:720, points 36 et 37).

96

Partant, même postérieurement à l’expiration du délai susmentionné, un particulier ne saurait se prévaloir de telles décisions et recommandations de l’ORD aux fins d’obtenir un contrôle de la légalité ou de la validité de l’action des institutions de l’Union, à tout le moins en dehors des hypothèses où, à la suite de ces décisions et recommandations, l’Union a entendu assumer une obligation particulière (voir, en ce sens, arrêts Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, points 40 et 41; Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, points 30 à 35, ainsi que X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, EU:C:2011:720, point 37).

97

En l’occurrence, d’une part, par le rapport relatif à l’affaire «Union européenne – Mesures antidumping visant certaines chaussures en provenance de Chine (WT/DS405/R)», l’ORD a certes décidé qu’une partie des dispositions de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 était incompatible avec certaines des règles de l’OMC à la fois «en tant que telles» et «telles qu’appliquées» dans les règlements litigieux. Cependant, il s’est limité à recommander à l’Union de mettre le règlement no 1225/2009, qui avait entre-temps abrogé et remplacé ce règlement, en conformité avec lesdites règles. Ainsi, il n’a formulé aucune recommandation particulière relative aux règlements litigieux.

98

D’autre part, aucun élément ne permet de considérer que le législateur de l’Union a entendu assumer une obligation particulière en ce qui concerne les règlements litigieux à la suite de ce rapport ou du rapport de l’ORD relatif à l’affaire «Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (WT/DS397/R)», par lequel il avait déjà été conclu à l’incompatibilité de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 avec les règles de l’OMC, pour le même motif, et recommandé la mise en conformité de cette disposition.

99

En effet, tout en exprimant, aux considérants 5 et 6 du règlement no 765/2012, son «intention de mettre en œuvre» ces décisions et recommandations de l’ORD «d’une manière qui respecte ses obligations dans le cadre de l’OMC», le législateur de l’Union a décidé que la modification du règlement no 1225/2009 opérée à cette fin ne s’appliquerait qu’aux enquêtes ouvertes conformément aux dispositions de ce dernier règlement et postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement no 765/2012, ainsi qu’il ressort de l’article 2 de ce règlement. Ainsi, ce législateur n’a pas prévu qu’une telle modification s’applique à une enquête ouverte avant l’entrée en vigueur du règlement no 765/2012, sur le fondement du règlement no 384/96, telle que l’enquête à l’origine de l’adoption des règlements litigieux.

100

Il résulte de tout ce qui précède que ni l’accord antidumping de l’OMC ni les deux rapports mentionnés au point 93 du présent arrêt ne sauraient être invoqués dans le cadre des présentes affaires et que, par conséquent, la validité du règlement définitif ne saurait être examinée en tenant compte de ceux-ci.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96

101

Par la première question dans l’affaire C‑659/13 ainsi que, en substance, par les première question et seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14, les juridictions de renvoi demandent si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole, selon elles, l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96, étant donné que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 de ce règlement.

102

En l’occurrence, l’examen du règlement définitif conduit à constater trois éléments. Premièrement, certains producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens faisant l’objet de l’enquête au terme de laquelle ce règlement a été adopté ont demandé à bénéficier du statut de société opérant en économie de marché, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96. Deuxièmement, la Commission a décidé de recourir à la possibilité de constituer des échantillons dans le cadre de l’enquête, sur le fondement de l’article 17 dudit règlement, eu égard au nombre élevé d’opérateurs en cause. Troisièmement, la Commission, dont la position a été confirmée sur ce point par le Conseil, a décidé, compte tenu de ce recours à la technique de l’échantillonnage et du nombre élevé de demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché qui lui avaient été présentées, de se prononcer sur celles des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens retenus dans son échantillon, et non pas sur celles des producteurs-exportateurs non retenus dans cet échantillon.

103

C’est au vu de ces éléments et en tenant compte de la jurisprudence pertinente qu’il y a lieu d’apprécier si la procédure ayant conduit à l’adoption des règlements litigieux est conforme à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96.

104

À cet égard, il convient tout d’abord de relever que le paragraphe 1 de l’article 17 du règlement no 384/96 prévoit que, dans le cas où le nombre d’opérateurs économiques concernés par une enquête antidumping est important, cette enquête peut être limitée à un nombre raisonnable de parties, en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs. En vertu du paragraphe 2 de cet article, c’est à la Commission qu’appartient le choix final des parties retenues dans de tels échantillons. Conformément au paragraphe 3 dudit article, une marge de dumping individuelle doit néanmoins être calculée pour chaque exportateur ou producteur non retenu dans l’échantillon qui en fait la demande, sauf dans les cas où leur nombre est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile.

105

Ensuite, l’article 2 du règlement no 384/96 énonce, à son paragraphe 1, une règle de base selon laquelle la détermination de la valeur normale d’un produit, qui constitue l’une des étapes essentielles devant permettre d’établir l’existence d’un dumping éventuel, doit normalement être basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans les pays exportateurs (voir, en ce sens, arrêt GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 19).

106

Toutefois, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement no 384/96 dispose que, par dérogation à la règle de base mentionnée au point précédent du présent arrêt, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché. Cette disposition vise à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (arrêts GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 20, et Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66).

107

Par ailleurs, dans le cas d’importations en provenance, notamment, de Chine, du Viêt Nam et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture d’une enquête antidumping, l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96 prévoit que la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs établis dans ces pays et faisant l’objet de l’enquête, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs.

108

Ainsi que cela résulte des différents règlements dont est issu l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96, ce dispositif vise à permettre aux producteurs soumis aux conditions d’une économie de marché qui ont émergé dans les pays concernés de bénéficier d’un statut correspondant à leur situation individuelle plutôt qu’à la situation d’ensemble du pays dans lequel ils sont établis (voir, en ce sens, arrêts Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, points 67 à 69, et Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 49).

109

Dans ce cadre, la Cour a jugé que, lorsque le Conseil et la Commission sont destinataires de demandes présentées au titre de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement no 384/96, il leur incombe d’apprécier si les éléments fournis par les producteurs concernés sont suffisants pour démontrer que les critères requis sont satisfaits (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, points 70 et 107).

110

En outre, le Conseil et la Commission ont l’obligation de se prononcer sur la demande d’obtention du statut de société opérant en économie de marché faite par tout producteur établi dans un pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture d’une enquête antidumping, y compris lorsqu’ils ont recours à la technique de l’échantillonnage prévue à l’article 17 du règlement no 384/96 (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, points 32 et 36 à 38, ainsi que Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, points 24, 29, 30 et 32).

111

Enfin, la Cour a estimé que la violation de cette obligation a pour conséquence que le règlement par lequel le Conseil a institué des droits antidumping, au terme de l’enquête, est illégal en tant qu’il porte institution de droits antidumping définitifs et perception définitive de droits antidumping provisoires sur les produits provenant des producteurs concernés (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 43, et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, point 37).

112

Il s’ensuit que le fait que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon établi en application de l’article 17 du règlement no 384/96 constitue une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce règlement. Dès lors, il y a lieu de déclarer le règlement définitif invalide dans cette mesure.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96

113

Par sa première question dans l’affaire C‑659/13, la juridiction de renvoi demande également si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, étant donné que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés sur les demandes de traitement individuel présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 de ce règlement.

114

L’examen du règlement définitif conduit à constater que, si certains producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens faisant l’objet de l’enquête au terme de laquelle ce règlement a été adopté ont demandé à bénéficier d’un traitement individuel, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, la Commission, dont la position a été confirmée sur ce point par le Conseil, a décidé, de la même manière et pour les mêmes motifs que pour les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché, de ne se prononcer que sur les demandes de traitement individuel des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 dudit règlement.

115

Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner si, ce faisant, le Conseil et la Commission ont violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96.

116

L’examen de cette disposition conduit à plusieurs constats.

117

Tout d’abord, il résulte des termes mêmes de celle-ci que les droits antidumping institués par le Conseil ou par la Commission doivent être fixés à un montant approprié à chaque cas et imposés, d’une manière non discriminatoire, à chaque fournisseur du produit dont les importations font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, de quelque source qu’elles proviennent.

118

Ensuite, il ressort de ladite disposition que le Conseil et la Commission ont, en principe, l’obligation, lorsqu’ils adoptent un règlement imposant des droits antidumping, de préciser dans ce règlement le montant du droit antidumping imposé à chaque fournisseur visé par celui-ci, sauf si ce traitement individuel est irréalisable.

119

Cependant, l’article 9, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement no 384/96 déroge à ce principe dans le cas, visé à l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement, où le Conseil ou la Commission adopte un règlement imposant des droits antidumping sur des importations en provenance d’une source particulière, à savoir les pays n’ayant pas une économie de marché. En effet, dans ce cas, le législateur de l’Union a prévu une «règle générale» différente, selon laquelle il est à la fois nécessaire et suffisant que le règlement adopté par le Conseil ou par la Commission précise le montant du droit antidumping imposé à l’échelle du pays fournisseur concerné.

120

Cela étant, l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96 prévoit qu’un droit antidumping individuel est déterminé pour les fournisseurs établis dans un pays n’ayant pas une économie de marché, s’ils ont en outre la qualité d’exportateur, lorsqu’ils démontrent, sur la base de requêtes dûment documentées, qu’ils répondent aux critères justifiant ce traitement individuel. Ce droit antidumping individuel leur sera alors appliqué en lieu et place du droit antidumping fixé à l’échelle du pays qui leur aurait été applicable à défaut d’une telle requête.

121

À cet égard, il importe de relever que, si la version en langue française de cette disposition pourrait être lue comme indiquant que le Conseil et la Commission ont seulement la faculté d’appliquer un droit individuel lorsque les conditions énoncées à ladite disposition sont remplies, il ressort d’autres versions linguistiques de la même disposition, et en particulier des versions en langues allemande, anglaise, danoise et italienne de celle-ci, que ces institutions sont bien tenues d’appliquer un droit individuel dans une telle situation.

122

Or, il est de jurisprudence constante que la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans l’une de ses versions linguistiques, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière, notamment, de toutes ses versions (arrêt X, C‑486/12, EU:C:2013:836, point 19 et jurisprudence citée).

123

Dès lors, le Conseil et la Commission sont, en principe, tenus d’examiner les demandes de traitement individuel qui leur sont adressées sur le fondement de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96 et de se prononcer sur ces demandes, comme elles doivent le faire en présence de demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché, ainsi que cela a été relevé au point 110 du présent arrêt.

124

Cela étant dit, ces différents éléments découlant du libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 ne permettent pas de répondre à la question de savoir si, néanmoins, lesdites institutions peuvent se dispenser d’une telle obligation lorsqu’elles ont recours à la technique de l’échantillonnage. Il convient donc d’interpréter cette disposition en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée). Dans ce cadre, il y a lieu, en particulier, d’examiner la relation existant entre, d’une part, ladite disposition et, d’autre part, l’article 17 du règlement no 384/96, qui prévoit cette technique de l’échantillonnage.

125

À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 ne comporte aucune référence explicite prévoyant l’application de l’article 17 de ce règlement dans le cadre de ses dispositions.

126

Or, le libellé de cet article 9, paragraphe 5, diffère de celui de l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 384/96, qui comporte une telle référence explicite.

127

Cette différence existant entre, d’une part, le libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 et, d’autre part, celui de l’article 9, paragraphe 6, de ce règlement est susceptible de constituer un élément justifiant d’interpréter le paragraphe 5 de l’article 9 dudit règlement en ce sens que, dans le cadre de celui-ci et contrairement au paragraphe 6 de cet article 9, l’article 17 du règlement no 384/96 est dépourvu de pertinence.

128

Or, une telle interprétation est corroborée par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, et notamment par l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement, ainsi que par les objectifs poursuivis par la réglementation dont ces dispositions font partie.

129

En effet, si l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 384/96 vise, notamment, à éviter que le calcul de marges de dumping individuelles ne génère une charge administrative excessive pour le Conseil et la Commission, il n’a pas pour objet d’alléger ou d’éliminer la charge administrative qui résulterait, pour ces institutions, de l’examen des requêtes présentées au titre de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, de ce règlement, cet examen n’impliquant pas, en tant que tel, de calculer les marges individuelles de dumping des producteurs-exportateurs concernés.

130

Par ailleurs, ainsi que l’expose le considérant 7 du règlement no 1972/2002, le second alinéa dudit article 9, paragraphe 5, a été intégré au règlement no 384/96 dans l’objectif de fixer les critères clairs et spécifiques, énoncés à ce second alinéa, sous a) à e), auxquels doit satisfaire un producteur-exportateur établi dans un pays n’ayant pas une économie de marché pour pouvoir demander que lui soit appliqué un droit antidumping individuel calculé en comparant la valeur normale applicable à l’ensemble des producteurs-exportateurs établis dans ledit pays à ses «prix à l’exportation individuels».

131

Par conséquent, lorsqu’un producteur-exportateur établi dans un pays n’ayant pas une économie de marché se prévaut de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96, au motif que ses prix à l’exportation individuels sont déterminés de manière suffisamment indépendante de l’État, il vise à obtenir, du Conseil et de la Commission, une reconnaissance du fait qu’il se situe, de ce point de vue, dans une situation foncièrement différente de celle des autres producteurs-exportateurs établis dans ce pays. À ce titre, il demande à être traité de façon individualisée, là où ces autres producteurs-exportateurs seront traités, en pratique, comme une entité unique.

132

Or, s’il fallait admettre que le Conseil et la Commission puissent appliquer, à un producteur-exportateur se trouvant dans la situation évoquée au point précédent du présent arrêt, un droit antidumping fixé à l’échelle du pays concerné et calculé à partir de la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, sans s’être préalablement prononcés sur la demande d’un tel producteur-exportateur, cela reviendrait à permettre à ces institutions de traiter ce producteur-exportateur de la même manière que ceux retenus dans ledit échantillon, alors que ces derniers se trouvent, a priori, dans une situation différente.

133

En outre, un tel traitement ne pourrait pas se justifier par le fait que l’enquête implique un nombre important de parties, dans la mesure où il est impossible de savoir, avant d’avoir examiné les requêtes présentées au titre de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 384/96, si le nombre d’exportateurs-producteurs devant bénéficier d’un droit individuel est si important qu’il permet d’exclure, à l’instar de ce que prévoit l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement, le calcul de marges de dumping individuelles. Cette interprétation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement, en conformité avec lequel tout acte de l’Union doit être interprété (arrêt Chatzi, C‑149/10, EU:C:2010:534, point 43).

134

Il en découle que, à la lumière de l’objectif poursuivi à l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, il convient de confirmer la conclusion à laquelle la Cour est parvenue, à titre provisoire, au point 127 du présent arrêt.

135

Il s’ensuit que le fait que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés sur les demandes de traitement individuel présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon établi en application de l’article 17 du règlement no 384/96 constitue une violation de l’article 9, paragraphe 5, de ce règlement. Dès lors, il y a lieu de déclarer le règlement définitif invalide dans cette mesure.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96

136

Tout d’abord, par la troisième question dans l’affaire C‑659/13 ainsi que, en substance, par les première question et seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14, les juridictions de renvoi demandent si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, étant donné que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés, dans le délai de trois mois prévu à cette disposition, sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 de ce règlement.

137

L’examen du règlement définitif conduit à constater que, si le Conseil et la Commission se sont effectivement prononcés sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché qui leur avaient été présentées par les producteurs-exportateurs chinois ou vietnamiens inclus dans ledit échantillon, ils ne l’ont fait qu’après l’expiration du délai prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96.

138

Dans ces conditions, il convient de déterminer si le non-respect de ce délai entraîne l’invalidité du règlement définitif.

139

À cet égard, il résulte du libellé même de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96 que la question de savoir si un producteur qui a demandé à bénéficier du statut de société opérant en économie de marché remplit les critères conditionnant l’octroi de ce statut doit être tranchée dans les trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête (voir, en ce sens, arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 39, et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, EU:C:2012:710, point 31).

140

Toutefois, il découle de la jurisprudence de la Cour que le non-respect du délai institué à cet article peut uniquement entraîner l’annulation du règlement adopté au terme de la procédure s’il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, ladite procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. En outre, s’il ne saurait être imposé à la personne qui se prévaut d’une telle irrégularité de démontrer que, en son absence, le règlement concerné aurait eu un contenu plus favorable à ses intérêts, celle-ci doit néanmoins prouver, de manière concrète, qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir, en ce sens, arrêts Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, points 81, 94 et 114, ainsi que Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil, C‑601/12 P, EU:C:2014:115, points 34, 40 et 42).

141

Il découle de cette jurisprudence, qui est transposable à l’examen de la validité d’un tel règlement, que, en principe, ce dernier ne peut davantage être déclaré invalide, en ce qu’il institue des droits antidumping sur les importations de certains produits, au seul motif que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés, dans le délai prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché qui leur ont été présentées. L’importateur qui se prévaut de cette irrégularité doit encore prouver, de manière concrète, qu’il n’est pas entièrement exclu que, en l’absence de celle-ci, le règlement adopté au terme de la procédure aurait eu un contenu plus favorable à ses intérêts.

142

Or, en l’occurrence, il ne ressort pas du dossier que les importateurs qui se prévalent du non-respect du délai fixé à cette disposition prouvent de manière concrète, chacun en ce qui le concerne, qu’il n’est pas entièrement exclu que, en l’absence de cette irrégularité, le règlement définitif aurait eu un contenu plus favorable à leurs intérêts.

143

Il s’ensuit que le fait que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés, dans le délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 de ce même règlement n’affecte pas la validité du règlement définitif.

144

Ensuite, et s’agissant de la deuxième question dans l’affaire C‑659/13, par laquelle la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement no 384/96, étant donné que le Conseil et la Commission ne se sont pas prononcés, dans le délai de trois mois prévu à cette disposition, sur les demandes d’obtention du statut de société opérant en économie de marché présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon constitué en application de l’article 17 de ce même règlement, il convient de relever que l’interprétation retenue au point précédent du présent arrêt vaut indifféremment, selon que les producteurs-exportateurs concernés ont ou non été retenus dans ledit échantillon.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 384/96

145

Par sa première question et sa seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement définitif est invalide dans la mesure où la marge de dumping appliquée aux producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon a été déterminée en violation de l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 384/96.

146

Plus particulièrement, il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi cherche à savoir, en premier lieu, si le Conseil et la Commission étaient en droit de calculer une marge de dumping moyenne pondérée pour les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens retenus dans cet échantillon, mais n’ayant pas bénéficié du statut de société opérant en économie de marché, puis de déterminer sur cette base le droit à instituer sur les produits des opérateurs non retenus dans ledit échantillon. Elle s’interroge, en second lieu, sur le point de savoir si la marge de dumping individuelle de l’unique producteur-exportateur retenu dans l’échantillon et ayant obtenu le statut de société opérant en économie de marché, à savoir Golden Step, a été correctement prise en compte dans ce calcul.

147

À cet égard, il convient de relever que l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 384/96 dispose que, lorsque la Commission a limité son examen conformément à l’article 17 de ce règlement, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à cet article 17, mais qui n’ont pas été inclus dans l’enquête, ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon. Cette disposition prévoit aussi que des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel conformément audit article 17.

148

Par ailleurs, l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 384/96, auquel l’article 9, paragraphe 6, de ce règlement se réfère, prévoit, ainsi que cela a été relevé au point 104 du présent arrêt, le calcul d’une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur ou producteur non retenu dans l’échantillon qui le demande, sauf si leur nombre est tel que cela compromet le bon déroulement de l’enquête.

149

En l’occurrence, l’examen du règlement définitif fait apparaître plusieurs éléments. Tout d’abord, la Commission a indiqué aux producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans son échantillon que l’importance de l’enquête était telle qu’il n’était pas envisageable de leur accorder le bénéfice d’un traitement individuel. Ensuite, le droit antidumping appliqué aux produits de ces opérateurs a été déterminé à partir de la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon. Enfin, cette marge, qui avait été initialement calculée à un moment où Golden Step n’avait pas encore obtenu le statut de société opérant en économie de marché, a ultérieurement été ajustée pour tenir compte de l’octroi de ce statut.

150

Il en résulte qu’aucun élément du règlement définitif ne permet de considérer que la marge de dumping appliquée aux producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon a été déterminée en violation de l’article 9, paragraphe 6, du règlement no 384/96.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 17 du règlement no 384/96

151

Par sa quatrième question dans l’affaire C‑659/13, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement définitif est invalide, étant donné que le nombre de producteurs de l’Union ayant coopéré à l’enquête est trop faible pour avoir permis à la Commission de procéder à une appréciation correcte du préjudice subi par l’industrie de l’Union et, partant, du lien de causalité entre les importations concernées et le préjudice subi par l’industrie de l’Union, en violation de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 17 du règlement no 384/96.

152

À cet égard, force est de constater, tout d’abord, que l’article 5 du règlement no 384/96 se borne, ainsi que l’indique son intitulé, à régir l’«[o]uverture de la procédure» d’enquête antidumping instituée par ce règlement. À ce titre, il prévoit notamment, à son paragraphe 4, que, pour être considérée comme étant déposée par l’industrie de l’Union, une plainte doit satisfaire cumulativement à deux conditions relatives à l’importance du soutien dont elle fait l’objet. D’une part, ce soutien doit être donné par des producteurs de l’Union dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale de la partie de l’industrie de l’Union exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. D’autre part, ledit soutien doit être donné par des producteurs de l’Union représentant au moins 25 % de la production totale de l’industrie de l’Union (arrêt Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:553, point 49).

153

En revanche, le règlement no 384/96 ne prévoit aucune disposition relative aux mesures à prendre, au cours de l’enquête, en cas de diminution du soutien apporté par les producteurs à la plainte, de sorte que le Conseil et la Commission doivent pouvoir continuer cette enquête, y compris dans le cas où le degré de soutien à celle-ci viendrait à diminuer et quand bien même une telle diminution impliquerait que ce soutien corresponde à un niveau de production inférieur à l’un des deux seuils prévus à l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:553, points 51 à 54).

154

En l’occurrence, le fait que l’enquête, dont il est constant que les conditions d’ouverture répondent aux prescriptions de l’article 5, paragraphe 4, du règlement no 384/96, se soit poursuivie sans nécessairement toujours bénéficier, à un stade ultérieur, du soutien de producteurs de l’Union représentant au moins 25 % de la production totale de l’industrie de l’Union ne permet donc pas, en soi, de considérer que le règlement définitif viole ledit article.

155

Ensuite, il résulte de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, du règlement no 384/96, relatif à la «[d]étermination de l’existence d’un préjudice», que le Conseil et la Commission doivent parvenir à établir, en tenant compte de tous les éléments pertinents de l’affaire, que les importations faisant l’objet de l’enquête causent un préjudice important à «l’industrie [de l’Union]». Cette notion est elle-même définie à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement comme «l’ensemble des producteurs [de l’Union] de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la production [de l’Union] totale de ces produits» (voir, en ce sens, arrêt Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:553, points 69 et 70).

156

Or, conformément à l’article 17, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, la Commission est autorisée, dans les affaires de taille importante, à limiter l’enquête à un nombre raisonnable de parties, à condition, notamment, d’utiliser un échantillon statistiquement représentatif selon les renseignements disponibles au moment où elle choisit cet échantillon.

157

En l’occurrence, le seul fait que la Commission ait choisi de limiter l’enquête ayant abouti au règlement définitif à l’échantillon qu’elle a sélectionné ne permet pas, en soi, et en l’absence d’éléments de nature à remettre en cause la représentativité de cet échantillon de considérer que le règlement définitif ne satisfait pas aux exigences fixées aux articles 3, 4, paragraphe 1, et 17 du règlement no 384/96.

158

Il s’ensuit qu’aucun élément du règlement définitif ne permet de considérer que le nombre de producteurs de l’Union ayant coopéré à l’enquête est trop faible pour avoir permis à la Commission de procéder à une appréciation correcte du préjudice subi par l’industrie de l’Union et, partant, du lien de causalité entre les importations concernées et le préjudice subi par l’industrie de l’Union, en violation de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 17 du règlement no 384/96.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 384/96 et de l’article 296 TFUE

159

Par sa cinquième question dans l’affaire C‑659/13, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 384/96 et l’article 296 TFUE, étant donné que certaines preuves figurant dans le dossier de l’enquête montrent que le préjudice a été apprécié en utilisant des éléments matériellement erronés et que le règlement définitif n’expose pas les raisons pour lesquelles ces preuves n’ont pas été prises en compte.

160

À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 384/96 dispose que la détermination de l’existence du préjudice susceptible d’avoir été subi par l’industrie de l’Union se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ainsi que de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

161

Dans ce cadre, il résulte de la jurisprudence que le large pouvoir d’appréciation dont disposent le Conseil et la Commission dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, ne les dispense pas de l’obligation de tenir dûment compte des éléments de preuve qui leur ont été soumis par les parties à l’enquête (voir, en ce sens, arrêts GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, points 30 et 32, ainsi que Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 107).

162

Cependant, le contrôle juridictionnel de l’exercice d’un tel pouvoir doit, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE comme dans celui d’une demande de décision préjudicielle en appréciation de validité présentée au titre de l’article 267 TFUE, être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Valimar, C‑374/12, EU:C:2014:2231, point 51 et jurisprudence citée).

163

En l’occurrence, il ressort des arguments auxquels se réfère la décision de renvoi que Clark se prévaut de deux documents selon lesquels certains des producteurs de l’Union ayant fait l’objet de l’enquête se seraient livrés à des pratiques frauduleuses de nature à remettre en cause la fiabilité des informations recueillies par la Commission au sujet de différentes données économiques relatives à l’emploi, aux investissements, aux chiffres d’affaires ou encore aux ventes de l’industrie de l’Union.

164

À cet égard, il est vrai que, comme l’a souligné la juridiction de renvoi, le règlement définitif ne fait pas référence à ces documents.

165

Cependant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 104 de ses conclusions, ces deux documents, qui se bornent en substance à faire état d’allégations parues dans la presse et relatives à un nombre circonscrit de producteurs de l’Union, ne permettent pas, eu égard à l’ensemble des autres éléments sur lesquels le Conseil s’est fondé, aux considérants 144 à 201 du règlement définitif, pour conclure à l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union, de considérer que cette conclusion est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ou qu’il aurait été nécessaire que le Conseil explique spécifiquement, dans ce règlement, les raisons pour lesquelles de tels documents n’ont pas emporté sa conviction.

166

Il s’ensuit qu’il ne peut pas être considéré que le règlement définitif viole l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 384/96 et l’article 296 TFUE, au motif que certains éléments de preuve figurant dans le dossier de l’enquête montrent que le préjudice a été apprécié en utilisant des éléments matériellement erronés et que ledit règlement n’explique pas les raisons pour lesquelles ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte.

Sur la validité du règlement définitif au regard de l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 384/96

167

Par sa sixième question dans l’affaire C‑659/13, la juridiction de renvoi demande si le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 384/96, au motif que le Conseil et la Commission n’ont pas correctement établi de distinction entre les effets des importations faisant l’objet d’un dumping et les autres facteurs portant préjudice à l’industrie de l’Union.

168

À cet égard, l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 384/96 dispose, notamment, que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie de l’Union sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué auxdites importations.

169

Dans ce cadre, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner la question de savoir si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs et, notamment, celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l’Union. À cette fin, il appartient à ces institutions de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations concernées et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice. Toutefois, si le Conseil et la Commission constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par lesdites importations est important, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut, en conséquence, être établi (voir, en ce sens, arrêts Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, EU:C:2013:865, points 23 à 25, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 35 à 37).

170

Par ailleurs, c’est aux personnes qui invoquent l’illégalité d’un règlement antidumping qu’il incombe de présenter des arguments et des éléments de preuve de nature à démontrer que les facteurs autres que ceux qui se rapportent aux importations ont pu avoir une importance telle qu’ils étaient de nature à remettre en cause l’existence du lien de causalité entre le préjudice subi par l’industrie de l’Union et les importations faisant l’objet d’un dumping (arrêts Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, EU:C:2013:865, point 28, ainsi que TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 42).

171

En l’occurrence, le Conseil et la Commission ont apprécié les effets des autres facteurs susceptibles de porter préjudice à l’industrie de l’Union aux considérants 222 à 240 du règlement définitif. À ce titre, ils ont notamment apprécié les résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union, l’impact des importations en provenance de pays tiers et l’impact de la suppression des contingents sur les importations en provenance de Chine, avant de conclure que l’impact de ces facteurs ne remettait pas en question le préjudice important causé à ladite industrie par les importations faisant l’objet d’un dumping.

172

Or, il ressort de la décision de renvoi et des arguments auxquels elle se réfère que Clark se borne à proposer, d’une part, une appréciation alternative de ces différents facteurs et, d’autre part, à remettre en cause, sans autre précision, certains des choix méthodologiques opérés par le Conseil et la Commission. En revanche, elle n’avance aucun argument permettant de considérer que le règlement définitif est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

173

Il s’ensuit qu’il ne peut pas être considéré que le règlement définitif viole l’article 3, paragraphe 7, du règlement no 384/96, au motif que le Conseil et la Commission n’ont pas correctement distingué les effets des importations faisant l’objet d’un dumping des autres facteurs portant préjudice à l’industrie de l’Union.

174

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux première à sixième questions dans l’affaire C‑659/13 ainsi qu’à la première question et à la seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14 comme suit:

Le règlement définitif est invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96.

L’examen de ces questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement définitif au regard de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 2, paragraphe 7, sous c), de l’article 3, paragraphes 1, 2 et 5 à 7, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 6, ou de l’article 17 du règlement no 384/96, considérés isolément, pour certains de ces articles ou dispositions, et conjointement, pour d’autres.

Sur la première question et la seconde question, sous a), dans l’affaire C‑34/14 en ce qu’elles portent également sur le règlement de prolongation

175

Ainsi qu’il a été dit aux points 78 et 79 du présent arrêt, dans l’affaire C‑34/14, la juridiction de renvoi s’interroge également, dans sa première question et sa seconde question, sous a), sur la validité du règlement de prolongation, au regard des mêmes motifs que ceux invoqués en ce qui concerne le règlement définitif.

176

À cet égard, il suffit de constater que le règlement de prolongation ne comporte aucune indication établissant, à suffisance de droit, que le Conseil et la Commission ont procédé, avant son adoption, à une nouvelle appréciation de la position des différents producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens visés par le règlement définitif, en vue de déterminer si ceux qui avaient demandé, au début de l’enquête initiale, à bénéficier du statut de société opérant en économie de marché, au titre de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96, ou d’un traitement individuel, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 5, de ce règlement, pouvaient prétendre à un tel statut ou à un tel traitement dans le cadre du réexamen.

177

Il s’ensuit qu’il convient de répondre à ces questions que le règlement de prolongation est invalide dans la même mesure que le règlement définitif.

Sur les questions relatives à l’interprétation de l’article 236 du code des douanes

Sur la notion de droits légalement dus au sens de l’article 236, paragraphe 1, du code des douanes

178

Par sa septième question dans l’affaire C‑659/13, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation telle que celle en cause dans les affaires au principal, les juridictions des États membres peuvent se fonder sur des arrêts dans lesquels le juge de l’Union a annulé un règlement ayant institué des droits antidumping, en tant qu’il concernait certains producteurs-exportateurs visés par ce règlement, pour considérer que les droits imposés sur les produits d’autres producteurs-exportateurs visés par ledit règlement, et se trouvant dans la même situation que les producteurs-exportateurs à l’égard desquels un tel règlement a été annulé, ne sont pas légalement dus, au sens de l’article 236, paragraphe 1, du code des douanes.

179

À cet égard, il résulte de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement. Par ailleurs, l’article 264, premier alinéa, TFUE dispose que, si le recours est fondé, le juge de l’Union déclare nul et non avenu l’acte contesté.

180

Dans ce cadre, il doit être souligné, tout d’abord, que, lorsqu’une personne demande l’annulation d’un acte au juge de l’Union, ce dernier n’est saisi que des dispositions de celui-ci qui la concernent. Les dispositions concernant d’autres personnes, qui n’ont pas été attaquées, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher (arrêts Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 53, ainsi que Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 25).

181

Ensuite, l’annulation que le juge de l’Union prononce dans le cadre d’un tel recours, s’il y a lieu, ne saurait excéder celle sollicitée par le requérant (arrêts Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 52, ainsi que Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 24).

182

Enfin, si l’autorité absolue dont jouissent les arrêts d’annulation du juge de l’Union s’attache tant à leur dispositif qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire, elle ne peut entraîner l’annulation d’un acte non déféré à la censure de ce juge, quand bien même celui-ci serait entaché de la même illégalité (arrêts Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 54, ainsi que Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 26).

183

Pour ces motifs, dans l’hypothèse où, dans le cadre d’un recours en annulation introduit par une personne directement et individuellement concernée par un acte de portée générale, tel qu’un règlement ayant imposé des droits antidumping, le juge de l’Union annule un tel acte en tant qu’il concerne cette personne, une telle annulation partielle n’affecte pas la légalité des autres dispositions de cet acte, et notamment des dispositions ayant institué des droits antidumping sur des produits autres que ceux fabriqués, exportés ou importés par ladite personne (voir, en ce sens, arrêt Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, points 10, 24 et 27).

184

Au contraire, dès lors que de telles dispositions n’ont pas été attaquées dans le délai prévu à l’article 263 TFUE, par les personnes qui auraient eu qualité pour en demander l’annulation, elles sont définitives à leur égard (arrêt Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 29 et jurisprudence citée). Par ailleurs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas été retirées ou déclarées invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité, ces dispositions jouissent d’une présomption de légalité, ce qui implique qu’elles produisent leur plein effet juridique à l’égard de toute autre personne (voir, en ce sens, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 39 et jurisprudence citée).

185

Dans ces conditions, il convient de répondre à la septième question dans l’affaire C‑659/13 que, dans une situation telle que celle en cause dans les affaires au principal, les juridictions des États membres ne peuvent pas se fonder sur des arrêts dans lesquels le juge de l’Union a annulé un règlement ayant institué des droits antidumping, en tant qu’il concernait certains producteurs-exportateurs visés par ce règlement, pour considérer que les droits imposés sur les produits d’autres producteurs-exportateurs visés par ledit règlement, et se trouvant dans la même situation que les producteurs-exportateurs à l’égard desquels un tel règlement a été annulé, ne sont pas légalement dus, au sens de l’article 236, paragraphe 1, du code des douanes. Un tel règlement n’ayant pas été retiré par l’institution qui l’a adopté, annulé par le juge de l’Union ou invalidé par la Cour en tant qu’il impose des droits sur les produits de ces autres producteurs-exportateurs, lesdits droits demeurent légalement dus, au sens de cette disposition.

Sur l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 236, paragraphe 2, du code des douanes

186

Par sa seconde question, sous b), dans l’affaire C‑34/14, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 236, paragraphe 2, du code des douanes doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un règlement ayant institué des droits antidumping soit déclaré totalement ou partiellement invalide par le juge de l’Union constitue un cas fortuit ou de force majeure, au sens de cette disposition.

187

Tout d’abord, il résulte des termes et de l’économie mêmes de l’article 236 du code des douanes que, si des droits antidumping qui n’étaient pas légalement dus au moment de leur paiement doivent, en principe, faire l’objet d’un remboursement par les autorités douanières, conformément au paragraphe 1 de cet article, un tel remboursement ne peut toutefois intervenir que si les conditions auxquelles il est assujetti, dont celle prévue au paragraphe 2 de cet article, sont réunies (arrêts Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 67; Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 25, ainsi que CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 20).

188

Il s’ensuit, en particulier, que l’opérateur économique qui s’est acquitté de ces droits ne peut, en principe, prétendre à leur remboursement que si et pour autant que le délai de trois ans prévu à cet effet à l’article 236, paragraphe 2, premier alinéa, du code des douanes n’a pas expiré (voir, en ce sens, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 21).

189

Cependant, l’article 236, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code des douanes prévoit expressément que ce délai est prorogé si le demandeur apporte la preuve qu’il a été empêché de respecter ce délai par suite d’un cas fortuit ou de force majeure. Il en découle que toute personne qui entend bénéficier d’une telle prorogation doit, à cet effet, démontrer l’existence d’au moins l’un de ces cas.

190

Ensuite, il ressort de l’article 236 du code des douanes, interprété dans son contexte, que le remboursement des droits antidumping acquittés par les opérateurs économiques n’est accordé que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, de sorte qu’il constitue une exception au régime normal des importations et des exportations prévu par le code des douanes et, partant, que les dispositions qui le régissent sont d’interprétation stricte (arrêts Pays-Bas/Commission, C‑156/00, EU:C:2003:149, point 91, et CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 24).

191

Partant, les notions de cas fortuit et de force majeure prévues à l’article 236, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code des douanes et permettant de proroger le délai de trois ans pendant lequel un opérateur économique peut prétendre au remboursement de droits antidumping, à compter de la date à laquelle il en a eu communication, doivent être interprétées de manière stricte (voir, en ce sens, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 25).

192

Dans le contexte de cette réglementation, ces notions se caractérisent toutes deux, notamment, par un élément objectif tenant au fait qu’elles impliquent l’existence de circonstances anormales et étrangères à la personne qui les invoque (voir, en ce sens, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

193

Or, ni le fait que l’un des deux règlements litigieux ait été partiellement annulé par la Cour, en tant qu’il concernait des personnes autres que Puma, dans les arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53) et Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710), ni le fait que l’un ou l’autre de ces actes puisse être déclaré totalement ou partiellement invalide en réponse aux questions posées à la Cour dans le cadre des présentes affaires ne saurait être considéré comme constituant une circonstance anormale ou étrangère, au sens requis pour établir l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure (voir, en ce sens, arrêt CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 30).

194

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question, sous b), dans l’affaire C‑34/14 que l’article 236, paragraphe 2, du code des douanes doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un règlement instituant des droits antidumping soit déclaré totalement ou partiellement invalide par le juge de l’Union ne constitue pas un cas fortuit ou de force majeure, au sens de cette disposition.

Sur les dépens

195

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le règlement (CE) no 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam, est invalide dans la mesure où il viole l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne, tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004.

L’examen des questions préjudicielles n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement no 1472/2006 au regard de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 2, paragraphe 7, sous c), de l’article 3, paragraphes 1, 2 et 5 à 7, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 6, ou de l’article 17 du règlement no 384/96, tel que modifié par le règlement no 461/2004, considérés isolément, pour certains de ces articles ou dispositions, et conjointement, pour d’autres.

 

2)

Le règlement d’exécution (UE) no 1294/2009 du Conseil, du 22 décembre 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures mené conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 384/96, est invalide dans la même mesure que le règlement no 1472/2006.

 

3)

Dans une situation telle que celle en cause dans les affaires au principal, les juridictions des États membres ne peuvent pas se fonder sur des arrêts dans lesquels le juge de l’Union européenne a annulé un règlement ayant institué des droits antidumping, en tant qu’il concernait certains producteurs-exportateurs visés par ce règlement, pour considérer que les droits imposés sur les produits d’autres producteurs-exportateurs visés par ledit règlement, et se trouvant dans la même situation que les producteurs-exportateurs à l’égard desquels un tel règlement a été annulé, ne sont pas légalement dus, au sens de l’article 236, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire. Un tel règlement n’ayant pas été retiré par l’institution de l’Union européenne qui l’a adopté, annulé par le juge de l’Union européenne ou invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne en tant qu’il impose des droits sur les produits de ces autres producteurs-exportateurs, lesdits droits demeurent légalement dus, au sens de cette disposition.

 

4)

L’article 236, paragraphe 2, du règlement no 2913/92 doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un règlement instituant des droits antidumping soit déclaré totalement ou partiellement invalide par le juge de l’Union européenne ne constitue pas un cas fortuit ou de force majeure, au sens de cette disposition.

 

Signatures


( *1 )   Langues de procédure: l’allemand et l’anglais.