8.7.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 179/112


DÉCISION (UE) 2015/1074 DE LA COMMISSION

du 19 janvier 2015

relative à l’aide d’État SA.35842 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie —

Compensation complémentaire de service public en faveur de CSTP

[notifiée sous le numéro C(2015) 74]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi)

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées et vu les réponses obtenues,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Par notification électronique du 5 décembre 2012, les autorités italiennes ont notifié, conformément à l’article 108, paragraphe 3, du traité, l’octroi à Consorzio Salernitano Trasporti Pubblici S.p.A. (ci-après «CSTP») d’une compensation complémentaire pour la prestation de services de transport de voyageurs par autobus sur la base de concessions accordées par la Région de Campanie (ci-après la «Région») au cours de la période 1997-2002 (ci-après la «période considérée»), en exécution d’un arrêt du Consiglio di Stato (ci-après le «Conseil d’État»), la juridiction administrative suprême d’Italie.

(2)

La notification a été enregistrée sous le numéro SA.35842 et, depuis le 13 décembre 2012, est traitée comme une mesure non notifiée étant donné que, selon les informations dont dispose la Commission, la Région était tenue de verser à CSTP la compensation complémentaire qui lui était due à partir du 7 décembre 2012, c’est-à-dire après que le gouvernement italien avait notifié la mesure à la Commission, mais avant que celle-ci n’ait pris sa décision.

(3)

Par lettre du 20 février 2014, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE (ci-après la «décision d’ouverture»).

(4)

La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (1). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations au sujet de l’aide.

(5)

Les autorités italiennes ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture par lettres datées des 21 et 25 mars 2014.

(6)

Le seul tiers intéressé à avoir soumis des observations en réponse à la décision d’ouverture est CSTP, le bénéficiaire de la mesure. Ses observations ont été reçues les 25, 26, 27 et 28 mars 2014.

(7)

L’Italie ne les a pas commentées.

(8)

Après que la Commission a accepté de prolonger le délai de présentation, les autorités italiennes ont transmis des informations complémentaires par lettre du 15 septembre 2014.

2.   DESCRIPTION DE LA MESURE

2.1.   ENTREPRISE CONCERNÉE

(9)

CSTP est une société par actions qui exploite des services de transport public local sur la base de concessions régionales et municipales. Plus précisément, selon les autorités italiennes, au cours de la période considérée, CSTP a effectué des services de liaison par bus en tant que concessionnaire de la Région pour une distance totale de quelque 9 millions de kilomètres par an.

(10)

D’après les informations fournies par les autorités italiennes, la Région a déjà versé à CSTP 13 1 6 32  525,80 EUR à titre de compensation pour la période considérée, dont 12 5 8 69  212,47 EUR pour couvrir les frais d’exploitation et de gestion du service susmentionné et 5 7 63  313,32 EUR pour les investissements. Étant donné qu’il apparaît que cette compensation a été accordée à CSTP plus de dix ans avant que la Commission n’envoie sa première demande de renseignements à l’État italien, la compensation ne fera pas l’objet d’une appréciation dans le cadre de la procédure en cours (2).

(11)

Outre les sommes susmentionnées déjà perçues, CSTP a demandé à la Région une compensation complémentaire de 1 4 5 45  946 EUR, en application du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil (3), pour les désavantages économiques qu’elle aurait subis du fait de l’imposition alléguée d’obligations de service public (OSP).

(12)

En 2008, le Tribunale amministrativo regionale di Salerno (ci-après le «tribunal administratif régional de Salerne») a rejeté le recours de CSTP tendant à la reconnaissance du droit à une indemnisation complémentaire sur la base du règlement (CEE) no 1191/69. Le Tribunal a décidé que, conformément à l’article 4 dudit règlement (4), CSTP n’était pas fondée à demander une compensation pour les désavantages économiques découlant de l’imposition d’obligations de service public sans avoir demandé au préalable la suppression de ces obligations de service public.

2.2.   LES ARRÊTS DU CONSEIL D’ÉTAT

(13)

Par arrêt du 27 juillet 2009 (arrêt no 4683/09), le Conseil d’État a accueilli le recours de CSTP contre le jugement du tribunal administratif régional de Salerne pet conclu que CSTP avait le droit de recevoir une compensation de service public complémentaire pour le service public fourni conformément aux articles 6, 10 et 11 du règlement (CEE) no 1191/69. Cet arrêt ne précise pas par quel acte juridique et sous quelle forme les obligations de service public ont été imposées, mais souligne que l’on ne saurait refuser à une entreprise qui fournit un service public le remboursement des coûts réellement supportés aux fins de l’exécution de ce service. Le Conseil d’État a par ailleurs considéré que CSTP avait le droit de recevoir les compensations de service public, même en l’absence de demande préalable de suppression des OSP.

(14)

Selon le Conseil d’État, le montant exact de la compensation complémentaire due à CSTP devait être déterminé par la Région sur la base de données fiables provenant des comptes de la société, attestant la différence entre les coûts imputables à la partie de l’activité de CSTP concernée par l’obligation de service public et les recettes correspondantes. Cependant, la Région a affirmé ne pas être en mesure de déterminer ce montant faute de données précises et fiables.

(15)

Par ordonnance no 8736/2010 du 13 décembre 2010, le Conseil d’État a désigné un expert pour mener cette tâche à bien. Selon les autorités italiennes, l’expert n’a pas été en mesure de déterminer le montant de la compensation et ce n’est qu’avec l’aide d’un autre expert désigné par le Conseil d’État par ordonnance no 5897/2011 du 7 novembre 2011 que ce montant a été calculé précisément en appliquant une «méthode inductive», comme exigé dans la décision du Conseil d’État no 3244/2011 du 25 juillet 2011. Sur la base de ces calculs, les experts ont conclu que CSTP n’avait reçu une compensation insuffisante que pour l’année 1998, ainsi qu’il résulte de l’application de la formule visée à l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69 (obligation tarifaire). Les experts ne pouvaient pas appliquer une méthode inductive pour calculer la sous-compensation (éventuelle) conformément à l’article 10 du même règlement (obligation d’exploiter ou de transporter), en raison du manque de données fiables et du risque de doubler, du fait de l’application de la méthode inductive, la compensation calculée conformément à l’article 11. Implicitement, les experts ont ainsi présumé que l’on avait imposé à CSTP une obligation de nature tarifaire.

(16)

Le Conseil d’État a par conséquent rendu le jugement no 5649/2012 du 7 novembre 2012, ordonnant à la Région de verser à CSTP, au plus tard le 7 décembre 2012, le montant de 4 9 51  838 EUR, qui représentait le montant de la sous-compensation dont elle avait fait l’objet en 1998. La Région a versé cette somme à CSTP le 21 décembre 2012.

(17)

Le versement à CSTP de cette compensation complémentaire par la Région en exécution de l’arrêt no 5649/2012 constitue la mesure non notifiée et l’objet de la présente décision.

2.3.   INFORMATIONS/OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES TRANSMISES PAR LES AUTORITÉS ITALIENNES

(18)

Selon les autorités italiennes, CSTP, tout comme d’autres opérateurs de lignes régionales de transport par autobus, exerçait ses activités dans le cadre de licences provisoires (concessions) qui devaient être renouvelées d’année en année, sur demande préalable de l’entreprise exploitante. Ces concessions conféraient à ladite société le droit exclusif de fournir les services en question.

(19)

Les autorités italiennes affirment en outre que CSTP a demandé à la Région de lui délivrer des concessions en vue de fournir des services sur les liaisons concernées chaque année de la période considérée et que les concessions prévoyaient toujours que les services étaient fournis entièrement aux risques et périls des entreprises en question et, en particulier, «sans que la fourniture du service ne donne droit à une subvention ou à une compensation de quelque nature que ce soit». Les autorités italiennes ont fourni une copie d’un modèle de concession de 1973, certifiant qu’il était conforme à celui utilisé avec CSTP pour cette période. Les autorités italiennes n’ont toutefois transmis aucun contrat de concession effectivement signé avec CSTP au cours de la période considérée.

(20)

Les autorités italiennes affirment qu’en vertu de ces concessions, il était loisible à CSTP de proposer le remplacement des modes de transport à utiliser ou de demander la suppression de tout ou partie de ses obligations de service public, si ces obligations entraînaient pour elle un désavantage économique, mais que l’entreprise n’a jamais exercé ce droit. Les autorités italiennes soutiennent en outre que l’entreprise n’a jamais informé la Région de ce que les obligations entraînaient des désavantages économiques ni qu’elle fournissait des services qu’elle n’aurait pas proposés si elle n’y avait pas été obligée dans le cadre d’une OSP. Enfin, d’après les autorités italiennes, CSTP n’a jamais demandé la suppression des obligations de service public ainsi que le prévoirait l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1191/69.

(21)

Toujours selon ces mêmes autorités, l’aide publique octroyée à CSTP par le passé était fondée sur la méthode du coût économique standardisé, qui prévoyait l’utilisation des paramètres fixés par la loi régionale no 16/1983 (5), tels que le nombre de kilomètres attribués par rapport à ceux effectivement parcourus, le nombre de salariés et d’autobus, variable en fonction du type de service fourni (en ville, à la montagne ou dans une région de collines), le statut juridique et économique du personnel, la taille de l’entreprise et les coûts des autobus.

(22)

Les autorités italiennes doutent d’ailleurs que CSTP ait prouvé qu’elle a assuré de manière efficace et correcte les OSP en vertu du règlement (CEE) no 1191/69, et affirment que l’entreprise ne disposait d’aucun système de séparation des comptes, tel que prévu, entre autres, par l’article 1er, paragraphe 5, dudit règlement.

2.4.   MONTANT DE LA COMPENSATION

(23)

Comme indiqué au considérant 15, le Conseil d’État a désigné deux experts pour déterminer la compensation complémentaire due par la Région à CSTP conformément aux articles 6, 10 et 11 du règlement (CEE) no 1191/69. Chaque expert a rendu son rapport le 27 septembre 2012, mais seul le deuxième expert est parvenu à calculer la compensation complémentaire due à CSTP par la Région.

(24)

Pour ce qui est de l’obligation d’exploiter ou de transporter visée à l’article 10 du règlement (CEE) no 1191/69, les experts ont confirmé à plusieurs reprises dans le rapport que les demandes de compensation complémentaire de CSTP n’étaient pas été étayées par suffisamment de données documentaires pour calculer le montant avec précision. En outre, les parties (c’est-à-dire CSTP et la Région) ont également présenté des données qui ne se recoupaient pas ou qui manquaient de précision, ne se révélant qu’approximatives. En conséquence, les experts ont conclu dans le rapport que les parties ont fourni des preuves documentaires inadéquates pour l’évaluation du préjudice économique causé par les lignes d’autobus, rendant impossible toute estimation fiable, malgré l’application de la «méthode inductive» imposée par le Conseil d’État. Les experts en concluent dès lors que la compensation complémentaire pour l’obligation d’exploiter ou de transporter, calculée conformément à l’article 10 du règlement (CEE) no 1191/69 (6), devrait être égale à zéro.

(25)

En ce qui concerne la compensation complémentaire dans le cas d’obligations de nature tarifaire visées à l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69, les experts concluent qu’il n’est pas possible de la calculer conformément au paragraphe 2 de cette disposition, étant donné que les parties n’ont jamais défini la situation du marché, de sorte que le montant de la compensation devrait être calculé en application du paragraphe 1 de cette même disposition. Les experts reconnaissent toutefois qu’il n’est pas non plus possible de calculer la compensation conformément au paragraphe 1 en raison de données insuffisantes ou peu fiables. Il a donc été fait appel à la «méthode inductive» prescrite par le Conseil d’État, qui implique l’utilisation du concept de «coûts standard», fondé sur le «coût unitaire standard» et sur le nombre de kilomètres couverts par la concession afin de calculer si CSTP a bénéficié d’une compensation insuffisante pendant la période considérée pour les obligations de nature tarifaire qui lui ont été imposées.

(26)

Sur cette base, les experts ont calculé le montant de la compensation complémentaire selon la formule visée à l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69, en présumant que CSTP s’était vu imposer des obligations de nature tarifaire au cours de la période considérée, comme il ressort du tableau suivant:

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

A)

Recettes imputables à une gestion commerciale

4 0 3 03  387,71

4 2 3 12  390,51

4 1 1 74  023,85

4 2 3 99  523,59

4 2 0 10  059,97

4 2 0 10  059,97

B)

Recettes réelles imputables à la gestion dans le cas d’espèce

9 4 84  545,48

8 7 05  924,03

8 5 77  234,29

9 2 54  374,76

9 4 47  735,00

9 4 30  225,00

C)

Contributions déjà versées

3 4 1 06  026,86

2 9 9 35  681,81

3 4 1 24  760,15

3 5 1 99  742,20

3 3 4 96  192,00

3 3 8 69  048,00

A - (B + C)

-  3 2 87  184,64

3 6 70  784,68

-  1 5 27  970,59

-  2 0 54  593,37

- 9 33  867,03

-  1 2 89  213,03

A - (B + C)

 

3 6 70  784,68

 

 

 

 

(27)

De ces calculs, on retiendra que CSTP pourrait soutenir avoir reçu une compensation insuffisante en 1998 seulement, en raison des obligations alléguées de nature tarifaire qui lui ont été imposées. Le montant de la sous-compensation s’élevait à 3 6 70  784,68 EUR, auquel s’ajoutent des intérêts légaux à hauteur de 1 2 81  053,57 EUR, ce qui donne lieu à une compensation complémentaire d’un montant de 4 9 51  838,25 EUR, que le Conseil d’État a ordonné à la Région de verser à CSTP, ce qui a été fait le 21 décembre 2012.

2.5.   MOTIFS JUSTIFIANT D’ENGAGER LA PROCÉDURE

(28)

Comme il résulte de la décision d’ouverture, la Commission doutait très sérieusement de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur.

(29)

Premièrement, la Commission s’est demandé si les quatre conditions posées par la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la «Cour de justice») dans sa jurisprudence Altmark (7) étaient réunies.

(30)

Deuxièmement, la Commission nourrissait des doutes quant à l’exemption de l’obligation d’information en vertu du règlement (CEE) no 1191/69. Afin d’établir si, en l’espèce, l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 dispensait effectivement les autorités italiennes de l’obligation d’information préalable, il convient dès lors de déterminer, en premier lieu, si les autorités italiennes ont, de fait, imposé unilatéralement une obligation de service public à CSTP et, en second lieu, si la compensation reconnue pour cette obligation est conforme au règlement (CEE) no 1191/69. La Commission n’a pas pu parvenir à une conclusion quant à la question de savoir si la compensation accordée à CSTP remplissait ces conditions.

(31)

Troisièmement, la Commission nourrissait des doutes quant à la compatibilité de la mesure au sens du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil (8). S’il devait être confirmé qu’au moins une des conditions d’exemption de l’obligation de notification prévues par le règlement (CEE) no 1191/69 n’est pas satisfaite et qu’il y a lieu de procéder à une appréciation conformément au règlement (CE) no 1370/2007, la Commission émettrait des doutes quant au respect des conditions dudit règlement en l’espèce.

3.   OBSERVATIONS DE L’ITALIE

(32)

Les autorités italiennes n’ont pas présenté d’observations sur la décision d’ouverture de la procédure au niveau national. Seule la Région de Campanie a présenté des observations.

(33)

La Région a commencé par faire observer que CSTP n’a fourni aucun élément de preuve démontrant l’existence d’une séparation adéquate des comptes.

(34)

Elle a ensuite réaffirmé qu’au cours de la période considérée, il n’a pas été établi que des obligations de service public avaient été imposées unilatéralement. En revanche, la société, conformément aux règles alors en vigueur, a sollicité chaque année le renouvellement de la concession, de sorte qu’aucun acte de concession n’a entraîné l’imposition unilatérale d’obligations de service public. En outre, pour se conformer à l’arrêt, la Région a demandé à maintes reprises à CSTP de fournir des preuves documentaires des actes ou contrats par lesquels elle estimait que des OSP lui avaient été imposées, et ce en vain, d’après les informations qui ont été communiquées. CSTP n’a pas non plus fourni d’élément qui prouverait qu’elle avait demandé à la Région de modifier les conditions prévues dans les contrats de concession concernant les itinéraires, les horaires et les tarifs, ni d’autres éléments qui démontreraient que la Région a rejeté d’éventuelles demandes en ce sens. En ce qui concerne les plafonds tarifaires, la Région a fait observer que les tarifs imposés par les contrats de concession relevaient des mesures générales de la politique des prix appliquée par toutes les entreprises du secteur.

4.   OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(35)

Le seul tiers intéressé à avoir soumis des observations en réponse à la décision d’ouverture est CSTP, le bénéficiaire de la mesure. Dans ses déclarations, CSTP marque son désaccord avec les positions préliminaires adoptées par la Commission dans la décision d’ouverture.

(36)

En premier lieu, elle soutient que, pendant la période considérée, la Région lui a imposé unilatéralement des OSP. À l’appui de cette affirmation, CSTP a fait valoir que ces OSP n’étaient pas définies dans le document d’attribution de la concession, dans la mesure où ce document n’existait pas, mais résultaient exclusivement d’actes internes de la Région prédeterminant l’organisation de l’entreprise et définissant la compensation au moyen de la méthode dite du «coût standard». CSTP a expliqué que l’Italie avait réglementé les OSP en adoptant la loi no 151/81, la loi régionale no 16/83, la loi no 59/97 (article 4) et le décret législatif no 422/97. La Région a confié les OSP à CSTP par un acte de concession de 1972/1973, prorogé chaque année jusqu’en 2003. Le fait que des OSP ont été imposées à CSTP pendant la période considérée — par exemple des obligations en matière de tarifs, d’itinéraires, d’arrêts et d’horaires — peut, selon les informations fournies, être inféré des documents suivants:

le «contrat de service “pont” », signé par CSTP et par la Région pour l’année 2003, conformément à l’article 46 de la loi régionale no 3/02, qui prorogeait et remplaçait les concessions existantes,

la décision de la Giunta regionale (exécutif régional) no 4873 du 30 décembre 1999, qui a autorisé CSTP à modifier l’itinéraire de la ligne d’autobus à la suite des demandes de l’entreprise elle-même et d’autres signataires,

la décision du gouvernement régional no 327 du 4 mai 2000 qui a prolongé la suspension de l’augmentation des coûts des abonnements pour les services régionaux de transport par autobus,

la note 5171/2000 dans laquelle sont communiquées les différentes modalités de calcul des prix des abonnements normaux et des abonnements pour les lignes ouvrières,

le décret du ministre régional des transports no 1609/2001, relatif au passage de la lire à l’euro, qui attire l’attention des concessionnaires sur l’interdiction — qui représentait une obligation au titre de la concession/du contrat — d’appliquer des augmentations inappropriées.

(37)

CSTP a enfin fait valoir que puisque la Région avait, à plusieurs reprises, réduit le montant du coût standard, en l’appliquant de manière non homogène aux différentes lignes et concessions, certains opérateurs avaient décidé de supprimer certaines lignes systématiquement déficitaires. La Région aurait toutefois répondu que les opérateurs étaient tenus de les maintenir en services — conformément aux OSP — et qu’en cas de suppression des lignes, ils seraient dénoncés pour interruption de service public. Selon CSTP, cela montre que la société était soumise à des OSP. Toutefois, CSTP n’a pas fourni d’éléments de preuve à l’appui de cette allégation.

(38)

En second lieu, CSTP a soutenu qu’en tant que prestataire de services de transport public local n’exerçant aucune autre activité commerciale, elle n’avait pas à tenir de comptabilité séparée. CSTP a expliqué que la réglementation en vigueur prévoyait simplement que les données comptables relatives à l’activité de transport public soumise à OSP soient communiquées séparément de celles relatives aux autres activités de l’entreprise et n’exigeait pas de nouvelles répartitions comptables qui indiqueraient distinctement les recettes et les coûts relatifs à chaque ligne. CSTP est une société à 100 % publique, dont l’unique tâche durant la période considérée, tout comme aujourd’hui, consistait à fournir des services de transport public en régime d’OSP. En conséquence, les comptes de la société ne contenaient que des données sur les activités menées dans le cadre d’obligations de service public, pour la simple et bonne raison que — à l’exception des services de location fournis en 1998, indiqués séparément dans la comptabilité de la société — au cours des années en cause, la société n’a exercé aucune autre forme d’activité. CSTP a ajouté que la fiabilité des données comptables n’a jamais été remise en cause par la Région, qui les a au contraire utilisées de manière correcte, comme base en vue du calcul et du versement des subventions annuelles.

(39)

En troisième lieu, après avoir rappelé l’arrêt définitif du Conseil d’État, CSTP a contesté les trois arguments avancés par la Région:

le calcul ne s’est pas appuyé sur une comptabilité analytique ventilée en centres de coût distincts lui permettant de distinguer les activités soumises aux OSP,

compte tenu de l’absence de données comptables qui permettraient d’identifier les éléments spécifiques qui doivent être calculés conformément aux articles 10 et 11 du règlement (CEE) no 1191/69, le calcul a été effectué de manière inductive, selon une méthode que la région a qualifiée de «singulière et aberrante»,

le calcul n’a pas tenu compte du fait que la gestion de CSTP n’était pas guidée par les exigences d’efficacité visées à l’article 12 du règlement (CEE) no 1191/69, comme il ressort de la comparaison entre les chiffres relatifs à son activité et ceux inhérents à l’activité d’un autre opérateur de transport local, SITA SpA.

(40)

CSTP estime que les documents comptables fournis ne peuvent être considérés comme n’étant pas de nature à appuyer la demande de compensation du seul fait qu’il s’agit de bilans annuels et de «modèles E» (9) qui ne sont pas étayés par la copie intégrale des actes comptables et administratifs y afférents (livre journal, grands livres auxiliaires, factures client et fournisseur, souches des billets, etc.). Selon CSTP, cet argument peut aisément être rejeté en faisant observer que, par le passé, la Région avait accepté les mêmes données, les jugeant fiables. En outre, les obligations de conservation intégrale de la documentation comptable et administrative pour la période concernée ayant expiré, il est objectivement difficile d’en exiger des copies. Il apparaît donc tout à fait légitime de reconstituer le montant dû à titre de compensation sur la base d’une méthode inductive, comme l’a prescrit le Conseil d’État. Enfin, les bilans ont été dûment certifiés et leurs exactitude et véracité n’ont jamais été mises en cause. En conclusion, la comptabilité présentée par CSTP est tout à fait appropriée et permet le calcul des compensations dans le strict respect des dispositions du règlement (CEE) no 1191/69.

(41)

En ce qui concerne la validité de la méthode de calcul et sa compatibilité avec la législation de l’Union, CSTP estime être en droit de recevoir une compensation pour les inconvénients qu’elle a subis en raison de l’assujettissement aux OSP, correspondant à la différence entre des recettes moindres et des coûts plus élevés. Pour établir le montant de la diminution des recettes sur la base de données fiables, CSTP a tout d’abord fait référence aux recettes d’exploitations réelles annuelles, correspondant au produit des unités de transport effectives et du tarif exigé. Elle a ensuite identifié le montant à déduire, conformément aux normes de l’Union européenne, en faisant référence aux recettes nécessaires pour permettre au moins l’équilibre des coûts réels résultant des bilans annuels. Le montant des recettes d’exploitation annuelles correspond aux recettes réelles réalisées par l’entreprise pour l’activité soumise à l’obligation tarifaire, qui constitue son unique activité. Les données relatives aux recettes sont extraites des bilans annuels de CSTP et des modèles E transmis chaque année à la Région, qui n’en a jamais remis en cause la fiabilité. De ce fait, il n’est effectivement pas nécessaire de ventiler ces montants. En ce qui concerne le montant à déduire, CSTP a affirmé avoir utilisé un critère tout à fait compatible avec les instructions figurant dans le règlement (CEE) no 1191/69, qui permettait d’utiliser le prix que l’entreprise aurait appliqué dans le cadre d’une gestion commerciale, prix qui doit permettre de couvrir les coûts effectivement supportés. En ce qui concerne la différence entre les coûts que l’entreprise aurait supportés en appliquant le tarif le plus favorable ou dans le cadre d’une gestion commerciale et les coûts réellement supportés, CSTP estime que son calcul est tout à fait compatible avec l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69, car il permet d’appréhender la mesure du moindre coût supporté par l’entreprise en tant qu’entité assujettie aux OSP par rapport au montant des subventions régionales perçues aux fins de la couverture des frais d’exploitation. Enfin, CSTP rappelle que les articles 10 et 11 dudit règlement prévoient tous deux le droit des entreprises de transport public soumises aux OSP de bénéficier d’une compensation pour toutes les retombées négatives imputables à leurs obligations.

(42)

En quatrième lieu, s’agissant de l’appréciation relative aux aides d’État visées dans la décision d’ouverture, CSTP a fait valoir qu’au cours de la période considérée, le marché des transports publics en Italie n’était pas ouvert à la concurrence d’entreprises établies dans d’autres États membres et a conclu à l’absence d’incidence sur les échanges et de distorsion de concurrence. De même, compte tenu de l’organisation actuelle du service de transport public local, fondée sur l’octroi de concessions exclusives et unilatérales pour certaines lignes de transport, la compensation n’était pas de nature à fausser la concurrence. En outre, le prix standard par km étant imposé par la Région et accepté, avec les autres OSP, par le concessionnaire, aucun avantage ne serait conféré. Ce qui n’est pas le cas pour les obligations d’exploiter et de transporter, les éventuelles différenciations des activités de transport de l’entreprise n’ont aucune incidence sur l’obligation tarifaire. Par conséquent, CSTP estime qu’au moins trois des conditions fixées par la Cour de justice pour déterminer s’il y a aide d’État ne sont pas remplies dans le cas d’espèce.

(43)

CSTP est d’avis que la compatibilité de la compensation devait être appréciée à l’aune du règlement (CEE) no 1191/69, et non des dispositions en matière d’aides d’État figurant dans le traité.

(44)

En ce qui concerne l’exemption de l’obligation de notification en vertu du règlement (CEE) no 1191/69, CSTP argue que, puisque la Région a imposé unilatéralement l’obligation tarifaire et que les montants ne s’inscrivent pas dans le cadre d’OSP résultant d’un contrat de service, mais résultent de l’application correcte du calcul visé à l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69 dans le cadre d’une concession, le paiement effectué à titre de compensation était exempté de l’obligation de notification prévue à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement.

5.   COMMENTAIRES DE L’ITALIE SUR LES OBSERVATIONS DE LA PARTIE INTÉRESSÉE

(45)

Les autorités italiennes n’ont pas formulé des commentaires sur les observations de CSTP.

6.   APPRÉCIATION DE L’AIDE

6.1.   EXISTENCE DE L’AIDE

(46)

En vertu de l’article 107, paragraphe 1, du traité, «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

(47)

Par conséquent, pour être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité, une mesure doit satisfaire aux conditions cumulatives suivantes:

l’avantage doit être accordé par l’État ou au moyen de ressources d’État,

la mesure doit conférer un avantage sélectif, en favorisant certaines entreprises ou certaines productions,

la mesure fausse ou menace de fausser la concurrence, et

elle affecte les échanges entre États membres.

6.1.1.   Ressources d’État et imputabilité

(48)

La Commission fait observer que l’arrêt du Conseil d’État oblige la Région à verser à CSTP une compensation complémentaire pour la fourniture de services d’autobus de ligne pendant la période considérée sur des itinéraires relevant de la compétence de la Région. Les experts désignés par le Conseil d’État ont calculé que CSTP a subi un désavantage économique sous la forme d’une sous-compensation à hauteur de 4 9 51  838 EUR pour l’année 1998 seulement, en raison des obligations alléguées de nature tarifaire qui lui ont été imposées. Le 21 décembre 2012, la Région a effectivement versé cette somme à CSTP afin de se conformer à l’arrêt.

(49)

Le fait que la Région soit contrainte par un tribunal national de verser une compensation à une entreprise n’exempte pas la Région qui a pris des mesures en exécution de l’arrêt de toute imputabilité; dès lors que les juridictions nationales de cet État, en tant qu’organes de l’État, sont tenues par une obligation de coopération loyale (10).

(50)

La mesure est donc imputable à l’État et les ressources affectées au paiement de ladite compensation sont des ressources d’État.

6.1.2.   Avantage économique sélectif

(51)

La Commission fait tout d’abord observer que CSTP exerce une activité économique, à savoir le transport de voyageurs, contre rémunération. Par conséquent, CSTP doit être considérée comme une «entreprise» au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité.

(52)

L’octroi de la mesure devrait en outre être considéré comme sélectif, étant donné que seul CSTP en bénéficierait.

(53)

En ce qui concerne l’avantage économique accordé, il découle de l’arrêt Altmark que toute intervention octroyée par l’État ou au moyen de ressources d’État doit être considérée comme une compensation directe représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier. Il s’ensuit que ladite intervention ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité, dès lors que les quatre critères cumulatifs suivants sont remplis (11):

premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies,

deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente,

troisièmement, la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations,

quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’OSP n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

(54)

L’arrêt Altmark exige que les quatre critères soient cumulativement remplis pour pouvoir exclure la présence d’un avantage économique dans les cas où les entreprises reçoivent des compensations pour des obligations de service public qui leur sont imposées.

(55)

La Commission fait en premier lieu observer que ni les autorités italiennes ni CSTP n’étaient en mesure de présenter un mandat relatif à la période considérée et que, comme exposé plus en détail à la section 6.2, point i), CSTP n’a pas été en mesure de préciser les obligations qui lui avaient été imposées et qui pourraient constituer des OSP.

(56)

En second lieu, la Commission observe qu’en l’absence des données fiables indispensables, la compensation accordée en vertu de l’arrêt du Conseil d’État se fonde exclusivement sur un calcul ex post effectué selon une «méthode inductive». Aussi la Commission en conclut-elle que les critères sur la base desquels les experts désignés par le Conseil d’État ont calculé la prétendue sous-compensation n’avaient pas été définis au préalable et que, partant, le deuxième critère de l’arrêt Altmark n’est pas rempli en ce qui concerne la mesure non notifiée.

(57)

Étant donné que l’arrêt Altmark exige que les quatre critères soient cumulativement remplis, rien ne justifie que la Commission doive apprécier si les deux autres critères Altmark ont été satisfaits dans le cas d’espèce. En conséquence, le versement d’une compensation complémentaire à CSTP pour les services fournis au cours de la période considérée confère à cette entreprise un avantage économique sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité.

6.1.3.   Distorsion de la concurrence et effets sur les échanges entre États membres

(58)

Dans ses observations, CSTP a soutenu que, comme, au cours de la période considérée, le marché des transports publics en Italie n’était pas ouvert à la concurrence d’entreprises établies dans d’autres États membres, la mesure contestée ne peut avoir affecté les échanges ni provoqué de distorsions de concurrence.

(59)

La Commission rappelle avant toute chose que la mesure contestée est entrée en vigueur le 21 décembre 2012, c’est-à-dire bien après que le marché italien des transports publics de voyageurs s’est ouvert à la concurrence. Étant donné que la mesure en question produit ses effets sur le marché à ce moment-là, c’est en référence à ce moment qu’il convient d’apprécier si la mesure considérée est susceptible de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre États membres.

(60)

En tout état de cause, la Commission observe en outre qu’ainsi qu’il ressort de l’arrêt Altmark, étant donné que plusieurs États membres ont commencé dès 1995 à ouvrir certains marchés des transports à des entreprises établies dans d’autres États membres, plusieurs entreprises proposaient déjà à l’époque des services de transport local ou régional dans des États membres autres que leur pays d’origine.

(61)

Dès lors, toute compensation octroyée à CSTP devrait être considérée comme susceptible de fausser la concurrence dans le cadre de la fourniture de services de transport de passagers par autobus et d’affecter les échanges entre États membres, au point de se répercuter négativement sur la possibilité, pour les entreprises de transport établies dans d’autres États membres, d’exercer leurs activités en Italie. Pareille situation aura pour effet de renforcer la position de marché de CSTP, la libérant des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de ses activités économiques quotidiennes (12).

(62)

La Commission fait encore remarquer que CSTP est active sur d’autres marchés, notamment sur le marché des services de location, même si, selon l’entreprise, les services en question n’ont été fournis qu’en 1998, et qu’en conséquence, elle se trouve en concurrence avec d’autres entreprises de l’Union sur ces marchés. De ce fait, toute compensation accordée à CSTP fausserait immanquablement la concurrence et affecterait les échanges entre États membres sur ces marchés.

(63)

La Commission est donc d’avis que la mesure fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres.

6.1.4.   Conclusions

(64)

À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que la mesure notifiée constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité.

6.2.   EXEMPTION DE L’OBLIGATION DE NOTIFICATION EN VERTU DU RÈGLEMENT (CEE) No 1191/69

(65)

D’après CSTP, puisque la Région a imposé unilatéralement l’obligation tarifaire et que les montants ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’OSP résultant d’un contrat de service, mais résultent de l’application correcte du calcul visé à l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69 dans le cadre d’une concession, le paiement effectué à titre de compensation était exempté de l’obligation de notification prévue à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement. CSTP a admis que ces OSP n’étaient pas définies dans le document d’attribution de la concession, dans lequel il n’en est pas fait mention, mais résultaient exclusivement d’actes internes de la Région.

(66)

L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 dispose que les compensations qui résultent de l’application dudit règlement sont dispensées de la procédure d’information préalable prévue par l’article 108, paragraphe 3, du traité et, partant, de l’obligation de notification.

(67)

Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Combus, le concept de «compensation de service public» au sens de la définition de cette disposition (article 17, paragraphe 2), appelle une interprétation très restrictive (13). La dispense de l’obligation de notification prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 concerne uniquement la compensation d’obligations de service public imposées unilatéralement à une entreprise au sens de l’article 2 du même règlement, calculée selon la méthode décrite aux articles 10 à 13 dudit règlement (méthodes communes de compensation) et non les contrats de service public tels que définis à l’article 14. La compensation versée en vertu d’un contrat de service public, au sens de l’article 14 du règlement (CEE) no 1191/69, qui constitue une aide d’État, doit être notifiée à la Commission avant d’être mise à exécution. Conformément à l’article 108 du traité, l’absence de notification porte à considérer cette compensation comme une aide illégalement mise à exécution.

(68)

Afin d’établir si, en l’espèce, l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69 dispensait effectivement les autorités italiennes de l’obligation d’information préalable, il convient donc de déterminer, en premier lieu, si les autorités italiennes ont, de fait, imposé unilatéralement une obligation de service public à CSTP et, en second lieu, si la compensation reconnue pour cette obligation est conforme au règlement (CEE) no 1191/69. La Commission examinera successivement ces deux questions.

i)   OSP imposée unilatéralement

(69)

La Commission fait observer que ni les autorités italiennes ni CSTP n’ont été en mesure de présenter un mandat relatif à la période considérée. CSTP n’a fourni à la Commission que des contrats qui sont entrés en vigueur à partir de 2003.

(70)

Les autorités italiennes soutiennent que le modèle de contrat de concession fourni — qui concerne une autre entreprise — représentait le modèle standard en usage dans la Région au cours de la période considérée. Toutefois, ce modèle de concession est resté en vigueur d’avril 1972 à décembre 1973, soit plus de vingt ans avant la période considérée et avant même l’entrée en vigueur de la loi no 151/1981, convertie par la loi régionale no 16/1983, sur la base de laquelle CSTP a reçu une compensation dans un premier temps. Bien que ce modèle de concession semble comporter certaines obligations qui pourraient constituer des obligations de service public (OSP) (voir, à titre d’exemple, les points 2, 9 et 10), dont l’obligation d’appliquer des réductions en faveur des étudiants, des travailleurs, des enseignants, des fonctionnaires publics et des salariés du privé, et l’obligation de transporter certaines catégories de passagers à titre gratuit, en raison de l’absence d’acte d’attribution, la Commission ne dispose pas d’éléments de preuve indiquant que les mêmes obligations ont effectivement été imposées à CSTP au cours de la période considérée. Dans la mesure où les services fournis concernaient des lignes régulières, il importait que les règlements de concession, qui conféraient à CSTP le droit exclusif d’assurer ces services, définissent à l’avance les modalités de fourniture desdits services. CSTP n’a pas apporté d’éléments de preuve susceptibles de démontrer que ces modalités ont été unilatéralement imposées par la Région, plutôt que proposées par l’opérateur, en contrepartie du droit de fournir les services sur une base exclusive, et ensuite autorisées par la Région. En tout état de cause, la méthode utilisée par l’expert désigné par le Conseil d’État pour calculer la sous-compensation alléguée ne fait pas référence à de telles obligations.

(71)

La Commission a également examiné si l’imposition d’OSP pouvait être inférée de la loi régionale no 16/1983, cette dernière étant la base juridique citée à la fois par la Région et par CSTP pour la compensation accordée à l’entreprise au cours de la période considérée (voir les considérants 23 et 40). À cet égard, il convient de noter que la loi régionale prévoit seulement que les collectivités locales et les entreprises publiques et privées qui fournissent des services de transport public local en régime de concession peuvent recevoir des subventions publiques. En outre, son article 2 dispose clairement que «les pertes et déficits éventuels non couverts par les subventions régionales telles que définies ci-dessus [article 2] restent à la charge des exploitations […]».

(72)

La Commission note également que les actes régionaux mentionnés par CSTP (voir le considérant 40) indiquaient certaines obligations contractuelles existantes, au cours de la période considérée, entre CSTP et la Région. Toutefois, ces actes n’indiquent pas clairement d’obligations susceptibles de constituer des OSP, tout en étant de possibles indices de leur existence éventuelle. En outre, l’existence d’obligations contractuelles exclut l’imposition unilatérale d’OSP à CSTP. En tout état de cause, la méthode utilisée par l’expert désigné par le Conseil d’État pour calculer la sous-compensation alléguée ne fait pas référence à de telles obligations.

(73)

S’agissant de l’existence éventuelle d’une obligation tarifaire, même si le calcul de la compensation complémentaire effectué par l’expert désigné par le Conseil d’État est fondé sur l’article 11 du règlement (CEE) no 1191/69, la Commission ne dispose d’aucun élément démontrant que de telles obligations ont été effectivement imposées à CSTP. Conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CEE) no 1191/69, par obligation tarifaire, il y a lieu d’entendre exclusivement «l’obligation pour les entreprises de transport d’appliquer des prix fixes ou homologués par voie d’autorité contraires à l’intérêt commercial de l’entreprise et résultant soit de l’imposition, soit du refus de modification de mesures tarifaires particulières». En revanche, la définition de l’obligation tarifaire ne s’applique pas «aux obligations découlant de mesures générales de politique des prix s’appliquant à l’ensemble des activités économiques ou de mesures prises en matière de prix et conditions généraux de transport en vue de l’organisation du marché des transports ou d’une partie de celui-ci». La Commission admet que le point 27 du modèle de concession de 1972/1973 fixe les tarifs applicables à l’opérateur intéressé, mais elle rappelle qu’elle n’a reçu, pour la période considérée, aucun modèle de concession similaire ou mandat concernant CSTP permettant de conclure que cette dernière s’est vu imposer des obligations tarifaires. En tout état de cause, la Commission fait observer qu’en vertu de l’article 2 de la loi régionale no 16/1983, la compensation annuelle accordée aux entreprises fournissant des services de transport public était calculée ex ante comme étant la différence entre les recettes découlant de l’application de tarifs minimaux et ce que l’on appelle le «coût économique standardisé» (voir le considérant 23). Par conséquent, la Commission conclut que la loi régionale prévoyait des tarifs minimaux, donnée qui, elle aussi, exclut l’existence d’une obligation tarifaire générale.

(74)

En tout état de cause, il n’apparaît pas que les éventuelles OSP imposées à CSTP l’ont été unilatéralement. À ce propos, la Commission observe que CSTP a pris l’initiative de demander le renouvellement des concessions pour l’ensemble des sept années de la période considérée. En outre, après la publication de l’arrêt du Conseil d’État en 2009, la Région a, à plusieurs reprises, appelé CSTP à produire les actes ou les conventions imposant les OSP aux fins de l’exécution de l’arrêt, sans toutefois obtenir de réponse, selon les informations fournies.

(75)

L’argumentation de CSTP selon laquelle les opérateurs étaient tenus d’exploiter les itinéraires dans le cadre des OSP, même si la Région avait, à plusieurs reprises, réduit le montant du coût standard, et auraient été dénoncés pour interruption de service public s’ils avaient effectivement cessé l’activité n’est étayée par aucun élément de preuve. Cet argument ne peut donc pas être utilisé, dans le cas d’espèce, pour démontrer l’existence d’OSP imposées unilatéralement.

ii)   Conformité de la compensation avec la méthode commune de compensation

(76)

Même si, en l’espèce, l’existence d’OSP imposées unilatéralement à CSTP venait à être démontrée, ce qui n’est pas le cas, la compensation pour ces services devrait, en tout état de cause, être conforme à la méthode commune de compensation prévue par le règlement (CEE) no 1191/69 (section IV) pour pouvoir être exemptée de l’obligation d’information préalable prévue à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement. De l’avis de la Commission, cette condition n’a pas été respectée.

(77)

En premier lieu, la Commission fait remarquer que la compensation complémentaire accordée à CSTP ne concerne que 1998. CSTP a admis qu’au cours de cette année, outre les OSP alléguées, elle a aussi exercé des activités commerciales, en particulier dans le secteur de la location. La Commission relève, à cet égard, que, depuis le 1er juillet 1992, les entreprises de transport qui fournissent des services soumis à des obligations de service public tout en exerçant d’autres activités sont tenues, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, point a), du règlement (CEE) no 1191/69, d’assurer ce service public: i) en séparant les comptes correspondant à chacune de ces activités d’exploitation et en affectant la part des actifs correspondants selon les règles comptables en vigueur; et ii) en équilibrant les dépenses par les recettes d’exploitation et les versements des pouvoirs publics, sans transfert possible de ou vers un autre secteur d’activité de l’entreprise.

(78)

La Commission fait observer par ailleurs que, conformément à l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire Antrop, les exigences définies dans cette procédure ne sont pas satisfaites lorsqu’il «n’est pas possible d’établir, sur la base de données sûres de la comptabilité [de l’entreprise], la différence entre les coûts imputables à la partie de l’activité […] dans la zone qui fait l’objet de la concession respective et le bénéfice correspondant, et qu’il n’est par conséquent, pas possible de calculer le surcoût découlant de l’exécution des obligations de service public [par cette entreprise]» (14).

(79)

CSTP n’a fourni aucun élément démontrant qu’au cours de la période considérée, en particulier en 1998, il a tenu une comptabilité séparée pour ses activités commerciales. Par ailleurs, la Commission estime que l’argument avancé par CSTP selon lequel l’obligation légale de conservation de l’intégralité de la documentation comptable et administrative pour la période considérée a expiré n’est pas pertinent pour justifier ex post l’octroi d’un montant complémentaire de compensation calculé selon une méthode inductive. En tout état de cause, même si l’existence en était démontrée, une telle exigence imposée par le droit national ne saurait infirmer une obligation découlant de la jurisprudence de la Cour de justice et du règlement (CEE) no 1191/69, qui doit être remplie avant de procéder au versement d’une compensation de service public en faveur d’un prestataire de services de transport.

(80)

En second lieu, la Commission observe que l’article 13 du règlement (CEE) no 1191/69 exige que l’administration fixe d’avance le montant de la compensation. Le calcul de la compensation complémentaire sur la base d’une évaluation ex post, tel qu’ordonné par le Conseil d’État, est en contradiction avec cette disposition, ainsi qu’il a déjà été indiqué aux considérants 54 et 55.

(81)

À la lumière des observations qui précèdent, la Commission conclut que la compensation complémentaire que le Conseil d’État a considérée comme étant due à CSTP n’était pas conforme à la méthode commune de compensation établie à la section IV du règlement (CEE) no 1191/69 et qu’elle n’était donc pas dispensée de la procédure d’information préalable prévue à l’article 17, paragraphe 2, du même règlement.

6.3.   COMPATIBILITÉ DE L’AIDE

(82)

Étant donné qu’il n’a pas été démontré que la mesure en cause était dispensée de la procédure d’information préalable prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1191/69, il convient d’examiner sa compatibilité avec le marché intérieur, dès lors que la Commission considère qu’elle constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité, comme indiqué à la section 6.1.

(83)

L’article 93 du traité définit des règles en matière de compatibilité des aides d’État dans le domaine de la coordination des transports et des obligations de service public dans le secteur des transports et constitue une lex specialis au regard de l’article 107, paragraphe 3, et de l’article 106, paragraphe 2, en ce qu’il contient des règles spécifiques en matière de compatibilité des aides d’État. La Cour de Justice a dit pour droit que cet article admet la compatibilité avec le marché intérieur d’aides aux transports seulement dans des cas bien déterminés et ne portant pas préjudice aux intérêts généraux de l’Union (15).

(84)

Le 3 décembre 2009 est entré en vigueur le règlement (CE) no 1370/2007 qui a abrogé le règlement (CEE) no 1191/69 et le règlement (CEE) no 1107/70 du Conseil (16). Le règlement (CE) no 1370/2007 s’applique à la compensation de service public pour les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route.

(85)

De l’avis de la Commission, il y a lieu d’examiner la compatibilité de la mesure notifiée au regard de la législation en vigueur à la date d’adoption de la présente décision, c’est-à-dire au regard du règlement (CE) no 1370/2007, qui est entré en vigueur le 3 décembre 2009 et a abrogé le règlement (CEE) no 1191/69 (17). Elle relève en outre que la compensation complémentaire octroyée à CSTP par le Conseil d’État a été versée le 21 décembre 2012, ce qui signifie qu’à la date à laquelle l’aide octroyée a pris effet, le règlement (CE) no 1370/2007 était déjà en vigueur depuis plus de trois ans (18).

(86)

L’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1370/2007 énonce ce qui suit: «la compensation de service public au titre de l’exploitation de services publics de transport de voyageurs ou du respect des obligations tarifaires établies au travers de règles générales versée conformément au présent règlement est compatible avec le marché [intérieur]. Cette compensation est exonérée de l’obligation de la notification préalable visée à l’article [108, paragraphe 3,] du traité».

(87)

Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission estime que la compensation notifiée n’est pas conforme au règlement (CE) no 1370/2007. Elle ne saurait, par conséquent, être déclarée compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement.

(88)

En premier lieu, conformément à l’article 3 du règlement (CE) no 1370/2007, lorsqu’une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public, elle le fait dans le cadre d’un contrat de service public, à moins que l’OSP ne vise à établir des tarifs maximaux et ne soit imposée par une mesure qui s’applique de manière non discriminatoire à tous les services de transport public de voyageurs du même type dans une zone géographique déterminée (règles générales).

(89)

Dans le cas d’espèce, la Commission considère qu’il n’y a pas d’éléments de preuve indiquant qu’il existait un régime contractuel entre CSTP et la Région ou que des règles générales relatives à la fixation de tarifs maximaux pour l’ensemble des voyageurs ou pour certaines catégories de voyageurs étaient en vigueur. La Commission n’a reçu qu’un modèle de contrat de concession pour l’année 1972/1973, qu’il n’est pas possible de transposer, de manière fiable, à la relation existant entre CSTP et la Région au cours de la période considérée (1997-2002). En outre, la Commission relève qu’en vertu de l’article 2 de la loi régionale no 16/1983 — la base juridique citée à la fois par la Région et par CSTP pour la période considérée (voir les considérants 19 et 36) — les recettes des fournisseurs de transports publics découleraient de l’application de tarifs minimaux fixés par la Région, tandis qu’aucune référence n’est faite à des tarifs maximaux.

(90)

La Commission conclut dès lors que l’article 3 du règlement (CE) no 1370/2007 n’a pas été respecté.

(91)

En second lieu, la Commission relève qu’indépendamment du fait que CSTP ait conclu un contrat de service public ou ait été soumise à des obligations tarifaires par l’application de règles générales, toutes les dispositions de l’article 4 du règlement (CE) no 1370/2007, qui définit le contenu obligatoire des contrats de service public et les règles générales, n’ont pas été respectées. À titre d’exemple, l’article 4, paragraphe 1, point b), prévoit que les paramètres sur la base desquels la compensation doit être calculée sont établis à l’avance, de façon objective et transparente, de manière à éviter toute surcompensation; les dispositions énoncées à l’article 4, paragraphe 1, point c), et à l’article 4, paragraphe 2, définissent quant à elles les modalités de répartition des coûts et des recettes. Comme indiqué dans la section 6.1, dans le cadre de l’analyse par la Commission du deuxième critère de l’arrêt Altmark rendu par la Cour de justice, les paramètres sur la base desquels le deuxième expert a calculé la sous-compensation alléguée n’ont pas été définis à l’avance et, par conséquent, l’article 4 du règlement (CE) no 1370/2007 n’a pas été respecté.

(92)

En troisième lieu, l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1370/2007 établit que, dans le cas de contrats de service public attribués directement, la compensation doit être conforme aux dispositions dudit règlement et de son annexe, de manière à garantir qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour exécuter l’obligation de service public. L’annexe du règlement (CE) no 1370/2007 prévoit que la compensation ne peut pas excéder le montant correspondant à l’incidence financière équivalant à la somme des facteurs suivants: les coûts occasionnés par une OSP, moins toute incidence financière positive générée au sein du réseau exploité au titre de l’obligation de service public en question, plus un bénéfice raisonnable. Par ailleurs, l’annexe dispose que le calcul des coûts et des recettes doit être effectué en conformité avec les règles comptables et fiscales en vigueur. La comptabilité doit en outre être séparée pour des raisons de transparence [point 5 de l’annexe du règlement (CE) no 1370/2007].

(93)

Comme indiqué au considérant 82, en 1998, à savoir l’année pour laquelle, sur la base de l’arrêt du Conseil d’État, la compensation a été accordée, CSTP n’a pas tenu efficacement une comptabilité séparée. Il se révèle donc impossible de démontrer que la compensation complémentaire versée par l’État italien le 21 décembre 2012 n’excède pas le montant correspondant à l’incidence financière nette, équivalant à la somme des incidences, positives ou négatives, dues au respect des obligations de service public, sur les coûts et les recettes de l’opérateur de service public [point 2 de l’annexe du règlement (CE) no 1370/2007].

(94)

En outre, en ce qui concerne la période considérée, en l’absence de paramètres de compensation définis à l’avance, toute répartition des coûts doit nécessairement être effectuée ex post, sur la base d’hypothèses arbitraires, comme cela a été le cas avec la méthode inductive.

(95)

La Commission considère dès lors que la compensation complémentaire octroyée par le Conseil d’État n’a pas été versée en conformité avec les dispositions du règlement (CE) no 1370/2007 et que, pour ce motif, elle n’est pas compatible avec le marché intérieur.

6.4.   LA COMPENSATION ACCORDÉE PAR LE CONSEIL D’ÉTAT NE CONSTITUE PAS DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS

(96)

Dans sa décision d’ouverture, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations, afin de déterminer si l’arrêt du Conseil d’État ne concernait pas l’octroi de dommages-intérêts pour violation présumée du droit plutôt que celui d’une compensation de service public, en application des règlements du Conseil en vigueur. Dans leurs observations, ni les autorités italiennes ni CSTP ne se sont exprimées à ce sujet.

(97)

La Commission fait remarquer à cet égard que, dans certaines circonstances, la réparation de dommages dus à des actes illicites ou à des comportements imputables aux autorités nationales (19) ne constitue pas un avantage et ne sont donc pas considérés comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité (20). L’objectif des dommages et intérêts est différent de la finalité des aides d’État dans la mesure où l’indemnisation vise à rétablir la partie lésée dans la situation où elle se trouvait avant l’action qui a causé les dommages, comme si cette dernière n’avait pas eu lieu (restitutio in integrum). Toujours à ce propos, la Commission observe que, pour ne pas tomber dans le champ d’application des règles en matière d’aides d’État, les dommages doivent se fonder sur une règle générale en matière de réparation (21). La Commission rappelle enfin que dans l’arrêt Lucchini, la Cour de justice a dit pour droit qu’un juge national ne peut appliquer le droit national lorsque cette application ferait échec à «l’application du droit communautaire en ce qu’elle rendrait impossible le recouvrement d’une aide d’État octroyée en violation du droit communautaire» (22). Le principe qui sous-tend cet arrêt est qu’une règle de droit national ne peut pas s’appliquer si cette application empêche l’application correcte du droit de l’Union (23).

(98)

En ce qui concerne la compensation complémentaire octroyée à CSTP par le Conseil d’État, la Commission relève que, même si, dans le dispositif de l’arrêt du Conseil d’État, il n’y a pas de référence au règlement (CEE) no 1191/69, le même arrêt invoque le droit de CSTP de percevoir les sommes dues à titre de compensation, conformément aux articles 6, 10 et 11 du règlement (CEE) no 1191/69, dont le montant devra être déterminé par l’administration sur la base de données fiables, ce qui semble indiquer que le droit de CSTP de percevoir la compensation complémentaire ne résulte pas tant, selon le Conseil d’État, d’une règle générale en matière de réparation des dommages causés par des actes illicites ou des comportements imputables aux autorités nationales que de droits prétendument prévus par le règlement (CEE) no 1191/69.

(99)

La Commission estime, en tout état de cause, que l’octroi de dommages et intérêts à CSTP pour la prétendue imposition unilatérale et illégale d’OSP par les autorités italiennes, calculés selon la méthode commune de compensation visée au règlement (CEE) no 1191/69, serait contraire aux articles 107 et 108 du traité. En effet, pareille indemnisation aboutirait, pour CSTP, exactement au même résultat que l’octroi d’une compensation pour obligations de service public durant la période considérée, alors que les cahiers des charges de concession qui régissent les services en cause n’étaient pas dispensés de l’obligation d’information préalable et ne satisfaisaient ni aux exigences substantielles du règlement (CEE) no 1191/69, ni à celles du règlement (CE) no 1370/2007, comme démontré ci-dessus. La possibilité d’octroyer une telle indemnisation permettrait donc, dans les faits, de contourner les règles sur les aides d’État et les conditions, établies par le législateur de l’Union, dans lesquelles les autorités compétentes peuvent, lorsqu’elles imposent ou négocient des obligations de service public, octroyer une compensation aux opérateurs concernés pour les coûts supportés, à titre de contrepartie pour l’exécution desdites obligations. En effet, l’octroi de dommages et intérêts correspondant à la somme des aides qu’il était prévu d’accorder constituerait un octroi indirect d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (24). Raisonnant en termes similaires, le Tribunal a estimé que les clauses d’indemnisation applicables en cas de récupération d’aides d’État constituaient des aides d’État (25).

(100)

En tout état de cause, le cahier des charges de concession de 1972, aux termes duquel CSTP aurait fourni les services de transport en cause, ne prévoyait pas le versement d’une quelconque compensation financière. CSTP a accepté d’exploiter ses propres services aux conditions établies dans la concession et à ses risques et périls. Cette conclusion est également confirmée par l’article 2 de la loi régionale no 16/1983, qui prévoyait que les éventuels pertes et déficits non couverts par les subventions publiques resteraient à la charge du prestataire du service.

(101)

Par conséquent, la Commission ne considère pas que l’arrêt du Conseil d’État s’apparente à l’octroi d’une compensation pour des préjudices subis par CSTP en raison d’actes illicites ou d’autres comportements des autorités nationales plutôt qu’à l’octroi d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur, interdites par l’article 107, paragraphe 1, du traité.

(102)

À la lumière des considérations exposées ci-dessus, la Commission conclut que la mesure non notifiée constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, incompatible avec le marché intérieur.

7.   RÉCUPÉRATION DE L’AIDE

(103)

En vertu du traité et de la jurisprudence constante de la Cour, la Commission est compétente, lorsqu’elle a constaté l’incompatibilité d’une mesure avec le marché intérieur, pour décider que l’État membre intéressé doit la supprimer ou la modifier (26). La Cour a également statué à plusieurs reprises que l’obligation d’un État donné de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise à rétablir la situation antérieure (27). La Cour a décidé à ce sujet que cet objectif est atteint quand le bénéficiaire a remboursé les montants octroyés à titre d’aides illégales, perdant donc l’avantage dont il avait bénéficié par rapport à ses concurrents, et que la situation existant avant le versement de l’aide est rétablie (28).

(104)

Conformément à cette jurisprudence, l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (29) dispose qu’«en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire».

(105)

En conséquence, l’aide d’État visée dans la présente décision doit être récupérée par l’Italie dans la mesure où elle a déjà été versée à CSTP. Par ailleurs, l’Italie doit ajouter au montant de l’aide les intérêts, calculés à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire (c’est-à-dire à partir du 21 décembre 2012) et jusqu’à la date de sa récupération (30), conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission (31).

(106)

Par conséquent, la Commission:

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’aide d’État d’un montant de 4 9 51  838 EUR, que la République italienne a illégalement accordée à CSTP en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, n’est pas compatible avec le marché intérieur.

Article 2

1.   La République italienne est tenue de se faire rembourser l’aide visée à l’article 1er par le bénéficiaire.

2.   Les montants à récupérer sont majorés d’intérêts à compter du 21 décembre 2012 jusqu’à leur remboursement total.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 de la Commission (32) qui modifie le règlement (CE) no 794/2004.

4.   La République italienne annule tous les versements en suspens de l’aide visée à l’article 1er à compter de la date de la présente décision.

Article 3

1.   La récupération de l’aide visée à l’article 1er est immédiate et effective.

2.   La République italienne garantit l’exécution de la présente décision dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1.   Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes à la Commission:

a)

le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire;

b)

une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision;

c)

les documents attestant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.

2.   La République italienne tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1er. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, les informations relatives aux mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 19 janvier 2015.

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  Décision de la Commission du 20 février 2014 relative à l’aide d’État SA.35842 (2012/NN) — Italie — Compensations complémentaires octroyées à CSTP pour l’exécution d’obligations de service public (JO C 156 du 23.5.2014, p. 39).

(2)  La Commission rappelle que, conformément à l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO L 83 du 27.3.1999, p. 1), les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans, à compter du jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription.

(3)  Règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156 du 28.6.1969, p. 1).

(4)  L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1191/69 énonce ce qui suit: «Il appartient aux entreprises de transport de présenter aux autorités compétentes des États membres des demandes de suppression de tout ou partie d’une obligation de service public si cette obligation entraîne pour elles des désavantages économiques». L’article 6, paragraphe 3, dispose que: «Les autorités compétentes des États membres prennent des décisions dans un délai d’un an à compter de la date de la présentation de la demande en ce qui concerne les obligations d’exploiter et de transporter et dans un délai de six mois en ce qui concerne les obligations tarifaires. Le droit à compensation naît à compter du jour de la décision des autorités compétentes […]».

(5)  Legge Regionale 25 gennaio 1983, n. 16 Interventi regionali in materia di servizi di trasporto pubblico locale per viaggiatori (Loi régionale no 16 du 25 janvier 1983 sur les interventions régionales en faveur des services de transport public local pour les voyageurs) accessible à l’adresse suivante: http://jtest.ittig.cnr.it:8080/cocoon/regioneCampania/xhtml?css=4&doc=/db/nir/RegioneCampania/1983/urn_nir_regione.campania_legge_1983-01-25n16&datafine=19830205

(6)  L’article 10 du règlement (CEE) no 1191/69 prévoit que le montant de la compensation, dans le cas d’une obligation d’exploiter ou de transporter, est égal à la différence entre la diminution des charges et la diminution des recettes de l’entreprise résultant de la suppression de l’obligation en cause pendant la période de temps considérée.

(7)  Affaire C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, EU:C:2003:415.

(8)  Règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO L 315 du 3.12.2007, p. 1).

(9)  Les modèles E sont les documents fondés sur la comptabilité d’entreprise contenant les informations nécessaires au calcul annuel de la contribution publique.

(10)  Affaire C-527/12, Commission/République fédérale d’Allemagne, EU:C:2014:2193, point 56 et la jurisprudence qui y est citée. Voir également l’arrêt rendu dans l’affaire C-119/05, Lucchini, EU:C:2007:434, point 59, décrite au considérant 94.

(11)  Affaire C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, EU:C:2003:415, points 87 et 88.

(12)  Affaire C-172/03, Heiser, EU:C:2005:130, point 55.

(13)  Affaire T-157/01, Danske Busvognmænd, Recueil 2004, EU:T:2004:76, points 77, 78 et 79.

(14)  Affaire C-504/07, Associação Nacional de Transportadores Rodoviários de Pesados de Passageiros (Antrop) e.a./Conselho de Ministros, Companhia Carris de Ferro de Lisboa SA (Carris) et Sociedade de Transportes Colectivos do Porto SA (STCP), Recueil 2009, EU:C:2009:290.

(15)   Affaire 156/77, Commission/Belgique, Recueil 1978, p. 1881, point 10.

(16)  Règlement (CEE) no 1107/70 du Conseil du 4 juin 1970 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 130 du 15.6.1970, p. 1).

(17)  La Commission renvoie, à cet égard, aux arguments avancés aux considérants 307 à 313 de sa décision 2011/3/UE du 24 février 2010 concernant les contrats de service public de transport entre le ministère danois des transports et Danske Statsbaner [affaire C-41/08 (ex NN 35/08)] (JO L 7 du 11.1.2011, p. 1). Cette décision a été annulée par le Tribunal dans l’affaire T-92/11, Jørgen Andersen/Commission (2013, EU:T:2013:143), dont l’arrêt est actuellement attaqué devant la Cour de justice dans l’affaire C-303/13 P. Le résultat de ce pourvoi n’est pas pertinent pour l’issue de la présente affaire, étant donné que le Tribunal a confirmé, dans l’arrêt attaqué, que c’est la date à laquelle l’aide versée prend effet qui détermine les règles à appliquer. Dans la présente affaire, l’aide a été versée le 21 décembre 2012. Par conséquent, il faudrait appliquer les règles, principes et critères d’appréciation de la compatibilité des aides d’État en vigueur à la date à laquelle la Commission prend sa décision (voir le point 39 de l’arrêt).

(18)   Affaire C-334/07 P, Commission/Freistaat Sachsen, Recueil 2008, p. I-9465, points 50 à 53; affaire C-3/09, Italie/Commission, Recueil 2011, p. II-95, point 60.

(19)  Par exemple un acte illicite ou un exemple d’enrichissement sans cause.

(20)  Affaires jointes 106 à 120/87, Asteris AE/République hellénique et CEE, EU:C:1988:457.

(21)  Voir la décision de la Commission du 16 juin 2004 relative aux aides en faveur d’Akzo Nobel visant à réduire au minimum les transports de chlore (affaire N 304/2003), communication succincte au JO C 81 du 2.4.2005, p. 4. Voir également la décision de la Commission du 20 décembre 2006 relative à l’affaire Bedrijfsverplaatsing van autodemontagebedrijf Steenbergen (affaire N 575/2005), communication succincte au JO C 80 du 13.4.2007, p. 1.

(22)  Affaire C-119/05, Lucchini, EU:C:2007:434, point 59.

(23)  Ibidem, point 61.

(24)  Arrêt du 28 avril 2005 dans les affaires jointes C-346/03 et C-529/03, Atzeni, EU:C:2005:256, point 198.

(25)  Affaire T-384/08, Elliniki Nafpigokataskevastiki AE Chartofylakeiou/Commission, EU:T:2011:650 et affaire T-565/08, Corsica Ferries/Commission, EU:T:2012:415, points 23, 114 et 120 à 131. Voir également, par analogie, l’affaire C-111/10, Commission/Conseil, EU:C:2013:785, point 44.

(26)   Affaire C-70/72, Commission/Allemagne, Recueil 1973, p. 813, point 13.

(27)   Affaires jointes C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Espagne/Commission, Recueil 1994, p. I-04103, point 75.

(28)   Affaire C-75/97, Belgique/Commission, Recueil 1999, p. I-3671, points 64 et 65.

(29)  Règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 108 du traité CE (JO L 83 du 27.3.1999, p. 1).

(30)  Voir l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 659/1999.

(31)  Règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 140 du 30.4.2004, p. 1).

(32)  Règlement (CE) no 271/2008 de la Commission du 30 janvier 2008 modifiant le règlement (CE) no 794/2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 82 du 25.3.2008, p. 1).