COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 29.11.2017
COM(2017) 708 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN
Orientations sur certains aspects de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle
{SWD(2017) 431 final}
{SWD(2017) 432 final}
I.INTRODUCTION
Les droits de propriété intellectuelle (ci-après les «DPI») protègent les biens incorporels, permettant aux créateurs, aux inventeurs et aux artistes de tirer profit de leurs activités créatives et innovatrices. Les biens incorporels représentent plus de la moitié de la valeur des entreprises et leur importance va croissante. Dans un monde où les entreprises de l’UE font face à une concurrence accrue en termes d’innovation, de créativité et de qualité, la propriété intellectuelle (ci-après la «PI») est un instrument utile pour renforcer la compétitivité de l’ensemble des entreprises, y compris les PME.
La directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle (ci-après la «directive» ou la «directive IPRED») prévoit un ensemble minimal, mais homogène de mesures, de procédures et de réparations permettant de faire respecter efficacement les droits de propriété intellectuelle. L'objectif de la directive IPRED consiste à rapprocher ces législations afin d'assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle sur le marché intérieur.
L’évaluation de la directive a montré que les mesures, les procédures et les réparations exposées dans la directive IPRED ont effectivement contribué à mieux protéger les DPI dans l’ensemble de l’UE et à mieux régler les cas d’atteintes aux DPI soumis aux tribunaux civils. La directive a conduit à la création d’un cadre législatif commun prévoyant le recours à un même ensemble d’outils partout dans l’Union. À cet égard, elle a permis d’atteindre l’objectif de rapprochement des législations des États membres pour les besoins de la mise en œuvre des DPI.
Les mesures, procédures et réparations prévues par la directive ne sont toutefois pas mises en œuvre et appliquées de manière uniforme par les États membres. Ceci s’explique par le fait que la directive prévoit une harmonisation minimale (l’article 2 permet expressément de prévoir des moyens qui sont plus favorables aux titulaires de droits), qu’il n’existe pas d’interprétation uniforme des dispositions de la directive et qu’il y a des différences entre les procédures de droit civil et les traditions judiciaires nationales. Le cadre législatif de l’UE pour l’application au civil des DPI pourrait donc bénéficier de la clarification de certains aspects de la directive, de manière à déboucher sur une interprétation et une application plus cohérentes et plus efficaces.
Ceci étant, il est clair aussi que le champ d’application de la directive IPRED, même si elle est appliquée convenablement, ne vise qu’à réglementer les mesures, procédures et réparations permettant de faire respecter au civil les DPI. En tant que telle, la directive IPRED ne permet donc pas de traiter l’ensemble des problèmes observés par les parties prenantes dans le cadre de l’évaluation de la directive, en particulier ceux qui concernent plus généralement la protection des DPI en dehors du cadre des litiges ou préalablement à ceux-ci. Par exemple, certaines parties prenantes souhaiteraient des éclaircissements ou un réexamen des règles sur la limitation de la responsabilité des services d’intermédiation, qui est traitée en premier lieu dans la directive sur le commerce électronique. La Commission a tenu compte du retour d’informations reçu de la part des parties prenantes sur cette question et, si elle s’est engagée à maintenir le régime actuel de responsabilité, elle a aussi – dans une récente initiative – clarifié la responsabilité des intermédiaires en ce qui concerne la détection et la suppression des contenus en ligne illicites (y compris les contenus portant atteinte aux DPI).
C’est dans ce contexte, et notamment sur la base des réactions des parties prenantes durant l’évaluation de la directive IPRED, que la Commission a décidé de publier les présentes orientations en vue de clarifier ses vues sur les dispositions de la directive qui ont fait l’objet d’interprétations divergentes.
Les présentes orientations font partie intégrante d’un vaste train de mesures concernant les DPI. Les défis liés à l’application des DPI qui ne concernent pas l’interprétation et l’application de ces dispositions, de même que les moyens envisageables pour relever ces défis, sont présentés dans la communication de la Commission intitulée «Un système équilibré d’application des DPI répondant aux défis sociétaux d’aujourd’hui», laquelle fait également partie de ce train de mesures.
Les présentes orientations mettent l’accent sur les dispositions suivantes de la directive IPRED:
·champ d’application (articles 1er et 2)
·objet et obligation générale (article 3)
·personnes ayant qualité pour demander l'application des mesures, procédures et réparations (article 4)
·présomption de la qualité d'auteur ou de titulaire du droit (article 5)
·preuves et éléments de preuve (articles 6 et 7)
·droit d'information (article 8)
·injonctions (articles 9 et 11)
·mesures correctives (article 10)
·dommages-intérêts (articles 13)
·frais de justice (article 14).
Les présentes orientations visent à faciliter l’interprétation et l’application de la directive par les autorités judiciaires compétentes et les autres parties concernées par la mise en œuvre des DPI dans les procédures soumises auxdites autorités. Plus précisément, les orientations visent à:
- améliorer l’efficacité et l’efficience du cadre d’application civile des DPI (partie II),
- assurer une approche équilibrée en matière d’application des DPI et de prévention d’usage abusif des mesures, procédures et réparations exposées dans la directive (partie III),
- assurer la bonne application des DPI, y compris dans un environnement numérique (partie IV),
- tenir compte de la dimension «marché unique» dans l’application des DPI (partie V).
Si les orientations prennent en considération le fait que les mesures, procédures et réparations exposées dans la directive sont accessibles à tous les utilisateurs des systèmes d’application des DPI, elles accordent une attention accrue aux moyens qui revêtent une importance toute particulière pour les PME. Elles s’intéressent notamment aux règles de calcul des dommages-intérêts et des frais de justice ainsi qu’aux moyens de prévenir les abus.
Les vues exposées dans les orientations sont basées sur les décisions préjudicielles rendues par la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la «CJUE») depuis l’adoption de la directive et sur les conclusions de l’évaluation de la directive IPRED, y compris les consultations publiques, ainsi que les meilleures pratiques recensées au niveau national. Ces orientations associent par conséquent une interprétation juridique de référence avec les avis de la Commission qui pourraient servir d’inspiration aux utilisateurs des orientations.
Le présent document n’est pas juridiquement contraignant et les orientations fournies n’affectent en rien la jurisprudence de la CJUE. Les orientations devraient simplifier l’interprétation de la directive IPRED et, ce faisant, sensibiliser et contribuer à la politique de mise en œuvre de la Commission au titre de l’article 258 TFUE.
II.AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET L’EFFICIENCE DU CADRE D’APPLICATION CIVILE DES DPI
1.Veiller à une indemnisation appropriée pour le préjudice subi
Le montant imprévisible de l’indemnité à accorder et la faible probabilité d’obtenir une indemnisation adéquate en contrepartie du préjudice subi figuraient au nombre des principales raisons invoquées pour expliquer pourquoi les titulaires de droits ne cherchent pas à obtenir gain de cause par une procédure au civil en cas d’atteinte aux DPI. Cet aspect revêt une importance particulière pour les PME.
En pratique, l’évaluation des dommages subis lors d’une atteinte aux DPI peut s’avérer difficile. De ce fait, les titulaires de droits, les services judiciaires, les professionnels du droit et le public ont demandé davantage de clarté dans le calcul des dommages-intérêts, de même qu’une répartition plus équitable des sommes octroyées.
Calcul des dommages et intérêts
Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de la directive, les États membres sont tenus de permettre aux autorités judiciaires compétentes d’ordonner au contrevenant qui s'est livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l'atteinte. Lorsque le contrevenant s'est livré à une activité contrefaisante sans le savoir ou sans avoir de motifs raisonnables de le savoir, les États membres peuvent prévoir que les autorités judiciaires pourront ordonner le recouvrement des bénéfices ou le paiement de dommages-intérêts susceptibles d'être préétablis (article 13, paragraphe 2).
Selon l’article 13, paragraphe 1, les dommages-intérêts doivent être adaptés au préjudice réellement subi du fait de l'atteinte. L’objectif est de réparer ce préjudice dans son intégralité.
La directive prévoit deux possibilités d’indemnisation pour de tels dommages. Leur montant peut être déterminé par les autorités judiciaires:
·en prenant en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas échéant, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte [article 13, paragraphe 1, point a)],
·à titre d'alternative, en décidant, le cas échéant, de fixer un montant forfaitaire pour les dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que –au minimum – le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question [article 13, paragraphe 1, point b)].
Le but de cette disposition consiste non pas à introduire une obligation de dommages-intérêts punitifs, mais à permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit, notamment les frais de recherche et d'identification.
Le libellé de l’article 13, paragraphe 1, de la directive IPRED indique que les États membres sont tenus de veiller à ce que les deux méthodes de fixation des dommages-intérêts établies dans cette disposition se reflètent dans le droit national. À la différence de l’article 13, paragraphe 2, il n’y a donc pas deux options pour les États membres; en fait, il appartient au demandeur et, en dernier ressort, à l’autorité judiciaire compétente de décider laquelle de ces deux méthodes doit être appliquée pour fixer le montant des dommages-intérêts dans un cas donné.
Lorsqu’il y a lieu de choisir entre deux méthodes dans un cas donné, le libellé de l’article 13, paragraphe 1, indique que, «dans des cas appropriés», il faudrait appliquer la méthode du montant forfaitaire des dommages-intérêts, laquelle est visée au point b) dudit paragraphe. Le considérant 26 de la directive IPRED donne un exemple, à savoir celui des situations dans lesquelles il serait difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi. Il a été rapporté que, dans certains cas, les règles nationales applicables ne permettent aux requérants de solliciter le calcul de dommages-intérêts en application de cette méthode que s’il est impossible de recourir à la méthode visée au point a). De l’avis de la Commission, une telle interprétation n’est pas conforme à la directive, étant donné que le considérant 26 ne mentionne ce cas qu’à titre d’exemple et qu’il renvoie également au fait que le recours à l’autre méthode est difficile, mais pas impossible. Au vu du considérant 17, des exigences générales de l’article 3, y compris en ce qui concerne l’efficacité et la proportionnalité, ainsi que de l’objectif consistant à permettre une indemnisation basée sur un critère objectif, il conviendrait de déterminer s’il y a lieu d’appliquer la méthode du versement forfaitaire en se basant sur les circonstances de chaque cas particulier.
De l’avis de la Commission, la possibilité de verser des dommages-intérêts sur la base d’un montant forfaitaire conformément à l’article 13, paragraphe 1, point b), constitue une solution de substitution à la méthode, exposée à l’article 13, paragraphe 1, point a), qui nécessite l’identification et la quantification de tous les aspects appropriés, et les autorités judiciaires compétentes devraient en principe avoir la possibilité d’appliquer l'une ou l'autre de ces deux méthodes. Ce mêmes autorités devraient être en mesure d’accorder des dommages-intérêts fixés sur la base d’une somme forfaitaire au titre du point b) lorsqu’elles considèrent qu’il s’agit là d’une solution appropriée à la lumière des circonstances du cas particulier qui leur est soumis, notamment lorsqu’il est difficile de fixer le montant des dommages-intérêts sur la base de la méthode exposée au point a).
Dommages-intérêts pour préjudice moral
Une difficulté a été signalée en ce qui concerne le calcul des dommages-intérêts lorsqu’il est possible d’obtenir une indemnisation pour le préjudice moral subi. Au nombre des exemples de dommages-intérêts réclamés pour préjudice moral figurent des cas dans lesquels le préjudice portait sur la réputation du titulaire du droit, le stress émotionnel subi, une souffrance induite par une infraction, etc..
À cet égard, l’article 13, paragraphe 1, point a), de la directive IPRED est clair, dans la mesure où il mentionne expressément le fait que des éléments autres que des facteurs économiques, tels que le préjudice moral subi par le titulaire du droit, peuvent constituer des «aspects appropriés» à prendre en compte pour fixer le montant des dommages-intérêts conformément à la méthode prévue dans ladite disposition.
L’article 13, paragraphe 1, point b), de la directive IPRED ne mentionne pas expressément la possibilité d’une indemnisation de préjudice moral lors du calcul des dommages-intérêts conformément à la méthode du montant forfaitaire. Toutefois, la CJUE a indiqué que cette disposition ne s’opposait pas non plus à l’octroi d’une telle indemnisation et qu’il est en fait obligatoire de tenir compte du préjudice moral subi lors du calcul du montant forfaitaire de l’indemnité en vue d’atteindre l’objectif de réparation intégrale du préjudice réellement subi.
Une partie qui a subi un préjudice pour atteinte aux DPI et qui introduit une demande de dommages-intérêts, fixée conformément à la méthode du montant forfaitaire visée à l’article 13, paragraphe 1, point b), de la directive IPRED, peut demander et, le cas échéant, se voir accorder, non seulement l’indemnisation des dommages matériels subis, mais aussi du préjudice moral causé par cette atteinte.
Montant forfaitaire de dommages-intérêts
L’évaluation IPRED mentionne que des difficultés ont été rencontrées en ce qui concerne le calcul des dommages-intérêts sur la base de la méthode visée à l’article 13, paragraphe 1, point b). En particulier, il a été affirmé que l’octroi de dommages-intérêts correspondant au montant unique de la redevance ou du droit n’était pas suffisant pour compenser le préjudice réellement subi et n’avait pas d’effet suffisamment dissuasif. Dans ce contexte, la question a été posée de savoir si la directive prévoit la possibilité d’accorder des dommages-intérêts correspondant à un multiple de la redevance ou du droit hypothétique.
Dans une affaire récente, la CJUE a indiqué qu’un titulaire des droits économiques liés à des droits d’auteur qui ont été bafoués pouvait demander à la personne qui a porté atteinte à ces droits de l’indemniser pour les pertes occasionnées en versant une somme correspondant au double du montant d’une redevance ou d’un droit hypothétique, dans les cas où le droit national applicable prévoit une telle possibilité. La CJUE a en outre expliqué qu’en cas d’atteinte à un DPI, le simple paiement d’une redevance hypothétique ne garantissait pas l’indemnisation de l’ensemble du préjudice réellement subi. En effet, le paiement d’une redevance hypothétique ne permettait pas, en tant que tel, de rembourser l’ensemble des frais liés à la recherche et à l’identification d’éventuelles atteintes aux DPI, à l’indemnisation du préjudice moral éventuellement subi ou au paiement d’intérêts sur le montant dû. La Cour a précisé dans cette affaire que le recours à la méthode du montant forfaitaire signifiait obligatoirement que les dommages-intérêts ainsi fixés ne seront pas forcément proportionnels à la perte réellement occasionnée et que l’exigence de causalité ne doit pas être interprétée et appliquée de manière trop stricte à cet égard.
Sur la base de cette jurisprudence, la Commission conclut que les dommages-intérêts fixés au moyen de la méthode du montant forfaitaire ne sont en aucune manière limités au seul total d’une redevance ou d’un droit hypothétique, mais peuvent – le cas échéant – être fixés à un niveau supérieur. Il apparaît en outre que les autorités judiciaires compétentes disposent d’une marge d’appréciation lorsqu’il s’agit de déterminer les dommages-intérêts au moyen de cette méthode. Aussi, la méthode décrite à l’article 13, paragraphe 1, point b), peut-elle être perçue comme ressemblant à une habilitation accordée à ces autorités en vue de l'évaluation du montant du préjudice subi sur la base des éléments disponibles
.
L’article 13, paragraphe 1, point b), de la directive IPRED ne fait pas obstacle à une législation nationale en vertu de laquelle le titulaire d’un DPI ayant fait l’objet d’une atteinte peut réclamer au contrevenant le paiement d’une somme correspondant au double de la redevance ou du droit hypothétique. Si l’article 13, paragraphe 1, point b) de la directive IPRED n’exige pas nécessairement de tel doublement de cette redevance ou de ce droit hypothétique, la législation nationale portant mise en œuvre de cette redevance ou de ce droit devrait permettre au détenteur du droit de demander que les dommages-intérêts versés sous la forme d’un montant forfaitaire soient calculés non seulement sur la base du simple montant de la redevance ou du droit hypothétique, mais aussi sur la base d’autres aspects appropriés. Au nombre de ceux-ci peuvent figurer tous les coûts qui sont liés à la recherche et à l’identification d’éventuelles atteintes aux DPI ainsi que l’indemnisation éventuelle du préjudice moral ou des intérêts sur les sommes dues.
2.Prévoir des règles claires et efficaces en ce qui concerne le remboursement des frais de justice
Comme le montrent les résultats de la consultation publique, les titulaires de droits hésitent à demander réparation au civil pour des atteintes présumées à leurs DPI essentiellement en raison des honoraires d’avocat et autres frais associés au contentieux et en raison de l’incertitude quant à l’indemnisation des frais de justice et autres dépenses. L’évaluation de la directive IPRED indique que les règles concernant le remboursement des frais de justice varient selon les États membres et sont parfois insuffisantes à couvrir la totalité des frais supportés par la partie ayant obtenu gain de cause.
Aux termes de l’article 14 de la directive, les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause sont supportés par la partie qui succombe, à moins que l’équité ne le permette pas. Le principe de remboursement des frais de justice énoncé à l’article 14 s’applique à tous les types de procédures judiciaires couvertes par la directive, c’est-à-dire aux procédures engagées pour atteinte aux DPI. Comme l’a précisé la CJUE, sont notamment concernées les procédures d’indemnisation de préjudices subis par des parties soumises à tort à certaines mesures d’exécution conformément à l’article 7, paragraphe 4, et à l’article 9, paragraphe 7, de la directive
, de même que les procédures exequatur visant à reconnaître et à appliquer un arrêt destiné à faire respecter un DPI. Les procédures d’invalidation ne sont pas couvertes.
Si ce principe général sert de base aux autorités judiciaires nationales pour le remboursement des frais, ces mêmes autorités sont généralement tenues de respecter des cadres nationaux plus détaillés lorsqu’elles calculent le montant à octroyer concrètement. Certains des régimes nationaux ne sont pas spécifiques à la propriété intellectuelle, sont fondés sur un régime forfaitaire (plafonds) et/ou renvoient à des dispositions nationales régissant le montant minimum des frais d’assistance par des avocats ou des agents en brevets. De ce fait, les régimes des États membres varient considérablement en ce qui concerne le calcul et le remboursement des frais de justice ainsi que les procédures qui s’appliquent à cette question.
Régime forfaitaire
Dans ce contexte, il a été demandé si les régimes nationaux à base de montants forfaitaires, lesquels fixent un montant maximum de frais pouvant être remboursés, sont conformes à l’article 14 de la directive IPRED.
La CJUE a expliqué que les législations prévoyant un taux de remboursement basé sur un montant forfaitaire pouvaient être justifiées en principe, pour autant qu’elles visaient à faire en sorte que les frais à rembourser soient d’un montant raisonnable. Elles doivent tenir compte de facteurs tels que l’objet du litige, la somme en jeu ou la charge de travail liée à la représentation du client concerné. Tel peut être le cas lorsque la législation concernée vise à exclure le remboursement de coûts excessifs. Ces coûts sont liés à des redevances d’un montant anormalement élevé, convenues par la partie ayant obtenu gain de cause et son avocat, ou au fait que l’avocat concerné n’a pas jugé nécessaire de faire appliquer les droits de propriété en question.
La CJUE a également jugé que l’exigence de l’article 14 de la directive IPRED, en vertu duquel la partie qui succombe est tenue de supporter des frais de justice «raisonnables», ne pouvait justifier une législation nationale qui met en œuvre cette disposition en imposant un montant forfaitaire sensiblement inférieur à la moyenne du taux effectivement appliqué aux services d’avocat dans l’État membre en question. Une telle législation serait incompatible avec l’article 3, paragraphe 2, de la directive IPRED, qui dispose que les mesures, procédures et réparations doivent être dissuasives.
En outre, l’article 14 de la directive IPRED prévoit que les frais de justice supportés par la partie qui succombe doivent être «proportionnés». À cet égard, la CJUE a jugé que si l’exigence de proportionnalité n’impliquait pas que la partie ayant succombé rembourse nécessairement les frais encourus par l’autre partie, elle signifie néanmoins que la partie ayant obtenu gain de cause a droit au moins au remboursement d’une partie significative et appropriée des frais raisonnables qui lui ont été occasionnés. C’est pourquoi la législation nationale qui prévoit une limite absolue pour les frais d’avocat doit s’assurer, d’une part, que la limite rende compte de la réalité des tarifs pratiqués pour les services concernés dans le domaine de la propriété intellectuelle. D’autre part, la législation doit aussi veiller au minimum à ce qu’une partie significative et appropriée des frais raisonnables effectivement encourus par la partie ayant obtenu gain de cause soit supportée par la partie qui succombe.
L’article 14 de la directive IPRED ne fait pas obstacle à ce qu’une législation nationale prévoyant un régime forfaitaire rembourse les frais d’avocat, pour autant que ces régimes permettent de veiller à ce que les frais supportés par la partie qui succombe soient raisonnables, compte tenu des caractéristiques propres à l’affaire. Toutefois, l’article 14 s’oppose à ce que des législations nationales prévoient des montants forfaitaires trop bas pour assurer au minimum qu’une partie significative et appropriée des frais raisonnables effectivement encourus par la partie ayant obtenu gain de cause soit supportée par la partie qui succombe.
Types de frais à rembourser
D’autres différences entre les États membres et dans leur législation nationale renvoient aux types de frais couverts par des dispositions du droit national portant mise en œuvre de l’article 14 de la directive IPRED. En pratique, si les frais de justice nécessaires pour engager des poursuites de même que les autres frais de procédure sont souvent couverts en totalité, les frais d’expertise externe, les honoraires d’avocats et d’autres frais de justice ne sont parfois couverts qu’en partie.
En vertu de l’article 14, la partie qui porte atteinte aux DPI doit généralement supporter intégralement les conséquences financières de sa conduite
; à l’inverse, la partie ayant obtenu gain de cause est habilitée au remboursement d’une partie au moins significative et appropriée des frais de justice raisonnables qu’elle a effectivement supportés
.
En particulier, si l’article 14 de la directive IPRED renvoie aux frais de justice et autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause, la directive ne définit pas ce que ces notions impliquent précisément. La CJUE a considéré que la notion de «frais de justice» englobait, entre autres, les frais d’avocat. Elle a également jugé que la notion d’«autres frais» englobait, en principe, les frais liés aux services fournis par un conseiller technique. Toutefois, la CJUE a également indiqué que cette dernière notion devait être interprétée de façon restrictive et que, par conséquent, seuls les coûts directement et étroitement liés aux procédures judiciaires concernées pouvaient être considérés comme des «autres frais» au sens de l’article 14.
Dans ce contexte, la CJUE a jugé que les frais de recherche et d’identification encourus notamment lorsqu’un conseiller technique procède à une observation générale du marché et détecte de possibles atteintes aux DPI, attribuables à un acteur inconnu à cette date, ne semblaient pas présenter de lien direct et étroit avec les procédures judiciaires concernées. À l’inverse, la Cour a jugé que si les services d’un conseiller technique, indépendamment de leur nature, étaient essentiels pour intenter utilement une action en justice visant à faire respecter un droit, les frais liés à l’assistance de ce conseiller entrent dans la catégorie des «autres frais». En application de l’article 14 de la directive IPRED, ces «autres frais» doivent être supportés par la partie qui succombe.
La CJUE a également précisé que l’article 14 de la directive IPRED faisait obstacle à ce que des dispositions nationales prévoient que les frais d’un conseiller technique ne puissent être remboursés que si la partie ayant succombé a commis une faute, étant donné que ces frais sont directement et étroitement liés à une action judiciaire visant à faire respecter un droit de propriété intellectuelle.
Enfin, il est important d’indiquer ici que ce qui précède ne signifie pas nécessairement que les frais qui ne sont pas couverts par l’article 14 ne peuvent pas faire l’objet d’une indemnisation. En fait, les paragraphes susmentionnés impliquent, le cas échéant, que les demandes d’indemnisation de ces frais, par exemple les frais de recherche et d’identification, doivent être introduites par la voie d’un recours en dommages-intérêts conformément à l’article 13.
L'article 14 de la directive IPRED s’applique aux frais de justice, dont font partie les frais d’avocat, ainsi qu’aux autres frais directement et étroitement liés à la procédure judiciaire concernée. Au nombre de ces derniers figurent les frais encourus pour les services d’un conseiller technique, lorsque ces services sont essentiels pour qu’une action en justice puisse être engagée utilement en vue de faire respecter un droit dans une affaire particulière.
3.Mise en avant des atteintes aux DPI commises à une échelle commerciale
Certains des moyens exposés dans la directive IPRED ne doivent être appliqués qu’aux atteintes aux DPI commises à une échelle commerciale (article 6, paragraphe 2, et article 9, paragraphe 2) ou concernant toute personne autre que les contrevenants [article 8, paragraphe 1, points a) à c)] qui a été trouvée en possession des marchandises contrefaisantes à l'échelle commerciale ou en train d'utiliser des services contrefaisants à l'échelle commerciale ou en train de fournir, à l'échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes.
Dans le contexte du cadre juridique visant au respect des DPI, la notion d’«échelle commerciale» exige l’application de certaines mesures d’envergure ou intrusives en cas d’atteintes particulièrement graves, garantissant ainsi que les atteintes les plus nuisibles soient combattues efficacement tout en préservant aussi les principes de proportionnalité et d’approche équilibrée. Il apparaît toutefois que cette notion soit comprise et appliquée différemment selon les États membres.
La notion d’échelle commerciale n’est pas définie dans la directive. La directive ne comporte pas non plus de renvoi exprès au droit des États membres pour en déterminer le sens. La jurisprudence constante veut qu’en vertu de la nécessité d’une application uniforme du droit de l’Union et du principe d’égalité, cette notion devrait faire l’objet dans ces cas d’une interprétation autonome et uniforme à travers l’ensemble de l’UE.
En outre, le considérant 14 de la directive IPRED prévoit certains éclaircissements, puisqu’il indique qu’il concerne les actes «perpétrés en vue d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect, ce qui exclut normalement les actes qui sont perpétrés par des consommateurs finaux agissant de bonne foi».
Par ailleurs, la notion d’échelle commerciale au sens de l’article 61 de l’accord sur les ADPIC a été discutée en profondeur dans un rapport du groupe spécial de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après l’«OMC»). Le groupe spécial en question a tenu compte du sens ordinaire des termes «échelle» et «commerciale» et a déterminé que la notion doit être comprise au regard d’éléments aussi bien qualitatifs que quantitatifs et qu’elle se réfère à l’importance ou à l’étendue de l’activité commerciale typique ou habituelle pour un produit particulier sur un marché donné. Même si l’accord sur les ADPIC utilise cette notion dans un contexte quelque peu différent de celui de la directive IPRED et que dans l’ordre juridique de l’Union de tels rapports de groupes spéciaux ne sont pas contraignants en tant que tels lorsqu’il s’agit d’interpréter un acte de droit dérivé de l’Union, comme la directive IPRED, la Commission considère néanmoins que ce rapport constitue un élément de référence utile.
Compte tenu de ce qui précède, la Commission est d’avis que la notion d’échelle commerciale telle qu’elle est utilisée dans différentes dispositions de la directive IPRED ne devrait pas être comprise en termes purement quantitatifs; en fait, certains éléments qualitatifs, concernant par exemple la question de savoir si l’activité en question est normalement effectuée dans le but d'obtenir un avantage économique ou commercial, devraient également être pris en compte.
La notion d’«échelle commerciale» prévue à l’article 6, paragraphe 2, à l’article 8, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 2, de la directive IPRED doit être interprétée et appliquée en tenant compte d’éléments qualitatifs, tels que l’avantage économique ou commercial éventuellement visé par les atteintes en cause, ainsi que d’éléments quantitatifs, tels que le nombre et l’étendue des atteintes mises en cause dans l’affaire examinée.
III.ASSURER UNE APPROCHE ÉQUILIBRÉE EN MATIÈRE D’APPLICATION DES DPI ET DE PRÉVENTION D’ABUS
1.Obligation générale et droits fondamentaux
L’obligation générale de la directive consiste à prévoir les mesures, procédures et réparations nécessaires pour faire respecter les DPI. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés; elles doivent aussi être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et comporter des sauvegardes contre leur usage abusif (article 3, paragraphes 1 et 2). En outre, ces mesures, procédures et réparations devraient être déterminées dans chaque cas de manière à pouvoir prendre en considération les caractéristiques spécifiques de l’affaire, y compris celles qui ont trait à la propriété intellectuelle et, le cas échéant, le caractère intentionnel ou non de l’atteinte. Aussi, pour assurer un usage équilibré du système de protection des DPI, les autorités judiciaires compétentes devraient-elles généralement mener une évaluation au cas par cas lorsqu’elles envisagent d’appliquer les mesures, procédures et réparations prévues par l’IPRED.
La directive IPRED respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la «Charte»); en particulier, elle vise à assurer le plein respect de la propriété intellectuelle, conformément à l'article 17, paragraphe 2, de la Charte. Par conséquent, les règles exposées dans la directive doivent être interprétées et appliquées non seulement de manière à sauvegarder ce droit fondamental, mais aussi de manière à prendre en compte et à faire respecter d’autres droits fondamentaux également en cause. Ces derniers peuvent comprendre, le cas échéant, des droits effectifs de protection judiciaire et de protection de la vie privée et des données à caractère personnel, de même que la liberté d’expression et d’entreprise. Plusieurs arrêts de la CJUE rendus après l’adoption de la directive portent sur cette question.
En particulier, dans l’arrêt Promusicae, la CJUE a traité la question de l’équilibre entre différents droits fondamentaux lorsqu’elle a interprété les dispositions de la directive sur le commerce électronique, de la directive sur la société de l'information, de la directive IPRED et de la directive sur la vie privée et les communications en ligne, à la lumière de la Charte. La CJUE a expliqué que, lors de l’interprétation de ces directives, les autorités et les autorités judiciaires nationales compétentes doivent s’assurer qu’un juste équilibre soit trouvé entre les différents droits fondamentaux concernés et veiller à ce qu’il n’y ait pas de conflit avec les autres principes généraux du droit de l’UE, notamment le principe de proportionnalité. Dans l’affaire en question, la CJUE a conclu que les États membres n'étaient pas tenus de prévoir l’obligation de communiquer des données à caractère personnel afin de garantir une protection efficace du droit d’auteur dans le cadre d’une procédure au civil. Toutefois, en ce qui concerne la transposition des directives susmentionnées, la CJUE a également conclu que les États membres devaient interpréter celles-ci de manière à trouver un juste équilibre entre la protection des données à caractère personnel et les droits fondamentaux à la propriété et à une protection judiciaire efficace.
Cette approche a également été prise en compte dans les arrêts ultérieurs de la CJUE, qui apportent des éclaircissements sur la façon de trouver le bon équilibre entre différents droits fondamentaux contradictoires, notamment pour statuer sur les demandes relevant du droit d’information et les ordonnances d’injonction.
Même si ces arrêts ont été rendus dans le contexte particulier des contentieux relatif aux atteintes au droit d’auteur, l’analyse de la CJUE traite de façon générale la question de l’équilibre entre les droits fondamentaux en cause. La Commission estime par conséquent que l’exigence de juste équilibre entre ces droits, à la lumière du principe général de proportionnalité, ne s’applique pas seulement aux affaires d’atteinte au droit d’auteur, mais aussi aux affaires concernant l’ensemble des DPI relevant du champ d’application de la directive IPRED.
Dans tous les cas dans lesquels les dispositions de la directive IPRED sont interprétées et appliquées et dans lesquels différents intérêts fondamentaux contradictoires protégés par l’ordre juridique de l’UE sont en cause, il convient de veiller à un bon équilibre, à la lumière du principe de proportionnalité.
2.Trouver le bon équilibre entre les droits fondamentaux applicables dans le cas du droit d’information
Il est particulièrement important de trouver un bon équilibre entre les différents droits fondamentaux lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit d’information énoncé à l’article 8 de la directive IPRED. L’article 8 fait obligation aux États membres de permettre aux autorités judiciaires compétentes d’ordonner à un contrevenant ou à certaines autres personnes de fournir des informations précises sur l'origine des marchandises ou des services contrefaisants, sur les réseaux de distribution et sur l’identité des tiers impliqués dans l’atteinte.
Lors du traitement des demandes de droit d’information soumises en vertu de l’article 8, il peut arriver que plusieurs droits fondamentaux doivent être mis en balance. Tel pourrait être le cas notamment avec les droits fondamentaux relatifs à la protection de la propriété (y compris la propriété intellectuelle) et à une protection juridictionnelle effective, d’une part, et les droits fondamentaux relatifs à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, ainsi qu’à la liberté d’entreprise, d’autre part.
Tout ordonnance émise par les autorités judiciaires compétentes, exigeant de fournir des informations en vertu de l’article 8, ne doit porter que sur les informations qui sont effectivement nécessaires pour identifier la source et l’étendue de l’atteinte. De l’avis de la Commission, ceci découle de l’exigence d’une demande dûment justifiée et proportionnée prévue à l’article 8, paragraphe 1, et des obligations générales établies à l’article 3 (notamment les exigences précisant que toute mesure adoptée doit être juste et équitable et ne doit pas être inutilement complexe ou coûteuse, et que des sauvegardes doivent être prévues contre les abus).
La CJUE a précisé que le droit de l’Union, en particulier l’article 8, paragraphe 3, de la directive IPRED, lu en liaison avec l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur la vie privée et les communications électroniques, ne s’oppose pas à ce que des États membres imposent une obligation de divulguer à certains tiers des données à caractère personnel relatives au trafic internet, afin de permettre à ces tiers d’intenter une action en justice au civil pour atteinte aux droits d’auteur. La Cour a toutefois jugé que les dispositions du droit de l’Union qui sont en cause dans ce cas n'exigeaient pas des États membre qu'ils imposent une telle obligation.
La CJUE a également indiqué que ces règles ne s’opposaient pas à l’application d’une législation nationale fondée sur l’article 8 de la directive IPRED qui, pour identifier un abonné ou un utilisateur Internet, autorise un opérateur Internet intervenant dans une procédure civile à donner au titulaire d’un droit d’auteur ou à son représentant des informations sur l’abonné auquel l’opérateur a fourni une adresse IP supposément utilisée dans le cadre d’une atteinte. Une telle législation nationale devrait toutefois permettre à la juridiction nationale saisie de peser les intérêts contradictoires en présence, sur la base des éléments matériels de chaque affaire et en tenant dûment compte des exigences du principe de proportionnalité.
Dans une autre affaire, la CJUE a précisé que l’article 8, paragraphe 3, point e), de la directive IPRED s’opposait à des dispositions de droit national permettant à un établissement bancaire d’invoquer le secret bancaire de manière illimitée et inconditionnelle en vue de s’opposer à la fourniture, conformément à l’article 8, paragraphe 1, point c), de la directive IPRED, d’informations concernant les nom et adresse du titulaire d’un compte. Une telle autorisation illimitée et inconditionnelle d’invoquer le secret bancaire peut nuire gravement à l’exercice du droit fondamental de propriété intellectuelle pour les besoins du droit des personnes visé à l’article 8, paragraphe 1, de la directive IPRED, par opposition au droit de protection des données à caractère personnel les concernant.
Aux termes de l’article 8 de la directive IPRED, les autorités judiciaires compétentes peuvent exiger d’un contrevenant ou de certaines autres personnes qu’elles fournissent des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un DPI. Au nombre de ces informations peuvent figurer des données à caractère personnel, sous réserve que ces données soient communiquées en accord avec la législation applicable relative à la protection des données à caractère personnel et que des sauvegardes soient prévues, visant à assurer un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux en cause.
3.Présentation de preuves spécifiques sous le contrôle de la partie adverse
Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive IPRED, les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner que les éléments de preuve qui sont sous le contrôle de la partie adverse soient produits par la partie adverse, dans les cas où le requérant a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et a précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations.
Au cours de l’évaluation, il a été rapporté que dans certains États membres, la procédure de spécification des éléments de preuve qui sont sous le contrôle de la partie adverse peut être très lourde pour le requérant, ce qui limite sensiblement la possibilité d’obtenir de tels éléments dans la pratique. Il a été signalé que les requérants sont parfois tenus de préciser la nature exacte, la localisation, les numéros de référence ou les contenus des documents demandés, même si de telles informations sont évidemment difficiles, voire impossibles à obtenir pour une personne externe qui n’a pas nécessairement vu les documents en question.
Si un certain degré de précision est certes nécessaire, exiger un niveau excessif de détail remet en question l’efficacité des mesures de production des preuves prévues à l’article 6, paragraphe 1, et soulève des questions sur la proportionnalité des exigences fixées au niveau national. Il y a également lieu de s’interroger sur le caractère «loyal et équitable» de telles exigences, car le recours aux mesures prévues par la directive pourrait s’avérer très compliqué, le cas échéant. En tant que telles, des exigences nationales détaillées de cette nature pourraient être contraires à l’article 6, paragraphe 1, lu en liaison avec les obligations énoncées à l’article 3 de la directive.
La directive régissant les actions en dommages-intérêts dans le droit de la concurrence est plus élaborée à cet égard. Les dispositions concernant la production de preuves, visées à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, font obligation aux États membres de veiller à ce que les juridictions soient en mesure d’ordonner la production de certains éléments de preuves ou de catégories pertinentes de preuves, circonscrites de manière aussi précise et étroite que possible, sur la base de données factuelles raisonnablement disponibles dans la justification motivée.
La Commission est d’avis qu’il pourrait être justifié d’adopter une approche similaire dans le cadre de l’interprétation et de l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la directive IPRED. Certes, le requérant devrait préciser les informations qu’il demande dans toute la mesure du possible, mais cette obligation doit être interprétée dans les limites du raisonnable, à la lumière des particularités du cas d'espèce. En d’autres termes, selon la Commission, le fait que le requérant doive en principe indiquer dans sa demande les différents éléments de preuve concernés, l’article 6, paragraphe 1, ne s’oppose pas à ce qu’un requérant précise, dans certains cas, une catégorie concrète d’éléments, pour autant que le degré de précision permette à la partie adverse d’identifier les éléments concrets qui sont sous son contrôle et à l’autorité judiciaire compétente de statuer sur la demande de production des preuves.
En outre, des difficultés subsistent sur la question de savoir ce qu’il faut entendre par «éléments de preuve qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse». Plus précisément, des incertitudes sont apparues quant à la question de savoir si le terme «contrôle» ne devait renvoyer qu’à la possession d’éléments de preuve ou s’il doit être compris dans un sens plus large et même être étendu à l’obligation pour la partie adverse d’effectuer une recherche raisonnable.
Si la Commission est d’avis que l’article 6, paragraphe 1, n’offre pas de base claire pour obliger une partie à rechercher activement les preuves en possession de tierces parties qui échappent à son contrôle en vue de la production de ces éléments, elle note que l’utilisation du mot «contrôle» donne à penser qu’il n’est pas obligatoire que la partie en question soit en possession de telles preuves. C’est pourquoi la Commission estime que, le cas échéant, l’article 6, paragraphe 1, pourrait faire obligation à une partie d’effectuer une recherche des éléments de preuve au sein de son organisation (y compris auprès des entités juridiques distinctes qui sont sous son contrôle), pour autant que le requérant ait dûment étayé et précisé la demande d’éléments de preuve en question, que l’obligation n’aille pas au-delà de ce qui est proportionné et qu’elle ne soit pas inutilement coûteuse, et que des sauvegardes contre les abus soient prévues si nécessaire.
Toute demande de production d’éléments de preuve en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive IPRED devrait être dûment justifiée et précisée, et se limiter à ce qui est proportionné dans les circonstances spécifiques de l’affaire. Cette exigence n’exclut toutefois pas la possibilité d’exiger de la partie soumise à cette mesure qu’elle produise, dans certains cas, des catégories concrètes d’éléments de preuve ou qu’elle diligente une recherche approfondie de preuves au sein de son organisation.
4.Assurer la protection des informations confidentielles
La possibilité d’obtenir des mesures prévues à l’article 6, paragraphes 1 et 2, à l’article 7, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 8, paragraphes 1 et 2, existe sous réserve de la protection des informations confidentielles. Cette restriction est particulièrement importante lorsque les documents mentionnés en tant qu’éléments de preuve ou d’information devant éventuellement être présentés contiennent des secrets d’affaires ou d’autres informations commercialement sensibles de la partie soumise aux mesures susmentionnées.
En ce qui concerne les demandes d’information au titre de l’article 8, il a été rapporté que le fait que certains types d’informations soient éventuellement soumis à différents régimes de confidentialité dans les différents États membres peut provoquer des problèmes supplémentaires pour les titulaires de droits. En effet, il n’était pas clair si les titulaires de droits ayant obtenu légalement des informations dans un pays donné pouvaient les utiliser dans un autre pays où la confidentialité de telles informations relèverait de règles plus strictes.
Pour des raisons de proportionnalité, les demandes de production d’éléments de preuve introduites en vertu de l’article 6 pour les besoins des mesures de conservation relevant de l’article 7 et de la fourniture d’informations conformément à l’article 8 doivent être pertinentes pour prouver les allégations formulées dans la procédure judiciaire concernée. Toutefois, même si certaines des informations en possession de la partie adverse sont cruciales pour démontrer l’atteinte alléguée ou son étendue et ses conséquences, la nature spécifique de ces informations pourrait être d’une telle importance commerciale dans certains cas qu’elles ne devraient pas être communiquées au requérant. D'après les réactions recueillies lors de l’évaluation, les autorités judiciaires peuvent avoir des difficultés à traiter ces intérêts contradictoires, notamment quand les parties concernées sont des concurrents.
La Commission note à cet égard que les articles en question ne font pas obstacle à l’utilisation de telles informations confidentielles dans les procédures en cours. En revanche, ces articles disposent que les informations doivent être protégées. Dans certains États membres, des mesures ont été prises pour permettre la production d’informations confidentielles uniquement au tribunal ou à une tierce partie tenue de respecter des règles spécifiques de confidentialité. En outre, l’article 60, paragraphe 3, de l'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet prévoit la possibilité pour cette juridiction d’ordonner une descente sur les lieux qui est effectuée par une personne qu’elle a nommée. Lors de la descente sur les lieux, le requérant n'est pas présent en personne, mais il peut être représenté par un professionnel indépendant dont le nom doit être indiqué dans l’ordonnance.
De l’avis de la Commission, les autorités judiciaires compétentes devraient être en mesure de statuer, conformément aux dispositions détaillées du droit national, de leur propre initiative ou à la demande d’une partie à la procédure, sur les moyens appropriés permettant de protéger des informations confidentielles lorsque ces informations sont susceptibles d’être affectées par les mesures prévues aux articles 6, 7 ou 8. Cette possibilité n’est pas expressément exigée par ces dispositions mais la Commission estime que de tels moyens pourraient inclure, le cas échéant, la possibilité de présenter de telles informations aux seules autorités judiciaires compétentes ou à une tierce partie indépendante et impartiale qui a été désignée pour participer à la procédure ou à des descentes sur les lieux en vue de la description ou de la saisie des produits litigieux et qui est soumise à des obligations de confidentialité appropriées. De tels moyens devraient garantir que les informations ne soient pas divulguées au requérant, à une autre partie à la procédure ou au grand public, tout en tenant dûment compte des droits de défense du requérant ou d’autres parties concernées.
Il convient de donner effet à l’obligation de protéger les informations confidentielles exposées dans les articles 6, 7 et 8 de la directive IPRED par des moyens appropriés offrant les sauvegardes qui nécessaires. Au nombre de tels moyens figurent la production d’informations confidentielles aux seules autorités judiciaires compétentes ou la descente sur les lieux en vue de la description ou de la saisie des produits litigieux réalisée uniquement par certaines tierces parties indépendantes et impartiales.
5.Importance des cautions et garanties
La directive IPRED prévoit que les mesures de conservation des preuves (article 7, paragraphe 2) et les mesures provisoires (article 9, paragraphe 6) peuvent être subordonnées à la constitution par le demandeur d'une caution ou d'une garantie équivalente adéquate, destinée à assurer l'indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur. Ces cautions ou garanties sont un outil important non seulement pour compenser un tel préjudice ex post si nécessaire, mais aussi pour prévenir toute utilisation potentiellement abusive des mesures prévues par la directive IPRED. À cet égard, les obligations spécifiques prévues par l’article 7, paragraphe 2, et l’article 9, paragraphe 6, mettent en œuvre l’obligation générale visée à l’article 3, paragraphe 2, à savoir en particulier le fait que les mesures, procédures et réparations prévues par la directive doivent être appliquées de manière à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif.
L’article 3, paragraphe 2, précise toutefois que les mesures, procédures et réparations doivent être effectives, proportionnées et dissuasives et l’article 3, paragraphe 1, que celles-ci doivent être loyales et équitables et ne pas être inutilement coûteuses. Ces précisions soulignent que si les abus doivent être évités, les moyens choisis pour ce faire ne doivent pas être en conflit avec ces exigences. Cela signifie, par exemple, que les cautions à constituer en vue de l’ordonnance des mesures provisoires ne devraient pas être fixées à des niveaux qui décourageraient dans la pratique les demandeurs à solliciter l’application des mesures provisoires en question. Cet aspect revêt une importance particulière pour les PME, étant donné que les coûts des actions civiles, qui comportent le risque de succomber et d’avoir à payer les dépens des deux parties, ont un effet dissuasif majeur sur les demandes d’application des DPI dans le cadre de procédures judiciaires au civil
.
Obliger le demandeur à constituer une caution appropriée ou une garantie équivalente en tant que condition préalable à l’institution de mesures provisoires et conservatoires, conformément aux articles 7 et 9 de la directive IPRED, peut être un moyen approprié pour empêcher le recours abusif à ces mesures. Pour déterminer quelle caution ou garantie équivalente est jugée adéquate dans une affaire donnée, il convient de tenir compte, entres autres, de la capacité économique du demandeur et des conséquences possibles sur l’efficacité des mesures demandées, en particulier pour les PME.
6.Possibilités et avantages d’un mémoire préventif
L’article 7, paragraphe 1, de la directive IPRED prévoit la possibilité, dans les cas appropriés, d’ordonner des mesures de conservation des preuves sans que l’autre partie ait été entendue (c’est-à-dire ex parte), notamment lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire du droit ou lorsqu’il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve. De même, ainsi qu’il est prévu à l’article 9, paragraphe 4, de la directive IPRED, il est possible dans certains cas d’ordonner des mesures provisoires et conservatoires ex parte, en particulier lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire du droit. Dans ces cas, en raison de l’urgence et/ou de la nécessité de ne pas informer le défendeur à l’avance, la décision sur l’institution des mesures est prise sur une base unilatérale sans notification ni audition préalables. Le défendeur n’a alors aucune possibilité de soumettre des arguments pour sa défense, même s’il risque de subir un sérieux préjudice en conséquence de l’éventuelle sévérité de la mesure prononcée.
Les articles 7 et 9 prévoient un certain nombre de sauvegardes, notamment le fait que de telles injonctions ex parte ne sont possibles qu’en vertu de motifs particuliers, qu’elles doivent être notifiées sans délais au défendeur après leur exécution et qu’elles sont susceptibles d’un recours juridictionnel ex post, dans le cadre duquel le défendeur peut être entendu. Il n’en demeure pas moins que de telles mesures ex parte affectent considérablement le droit fondamental du défendeur à être entendu et à se pourvoir devant une juridiction, composantes essentielles du droit fondamental à un procès équitable
. Par conséquent, les limitations du droit à être entendu devraient n’être imposées en principe qu’en vertu de ces articles, tout en prévoyant les sauvegardes nécessaires et pour autant que ces limitations soient nécessaires afin de garantir les droits à la protection de la propriété intellectuelle et à une protection juridictionnelle effective du demandeur, lesquels sont aussi des droits fondamentaux garantis par la Charte.
Afin de parvenir à un équilibre équitable entre ces intérêts et les droits fondamentaux contradictoires, l’instrument du mémoire préventif est utilisé dans certains États membres (Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne) et est prévu à la règle 207 du règlement de procédure de la juridiction unifiée du brevet. Par ce mémoire préventif, un défendeur craignant d’être poursuivi pour une atteinte aux DPI (par exemple, parce qu’il a reçu une lettre d’avertissement du titulaire de droits) informe à l’avance (c’est-à-dire avant même l’introduction de la demande) les autorités judiciaires compétentes des raisons pour lesquelles, selon lui, l’infraction potentielle n’est pas fondée. L’objectif principal du mémoire préventif est de fournir aux autorités judiciaires le plus d’informations pertinentes possibles, sans que la partie défenderesse ne soit entendue, une fois que la demande d’injonction préliminaire a été introduite et avant qu’une décision sur cette demande ne soit rendue.
Même s'il n'est pas expressément prévu dans la directive IPRED, le mémoire préventif peut être considéré comme un instrument approprié pour contribuer à équilibrer, de façon équitable et proportionnée, les intérêts et droits fondamentaux contradictoires en cause en ce qui concerne la possibilité d’ordonner des mesures ex parte, telle que prévue à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 4, de la directive IPRED.
IV.GARANTIR UN CONTRÔLE EFFICACE DE L’APPLICATION DES DPI, Y COMPRIS DANS UN CONTEXTE NUMÉRIQUE
Le présent chapitre est axé sur la question des injonctions et des intermédiaires. Les points de vue exprimés dans le cadre de la consultation publique montrent que les titulaires de droits considèrent les injonctions préliminaires comme un instrument essentiel pour protéger leurs droits. En outre, comme indiqué dans la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information («directive sur la société de l’information»)
, dans le contexte de l’environnement numérique, en particulier, les services d’intermédiaires pourraient être de plus en plus utilisés par des tiers impliqués dans des activités portant atteinte à la propriété intellectuelle. Dans de nombreux cas, ces intermédiaires sont les mieux à même de mettre fin à ces atteintes.
1.Injonctions et responsabilité
La directive IPRED prévoit deux types d’injonctions. D’une part, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, point a), les États membres sont tenus de veiller à ce que les titulaires de droits soient en mesure de demander une ordonnance de référé à l’encontre d’un contrevenant ou d’un intermédiaire. L’objectif d’injonctions de ce type est d’empêcher toute atteinte imminente ou d’interdire la poursuite d’une infraction. D’autre part, l’article 11 oblige les États membres à veiller à ce que, dans le cadre d’une procédure sur le fond de l’affaire, les autorités judiciaires compétentes puissent rendre à l'encontre du contrevenant une injonction visant à interdire la poursuite de cette atteinte ou, à l’encontre d’un intermédiaire, une injonction visant non seulement à mettre un terme aux infractions, mais aussi à en prévenir de nouvelles .
Dans ce contexte, il est important de souligner que le droit de l’Union opère une distinction entre la notion de la responsabilité et la possibilité d’ordonner des injonctions à l’encontre d’un intermédiaire, comme établi à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 11 de la directive IPRED. La CJUE a confirmé que l’obligation imposée aux États membres par l’article 11 de la directive IPRED s’appliquait «indépendamment de sa propre responsabilité éventuelle [c’est-à-dire de la responsabilité de l’intermédiaire] dans les faits litigieux».
La possibilité d’ordonner une injonction à l’encontre d’un intermédiaire sur la base de l’article 9, paragraphe 1, point a), et de l’article 11 de la directive IPRED ne dépend pas de la responsabilité de l’intermédiaire en ce qui concerne la violation (alléguée) en question. Par conséquent, les autorités judiciaires compétentes ne peuvent pas exiger des demandeurs qu’ils démontrent que l’intermédiaire est responsable, même indirectement, en ce qui concerne une violation (alléguée), en tant que condition à l’ordonnance d’une injonction.
2.Clarification de la notion d’intermédiaire
La directive IPRED fait référence, à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 11, à la possibilité d’émettre des «injonctions à l’encontre d'un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle». La directive ne précise pas quels sont les opérateurs économiques à considérer comme des intermédiaires au sens de la directive.
La CJUE a précisé qu’un opérateur économique pouvait être considéré comme un intermédiaire au sens de ces dispositions dès lors qu’il fournit un service susceptible d’être utilisé par une ou plusieurs autres personnes pour porter atteinte à un ou plusieurs DPI ou pour accéder à des contenus ou produits mis à disposition illégalement.
Pour être considéré comme un intermédiaire, l’opérateur économique ne doit pas nécessairement entretenir une relation particulière, par exemple par un lien contractuel, avec ces personnes.
En conséquence, l’application de l’article 9, paragraphe 1, point a), et de l’article 11 de la directive IPRED n’est pas limitée à un groupe spécifique d’intermédiaires, mais s’étend à des intermédiaires de différents secteurs, et inclut à la fois les services en ligne et hors ligne.
La CJUE a précisé expressément que les fournisseurs de services internet, les plateformes de réseaux sociaux, les places de marché en ligne et les locataires de halles de marché devaient être considérées comme des intermédiaires dans les circonstances des faits en cause dans la procédure judiciaire en question.
La Commission estime, sur la base de la jurisprudence de la CJUE disponible à ce jour, qu’il n’y a aucune raison de penser qu’il s’agit d’une liste exhaustive et que de nombreux autres opérateurs économiques fournissant des services susceptibles d’être utilisés par d’autres personnes pour enfreindre les DPI peuvent donc également relever du champ d’application de la notion d’intermédiaire telle que visée dans la directive, notion qu’il convient de déterminer au cas par cas. De l’avis de la Commission, ces opérateurs économiques peuvent également inclure, selon le cas, des prestataires de certains services de la société de l’information, des services postaux et services de colis, des sociétés de transport et de logistique et des détaillants.
La Commission rappelle en outre que l’article 9, paragraphe 1, point a), et l’article 11 doivent être interprétés et appliqués à la lumière des exigences générales de l’article 3 et des droits fondamentaux applicables qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union. D’une part, la participation des opérateurs économiques n’ayant pas eux-mêmes commis d’infraction dans le processus d’application des DPI au titre de la directive IPRED peut donc être exigée afin de garantir que les titulaires de droits soient en mesure de faire appliquer effectivement leurs droits. D’autre part, il est possible, dans une situation particulière, qu’une telle participation ne se justifie pas, lorsque les services fournis sont tellement éloignés ou détachés de l’atteinte (alléguée) qu’il ne peut être raisonnablement attendu que l’opérateur économique en question contribue de manière significative à l’application effective de la réglementation, en ce sens que sa participation représenterait une tâche disproportionnée et inutilement contraignante.
Les opérateurs économiques qui fournissent un service susceptible d’être utilisé par des tiers pour porter atteinte aux DPI peuvent, en fonction des circonstances de l’espèce, être considérés comme des intermédiaires au sens de l’article 9, paragraphe 1, point a), et de l’article 11 de la directive IPRED, même en l’absence d’une relation particulière, tel qu’un lien contractuel, entre ces deux parties.
3.Garantir un système équilibré pour les injonctions et les intermédiaires
Dans le cadre de la mise en balance des droits et des intérêts, généralement requis pour l’interprétation et l’application des réglementations de la directive IPRED concernant les injonctions et les intermédiaires, deux aspects, en plus de ceux décrits plus haut, revêtent une importance particulière, à savoir, la portée des injonctions émises ainsi que leur filtrage.
Portée des injonctions
S’il incombe dans un premier temps au demandeur de préciser dans sa demande la portée d’une injonction qu’il jugera appropriée pour prévenir une atteinte imminente ou pour mettre fin à une atteinte en cours, c’est l’autorité judiciaire compétente qui statue sur la demande. C’est donc elle qui détermine les mesures que devra prendre (le cas échéant) le défendeur. L’autorité judiciaire devrait apprécier la demande en tenant compte des caractéristiques spécifiques de l’espèce (voir le considérant 17 de la directive IPRED), et toute injonction prononcée doit respecter le principe de proportionnalité et les autres conditions générales prévues à l’article 3, ainsi que les droits fondamentaux applicables.
Il s’ensuit que l’autorité judiciaire compétente ne devrait pas émettre des injonctions qui nécessitent l’adoption de mesures allant au-delà de ce qui est approprié et nécessaire à la lumière des faits et circonstances de l’espèce pour prévenir toute atteinte imminente ou interdire la poursuite d’une atteinte. Par conséquent, toute injonction prononcée devrait pouvoir produire des effets, tout en ayant la portée la plus limitée possible qui est nécessaire à la réalisation de cet objectif. Les mesures requises par l’injonction ne doivent pas nécessairement conduire à la cessation complète de l’atteinte aux DPI; il peut suffire, dans certaines circonstances, de rendre les atteintes difficilement réalisables ou de sérieusement les décourager. Dans le même temps, le destinataire de l’injonction ne devrait pas être tenu de consentir des sacrifices insupportables.
Dans les litiges relatifs à des atteintes au droit d’auteur, la CJUE a indiqué que les mesures adoptées par un fournisseur d’accès à Internet, en tant qu’intermédiaire destinataire de l’injonction, devaient être strictement ciblées. Plus précisément, ces mesures doivent servir à mettre fin à l’atteinte portée par un tiers au droit d’auteur ou à un droit voisin, mais sans que les utilisateurs d’Internet ayant recours aux services de ce fournisseur afin d’accéder de façon licite à des informations s’en trouvent affectés. À défaut, la CJUE a jugé que dans les circonstances de cette affaire, l’ingérence du fournisseur dans la liberté d’information des utilisateurs serait injustifiée au regard de l’objectif poursuivi. Comme indiqué ci-dessus, s’agissant des intermédiaires, la CJUE a clarifié en outre que les injonctions pouvaient servir non seulement à mettre un terme à l’atteinte mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes.
En conséquence, dans le cas d’une atteinte au DPI correspondant à la publication d’un certain contenu en ligne, il peut être approprié, s’agissant d’une injonction adressée à un intermédiaire, d’exiger de celui-ci qu’il retire le contenu concerné ou y empêche l’accès. De façon générale, exiger le blocage de l’accès au site entier pourrait être une mesure trop radicale, même s'il est possible, dans des circonstances particulières, que l’autorité judiciaire compétente juge cette mesure nécessaire et appropriée (par exemple dans le cas d’infractions à grande échelle ou d'infractions organisées de manière structurelle). De l’avis de la Commission, une telle décision devrait cependant toujours être prise en fonction des spécificités du cas d’espèce.
La CJUE a également précisé
que les autorités judiciaires compétentes pouvaient décider de ne pas décrire explicitement les mesures spécifiques que le prestataire doit prendre pour obtenir le résultat recherché. Elle a toutefois ajouté qu’il convenait dans pareil cas de respecter un certain nombre de conditions, et notamment les suivantes: les mesures ne doivent pas aller au-delà de ce qui est raisonnable, respect du principe de sécurité juridique, conformité avec les droits fondamentaux des parties concernées, y compris la liberté d’information pour les utilisateurs d’Internet, ciblage strict des mesures et possibilité pour les autorités judiciaires compétentes de vérifier que lesdites conditions ont été respectées, notamment en donnant la possibilité aux internautes concernés de faire valoir leurs droits une fois que ces mesures sont connues.
Du point de vue de la Commission, si la jurisprudence mentionnée ci-dessus concerne des atteintes au droit d’auteur, les principes qui y sont énoncés devraient également s’appliquer, par analogie, aux atteintes aux DPI autres que le droit d’auteur et les droits voisins.
Les injonctions émises au titre de l’article 9, paragraphe 1, point a), et de l’article 11 de la directive IPRED devraient pouvoir être efficaces, mais sans aller au-delà de ce qui est nécessaire et proportionné, dans les circonstances du cas d’espèce, pour atteindre cet objectif. Il peut suffire qu’elles rendent les atteintes concernées difficilement réalisables ou qu’elles les découragent sérieusement, sans nécessairement conduire à leur arrêt complet. Toutefois, conformément à la jurisprudence de la CJUE, le destinataire de l’injonction ne saurait être tenu d’effectuer des «sacrifices insupportables». Les mesures instituées doivent être suffisamment précises et efficaces, sans qu’il ne soit exigé qu’une mesure garantisse qu’il soit mis fin à l’atteinte. Le respect des droits fondamentaux de toutes les parties concernées devrait être garanti à cet égard, y compris ceux de tiers, par exemple les internautes, susceptibles d’être affectés par les mesures prises pour se conformer à l’injonction.
Systèmes de filtrage
Une distinction doit être faite entre une injonction exigeant le retrait d’un ou plusieurs éléments spécifiques de contenu illicite à partir d’un site web et une injonction qui pourrait avoir pour conséquence en définitive d’obliger un intermédiaire à surveiller activement tous les contenus mis à disposition en un lieu donné afin de garantir qu’aucun des éléments individuels ne porte atteinte aux DPI.
Conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur le commerce électronique, il est interdit aux États membres d’imposer une obligation de surveillance générale pour les intermédiaires en ligne, au sens des articles 12 à 14 de ladite directive. Une telle obligation serait également incompatible avec les exigences générales d’équité, de proportionnalité et de coût non excessif énoncées à l’article 3 de la directive IPRED.
Dans les affaires précitées Scarlet Extended et SABAM, la CJUE a précisé les limites à la portée d’une injonction résultant de ces dispositions ainsi que des droits fondamentaux applicables des parties concernées. Dans l’affaire Scarlet Extended, il était question d’un fournisseur d’accès à Internet à qui il était demandé de mettre en place un système de filtrage:
·de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»,
·qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle
·à titre préventif,
·à ses frais exclusifs, et
·sans limitation dans le temps,
capable d’identifier sur le réseau de ce fournisseur la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audiovisuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer le transfert de fichiers dont l’échange porte atteinte au droit d’auteur. L’affaire SABAM concernait un système en grande partie similaire qu’un prestataire de service d’hébergement devait mettre en place à l’égard des informations stockées sur ses serveurs.
Dans les deux cas, la CJUE a jugé que le fait d’obliger les prestataires concernés à installer de tels systèmes de filtrage général ne serait pas compatible avec l’article 15 de la directive sur le commerce électronique et l’article 3 de la directive IPRED, lus conjointement, et interprétés à la lumière des exigences résultant de la protection des droits fondamentaux applicables.
Il est par ailleurs rappelé au considérant 47 de la directive sur le commerce électronique que l’article 15 concerne uniquement les obligations de surveillance à caractère général et ne couvre pas automatiquement les obligations applicables à un cas spécifique. En particulier, il n’affecte pas les ordonnances émises par des autorités nationales conformément à la législation nationale. Le considérant 48 ajoute que cette directive n’affecte en rien la possibilité qu’ont les États membres d’exiger des prestataires de services concernés qu’ils agissent avec les précautions que l’on peut raisonnablement attendre d’eux afin de détecter et d’empêcher certains types d’activités illicites.
Par conséquent, lorsque cela est approprié et dans les limites des dispositions susmentionnées, certaines obligations de diligence pourraient être imposées, par exemple aux fournisseurs de services d’hébergement en ligne afin d’empêcher le téléchargement de contenus portant atteinte aux DPI identifiés par les titulaires de droits et en coopération avec ces derniers.
Lorsqu’elle ordonne aux intermédiaires de prendre certaines mesures visant à prévenir de nouvelles infractions conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 11 de la directive IPRED, les autorités judiciaires compétentes peuvent, le cas échéant, émettre des injonctions comportant des obligations spécifiques de contrôle. Toutefois, l’interdiction d’imposer une obligation générale de surveillance découlant de l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur le commerce électronique et de l’article 3 de la directive IPRED, lus conjointement avec les exigences découlant des droits fondamentaux applicables, s’oppose à ce que des intermédiaires soient soumis, au moyen de telles injonctions, à des obligations leur imposant d’installer et de gérer des systèmes de filtrage excessivement larges, imprécis et coûteux systèmes de filtrage, du type et dans les circonstances en cause dans les affaires Scarlet Extended et SABAM.
4.Injonctions anticipatrices, injonctions «catalogue» et injonctions dynamiques
Il existe des différences, dans la législation nationale des États membres, concernant la portée d’une injonction délivrée par une autorité judiciaire compétente, en particulier sur la façon dont elle peut répondre à des atteintes imminentes ou répétée aux DPI. Si elles sont disponibles notamment en Irlande et au Royaume-Uni, les injonctions concernant tout un catalogue ou tout un répertoire n’existent pas dans tous les États membres.
En outre, les injonctions peuvent dans certains cas perdre une partie de leur efficacité en raison de modifications de l’objet à l’égard duquel l’injonction avait été prononcée. Cela peut être le cas, par exemple, d’injonctions ordonnant le blocage de sites internet, lorsque l’autorité judiciaire compétente émet l’injonction en mentionnant certains noms de domaine spécifiques et que des sites web miroirs peuvent aisément apparaître sous d’autres noms de domaines, échappant ainsi à l’injonction.
Les injonctions dynamiques sont un moyen possible pour remédier à ce problème. Il s’agit d’injonctions pouvant être prononcées par exemple dans les cas où matériellement, le même site web devient disponible, immédiatement après la délivrance de l’injonction, sous une autre adresse IP ou URL et qui sont rédigées de manière à pouvoir s’appliquer également à la nouvelle adresse IP ou URL, sans qu’il soit nécessaire d’engager une nouvelle procédure judiciaire afin d’obtenir une nouvelle injonction. La possibilité d’émettre de telles injonctions existe notamment au Royaume-Uni et en Irlande. Une autorité publique ou la police pourrait également intervenir pour contribuer à cet objectif, comme cela s’est produit dans un cas particulier en Belgique
.
Comme indiqué ci-dessus, il ressort de leur libellé même que les ordonnances de référé prévues à l’article 9, paragraphe 1, point a), de la directive IPRED peuvent être délivrées afin de prévenir une atteinte imminente et la CJUE a précisé, en ce qui concerne les intermédiaires, que les injonctions visées à l’article 11 pouvaient également être ordonnées pour empêcher de nouvelles infractions. Par ailleurs, il n’existe actuellement aucune indication claire quant à la compatibilité de ce type d’injonctions avec la directive IPRED ou quant à leur nécessité dans le cadre de la directive IPRED. De l’avis de la Commission, cette question devrait être évaluée au cas par cas, étant entendu que, en ce qui concerne les injonctions à l’encontre d’intermédiaires, les conditions et les procédures y afférentes doivent en principe être précisées dans la législation nationale
. En tout état de cause, il convient de tenir compte de l’objectif poursuivi par ces deux articles, des exigences générales de l’article 3 de la directive IPRED, ainsi que des droits fondamentaux applicables.
La Commission prend note du fait que certains États membres prévoient la possibilité de délivrer des injonctions anticipatrices, des injonctions «catalogue» et des injonctions dynamiques. Alors que cette question n’est pas expressément abordée dans la directive IPRED, la Commission estime que, des injonctions de ce type peuvent être un moyen efficace pour empêcher la poursuite d’une atteinte aux DPI, sous réserve que les sauvegardes nécessaires soient prévues.
5.Preuves numériques
La collecte, la présentation et la conservation des preuves d’atteintes commises en ligne peuvent constituer, dans certaines situations, un défi majeur. La directive ne fait pas explicitement référence à l’utilisation et à la présentation de preuves numériques dans les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle.
Il a été souligné au cours de l’évaluation que les preuves sous forme numérique pouvaient être difficiles à préserver et que les images du contenu d’une page web à un moment donné («captures d’écran») n’étaient parfois pas acceptées comme des preuves suffisantes par les autorités judiciaires compétentes de certains États membres. Or, l’utilisation des captures d’écran est l’une des méthodes les plus courantes pour démontrer qu’une certaine activité a eu lieu dans un environnement en ligne. Dans la pratique, une capture d’écran peut par exemple montrer une caractéristique de la distribution en ligne d’un produit contrefaisant, étant donné que le contenu d’une page web peut illustrer quel type de produit a été mis en vente, par qui, sur quel territoire et à quel public il s’adresse. À ce titre, les captures d’écran peuvent aider les titulaires de droits à faire respecter leurs droits efficacement, également dans un environnement en ligne. À l’inverse, les défendeurs pourraient également souhaiter s’appuyer sur des captures d’écran pour contester des allégations de comportements portant atteinte aux DPI.
Dans certains États membres, la pratique actuelle des autorités judiciaires compétentes est d’admettre des captures d’écran à titre d’éléments de preuve, à condition que celles-ci aient été réalisées par un notaire ou un huissier de justice et qu’elles indiquent les produits ou les services supposés en infraction de manière suffisamment visible et précise. Compte tenu de l’absence de toute règle explicite à cet égard, la Commission estime qu’il ne peut être considéré que la directive IPRED exige de telles pratiques. La Commission est toutefois d'avis que cette approche est globalement compatible avec la directive IPRED. Elle peut être considérée comme une bonne pratique, car elle peut être un moyen efficace de répondre aux besoins des parties évoqués plus haut tout en garantissant une sécurité suffisante quant à l’exactitude et la fiabilité des preuves sur la base desquelles l’autorité judiciaire compétente tranchera le litige.
La possibilité, prévue dans le droit national de certains États membres, d’accepter les captures d’écran comme éléments de preuve dans les procédures judiciaires engagées au titre de la directive IPRED, à condition qu’elles fassent apparaître les produits ou services supposés en infraction de manière suffisamment visible et précise et qu’elles respectent certaines sauvegardes procédurales, peut, selon la Commission, être considérée comme une bonne pratique. En fonction des systèmes juridiques nationaux, ces sauvegardes peuvent inclure, par exemple, l’exigence que ces éléments de preuve ont été pris par un notaire ou un huissier de justice.
V.GARANTIR LA DIMENSION DU MARCHÉ UNIQUE POUR L’APPLICATION DES DPI
1.Clarification des droits couverts par la directive
La directive IPRED concerne les mesures, les procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle (article 1er). La directive s’applique à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par le droit de l’Union et/ou nationale de l’État membre concerné, sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation de l’Union ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits (article 2, paragraphe 1). La directive IPRED s’applique sans préjudice des dispositions particulières concernant le respect des droits et les exceptions prévues par la législation de l’Union dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur (article 2, paragraphe 2). Elle est également sans préjudice de la législation européenne relative à la protection des données à caractère personnel ou de la directive sur le commerce électronique en général et, en particulier, des articles 12 à 15 de ladite directive (article 2, paragraphe 3, de la directive IPRED).
DPI couverts par la directive
Si la directive ne fournit pas de liste des droits spécifiques qui sont considérés comme des droits de propriété intellectuelle aux fins de celle-ci, elle précise à son considérant 13 qu'il convient de définir le champ d'application de la manière la plus large possible, afin d'y inclure l'ensemble des droits de propriété intellectuelle couverts par les dispositions de la législation de l’UE en la matière et/ou par la législation nationale de l'État membre concerné.
En 2005, la Commission a publié une déclaration non contraignante sur l’article 2 de la directive afin de clarifier son champ d’application. La Commission a indiqué dans cette déclaration qu’elle considérait qu’au moins les droits de propriété intellectuelle suivants entrent dans le champ d'application de la directive:
·le droit d'auteur et les droits voisins,
·le droit sui generis d'un fabricant de base de données,
·les droits du créateur des topographies d'un produit semi-conducteur,
·les droits des marques,
·les droits des dessins et modèles,
·les droits des brevets, y compris les droits dérivés de certificats de protection supplémentaires,
·les indications géographiques,
·les droits en matière de modèles d'utilité,
· la protection des obtentions végétales,
·les dénominations commerciales, dans la mesure où elles sont protégées en tant que droits de propriété exclusifs par le droit national concerné.
De l’avis de la Commission, les mesures, procédures et réparations prévues dans la directive devraient en tout état de cause être disponibles dans les procédures d’infraction concernant l’un quelconque des droits énumérés dans sa déclaration de 2005.
Lien avec la directive sur les secrets d’affaires
Toutefois, certaines incertitudes subsistent, notamment en ce qui concerne d’autres droits protégés par le droit national, comme les noms de domaine, les secrets d’affaires et d’autres actes souvent couverts par des dispositions nationales en matière de concurrence déloyale (par exemple les copies parasites). Si, conformément au considérant 13 de la directive IPRED, les États membres peuvent étendre, pour des besoins internes, les dispositions de la directive à des actes relevant de la concurrence déloyale, y compris les copies parasites, ou à d’activités similaires, ils n’y sont pas obligés. Selon les évaluations réalisées à ce jour, il semble qu’aucun État membre n’ait décidé d’étendre les dispositions de la directive à de tels actes.
L’adoption de la directive sur les secrets d’affaires en 2016 a permis d’apporter certains éclaircissements sur les actes couverts jusqu’ici par les dispositions nationales relatives à la concurrence déloyale. Il y est indiqué que la directive ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application des autres dispositions pertinentes dans d’autres domaines, y compris les DPI et qu’elle devrait être considérée comme une lex specialis lorsque son champ d’application recoupe celui de la directive IPRED. Par conséquent, une fois que la transposition de la directive sur les secrets d’affaires sera achevée, toute personne subissant les conséquences d’actes qui pourraient être considérés comme constituant une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite de secrets d’affaires, telle que définie dans ladite directive, sera en mesure de bénéficier en premier lieu de l’application des mesures, procédures et réparations prévues par la directive sur les secrets d’affaires. Cela dit, en ce qui concerne l’ensemble des actes de concurrence déloyale réglementés au niveau national et qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive sur les secrets d’affaires, les règles générales seront d’application; les dispositions de la directive IPRED ne seront applicables que lorsque l’État membre concerné aura décidé d’étendre son application au niveau national, conformément au considérant 13 de la directive IPRED.
En ce qui concerne les secrets d’affaires, la directive sur les secrets d’affaires s’applique en tant que lex specialis à l’égard de la directive IPRED.
Pour tous les actes de concurrence déloyale qui sont régis par des dispositions nationales et ne concernent pas une atteinte à un DPI au sens de la directive IPRED, ni ne relèvent pas du champ d’application de la directive sur les secrets d’affaires, les dispositions de la directive IPRED ne sont applicables que lorsqu’un État membre a décidé d’étendre, pour des besoins internes, ces dispositions aux actes en cause.
2.Procédures en dehors du champ d’application de la directive
La directive se réfère spécifiquement, dans son article 2, paragraphe 1, aux atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Dans ce contexte, la possibilité d’appliquer les dispositions mettant en œuvre la directive dans le cadre de procédures visant à l’invalidation des droits a été remise en question.
La CJUE a précisé
que, bien que la directive s’applique à la procédure visant à garantir la protection des DPI, elle ne s’applique pas à une procédure d’invalidation, dans laquelle une personne, sans être titulaire d’un DPI, conteste la protection accordée au titulaire des droits correspondants.
Elle a en outre considéré
que la directive ne s’appliquait pas à une procédure dans laquelle les redevables de la compensation équitable demandent à ladite juridiction de faire des déclarations pour droit à la charge de l’organisme chargé de percevoir et de répartir cette rémunération parmi les titulaires de droits d’auteur, qui se défend contre cette demande.
Les mesures, procédures et réparations prévues par la directive IPRED ne peuvent être invoquées dans les procédures d’invalidation des DPI, ni dans le cadre de procédures impliquant un acte de versement d’une compensation équitable aux titulaires de droits d’auteur dirigée contre l’entité responsable de la collecte et de la distribution de ces rémunérations.
3.Droit de demander l’application des mesures, procédures et réparations
L’article 4 de la directive indique que, sous certaines conditions, les États membres doivent reconnaître que les personnes suivantes ont qualité pour demander l'application des mesures, procédures et réparations visées dans la directive: i) les titulaires de DPI, ii) toutes les autres personnes autorisées à utiliser ces droits, en particulier les licenciés, iii) les organismes de gestion collective des droits de propriété intellectuelle, et iv) les organismes de défense professionnels.
Licenciés
L’article 4, point b), de la directive indique que les personnes autorisées à utiliser des DPI, en particulier les licenciés, dans la mesure où la législation applicable le permet et conformément à celle-ci, ont qualité pour demander l'application des mesures, procédures et réparations visées dans la directive. Toutefois, la question a été posée de savoir si un licencié a également qualité pour demander l’application de ces mesures, dans le cas où, bien qu’ayant obtenu une licence d’un titulaire de droit, il n’a pas, le cas échéant, fait enregistrer cette licence dans le registre prévu à cet effet.
La CJUE a constaté que, dans le cas de licences délivrées pour un dessin ou modèle communautaire enregistré ou une «marque de l’Union européenne», le licencié pouvait engager une procédure au titre des règlements en question pour atteinte alléguée au dessin ou modèle communautaire ou à la marque de l’UE faisant l’objet de la licence, même si cette dernière n’a pas été inscrite dans le registre correspondant, et que le licencié en question devrait en particulier la possibilité de demander l’ordonnance d’une injonction.
Même si cette jurisprudence pourrait suggérer qu’il en va de même en ce qui concerne l’article 4, point b), de la directive IPRED, les dispositions nationales de l’État membre concerné explicitement visé par ces dispositions seront déterminantes pour apprécier la qualité pour agir des personnes concernées au titre de la directive.
Dans la jurisprudence relative aux règlements de l’Union sur les dessins et modèles communautaires et sur la marque de l’Union, la Cour a considéré que les licenciés avaient qualité pour demander des injonctions même en l’absence d’un enregistrement préalable. Pour d’autres DPI, conformément à l’article 4, point b), de la directive IPRED, ces questions dépendent de la législation nationale.
Les organismes de gestion collective des droits et les organismes de défense professionnels
L’article 4, points c) et d), prévoit que les organismes de gestion collective des droits de propriété intellectuelle ainsi que les organismes de défense professionnels, régulièrement reconnus comme ayant qualité pour représenter des titulaires de droits de propriété intellectuelle, ont qualité pour demander l’application des mesures d’application civile prévues par la directive «dans la mesure où les dispositions de la législation applicable le permettent et conformément à celles-ci». Dans ce contexte, la mise en œuvre de la capacité des organismes collectifs à ester en justice varie considérablement entre les États membres.
Alors que la formulation utilisée dans ces dispositions indique que les États membres disposent d’une marge d’appréciation à cet égard, plusieurs États membres prévoient la possibilité d’accorder auxdits organismes le droit d’ester en justice au nom de leurs membres, lorsque leur but est de défendre les droits de leurs membres et l’affaire est considérée présenter un intérêt pour ces membres. La Commission note que cette approche semble globalement améliorer la possibilité de faire respecter efficacement les DPI, en particulier parce que ces organismes peuvent être dans certains cas être mieux placés et mieux équipés (en termes d’accès à l’information, d’expertise, de ressources humaines, de situation financière, etc.) que les titulaires de droits eux-mêmes pour engager effectivement et efficacement des poursuites en vue de lutter contre des atteintes aux DPI le cas échéant, notamment lorsque les titulaires de droits sont des PME.
Plusieurs États membres ont décidé de faire usage de la possibilité, visée à l'article 4, points c) et d), de la directive IPRED, consistant à autoriser les organismes de gestion collective des droits et les organismes de défense professionnels régulièrement reconnus comme ayant qualité pour représenter les titulaires de droits à demander l’application des mesures, procédures et réparations prévues par la directive IPRED. Cette approche améliore de manière générale l’application effective des DPI et peut donc être considérée comme une bonne pratique.
4.Présomption de la qualité d'auteur ou de titulaire du droit
L’article 5 de la directive énonce une présomption réfragable de la qualité d’auteur ou de titulaire du droit (l’auteur ou le titulaire de droits voisins du droit d’auteur) en faveur de la personne dont le nom est indiqué sur l'œuvre de la manière usuelle. Cette disposition vise à faciliter les possibilités d’exécution de ces personnes, compte tenu du fait que la preuve de la qualité d’auteur ou de titulaire du droit peut être difficile à fournir, en particulier lorsque plusieurs œuvres sont concernées.
De l’avis de la Commission, les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation lors de la mise en œuvre de l’article 5, notamment en ce qui concerne les règles détaillées sur le moment et la façon dont les preuves nécessaires pour renverser cette présomption doivent être fournies, étant donné que cette disposition ne contient aucune règle expresse à cet égard. Toutefois, la Commission constate également que ces règles détaillées et la manière dont elles sont appliquées ne sont pas de nature à remettre en cause l’effet utile de l’article 5.
La présomption réfraglable de la qualité d’auteur ou de titulaire du droit prévue à l’article 5 de la directive IPRED devrait être interprétée et appliquée de telle manière que son objectif, à savoir aider les auteurs et titulaires de droits voisins du droit d’auteur à faire respecter leurs DPI, soit sauvegardé.
5.Disponibilité de certaines mesures spécifiques
Éléments de preuve
Les articles 6 et 7 de la directive déterminent les obligations incombant aux États membres afin de garantir qu’il existe des moyens efficaces pour présenter et conserver les éléments de preuve. Le but de ces dispositions est de veiller à ce que les informations nécessaires pour déterminer si une atteinte aux DPI a eu lieu et, dans l’affirmative, quelles en sont les conséquences, même si le demandeur n’est pas en possession de ces informations, soient mises à la disposition du demandeur et des autorités judiciaires compétentes. Toutefois, ces procédures devraient prendre en considération les droits de la défense et être assorties des garanties nécessaires, y compris la protection des informations confidentielles et la protection des données à caractère personnel et de la vie privée.
L’article 7, paragraphe 1, permet aux autorités judiciaires compétentes d’ordonner, sur demande justifiée, des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents au regard de l’atteinte alléguée. Le droit à la conservation des preuves est expressément applicable avant le début de la procédure sur le fond, sous réserve de la protection des informations confidentielles et à condition que les cautions et garanties équivalentes (en vertu de l’article 7, paragraphe 2) visant à éviter d’éventuels abus soient prévues par le droit national. Cela implique, en particulier, que le demandeur peut également déposer une demande appropriée au moyen de procédures préliminaires, y compris, dans certains cas, d’une procédure non contradictoire ex parte.
Dans certains États membres, il reste difficile de demander l’application de telles mesures conservatoires provisoires avant le début effectif de la procédure au fond. Or, il ressort du libellé explicite de l’article 7, paragraphe 1, de la directive que les demandes d’application de telles mesures ne devraient pas être rejetées au seul motif que la procédure au fond n’a pas encore été engagée.
Droit d'information
Les points de vue exprimés dans le cadre de la consultation publique témoignent d’une incertitude quant à la question de savoir si le droit d’information de l’article 8 de la directive IPRED peut être exercé avant qu’un jugement sur le fond d’une affaire concernant une atteinte aux DPI ne soit rendu. L’article 8, paragraphe 1, indique que la communication d’informations peut être ordonnée «dans le cadre d'une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle». Il n’indique cependant pas, comme le fait par exemple l’article 7, paragraphe 1, qu’une telle ordonnance peut être délivrée «avant même l'engagement d'une action au fond», pas plus qu'il ne précise que cette ordonnance peut être délivrée avant que le jugement au fond ne soit rendu. Dans certains États membres, il est donc difficile d’obtenir un droit d’information avant que la décision finale ne soit rendue dans le cadre de la procédure au fond.
La CJEU a précisé récemment que la formulation utilisée à l’article 8, paragraphe 1, ne signifiait pas que le droit d’information doit nécessairement être exercé dans le cadre de la même procédure que celle visant à la constatation d’une atteinte à un DPI. En particulier, elle a considéré que le droit d’information pouvait être invoqué dans une situation où, après la clôture définitive d’une action ayant abouti à la constatation d’une atteinte à un DPI, un requérant demande, dans une procédure autonome, des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à ce droit afin d’intenter une action en dommages et intérêts.
Les approches sont différentes selon les États membres, mais il est possible de déterminer certaines bonnes pratiques. Par exemple, en Allemagne, la loi sur les marques commerciales dispose qu’en cas d’atteinte manifeste à un DPI, l’obligation de fournir des informations peut être ordonnée au moyen d’une injonction préliminaire conformément aux dispositions pertinentes du code de procédure civile allemand.
La précision figurant à l’article 8 de la directive IPRED, selon laquelle un droit d’injonction de fournir des informations existe «dans le cadre d'une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle», signifie que la fourniture d’informations ne doit pas nécessairement être ordonnée dans le cadre de la même procédure judiciaire. La fourniture d’informations peut aussi être ordonnée dans le cadre d’une procédure ultérieure autonome, engagée en vue d’une éventuelle action en dommages et intérêts. Selon les dispositions applicables du droit national, elle peut aussi être ordonnée à un stade plus précoce, au moyen d’une injonction préliminaire.
Mesures correctives
L’article 10 de la directive dispose que les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner le rappel des marchandises des circuits commerciaux dont il a été constaté qu’elles portaient atteinte à un DPI et, dans les cas appropriés, des matériaux et instruments ayant principalement servi à la création ou à la fabrication de ces marchandises. En outre, leur mise à l’écart définitive des circuits commerciaux ou leur destruction peut être ordonnée. Ces mesures sont mises en œuvre aux frais du contrevenant.
L’article 10 de la directive est fondé sur l’article 46 de l’accord sur les ADPIC. L’article 10, paragraphe 3, de la directive IPRED prévoit, tout comme l’article 46, troisième phrase, de l’accord ADPIC, que lors de l'examen d'une demande de mesures correctives, il est nécessaire de tenir compte du fait qu'il doit y avoir proportionnalité entre la gravité de l'atteinte et les mesures correctives ordonnées, ainsi que des intérêts des tiers. En outre, conforment à une phrase supplémentaire de l’article 46, pour ce qui concerne les marchandises de marque contrefaites, le simple fait de retirer la marque de fabrique ou de commerce apposée de manière illicite n’est pas suffisant, si ce n’est dans des circonstances exceptionnelles, pour permettre l’introduction des marchandises dans les circuits commerciaux. Il résulte de la jurisprudence générale de la Cour à ce sujet que l’article 10 de la directive doit être interprété et appliqué, dans la mesure du possible, à la lumière de cette disposition de l’accord sur les ADPIC.
Il est également intéressant de noter que, contrairement aux dispositions sur les dommages-intérêts (article 13), l’article 10 n’exige pas expressément qu’un contrevenant se soit livré à une activité contrefaisante en le sachant ou en ayant des motifs raisonnables de le savoir, pour que les mesures en question soient instituées.
Il convient d’interpréter et d’appliquer, dans toute la mesure du possible, l’article 10 de la directive à la lumière de l’article 46 de l’accord sur les ADPIC. Or, selon cette dernière disposition, le simple fait de retirer la marque apposée de manière illicite sur les marchandises de marque contrefaites n’est pas suffisant, si ce n’est dans des cas exceptionnels, pour permettre la mise en circulation des marchandises dans les circuits commerciaux.
6.Dimension transfrontière
La directive IPRED n'a pas pour objet d'établir des règles harmonisées en matière de coopération judiciaire, de compétence judiciaire ou de reconnaissance et d'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ni de traiter du droit applicable. Il existe d’autres instruments juridiques de l’Union qui régissent ces matières de manière générale et qui sont en principe également applicables aux litiges dans le domaine de la propriété intellectuelle et des DPI.
En ce qui concerne ces autres instruments juridiques de l’Union, en matière civile et commerciale, la compétence des juridictions des États membres est déterminée conformément au règlement Bruxelles I
. Ce règlement régit la reconnaissance et l’exécution de décisions de ces juridictions dans l’ensemble de l’UE. Les règles sur le droit applicable à l’égard d’obligations non contractuelles, qui sont souvent en cause dans les procédures d’application des DPI, figurent dans le règlement Rome II.
Les juridictions compétentes, en particulier en ce qui concerne les injonctions
De nombreux litiges liés aux DPI ont une dimension transnationale. Par conséquent, les procédures judiciaires concernant des atteintes aux DPI, en particulier celles commises dans un environnement en ligne, peuvent se dérouler simultanément dans plusieurs États membres. Cela peut poser des difficultés aux titulaires de droits, en particulier pour ce qui est de la détermination de la juridiction nationale compétente et de la portée des injonctions demandées.
Il convient de noter que le règlement Bruxelles I comporte plusieurs précisions concernant la compétence juridictionnelle pour l’ordonnance de mesures provisoires dans des affaires transfrontalières. Le considérant 25 du règlement contient une référence explicite à la directive IPRED, précisant que la notion de «mesures provisoires et conservatoires» au sens, notamment, de l’article 35 du règlement, devrait englober, par exemple, les mesures conservatoires visant à obtenir des informations ou à conserver des éléments de preuve, visées aux articles 6 et 7 de la directive IPRED.
En vertu du règlement «Bruxelles I», les titulaires de droits poursuivent en règle générale les contrevenants présumés aux DPI devant la juridiction de l’État membre du domicile des contrevenants (article 4). Toutefois, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, ils peuvent également les poursuivre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (article 7, paragraphe 2).
En outre, le règlement «Bruxelles I» prévoit également la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre d’un contrevenant présumé, s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (article 8, paragraphe 1). La CJUE a précisé que, dans le cadre d’une atteinte au droit d’auteur, l’application de cette disposition n’était pas exclue du simple fait que des demandes introduites à l’encontre de plusieurs défendeurs, en raison d’atteintes au droit d’auteur matériellement identiques, reposent sur des bases juridiques nationales qui diffèrent selon les États membres concernés.
Reconnaissance et exécution des décisions
Conformément au règlement Bruxelles I (article 39), une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans cet État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire (suppression de l’exequatur).
La Cour a estimé que la notion de «matière civile et commerciale» au sens de l’article 1er du règlement Bruxelles I devait être interprétée en ce sens que ce règlement s’applique à la reconnaissance et à l’exécution d’une décision d’une juridiction nationale qui contient la condamnation à une amende afin de faire respecter une décision rendue en matière civile et commerciale.
Les questions relatives à la compétence des tribunaux, ainsi qu’à la reconnaissance et à l’exécution des décisions de justice et au droit applicable dans le cadre de litiges dans le domaine des DPI doivent être tranchées conformément aux instruments juridiques de l’UE qui régissent ces questions, en particulier les règlements Bruxelles I et Rome II.
Le règlement Bruxelles I contient notamment certaines précisions concernant la compétence des tribunaux en ce qui concerne l’application de mesures provisoires en vertu des articles 6 et 7 de la directive IPRED dans des affaires transnationales, ainsi que des règles spécifiques concernant la possibilité d’attraire une personne lorsqu’il y a plusieurs défendeurs.
VI.PROCHAINES ÉTAPES
La Commission continuera à travailler en coopération étroite avec l'ensemble des États membres de l’UE, des autorités judiciaires compétentes et des autres parties concernées par la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle dans les procédures relevant de ces autorités, le but étant de veiller à ce que le cadre juridique de l’Union européenne, et en particulier la directive IPRED, reste adaptée à sa finalité et de s’appuyer sur les orientations décrites dans le présent document.
Comme annoncé dans la communication intitulée «Un système équilibré de contrôle du respect de la propriété intellectuelle pour relever les défis sociétaux d'aujourd'hui», outre les orientations et bonnes pratiques énoncées ci-dessus, la Commission s’attachera notamment à:
— coopérer avec les experts nationaux des États membres et les juges sur l’élaboration d’orientations supplémentaires, plus ciblées, qui donneront des explications pratiques plus détaillées sur des aspects spécifiques de la directive IPRED, sur la base des meilleures pratiques;
— afficher en ligne les orientations précitées et les meilleures pratiques en ligne, notamment via le portail «L’Europe est à vous».
Appendice — Liste des arrêts pertinents de la CJUE
1.Arrêt de la Cour du 16 juin 1998 dans l’affaire
C-53/96
, Hermès International v FHT Marketing Choice BV, EU:C:1998:292,
61996CJ0053
2.Arrêt de la Cour (grande chambre) du 29 janvier 2008 dans l’affaire
C-275/06
, Productores de Música de España (Promusicae) v Telefónica de España SAU, EU:C:2008:54,
62006CA0275
/
62006CJ0275
3.Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 février 2008 dans l’affaire
C-450/06
, Varec SA v Belgian State, EU:C:2008:91,
62006CA0450
4.Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 19 février 2009 dans l’affaire
C-557/07
, LSG-Gesellschaft zur Wahrnehmung von Leistungsschutzrechten GmbH v Tele2 Telecommunication GmbH, EU:C:2009:107,
62007CB0557
5.Arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 juillet 2011 dans l’affaire
C-324/09
, L’Oréal SA e.a./eBay International AG e.a., EU:C:2011:474,
62009CJ0324
6.Arrêt de la Cour (grande chambre) du 18 octobre 2011 dans l’affaire
C-406/09
, Realchemie Nederland BV v Bayer CropScience AG., EU:C:2011:668,
62009CJ0406
7.Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 24 novembre 2011 dans l’affaire
C-70/10
, Scarlet Extended SA contre Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM), EU:C:2011:771,
62010CJ0070
8.Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 16 février 2012 dans l’affaire
C-360/10
, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) v Netlog NV, EU:C:2012:85,
62010CJ0360
9.Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 19 avril 2012 dans l’affaire
C-461/10
, Bonnier Audio AB and Others v Perfect Communication Sweden AB, EU:C:2012:219,
62010CJ0461
10.Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 15 novembre 2012 dans l’affaire
C-180/11
, Bericap Záródástechnikai Bt. v Plastinnova 2000 Kft, EU:C:2012:717,
62011CJ0180
11.Ordonnance de la Cour (troisième chambre) du 7 mars 2013 dans l’affaire
C-145/10 REC
, Eva-Maria Painer v Standard VerlagsGmbH et autres, ECLI:EU:C:2013:138,
62010CO0145
.
12.Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 27 mars 2014 dans l’affaire
C-314/12
, UPC Telekabel Wien GmbH/Constantin Film Verleih GmbH et Wega Filmproduktionsgesellschaft mbH, EU:C:2014:192,
62012CJ0314
.
13.Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 10 avril 2014 dans l’affaire
C-435/12
, ACI Adam BV and Others v Stichting de Thuiskopie and Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding, EU:C:2014:254,
62012CJ0435
.
14.Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 septembre 2014 dans l’affaire
C-201/13
, Johan Deckmyn and Vrijheidsfonds VZW v Helena Vandersteen e.a., , EU:C:2014:2132,
62013CA0201
15.Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 16 juillet 2015 dans l’affaire
C-580/13
, Coty Germany GmbH v Stadtsparkasse Magdeburg., EU:C:2011:485,
62013CJ0580
16.Arrêt de la Cour (première chambre) du 16 juillet 2015 dans l’affaire
C-681/13
, Diageo Brands BV v Simiramida-04 EOOD, EU:C:2011:471,
62013CJ0681
17.Arrêt de la Cour (septième chambre) du 4 février 2016 dans l’affaire
C-163/15
, Youssef Hassan/Breiding Vertriebsgesellschaft mbH, EU:C:2016:71
18.Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 mars 2016 dans l’affaire
C-99/15
, Christian Liffers v Producciones Mandarina SL et Mediaset España Comunicación SA, anciennement Gestevisión Telecinco SA, EU:C:2016:173,
62015CJ0099
19.Arrêt de la Cour (septième chambre) du 22 juin 2016 dans l’affaire
C-419/15
, Thomas Philipps GmbH & Co. KG v Grüne Welle Vertriebs GmbH, EU:C:2016:468
20.Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 juillet 2016 dans l’affaire
C-494/15
, Tommy Hilfiger Licensing LLC and Others v DELTA CENTER a.s., EU:C:2016:528,
62015CJ0494
.
21.Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 28 juillet 2016 dans l’affaire,
C-57/15
, United Video Properties Inc. v Telenet NV., EU:C:2011:611,
62015CJ0057
22.Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 15 septembre 2016, dans l’affaire
C-484/14
, Tobias Mc Fadden/Sony Music Entertainment Germany GmbH, EU:C:2016:689
23.Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 18 janvier 2017 dans l’affaire
C-427/15
, NEW WAVE CZ, a. s./ALLTOYS, spol. s r. o., EU:C:2017:18
24.Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 25 janvier 2017 dans l’affaire
C-367/15
, Stowarzyszenie “Oławska Telewizja Kablowa” w Oławie v Stowarzyszenie Filmowców Polskich w Warszawie, EU:C:2011:36,
62015CN0367
Affaires pendantes:
C-644/16
Synthon— Demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) le 15 décembre 2016, Synthon BV/Astellas Pharma Inc. (article 6 de la directive IPRED)
C-149/17
Bastei Lübbe— Demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht München I (Allemagne) le 24 mars 2017, Bastei Lübbe GmbH & Co. kg/Michael Strotzer (article 3, paragraphe 2, de la directive IPRED)
C-521/17
SNB-REACT — Demande de décision préjudicielle du Tallinna Ringkonnakohus (République d’Estonie) le 1er septembre 2017