CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 21 mai 2015 ( 1 )

Affaire C‑687/13

Fliesen-Zentrum Deutschland GmbH

contre

Hauptzollamt Regensburg

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht München (Allemagne)]

«Droit antidumping — Validité du règlement d’exécution (UE) no 917/2011 du Conseil — Importations de carreaux en céramique originaires de Chine — Choix des États-Unis comme pays tiers à économie de marché approprié pour déterminer l’existence d’un dumping — Détermination de la valeur normale — Droits de la défense — Obligation de motivation — Échantillonnage»

1. 

En 2011, le Conseil de l’Union européenne a imposé un droit antidumping sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine.

2. 

La Chine n’étant pas un pays à économie de marché et ne présentant pas une valeur normale fiable sur son marché intérieur, les institutions de l’Union européenne ont recouru à une valeur normale construite dans un pays tiers à économie de marché, en l’occurrence les États-Unis d’Amérique, pour déterminer l’existence d’un dumping et la marge de dumping. À cette fin, elles ont utilisé des chiffres fournis par un seul producteur américain, en opérant les ajustements requis pour tenir compte de plusieurs différences mais (pour des raisons de confidentialité) sans donner tous les détails des ajustements effectués. Dans la détermination du niveau de sous-cotation des prix, les institutions ont fondé leurs calculs des prix sur des échantillons de producteurs chinois et de producteurs de l’Union, en utilisant cependant différentes méthodes d’échantillonnage dans chaque cas.

3. 

Un importateur allemand, s’opposant à certains aspects de ces méthodes, a contesté le droit appliqué aux carreaux qu’il importait. Saisi de l’affaire, le Finanzgericht München (le tribunal des finances de Munich, Allemagne) demande à la Cour de justice de se prononcer à titre préjudiciel sur la validité du règlement imposant le droit antidumping.

4. 

D’autres questions concernant un recours différent contre ce même règlement ont été soumises à la Cour dans l’affaire C‑569/13, Bricmate, dans laquelle je présente mes conclusions aujourd’hui.

Le règlement (CE) no 1225/2009

5.

Les règles régissant l’imposition de droits antidumping figurent dans le règlement no 1225/2009 ( 2 ).

6.

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base énonce le principe selon lequel peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice. L’article 1er, paragraphe 2, définit un produit faisant l’objet d’un dumping comme un produit dont le prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.

7.

L’article 2 fixe les principes et les règles applicables à la détermination de l’existence d’un dumping. En substance, pour un produit donné exporté à partir d’un pays tiers, il est établi une valeur normale basée sur les prix payés au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur, ainsi qu’un prix à l’exportation vers l’Union. Si une comparaison équitable des moyennes pondérées montre que la valeur normale dépasse le prix à l’exportation, le montant correspondant à cette différence est la marge de dumping.

8.

À cet égard, l’article 2, paragraphe 7, sous a), prévoit:

«Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris [l’Union], ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

Les parties à l’enquête sont informées rapidement après l’ouverture de celle-ci du pays tiers à économie de marché envisagé et disposent de dix jours pour présenter leurs commentaires.»

9.

L’article 2, paragraphe 10, prévoit:

«Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. […]»

10.

L’article 3 («Détermination de l’existence d’un préjudice») dispose, en particulier:

«[…]

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif:

a)

du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché [de l’Union]; et

b)

de l’incidence de ces importations sur l’industrie [de l’Union].

3.   En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie [de l’Union] ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. […]»

11.

L’article 6, paragraphe 9, prévoit «[qu’] une enquête est, si possible, terminée dans le délai d’un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois suivant leur ouverture […]».

12.

L’article 9, paragraphe 4, établit notamment la «règle du droit moindre»:

«Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de [l’Union] nécessite une action […], un droit antidumping définitif est imposé […]. Le montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire.»

13.

L’article 17 concerne l’échantillonnage. Il prévoit, en particulier:

«1.   Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de type de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

2.   Le choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application des dispositions relatives à l’échantillonnage, relève de la Commission, mais la préférence doit être accordée au choix d’un échantillon en consultation avec les parties concernées ou avec leur consentement […].

[…]

4.   Lorsqu’il a été décidé de procéder par échantillonnage et que les parties retenues ou certaines d’entre elles refusent de coopérer, de sorte que les résultats de l’enquête peuvent s’en trouver sensiblement compromis, un nouvel échantillon peut être choisi. Toutefois, si le refus de coopérer persiste ou si l’on ne dispose pas de temps suffisant pour choisir un nouvel échantillon, les dispositions pertinentes de l’article 18 s’appliquent.»

14.

L’article 18 porte sur le défaut de coopération. Il prévoit, notamment:

«1.   Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. […]

[…]

5.   Si les conclusions, y compris celles qui concernent la valeur normale, sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, il faut, lorsque cela est possible et compte tenu des délais impartis pour l’enquête, vérifier ces renseignements par référence à d’autres sources indépendantes disponibles, telles que les listes de prix publiées, les statistiques d’importation officielles et les relevés douaniers ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties concernées au cours de l’enquête.

Ces informations peuvent comprendre des données pertinentes liées au marché mondial ou à d’autres marchés représentatifs, le cas échéant.»

15.

Enfin, l’article 19 du règlement de base indique, notamment:

«1.   Toute information de nature confidentielle (par exemple parce que sa divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue) ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités.

[…]

4.   Le présent article ne s’oppose pas à la divulgation, par les autorités [de l’Union], d’informations générales, notamment des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du présent règlement sont fondées, ni à la divulgation d’éléments de preuve sur lesquels les autorités [de l’Union] s’appuient dans la mesure nécessaire à la justification de ces motifs lors de procédures en justice. Une telle divulgation doit tenir compte de l’intérêt légitime des parties intéressées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas révélés.

[…]»

La procédure et le droit antidumping

16.

Le droit antidumping en question dans la procédure au principal a été imposé d’abord par le règlement (UE) no 258/2011 ( 3 ) puis confirmé par le règlement (UE) no 917/2011 ( 4 ).

17.

À la suite d’une plainte déposée par l’European Ceramic Tile Manufacturers’ Federation (ci-après la «CET»), la Commission européenne a publié le 19 juin 2010 un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de carreaux en céramique originaires de Chine ( 5 ).

18.

Le 16 mars 2011, la Commission a adopté le règlement provisoire, dont l’article 1, paragraphe 1, instituait un droit antidumping provisoire sur les importations de «carreaux et dalles de pavement ou de revêtement, vernissés ou émaillés et non vernissés ni émaillés, en céramique, ainsi que les cubes, dés et articles similaires pour mosaïques, vernissés ou émaillés et non vernissés ni émaillés, en céramique, même sur support, relevant actuellement des codes NC 6907 10 00, 6907 90 20, 6907 90 80, 6908 10 00, 6908 90 11, 6908 90 20, 6908 90 31, 6908 90 51, 6908 90 91, 6908 90 93 et 6908 90 99, et originaires de [Chine]». En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, le taux du droit antidumping applicable à ces produits variait de 26,2 à 36,6 % pour certaines sociétés limitativement énumérées, un taux de 73 % étant applicable à toutes les autres sociétés.

19.

La Chine n’étant pas un pays à économie de marché, la Commission a déterminé dans ce règlement une valeur normale construite, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur le fondement de données fournies par un producteur dans un pays tiers analogue doté d’une économie de marché, à savoir les États-Unis. Afin d’évaluer la sous-cotation des prix, elle a également recouru à des chiffres tirés d’échantillons de producteurs chinois et de producteurs de l’Union, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, mais a sélectionné les échantillons selon deux méthodes différentes.

20.

Le 12 septembre 2011, le Conseil a adopté le règlement définitif, instituant en vertu de son article 1er, paragraphe 1, un droit antidumping définitif sur les importations des mêmes produits que ceux visés par le règlement provisoire. En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, le taux du droit antidumping définitif applicable allait de 26,3 à 36,5 % pour les produits fabriqués par les sociétés énumérées dans cet article, un taux de 69,7 % s’appliquant aux produits fabriqués par toutes les autres sociétés.

21.

Aux considérants de ce règlement, le Conseil a écarté différentes critiques portant sur le choix des États-Unis comme pays tiers analogue, sur l’utilisation de données émanant d’un unique fournisseur dans ce pays, sur les ajustements apportés à ces données, ainsi que sur la différence entre les méthodes d’échantillonnage.

22.

Je rappellerai la motivation précise contenue dans ces deux règlements dans le contexte de chaque aspect de la question préjudicielle à laquelle elle se réfère.

Les faits, la procédure et la question préjudicielle déférée

23.

Au mois de juillet 2011, Fliesen-Zentrum Deutschland GmbH (ci-après «Fliesen-Zentrum») a importé des carreaux en céramique relevant du code NC 6907 90 20, fabriqués en Chine, et les a déclarés au Hauptzollamt Regensburg (Bureau principal des douanes de Ratisbonne, ci-après le «HZA»). Par avis du 2 août 2011, le HZA a fixé, outre les droits de douane et la taxe sur la valeur ajoutée, une garantie pour un droit antidumping provisoire au taux de 32,3 %, d’un montant total de 9479,09 euros, que Fliesen-Zentrum a versé.

24.

Le 5 août 2011, Fliesen-Zentrum a formé une réclamation contre cet avis, réclamation que le HZA a rejetée par décision du 19 octobre 2011.

25.

Par avis du 4 novembre 2011, le HZA a fixé définitivement les droits antidumping à 9479,09 euros, y imputant en totalité la garantie versée pour le droit antidumping provisoire. Fliesen-Zentrum a également introduit contre cette décision une réclamation, que le HZA a rejetée par une autre décision du 3 février 2012.

26.

Fliesen-Zentrum a formé un recours contre l’imposition du droit antidumping devant la juridiction de renvoi, contestant la validité du règlement définitif.

27.

La juridiction de renvoi a considéré que quatre des moyens avancés par Fliesen-Zentrum au soutien de son recours pouvaient apparaître fondés, à savoir:

premièrement, que le choix des États-Unis comme pays tiers analogue était illégal, dans la mesure où d’autres pays tiers à économie de marché plus comparables à la Chine existaient mais n’ont pas été pris en considération;

deuxièmement, que l’établissement de la valeur normale sur la base des chiffres fournis par un unique producteur américain était illégal;

troisièmement, que certaines données utilisées pour déterminer la valeur normale n’avaient pas été divulguées et que certains ajustements n’avaient pas été expliqués, en violation des droits de la défense des parties intéressées et de l’obligation de motivation;

quatrièmement, que la manière dont les échantillons de producteurs chinois et de l’Union ainsi que d’importateurs de l’Union ont été constitués avait faussé les résultats et était par conséquent illégale.

28.

Après avoir analysé ces moyens, la juridiction de renvoi a estimé qu’il convenait de déférer à la Cour de justice la question préjudicielle suivante: «Le [règlement définitif] est-il valide?»

Remarques préliminaires

29.

La question posée par la juridiction de renvoi est simple et générale. Elle n’identifie aucun motif spécifique d’invalidité sur lequel la juridiction de renvoi souhaiterait que la Cour se prononce. Il n’en demeure pas moins que les questions que se pose la juridiction de renvoi portent clairement sur les quatre moyens exposés dans la décision de renvoi.

30.

Fliesen-Zentrum, le Conseil et la Commission, qui tous ont présenté des observations écrites et formulé des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 3 décembre 2014, ont examiné chacun de ces quatre moyens individuellement. J’adopterai pour ma part la même démarche.

31.

Fliesen-Zentrum a toutefois invoqué deux autres moyens au titre desquels le règlement attaqué pourrait être considéré comme invalide, et dont aucun n’est repris dans la décision de renvoi. Par ailleurs, la Commission a anticipé et s’est attachée à réfuter certains arguments de Fliesen-Zentrum tirés du dossier de la juridiction de renvoi.

32.

Qui plus est, alors que chacun des moyens d’invalidité cités dans la décision de renvoi peut être traité indépendamment, les trois premiers concernent la manière dont a été déterminée une valeur normale construite, tandis que tous mettent en cause le caractère approprié de la motivation contenue dans le règlement provisoire et dans le règlement définitif. Ces caractères communs soulèvent, il me semble, des questions générales relatives tant à la portée qu’au degré du contrôle de la Cour de justice.

Les questions non soulevées dans la décision de renvoi

33.

Je ne suis pas d’avis que la Cour de justice devrait examiner les questions additionnelles traitées par Fliesen-Zentrum et la Commission dans la présente affaire.

34.

Selon une jurisprudence constante, la procédure établie à l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, de sorte qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. De plus, l’article 267 TFUE n’ouvre pas de voies de recours aux parties à un litige pendant devant le juge national, de sorte que la Cour ne saurait être tenue d’apprécier la validité du droit de l’Union au seul motif que cette question a été invoquée devant elle par l’une de ces parties dans ses observations écrites. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner des motifs d’invalidité non visés par la juridiction de renvoi ( 6 ).

La portée du contrôle opéré par la Cour

35.

Ainsi que cela a été souligné dans la décision de renvoi et dans les observations adressées à la Cour, il est de jurisprudence constante que le choix du pays analogue relève du pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes. L’exercice de ce pouvoir d’appréciation n’en est pas pour autant soustrait au contrôle juridictionnel de la Cour et [conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base] ce pays doit être choisi d’une manière non déraisonnable ( 7 ). La portée du contrôle opéré par la Cour sur le choix du pays analogue, selon cette jurisprudence, est par conséquent relativement limitée.

36.

Dans le cas présent, c’est non pas seulement le choix des États‑Unis comme pays analogue à la Chine, mais également le recours à des données provenant d’un seul producteur aux États-Unis qui est contesté. En ce qui concerne ce point précis, la Cour a admis que, lorsque cela était nécessaire, une valeur normale construite pouvait être établie sur la base des chiffres émanant d’un seul producteur ( 8 ).

37.

Même si les deux aspects sont distincts, il pourrait paraître surprenant qu’une valeur normale pour les produits de tous les producteurs de carreaux en céramique dans l’ensemble de la Chine soit construite à partir de données fournies par un seul producteur aux États‑Unis, alors que ce pays dispose d’un revenu par tête significativement plus élevé que celui de la Chine ( 9 ), mais produit moins d’un trentième de la même quantité de carreaux ( 10 ).

38.

En présence de ce qui, à première vue, paraît être une anomalie, j’estime qu’il n’y a pas lieu que la Cour limite la portée de son contrôle au-delà de ce qui est nécessaire conformément à sa jurisprudence antérieure. Il convient en particulier qu’elle vérifie si les institutions ont omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise ( 11 ).

39.

Par ailleurs, je considère qu’il est également nécessaire de garder à l’esprit la portée exacte de l’obligation de motivation qui incombe aux institutions dans ce contexte particulier.

Le degré du contrôle opéré par la Cour en ce qui concerne l’obligation de motivation

40.

La Cour a rappelé de façon systématique que les règlements instituant des droits antidumping ont une double nature d’actes à caractère normatif et d’actes susceptibles de concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques ( 12 ).

41.

Dans l’arrêt Petrotub et Republica/Conseil ( 13 ), rendu dans une affaire dans laquelle un règlement antidumping avait été attaqué par des parties qu’il concernait directement et individuellement, la Cour a considéré que «la motivation […] doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement […] de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction [de l’Union] compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications […]».

42.

La Cour a toutefois également considéré de manière constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes destinés à une application générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre ( 14 ).

43.

En l’espèce, le règlement attaqué est, par principe, un acte réglementaire d’application générale. Il concerne cependant directement et individuellement les exportateurs dont les produits sont affectés, ainsi que tous les importateurs liés, qui ont qualité pour agir directement contre ce règlement devant le Tribunal ( 15 ). D’autres opérateurs qu’il serait susceptible de concerner directement en l’absence de mesures d’exécution pourraient également attaquer ce règlement ( 16 ). Néanmoins il ne concerne pas directement Fliesen-Zentrum (qui, en tant qu’importateur indépendant non concerné par l’enquête antidumping, ne relève d’aucune de ces catégories), et comporte effectivement des mesures d’exécution (l’imposition de droits antidumping sur les importations) – mesures qui font l’objet du recours introduit par Fliesen-Zentrum devant la juridiction nationale. Si Fliesen-Zentrum avait tenté de former un recours devant le Tribunal, il aurait par conséquent été rejeté comme étant irrecevable ( 17 ).

44.

À cet égard, l’affirmation formulée par Fliesen-Zentrum lors de l’audience selon laquelle cette entreprise fait partie d’un groupe de sociétés détenues par les membres d’une même famille, et dont une autre [Cera-Net Sàrl, établie au Luxembourg (ci-après «Cera-Net»)] a participé à la procédure antidumping, ne me paraît pas pertinente. Une telle circonstance (en admettant qu’elle soit établie) ne saurait conférer à Fliesen-Zentrum la qualité requise pour contester le règlement attaqué directement devant le Tribunal, au motif qu’elle serait individuellement concernée par ce dernier. Fliesen-Zentrum n’a, du reste, pas tenté d’introduire un recours de cette nature.

45.

La question se pose donc de savoir si, lorsqu’une partie ayant qualité pour agir conteste un règlement instituant des droits antidumping directement devant le Tribunal, une obligation de motivation plus stricte devrait donner lieu à un contrôle juridictionnel plus poussé alors que, lorsque la Cour de justice est saisie d’une demande de décision préjudicielle formée dans le cadre d’un recours introduit devant les juridictions nationales par une partie concernée, mais ni directement ni individuellement, par la même mesure, le degré du contrôle juridictionnel de la motivation devrait être moins élevé.

46.

Je considère qu’il existe une différence entre les deux situations et que, dans le second cas, la Cour de justice devrait traiter la mesure non pas comme une décision, mais plutôt comme un acte réglementaire d’application générale. Le degré de contrôle juridictionnel plus élevé que doit appliquer le Tribunal lorsqu’un recours direct est recevable pourrait entraîner l’annulation de la mesure seulement à l’égard de la partie requérante à l’origine du recours dont il est saisi ( 18 ). En revanche, l’invalidité déclarée par la Cour de justice dans un arrêt préjudiciel s’appliquerait erga omnes, et le contrôle de l’obligation de motivation qui incombe aux institutions doit reposer sur ce principe.

47.

J’examinerai donc à présent chacun des quatre éventuels motifs d’invalidité évoqués dans la décision de renvoi successivement, à la lumière des considérations qui précèdent.

Le choix des États-Unis comme pays tiers analogue

Les règlements antidumping

Le règlement provisoire

48.

Le choix des États-Unis aux fins de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base est expliqué de la manière suivante aux considérants 46 à 52 du règlement provisoire:

«(46)   Dans l’avis d’ouverture, la Commission avait exprimé son intention d’utiliser les États-Unis comme pays analogue approprié aux fins de l’établissement de la valeur normale pour la Chine et invité les parties intéressées à formuler des observations à ce sujet.

(47)   Un certain nombre d’observations ont été reçues et plusieurs autres pays ont été proposés en tant qu’alternative, en particulier le Brésil, la Turquie, le Nigeria, la Thaïlande et l’Indonésie.

(48)   La Commission a, par conséquent, décidé de solliciter la coopération des producteurs connus dans ces pays, y compris aux États-Unis. Toutefois, seuls deux fabricants du produit concerné aux États-Unis ont répondu au questionnaire. Un producteur thaïlandais a également transmis une réponse incomplète au questionnaire et, en tout état de cause, sa gamme de produits n’était pas pleinement comparable à celle des producteurs chinois ayant coopéré.

(49)   L’enquête a révélé que les États-Unis disposaient d’un marché concurrentiel pour le produit concerné. Plusieurs producteurs étaient actifs sur le marché intérieur des États-Unis et les volumes d’importation étaient élevés. L’enquête a, en outre, montré que les carreaux en céramique provenant de Chine et des États-Unis présentaient fondamentalement les mêmes caractéristiques physiques et étaient destinés aux mêmes usages, et que les processus de production mis en œuvre étaient similaires.

(50)   Il a été avancé que, dans la mesure où le marché américain était caractérisé par un taux élevé d’importations, les carreaux en céramique fabriqués aux États-Unis et ceux fabriqués en Chine couvraient des segments de marché différents. De ce fait, les types de produits fabriqués sur le territoire national qui serviraient de base pour établir la valeur normale ne seraient pas comparables aux types de produits exportés par la Chine vers l’Union. Toutefois, l’enquête a montré que la production américaine couvrait un large éventail de types de produits comparables à ceux fabriqués et exportés par la Chine, comme indiqué au considérant 49 ci-dessus.

(51)   Il a également été allégué que les États-Unis jouaient un rôle relativement secondaire sur le marché mondial des carreaux en céramique. Le volume de la production nationale américaine a néanmoins atteint environ 600 millions de m2 [ ( 19 )] en 2009, ce qui est considéré comme significatif. À titre de comparaison, la Chine, premier producteur mondial dans ce domaine, a fabriqué 2 milliards de m2 de carreaux en céramique au cours de la même période.

(52)   Une partie a fait valoir que les États-Unis avaient établi des normes de qualité rigoureuses qui créaient, de fait, des obstacles non tarifaires aux importations chinoises. L’enquête a pourtant révélé, comme indiqué plus haut, que les importations en provenance de Chine et à destination des États-Unis affichaient des volumes élevés et représentaient la majeure partie de la consommation intérieure américaine. En conséquence, l’argument selon lequel les obstacles non tarifaires aux États-Unis auraient une incidence sur les importations et, de ce fait, sur la concurrence a été rejeté.»

Le règlement définitif

49.

La même question est traitée aux considérants 55 à 72, en vertu desquels:

«(55)

Deux importateurs ont présenté des observations en ce qui concerne le choix des [États-Unis] comme pays analogue, en faisant valoir que le choix de ce pays était inapproprié compte tenu de sa production insignifiante et de son manque de compétitivité sur le marché mondial. Ils ont en outre allégué que le choix des États-Unis n’était pas raisonnable, puisque l’absence d’autres pays analogues était due à une pression indûment exercée par l’association des producteurs de l’Union sur les producteurs d’autres pays analogues possibles, afin de dissuader ceux-ci de coopérer. Deux importateurs ont fait valoir que les informations provenant d’un certain nombre de pays ayant coopéré potentiels [sic] avaient été ignorées par la Commission et que les données publiquement accessibles émanant des associations nationales ou transnationales de producteurs de pays tiers n’avaient pas été prises en compte.

(56)

À propos de ce dernier argument, il est rappelé que les informations propres aux sociétés sont nécessaires pour mener une enquête sur le niveau de dumping. Cet argument a donc été rejeté.

(57)

En ce qui concerne les allégations de pression indûment exercée par l’association des producteurs de l’Union afin de décourager la coopération, il est constaté qu’aucun élément de preuve n’a été fourni. En conséquence, ces commentaires ont dû être écartés.

(58)

Ces importateurs ont par ailleurs fait observer que la production annuelle de carreaux en céramique aux États-Unis s’élevait à environ 60 millions m2, comme indiqué au considérant 51 du règlement provisoire. Cette information a été vérifiée et s’est révélée correcte.

(59)

En ce qui concerne le choix des États-Unis comme pays analogue, compte tenu de son niveau de production nettement moins élevé, il convient de souligner que le marché américain est très concurrentiel (il existe plusieurs sociétés de production locales, et les quantités importées sont importantes). Par ailleurs, comme indiqué au considérant 52 du règlement provisoire, il n’existe aucun élément permettant de mettre en évidence l’existence d’obstacles non tarifaires susceptibles d’entraver sérieusement la concurrence sur le marché. Dans ces circonstances, malgré un volume de production moins élevé, la conclusion générale selon laquelle les États-Unis constituent un pays analogue approprié demeure inchangée.

(60)

Deux importateurs ont fait valoir que les prix de vente unitaires des carreaux produits aux États-Unis sur le marché intérieur étaient beaucoup plus élevés que sur le marché de l’Union, et que, comparés aux prix à l’exportation, ils donnaient lieu à l’existence de pratiques de dumping. Cet argument a été jugé comme dénué de pertinence aux fins de la présente procédure, puisque de telles allégations, en supposant qu’il existe des éléments les attestant à première vue, ne pourraient être examinées de manière approfondie que dans le cadre d’une procédure antidumping distincte liée aux États-Unis. Il a par conséquent été rejeté.

[…]

(63)

Ces importateurs ont par ailleurs affirmé que les volumes d’exportation des États-Unis étaient limités. Cet argument a été considéré comme dénué de pertinence au regard de la sélection du pays analogue, puisque les données relatives au pays analogue sont utilisées pour déterminer la valeur normale et non les prix à l’exportation. Il a, par conséquent, été rejeté.

[…]

(67)

Après la notification des conclusions finales, une association d’importateurs a formulé de nombreuses allégations. Premièrement, ces importateurs ont fait valoir que le volume prétendument faible des ventes des producteurs américains sur leur marché intérieur par rapport aux exportations chinoises vers l’Union faisait des États-Unis un pays analogue inapproprié. À cet égard, lors de l’examen des pays analogues possibles, le niveau de la concurrence dans ces pays est l’un des éléments examinés. Le fait de présenter des niveaux similaires de ventes intérieures de l’industrie nationale et d’importations du pays faisant l’objet de l’enquête n’est pas, pour un pays, une condition préalable pour pouvoir être considéré comme un pays analogue approprié. En ce qui concerne cet argument, au regard de cette enquête et comme indiqué au considérant 59, le marché américain a été jugé suffisamment concurrentiel pour constituer un choix approprié. Cet argument est, dès lors, rejeté.

(68)

L’association des importateurs a en outre fait valoir qu’elle ne considérait pas le niveau élevé des importations sur le marché américain comme un élément pertinent pour justifier le choix des États-Unis comme pays analogue. En ce qui concerne cet argument, il convient de noter que le niveau des importations est de fait l’un des facteurs importants examinés lors de la sélection d’un pays analogue approprié. La combinaison de la production nationale et de volumes élevés d’importations contribue à l’existence d’un marché concurrentiel, tel que mentionné au considérant 59. Cet argument est, dès lors, rejeté.

[…]

(70)

L’association a par ailleurs fait valoir qu’étant donné que le prix de vente moyen sur le marché des États-Unis des carreaux en céramique d’origine nationale était prétendument plusieurs fois supérieur au prix des importations de l’Union en provenance de Chine, le produit américain n’était pas un ‘produit similaire’ au produit importé de Chine. À cet égard, le fait que ces deux prix diffèrent ne constitue pas une raison de considérer que le produit américain n’est pas similaire au produit concerné. Comme indiqué au considérant 32 du règlement provisoire, il a été constaté que le produit concerné et, entre autres, le produit fabriqué et vendu sur le marché intérieur américain présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques essentielles et sont destinés aux mêmes utilisations fondamentales. Dans ces circonstances, ils étaient considérés comme des produits similaires au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base. L’argument de l’association a, par conséquent, été rejeté.

(71)

Enfin, l’association a demandé pourquoi l’Union n’était pas considérée comme un pays analogue approprié en l’absence de coopération de la part de pays tiers autres que les États-Unis. À cet égard, compte tenu du fait que les États-Unis ont été considérés comme constituant un pays analogue approprié, ainsi qu’il est indiqué au considérant 59, il ne s’est pas avéré nécessaire d’examiner d’autres pays appropriés possibles. L’argument de l’association a, par conséquent, été rejeté.

(72)

En l’absence d’autres commentaires, il est confirmé que le choix des États-Unis comme pays analogue était approprié et raisonnable conformément à l’article 2, paragraphe 7, point a), du règlement de base, et les considérants 45 à 54 du règlement provisoire sont confirmés.»

Questions et arguments

50.

La juridiction de renvoi relève trois groupes de facteurs susceptibles, selon elle, de conduire à la conclusion que le choix des États-Unis était invalide, à savoir: les marchés de carreaux américain et chinois diffèrent substantiellement, les exportateurs américains exportant très peu et ne fournissant qu’un segment réduit des carrelages de qualité supérieure sur le marché national, les trois quarts restants étant pour l’essentiel un marché d’importations; l’on ignore si la Commission a examiné de manière exhaustive d’autres pays analogues potentiels (en particulier le Brésil, la Turquie, le Nigeria, la Thaïlande et l’Indonésie), et rien n’indique qu’elle ait tenu compte d’autres informations statistiques publiquement accessibles afin d’éclairer son choix.

51.

Fliesen-Zentrum invoque pour l’essentiel les mêmes considérations et cite de manière extensive les points 79, 97 et 103 à 119 des conclusions présentées dans l’affaire GLS ( 20 ). Elle en conclut qu’il avait été suffisamment expliqué à la Commission que les États-Unis n’étaient pas un pays analogue approprié aux fins de l’enquête et que cette dernière disposait de suffisamment d’informations pour le comprendre, mais qu’elle n’a pas consacré suffisamment d’efforts à trouver un autre pays. Selon Fliesen-Zentrum, il s’agit là d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de règles de droit de rang supérieur, à savoir les articles 2, paragraphe 7, sous a), et 18, paragraphe 5, du règlement de base.

52.

Lors de l’audience, Fliesen-Zentrum a insisté sur le fait que le dumping ne devait pas être assimilé au dumping social, ce que j’ai compris comme signifiant qu’un produit ne pouvait être considéré comme faisant l’objet de dumping, aux fins de la législation antidumping, lorsque son prix était bas uniquement parce que les coûts du travail étaient faibles, et que les prix de vente de la production américaine aux États-Unis étaient nécessairement déterminés pour une large part par les coûts du travail aux États-Unis, lesquels sont plus élevés que ceux relevés en Chine.

53.

Le Conseil considère que les informations figurant aux considérants des règlements provisoire et définitif suffisent à dissiper les doutes de la juridiction de renvoi.

54.

Il souligne qu’une valeur normale construite doit être fondée sur des chiffres vérifiables et vérifiés émanant de producteurs individuels, et non pas sur des statistiques macroéconomiques publiquement accessibles. Aux considérants du règlement provisoire la Commission indique clairement qu’elle s’est efforcée d’obtenir ces chiffres auprès de producteurs dans tous les pays cités mais qu’elle n’a obtenu de réponse que d’un fabricant thaïlandais et de deux producteurs américains, et que seule la réponse d’un des producteurs américains a pu être utilisée. La Commission n’a aucun moyen à sa disposition pour obtenir des informations de la part de producteurs basés dans des pays tiers non soumis à l’enquête et qui refusent de coopérer. Elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour établir les faits et les a examinés avec toute la diligence nécessaire, ainsi que l’exige l’arrêt GLS ( 21 ).

55.

En tout état de cause, certains des pays proposés (la Turquie et les Émirats arabes unis, par exemple) seraient inappropriés pour différentes raisons, comme la disponibilité de chiffres ou la comparabilité des marchés. Au contraire, le marché américain permettait de faire des comparaisons en termes de marché, de production et d’importation. La production excédait le seuil admis de 5 % des exportations de la Chine vers l’Union. De plus, les types de produits concernés étaient fortement comparables, comme l’attestent les numéros de contrôle de produit (ci-après les «NCP»).

56.

La Commission commence par dégager trois principes directeurs découlant de la jurisprudence applicable ( 22 ). Premièrement, les institutions doivent rechercher d’office quels pays tiers à économie de marché présentent les caractéristiques appropriées et la Commission doit faire des efforts suffisants pour trouver des producteurs dans ces pays disposés à coopérer. Deuxièmement, après avoir trouvé ces producteurs, les institutions doivent sélectionner le pays approprié d’une manière non déraisonnable, en tenant compte de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Le choix du pays tiers s’inscrit dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes, dont l’exercice n’est soumis qu’à un contrôle juridictionnel limité; en particulier, il n’est pas nécessaire d’établir l’existence de conditions identiques à tous égards dans le pays analogue, même si la comparabilité des méthodes de production et celle de l’accès aux matières premières sont des éléments qui doivent être pris en compte. Enfin, les institutions de l’Union ne sont pas tenues de prendre en considération tous les pays de référence proposés par les parties dans le cadre d’une procédure antidumping, mais elles sont tenues d’examiner les indices qui leurs sont communiqués.

57.

La Commission examine ensuite les trois doutes soulevés par la juridiction de renvoi, tout en citant les considérants du règlement provisoire et ceux du règlement définitif en ce qu’ils fournissent, selon elle, des justifications suffisantes.

58.

En ce qui concerne les différences entre les marchés chinois et américain, la Commission estime que la question essentielle n’est pas de savoir si ces différences existent, mais si elles jettent un doute sur le caractère approprié du choix des États-Unis en tant que pays analogue ( 23 ). Dans le cas présent, la forte concurrence et la large gamme de produits comparables à ceux exportés de Chine en font un choix approprié. Les producteurs américains sont compétitifs et leur production dépasse considérablement le seuil de 5 % des exportations chinoises vers l’Union que la Cour a considéré comme étant suffisant pour établir la comparabilité ( 24 ).

59.

Une fois que les institutions ont établi que les États-Unis sont un pays analogue approprié, il n’est plus nécessaire de rechercher si d’autres pays auraient pu être encore plus appropriés. La Commission estime que les autres doutes que nourrit la juridiction de renvoi perdent par conséquent leur pertinence, mais elle y répond malgré tout.

60.

En ce qui concerne la recherche d’autres pays analogues potentiels, la Commission souligne qu’elle a fait l’effort de contacter des producteurs dans tous les pays proposés par les parties, en particulier le Brésil, mais qu’elle n’est pas parvenue à obtenir leur coopération, même avec l’aide du conseil de (l’une de) ces parties. Elle ajoute qu’elle n’était nullement tenue de rechercher de sa propre initiative d’autres pays possibles, sur la base de données publiquement accessibles, et qu’une fois qu’elle a trouvé un pays approprié, elle n’est plus obligée d’examiner d’autres possibilités, du moins si elles ne sont pas proposées par les parties.

61.

Pour ce qui est de l’utilisation de données publiquement accessibles afin de déterminer la valeur normale, la Commission souligne que seules des informations propres aux sociétés individuelles peuvent être utilisées et que des données statistiques plus larges pourraient ne pas refléter les transactions effectivement réalisées. Ces données ne peuvent être utilisées que s’il est impossible de trouver un producteur disposé à coopérer.

Appréciation

62.

Ainsi que la juridiction de renvoi le relève, la Cour considère que le choix du pays analogue relève du pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes. La portée du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal ou la Cour de justice est par conséquent limitée.

63.

Toutefois, la tendance des institutions de l’Union à favoriser les États-Unis comme pays analogue a fait l’objet de critiques ( 25 ). Ces critiques portent en particulier sur la forte proportion de cas dans lesquels les États-Unis ont été utilisés comme pays analogue pour la Chine, malgré les différences de niveau de développement économique qui séparent les deux pays ( 26 ) et la probabilité que seuls les exportateurs basés dans des pays à économie de marché et ayant des coûts plus élevés (et donc une valeur normale plus élevée) que les exportateurs basés dans des pays n’ayant pas une économie de marché sont incités à coopérer, étant donné que seules leurs données conduiront à l’imposition de droits antidumping plus élevés sur les exportations concurrentes des pays n’ayant pas une économie de marché ( 27 ).

64.

De telles critiques devraient à mon sens encourager la Cour à vérifier de manière approfondie les aspects soumis à son contrôle. Ces aspects touchent, en particulier, au point de savoir si les institutions ont pris en considération tous les facteurs essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable, en gardant à l’esprit que l’objectif de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base est d’essayer de trouver un pays analogue où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation ( 28 ).

65.

La structure de cette disposition est telle que les institutions doivent viser à déterminer la valeur normale, en premier lieu, sur la base de données émanant d’un pays à économie de marché puis, en second lieu – et uniquement si cela n’est pas possible –, sur toute autre base raisonnable. Cependant, rien n’indique dans la présente affaire qu’il était impossible de déterminer la valeur normale sur la base de données émanant d’un pays à économie de marché. La question qui se pose est plutôt de savoir si les États-Unis étaient un pays tiers à économie de marché «approprié» et si ce pays a été choisi d’une manière «non déraisonnable».

66.

Il ressort clairement des considérants des deux règlements, et cela n’a pas été contesté dans les observations présentées à la Cour, que la Commission a contacté des producteurs au Brésil, en Turquie, au Nigeria, en Thaïlande et en Indonésie, en plus des États-Unis. Seuls un producteur thaïlandais et deux producteurs américains ont répondu, un seul producteur américain ayant produit des données suffisantes et fiables concernant des produits comparables. Il est également évident que la Commission ne dispose absolument d’aucun moyen pour imposer à des producteurs basés dans un pays tiers de coopérer sur ces questions. J’accepte à cet égard l’argument des institutions selon lequel l’appréciation à laquelle elles se livrent doit se faire sur la base d’informations spécifiques et vérifiables se rapportant à des transactions effectives, plutôt que des statistiques générales publiquement accessibles, qui sont susceptibles de ne pas produire une image fidèle de la réalité. Il semble, par conséquent, que la Commission s’est efforcée sérieusement d’obtenir des données à partir d’un ensemble de pays tiers à économie de marché, mais avec un succès très limité. Cela était-il suffisant?

67.

Les institutions font valoir que, ayant obtenu des données fiables (même si elles n’émanent que d’un seul producteur) d’un pays à économie de marché, la Commission n’était pas tenue de chercher plus loin. Or, Fliesen-Zentrum et la juridiction de renvoi évoquent d’autres pays tiers (les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Malaisie et la Tunisie) dans lesquels la Commission aurait pu rechercher des informations, ce qu’elle n’a pas fait. Par ailleurs, les pièces communiquées à la Cour par la Commission elle-même indiquent que la Russie avait également été proposée au cours de la procédure d’enquête comme un pays analogue possible. Qui plus est, il ressort clairement du considérant 144 du règlement provisoire que la Commission savait que «les importateurs et les utilisateurs avaient la possibilité d’opter pour des produits provenant de pays tiers […] dans la mesure où le produit faisant l’objet de l’enquête est fabriqué dans plusieurs pays […] ([…], Émirats arabes unis, Égypte, Asie du Sud-Est […] et autres)».

68.

Il convient d’examiner en outre si une différence de niveau de développement économique entre la Chine et les États-Unis signifie que ces derniers ne sont pas un pays tiers «approprié» pour déterminer la valeur normale ou qu’ils ont été choisis d’une manière «déraisonnable», compte tenu de la nécessité de trouver un pays analogue où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation.

69.

En ce qui concerne ce dernier point, la Commission a formulé un certain nombre de remarques lors de l’audience. Elle a reconnu qu’un tel critère avait été récemment admis dans la législation antidumping de plusieurs pays (elle a cité l’Inde, l’Afrique du Sud et les États-Unis) mais pas (encore) dans celle de l’Union, dans laquelle les critères applicables sont encore ceux qui étaient basés à l’origine sur les critères qui, à l’époque [la Commission faisant référence aux notes interprétatives de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) datant de l’année 1955], avaient été adoptés par les États-Unis. Ces critères mettent l’accent non pas sur des niveaux de développement économique comparables, mais sur la nécessité d’utiliser des prix formés sur un marché où une forte concurrence est susceptible d’exercer une pression à la baisse. Même si des discussions sont en cours actuellement entre le Conseil et le Parlement européen en ce qui concerne le point de savoir s’il convient ou non d’introduire un critère de développement économique, cette modification n’est pas encore intervenue, et les institutions sont liées par le droit tel qu’il est, et non tel qu’il pourrait se trouver dans le futur. La Commission a également souligné qu’un niveau de développement économique inférieur, s’il pouvait en général se traduire par des coûts du travail plus faibles ayant pour effet de maintenir les prix à la baisse, était aussi habituellement associé à une productivité plus faible et à un niveau de développement technologique plus bas ayant l’effet contraire; l’on ne pouvait par conséquent pas conclure que les données d’un pays ayant un niveau de développement économique plus élevé produiraient nécessairement une valeur normale plus forte que les données d’un pays présentant un moindre niveau de développement. En ce qui concerne spécifiquement la Russie, la Commission a indiqué que, d’une part, le pays avait été proposé trop tardivement dans la procédure d’enquête pour permettre la collecte de données dans le délai fixé et que, d’autre part, le système de double prix pratiqué pour les produits énergétiques en distinguant la consommation intérieure et les marchés d’exportation aurait rendu les comparaisons plus difficiles.

70.

Dans ce contexte, il convient de reconnaître, d’abord, qu’il n’existe actuellement aucune obligation légale pour les institutions de l’Union de prendre spécifiquement en compte le niveau de développement économique d’un pays analogue potentiel par rapport à celui du pays exportateur faisant l’objet de l’enquête. Néanmoins, le choix du pays analogue doit être approprié et non déraisonnable. Ce qui signifie, à mon sens, que les institutions ont l’obligation d’examiner si les différences de niveau de développement économique doivent être prises en considération, mais j’admets également que cet examen s’inscrit dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes.

71.

Ensuite, les explications données par la Commission en ce qui concerne les rôles respectifs de la concurrence et de la technologie dans la détermination de la valeur normale me paraissent crédibles. Il est quasiment certain qu’une forte concurrence exercera une influence à la baisse sur les prix, de sorte que les données émanant d’un marché très concurrentiel ne conduiront pas nécessairement à une marge de dumping plus forte que celle à laquelle aboutirait l’emploi de données d’un pays présentant des coûts moindres mais également une concurrence moins forte ( 29 ). De même, il convient de reconnaître qu’un niveau de développement technologique plus avancé est susceptible de compenser des coûts du travail moins élevés, de sorte que des coûts du travail plus importants ne peuvent pas nécessairement être considérés comme l’indice de prix plus élevés et d’une valeur normale plus forte ( 30 ). Il s’agit clairement là de questions qui relèvent de l’appréciation de situations économiques complexes.

72.

Enfin, les motifs spécifiques donnés par la Commission pour ne pas retenir la Russie comme pays analogue n’apparaissent qu’à moitié convaincants. L’avis d’ouverture de la procédure a été publié le 19 juin 2010 et, dans sa réponse du 6 août 2010, la CET a suggéré que la Russie pourrait être un pays analogue approprié, mais uniquement comme une solution de remplacement aux États-Unis, qui retenaient sa faveur. L’on voit mal comment des contraintes de temps auraient pu empêcher d’étendre les recherches à ce pays, étant donné que le règlement provisoire n’a pas été adopté avant le 16 mars 2011 et que la Commission a pu envoyer des questionnaires à des producteurs dans d’autres pays ayant été proposés dans les réponses à l’avis d’ouverture (le règlement définitif a été adopté le 12 septembre 2011, dans le délai de quinze mois imposé par l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base). Il n’en reste pas moins que les difficultés que pose la comparaison de données d’un pays ayant un système de double prix sont sans aucun doute réelles, et la Commission pouvait à juste titre considérer qu’il n’était pas nécessaire d’étendre l’enquête à un pays proposé par le plaignant comme solution de remplacement alors qu’elle avait déjà couvert le pays considéré par ce même plaignant comme étant le plus approprié. Bien qu’il eût été préférable que la Commission indiquât les raisons justifiant qu’elle n’envoie pas de questionnaires aux producteurs russes, cette omission ne peut, à mon sens, remettre en cause la validité d’aucun des deux règlements.

73.

Ces considérations m’amènent à la conclusion que le choix des États-Unis comme pays analogue n’était pas (ou, tout au moins, qu’il n’a pas été démontré qu’il était) manifestement inapproprié ou déraisonnable, en l’absence de données utilisables émanant d’un autre pays tiers dont il serait établi qu’il aurait été plus approprié. La valeur normale devant être déterminée «sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire» uniquement lorsque l’utilisation de données d’un pays tiers à économie de marché n’est pas possible, il semble par conséquent inutile de rechercher si le recours aux prix payés ou à payer dans l’Union aurait été plus approprié.

74.

Néanmoins, pour être exhaustive, je ferai les remarques suivantes. Les marges de dumping figurant dans le règlement définitif allaient de 26,3 à 69,7 % (considérants 88 à 93). Les prix à l’exportation et la valeur normale à partir desquels ces marges de dumping ont été calculées ne sont effectivement précisés ni dans le règlement provisoire ni dans le règlement définitif. Toutefois, conformément à l’article 2, paragraphe 12, du règlement de base, la marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation. Le règlement provisoire indique, et le règlement définitif le confirme, que le prix moyen des importations de Chine dans l’Union est de 4,5 euros/m2 au cours de la période d’enquête, le prix moyen des ventes dans l’Union étant de 8,8 euros/m2. Dans les conclusions que je présente aujourd’hui également dans l’affaire C‑569/13, Bricmate, j’ai calculé que le chiffre exact du prix moyen des importations de Chine dans l’Union (en tenant compte d’une erreur statistique importante concernant le volume des importations en Espagne au mois de novembre 2009) était de 5,1 euros/m2. Même sur cette dernière base, l’écart entre le prix des ventes dans l’Union et le prix des importations en provenance de Chine serait, d’après mon calcul, 72,5%, soit un écart supérieur à toutes les marges de dumping constatées sur la base des données provenant des États-Unis. Par conséquent, si l’on avait pris comme valeur normale le prix moyen des ventes dans l’Union, les marges de dumping, et donc les droits antidumping, auraient été supérieurs à ceux effectivement calculés et imposés sur la base des données américaines.

75.

J’en conclus donc que, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont elles disposent pour analyser des situations économiques complexes, les institutions de l’Union n’ont commis aucune erreur en retenant les États-Unis comme pays analogue.

La détermination de la valeur normale sur la base d’un seul producteur

Les règlements antidumping

Le règlement provisoire

76.

En ce qui concerne l’utilisation de données provenant d’un seul producteur américain, le considérant 53 dispose:

«Les données fournies dans leur réponse par les deux producteurs américains ayant coopéré ont été vérifiées sur place. Seules les données communiquées par l’un des producteurs visités ont finalement été prises en considération, car elles se sont révélées être des informations fiables sur la base desquelles une valeur normale pouvait être établie. Les données provenant du second producteur visité se sont avérées non fiables et ont dû être écartées, car ce producteur n’avait déclaré qu’une partie de ses ventes intérieures et les coûts ne concordaient pas pleinement avec les comptes.»

Le règlement définitif

77.

Dans le règlement définitif, la même question est traitée aux considérants 61, 62, 64, 66, 69 et 74 à 77:

«(61)

[Deux importateurs] ont en outre fait valoir que le producteur-exportateur américain était détenu par des producteurs de l’Union ou lié à ceux-ci, et que l’enquête était par conséquent faussée par le fait que les informations obtenues n’étaient pas indépendantes.

(62)

Il est rappelé que les données fournies par le producteur-exportateur américain ont été vérifiées sur place. En conséquence, cet argument a été jugé dénué de pertinence et a été rejeté.

[…]

(64)

Enfin, ces mêmes importateurs ont affirmé que la préservation de la confidentialité quant à l’identité, au volume, à la valeur et à la qualité de la production du producteur ayant coopéré dans le pays analogue n’était pas justifiée. Il est rappelé que le producteur ayant coopéré dans le pays analogue avait demandé la confidentialité par peur de représailles commerciales, et cette demande a été jugée justifiée. De plus, il ne peut être exclu que la communication des données demandées par les importateurs, même sous forme de fourchettes, puisse permettre d’identifier le producteur du pays analogue. L’argument des importateurs a par conséquent été rejeté.

[…]

(66)

Par ailleurs, ces deux importateurs ont allégué qu’étant donné que le producteur américain ayant coopéré est prétendument contrôlé par un producteur de l’Union, le choix de cette société américaine en tant que producteur d’un pays analogue approprié était faussé. En particulier, ils ont fait valoir que cette société n’était pas économiquement indépendante et ne pouvait donc servir de critère de référence pour évaluer le dumping. Les importateurs font référence à l’article 2, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, du règlement de base [ ( 31 )] pour justifier cet argument. À cet égard, il convient en premier lieu d’indiquer que, comme mentionné au considérant 23 du règlement provisoire et au considérant 69 ci-dessous, le producteur américain ayant coopéré a demandé à conserver l’anonymat et a obtenu satisfaction. Dans ces circonstances, il n’est pas possible de confirmer ou de réfuter l’existence d’une relation entre la société américaine et un producteur de l’Union. Toutefois, il convient de noter que les dispositions susmentionnées du règlement de base concernent le traitement à réserver aux prix de vente d’une société faisant l’objet d’une enquête lorsqu’elle vend à une partie liée. Ces dispositions ne concernent pas la question d’une éventuelle relation entre un producteur du pays analogue et un producteur de l’Union. Cet argument est, dès lors, rejeté.

[…]

(69)

L’association des importateurs a, par ailleurs, demandé quel élément de preuve avait été fourni par le producteur ayant coopéré dans le pays analogue pour établir le risque de représailles commerciales, tel que visé au considérant 64. À cet égard, la société américaine a précisé que de nombreux producteurs-exportateurs chinois de carreaux en céramique se trouvaient en concurrence avec la société américaine et ciblaient les mêmes clients qu’elle sur le marché américain. Dans ces circonstances, la société américaine a indiqué qu’elle craignait des représailles commerciales si son identité venait à être révélée. En ce qui concerne les éléments de preuve fournis pour établir le risque de représailles commerciales, il convient de noter que le risque potentiel résultant du fait que la société américaine et les producteurs-exportateurs chinois actifs sur le marché américain ciblent les mêmes clients a été jugé plausible. Dans ces circonstances, la demande d’anonymat de la société a été acceptée.

[…]

(74)

[Deux] importateurs ont précisé qu’étant donné que l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base exige que la valeur normale soit établie sur la base des prix d’‘autres vendeurs ou producteurs’, il est incorrect de déterminer cette valeur sur la base des données relatives à une seule société.

(75)

À cet égard, il est rappelé que cette procédure concerne les importations en provenance d’un pays dépourvu d’une économie de marché pour lequel la valeur normale doit être établie conformément à l’article 2, paragraphe 7, point a), du règlement de base. Cet argument a donc été rejeté.

(76)

Après la notification des conclusions finales, une association d’importateurs a déclaré considérer que la valeur normale dans un pays analogue ne pouvait pas être établie sur la base des données fournies par une société. Toutefois, pour les raisons visées au considérant 75, cet argument est rejeté.

(77)

Enfin, ces importateurs ont fait valoir que le produit du producteur analogue manquait de représentativité puisque, selon leur supposition, il s’inscrit exclusivement dans le segment des produits de prix élevés. Compte tenu du fait qu’il a été accédé à la demande de confidentialité du producteur analogue, cette allégation n’est ni confirmée ni réfutée. Dans tous les cas, si elle était correcte, comme expliqué au considérant 61 du règlement provisoire, des ajustements auraient été apportés à la valeur normale construite, si nécessaire, afin de prendre en compte tous les types de carreaux, y compris ceux faisant l’objet d’un changement de marque. Par conséquent, cet argument a été jugé infondé et a été rejeté.»

Questions et arguments

78.

La juridiction de renvoi relève que certaines dispositions du règlement de base ( 32 ), en ce qu’elles emploient le pluriel, indiquent que la valeur normale – un élément crucial pour constater un dumping – doit être établie sur la base des données de plusieurs producteurs. Si cela est vrai pour les pays à économie de marché, cela doit s’appliquer également lorsque la procédure concerne des pays n’ayant pas une économie de marché, comme l’énonce l’article 2, paragraphe 7, sous a), qui prévoit qu’il convient de se référer aux prix dans un pays analogue, et non aux prix d’un producteur analogue. Il est beaucoup plus difficile d’être objectif et précis lorsque l’on se réfère à un seul producteur, et il est nécessaire d’être très prudent, en particulier lorsque, comme dans le cas d’espèce, l’on peut suspecter que le producteur américain en question est contrôlé par un producteur de l’Union, et qu’il n’est donc pas économiquement indépendant. La juridiction de renvoi relève également qu’en tout état de cause, les données provenant d’un seul producteur sont conditionnées par les choix de politique spécifiques de l’entreprise; elle ajoute qu’il convient d’observer que la Commission n’a pas jugé nécessaire de faire appel à des experts externes à cet égard.

79.

Fliesen-Zentrum cite abondamment les points 81 à 87 des conclusions présentées dans l’affaire GLS ( 33 ), en ce qui concerne l’importance de la détermination de la valeur normale et de la nécessité de l’objectivité à cet égard. Ses arguments reflètent en général les considérations exposées par la juridiction de renvoi, et insistent sur le fait que ne pas appliquer le même critère (à savoir, une comparaison basée sur une pluralité d’exportateurs ou de producteurs) aux pays à économie de marché et à ceux n’ayant pas une économie de marché porterait atteinte au principe de l’égalité de traitement.

80.

Le Conseil souligne que la Cour a admis que le seul fait qu’il n’existe qu’un producteur dans un pays n’exclut pas automatiquement que ce pays puisse être considéré comme pays de référence ( 34 ). L’usage du pluriel dans le règlement de base doit être compris comme une indication générale et indéterminée, et non comme l’expression d’une obligation d’établir la valeur normale sur la base des données de plusieurs exportateurs ou producteurs; en effet, certaines dispositions emploient tour à tour le singulier et le pluriel. De plus, la nécessité de trouver plusieurs producteurs analogues dans un pays ne serait pas justifiée lorsque les données d’un seul producteur sont déjà représentatives. La pratique des institutions a toujours été de contacter tous les producteurs dans le pays en question, et de prendre en considération les chiffres issus de toutes les réponses obtenues, quel que soit leur nombre, y compris même si une seule réponse a été obtenue. La protection de la confidentialité des données des producteurs est essentielle pour s’assurer la coopération des entreprises. L’affirmation selon laquelle les chiffres du producteur américain auraient été influencés par un producteur de l’Union du même groupe, en admettant qu’un tel producteur existe, n’est étayée par aucun élément factuel. En tout état de cause, la pratique habituelle de la Commission consiste à se référer à des ventes à des tiers indépendants.

81.

La Commission admet que la valeur normale peut être construite de façon plus fiable à l’aide de chiffres émanant de plusieurs producteurs établis dans le pays analogue. Néanmoins, il n’est pas toujours possible d’amener un producteur d’un pays tiers à coopérer, et les institutions de l’Union n’ont à leur disposition aucun moyen coercitif. De plus, les producteurs établis dans un pays tiers non concernés par l’enquête ne sont pas particulièrement incités à coopérer, contrairement aux autres producteurs établis dans un pays visé par l’enquête, qui ont toutes les raisons de communiquer leurs propres chiffres s’ils ne veulent pas que les institutions de l’Union appliquent l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et prennent une décision sur la base des données disponibles.

82.

Dans le cas présent, un seul producteur américain a produit des chiffres utilisables. La Cour a admis que le seul fait qu’il n’existe qu’un seul producteur dans un pays tiers n’exclut pas que les données communiquées par ce producteur soient utilisées pour construire la valeur normale; il devrait en aller de même lorsqu’il existe plusieurs producteurs, mais qu’un seul accepte de coopérer. Ce qui est déterminant c’est en effet que les prix soient le résultat d’une concurrence réelle. Les dispositions citées par la juridiction de renvoi, qui emploient le pluriel, décrivent la situation idéale, mais pas nécessairement ce qui est réellement possible. De plus, ces dispositions se réfèrent à des méthodes alternatives possibles, comme le montre l’utilisation du verbe «pouvoir»; l’article 2, paragraphe 6, sous b), du règlement de base envisage le recours aux données «de l’exportateur ou du producteur en question», au singulier.

83.

Il n’est pas davantage question d’inégalité de traitement; la détermination de la valeur normale dans le pays visé par l’enquête et dans un pays tiers analogue sont deux situations complètement différentes, dans lesquelles les mêmes méthodes ne s’appliquent pas.

84.

Le risque que les prix émanant d’un seul producteur puissent être indûment influencés par la situation de ce producteur est très réduit, que le producteur en question soit contrôlé par un producteur de l’Union ou non ( 35 ), parce que les prix utilisés doivent se rapporter à un grand nombre de transactions sur un marché concurrentiel et que les prix de transfert internes d’un groupe doivent être ajustés en conséquence.

85.

Enfin, le fait que la Commission n’a pas eu recours à une expertise externe est dénué de pertinence, la Commission ne recourant en effet jamais à des experts extérieurs dans de telles enquêtes, en raison de la nature confidentielle des données.

Appréciation

86.

Si la Cour devait juger que le choix des États-Unis comme pays analogue est erroné et qu’il y a lieu d’annuler le règlement attaqué pour ce motif, il ne serait pas nécessaire d’examiner ce point.

87.

Si la Cour s’accorde toutefois à considérer avec moi que tel n’est pas le cas, ce sont pour l’essentiel trois points qu’il convient d’examiner: premièrement, celui de savoir si un prix normal peut être déterminé sur la base de données émanant d’un seul producteur; deuxièmement, celui de savoir si, dans un tel cas, cela est toujours possible si le producteur en question est lié à un producteur de l’Union; troisièmement, celui de savoir si la Commission aurait dû recourir à des experts externes.

88.

Pour commencer par le troisième point – le plus simple, à mon sens –, il me semble qu’aucun argument convaincant ne permet de considérer qu’il aurait été nécessaire de recourir à des experts externes. Fliesen-Zentrum et la juridiction de renvoi me semblent avoir attaché une importance injustifiée à une mention standard que l’on retrouve dans l’exposé des motifs de toute proposition de règlement du Conseil présentée par la Commission. En l’absence de raison spécifique de supposer qu’il devrait en aller autrement (et aucune raison de cette nature n’a été avancée ou ne peut être trouvée dans le cas présent), les institutions doivent en principe être considérées comme étant capables d’apprécier les données de manière adéquate par elles-mêmes.

89.

Toutes les parties à la procédure s’accordent à considérer qu’il est toujours préférable et plus sûr de fonder la détermination de la valeur normale sur des données provenant d’un large éventail de producteurs. Cependant, dans l’arrêt Rotexchemie, la Cour a jugé que «le seul fait qu’il n’existe qu’un producteur dans le pays de référence n’exclut pas en soi que les prix y soient le résultat d’une concurrence réelle dès lors qu’une telle concurrence peut tout aussi bien résulter, en l’absence d’un contrôle des prix, de la présence d’importations significatives en provenance d’autres pays» ( 36 ).

90.

La situation est, dans une large mesure, comparable non pas tant à celle qui a donné lieu à l’arrêt Rotexchemie, où il n’existait qu’un seul producteur dans le pays analogue, alors que dans le cas présent un seul parmi les producteurs a coopéré utilement, qu’à celle qui a donné lieu à l’arrêt Ferchimex/Conseil, dans lequel le Tribunal a considéré que «Potacan est le seul producteur canadien à avoir finalement accepté de répondre au questionnaire de la Commission et de coopérer à la procédure. En particulier, le plus grand producteur canadien […] a […] signifié qu’il refusait de coopérer et s’est limité à fournir quelques données publiques, lesquelles étaient insuffisantes pour déterminer la valeur normale. [La] requérante ne conteste pas que la Commission n’a négligé aucun effort pour obtenir des données relatives au marché canadien, autres que celles de Potacan. […] Il y a donc lieu de considérer que le Canada constituait un pays de référence approprié et que la Commission n’a eu d’autre choix que d’utiliser les données provenant de Potacan» ( 37 ).

91.

Cet arrêt, s’il ne lie bien sûr pas la Cour, n’a pas été frappé de pourvoi et peut donc être considéré comme ayant au moins une certaine autorité.

92.

Dans le cas présent, il convient d’examiner quelles auraient été les autres solutions dont disposaient les institutions de l’Union. J’ai déjà indiqué qu’il y avait une probabilité réelle très faible que l’on puisse trouver un pays analogue manifestement plus approprié, avec une pluralité de producteurs disposés à coopérer à la procédure ( 38 ). Aurait-il été possible d’interroger un plus grand nombre de producteurs aux États-Unis? L’on peut déduire du considérant 48 du règlement provisoire que la Commission a contacté plus de deux producteurs américains, dans la mesure où l’on y lit que «seuls deux fabricants du produit concerné aux États-Unis ont répondu au questionnaire», et que rien dans le dossier ne permet de penser que le nombre des producteurs contactés était insuffisant. S’il n’a pas été possible de trouver un autre pays analogue plus approprié, et qu’aucun autre producteur établi dans ce pays n’a pu être convaincu de répondre aux questionnaires, il me semble alors que les seules options possibles étaient ou bien de fonder la détermination de la valeur normale sur les données fournies par l’unique producteur américain ayant effectivement répondu de manière appropriée, ou bien de la fonder sur «toute autre base raisonnable», parmi lesquelles seul le prix payé ou à payer dans l’Union se serait appliqué. En ce qui concerne la seconde option, j’ai calculé plus haut ( 39 ) qu’elle aurait fort bien pu conduire à des marges de dumping plus élevées.

93.

Enfin, en ce qui concerne le deuxième point, la Cour doit faire face à un manque d’information. Les institutions refusent d’indiquer si le producteur américain en question est ou non économiquement lié à un producteur de l’Union (italien, d’après ce qui est affirmé) et, alors qu’il semblerait qu’il a été laissé entendre que Fliesen-Zentrum et/ou les importateurs ayant pris part à l’enquête ont pu identifier le producteur en question, son identité n’a pas été révélée dans les documents ou les observations communiqués à la Cour.

94.

La Commission a proposé de fournir certaines informations (mais pas explicitement cette information précise) à la Cour, à condition qu’elles fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de Fliesen‑Zentrum. Or, il ne me semble pas qu’une quelconque disposition du règlement de procédure actuellement en vigueur puisse permettre à la Cour d’agir ainsi ( 40 ). Le traitement confidentiel de documents ne vise que les intervenants dans le cadre des recours directs et des pourvois (articles 131, paragraphe 2, et 190, paragraphe 1). La Commission a proposé lors de l’audience de considérer qu’en l’espèce l’on se trouverait en présence d’un recours en annulation déguisé en renvoi préjudiciel et que, en l’absence de disposition explicite de son règlement de procédure, la Cour pourrait appliquer une interprétation ad hoc de sa jurisprudence Kadi II ( 41 ) à la lumière également de l’article 339 TFUE (qui impose une obligation de secret aux membres des institutions et aux fonctionnaires de l’Union) et de l’article 19, paragraphe 4, du règlement de base.

95.

Cependant, en l’absence (pour le moment) de toute disposition explicite du règlement de procédure autorisant le traitement confidentiel d’informations dans le cadre de la procédure préjudicielle, je ne pense pas qu’une telle approche soit correcte.

96.

Si les informations ne peuvent être communiquées sous le sceau de la confidentialité, il me semble que la première chose à faire est de présumer que le producteur américain était effectivement lié économiquement à un producteur de l’Union et de rechercher si cela pouvait invalider la détermination de la valeur normale. Si tel n’est pas le cas, il est inutile d’examiner plus avant si l’accès à des informations confidentielles est requis.

97.

Les institutions font valoir qu’elles ont pris soin, comme toujours, de n’utiliser que des données relatives à des ventes faites à des clients indépendants. À cet égard, il me semble inutile de réclamer la divulgation d’informations que les institutions souhaiteraient garder confidentielles à l’égard de Fliesen-Zentrum. En effet, compte tenu de l’argument de cette dernière selon lequel les données utilisées ont conduit à un prix normal artificiellement élevé, il est peu vraisemblable qu’il ait été tenu compte des ventes faites à des clients liés. L’effet le plus probable aurait été de tirer à la baisse le calcul de la valeur normale dans la mesure où il paraîtrait plus logique, dans des circonstances normales, que des clients liés bénéficient de conditions favorables.

98.

Une deuxième question qui se pose est celle de savoir s’il est possible que les coûts de production d’une filiale américaine d’un producteur de l’Union, ou les prix facturés par celle-ci, soient artificiellement gonflés par rapport aux coûts ou aux prix d’un producteur américain indépendant. Cela paraît en réalité peu probable, si son but est de conclure une transaction commerciale satisfaisante sur un marché concurrentiel (et, sauf preuve du contraire, l’on peut penser que tel est l’objectif poursuivi par le producteur américain). La Commission a vérifié les données du producteur sur place, et il semble qu’elle l’a fait de manière approfondie, dans la mesure où les données de l’autre producteur ont été écartées comme n’étant pas fiables ( 42 ). Étant donné l’importance qu’attachent les institutions à l’obtention de données provenant d’un marché fortement concurrentiel, il me semble peu probable qu’une stratégie commerciale non concurrentielle aurait échappé à un examen si rigoureux.

99.

Dans le cas présent, aucune raison spécifique n’a été avancée devant la Cour de nature à laisser supposer qu’un producteur américain contrôlé par un producteur de l’Union (en admettant que ce lien soit établi) serait susceptible de vendre à des prix plus élevés sur le marché américain qu’un producteur ne faisant pas l’objet d’un tel contrôle.

100.

Dans ces conditions, il me semble que la Cour ne serait pas fondée à considérer le règlement attaqué invalide au motif que la valeur normale a été calculée sur la base de données émanant d’un seul producteur, indépendamment du point de savoir si ce producteur était lié d’une quelconque manière à un producteur de l’Union ou non.

Obligation de motivation et droits de la défense en ce qui concerne le calcul de la valeur normale construite

Le règlement provisoire

101.

La manière dont la valeur normale est construite sur la base de données émanant du producteur américain est décrite aux considérants 56 à 58 et 61:

«(56)

Il a été constaté que le volume des ventes du produit similaire réalisées par le producteur américain sur son marché intérieur était représentatif par rapport au volume des exportations du produit concerné à destination de l’Union effectuées par les producteurs-exportateurs ayant coopéré.

(57)

Au cours de la période d’enquête, il a été constaté que les ventes effectuées sur le marché intérieur à des clients indépendants l’avaient été au cours d’opérations commerciales normales pour tous les types du produit similaire fabriqués par le producteur américain. Néanmoins, en raison de différences de qualité entre le produit similaire fabriqué et vendu aux États-Unis et le produit concerné exporté de la Chine vers l’Union, il a été jugé plus approprié, pour certains types de produits, de construire une valeur normale afin de pouvoir tenir compte de ces différences et d’assurer une comparaison équitable, comme indiqué au considérant 61.

(58)

La valeur normale a été construite en ajoutant aux coûts de fabrication du producteur américain ses frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, [ ( 43 )] ainsi que son bénéfice. Conformément à l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, les montants des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi que du bénéfice, ont été établis sur la base des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire du producteur américain.

[…]

(61)

Aux fins d’une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation, il a été dûment tenu compte, sous la forme d’ajustements, des différences affectant les prix et leur comparabilité, conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base. La valeur normale a été ajustée pour tenir compte des différences de caractéristiques (essentiellement dues à la marque du fabricant OEM [ ( 44 )]) et des différences de qualité pour certains types de produits non fabriqués par le producteur du pays analogue (coût moins élevé des carreaux qui ne sont pas en porcelaine). D’autres ajustements ont été opérés, le cas échéant, pour tenir compte des différences en matière de coûts de fret maritime, d’assurances, de manutention et de coûts accessoires, de coûts d’emballage, de coût du crédit, de frais bancaires et de commissions, à chaque fois qu’ils se sont révélés raisonnables, précis et étayés par des éléments de preuve vérifiés.»

Le règlement définitif

102.

Les considérants 73, 77, 86 et 87 se réfèrent au calcul de la valeur normale construite dans les termes suivants:

«(73)

Deux importateurs ont fait valoir qu’en l’absence d’informations concernant le volume de production du producteur américain, les parties intéressées ne pouvaient pas vérifier si, du fait des économies d’échelle, une différence importante pouvait être observée entre les coûts de production du producteur américain et ceux des producteurs chinois inclus dans l’échantillon qui ont produit annuellement plus de 10 millions m2 de carreaux en céramique. Ces importateurs ont par ailleurs fait valoir que les volumes de production du producteur du pays analogue et des producteurs chinois n’étaient pas comparables, compte tenu du volume de production inférieur du producteur dans le pays analogue ou du pays analogue. Il est rappelé que le volume de production du producteur ayant coopéré dans le pays analogue est confidentiel et ne peut donc pas être divulgué. Il est en outre rappelé que l’industrie chinoise est fortement fragmentée et essentiellement composée de PME. Ces arguments ont donc été estimés non fondés.

[…]

(77)

Enfin, ces importateurs ont fait valoir que le produit du producteur analogue manquait de représentativité puisque, selon leur supposition, il s’inscrit exclusivement dans le segment des produits de prix élevés. Compte tenu du fait qu’il a été accédé à la demande de confidentialité du producteur analogue, cette allégation n’est ni confirmée ni réfutée. Dans tous les cas, si elle était correcte, comme expliqué au considérant 61 du règlement provisoire, des ajustements auraient été apportés à la valeur normale construite, si nécessaire, afin de prendre en compte tous les types de carreaux, y compris ceux faisant l’objet d’un changement de marque. Par conséquent, cet argument a été jugé infondé et a été rejeté.

[…]

(86)

Après la notification des conclusions finales, un producteur-exportateur a fait valoir qu’étant donné que la détermination de la valeur normale avait été fondée sur les données d’un producteur dans le pays analogue et que des données précises n’avaient pas pu être divulguées pour des raisons de confidentialité, il était impératif de veiller à ce que soient opérés des ajustements, le cas échéant, afin de garantir la comparabilité des produits aux fins de la détermination du dumping. À cet égard, comme visé au considérant 61 du règlement provisoire, des ajustements ont été effectués, si nécessaire pour garantir une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation.

(87)

Après la notification des conclusions finales, deux importateurs ont fait valoir que le producteur américain ayant coopéré opérait dans le secteur des carreaux en céramique de prix élevés tandis que les producteurs-exportateurs chinois se positionnaient sur le segment des produits à bas prix. Afin de garantir une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation, ces importateurs font valoir que les ajustements nécessaires au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, ne leur ont pas été divulgués. À cet égard, il est observé que le considérant 61 du règlement provisoire explique les ajustements qui ont été opérés pour garantir une comparaison équitable.»

Questions et arguments

103.

La juridiction de renvoi relève que, pour construire la valeur normale à partir des prix du producteur américain, des ajustements ont été pratiqués pour tenir compte des différences de qualité, de caractéristiques de commercialisation et de différences de coûts. Dans ces circonstances, «il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir effectuer un ajustement […], sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix» ( 45 ). La raison des ajustements doit pouvoir être prouvée et ces ajustements doivent ainsi pouvoir être vérifiés, or la juridiction de renvoi estime qu’une telle vérification est impossible sur la base de la motivation du règlement provisoire ou du règlement définitif, ainsi que des éléments communiqués dans le cadre de l’enquête. Elle estime en effet que même s’il est nécessaire de protéger la confidentialité des données du producteur américain, l’article 296 TFUE impose que les actes juridiques soient motivés de manière appropriée. Sachant que la détermination de la valeur normale constitue l’une des étapes essentielles permettant d’établir l’existence d’un dumping éventuel, la motivation d’une mesure antidumping revêt une importance particulière, et les droits de la défense prévus aux articles 20 et 21, paragraphe 6, du règlement de base sont réduits à néant si les parties intéressées ne disposent que d’informations vagues concernant le calcul exact de la valeur normale, empêchant ainsi les parties intéressées de présenter des observations dûment fondées en fait.

104.

Les arguments de Fliesen-Zentrum coïncident encore une fois pour l’essentiel avec les considérations formulées par la juridiction de renvoi, soulignant le caractère vague et l’absence de fiabilité des données contenues dans le règlement provisoire et le règlement définitif.

105.

Le Conseil insiste sur la nécessité de la confidentialité à l’égard des producteurs de pays tiers ayant accepté de coopérer. Il rappelle que la divulgation d’une quelconque des précisions dont Fliesen-Zentrum prétend qu’elles auraient dû être rendues publiques constituerait une violation flagrante de cette confidentialité. Il ajoute que les adaptations nécessaires lors de l’établissement de la valeur normale relèvent du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’évaluation de situations économiques complexes, et qu’aucun élément tendant à montrer que les institutions auraient abusé de leur pouvoir d’appréciation n’a été avancé. Enfin, le Conseil estime que les ajustements effectués sont tous favorables aux producteurs soumis à un droit antidumping, et que l’absence de préjudice entraîne une obligation réduite de motivation, qui a été respectée.

106.

La Commission fait valoir, premièrement, que la motivation du règlement définitif répond aux exigences de la jurisprudence et, deuxièmement, que Fliesen-Zentrum ne bénéficie pas des «droits de la défense» mais que, en tout état de cause, il n’a pas été porté atteinte à ces droits.

107.

En ce qui concerne la motivation, elle fait référence à l’exigence générale contenue dans l’arrêt Petrotub et Republica/Conseil ( 46 ) avant de relever que dans l’arrêt Beus ( 47 ), la Cour a considéré que la motivation d’un règlement destiné à une application générale «peut se borner à indiquer, d’une part la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption, d’autre part les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre; […] dès lors, on ne saurait exiger qu’elle spécifie les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels le règlement a été adopté, ni a fortiori qu’elle en fournisse une appréciation plus ou moins complète». Dans l’arrêt Petrotub et Republica/Conseil ( 48 ), la Cour a jugé qu’en se bornant à affirmer, dans le règlement attaqué, qu’il avait «été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d’opérations commerciales normales», le Conseil n’avait pas satisfait aux exigences de l’obligation de motivation; il n’avait donné aucun élément d’explication permettant de comprendre les raisons l’ayant amené à considérer que les prix pratiqués à l’occasion des ventes en question n’avaient pas été affectés par la relation existant entre les parties; il n’avait pas permis aux intéressés de savoir si c’est à juste titre que ces prix ont, à titre exceptionnel, été pris en considération aux fins du calcul de la valeur normale, ou si cette dernière circonstance était susceptible de constituer un vice affectant la légalité du règlement attaqué; cette absence totale d’éléments explicatifs avait également empêché le juge communautaire d’exercer son contrôle et de vérifier s’il n’y a pas eu erreur manifeste d’appréciation. La Commission affirme cependant que l’obligation de motivation doit également tenir compte de la nécessité de respecter la confidentialité des secrets d’affaires, ainsi que l’imposent l’article 339 TFUE et l’article 19 du règlement de base. En particulier, l’article 19, paragraphe 4, du règlement de base opère à ce sujet une distinction entre les informations générales, qui peuvent être divulguées, et les éléments de preuve, dont la divulgation est étroitement circonscrite. Enfin, la Commission ajoute que l’appréciation d’un éventuel manquement à l’obligation de motivation doit également tenir compte du contexte qui, en l’espèce, comprend tous les documents qui se trouvent dans le dossier non confidentiel de la procédure et mis à la disposition des parties.

108.

La Commission estime que les exigences rappelées ci-dessus ont toutes été satisfaites dans la présente affaire, en particulier aux considérants 56 à 58 et 61 du règlement provisoire, auxquels le règlement définitif fait référence. Selon elle, le règlement définitif ne manque pas à l’obligation de motivation pour la simple raison qu’il ne contient pas de chiffres sous forme d’indications concrètes ou de fourchettes approximatives; les informations données permettent en effet à la Cour de demander la communication des informations confidentielles dont elle pourrait avoir besoin pour vérifier le raisonnement suivi. Enfin, la Commission considère qu’il est sans pertinence pour la validité du règlement définitif que le producteur de référence soit ou non contrôlé par une entreprise de l’Union, la valeur normale ayant été déterminée en l’espèce sur la base des prix payés par des acheteurs indépendants, et les chiffres ayant été vérifiés dans les registres du producteur américain et ajustés comme il convenait.

109.

En ce qui concerne les droits de la défense, la Commission relève, premièrement, que Fliesen-Zentrum n’a pas participé à la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement définitif, et qu’elle ne saurait donc bénéficier d’aucun droit de la défense à cet égard. La Commission fait valoir également que Fliesen-Zentrum ne saurait davantage se prévaloir des droits de la défense en invoquant le fait qu’elle serait «liée» à Cera-Net, une entreprise luxembourgeoise ayant participé à la procédure, sauf à ce que (le cas échéant) elle puisse démontrer qu’elle contrôlait effectivement cette entreprise. En tout état de cause, Cera-Net elle-même ne bénéficiait pas de droits de la défense, la procédure antidumping n’étant dirigée qu’à l’encontre de producteurs et d’exportateurs de pays tiers ainsi que, le cas échéant, de leurs importateurs liés, mais non à l’encontre des importateurs indépendants tels que Cera-Net.

110.

À titre subsidiaire, la Commission fait valoir qu’en tout état de cause il n’y a pas eu violation des droits de la défense de Cera-Net. Dans l’arrêt Timex/Conseil et Commission ( 49 ), la Cour a jugé que les opérateurs et fabricants concernés devaient pouvoir prendre connaissance des renseignements recueillis par la Commission au cours de la procédure d’enquête, en vue de pouvoir faire valoir utilement leur point de vue, ce droit devant toutefois, le cas échéant, se concilier avec le principe de la protection de la confidentialité; elle a également rappelé que la Commission devait chercher, dans toute la mesure compatible avec le respect du secret des affaires, à communiquer à la requérante des indications utiles à la défense de ses intérêts, en choisissant, le cas échéant, d’office, les modalités appropriées d’une telle communication. Dans le cas présent, Cera-Net a obtenu une partie des données qu’elle réclamait, le conseiller-auditeur ayant vérifié que les enquêteurs avaient effectivement ajusté les prix lorsque c’était nécessaire. La divulgation effective des données aurait constitué une violation de la confidentialité, dont le respect est une condition essentielle pour s’assurer la coopération de producteurs de pays tiers.

Appréciation

111.

Cet aspect du litige soulève – tout comme le précédent – une question de confidentialité des informations. Au regard du présent aspect, cependant, cette question doit être examinée tout d’abord à la lumière de la situation procédurale de Fliesen-Zentrum par rapport à la procédure d’enquête antidumping.

112.

Il me semble évident que Fliesen-Zentrum, qui n’est liée à aucun exportateur chinois et qui n’a pas participé à la procédure d’enquête, ne saurait revendiquer elle-même le bénéfice des droits de la défense individuels, et que la Commission a avancé de sérieuses raisons pour conclure que Fliesen-Zentrum ne pouvait se prévaloir des droits de la défense de parties n’ayant pas participé à la procédure.

113.

La question est donc, dans le cadre de la procédure au principal et de la présente demande de décision préjudicielle, celle de savoir si la motivation était appropriée pour un acte réglementaire d’application générale. En d’autres termes, était-elle suffisante pour permettre aux parties concernées (autres que les parties directement et individuellement concernées) de comprendre le raisonnement suivi par les institutions et à la Cour d’exercer son contrôle? Était-il nécessaire à cette fin de faire état des détails des ajustements opérés pour tenir compte des différences de qualité, des caractéristiques de commercialisation et des différences de coûts des produits?

114.

Toutes les informations dont disposent la Cour ou les parties concernées en général par les droits antidumping figurent au considérant 61 du règlement provisoire, auquel font référence les considérants 77, 86 et 87 du règlement définitif, et sont exposées comme suit: «La valeur normale a été ajustée pour tenir compte des différences de caractéristiques (essentiellement dues à la marque du fabricant OEM) et des différences de qualité pour certains types de produits non fabriqués par le producteur du pays analogue (coût moins élevé des carreaux qui ne sont pas en porcelaine). D’autres ajustements ont été opérés, le cas échéant, pour tenir compte des différences en matière de coûts de fret maritime, d’assurances, de manutention et de coûts accessoires, de coûts d’emballage, de coût du crédit, de frais bancaires et de commissions, à chaque fois qu’ils se sont révélés raisonnables, précis et étayés par des éléments de preuve vérifiés.»

115.

Il me semble qu’un tel exposé doit en principe constituer une explication suffisante pour un acte d’application générale. Il précise le type d’ajustement opéré et, implicitement au moins, le sens dans lequel les chiffres ont été ajustés, en l’occurrence, à la baisse.

116.

Il est certain que sans chiffres réels, il n’est pas possible pour une partie qui n’est qu’indirectement concernée (comme un importateur se trouvant dans la situation de Fliesen-Zentrum) ou pour la Cour de vérifier la précision des calculs. En outre il semble raisonnable d’admettre qu’à l’égard de Fliesen-Zentrum (et du secteur des carreaux en céramique dans son ensemble), ces chiffres doivent rester confidentiels.

117.

S’il existait des preuves particulières établissant que les ajustements n’ont pas été pratiqués correctement, la Cour pourrait envisager de demander que ces chiffres soient produits afin de les examiner. Encore une fois, en l’état actuel du règlement de procédure, je conseillerais la prudence à cet égard.

118.

Cependant, de telles preuves spécifiques font défaut et, en leur absence et compte tenu de la position de Fliesen-Zentrum par rapport à la procédure antidumping dans son ensemble, je ne vois pas de raison justifiant que la Cour réclame plus de détails concernant les ajustements. Si Fliesen-Zentrum, comme tout autre partie indirectement concernée, doit en principe se contenter d’une motivation répondant aux exigences prévues pour une mesure d’application générale, le fait qu’elle engage une procédure devant une juridiction nationale qui donne lieu à un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice ne saurait lui conférer le droit d’exiger que la Cour examine, dans ce cadre, des informations dont le Tribunal aurait pu connaître dans le contexte différent d’un recours direct formé par une partie habilitée à le faire car directement concernée par la mesure antidumping.

119.

Par conséquent, s’il peut demeurer des incertitudes concernant l’exactitude détaillée du calcul de la valeur normale à partir des chiffres du producteur américain en question, incertitudes qui auraient pu être pertinentes dans le contexte d’un recours direct formé par une partie habilitée à le faire devant le Tribunal, je ne crois pas que ces incertitudes soient telles qu’elles permettent à la Cour, dans le contexte procédural spécifique dans lequel la question est posée, de conclure à l’invalidité du règlement attaqué.

L’échantillonnage

Les règlements antidumping

Le règlement provisoire

120.

L’échantillonnage des producteurs chinois et de l’Union conformément à l’article 17 du règlement de base est expliqué aux considérants 4 à 13 du règlement. Aux termes du considérant 4, tous les producteurs-exportateurs de Chine, importateurs et producteurs de l’Union connus ont été invités à se faire connaître et à fournir des informations de base sur leurs activités liées au produit concerné au cours de la période d’enquête. Il est précisé ensuite ce qui suit:

«2.1. Échantillonnage des producteurs-exportateurs chinois

(5)

Dans le cadre de l’échantillonnage, cent cinq réponses valables ont été reçues de la part de producteurs-exportateurs chinois couvrant 47 % des importations au cours de la période d’enquête […]

(6)

Conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission a retenu un échantillon de producteurs-exportateurs sur la base du plus grand volume représentatif d’exportations du produit concerné vers l’Union sur lequel l’enquête pouvait raisonnablement porter compte tenu du temps disponible. L’échantillon sélectionné se composait de trois groupes, représentant 10 producteurs individuels et 14,4 % du volume total des exportations de la Chine vers l’Union, ainsi que 31,3 % du volume total des exportations réalisées par les exportateurs ayant coopéré au cours de la période d’enquête. Conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, les parties concernées et les autorités chinoises ont été consultées sur la composition de l’échantillon. Un certain nombre d’observations ont été reçues au sujet de l’échantillon proposé. Les observations considérées comme appropriées ont été prises en compte lors de la sélection de l’échantillon final.

2.2. Échantillonnage des producteurs de l’Union

(7)

La CET […] a confirmé, dans un courrier adressé à la Commission, que toutes les sociétés à l’origine de la plainte acceptaient d’être éventuellement incluses dans l’échantillon. En prenant en compte les autres sociétés qui se sont manifestées, la Commission a ainsi reçu des informations de la part de 73 producteurs de l’Union.

(8)

La fragmentation importante du secteur des carreaux en céramique a été prise en considération lors de l’échantillonnage. Afin de veiller à ce que les résultats des grandes sociétés ne prédominent pas lors de l’analyse du préjudice et à ce que la situation des petites entreprises, qui assurent ensemble la plus grande part de la production de l’Union, soit correctement prise en compte, il a été considéré que tous les segments (petites, moyennes et grandes entreprises) devaient être représentés dans l’échantillon.

(9)

La distinction entre ces trois segments est basée sur le volume de production annuelle:

Segment 1: grandes entreprises – production supérieure à 10 millions de m2,

Segment 2: moyennes entreprises – production comprise entre 5 et 10 millions de m2,

Segment 3: petites entreprises – production inférieure à 5 millions de m2.

(10)

Lors de l’analyse des indicateurs microéconomiques, les résultats des entreprises incluses dans l’échantillon pour un segment donné ont été pondérés en fonction de la part de ce segment dans la production totale de l’Union (en utilisant le poids spécifique de chaque segment dans la production totale du secteur des carreaux en céramique). D’après les informations recueillies lors de l’enquête, les producteurs de chacun des segments 1 et 2 comptent pour environ un quart de la production totale de l’Union, ceux du segment 3 pour environ la moitié. Plus de 350 entreprises appartiennent au segment des petites entreprises, plus de 40 à celui des moyennes entreprises et plus de 20 à celui des grandes entreprises.

(11)

Dix sociétés ont été incluses dans l’échantillon. Il s’agit des plus grandes entreprises de chacun des trois segments, en tenant compte des chiffres de ventes et de production, ainsi que de l’emplacement géographique. L’une de ces dix sociétés appartient au segment des grandes entreprises, quatre appartiennent au segment des moyennes entreprises et cinq à celui des petites entreprises. Les sociétés sélectionnées sont implantées dans six États membres (Italie, Espagne, Pologne, Portugal, Allemagne et France), qui représentent ensemble plus de 90 % de la production totale de l’Union. Cet échantillon représentait 24 % de la production totale des producteurs ayant coopéré et 7 % de la production totale de l’Union.

(12)

Au cours de l’enquête, une société polonaise incluse dans l’échantillon a décidé d’interrompre sa coopération à l’enquête. La Commission n’a pu obtenir la coopération d’aucun autre producteur implanté en Pologne.

(13)

Malgré le retrait du producteur polonais, la représentativité de l’échantillon est demeurée élevée au vu de l’ensemble des critères énoncés aux considérants 8 et 10. Il a ainsi été décidé que la procédure pouvait se poursuivre avec un échantillon de neuf producteurs de cinq États membres.»

Le règlement définitif

121.

L’échantillonnage fait l’objet des considérants 9 à 33. Aux considérants 9 à 12, le Conseil rejette une objection concernant deux producteurs exportateurs chinois, sans pertinence pour la présente affaire. Au considérant 13 il conclut qu’«[e]n l’absence de tout autre commentaire, les considérants 5 et 6 du règlement provisoire sont confirmés».

122.

En ce qui concerne les questions soulevées par la présente affaire, les considérants 16 à 26 et 28 à 33 prévoient:

«(16)

Une partie intéressée a fait valoir qu’en raison de la subdivision de l’industrie de l’Union en différents segments et de la couverture géographique de l’échantillon, ce dernier n’était pas statistiquement valable. À cet égard, il est rappelé que l’industrie des carreaux en céramique de l’Union est fortement fragmentée, puisqu’elle compte plus de cinq cents producteurs. Il a en outre été constaté qu’elle était représentée dans les trois segments que sont les grandes, les moyennes et les petites entreprises. Afin de veiller à ce que les résultats des grandes entreprises ne prédominent pas lors de l’analyse du préjudice et à ce que la situation des petites entreprises, qui assurent ensemble la plus grande part de la production de l’Union, soit correctement prise en compte, il a été considéré que tous les segments (petites, moyennes et grandes entreprises) devaient être représentés dans l’échantillon. Dans chacun des segments, les sociétés les plus importantes ont été sélectionnées, pour autant que la représentativité géographique pouvait être assurée.

(17)

Une partie intéressée a en outre fait valoir que la Commission n’avait pas démontré que l’échantillon demeurait représentatif après le retrait du producteur polonais et qu’il était en tout état de cause trop peu représentatif en termes de volume de ventes sur le marché de l’Union.

(18)

Il est exact qu’un producteur polonais a décidé de cesser de coopérer et qu’il a donc dû être exclu de l’échantillon. Pour être représentatif, un échantillon n’a toutefois pas besoin de refléter la répartition géographique et le poids exacts des États membres producteurs. Étant donné que la répartition géographique n’est que l’un des facteurs à prendre en compte pour garantir la représentativité, une telle approche n’aurait pas été possible sur le plan administratif. Il suffit en effet que l’échantillon reflète largement les proportions des principaux pays producteurs concernés. Par rapport à ce critère, il a été constaté que le retrait de la société polonaise n’affectait aucunement la représentativité globale de l’échantillon. Sur cette base, il est confirmé que l’échantillon des producteurs de l’Union était suffisamment représentatif au sens de l’article 17 du règlement de base.

(19)

En ce qui concerne l’argument relatif à la représentativité globale de l’échantillon, il est rappelé que compte tenu de la forte fragmentation de l’industrie de l’Union, il est inévitable que les sociétés retenues dans l’échantillon ne représentent qu’une partie relativement réduite de la production totale de l’Union. En tout état de cause, l’article 17 du règlement de base dispose que les enquêtes peuvent se limiter à des échantillons qui sont statistiquement valables ou qui constituent le plus grand volume représentatif de production, de ventes ou d’exportations sur lequel les enquêtes peuvent raisonnablement porter, sans toutefois indiquer de seuil quantitatif spécifique quant au niveau d’un tel volume représentatif. Compte tenu de ce qui précède, il est confirmé que l’échantillon sélectionné était représentatif au sens de l’article 17 du règlement de base.

(20)

Une partie intéressée a fait valoir que la Commission n’avait pas inclus dans l’échantillon les producteurs de l’Union qui proposaient des prix de vente peu élevés et qui sont établis dans des pays tels que la Pologne ou la République tchèque; l’échantillon ainsi obtenu ne serait donc pas représentatif des prix de vente moyens des producteurs de l’Union.

(21)

En réponse à cette allégation, la Commission a constaté que les prix de vente moyens des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon étaient du même ordre de grandeur que les prix de vente moyens figurant dans les statistiques publiquement accessibles. En tout état de cause, et comme il est expliqué au considérant 125 ci-dessous, l’enquête a montré que même en prenant en considération les prix publiquement accessibles pour ces pays, les conclusions finales ne changeraient pas de manière significative.

(22)

Un certain nombre de parties ont formulé des observations au sujet de la méthode utilisée pour déterminer la composition de l’échantillon des producteurs de l’industrie de l’Union par rapport à celle utilisée pour déterminer la composition de l’échantillon des producteurs chinois, uniquement fondé sur le volume des exportations.

(23)

En ce qui concerne les diverses méthodes utilisées pour déterminer la composition d’un échantillon de producteurs de l’Union, d’une part, et d’un échantillon de producteurs-exportateurs chinois, d’autre part, il convient de noter que ces méthodes ont été utilisées selon les objectifs de l’échantillonnage. Pour ce qui est de l’industrie de l’Union, la Commission a dû évaluer la situation de l’ensemble de l’industrie; les critères permettant d’obtenir les indications les plus représentatives de l’ensemble du secteur ont par conséquent été sélectionnés. En ce qui concerne les exportateurs chinois, il a été jugé approprié de constituer un échantillon fondé sur le plus grand volume d’exportations du produit concerné, ce qui fait que les principaux exportateurs ont été retenus dans l’échantillon. Il convient, en outre, de noter que l’article 17 du règlement de base ne prévoit aucune obligation de sélectionner les deux échantillons sur la base des mêmes critères. Par ailleurs, dans ce cas, avant de finaliser l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois, les parties ayant coopéré en Chine et les autorités chinoises ont eu la possibilité de présenter leurs observations sur l’échantillon proposé. Des observations ont été formulées au sujet de la composition de l’échantillon, mais non de sa représentativité.

(24)

Après la notification des conclusions finales, une association d’importateurs a fait valoir que l’article 17 du règlement de base impliquait que les échantillons des producteurs de l’Union et des producteurs-exportateurs devaient être constitués sur la base des mêmes critères. Plusieurs parties chinoises ont continué à affirmer, après la notification des conclusions finales, qu’il existait une discrimination de traitement entre les producteurs‑exportateurs chinois et les producteurs de l’Union lors de la détermination de la composition de leurs échantillons respectifs.

(25)

En réponse à l’allégation formulée après la notification des conclusions finales, selon laquelle les mêmes critères devaient être appliqués lors de la composition des échantillons des producteurs de l’Union et des producteurs-exportateurs pour les raisons évoquées au considérant 23, il est considéré que ces échantillons peuvent être constitués sur la base de critères différents. Cet argument est, dès lors, rejeté.

(26)

Concernant le fait que, comme indiqué au considérant 23, aucune observation n’a été reçue au sujet de la représentativité de l’échantillon, ces parties ont fait valoir que, lors de la sélection des échantillons, les parties chinoises n’étaient pas informées du fait que différents critères de sélection étaient utilisés pour la composition de l’échantillon et ne pouvaient donc pas présenter d’observations à ce sujet.

[…]

(28)

À la suite de la notification des conclusions finales, une partie intéressée a fait valoir qu’en tenant compte des différents segments pour déterminer la composition de l’échantillon, la Commission avait enfreint l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, qui dispose que l’analyse doit être effectuée à l’échelle de l’industrie de l’Union dans son ensemble et non de certains groupes ou types de sociétés.

(29)

L’argument selon lequel la subdivision de l’échantillon en trois segments est en infraction avec l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, ne peut pas être retenu. Ainsi qu’il ressort du considérant 23, l’échantillon sélectionné a représenté l’ensemble de l’industrie de l’Union et non pas seulement un groupe spécifique de sociétés, comme le prétendait la partie concernée. En outre, l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base autorise expressément à sélectionner un échantillon en vue de la détermination du préjudice. L’argument a donc été jugé infondé et rejeté.

(30)

Après la notification des conclusions finales, la même partie intéressée a contesté le fait que la répartition géographique avait été prise en compte pour déterminer la composition de l’échantillon, en faisant valoir que l’Union est un marché unique et que l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base n’autorise la sélection d’un échantillon que sur la base du plus grand volume représentatif.

(31)

Concernant l’allégation relative à l’utilisation du critère de répartition géographique, il est observé que l’industrie des carreaux en céramique de l’Union est une industrie fragmentée et qu’afin d’évaluer la représentativité des sociétés sélectionnées, la répartition géographique des producteurs entre les États membres est prise en compte pour refléter les différentes situations pouvant être rencontrées au sein de l’Union. L’échantillon couvre les États membres assurant environ 90 % de la production totale de l’Union; après le retrait de la société polonaise, ce pourcentage est demeuré élevé (environ 80 %). Ainsi, la méthode appliquée par la Commission a permis de garantir que l’échantillon était représentatif de la production de l’Union dans son ensemble et qu’il était conforme à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base. En conséquence, l’argument a été rejeté.

(32)

Après la notification des conclusions finales, une partie intéressée a fait valoir que l’échantillon des producteurs de l’Union était composé uniquement de petites et moyennes entreprises, prétendument caractérisées par des coûts et des prix supérieurs à ceux des grandes entreprises chinoises.

(33)

Aucun élément de preuve n’a été fourni à l’appui de cet argument. Il convient de noter que l’échantillon incluait des sociétés appartenant à tous les segments. De plus, d’autres facteurs que la taille de l’entreprise peuvent avoir une incidence sur les coûts, parmi lesquels les coûts des matières premières, la dépréciation ou l’utilisation des capacités.»

123.

Les considérants 125 et 126 sont également pertinents sur ce point:

«(125)

Comme il a déjà été indiqué au considérant 20, une partie intéressée a contesté les conclusions des considérants 96 à 99 du règlement provisoire concernant les prix de vente de l’industrie de l’Union, en faisant valoir que la Commission n’avait pas inclus dans sa détermination du prix unitaire de l’Union les producteurs polonais et tchèques et que ces prix n’étaient pas conformes aux données publiques réelles.

(126)

En ce qui concerne cet argument, une simulation a été réalisée en incluant les prix de ventes enregistrés en Pologne, qui assure environ 10 % de la production totale de l’Union. Aucune simulation n’a en revanche été effectuée pour la République tchèque, dont la production représente moins de 3 % de la production totale de l’Union. La simulation a montré que, même en prenant en considération les prix polonais, les conclusions finales ne changeaient pas de manière importante. Enfin, conformément à sa méthodologie, la Commission a calculé les prix de vente de l’industrie de l’Union après avoir opéré les ajustements correspondants pour obtenir les prix facturés au premier client indépendant, afin d’assurer la comparabilité avec les prix de vente chinois.»

Questions et arguments

124.

La juridiction de renvoi relève que, pour déterminer le niveau de sous-cotation, la Commission a recouru à l’échantillonnage, comme le permet l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, «dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de type de produits ou de transactions est important». Il est possible de recourir à deux types d’échantillonnage, en se limitant soit à «un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix», soit «au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible». Il est clair que la Commission a recouru au premier type d’échantillonnage afin de déterminer les prix des producteurs de l’Union et qu’elle a utilisé le second afin d’établir celui des producteurs chinois. La juridiction de renvoi demande si une telle approche est valide, étant donné que l’échantillonnage a porté essentiellement sur un grand nombre de petites et moyennes entreprises de l’Union (représentant seulement 7 % de la production de l’Union) et sur un petit nombre de gros producteurs chinois (représentant 14,4 % de la production chinoise), alors même que les deux marchés sont fortement fragmentés et composés en grande partie de petites et moyennes entreprises (PME). Selon la juridiction de renvoi, les échantillons pourraient donc n’être pas comparables, ce qui jetterait un doute sur l’objectivité de la manière dont ils ont été établis. De plus, les producteurs de l’Union ayant été pris en compte dans l’échantillon étaient des producteurs d’États membres d’Europe de l’Ouest dont les niveaux de prix sont élevés, aucun producteur d’États membres à niveau de prix inférieur n’étant représenté. La juridiction de renvoi se demande donc si les niveaux de sous-cotation constatés (compris entre 43,2 et 55,7 % aux termes du considérant 113 du règlement définitif) ont été déterminés de manière précise et objective.

125.

Fliesen-Zentrum fait valoir encore une fois pour l’essentiel les mêmes arguments, mais de manière plus détaillée, insistant sur la nécessité que les deux échantillons soient constitués d’une manière comparable. De plus, la représentativité de l’échantillon des producteurs de l’Union devrait couvrir au moins 25 % des producteurs de l’Union, conformément à l’exigence minimale requise pour l’ouverture d’une enquête ( 50 ). En s’abstenant de comparer des choses comparables, la Commission aurait violé le principe de l’égalité de traitement, l’exigence d’un «examen objectif» inscrite à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, et enfin la règle du droit moindre de l’article 9, paragraphe 4, du même règlement. En outre, l’utilisation d’échantillons ne représentant que 7 et 14,4 % de leurs marchés respectifs ne répond pas au degré de représentativité requis.

126.

Premièrement, le Conseil soutient que le préjudice subi par l’industrie européenne a été évalué sur la base de données macroéconomiques et microéconomiques provenant, respectivement, de l’ensemble de l’industrie et des producteurs retenus dans l’échantillon; la composition de l’échantillon de producteurs chinois ne peut donc avoir eu aucune influence sur la détermination du préjudice. Deuxièmement, il fait valoir que la fragmentation du secteur des carreaux en céramique a été prise en considération lors de l’échantillonnage des producteurs de l’Union. L’absence incriminée de producteurs polonais ou tchèques trouve son origine dans le fait qu’un producteur polonais a cessé de coopérer et que la production tchèque représente moins de 3 % de la production totale de l’Union. La Commission a néanmoins réalisé une simulation en incluant les prix de ventes enregistrés en Pologne, mais celle-ci a montré que les conclusions finales ne changeaient pas de manière importante. Troisièmement, le Conseil indique que Fliesen‑Zentrum n’a formulé aucune observation lors de la procédure relative à la composition de l’échantillon de producteurs chinois, et qu’elle ne saurait le faire a posteriori, dans le cadre d’une procédure préjudicielle. En tout état de cause, le recours à une méthode différente pour l’établissement de l’échantillon des producteurs chinois relève du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions et a permis en l’occurrence d’obtenir le résultat le plus représentatif pour chacun des deux groupes. Enfin, le Conseil indique que les droits antidumping imposés sont, en tout état de cause, inférieurs à la marge de dumping constatée.

127.

La Commission affirme qu’il est erroné de considérer que les deux échantillons ont pour seul but d’examiner la sous-cotation. En fait, l’échantillon des producteurs de l’Union sert également à évaluer toute une gamme d’autres facteurs microéconomiques qui doivent couvrir toutes les catégories de producteurs de l’Union afin de repérer toute variation en fonction de l’emplacement géographique ou de la taille, alors que l’échantillon des exportateurs vise à inclure la plus grande partie possible des importations de l’Union, afin de s’assurer que les prix constatés sont aussi proches que possible de la moyenne réelle. L’utilisation de deux méthodes différentes est donc pleinement justifiée et ne porte pas atteinte au principe de l’égalité de traitement, pas plus qu’elle ne remet en cause l’objectivité de la comparaison. En ce qui concerne l’absence, dans l’échantillon des producteurs de l’Union, des producteurs d’États membres d’Europe de l’Est, la Commission indique qu’elle ne dispose d’aucun moyen pour contraindre un producteur à coopérer, et que les producteurs polonais les plus importants n’ont pas coopéré. En tout état de cause, elle ajoute que l’Europe de l’Ouest représente près de 80 % de la production de l’Union, et que la vérification à partir des données publiques disponibles provenant de Pologne et de République tchèque a montré que l’inclusion d’un producteur polonais ou tchèque n’aurait pas notablement influencé le résultat.

128.

En ce qui concerne la possibilité qu’un droit moins élevé aurait pu être imposé si la marge de sous-cotation avait été établie sur une base différente, la Commission affirme que le règlement attaqué a été rédigé en anglais et que le terme «underselling margin» (la différence entre les prix de dumping et les prix indicatifs pour l’industrie de l’Union – «Zielunterbietungsspanne» en allemand et «marge de sous-cotation des prix indicatifs» en français, équivalent de «injury margin») a été incorrectement rendu ( 51 ) en allemand (en en français) comme s’il avait signifié «undercutting margin» (la différence entre les prix de dumping et les prix effectifs de l’industrie de l’Union, déjà tirés à la baisse par les effets du dumping – «Preisunterbietungsspanne» en allemand et «marge de sous-cotation des prix» en français).

Appréciation

129.

La question principale qui se pose ici est celle de savoir si, lorsque les institutions ont constaté qu’il y avait eu, «pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie [de l’Union]» (article 3, paragraphe 3, du règlement de base), la comparaison à laquelle elles ont procédé a été invalidée parce que l’une des deux méthodes d’échantillonnage autorisées par l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base a été utilisée pour évaluer les prix en Chine et que l’autre méthode l’a été pour évaluer les prix dans l’Union. Les questions secondaires sont celles de savoir s’il était nécessaire d’inclure, dans l’échantillon des producteurs de l’Union, un ou plusieurs producteurs des États membres d’Europe de l’Est dont le niveau de prix est réputé être plus bas, et si l’échantillon de l’Union était suffisamment représentatif. Enfin, si l’un quelconque de ces facteurs a conduit à une surestimation du niveau de sous-cotation des prix, se pose la question de savoir si cette circonstance aurait dû entraîner l’application de la règle du droit moindre de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

130.

Pour commencer par les questions secondaires, les raisons avancées pour justifier l’absence de producteurs polonais et tchèques me paraissent raisonnables et cohérentes, tant dans les règlements provisoire et définitif que dans les observations déposées par les institutions. Le choix opéré pour sélectionner les producteurs s’inscrit sans conteste, il me semble, dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes, et elles ne sauraient être critiquées du fait que le producteur polonais a cessé de coopérer au cours de l’enquête, ou de l’absence de coopération des autres producteurs. De plus, les institutions ont procédé à des contrôles afin de vérifier que les résultats n’étaient pas substantiellement affectés par l’absence de données en provenance de producteurs d’Europe de l’Est (polonais, en particulier).

131.

En ce qui concerne la représentativité, l’argument invoqué par Fliesen-Zentrum selon lequel l’échantillon des producteurs de l’Union doit inclure au moins 25 % de l’ensemble de la production de l’Union est, selon moi, dénué de fondement. L’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ne concerne pas la représentativité des échantillons, et aucun des arrêts cités par Fliesen-Zentrum n’étaye cette affirmation.

132.

En ce qui concerne à présent la question principale, je relève tout d’abord que l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base ne contient aucune exigence explicite selon laquelle les différents échantillons doivent être établis sur une base exactement comparable. Ce texte ne saurait davantage être lu, il me semble, comme contenant une exigence implicite de cette nature, étant donné qu’il concerne «les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de type de produits ou de transactions est important» et la limitation «à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions». Les catégories concernées elles-mêmes ne peuvent pas toujours être comparables, de sorte qu’il ne sera souvent pas possible de comparer les méthodes d’échantillonnage.

133.

Qui plus est, il ressort clairement des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base que le choix final des parties, des types de produits ou des transactions relève de la Commission. Les institutions ont, à mon sens, avancé des motifs suffisants pour procéder ainsi qu’elles l’ont fait. En ce qui concerne les prix des exportations chinoises, la préoccupation primordiale était d’obtenir la meilleure approximation possible d’un prix moyen fiable, et il était logique à cette fin de sélectionner des producteurs qui représentaient le plus gros volume de ventes. L’échantillonnage de l’industrie de l’Union, toutefois, devait être approprié à une plus grande diversité de finalités, et ne pouvait donc pas être cantonné aux producteurs les plus importants.

134.

Cela dit, il est vrai que la détermination du préjudice doit s’accompagner d’un «examen objectif» du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, de leur effet sur les prix pratiqués sur le marché de l’Union et de leur incidence sur l’industrie de l’Union (article 3, paragraphe 2, du règlement de base), et que les échantillons doivent être «statistiquement représentatifs» (article 17, paragraphe 1).

135.

À cet égard, il semble certes au moins plausible que la méthode utilisée pour la Chine (qui présente le plus gros volume, et qui a donc les plus gros producteurs) ait pu produire un prix plus bas que si un plus grand nombre de producteurs de plus petite taille avaient été inclus dans l’échantillon; les plus gros producteurs peuvent être en mesure de bénéficier d’économies d’échelle et, par conséquent, de pratiquer des prix plus bas. À l’inverse, et pour la même raison, la méthode utilisée pour l’Union aurait pu aboutir à un prix plus élevé. Dans ce cas, le niveau de sous-cotation des prix constaté aurait pu être plus important que si les deux échantillons avaient été sélectionnés selon la même méthode. (Il en irait de même pour la sous-cotation des prix indicatifs, basée sur les mêmes sources, de sorte que les remarques de la Commission en ce qui concerne la terminologie et la traduction n’apparaissent, sur ce point, pas particulièrement pertinentes.)

136.

Toutefois, ces possibilités ne sont en rien des certitudes, et aucun chiffre ni calcul précis n’a été communiqué à la Cour afin de les rendre plus particulièrement crédibles. Une autre éventualité également plausible est que les prix chinois à l’exportation ont été déterminés plus par les conditions de concurrence sur le marché d’importation que par la taille ou la capacité du producteur, de sorte qu’une autre méthode d’échantillonnage des exportateurs chinois n’aurait pas changé le résultat obtenu ( 52 ). En l’absence de preuves, il n’est donc pas possible de présumer que le niveau de sous-cotation des prix ou des prix indicatifs aurait été significativement différent si la même méthode avait été utilisée pour les deux échantillons.

137.

Je ne vois par conséquent aucune raison de considérer que l’appréciation de la sous-cotation des prix dans le règlement attaqué aurait été invalidée d’une quelconque manière par le choix de deux méthodes d’échantillonnage différentes, ou qu’il y aurait eu une incompatibilité quelconque avec la règle du droit moindre prévue à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

Conclusion

138.

À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, je suis d’avis qu’il conviendrait que la Cour réponde au Finanzgericht München dans le sens que le règlement d’exécution (UE) no 917/2011 du Conseil, du 12 septembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine n’est invalide pour aucun des motifs invoqués dans la demande de décision préjudicielle.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Règlement du Conseil du 30 novembre 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le «règlement de base»).

( 3 ) Règlement de la Commission du 16 mars 2011 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine (JO L 70, p. 5, ci-après le «règlement provisoire»).

( 4 ) Règlement d’exécution du Conseil du 12 septembre 2011 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de carreaux en céramique originaires de la République populaire de Chine (JO L 238, p. 1, ci-après le «règlement définitif» ou le «règlement attaqué»).

( 5 ) JO C 160, p. 20 (ci-après l’«avis d’ouverture»).

( 6 ) Arrêt Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, points 26 à 28 ainsi que jurisprudence citée).

( 7 ) Arrêts Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, points 11 et 12); Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, points 10 et 11) ainsi que GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, point 22).

( 8 ) Voir arrêt Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15).

( 9 ) Voir point 63 et la note en bas de page 26 des présentes conclusions.

( 10 ) Voir considérant 51 du règlement provisoire, cité au point 48 des présentes conclusions ainsi que note en bas de page afférente.

( 11 ) Voir arrêts Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 13) ainsi que Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 12).

( 12 ) Voir, notamment, arrêt Commission/BCE (C‑11/00, EU:C:2003:395, point 75 et jurisprudence citée). Un règlement d’application comme le règlement définitif devrait à présent être considéré comme un «acte réglementaire» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 50 à 60, ainsi qu’ordonnance du Tribunal rendue dans l’affaire Bricmate/Conseil, T‑596/11, EU:T:2014:53, points 65 et 66).

( 13 ) C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 81.

( 14 ) Voir, notamment, concernant une taxe compensatoire à l’importation, arrêt Beus (5/67, EU:C:1968:13) et, concernant des contingents d’importation, arrêt Espagne/Conseil (C‑284/94, EU:C:1998:548, point 28).

( 15 ) Voir, notamment, arrêt du Tribunal Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil (T‑633/11, EU:T:2014:271).

( 16 ) Voir arrêt Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 30 à 32 ainsi que jurisprudence citée).

( 17 ) Voir ordonnance du Tribunal Bricmate/Conseil (T‑596/11, EU:T:2014:53, points 61 à 75).

( 18 ) Voir, notamment, arrêt Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, points 21 à 27).

( 19 ) Corrigé ultérieurement à 60 millions de m2 – voir considérant 58 du règlement définitif au point 49 des présentes conclusions.

( 20 ) Conclusions de l’avocat général Bot présentées dans l’affaire GLS (C‑338/10, EU:C:2011:636).

( 21 ) Arrêt GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, point 30).

( 22 ) Outre les arrêts cités à la note 7 des présentes conclusions, la Commission se réfère à l’arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil (C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295).

( 23 ) Arrêt Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 32).

( 24 ) Arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil (C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295, point 31).

( 25 ) Voir, notamment, «Trade and investment analytical papers 18, Anti-dumping: Selected Economic Issues», mai 2012, p. 12-13, élaboré par la Joint Trade Policy Unit of the Department for Business Innovation and Skills et le Department for International Development in the United Kingdom, ainsi que «Review of EU Trade Defence Instruments», dans Brief 2, «The Analogue Country Method in Anti-dumping Investigations», 2013, rédigé par le Kommerskollegium (Direction nationale du commerce de Suède).

( 26 ) Des chiffres publiés par la Banque mondiale (http://data.worldbank.org) montrent que, pour la période 2009-2010 (couvrant la période de l’enquête dans le cadre de la procédure antidumping en cause dans la présente affaire), le revenu national brut par habitant à parité de pouvoir d’achat est de 8110 à 9000 pour la Chine, et de 47490 à 49090 pour les États-Unis, exprimé en dollars internationaux courants.

( 27 ) Cette question devrait perdre de sa pertinence quinze ans après l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) parce qu’il devient de plus en plus difficile pour d’autres membres de l’OMC de traiter la Chine comme un pays n’ayant pas une économie de marché (voir point 15 du protocole, accessible à l’adresse suivante: https://www.wto.org/french/thewto_f/acc_f/completeacc_f.htm).

( 28 ) Arrêt GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158, points 22, 27 et 31).

( 29 ) Selon les rapports du Forum économique mondial sur la compétitivité mondiale (www.weforum.org), les États-Unis étaient, parmi les pays mentionnés au cours de la procédure, le pays présentant le niveau global de concurrence locale le plus élevé en 2008-2009, même s’il était légèrement distancé par les Émirats arabes unis et la Turquie à cet égard en 2010-2011, ne venant que légèrement devant la Chine. Tous les autres pays mentionnés avaient des niveaux de concurrence locale considérablement plus faibles, la Russie en particulier. Ces évaluations de la concurrence locale globale ne sont, bien entendu, qu’un indice approximatif des niveaux de concurrence dans un secteur particulier, mais ils donnent une indication qui tend à étayer les explications de la Commission.

( 30 ) La Banque mondiale (http://data.worldbank.org) fournit des statistiques concernant les exportations de produits de haute technologie en pourcentage des exportations de produits manufacturés, dont il ressort que la Chine, la Thaïlande et les États‑Unis étaient globalement comparables en 2009-2010, avec entre 20 et 28 % de leurs exportations composées de produits de haute technologie. Le pourcentage équivalent pour les autres pays mentionnés était nettement inférieur, à l’exception de la Malaisie, qui présentait un pourcentage nettement plus élevé. Ces statistiques ne donnent aucun pourcentage en ce qui concerne les Émirats arabes unis pour ces années, mais les chiffres se rapportant aux années précédentes montrent que le taux des exportations de produits de haute technologie est extrêmement faible. Encore une fois, ces chiffres ne sauraient être considérés comme une preuve directe de l’état du développement technologique dans un secteur particulier mais, à nouveau, ils donnent une indication qui tend à conforter les explications données par la Commission.

( 31 ) Le troisième alinéa est rédigé comme suit: «Les prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation.»

( 32 ) En particulier, l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa («lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs»), et l’article 2, paragraphe 6, sous a) et c) [«[l]orsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, ils peuvent l’être sur la base: a) de la moyenne pondérée des montants réels établis pour les autres exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête à l’égard de la production et des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays d’origine; […] c) de toute autre méthode raisonnable, à condition que le montant correspondant au bénéfice ainsi établi n’excède par le bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine»] (mise en italique par mes soins).

( 33 ) Conclusions de l’avocat général Bot présentées dans l’affaire GLS (C‑338/10, EU:C:2011:636).

( 34 ) Arrêt Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15).

( 35 ) La Commission souligne que le Tribunal a jugé que les données émanant d’un producteur d’un pays tiers ayant des liens avec un producteur de l’Union n’étaient pas invalides: voir arrêts du Tribunal Ferchimex/Conseil (T‑164/94, EU:T:1995:173, point 74) et Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil (T‑459/07, EU:T:2013:369, point 154).

( 36 ) Arrêt Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15).

( 37 ) Arrêt du Tribunal Ferchimex/Conseil (T‑164/94, EU:T:1995:173, points 69 et 70); voir également arrêt Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil (T‑459/07, EU:T:2013:369, point 154).

( 38 ) Voir points 62 et suiv. des présentes conclusions.

( 39 ) Voir point 74 des présentes conclusions.

( 40 ) S’il s’était agi d’un recours direct devant le Tribunal, le traitement confidentiel aurait été possible conformément aux dispositions de l’article 67, paragraphe 3, de son règlement de procédure. Voir, notamment, ordonnance du Tribunal Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil (T‑299/05, EU:T:2009:72).

( 41 ) Arrêt Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et suiv., en particulier points 120 et suiv.).

( 42 ) Voir au considérant 53 du règlement provisoire: «ce producteur n’avait déclaré qu’une partie de ses ventes intérieures et les coûts ne concordaient pas pleinement avec les comptes».

( 43 ) Note sans objet pour la traduction en langue française.

( 44 ) Fabricant d’équipements d’origine (en anglais, «Original equipment manufacturer»).

( 45 ) Arrêt du Tribunal Kundan et Tata /Conseil (T‑88/98, EU:T:2002:280, point 96).

( 46 ) C‑76/00 P, EU:C:2003:4, points 86 à 89.

( 47 ) Arrêt Beus (5/67, EU:C:1968:13).

( 48 ) C‑76/00 P, EU:C:2003:4, points 86 à 89.

( 49 ) 264/82, EU:C:1985:119, points 24 et 30.

( 50 ) L’article 5, paragraphe 4, du règlement de base interdit d’ouvrir une enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production de l’Union. Fliesen-Zentrum cite certains cas dans lesquels entre 40 et 50 % de la production de l’Union ont été considérés comme suffisants aux fins de l’échantillonnage.

( 51 ) En particulier au considérant 198 du règlement définitif, rédigé comme suit: «[i]l est également signalé que les marges de sous-cotation sont supérieures aux marges de dumping établies aux considérants 88 à 93 et que la marge de dumping devrait donc servir de base pour établir le niveau de droit conformément à la règle du moindre droit» (mise en italique par mes soins).

( 52 ) Les chiffres d’Eurostat produits dans l’affaire Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572) semblent indiquer que, pendant toute la période examinée dans le cadre de l’enquête, les prix des carreaux en céramique importés de Chine étaient significativement et constamment plus élevés en Allemagne que dans le Royaume-Uni, alors que les quantités importées dans les deux États membres étaient à peu près comparables. Les prix pratiqués pour des importations (en quantités plus réduites) en Lettonie et en Roumanie étaient cependant toujours plus bas, et dans une mesure beaucoup plus importante.