COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 20.7.2023
COM(2023) 452 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
concernant l’adéquation, d’un point de vue prudentiel et économique, du règlement (UE) 2017/1131 du Parlement européen et du Conseil sur les fonds monétaires
TABLE OF CONTENTS
1.
INTRODUCTION
1.1.
Contexte
1.2.
Base juridique du rapport
1.1.
Méthodologie et processus de consultation
2.
Le secteur des fonds monétaires aujourd’hui
2.1.
Principaux changements introduits par le règlement sur les fonds monétaires
2.2.
Structure actuelle du marché
2.3.
Évolution récente du marché et enseignements tirés
3.
Adéquation du RÈGLEMENT SUR LES FONDS MONÉTAIRES d’un point de vue prudentiel et économique
3.1.
Fonds monétaires et titres de créance émis ou garantis par les États membres de l’UE.
3.2.
Définitions uniformes d’une liquidité et d’une qualité de crédit élevées et extrêmement élevées des actifs cessibles
3.3.
Incidence du règlement sur les fonds monétaires sur les marchés de financement à court terme
3.4.
Évolution du cadre réglementaire au niveau international
3.4.1.
Réduire le risque de retraits massifs
3.4.2.
Renforcer la liquidité des fonds monétaires et leur capacité à compenser les pertes
3.4.3.
Autres mesures
3.5.
Faisabilité de l’instauration d’un quota minimal de 80 % de dette publique de l’Union
4. Conclusions
ABRÉVIATIONS
AIFMD Directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs
Fonds à VLC
Fonds monétaire à valeur liquidative constante
BCE
Banque centrale européenne
AEMF Autorité européenne des marchés financiers
CERS Comité européen du risque systémique
EUR Euro
CSF
Conseil de stabilité financière
GBP
Livre sterling
Fonds à VL à faible volatilité
Fonds monétaire à valeur liquidative à faible volatilité
Fonds monétaire
Fonds monétaire
Règlement sur les fonds monétaires
Règlement (UE) 2017/1131 sur les fonds monétaires
VL
Valeur liquidative
ANC
Autorités nationales compétentes
USD
Dollar des États-Unis
OPCVM Organisme de placement collectif en valeurs mobilières
Fonds à VLV
Fonds monétaire à valeur liquidative variable
Actifs à échéance hebdomadaire Actifs à échéance hebdomadaire
1.INTRODUCTION
1.1.Contexte
Le règlement (UE) 2017/1131 sur les fonds monétaires (ci-après le «règlement sur les fonds monétaires») a été proposé à la suite de la crise financière mondiale, qui avait mis en évidence certaines faiblesses des marchés financiers internationaux et de leur réglementation dans le monde entier. Depuis son entrée en vigueur en janvier 2019, ce règlement a considérablement renforcé la réglementation applicable aux fonds monétaires dans l’UE, conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière (CSF), de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et du Comité européen du risque systémique (CERS).
1.2.Base juridique du rapport
Le présent rapport a été élaboré conformément à l’article 46, paragraphe 1, du règlement sur les fonds monétaires, qui prévoit que la Commission évalue le fonctionnement du règlement sur les fonds monétaires sur la base d’une analyse des règles en vigueur d’un point de vue prudentiel et économique, et à la suite de consultations avec l’AEMF et, le cas échéant, le CERS, et conformément à l’article 6, paragraphe 2, qui précise les conditions que ce rapport doit prendre en considération. Cet article impose également à la Commission d’examiner si des modifications doivent être apportées au régime concernant les fonds monétaires à valeur liquidative constante («fonds à VLC») de dette publique et les fonds à VL à faible volatilité.
1.3.Méthodologie et processus de consultation
Le présent rapport s’appuie sur un certain nombre d’études réalisées par des organismes européens et internationaux. Le rapport du CSF et l’avis de l’AEMF ont tous deux fait l’objet d’un retour d’information de la part des parties intéressées. Ces rapports, ainsi que les recommandations du CERS, contiennent de vastes ensembles de données et d’éléments provenant des autorités de surveillance. La BCE a publié une évaluation de l’efficacité du cadre réglementaire de l’UE du point de vue de la stabilité financière, fondée sur le comportement des fonds monétaires pendant la crise de la COVID-19
. Des articles universitaires ont également servi de base à ce rapport.
Du 12 avril au 20 mai 2022, la Commission a mené une consultation des parties prenantes afin de recueillir leurs points de vue sur le fonctionnement du règlement sur les fonds monétaires. Elle a recueilli 48 réponses au total. Plus des deux tiers des participants à la consultation ont indiqué que le règlement sur les fonds monétaires avait permis d’atteindre efficacement ses principaux objectifs sur le plan de la liquidité, de l’amélioration de la protection des investisseurs, de la prévention du risque de contagion, et de l’amélioration de la transparence, de la surveillance et de la stabilité financière du marché unique. Ils estiment que le règlement sur les fonds monétaires a contribué à l’intégration des marchés des capitaux et a rendu les fonds monétaires plus résilients, notamment grâce à ses règles relatives à la qualité de crédit et à la composition des actifs. Les retours d’information reçus des parties prenantes indiquent également qu’il est important d’assurer la cohérence des règles au niveau de l’UE et de renforcer la surveillance. En outre, les investisseurs transfrontières apprécient également le fait que le règlement sur les fonds monétaires leur donne la possibilité de gérer les liquidités à l’échelle mondiale au moyen d’un processus standard, tant du point de vue comptable que du point de vue de la gestion des risques.
2.Le secteur des fonds monétaires aujourd’hui
2.1.Principaux changements introduits par le règlement sur les fonds monétaires
Avant l’introduction du règlement sur les fonds monétaires, la majorité des fonds monétaires de l’UE relevaient des règles de la directive OPCVM, de ses actes d’exécution et de ses lignes directrices, ainsi que des codes de conduite du secteur. La France, l’Irlande et le Luxembourg sont les principaux États où se trouvent les fonds monétaires de l’UE. Le Luxembourg et l’Irlande ont développé un secteur des fonds monétaires à VLC en devises, destiné aux investisseurs institutionnels de pays tiers.
Le règlement sur les fonds monétaires a introduit un régime réglementaire spécifique et beaucoup plus développé pour les fonds monétaires dans l’UE. En particulier, il visait à remédier aux problèmes de risque de crédit et de liquidité rencontrés par les fonds monétaires au cours de la crise de 2008. En harmonisant les caractéristiques essentielles des produits qui constituaient un fonds monétaire, le cadre a également établi un niveau uniforme de protection des investisseurs grâce à des règles relatives à la gestion des liquidités et du risque de liquidité, y compris des coussins de liquidité, des actifs dans lesquels les fonds monétaires peuvent investir, de la diversification, des valorisations et des évaluations internes de la qualité de crédit. Il a également renforcé la transparence à l’égard des investisseurs ainsi que la surveillance, notamment au moyen de rapports exhaustifs aux autorités nationales compétentes (ANC).
En outre, le règlement sur les fonds monétaires interdit explicitement le «soutien extérieur» afin d’éviter le risque de contagion entre le secteur des fonds monétaires et le reste du secteur financier. L’obligation de «connaître son client» contraint les gestionnaires de tous les types de fonds monétaires à prévoir l’effet de rachats simultanés de plusieurs investisseurs. Tous les gestionnaires doivent adapter le degré réel de liquidité aux besoins de liquidités spécifiques de leurs clients à tout moment de leurs cycles comptables.
Le règlement sur les fonds monétaires a créé un nouveau type de fonds monétaire, le fonds à VL à faible volatilité, afin de remplacer les fonds à VLC investis dans de la dette non publique. À l’instar des fonds à VLC de dette publique, les fonds à VL à faible volatilité ont le droit d’utiliser la méthode de comptabilisation au coût amorti pour offrir un prix de rachat stable, mais uniquement pour autant que la valeur des actifs sous-jacents ne s’écarte pas de plus de 20 points de base de la valeur de marché des actifs nets du fonds. Les deux valeurs sont publiées quotidiennement. Si l’écart dépasse 20 points de base, le fonds à VL à faible volatilité doit passer d’une valeur liquidative constante à une valeur liquidative variable.
La mise en conformité avec le règlement sur les fonds monétaires a engendré des coûts juridiques et opérationnels pour les gestionnaires d’actifs, qui ont dû transférer des fonds existants vers le nouveau régime, accroître la transparence, améliorer leurs processus de gestion des risques et surveiller de près leurs investissements et le risque de crédit et de liquidité qui y est associé, afin de garantir le respect des exigences de liquidité. Il y a également eu des conséquences en termes de coûts pour les distributeurs, les plateformes et les conservateurs tiers. Les investisseurs des fonds monétaires ont eu besoin de temps et de ressources supplémentaires pour mettre en place des politiques d’investissement, des contrôles et une surveillance concernant le cadre, les systèmes de liquidités et les processus comptables, ainsi que pour s’assurer que les auditeurs se familiarisent avec les nouvelles structures des fonds monétaires du point de vue de la trésorerie et des équivalents de trésorerie. Toutefois, les résultats de la consultation n’ont pas mis en évidence de coûts excessifs et n’ont pas révélé d’importantes possibilités de simplification.
Dans son étude Market Insights d’octobre 2020, l’Association européenne de la gestion d’actifs et de fonds a observé que les exigences réglementaires strictes introduites par le règlement sur les fonds monétaires et l’augmentation des coûts de mise en conformité réglementaire avaient entraîné une baisse de 16 % du nombre de fonds monétaires OPCVM au premier trimestre de 2019, un certain nombre de gestionnaires d’actifs ayant choisi de fermer leurs fonds monétaires, en particulier les petits, ou de les convertir en fonds obligataires à court terme. En outre, certains fonds ne satisfont plus aux exigences réglementaires plus strictes imposées par le règlement sur les fonds monétaires et ne sont donc plus considérés comme des fonds monétaires. Malgré la baisse du nombre de fonds monétaires, les fonds monétaires européens ont enregistré de fortes entrées nettes en 2019 et 2020.
Tableau 1 – Principales caractéristiques et garanties des fonds monétaires de l’UE
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Fonds monétaires à court terme
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Fonds monétaires standard
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Valeur liquidative stable
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Valeur liquidative variable (VLV)
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Dénomination
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Fonds à valeur liquidative constante de dette publique (fonds à VLC de dette publique)
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Fonds à valeur liquidative à faible volatilité (fonds à VL à faible volatilité)
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Fonds à VLV à court terme
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Fonds à VLV standard
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Public debt
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Au moins 99,5 % dans la dette publique, dans des accords de prise en pension garantis par la dette publique et dans des liquidités
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Autorisé
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Échéance moyenne pondérée
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Max. 60 jours
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Max. 6 mois
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Durée de vie moyenne pondérée
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Max. 120 jours
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Max. 12 mois
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Échéance des actifs
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Max. 397 jours
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Max. 2 ans avec délai de mise à jour de 397 jours
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Actifs à échéance journalière
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Min. 10 %
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Min. 7,5 %
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Actifs à échéance hebdomadaire
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Min. 30 %
(dont 17,5 % maximum de dette publique)
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Min. 15 %
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2.2.Structure actuelle du marché
L’article 46, paragraphe 2, point a), du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission d’analyser l’expérience acquise dans l’application de ce règlement, ainsi que l’impact sur les investisseurs, les fonds monétaires et les gestionnaires de fonds monétaires dans l’Union.
À la fin de 2021, les fonds monétaires de la zone euro détenaient environ 1 500 milliards d’EUR d’actifs totaux, répartis entre les fonds à VLC de dette publique (11 % du total des actifs gérés), les fonds à VL à faible volatilité (46 %), les fonds à VLV à court terme (12 %) et les fonds à VLV standard (31 %). Les fonds monétaires de l’UE sont principalement libellés en EUR (42 %), en USD (31 %) et en GBP (22 %) et sont concentrés dans quelques pays, principalement l’Irlande, le Luxembourg et la France, ces pays représentant respectivement 42 %, 26 % et 25 % du total des actifs gérés par les fonds monétaires de l’UE
Les fonds à VLC de dette publique et les fonds à VL à faible volatilité sont principalement libellés en USD et en GBP et domiciliés en Irlande et au Luxembourg. Les fonds monétaires libellés en EUR sont majoritairement structurés en tant que fonds à VLV et sont principalement domiciliés en France (192 fonds en décembre 2021).
Graphique 1: Qui investit dans les fonds monétaires de la zone euro et où ces fonds monétaires investissent ensuite?
Source: bulletin macroprudentiel de la BCE, avril 2021
Les entreprises et les investisseurs institutionnels détiennent la majorité des parts ou actions des fonds monétaires de la zone euro, comme le montre le graphique 2. Les investisseurs professionnels représentent 95 % de la valeur liquidative des fonds à VLC et 99 % de celle des fonds à VL à faible volatilité. Pour les fonds à VLV, la part des investisseurs de détail est légèrement plus élevée, s’établissant respectivement à 13 % et 12 % pour les fonds à VLV à court terme et standard.
Comme le montre le graphique 3, les établissements financiers sont les principaux investisseurs dans les fonds monétaires de tous types, puisqu’ils représentent 59 % de la valeur liquidative, contre 19 % pour les entreprises non financières.
Les investisseurs de pays tiers sont prédominants au Luxembourg et en Irlande, comme le montre le graphique 4. Les investisseurs de pays tiers représentent plus de 77 % de la valeur liquidative des fonds monétaires irlandais et près de 63 % au Luxembourg. Dans le cas des fonds monétaires irlandais, il s’agit principalement d’investisseurs établis au Royaume-Uni (60 % de leurs investisseurs sur la base du montant détenu). Ce chiffre l’importance des fonds monétaires libellés dans des monnaies de pays tiers domiciliés dans ces États membres. En revanche, les investisseurs nationaux français représentent près de 76 % de la valeur liquidative en France.
Graphique 2: Investisseurs de détail et investisseurs professionnels dans les fonds monétaires (en % de la valeur liquidative)
Source: ESMA Market Report 2023
Graphique 3: Types d’investisseurs dans les fonds monétaires par secteur (en % de la valeur liquidative totale)
Source: base de données au titre du règlement sur les fonds monétaires, AEMF
Graphique 4: Part de la valeur liquidative en fonction du lieu de domiciliation de l’investisseur (en%)
Source: base de données au titre du règlement sur les fonds monétaires, AEMF
Les discussions avec les investisseurs des fonds monétaires et les réponses recueillies à l’issue de la consultation des parties prenantes mettent en évidence le fait que les critères suivants sont les plus importants dans le choix des investisseurs en matière d’investissement: la liquidité intrajournalière/journalière, la préservation du capital et la diversification. D’autres caractéristiques des fonds monétaires de l’UE, telles que la qualité du portefeuille ou le niveau de rendement, sont également mentionnées par les investisseurs comme étant importantes dans leur choix d’investissement. Les fonds monétaires sont principalement utilisés comme outil de gestion de la trésorerie.
Les actions des fonds monétaires sont considérées comme de la «trésorerie et équivalents de trésorerie» au sens de la norme comptable IAS 7. Cela vaut pour les fonds à VLC et les fonds à VL à faible volatilité en raison de leur valeur stable et de la possibilité de rachats intrajournaliers. Sur certains territoires, ce traitement comptable s’applique également aux fonds à VLV. Selon les réponses à la consultation de la Commission, contraindre les entreprises à investir dans d’autres instruments présentant des caractéristiques différentes engendrerait de l’incertitude quant au traitement comptable de ces produits en tant que «trésorerie ou équivalents de trésorerie» et limiterait également les possibilités des entreprises en matière de gestion de la trésorerie, étant donné que d’autres instruments pourraient ne pas offrir de liquidité intrajournalière.
Les fonds à VLC de dette publique doivent investir au moins 99,5 % de leurs actifs dans la dette publique, dans des accords de prise en pension garantis par la dette publique et dans les liquidités. Les fonds à VL à faible volatilité et les fonds à VLV investissent principalement dans des instruments du marché monétaire (67 % de leurs actifs totaux), complétés par des dépôts, des accords de pension et de prise en pension et d’autres actifs à court terme.
Comme le montre le graphique 5, les fonds monétaires de l’UE sont principalement exposés au secteur financier, y compris aux établissements de crédit, dont les titres représentent plus de 60 % du total des instruments du marché monétaire détenus par les fonds monétaires de l’UE. Les expositions sur les sociétés non financières restent limitées (10 % des instruments du marché monétaire) et sont principalement détenues par des fonds à VLV. Au total, les fonds monétaires de l’UE détiennent entre 50 et 70 % des billets de trésorerie financiers et des certificats de dépôt négociables libellés en EUR (CSF, 2021).
Graphique 5: Les instruments du marché monétaire détenus par les fonds monétaires sont principalement exposés au secteur financier (% des participations en instruments du marché monétaire)
Source: base de données au titre du règlement sur les fonds monétaires, Eikon, ANC, AEMF
Comme le montre le graphique 6, la majeure partie de l’exposition des fonds monétaires de l’UE à la dette publique concerne les emprunteurs souverains de pays tiers (74 % de l’exposition souveraine à la fin de 2021). Ces expositions sont principalement détenues par des fonds à VLC. Ces derniers ont considérablement réduit leurs participations en obligations d’État, qui sont passées de 62 % du total des actifs en juin 2021 à 32 % en juin 2022. Dans le même temps, ils ont augmenté leurs expositions sur le marché de mise en pension, sous l’effet de l’anticipation d’une modification des taux d’intérêt. La part des obligations d’État dans les portefeuilles de fonds à VL à faible volatilité a considérablement augmenté en 2020, mais elle a été réajustée pour retrouver sa composition antérieure à la crise de la COVID-19 en 2021 et au premier semestre de 2022. Les fonds à VLV ont normalement une part plus faible de dette publique, en moyenne 7 % de leurs actifs.
Graphique 6: Exposition à la dette publique, fin 2021, en milliards d’EUR.
Source: base de données au titre du règlement sur les fonds monétaires, ANC, AEMF
2.3.Évolution récente du marché et enseignements tirés
Ces dernières années, plusieurs événements sources de tensions ont mis à l’épreuve le cadre applicable aux fonds monétaires. En mars 2020, la pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation soudaine de la demande d’actifs sûrs et liquides, tant dans le secteur financier que dans le secteur non financier. La liquidité d’un large éventail de marchés s’est considérablement détériorée, ce qui a donné lieu à des interventions sans précédent de la part des banques centrales. La valeur des principaux indices boursiers a chuté de plus de 30 % en quelques semaines et les marchés financiers ont connu une forte augmentation de la volatilité au cours des premiers mois de la pandémie. En raison de l’incertitude générale, les investisseurs hésitaient à investir sur les marchés financiers, ce qui a entraîné d’importantes pertes de valorisation.
Les obligations d’entreprise et les fonds monétaires ont également subi d’importantes tensions. Les rendements des obligations d’entreprise ont sensiblement augmenté en février et mars 2020. Les fonds monétaires exposés aux marchés privés, c’est-à-dire les fonds à VL à faible volatilité et les fonds à VLV dans l’UE et les «prime funds» aux États-Unis, ont enregistré d’importantes sorties de trésorerie. Les fonds à VL à faible volatilité domiciliés dans l’UE ont enregistré des sorties de trésorerie de 51,4 milliards d’EUR en mars 2020 et ont rencontré des difficultés pour vendre leurs billets de trésorerie et leurs certificats de dépôt, car les banques n’étaient pas disposées ou n’étaient pas en mesure de racheter ces titres, pas même leurs propres billets de trésorerie.
La pression a été particulièrement forte pour les fonds à VL à faible volatilité libellés en USD, comme le montrent le graphique 7 et la littérature pertinente. Étant donné que leurs actifs à échéance hebdomadaire approchaient du minimum réglementaire de 30 %, certains investisseurs pourraient avoir été inquiets de la probabilité croissante que les gestionnaires de fonds fassent usage des outils de gestion de la liquidité disponibles (c’est-à-dire les frais de liquidité ou les mesures de plafonnement des rachats). Les inquiétudes concernant l’utilisation de ces outils ont été particulièrement vives sur le marché américain, ce qui peut s’expliquer par le fait que les investisseurs de l’UE sont, dans l’ensemble, plus à l’aise avec les frais que les investisseurs américains, en raison de leur connaissance des frais liés aux OPCVM. Comme le montre le graphique 7, cela s’est traduit par un effet d’entraînement sur les fonds monétaires domiciliés dans l’UE: des rachats dans les fonds à VL à faible volatilité en USD se sont accompagnés de souscriptions dans les fonds à VLC de dette publique en USD dans un même ordre de grandeur, reflétant un potentiel effet de substitution (ou une ruée vers les titres de qualité).
Graphique 7: Évolution des actifs gérés par différents types de fonds monétaires vers mars 2020. Source: Association européenne de la gestion d’actifs et de fonds: données provenant de Fitch Ratings et de iMoneyNet
Les données
montrent que les fonds monétaires ayant peu d’actifs à échéance hebdomadaire ont enregistré davantage de sorties de trésorerie que les fonds monétaires qui en détiennent beaucoup. Cette analyse peut être interprétée comme une preuve que les investisseurs institutionnels ont effectué des rachats auprès des fonds monétaires afin d’éviter d’être soumis à des frais et à des plafonnements. En outre, des études d’Avalos et Xia (2021)
, de Darpeix (2021)
et de Dunne et Giuliana (2021)
montrent que les ratios de liquidité ont joué un rôle déterminant dans les rachats dans le cas des fonds à VL à faible volatilité, mais pas dans celui des fonds à VLV, ce qui laisse entrevoir l’existence éventuelle d’effets de seuil indésirables
. Compte tenu de l’ampleur de la crise et de la situation économique mondiale dues à la pandémie, les grandes banques centrales ont pris une série de mesures afin de soutenir les marchés des capitaux. Ce soutien a été apporté par les moyens suivants:
-achats fermes de certificats de dépôt et de billets de trésorerie libellés en monnaie nationale (BCE, Banque d’Angleterre, Réserve fédérale) sur le marché primaire ou secondaire;
-extension des garanties éligibles aux obligations non garanties émises par les banques (BCE); et
-facilités de prêt permettant aux banques d’acheter des actifs auprès des fonds monétaires (Réserve fédérale).
À la suite de l’intervention des banques centrales, les demandes de rachat ont ralenti et la liquidité s’est améliorée sur les marchés monétaires sous-jacents. Si ces interventions visaient principalement à rétablir la confiance dans la profondeur et la liquidité des marchés de financement à court terme, elles ont également bénéficié indirectement aux fonds monétaires de l’UE.
Les turbulences qu’ont connues les marchés en mars 2020 ont montré que certains segments des marchés financiers n’étaient pas en mesure d’absorber des hausses importantes et soudaines des pressions à la vente. Cela s’explique peut-être aussi par le fait que l’offre de liquidités par les négociants était plus limitée et moins réactive aux augmentations soudaines de la demande qu’avant la crise financière de 2008. Néanmoins, aucun fonds monétaire de l’UE n’a dû introduire de frais de rachat ou de mesures de plafonnement des rachats ni suspendre les rachats en mars 2020. En outre, aucun fonds à VL à faible volatilité n’a dépassé les seuils fixés dans le règlement sur les fonds monétaires pour une conversion en fonds à VLV (l’écart entre la valeur liquidative du marché et la valeur liquidative constante a presque atteint la valeur liquidative constante de 20 points de base pour certains fonds à VL à faible volatilité en USD). Toutefois, il convient d’interpréter ces résultats avec prudence et de les replacer dans leur contexte, compte tenu des interventions des banques centrales qui ont permis de soutenir les marchés.
Depuis février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les tensions géopolitiques qui y sont liées ont eu des répercussions sur les marchés financiers, notamment sur les prix des matières premières et des produits dérivés connexes. Étant donné que les fonds monétaires de l’UE investissent dans des actifs très liquides et à courte échéance présentant un risque de crédit minimal, ils n’ont pas subi de pertes ou de sorties importantes. Les fonds monétaires se sont adaptés à la situation en réajustant leurs participations en faveur d’instruments à échéance encore plus courte, moins exposés au risque de taux d’intérêt, et en augmentant leur liquidité. Il existe certains signes d’incidences indirectes, consistant en ce que des investisseurs vendent d’autres actifs ou se trouvent confrontés à des appels de marge et fassent appel aux fonds monétaires de l’UE pour stocker des liquidités ou y accéder. Toutefois, les entrées et sorties de trésorerie semblaient plutôt équilibrées et aucun fonds monétaire de l’UE n’a dû introduire de frais de rachat ou suspendre les rachats dans cette situation.
En septembre 2022, les tensions rencontrées sur les marchés au Royaume-Uni ont également eu des répercussions sur les fonds monétaires de l’UE présentant une exposition importante aux actifs britanniques et/ou ayant des investisseurs britanniques (notamment les fonds monétaires irlandais, dont environ 60 % de la base d’investisseurs, en termes de montants, provient du Royaume-Uni). Selon les données disponibles, il y a eu une incidence indirecte sur les fonds monétaires libellés en GBP, principalement liée au fait que les investisseurs ont eu besoin d’accéder rapidement à des liquidités à la suite d’appels de marge accrus et de ventes forcées, notamment par des fonds appliquant des stratégies d’investissement fondées sur les engagements. Certains fonds monétaires libellés en GBP ont vu leurs sorties de trésorerie augmenter (cinq fonds ayant enregistré des sorties cumulées de plus de 10 %) peu après l’annonce du «mini budget» britannique le 23 septembre 2022.
La situation s’est rapidement inversée à la suite de l’intervention de la Banque d’Angleterre visant à soutenir le marché des bons d’État (gilt). En octobre 2022, les fonds monétaires de l’UE libellés en GBP ont enregistré des entrées de près de 30 %. En outre, au cours de la dernière semaine de septembre 2022, les fonds monétaires de l’UE libellés en GBP ont pris des mesures en vue de renforcer leur résilience, en augmentant la proportion d’actifs liquides dans leurs portefeuilles, avec des niveaux de liquidité journaliers et hebdomadaires en hausse significative.
Bien qu’un fonds VL à faible volatilité ait été proche de dépasser la limite réglementaire fixée pour l’écart de valeur liquidative, il semble que, dans l’ensemble, le secteur a bien résisté et s’est dûment acquitté de son rôle de stockage de liquidités à court terme. L’épisode d’investissement axé sur les engagements met en évidence le rôle des fonds monétaires en tant qu’instruments de gestion de la liquidité pour les investisseurs institutionnels. Il prouve également l’importance de préserver la résilience du secteur des fonds monétaires face aux différents types de chocs économiques.
En mars 2023, aucune incidence significative sur les fonds monétaires de l’UE n’a été observée à la suite des turbulences dans le secteur bancaire. Aux États-Unis, l’effondrement de la Silicon Valley Bank a conduit certains déposants à s’interroger sur la sécurité des dépôts bancaires, notamment ceux qui dépassent la limite de protection réglementaire. Ces craintes ont entraîné une réorientation vers les fonds monétaires américains, qui offraient des rendements plus élevés et une flexibilité accrue. En outre, les turbulences bancaires ont entraîné une augmentation des entrées de la facilité de prise en pension au jour le jour de la Réserve fédérale durant les dernières semaines de mars 2023. À la suite du rachat de Crédit Suisse par UBS, les fonds monétaires de l’UE ont également enregistré d’importantes entrées, dont 17,7 milliards d’EUR dans des fonds monétaires libellés en EUR en mars 2023, ce qui pourrait être considéré comme une indication que les acteurs du marché perçoivent le secteur des fonds monétaires de l’UE comme étant résilient.
3.Adéquation du RÈGLEMENT SUR LES FONDS MONÉTAIRES d’un point de vue prudentiel et économique
La section suivante examine l’adéquation du règlement sur les fonds monétaires d’un point de vue prudentiel et économique, conformément aux exigences de l’article 46, paragraphe 2, dudit règlement.
Les fonds monétaires constituent une catégorie distincte de fonds d’investissement, étroitement liée, d’une part, aux entreprises actives dans l’économie réelle et le secteur bancaire et, d’autre part, à des pans essentiels des marchés financiers. Ils ont une double fonction économique importante, en tant qu’outil de gestion de la liquidité et de la trésorerie et en tant qu’instrument de financement à court terme pour les entités financières et non financières. Ils ne sont pas homogènes, et leur structure et leurs caractéristiques de risque varient d’un pays à l’autre
3.1.Fonds monétaires et titres de créance émis ou garantis par les États membres de l’UE.
L’article 46, paragraphe 2, points b) et c), du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission d’évaluer le rôle que jouent les fonds monétaires dans l’achat des titres de créance émis ou garantis par les États membres et de tenir compte des caractéristiques de ces titres de créance et de la place que tiennent ces instruments dans le financement des États membres.
En raison de la liquidité comparativement faible et des longues échéances des instruments de dette émis ou garantis par les États membres de l’UE, les fonds monétaires de l’UE n’investissent pas de manière significative dans ces titres. En lieu et place, la majeure partie de l’exposition des fonds monétaires de l’UE à la dette publique concerne des emprunteurs souverains de pays tiers (119 milliards d’EUR à la fin de 2021, soit 74 % du total de l’exposition souveraine). En particulier, la dette publique américaine représente presque l’intégralité des participations en dette souveraine des fonds à VLC (88 milliards d’EUR à la fin de 2021). Pour les fonds à VL à faible volatilité, la dette publique de l’UE représentait 36 % de leur exposition aux obligations d’État à la fin de 2021, tandis que les dettes souveraines britanniques et américaines représentaient environ 60 %. Contrairement à d’autres types de fonds monétaires, la majorité des participations en dette publique détenues par les fonds à VLV sont des instruments de l’UE: ceux-ci représentaient plus de 75 % de leur exposition à la dette publique à la fin de 2021
. Toutefois, les fonds à VLV ont généralement une part de dette publique inférieure à celle d’autres types de fonds monétaires (seulement 7 % de leurs actifs).
En vertu du règlement sur les fonds monétaires, la dette publique à échéance résiduelle plus longue peut encore représenter jusqu’à 17,5 points de pourcentage des 30 % d’actifs à échéance hebdomadaire requis pour les fonds à VL à faible volatilité ou les fonds à VLC de dette publique. Les participants à la consultation indiquent que le plafond de 17,5 % semble incompatible avec le traitement de la dette souveraine dans d’autres cadres législatifs (section 3.2). Toutefois, le règlement sur les fonds monétaires autorise les fonds monétaires à investir jusqu’à 100 % de leurs actifs dans la dette souveraine, et les limites portent uniquement sur les coussins de liquidité des fonds à VL à faible volatilité et des fonds à VLC de dette publique, en raison de l’échéance plus longue et de la volatilité plus élevée de ces actifs par rapport aux actifs à échéance hebdomadaire. Les participants à la consultation indiquent également que de nombreux investisseurs ont recours aux fonds à VLC de dette publique en raison d’une réticence ou d’une incapacité à investir dans des portefeuilles de crédit. Cette situation est généralement due à des exigences spécifiques en matière de garanties, de capital ou de réglementation, par exemple des exigences selon lesquelles les positions de trésorerie ne doivent être garanties que par la dette publique, ou des dispositions réglementaires exigeant par exemple des actifs liquides de haute qualité. D’autres investisseurs indiquent que si les investissements dans les fonds à VLC de dette publique sont réalisés à des fins de diversification, la taille de ces marchés n’est pas suffisante pour répondre aux besoins de certains investisseurs en matière de gestion de trésorerie.
3.2.Définitions uniformes d’une liquidité et d’une qualité de crédit élevées et extrêmement élevées des actifs cessibles
L’article 46, paragraphe 2, point d), du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission de tenir compte du rapport mentionné à l’article 509, paragraphe 3, du règlement (UE) nº 575/2013.
L’article 509, paragraphe 3, du règlement (UE) nº 575/2013 a chargé l’ABE de faire rapport à la Commission sur des définitions uniformes appropriées des actifs cessibles d’une liquidité et d’une qualité de crédit élevées et extrêmement élevées. Les banques investissent dans ces actifs afin de se conformer aux exigences réglementaires en matière de liquidité en vertu des règles définies par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.
L’ABE a publié ce rapport le 20 décembre 2013, tout en recommandant que ses conclusions empiriques soient complétées par un jugement qualitatif/d’experts, également fondé sur des avis prudentiels. Sur la base de l’analyse empirique d’un large éventail d’actifs financiers négociés dans l’UE, l’ABE a établi une distinction entre les actifs d’une liquidité et d’une qualité de crédit élevées et les actifs d’une liquidité et d’une qualité de crédit extrêmement élevées. Conformément aux normes internationales, l’ABE a recommandé de considérer toutes les obligations émises ou garanties par des emprunteurs souverains et des banques centrales de l’Espace économique européen dans la monnaie nationale ainsi que celles émises ou garanties par des établissements supranationaux comme des actifs cessibles d’une liquidité et d’une qualité de crédit extrêmement élevées.
La gestion du risque de liquidité pour les gestionnaires d’actifs comprend une série de garanties: des échéances échelonnées, en particulier pour les actifs moins liquides, des tranches de liquidité journalières et hebdomadaires en fonction de l’échéance des actifs du portefeuille, des règles relatives à la qualité de crédit des actifs, les connaissances de la base d’investisseurs des fonds monétaires, et des règles relatives au comportement et à la liquidité des actifs et à leur corrélation. Depuis 2017, une attention accrue a été accordée au renforcement de la gestion du risque de liquidité, notamment en travaillant sur les simulations de crise, la transparence et la surveillance des fonds monétaires, la définition des actifs liquides et la conformité des actifs aux exigences de liquidité.
En vertu des règles de l’UE en matière de gestion d’actifs, la liquidité d’un actif ne peut pas être automatiquement présumée et un test de liquidité approprié doit être effectué. À cette fin, les gestionnaires d’actifs doivent mettre en place un processus approprié de gestion des risques, qui est systématiquement examiné et adapté à leurs stratégies d’investissement et au type d’investisseurs (obligation de «connaître son client»). La liquidité et la qualité de crédit sont évaluées au cas par cas au niveau des instruments financiers et du portefeuille global.
Par conséquent, si certains actifs peuvent être considérés comme présentant une liquidité élevée ou extrêmement élevée en vertu du cadre bancaire de l’UE, cela n’est pas toujours automatiquement le cas dans le contexte d’un fonds monétaire, et une analyse au cas par cas sera nécessaire pour déterminer la liquidité et la qualité de crédit des actifs d’un fonds.
3.3.Incidence du règlement sur les fonds monétaires sur les marchés de financement à court terme
L’article 46, paragraphe 2, point e), du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission de tenir compte de l’incidence de ce règlement sur les marchés de financement à court terme.
Les fonds monétaires font partie de l’écosystème plus large du financement à court terme. La crise de mars 2020 a mis au jour certaines vulnérabilités structurelles, des lacunes dans les données ainsi que des incertitudes réglementaires sur les marchés européens du financement à court terme. Bien que ces aspects ne relèvent pas du champ d’application du règlement sur les fonds monétaires, ils n’en sont pas moins importants pour le bon fonctionnement des fonds monétaires de l’UE.
Le marché du financement à court terme est un marché d’intermédiation de gré à gré entre négociants, que l’on sait opaque et fragmenté. Les informations pertinentes sont réparties sur de nombreuses plateformes de négociation, dont aucune n’est en mesure de fournir une image complète du marché, en raison de déclarations incomplètes, d’un champ d’action peu clair, de terminologies incohérentes, etc.
L’étude montre également que l’activité sur le marché secondaire (cours acheteur, cours vendeur, prix, volumes, etc.) est presque totalement opaque. Cela complique la découverte des prix, crée des inefficacités sur ces marchés et rend difficile pour les fonds monétaires de surveiller les risques de manière appropriée en situation de crise, en plus d’empêcher les régulateurs d’évaluer avec précision la liquidité structurelle du marché. Une transparence accrue pourrait contribuer à rendre les marchés de financement à court terme plus dynamiques et plus résilients, en réduisant ainsi également le risque associé aux fonds monétaires en cas de crise grave.
La plupart des participants à la consultation, y compris ceux du secteur financier et les autorités de surveillance, ont souligné la nécessité d’accroître la transparence et de faciliter la découverte des prix sur les marchés des titres à court terme, en exigeant davantage d’informations sur ce qui est négocié et sur les encours.
En outre, compte tenu de la faible liquidité et de l’opacité de ce marché, il existe un risque que des tensions sur le marché se répercutent sur d’autres fonds monétaires, dans le cadre de ce que l’on appelle une dynamique de contagion. Pour satisfaire les demandes de rachat, les fonds monétaires doivent investir dans des actifs suffisamment liquides. Ces instruments liquides comprennent les prises en pension (souvent au jour le jour), les bons du trésor et les dépôts bancaires. D’autres instruments (certificats de dépôt, billets de trésorerie) ne peuvent pas toujours être vendus rapidement (étant donné qu’ils sont normalement détenus jusqu’à l’échéance et que les marchés secondaires ne sont pas suffisamment profonds, ce qui accroît l’incidence sur les prix en cas de vente), mais ils ont une échéance très courte. En cas de retraits massifs, les fonds monétaires utiliseraient d’abord le produit des actifs arrivant à échéance ou mettraient fin à leurs opérations de prise en pension afin de répondre aux demandes de rachat. Si les retraits massifs se poursuivaient, les fonds monétaires vendraient leurs actifs liquides sans investir davantage dans des instruments à court terme, ce qui entraînerait un assèchement soudain des sources de financement pour les entreprises.
En principe, cette dynamique de contagion serait évitée si les fonds monétaires pouvaient investir leurs liquidités dans des instruments pour lesquels des retraits rapides n’entraîneraient pas une contagion du marché. Un instrument satisfaisant à cette exigence serait un dépôt auprès de la banque centrale elle-même. Une étude de cas de ce type peut être trouvée aux États-Unis, où les fonds monétaires peuvent placer leurs liquidités excédentaires dans la facilité de prise en pension au jour le jour de la Réserve fédérale des États-Unis. En plus d’empêcher une dynamique de contagion en cas de pénurie de liquidités, cette facilité confère également au secteur des fonds monétaires américains un avantage par rapport aux fonds monétaires de l’UE sur le plan de la flexibilité de la gestion de leurs entrées de liquidités. Cela a été illustré par la crise bancaire déclenchée par l’effondrement de la Silicon Valley Bank, qui a provoqué une augmentation des entrées dans les fonds monétaires américains, ayant elle-même ultérieurement engendré un accroissement de l’utilisation de la facilité de la Réserve fédérale durant les dernières semaines de mars 2023. En mars 2023, les fonds monétaires et les autres participants éligibles détenaient plus de 2 300 milliards d’USD dans cette facilité
3.4.Évolution du cadre réglementaire au niveau international
L’article 46, paragraphe 2, point f), du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission de tenir compte de l’évolution du cadre réglementaire au niveau international.
Les événements liés à la pandémie ont créé une forte impulsion en faveur d’un renforcement du cadre réglementaire applicable aux fonds monétaires. Cette impulsion s’est traduite par plusieurs propositions formulées par l’AEMF, le CERS et le CSF visant à réformer le cadre réglementaire applicable aux fonds monétaires, à limiter les risques systémiques et à faire en sorte que le secteur des fonds monétaires puisse résister à une éventuelle future crise de liquidité ou de marché. Les options proposées par les différentes autorités et institutions peuvent être regroupées comme suit: 1) réduire le risque de retraits massifs (notamment en supprimant les caractéristiques de certains fonds monétaires qui les apparentent à des dépôts bancaires), 2) renforcer la liquidité des fonds monétaires et leur capacité à absorber les pertes, et 3) prendre des mesures pour se préparer aux crises futures. Ces propositions sont énumérées dans le tableau 2 et détaillées ci-dessous.
Tableau 2 – Principales propositions d’action
Objectifs
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Propositions d’action
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1) AEMF
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2) CERS
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3) CSF
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Réduire le risque de retraits massifs
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Supprimer la possibilité d’utiliser le coût amorti pour les fonds à VL à faible volatilité
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Oui
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Oui
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Oui
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Dissocier l’activation des outils de gestion de la liquidité des seuils réglementaires applicables aux fonds à VL à faible volatilité et aux fonds à VLC
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Oui
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Oui
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Oui
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Imposer aux investisseurs procédant à des rachats d’en supporter le coût
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Oui
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Oui
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Renforcer la liquidité des fonds monétaires et leur capacité à compenser les pertes
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Règles relatives à l’utilisation des outils de gestion de la liquidité
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Oui
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Oui
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Oui
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Modifications du ratio de liquidité journalier et hebdomadaire
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Oui
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Oui
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Imposition d’un ratio minimal d’investissement dans la dette publique
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Participation volontaire
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Oui
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Plus de facilité d’utilisation des liquidités détenues en période de tensions
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Oui
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Oui
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Introduction d’un solde minimum pour risques
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Oui
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Coussin de fonds propres
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Oui
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Autres mesures
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Amélioration du cadre des simulations de crise
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Oui
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Oui
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Soutien externe (intégration de la déclaration de l’AEMF dans la législation)
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Oui
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Règles relatives à la publication des notations des fonds monétaires
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Oui
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Obligations de comptes rendus plus avancées
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Oui
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Oui
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Ø
ESMA opinion to reform MMF Regulation
, 14 February 2022
ØRecommendation of the ESRB on reform of MMF, 25 January 2022
ØFSB recommendations to the G20 on MMFs reforms, 11 October 2021 (
Policy proposals to enhance money market fund resilience
).
ØUS Securities and Exchange Commission (SEC) draft amendments to MMF rules, 15 December 2021 (
MMF Reforms
) for public consultations.
ØFinancial Conduct Authority (FCA) and Bank of England joined discussion paper on MMF, May 2022 (
Resilience of Money Market Funds)
for consultation until 23 July 2022.
(*) proposal to require a minimum holding in highly liquid assets including public debt and maximum holding of assets with lower liquidity under stressed market (e.g. 40% in private sector certificates of deposit and commercial paper).
(**) The Bank of England and the Financial Conduct Authority are contemplating launching a consultation on the removal of the stable NAV from LVNAVs. LVNAVs would have similar rules as short term VNAVs. They also consider limiting the size of the public debt CNAV market.
3.4.1.Réduire le risque de retraits massifs
Plusieurs organisations internationales et organes de surveillance tels que le CERS et l’AEMF ont recommandé que les fonds à VL à faible volatilité deviennent des fonds à VL variable, suivant l’exemple des États-Unis. Une telle modification viserait à réduire le risque de retraits massifs causés par des effets de seuil en limitant les possibilités pour les investisseurs d’obtenir un rachat auprès d’un fonds monétaire à des prix constants, ce qui, en période de tensions sur le marché, ne reflète pas nécessairement les évaluations actuelles des actifs sous-jacents sur le marché. À cette fin, ces organisations internationales et organes de surveillance proposent d’interdire l’utilisation de la méthode de comptabilisation au coût amorti et de l’arrondi à la 2e décimale associé, qui permet aux fonds à VL à faible volatilité d’offrir un prix de rachat stable.
Toutefois, cette option impliquerait un changement radical pour le marché des fonds monétaires de l’UE, et notamment la disparition du marché des fonds à VL à faible volatilité. La transition d’une VL stable à une VL variable supprimerait les caractéristiques de ces produits qui les apparentent à des dépôts bancaires, soit l’un des principaux objectifs que les investisseurs citent pour justifier l’utilisation de ces fonds monétaires. La majorité des participants à la consultation se sont montrés plutôt critiques quant à la suppression des fonds à VL à faible volatilité. La plupart ont estimé que, dans un tel cas de figure, certains investisseurs risquaient de quitter le marché des fonds monétaires. La disponibilité limitée de solutions de remplacement et de substituts économiquement viables aux fonds à VL à faible volatilité pourrait amener les investisseurs à se tourner vers des produits moins réglementés.
À titre d’alternative, les investisseurs actuels des fonds à VL à faible volatilité pourraient investir dans des fonds à VLC de dette publique (représentant actuellement 11 % du marché), dans des fonds à VLV (en particulier des fonds à VLV à court terme) ou directement sur le marché à court terme. Toutefois, les réponses à la consultation des parties prenantes indiquent que le segment des fonds à VLC de dette publique est trop petit pour répondre aux besoins des investisseurs en matière de gestion de trésorerie et qu’il ne répond pas à leurs exigences de liquidité. En outre, les participants à la consultation déclarent que l’élimination des fonds à VL à faible volatilité se traduirait par une concurrence accrue pour les actifs publics, qui sont utilisés comme actifs liquides de haute qualité par les banques, ainsi que par de nombreux autres investisseurs à des fins de gestion de la liquidité.
Certains notent que les fonds à VLV à court terme pourraient constituer une solution alternative, mais soulignent des incertitudes quant à leur traitement comptable en tant que «trésorerie ou équivalents de trésorerie» sur différents territoires. En outre, de telles modifications auraient également des implications fiscales. La plupart des participants à la consultation indiquent que si les fonds à VL à faible volatilité n’étaient plus disponibles, ils se rabattraient sur les dépôts bancaires, bien que ceux-ci entraîneraient une augmentation du risque de crédit de contrepartie et réduiraient considérablement la diversification des risques par rapport aux portefeuilles diversifiés offerts par les fonds monétaires.
Dans l’ensemble, les participants à la consultation trouvent utiles les fonds à VL à faible volatilité et apprécient, en particulier, leur facilité opérationnelle d’utilisation pour les investisseurs, compte tenu de la capacité d’arrondir le cours de l’action dans les limites des 20 points de base. Si les fonds à VL à faible volatilité disparaissent, les participants craignent qu'il manque d’autres options d’investissement et de diversification des risques. Il convient également de tenir compte de la résilience des fonds à VL à faible volatilité lors de la crise de mars 2020: en effet, aucun d’entre eux n’a activé d’outils de gestion de la liquidité ou ne s’est transformé en fonds à VLV au cours de cette période.
3.4.2.Renforcer la liquidité des fonds monétaires et leur capacité à compenser les pertes
Les autorités prudentielles et de surveillance ont proposé une série d’options stratégiques visant à renforcer davantage la capacité des fonds monétaires à faire face à des demandes de rachat élevées et à protéger l’intérêt public et la stabilité financière.
Bien que le lien entre l’utilisation d’outils de gestion de la liquidité et les niveaux de liquidité ne soit pas automatique dans le règlement sur les fonds monétaires, le non-respect de l’exigence minimale de 30 % d’actifs à échéance hebdomadaire peut potentiellement entraîner l’imposition de mesures de plafonnement des rachats ou de frais de rachat. Cela semble avoir contraint les gestionnaires de fonds à ne pas utiliser leurs participations en actifs à échéance hebdomadaire pour financer l’augmentation des demandes de rachat en mars 2020, par crainte que descendre en dessous du seuil minimal fixé pour ces actifs n’entraîne de nouvelles demandes de rachat, les investisseurs ayant anticipé l’imposition d’outils de gestion de la liquidité. Le fait de dissocier totalement l’utilisation potentielle d’outils de gestion de la liquidité du non-respect des exigences minimales en matière de liquidités pourrait ainsi accroître la capacité des gestionnaires de fonds à financer des remboursements accrus en période de tensions. Cette proposition est celle qui recueille jusqu’à présent le plus grand soutien parmi les parties prenantes.
La proposition visant à assouplir les limites existantes applicables aux actifs de dette publique éligibles dans le cadre de tranches de liquidité est vivement soutenue par la BCE, qui souhaite que les investissements dans ces actifs soient rendus obligatoires. En ce qui concerne le caractère contraignant et le niveau des investissements dans ces actifs, les points de vue des parties prenantes sont partagés, en raison de l’incidence variable de ces investissements sur la rentabilité des fonds monétaires et sur la disponibilité de la dette publique éligible. Les parties prenantes se disent également inquiètes à l’idée de transférer le risque de liquidité vers le marché souverain. Bien que la dette publique puisse constituer un outil essentiel pour gérer la liquidité des fonds monétaires, la récente crise britannique a montré qu’elle n’était pas à l’abri d’épisodes de volatilité des prix. En outre, il existe un risque qu’un relèvement des limites existantes applicables aux actifs de dette publique éligibles se traduise par une concentration excessive des investissements des fonds monétaires sur ces titres, alors que la diversification des investissements dans différentes catégories d’actifs constitue une garantie importante.
Plus généralement, les propositions visant à revoir à la hausse les exigences minimales en matière de détention d’actifs liquides, bien qu’elles ne soient pas contestées sur le fond, sont difficiles à mettre en œuvre et peuvent avoir des conséquences non souhaitées. En effet, si les règles relatives au ratio de couverture des besoins de liquidité prévoient une définition des actifs liquides de haute qualité, dans le secteur de la gestion d’actifs, il est difficile de définir les actifs liquides (par exemple, les obligations d’État peuvent également être confrontées à des conditions de marché tendues). En outre, les gestionnaires de fonds monétaires gèrent la liquidité en adoptant une approche globale incluant des échéances échelonnées, l’utilisation d’opérations de prise en pension et les caractéristiques de leur base d’investisseurs (y compris la concentration des investisseurs). De surcroît, des seuils contraignants supplémentaires introduiraient une rigidité dans la mise en œuvre des politiques de gestion du risque de liquidité des gestionnaires d’actifs, y compris des simulations de crise, avec des effets potentiellement indésirables.
Il existe des divergences de vues entre les parties prenantes, compte tenu du rôle et de la fonction des fonds monétaires, quant à l’incidence réelle des recommandations visant à donner aux gestionnaires de fonds la possibilité de transférer le coût des rachats aux investisseurs (en imposant différents types d’outils de gestion de la liquidité fondés sur les prix, également connus sous le nom d’ajustement de la valeur liquidative, ou «swing pricing»), comme l’ont recommandé le CSF et le CERS et l’a proposé la Securities and Exchange Commission des États-Unis. Conformément aux recommandations du CSF et du CERS, la proposition de révision des directives sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et les OPCVM vise à élargir l’éventail des outils de gestion de la liquidité des fonds dans l’UE et à harmoniser leur utilisation. Les fonds monétaires de l’UE bénéficieront du réexamen des directives sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et sur les OPCVM, qui permettra aux gestionnaires d’actifs de sélectionner les outils de gestion de la liquidité les plus appropriés dans une liste spécifique.
Le CSF a présenté des propositions visant à accroître la capacité d’absorption des pertes des fonds monétaires, notamment en imposant des contraintes pour les actions qui peuvent être rachetées immédiatement (ce qu’on appelle le «solde minimum pour risques») et en exigeant des fonds monétaires qu’ils maintiennent des coussins de fonds propres, par exemple en dehors du fonds monétaire sur un compte de garantie bloqué financé par des gestionnaires de fonds. Ces types de solutions réduiraient l’avantage du précurseur pour les investisseurs, car ils atténueraient le risque que des pertes soient imposées aux investisseurs restants. Toutefois, soit ces solutions n’ont pas encore été testées et sont subordonnées à d’importants ajustements opérationnels (pour le «solde minimum pour risques»), soit elles rendraient le fonctionnement des fonds monétaires plus coûteux et entraîneraient donc probablement la fermeture de certains d’entre eux (pour les coussins de fonds propres) ainsi que des rendements plus faibles pour les investisseurs.
3.4.3.Autres mesures
Plusieurs autres mesures, qui ne sont pas directement liées aux opérations des fonds monétaires, ont également été proposées par l’AEMF et le CSF et méritent une évaluation plus approfondie. Ces mesures concernent essentiellement les comptes rendus et les simulations de crise. De même, d’autres propositions des parties prenantes, telles qu’un renforcement de la surveillance, pourraient faire l’objet d’un examen plus approfondi.
3.5.Faisabilité de l’instauration d’un quota minimal de 80 % de dette publique de l’Union
L’article 46, paragraphe 2, du règlement sur les fonds monétaires impose à la Commission d’évaluer la faisabilité d’instaurer un quota de 80 % de dette publique de l’Union.
Pour ce faire, elle doit considérer la disponibilité des instruments de dette publique de l’Union à court terme et évaluer si les fonds à VL à faible volatilité pourraient constituer une alternative appropriée aux fonds à VLC de dette publique ciblant des instruments dans d’autres monnaies.
Le considérant 56 du règlement sur les fonds monétaires indique qu’un tel quota peut être «justifi[é] [...] du point de vue de la surveillance prudentielle», étant donné que «l’émission des instruments de dette publique à court terme de l’Union est régie par le droit de l’Union». Toutefois, deux difficultés majeures rendent un tel quota impossible à instaurer dans la pratique.
La première difficulté est l’inadéquation entre, d’une part, les fonds à VLC de dette publique actuellement disponibles dans l’UE (qui sont principalement libellés en USD ou GBP, un seul fonds à VLC de dette publique relativement petit étant libellé en EUR) et, d’autre part, la monnaie dans laquelle la dette publique est libellée dans l’UE. Les données de Darpeix montrent que la grande majorité (environ 90 %) des titres de créance à court terme émis par les pays de l’UE (qu’ils appartiennent ou non à la zone euro) sont libellés en EUR, 5 % seulement étant libellés en USD. L’inadéquation entre les dénominations des fonds eux-mêmes et celles des instruments de dette publique disponibles implique que les fonds à VLC de dette publique de l’UE investissent principalement dans des instruments émis par les États-Unis et le Royaume-Uni.
Les résultats de la consultation publique indiquent que, même avec l’imposition d’un quota de dette publique de l’Union, les investisseurs dans les fonds à VLC libellés en USD et en GBP ne se tourneraient probablement pas vers des fonds monétaires de dette publique libellés en EUR, et ce pour deux raisons principales.
-Premièrement, les clients tiennent principalement et simultanément compte des aspects liés au risque souverain et au risque de change. Par exemple, les clients qui investissent dans des fonds monétaires libellés en USD préfèrent être exposés à la dette et à la monnaie américaines plutôt qu’à la dette et à la monnaie de l’UE. Ces réticences sont aussi étroitement liées à la fonction économique des fonds monétaires en tant que réserve de liquidité dans une monnaie donnée.
-Deuxièmement, il existe des risques liés à la faible diversification et à la liquidité relativement faible de la dette publique à court terme libellée en EUR. Les commentaires des parties prenantes indiquent que les fonds monétaires préfèrent investir dans des actifs dont l’échéance est inférieure à trois mois, ce qui est difficile à réaliser avec le marché actuel de la dette publique libellée en EUR.
La deuxième difficulté réside dans le fait qu’un tel quota pourrait avoir des conséquences négatives sur la stabilité financière. Les banques doivent être exposées à la dette publique pour se conformer aux exigences de Bâle III en matière de liquidité. Un quota minimal de 80 % de dette publique de l’Union signifierait que les fonds monétaires cibleraient les mêmes instruments que les banques. En conséquence, il y aurait une multitude d’investisseurs qui investiraient dans la même catégorie d’actifs, ce qui augmenterait les risques de contagion et d’instabilité financière en cas de crise, en raison d’expositions sous-jacentes communes qui amplifieraient la boucle de réaction entre le risque financier et le risque souverain.
À la lumière de l’analyse qui précède, l’opportunité d’instaurer un quota minimal de 80 % de dette publique de l’Union pour les fonds monétaires de l’UE reste discutable. Toutefois, même sans imposer de quota, des fonds à VLC de dette publique davantage axés sur l’euro pourraient apparaître sur le marché à la suite de la récente augmentation des taux d’intérêt dans la zone euro, ce qui pourrait contribuer à placer davantage de dette souveraine à court terme libellée en EUR dans les fonds à VLC de dette publique de l’UE.
4. Conclusions
Par le présent rapport, la Commission s’acquitte de l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 46, paragraphe 1, et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement sur les fonds monétaires de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport réexaminant si ledit règlement est approprié d’un point de vue à la fois prudentiel et économique.
Ce rapport montre que le règlement sur les fonds monétaires a subi avec succès l’épreuve de la crise de liquidité à laquelle les fonds monétaires ont été confrontés lors des turbulences qu’a connues le marché en mars 2020 en raison de la COVID-19, des récentes hausses des taux d’intérêt et de la réévaluation correspondante des prix des actifs financiers. Aucun fonds monétaire basé dans l’UE n’a dû introduire de frais de rachat ou de mesures de plafonnement des rachats ni suspendre les rachats pendant ces événements sources de tensions. De même, les fonds monétaires de l’UE axés sur les actifs en GBP ont résisté à la pression générée par les retraits massifs liés à la crise du marché des bons d’État britanniques en septembre 2022.
Ces expériences montrent que les garanties prévues par le règlement sur les fonds monétaires ont fonctionné comme prévu, y compris les garanties qui ont été conçues afin de permettre aux fonds à VL stable (les fonds à VLC et les fonds à VL à faible volatilité) de continuer d’utiliser, sous certaines conditions, la méthode du coût amorti sans créer de risques systémiques ni nuire aux investisseurs.
En introduisant un régime spécifique, le règlement sur les fonds monétaires a considérablement renforcé le cadre réglementaire applicable aux fonds monétaires dans l’UE, qui étaient auparavant soumis à des règles différentes. Toutefois, après cinq ans d’application du règlement sur les fonds monétaires, le présent rapport recense les lacunes qui devraient faire l’objet d’un examen plus approfondi. En particulier, les résultats de la consultation des parties prenantes et l’évolution récente du marché montrent qu’il pourrait être possible d’accroître encore la résilience des fonds monétaires de l’UE, notamment en dissociant l’activation potentielle d’outils de gestion de la liquidité des seuils de liquidité réglementaires. Le rapport met également en évidence les problèmes structurels extérieurs aux fonds monétaires et, partant, au règlement sur les fonds monétaires, y compris ceux liés aux marchés à court terme sous-jacents. Ces problèmes structurels mériteraient une évaluation plus approfondie et font en outre actuellement l’objet d’une analyse plus approfondie au niveau du CSF.
Enfin, les fonds monétaires de l’UE bénéficieront de la révision en cours des directives sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et sur les OPCVM, qui vise à introduire de nouvelles règles harmonisées afin d’accroître la disponibilité des outils de gestion de la liquidité pour les fonds de type ouvert. Ce nouveau cadre pour les outils de gestion de la liquidité renforcera encore la résilience de la gestion de la liquidité des fonds monétaires de l’UE en cas de crise.