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Document 62005CJ0307

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 13 septembre 2007.
Yolanda Del Cerro Alonso contre Osakidetza-Servicio Vasco de Salud.
Demande de décision préjudicielle: Juzgado de lo Social nº 1 de San Sebastián - Espagne.
Directive 1999/70/CE - Clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée - Principe de non-discrimination - Notion de 'conditions d’emploi' - Primes d’ancienneté - Inclusion - Raisons objectives justifiant une différence de traitement - Absence.
Affaire C-307/05.

Recueil de jurisprudence 2007 I-07109

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:509

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑307/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Juzgado de lo Social nº 1 de San Sebastián (Espagne), par décision du 6 juillet 2005, parvenue à la Cour le 4 août 2005, dans la procédure

Yolanda Del Cerro Alonso

contre

Osakidetza-Servicio Vasco de Salud,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur), J. Klučka, J. Makarczyk et G. Arestis, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M me M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2006,

considérant les observations présentées:

– pour M me Del Cerro Alonso, par M e A. Angoitia López, abogado,

– pour Osakidetza-Servicio Vasco de Salud, par M e R. Navajas Cardenal, abogado,

– pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agent,

– pour l’Irlande, par M. D. J. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. A. Collins, SC, A. Kerr, BL, F. O’Dubhghaill, BL, M. Heneghan, state’s solicitor, et J. Gormley, advisory counsel,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Massella Ducci Teri, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M me T. Harris, en qualité d’agent, assistée de M. T. Ward et M me K. Smith, barristers,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. van Beek et R. Vidal Puig, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M me Del Cerro Alonso à son employeur, l’Osakidetza-Servicio Vasco de Salud (ci-après l’«Osakidetza»), au sujet de l’octroi de primes d’ancienneté.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci «a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs».

4. La clause 2, point 1, de l’accord-cadre prévoit:

«Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

5. Aux termes de la clause 3 de l’accord-cadre, «on entend par:

1. ‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

2. ‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. […]»

6. La clause 4, point 1, de l’accord-cadre dispose:

«Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.»

La réglementation nationale

7. La réglementation de base applicable au personnel statutaire du système de santé espagnol est contenue dans la loi 55/2003 relative au statut-cadre du personnel statutaire des services de santé (Ley 55/2003 del Estatuto Marco del personal estatutario de los servicios de salud), du 16 décembre 2003 (BOE nº 301, du 17 décembre 2003, p. 44742).

8. Ainsi qu’il ressort de l’article 1 er de la loi 55/2003, cette dernière vise à établir les règles de base du régime spécial de la fonction publique régissant le personnel statutaire des services qui composent le système national de santé.

9. L’article 2, paragraphe 1, de la loi 55/2003 dispose:

«Cette loi est applicable au personnel statutaire employé dans les centres ou institutions sanitaires des services de santé des communautés autonomes, ou dans les centres et services sanitaires de l’administration générale de l’État.»

10. La loi 55/2003 opère, à ses articles 8 et 9, une distinction entre le «personnel statutaire fixe» et le «personnel statutaire temporaire».

11. L’article 41, paragraphe 1, de la loi 55/2003 prévoit que «le système de rémunération du personnel statutaire se compose de rémunérations de base et de rémunérations complémentaires». Conformément à l’article 42, paragraphe 1, de la même loi, les rémunérations de base comprennent le traitement, les gratifications et les primes triennales, ces dernières étant accordées pour chaque période de trois années de service.

12. L’article 44 de la loi 55/2003 énonce:

«Le personnel statutaire temporaire perçoit la totalité des rémunérations de base et des rémunérations complémentaires qui, dans le service de santé concerné, correspondent à sa nomination, à l’exception des primes triennales.»

13. Dans la Communauté autonome du Pays basque, la réglementation de base applicable au personnel statutaire a été mise en œuvre par le décret 231/2000 relatif à l’approbation de l’accord réglementant les conditions de travail du personnel de l’Osakidetza-Servicio Vasco de Salud (Decreto 231/2000, de 21 de noviembre, por el que se aprueba el Acuerdo regulador de las condiciones de trabajo del personal de Osakidetza-Servicio Vasco de Salud), du 21 novembre 2000 (BOPV n° 234, du 7 décembre 2000, p. 21912). L’article 74 de l’accord régissant les conditions de travail du personnel de l’Osakidetza, annexé audit décret, prévoit que, pour percevoir les primes triennales, il est nécessaire d’appartenir à la catégorie du «personnel statutaire fixe».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14. Il ressort du dossier transmis à la Cour par la juridiction de renvoi que M me Del Cerro Alonso a travaillé, entre le 1 er février 1990 et le 30 juin 2004, pendant plus de douze années en tant qu’auxiliaire administrative dans divers hôpitaux du système de santé publique du Pays basque et qu’elle faisait partie, durant toute cette période, du «personnel statutaire temporaire».

15. Ayant réussi les épreuves de sélection correspondantes, M me Del Cerro Alonso occupe, depuis le 1 er juillet 2004, un poste d’auxiliaire administrative dans un hôpital du système de santé publique du Pays basque en tant que membre du «personnel statutaire fixe».

16. Le 7 juillet 2004, l’intéressée a sollicité la reconnaissance des douze années de service antérieurement prestées, représentant l’équivalent de quatre primes triennales. Son employeur, l’Osakidetza, a fait droit à sa demande et a fixé son ancienneté au 17 avril 1992. La rémunération de M me Del Cerro Alonso fut en conséquence augmentée de quatre primes triennales à partir du 1 er juillet 2004, date de sa titularisation.

17. Le 12 novembre 2004, M me Del Cerro Alonso a introduit une nouvelle demande afin d’obtenir le paiement des primes triennales échues au cours de l’année qui précéda sa titularisation, ces primes s’élevant à la somme de 1 167,94 euros. Elle se fonde à cet effet sur la troisième disposition additionnelle du décret royal 1181/1989 portant adoption de normes pour l’application de la loi 70/1978, du 26 décembre, de reconnaissance des services préalables effectués dans l’administration publique au personnel de l’Institut national de la Santé (Real Decreto 1181/1989 por el que se dictan normas de aplicación de la Ley 70/1978, de 26 de diciembre, de Reconocimiento de servicios previos en la Administración Pública al personal estatutario del Instituto Nacional de la Salud), du 29 septembre 1989 (BOE n° 237, du 3 octobre 1989, p. 30952), qui prévoit que les effets économiques résultant de la reconnaissance de l’ancienneté dans le service peuvent s’étendre de manière rétroactive à la période d’un an précédant la demande de reconnaissance des services antérieurs.

18. Cette demande étant restée sans réponse, l’intéressée a saisi la juridiction de renvoi, faisant valoir, en substance, que le refus de lui accorder rétroactivement les effets économiques résultant de la reconnaissance de l’ancienneté dans le service constitue une discrimination du «personnel statutaire temporaire» par rapport au «personnel statutaire fixe».

19. L’Osakidetza s’oppose à cette prétention, au motif que le décret 231/2000 prévoit, comme condition indispensable pour l’obtention des primes triennales, que la personne en question ait la qualité de «personnel statutaire fixe». M me Del Cerro Alonso n’ayant acquis cette qualité que le 1 er juillet 2004, elle ne saurait bénéficier desdites primes qu’à partir de cette date.

20. La juridiction de renvoi se demande si la demanderesse au principal est susceptible, sur le fondement du principe de non-discrimination énoncé à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, de bénéficier d’une solution plus favorable que celle résultant de l’application du droit national.

21. À cet égard, il importerait cependant de déterminer si la notion de «conditions d’emploi», au sens de ladite clause, inclut la rémunération perçue par un travailleur.

22. En outre, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la question de savoir si le fait qu’une différence de traitement entre le «personnel statutaire temporaire» et le «personnel statutaire fixe» est prévue par un texte législatif ou un accord entre partenaires sociaux constitue une «raison objective» au sens de cette même clause de l’accord-cadre.

23. C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Social n° 1 de San Sebastián a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Quand la directive 1999/70/CE dispose que les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée, fait-elle également référence aux conditions économiques?

Dans l’affirmative:

2) Le fait que l’article 44 de la loi 55/2003 […] dispose qu’il est impossible de percevoir le complément économique lié à l’ancienneté qui est octroyé aux travailleurs à durée indéterminée constitue-t-il une raison objective suffisante?

3) Les accords souscrits entre les représentants syndicaux du personnel et l’administration constituent-ils des raisons objectives suffisantes pour ne pas octroyer le complément lié à l’ancienneté au personnel temporaire?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

24. En vue de répondre utilement aux questions posées par la juridiction de renvoi, il convient de vérifier, au préalable, si un travailleur tel que la requérante au principal relève du champ d’application personnel de la directive 1999/70 et de celui de l’accord-cadre.

25. À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il résulte tant du libellé de la directive 1999/70 et de celui l’accord-cadre que de l’économie ainsi que de la finalité de ceux-ci que les prescriptions y énoncées ont vocation à s’appliquer aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et autres entités du secteur public (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 54 à 57, ainsi que du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, points 40 à 43, et Vassallo, C‑180/04, Rec. p. I‑7251, points 32 à 35).

26. Il y a lieu d’ajouter que, ainsi qu’il ressort de la clause 1 de l’accord-cadre, l’objet de celui-ci est non seulement d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, mais également d’assurer le respect du principe de non-discrimination en ce qui concerne le travail à durée déterminée.

27. Or, eu égard à l’importance des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, qui font partie des principes généraux du droit communautaire, les dispositions prévues par la directive 1999/70 et l’accord-cadre aux fins de garantir aux travailleurs à durée déterminée le bénéfice des mêmes avantages que ceux réservés aux travailleurs à durée indéterminée comparables, sauf si un traitement différencié se justifie par des raisons objectives, doivent se voir reconnaîtr e une portée générale, dès lors qu’elles constituent des règles du droit social communautaire revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescriptions protectrices minimales.

28. En conséquence, la directive 1999/70 et l’accord-cadre trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur.

29. La seule circonstance qu’un emploi soit qualifié de «statutaire» au titre du droit national et présente certains aspects caractérisant la fonction publique de l’État membre concerné est dépourvue de pertinence à cet égard, sous peine de remettre sérieusement en cause l’effet utile de la directive 1999/70 et celui de l’accord-cadre ainsi que l’application uniforme de ceux-ci dans les États membres, en réservant à ces derniers la possibilité d’écarter à leur gré certaines catégories de personnes du bénéfice de la protection voulue par ces instruments communautaires (voir, par analogie, arrêts du 9 septembre 2003, Jaeger, C‑151/02, Rec. p. I‑8389, points 58 et 59, ainsi que du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 99). Ainsi que cela résulte non seulement de l’article 249, troisième alinéa, CE, mais également de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, lu à la lumière du dix-septième considérant de celle-ci, les États membres sont en effet tenus de garantir le résultat imposé par le droit communautaire (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 68).

30. Dès lors qu’il est constant que M me Del Cerro Alonso a travaillé pendant plus de douze années dans divers hôpitaux du système de santé publique du Pays basque en qualité de membre du personnel temporaire et que, par ailleurs, l’affaire au principal porte sur la comparaison entre un membre du personnel statutaire temporaire et un membre du personnel statutaire fixe, la requérante au principal relève du champ d’application de la directive 1999/70 et de celui de l’accord-cadre.

Sur la première question

31. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de «conditions d’emploi» visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle peut servir de fondement à une prétention telle que celle en cause au principal qui tend à l’attribution à un travailleur à durée déterminée d’une prime d’ancienneté réservée par le droit national aux seuls travailleurs à durée indéterminée.

32. Le gouvernement espagnol, l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni ont fait valoir qu’une réponse négative à cette question s’impose en raison du libellé de l’article 137, paragraphe 5, CE, tel qu’interprété dans l’arrêt du 1 er décembre 2005, Dellas e.a. (C‑14/04, Rec. p. I‑10253, point 39).

33. Il y a lieu de constater d’emblée que le Conseil de l’Union européenne, en adoptant la directive 1999/70 visant à mettre en œuvre l’accord-cadre, s’est fondé sur l’article 139, paragraphe 2, CE, qui dispose que la mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient dans les matières relevant de l’article 137 CE.

34. Parmi les domaines dans lesquels l’article 137, paragraphe 2, CE habilite le Conseil à arrêter par voie de directives des prescriptions minimales en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 136 CE, au nombre desquels figurent l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs ainsi qu’une protection sociale adéquate de ceux-ci, l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE énumère les «conditions de travail».

35. Toutefois, selon les termes de son paragraphe 5, les dispositions de l’article 137 CE «ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out».

36. À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, aux termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, l’objet de celui-ci est «d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination». De même, le préambule de l’accord-cadre précise que celui-ci «illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination». Le quatorzième considérant de la directive 1999/70 précise à cet effet que l’objectif de l’accord-cadre consiste notamment à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en fixant des prescriptions minimales de nature à garantir l’application du principe de non-discrimination.

37. Il s’ensuit que l’accord-cadre vise à faire application du principe de non-discrimination aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée.

38. Or, ce principe de droit social communautaire ne saurait être interprété de manière restrictive.

39. En second lieu, dès lors que le paragraphe 5 de l’article 137 CE constitue une disposition dérogatoire aux paragraphes 1 à 4 du même article, les matières réservées par ledit paragraphe doivent faire l’objet d’une interprétation stricte de nature à ne pas affecter indûment la portée desdits paragraphes 1 à 4 ni remettre en cause les objectifs poursuivis par l’article 136 CE.

40. En ce qui concerne plus particulièrement l’exception relative aux «rémunérations» énoncée à l’article 137, paragraphe 5, CE, elle trouve sa raison d’être dans le fait que la fixation du niveau des salaires relève de l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux à l’échelon national ainsi que de la compétence des États membres en la matière. Dans ces conditions, il a été jugé approprié, en l’état actuel du droit communautaire, d’exclure la détermination du niveau des salaires d’une harmonisation au titre des articles 136 CE et suivants.

41. Ladite exception ne peut cependant pas être étendue à toute question présentant un lien quelconque avec la rémunération, sous peine de vider d’une grande partie de leur substance certains des domaines visés à l’article 137, paragraphe 1, CE.

42. Il en résulte que la réserve de l’article 137, paragraphe 5, CE ne saurait empêcher un travailleur à durée déterminée de solliciter, sur le fondement du principe de non-discrimination, le bénéfice d’une condition d’emploi réservée aux seuls travailleurs à durée indéterminée, alors même que l’application de ce principe entraîne le paiement d’un différentiel de rémunération.

43. Contrairement aux allégations du gouvernement espagnol, de l’Irlande et du gouvernement du Royaume-Uni, l’interprétation qui précède n’est pas remise en cause par la jurisprudence de la Cour selon laquelle ne sauraient s’appliquer aux rémunérations les prescriptions minimales que le Conseil peut adopter par voie de directives sur le fondement de l’article 137 CE (voir arrêt Dellas e.a., précité, point 39), si bien que la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), ne trouve pas à s’appliquer à la rémunération des travailleurs (voir arrêt Dellas e.a., précité, point 38, et ordonnance du 11 janvier 2007, Vorel, C‑437/05, non encore publiée au Recueil, point 32).

44. Il ressort en effet sans ambiguïté du contexte dans lequel s’insèrent ces motifs de l’arrêt Dellas e.a, précité, ainsi que de l’ordonnance Vorel, précitée, que, dans les affaires ayant donné lieu à ces décisions, s’est posée la question de l’incidence que l’interprétation des notions de «temps de travail» et de «temps de repos» au sens de la directive 93/104 est susceptible d’avoir sur le «niveau» des rémunérations perçues par les travailleurs qui effectuent des services de garde (voir arrêt Dellas e.a., précité, points 37 et 38, ainsi que ordonnance Vorel, précitée, point 32).

45. C’est donc en pleine conformité avec l’interprétation de la réserve de l’article 137, paragraphe 5, CE consacrée aux points 41 et 42 du présent arrêt que la Cour a considéré, à cet égard, que les modalités de rémunération des périodes de garde ne sont pas susceptibles, en l’état actuel du développement du droit communautaire, de faire l’objet d’une harmonisation. Les instances nationales restent en effet seules compétentes pour procéder à la fixation du montant des salaires et traitements dus à ce titre à chaque travailleur, la directive 93/104 ne faisant pas en principe obstacle à l’application par les États membres d’une réglementation qui, s’agissant du service de garde effectué par le travailleur sur son lieu de travail, prévoit une rémunération différente des périodes au cours desquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et de celles durant lesquelles aucun travail effectif n’est accompli (voir ordonnance Vorel, précitée, points 35 et 36).

46. Or, pour les mêmes motifs, la détermination du niveau des divers éléments constitutifs de la rémunération d’un travailleur tel que la requérante au principal demeure incontestablement du ressort des instances compétentes dans les différents États membres. Tel n’est toutefois pas l’objet du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

47. En revanche, ainsi qu’il a déjà été précisé aux points 44 et 45 du présent arrêt, relève du champ d’application de l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE et, partant, de la directive 1999/70 ainsi que de l’accord-cadre pris sur cette base le point de savoir si, en application du principe de non-discrimination, énoncé à la clause 4, point 1, de cet accord-cadre, un des éléments de la rémunération doit, en tant que condition d’emploi, être accordé à un travailleur à durée déterminée dans la même mesure qu’à un travailleur à durée indéterminée.

48. Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question posée que la notion de «conditions d’emploi» visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle peut servir de fondement à une prétention telle que celle en cause au principal qui tend à l’attribution à un travailleur à durée déterminée d’une prime d’ancienneté réservée par le droit national aux seuls travailleurs à durée indéterminée.

Sur les deuxième et troisième questions

49. Ces questions portent en substance sur l’interprétation de la notion de «raisons objectives» qui, selon la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, permettent de justifier un traitement différent des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs à durée indéterminée.

50. La juridiction de renvoi demande plus particulièrement si est susceptible de constituer une telle raison objective la seule circonstance que la différence de traitement existant en l’occurrence entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée en ce qui concerne la prime d’ancienneté est prévue par une loi ou par un accord souscrit entre les représentants syndicaux du personnel et l’administration.

51. Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner conjointement les deuxième et troisième questions.

52. Il importe de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà eu à statuer sur une question similaire en ce qui concerne la même notion de «raisons objectives» qui, selon la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, justifient le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

53. En effet, la Cour a considéré que ladite notion de «raisons objectives» doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt Adeneler e.a., précité, points 69 et 70).

54. En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences telles que précisées au point précédent (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 71).

55. Plus particulièrement, le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le seul fondement d’une telle disposition générale, sans rapport avec le contenu concret de l’activité considérée, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 74).

56. Or, la même interprétation s’impose, par analogie, en ce qui concerne la notion identique de «raisons objectives» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

57. Dans ces conditions, cette notion doit être comprise comme n’autorisant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette dernière est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle une loi ou une convention collective.

58. Au contraire, ladite notion requiert que l’inégalité de traitement en cause soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet.

59. En conséquence, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’instauration d’une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre ou par une convention collective conclue entre les représentants syndicaux du personnel et l’employeur concerné.

Sur les dépens

60. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1) La notion de «conditions d’emploi» visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut servir de fondement à une prétention telle que celle en cause au principal qui tend à l’attribution à un travailleur à durée déterminée d’une prime d’ancienneté réservée par le droit national aux seuls travailleurs à durée indéterminée.

2) La clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’instauration d’une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre ou par une convention collective conclue entre les représentants syndicaux du personnel et l’employeur concerné.

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