ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 mars 2019 ( *1 )

« Pourvoi – Aides d’État – Aides accordées par certaines dispositions de la loi allemande modifiée concernant les sources d’énergie renouvelables (EEG de 2012) – Aide en faveur des producteurs d’électricité EEG et prélèvement EEG réduit pour les gros consommateurs d’énergie – Décision déclarant les aides partiellement incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Ressources d’État – Contrôle public des ressources – Mesure assimilable à une taxe à la consommation d’électricité »

Dans l’affaire C‑405/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 juillet 2016,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents, assistés de Me T. Lübbig, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann et M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. J. Malenovský, L. Bay Larsen, M. Safjan, D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2016, Allemagne/Commission (T‑47/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:281), par lequel celui-ci a rejeté son recours, fondé sur l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA. 33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie] (JO 2015, L 250, p. 122) (ci-après la « décision litigieuse »).

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2

Le 28 juillet 2011, le législateur allemand a adopté le Gesetz zur Neuregelung des Rechtsrahmens für die Förderung der Stromerzeugung aus erneuerbaren Energien (loi portant nouvelle réglementation du cadre juridique de la promotion de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables) (BGBl. 2011 I, p. 1634, ci-après l’« EEG de 2012 »). Cette loi, en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2014, avait pour objectif d’augmenter, dans l’approvisionnement en électricité, la part de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine (ci-après l’« électricité EEG »).

3

Les caractéristiques principales du dispositif établi par l’EEG de 2012 sont exposées aux points 4 à 12 de l’arrêt attaqué de la manière suivante :

« 4 En premier lieu, les gestionnaires de réseau de tous niveaux de tension (ci-après les “GR”) assurant l’approvisionnement général en électricité sont tenus, premièrement, de raccorder à leur réseau les installations produisant de l’électricité EEG dans leur périmètre d’activité (articles 5 à 7 de l’EEG de 2012), deuxièmement, d’injecter cette électricité dans leur réseau, de la transporter ainsi que de la distribuer en priorité (articles 8 à 12 de l’EEG de 2012) et, troisièmement, de verser aux exploitants de ces installations une rémunération calculée en fonction de tarifs fixés par la loi, au vu de la nature de l’électricité en cause et de la puissance assignée ou installée de l’installation concernée (articles 16 à 33 de l’EEG de 2012). Alternativement, les exploitants d’installations produisant de l’électricité EEG ont le droit, d’une part, de commercialiser tout ou partie de cette électricité directement auprès de tiers et, d’autre part, d’exiger que le GR auquel une installation aurait été raccordée à défaut d’une telle commercialisation directe leur paie une prime de marché calculée sur la base du montant de la rémunération qui aurait été due en cas de raccordement (articles 33a à 33i de l’EEG de 2012). En pratique, il est constant que ces obligations pèsent essentiellement sur les gestionnaires de réseau de distribution locale à basse ou à moyenne tension (ci-après les “GRD”).

5 En deuxième lieu, les GRD sont tenus de transmettre l’électricité EEG aux gestionnaires de réseaux de transport interrégional à haute et à très haute tension situés en amont (ci-après les “GRT”) (article 34 de l’EEG de 2012). En contrepartie de cette obligation, les GRT sont tenus de verser aux GRD l’équivalent des rémunérations et des primes de marché payées par ces derniers aux exploitants d’installations (article 35 de l’EEG de 2012).

6 En troisième lieu, l’EEG de 2012 prévoit un mécanisme dit de “compensation à l’échelle fédérale” des quantités d’électricité EEG que chaque GRT injecte dans son réseau, d’une part, et des sommes versées en contrepartie aux GRD, d’autre part (article 36 de l’EEG de 2012). En pratique, chaque GRT ayant injecté et payé une quantité d’électricité EEG supérieure à celle livrée par les fournisseurs d’électricité aux clients finals situés dans sa zone peut se prévaloir, à l’égard des autres GRT, d’un droit à compensation correspondant à cette différence. Depuis les années 2009-2010, ladite compensation ne s’opère plus sous une forme réelle (échange de flux d’électricité EEG), mais sous une forme financière (compensation des coûts qui y sont afférents). Trois des quatre GRT concernés par ce dispositif de compensation sont des entreprises privées (Amprion GmbH, TenneT TSO GmbH et 50Hertz Transmission GmbH), tandis que le quatrième est une entreprise publique (Transnet BW GmbH).

7 En quatrième lieu, les GRT sont tenus de commercialiser l’électricité EEG qu’ils injectent dans leur réseau sur le marché au comptant de la bourse de l’électricité (article 37, paragraphe 1, de l’EEG de 2012). Si le prix ainsi obtenu ne leur permet pas de couvrir la charge financière que leur impose l’obligation légale de rémunérer cette électricité aux tarifs fixés par la loi, ils ont le droit d’exiger, dans des conditions définies par le pouvoir réglementaire, que les fournisseurs approvisionnant les clients finals leur versent la différence, en proportion des quantités vendues. Ce mécanisme est dénommé “prélèvement EEG” (article 37, paragraphe 2, de l’EEG de 2012). Le montant du prélèvement EEG peut néanmoins être réduit de 2 centimes d’euro par kilowattheure (KWh) dans certains cas (article 39 de l’EEG de 2012). Pour bénéficier d’une telle réduction, qualifiée par l’EEG de 2012 de “réduction du prélèvement EEG”, mais également connue sous le nom de “privilège électricité verte”, les fournisseurs d’électricité doivent notamment démontrer, tout d’abord, qu’au moins 50 % de l’électricité qu’ils livrent à leurs clients est de l’électricité EEG, ensuite, qu’au moins 20 % de celle-ci est issue de l’énergie éolienne ou de l’énergie radiative du soleil et, enfin, qu’elle fait l’objet d’une commercialisation directe à leurs clients.

8 [...]

9 En cinquième lieu, il est constant que, bien que l’EEG de 2012 n’oblige pas les fournisseurs d’électricité à répercuter le prélèvement EEG sur les clients finals, il ne le leur interdit pas non plus. Il est également constant que les fournisseurs, qui sont eux-mêmes obligés de payer ce prélèvement aux GRT, répercutent en pratique cette charge sur leurs clients, ainsi que l’a d’ailleurs confirmé la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience. Les modalités selon lesquelles ce prélèvement doit être signalé sur la facture qui leur est adressée sont prévues par l’EEG de 2012 (article 53 de l’EEG de 2012), de même que les conditions dans lesquelles ces clients doivent être informés de la proportion d’énergies renouvelables, subventionnées selon la loi sur les énergies renouvelables, qui leur est livrée (article 54 de l’EEG de 2012).

10 Par ailleurs, l’EEG de 2012 prévoit également un régime de compensation spécial, en vertu duquel le Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle (Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations, ci-après le “BAFA”) accorde chaque année un plafonnement de la part du prélèvement EEG pouvant être répercutée par les fournisseurs d’électricité sur deux catégories déterminées de clients, à savoir, d’une part, les “entreprises électro-intensives du secteur productif” (ci-après les “EEI”) et, d’autre part, les “entreprises du rail”, à la suite d’une demande devant être présentée par ces derniers avant le 30 juin de l’année précédente, dans le but de réduire leurs coûts d’électricité et, ce faisant, de préserver leur compétitivité (article 40 de l’EEG de 2012).

11 L’EEG de 2012 précise les conditions qui ouvrent droit à ce régime, la procédure devant être suivie par les entreprises admissibles, les modalités de détermination du plafonnement au cas par cas et les effets des décisions prises à ce sujet par le BAFA (articles 41 à 44 de l’EEG de 2012). L’EEG de 2012 prévoit en particulier que, pour les entreprises du secteur productif dont les coûts de consommation d’électricité représentent au moins 14 % de leur valeur ajoutée brute et dont la consommation est d’au moins 1 gigawattheure (GWh), ce plafonnement est fixé à 10 % du prélèvement EEG pour la part de leur consommation comprise entre 1 GWh et 10 GWh, à 1 % de ce prélèvement pour la part de leur consommation comprise entre 10 GWh et 100 GWh et à 0,05 centime d’euro par KWh au-delà. L’EEG de 2012 dispose également que, pour les entreprises du secteur productif dont les coûts de consommation d’électricité représentent au moins 20 % de leur valeur ajoutée brute et dont la consommation est d’au moins 100 GWh, le prélèvement EEG est plafonné à 0,05 centime d’euro par KWh dès le premier kilowattheure. L’EEG de 2012 précise par ailleurs que les fournisseurs d’électricité doivent informer les entreprises bénéficiant d’un avis de plafonnement du prélèvement EEG, premièrement, de la part d’énergies renouvelables, bénéficiant d’une aide en vertu de la loi sur les énergies renouvelables, qui leur est livrée, deuxièmement, de la composition de leur bouquet énergétique global et, troisièmement, pour les entreprises privilégiées au titre de la loi sur les énergies renouvelables, de la composition du bouquet énergétique qui leur est servi (article 54 de l’EEG de 2012).

12 En sixième lieu, l’EEG de 2012 impose un ensemble d’obligations d’information et de publication aux exploitants d’installations, aux GR et aux fournisseurs d’électricité, en particulier à l’égard des GRT et de la Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux, ci-après la “BNetzA”), auxquelles s’ajoute une série d’obligations de transparence pesant spécifiquement sur les GRT (articles 45 à 51 de l’EEG de 2012). Ladite loi précise également les pouvoirs de surveillance et de contrôle dont dispose la BNetzA à l’égard des GRD et des GRT (article 61 de l’EEG de 2012). »

4

Après avoir décidé, le 18 décembre 2013, d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures contenues dans l’EEG de 2012, la Commission européenne a adopté la décision litigieuse le 25 novembre 2014.

5

Dans cette dernière, la Commission estime que l’EEG de 2012 comporte deux types d’avantages sélectifs entraînant la qualification d’aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à savoir, d’une part, le soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine, qui garantissait aux producteurs d’électricité EEG, à travers les tarifs de rachat et les primes de marché, un prix pour l’électricité plus élevé que celui du marché, et, d’autre part, le régime de compensation spécial, en vertu duquel le prélèvement EEG pouvait être réduit pour des gros consommateurs d’énergie (article 3 de la décision litigieuse).

6

Le dispositif de la décision litigieuse se lit comme suit :

« Article 1er

L’aide d’État en faveur du soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine, y compris son mécanisme de financement, qui a été octroyée en vertu de l’[EEG de 2012], illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est compatible avec le marché intérieur sous réserve de l’exécution par l’Allemagne de l’engagement exposé à l’annexe I.

[...]

Article 3

1.   L’aide d’État consistant en des réductions du prélèvement destiné à financer le soutien apporté à l’électricité produite à partir de sources renouvelables [...] au cours des années 2013 et 2014 en faveur des gros consommateurs d’énergie [...], illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est compatible avec le marché intérieur pour autant qu’elle relève de l’une des quatre catégories exposées au présent paragraphe.

[...]

2.   Toute aide qui n’est pas couverte par le paragraphe 1 est incompatible avec le marché intérieur. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 février 2015, la République fédérale d’Allemagne a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse, en soulevant trois moyens que le Tribunal a successivement rejetés dans l’arrêt attaqué.

8

Le Tribunal a rejeté comme non fondé, aux points 33 à 42 de l’arrêt attaqué, le premier moyen, pris de ce que la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans son évaluation du rôle de l’État dans le fonctionnement de l’EEG de 2012. Le Tribunal a notamment constaté, au point 40 de l’arrêt attaqué, que les mesures en cause avaient été instituées par une loi et qu’elles étaient, dès lors, imputables à l’État allemand.

9

Le Tribunal a également écarté, aux points 49 à 70 de l’arrêt attaqué, les différents arguments présentés par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre de son deuxième moyen, pris de l’absence d’avantage lié au régime de compensation spécial. Il a souligné, au point 44 de l’arrêt attaqué, que ce moyen portait exclusivement sur l’existence même d’un avantage à l’égard des EEI, sans soulever ni la question de la sélectivité de cet avantage ni celle de l’existence d’un avantage lié au régime de soutien au bénéfice des producteurs d’électricité EEG. Il a notamment jugé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que le régime de compensation spécial instaurait un avantage au bénéfice des EEI, dans la mesure où il les libérait d’une charge qu’elles auraient normalement dû supporter.

10

Le Tribunal a enfin rejeté, aux points 81 à 129 de l’arrêt attaqué, les différentes branches du troisième moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne, pris de l’absence d’avantage financé au moyen de ressources d’État. Il a, ainsi, jugé que la Commission avait considéré à bon droit que le dispositif mis en place par l’EEG de 2012, c’est-à-dire tant le régime de soutien en faveur des producteurs d’électricité EEG que le régime de compensation spécial en faveur des EEI, impliquait des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

11

En l’espèce, après un bref rappel, aux points 81 à 83 de l’arrêt attaqué, de la jurisprudence pertinente de la Cour concernant la notion de ressources d’État, et notamment de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37), le Tribunal a, tout d’abord, résumé la décision litigieuse aux points 84 à 90 de l’arrêt attaqué.

12

Ensuite, le Tribunal a examiné, aux points 91 à 129 de l’arrêt attaqué, le point de savoir si la Commission avait à bon droit considéré que l’EEG de 2012 impliquait des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

13

À cet égard, il a fait observer, à titre liminaire, au point 92 de l’arrêt attaqué, que « le prélèvement EEG, perçu et administré par les GRT, vis[ait], in fine, à couvrir les coûts générés par les tarifs de rachat et la prime de marché prévus par l’EEG de 2012 en garantissant aux producteurs d’électricité EEG un prix pour l’électricité qu’ils produis[ai]ent plus élevé que le prix du marché », de telle sorte qu’il y « a[vait] lieu de considérer que le prélèvement EEG proc[édait], à titre principal, de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée, à travers la loi, par l’État ».

14

Enfin, il s’est employé à démontrer que la Commission n’avait pas commis d’erreur, d’une part, en se fondant sur trois séries de considérations, développées aux points 93 à 110 de l’arrêt attaqué et synthétisés aux points 111 et 112 de cet arrêt, et, d’autre part, en réfutant, aux points 113 à 126 de l’arrêt attaqué, les arguments invoqués par la République fédérale d’Allemagne.

15

Les points 111 et 112 de l’arrêt attaqué sont rédigés dans les termes suivants :

« 111 Dans ces circonstances, il convient de constater que c’est à juste titre que la Commission a affirmé, au considérant 138 de la décision attaquée, lu avec les considérants 98 à 137 de ladite décision, que l’avantage prévu par les dispositions des articles 16 à 33 i de l’EEG de 2012 au profit des producteurs d’électricité EEG à travers les tarifs de rachat et les primes de marché s’apparentait, en l’espèce, à une taxe fixée par les autorités de l’État impliquant des ressources d’État en ce que ce dernier organisait un transfert de ressources financières à travers la législation et établissait à quelles fins ces ressources financières pouvaient être utilisées.

112 Cette conclusion vaut également pour l’avantage en faveur des gros consommateurs d’énergie que sont les EEI, en ce que le mécanisme de compensation prévu par l’EEG de 2012 constitue, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 114 de la décision attaquée, une charge supplémentaire pour les GRT. En effet, toute réduction du montant du prélèvement EEG a précisément pour conséquence de réduire les montants collectés auprès des EEI par les fournisseurs d’électricité et peut être considérée comme conduisant à des pertes de recettes pour les GRT. Toutefois, ces pertes sont récupérées par la suite auprès d’autres fournisseurs et, de fait, d’autres clients finals, afin de compenser les pertes ainsi encourues, comme l’a d’ailleurs confirmé la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal. Ainsi, le consommateur final moyen en Allemagne participe, d’une certaine manière, au subventionnement des EEI qui bénéficient d’un plafonnement du prélèvement EEG. D’ailleurs, la circonstance que les consommateurs finals d’électricité qui ne sont pas des EEI doivent supporter des surcoûts engendrés par le plafonnement du prélèvement EEG dont bénéficient ces derniers constitue, là encore, un indice additionnel, lorsqu’il est analysé avec les développements qui précèdent, que les fonds générés par le prélèvement EEG sont bien des ressources particulières, équivalentes à une taxe sur la consommation d’électricité, dont l’utilisation à des fins strictement déterminées a été prévue à l’avance par le législateur allemand dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique publique et non d’une initiative privée. »

16

Le Tribunal a conclu son analyse aux points 127 et 128 de l’arrêt attaqué, rédigés comme suit :

« 127 Il découle de cette analyse que les mécanismes résultant de l’EEG de 2012 procèdent, à titre principal, de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée, à travers l’EEG de 2012, par l’État et que, premièrement, les fonds générés par le prélèvement EEG et administrés collectivement par les GRT demeurent sous l’influence dominante des pouvoirs publics, deuxièmement, les montants en cause, générés par le prélèvement EEG, sont des fonds impliquant une ressource d’État, assimilables à une taxe et, troisièmement, les compétences et missions attribuées aux GRT permettent de conclure que ces derniers n’agissent pas pour leur propre compte et librement, mais bien en tant que gestionnaires, assimilés à une entité exécutant une concession étatique, d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques.

128 Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’EEG de 2012 impliquait des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. »

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

17

La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour :

à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité, de faire droit à son recours dirigé contre la décision litigieuse ;

à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

de condamner la Commission aux dépens.

18

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le premier moyen comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme dénué de fondement ;

de rejeter le deuxième moyen comme partiellement irrecevable, à titre subsidiaire comme partiellement inopérant et, en toute hypothèse, comme dénué de fondement ;

de rejeter le troisième moyen comme dénué de fondement ;

de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens de l’instance.

19

Par une décision du président de la Cour du 25 octobre 2017, la procédure a été suspendue dans la présente affaire, en application de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure de la Cour, jusqu’au prononcé de l’arrêt du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a. (C‑135/16, EU:C:2018:582).

Sur le pourvoi

20

À l’appui de son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne soulève trois moyens, les deux premiers pris d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et le troisième d’une méconnaissance de l’obligation de motivation des arrêts. La Commission fait valoir que les deux premiers moyens sont, à titre principal, irrecevables et, à titre subsidiaire, inopérants et, en tout état de cause, non fondés, et que le troisième moyen est dénué de fondement.

Sur le premier moyen, pris d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne l’utilisation de ressources d’État

Argumentation des parties

21

Par son premier moyen, qui se subdivise en deux branches, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que, en concluant que le système de prélèvement EEG impliquait l’octroi d’un avantage au moyen de ressources d’État ou, à tout le moins, imputable à l’État, le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation et l’application du critère tiré de l’octroi d’un avantage au moyen de ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

22

D’une manière très générale, cet État membre estime, à titre liminaire, que le Tribunal n’a pas opéré, dans son appréciation de l’utilisation de ressources d’État et pour conclure que les GRT étaient des services désignés pour exercer un éventuel pouvoir de disposition et de contrôle étatique sur les fonds provenant du prélèvement EEG, une différenciation suffisante des rôles que l’État peut jouer en qualité de pouvoir législatif, d’une part, et de pouvoir exécutif, d’autre part.

23

Par la première branche de son premier moyen, qui vise principalement le point 93 de l’arrêt attaqué, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation du rôle joué par les GRT dans le système de prélèvement EEG.

24

Elle rappelle que, à ce point 93, le Tribunal a constaté, d’une part, que l’EEG de 2012 conférait aux GRT une série d’obligations et de prérogatives en ce qui concerne la mise en œuvre des mécanismes qu’elle établissait, de telle sorte qu’ils étaient le point central dans le fonctionnement du système prévu par l’EEG. Le Tribunal a constaté, d’autre part, que les fonds générés par le prélèvement EEG ne transitaient pas directement des consommateurs finals aux producteurs d’électricité, mais nécessitaient l’intervention d’intermédiaires chargés de leur perception et de leur gestion, qu’ils n’étaient ni versés au budget général des GRT ni laissés à leur disposition, de telle sorte qu’ils étaient collectivement administrés par les GRT et demeuraient sous l’influence dominante des pouvoirs publics.

25

En se livrant à une description du fonctionnement du mécanisme de répartition établi par l’EEG de 2012, puis à la comparaison de ce mécanisme avec la jurisprudence de la Cour, la République fédérale d’Allemagne s’emploie successivement à démontrer, premièrement, que le mécanisme établi par l’EEG de 2012 ne comportait aucun lien avec le budget de l’État ou d’une institution publique, deuxièmement que les éventuels droits d’accès ou de contrôle exercés par l’État sur les GRT n’impliquaient aucune maîtrise étatique des ressources EEG et, troisièmement, qu’il n’existait aucune taxe ni aucune renonciation à des recettes étatiques.

26

Ainsi, premièrement, l’appréciation du mécanisme de répartition de l’EEG ne permettrait nullement de conclure à l’utilisation de ressources d’État ou de ressources imputables à l’État, ainsi que la Cour l’aurait constaté dans ses arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160) ; du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), et du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413).

27

Selon cette jurisprudence, les taxes, impôts et redevances se caractériseraient par le fait que les recettes générées doivent revenir, sous une forme ou une autre et de manière directe ou indirecte, au budget de l’État ou d’une entité publique. Or, les ressources perçues par les GRT pour couvrir les coûts de la commercialisation de l’électricité EEG ne diminueraient en rien, ni directement ni indirectement, les ressources de l’État. Ce seraient les participants à la chaîne d’approvisionnement qui supporteraient ces coûts en échange de la qualité « renouvelable » de l’électricité et qui les compenseraient dans le cadre de l’économie privée.

28

L’État ne bénéficierait donc d’aucun accès à ces recettes et n’aurait pas chargé par délégation les GRT de l’accomplissement d’une mission de nature publique. Ces derniers ne percevraient pas le prélèvement EEG pour le compte de l’État, de telle sorte que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant qu’ils étaient quasi-titulaires de concessions étatiques. En retenant cette qualification juridique inexacte de la mission des GRT, le Tribunal aurait appliqué erronément la notion de contrôle et d’imputabilité du comportement des GRT à l’État.

29

Le prélèvement EEG ne ferait l’objet d’aucune attribution au budget fédéral ou à celui d’une institution publique, ce dont témoignerait le mécanisme de compensation des coûts des GRT. En effet, ces derniers fixeraient le montant de ce prélèvement en comparant les recettes et les coûts, étant précisé que les recettes en plus ou en moins feraient l’objet d’une compensation entre GRT l’année suivante, sans intégrer le budget d’une entité publique. Les recettes excédentaires ne seraient pas versées au budget de l’État et les dépenses excédentaires ne seraient pas compensées par ce dernier budget.

30

Il serait, en définitive, juridiquement erroné de partir du principe, comme l’aurait fait le Tribunal au point 83 de l’arrêt attaqué, que les sommes pertinentes restent « constamment » à la disposition des « autorités nationales compétentes » ou encore, comme il l’aurait fait au point 94 de cet arrêt, que les fonds administrés collectivement par les GRT demeurent sous l’influence dominante des pouvoirs publics.

31

Le Tribunal aurait également accordé, au point 117 dudit arrêt, une importance prépondérante à la circonstance que les fonds perçus par les GRT doivent être gérés sur un compte distinct, soumis au contrôle des instances étatiques. Or, les comptes distincts seraient tenus par les GRT pour des raisons de transparence et afin d’éviter des pratiques abusives, et non pas pour permettre à l’État membre concerné de gérer des actifs spéciaux appartenant à des entreprises.

32

Deuxièmement, le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en concluant que les missions de surveillance et de contrôle de la régularité et de la légalité des actes accomplis par les acteurs privés du marché, dévolues aux autorités étatiques, impliquaient un contrôle étatique des ressources EEG.

33

Les mécanismes prévus par l’EEG, qui correspondraient aux critères d’appréciation développés par la Cour dans son arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348, point 38), seraient consacrés au contrôle du bon fonctionnement du système de répartition et du respect de la volonté du législateur, mais ne créeraient pas une possibilité importante d’orientation ou d’influence par les instances étatiques, permettant de considérer qu’il y aurait« exercice d’un contrôle étatique ». Ces dernières, en effet, ne disposeraient que de la possibilité d’adopter des mesures disciplinaires ou d’engager des procédures contraventionnelles contre des acteurs privés qui violeraient l’EEG de 2012 et ne bénéficieraient d’aucune compétence leur permettant de disposer des ressources desdits acteurs en influençant les paiements et les flux financiers.

34

Le paiement par les GR de la rémunération EEG serait lui-même soustrait au contrôle étatique. Ce seraient les GR qui prendraient seuls la décision de payer ou non cette rémunération et en fixeraient le montant. De même la perception du prélèvement EEG ne serait soumise qu’à une surveillance limitée, les GRT étant les seuls à décider de l’exiger ou non. Contrairement à ce qu’aurait affirmé le Tribunal au point 125 de l’arrêt attaqué, les GRT ne seraient pas strictement contrôlés par les autorités administratives allemandes compétentes, et notamment pas par la BNetzA, dont la mission de contrôle consisterait, pour l’essentiel, à assurer la mise en œuvre correcte des dispositions relatives au prélèvement EEG. La BNetzA ne disposerait pas du droit de déterminer le montant du prélèvement EEG, ce dernier étant calculé par les GRT sous leur propre responsabilité.

35

L’exigence légale d’un système abstrait de calcul ainsi que les obligations de transparence et les droits de surveillance que celle-ci impliquerait serviraient uniquement à empêcher l’enrichissement sans cause d’un acteur au cours des étapes de la chaîne de répercussion, la protection contre les abus devant être exercée devant les juridictions civiles, dans le cadre des relations de droit privé existant entre les participants. Lesdits participants ne seraient pas les bénéficiaires d’une délégation ou d’une concession étatique et n’auraient aucune possibilité de charger une autorité administrative de revendiquer leurs droits.

36

Troisièmement, le prélèvement EEG ne constituerait pas une taxe et, par voie de conséquence, le plafonnement de celui-ci ne constituerait pas une renonciation à des ressources d’État. Le Tribunal aurait, en effet, commis une erreur de droit en concluant, au point 95 de l’arrêt attaqué que, dans la mesure où les consommateurs finals étaient tenus de payer un supplément de prix, le prélèvement EEG constituait une charge unilatéralement imposée par l’État dans le cadre de sa politique de soutien aux producteurs d’électricité EEG, assimilable dans ses effets à une taxe frappant la consommation d’électricité en Allemagne. En effet, la seule circonstance que le mécanisme de répartition de l’EEG permette de répercuter sur les consommateurs finals d’électricité les paiements devant être versés aux exploitants d’installations ne permettrait pas de conclure à l’existence d’une taxe.

37

Le prélèvement EEG constituerait une majoration appliquée au prix d’achat de nature privée que les fournisseurs d’électricité paient en contrepartie de la qualité « verte » de l’électricité et relèverait, ainsi, d’une relation prestation/contrepartie, à l’inverse d’une taxe, qui serait perçue de manière contraignante et sans contrepartie. En outre, la jurisprudence de la Cour exigerait, pour qu’une taxe soit qualifiée d’aide d’État, l’existence d’un lien d’affectation entre la taxe et l’aide, qui ferait défaut dans le cas du prélèvement EEG. Ce dernier ne constituerait pas une recette de l’État membre, déterminée de manière abstraite. L’EEG de 2012 constituerait ainsi la continuation du Stromeinspeisungsgesetz (loi relative à l’arrivée de courant provenant d’énergies renouvelables dans le réseau de service public, BGBl. 1990 I, p. 2633), que la Cour n’a pas qualifié d’aide dans son arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), la seule différence entre ces deux régimes résultant du fait que les fournisseurs d’électricité achèteraient à un prix fixe (prélèvement EEG) non plus l’électricité physique, mais le caractère renouvelable de cette dernière.

38

En définitive, les caractéristiques essentielles d’une taxe feraient défaut, dans la mesure où, premièrement, l’EEG n’obligerait pas les fournisseurs d’électricité à facturer ce prélèvement à leurs clients, deuxièmement, la répercussion dudit prélèvement, dont les fournisseurs d’électricité feraient une partie du prix de vente, pourrait être revendiquée non pas par des moyens de droit public, mais uniquement par la voie d’une action civile, et, troisièmement, le « revenu » généré par le même prélèvement serait intégré au patrimoine général des fournisseurs d’électricité, sans que des instances étatiques puissent exercer la moindre influence sur la gestion ou l’utilisation de ces fonds.

39

Par la seconde branche de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal a également commis une erreur en méconnaissant que, dans le système établi par l’EEG de 2012, la reconnaissance de l’octroi d’une aide au moyen de ressources d’État dépendait de manière essentielle du rôle des fournisseurs d’électricité, lequel n’aurait en l’occurrence pas suffisamment été pris en considération.

40

Premièrement, si le Tribunal a constaté à bon droit que l’EEG de 2012 n’oblige pas les fournisseurs d’électricité à répercuter le prélèvement EEG sur les clients finals, sans toutefois l’interdire, il aurait toutefois méconnu le rôle de ces derniers en concluant, aux points 95 et suivants de l’arrêt attaqué, que ce prélèvement était une taxe de facto et qu’il ne saurait être analysé comme une ressource propre aux GRT, auxquels l’État membre aurait simplement prescrit une utilisation particulière par une mesure législative.

41

Deuxièmement, le Tribunal aurait méconnu le fait que le rôle et la mission des fournisseurs d’électricité sont bien moins réglementés par la loi que ne le sont les GRT. Lesdits fournisseurs ne seraient pas obligés de tenir des comptes distincts ni de veiller à ce qu’une séparation des patrimoines soit opérée, dans la mesure où le prélèvement EEG devrait être considéré comme une part normale de leurs recettes. Ils ne seraient soumis à aucune exigence légale de comportement en matière de prix ou d’utilisation des ressources. Aucun contrôle étatique ne serait exercé sur leurs relations avec leurs clients, prétendus financeurs du système d’aide contesté par la Commission et le Tribunal. Le prélèvement EEG et sa répercussion éventuelle sur les consommateurs finals par les fournisseurs d’électricité s’inséreraient dans une relation commerciale entre entreprises privées ou particuliers sans intervention d’une autorité publique. Le fait que les fonds en cause ne transitent pas directement des consommateurs aux producteurs d’électricité, mais nécessitent l’intervention d’intermédiaires chargés de leur perception et de leur gestion serait dénué de pertinence pour leur qualification de ressources privées.

42

Troisièmement, si le Tribunal avait examiné de manière suffisamment approfondie le rôle des fournisseurs d’électricité, il aurait dû aboutir à la conclusion que l’État n’avait aucun accès aux ressources EEG. Il en irait d’autant plus ainsi que la relation entre fournisseurs d’électricité et consommateurs finals serait de nature purement privée. Le Tribunal aurait méconnu la portée de la notion de contrôle et aurait ainsi violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant de « contrôle étatique » l’activité d’une entreprise privée, alors que cette dernière ne serait soumise à aucune obligation légale de perception du prélèvement EEG, que le montant dudit prélèvement à répercuter le cas échéant ne serait pas non plus soumis à des exigences légales, que les autorités ne pourraient exercer aucune influence sur la fixation des prix par les fournisseurs d’électricité, que le chiffre d’affaires desdits fournisseurs pouvant contenir le paiement du prélèvement serait intégré à leur patrimoine et que les instances étatiques ne seraient pas en mesure d’exercer une influence sur l’utilisation, par ces derniers, de ces ressources.

43

La Commission fait valoir, à titre principal, que le premier moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’il est pour partie inopérant et, en toute hypothèse, dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

– Sur la recevabilité du moyen dans son ensemble

44

La Commission fait valoir que le premier moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne est irrecevable dans son intégralité en ce qu’il critique non pas l’interprétation juridique de la notion de contrôle étatique retenue par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, mais les constatations relatives au droit national effectuées par celui-ci, qui relèvent de l’appréciation des faits.

45

Une telle argumentation doit être rejetée.

46

En effet, s’il est vrai que la République fédérale d’Allemagne s’appuie sur les termes de l’EEG de 2012 pour invoquer ses différents arguments, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, elle fait essentiellement valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, dès lors qu’il s’est livré à une interprétation trop extensive de la notion de contrôle étatique, notamment en qualifiant les montants générés par le prélèvement EEG de fonds impliquant une ressource d’État assimilables à une taxe, d’une part, et en concluant à l’existence d’un contrôle public de l’État membre sur lesdits fonds au travers des GRT, d’autre part.

47

Il en résulte que le premier moyen est recevable.

– Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’erreur commise par le Tribunal dans l’appréciation du rôle joué par les GRT dans le système de prélèvement EEG

48

Il importe de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 20 et jurisprudence citée).

49

En premier lieu, afin d’apprécier l’imputabilité d’une mesure à l’État, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure (arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, point 35 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, points 17 et 18, ainsi que du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 21).

50

En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 40 de l’arrêt attaqué, que les mécanismes de soutien et de compensation en cause dans la présente affaire ont été institués par l’EEG de 2012, de telle sorte qu’ils devaient être considérés comme imputables à l’État.

51

Or, si la République fédérale d’Allemagne évoque à plusieurs reprises la question de l’imputabilité des mesures en cause à l’État dans son pourvoi, elle n’a ni contesté formellement le constat ainsi opéré par le Tribunal ni même invoqué l’existence d’une erreur de droit commise à cet égard par ce dernier. Dès lors, les arguments avancés à cet égard doivent, en tout état de cause, ainsi que la Commission l’a fait valoir, être rejetés comme irrecevables.

52

En second lieu, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’interdiction énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tant les aides accordées directement par l’État ou au moyen de ressources d’État que celles accordées par des organismes publics ou privés institués ou désignés par ce dernier en vue de les gérer (arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 21 ; du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58, ainsi que du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 23 et jurisprudence citée).

53

La distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58, ainsi que du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 26).

54

En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23, et du 9 novembre 2017, Commission/TV2/Danmark, C‑656/15 P, EU:C:2017:836, point 45).

55

Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, qu’il y a eu un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 36, ainsi que du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 34).

56

Ainsi, la Cour a jugé qu’une mesure consistant, notamment, en une obligation d’achat d’énergie peut relever de la notion d’« aide », bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État (arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 19, ainsi que du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 24).

57

L’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe, en effet, tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. Même si des sommes correspondant à la mesure d’aide concernée ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État » (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37, et du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

58

La Cour a, plus précisément, jugé que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 35, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25).

59

L’élément décisif, à cet égard, est constitué par le fait que de telles entités sont mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, et non pas simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 74 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, points 30 et 35, ainsi que du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, points 26 et 30).

60

Il convient, toutefois, de rappeler également que, aux fins d’établir si l’avantage accordé au bénéficiaire grève le budget de l’État, il importe de vérifier s’il existe un lien suffisamment direct entre, d’une part, cet avantage et, d’autre part, une diminution dudit budget, voire un risque économique suffisamment concret de charges le grevant (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 111 ; du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 109 ; du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 47, ainsi que du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias, C‑690/13, EU:C:2015:235, point 19).

61

C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’examiner la première branche du premier moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne, dans le cadre de laquelle elle fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en concluant, premièrement, que le mécanisme établi par l’EEG de 2012 comportait un lien avec le budget de l’État membre ou d’une institution publique, deuxièmement, que les missions de surveillance et de contrôle dévolues aux autorités étatiques impliquaient un contrôle public des ressources EEG et, troisièmement, que le prélèvement EEG constituait une taxe et le plafonnement dudit prélèvement une renonciation à des ressources d’État.

62

Il y a lieu de relever, à cet égard, que la conclusion du Tribunal, énoncée au point 128 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission a considéré à bon droit, dans la décision litigieuse, que l’EEG de 2012 impliquait des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est fondée sur les constatations opérées aux points 92 à 126 de cet arrêt et résumées au point 127 de celui-ci. Audit point, le Tribunal a relevé que les mécanismes résultant de l’EEG de 2012 procédaient, à titre principal, de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée, à travers l’EEG de 2012, par l’État. Puis il a indiqué, premièrement, que les fonds générés par le prélèvement EEG et administrés collectivement par les GRT demeuraient sous l’influence dominante des pouvoirs publics, deuxièmement, que les montants en cause, générés par le prélèvement EEG, étaient des fonds impliquant une ressource d’État, assimilables à une taxe, et, troisièmement, que les compétences et les missions attribuées aux GRT permettaient de conclure que ces derniers agissaient non pas pour leur propre compte et librement, mais bien en tant que gestionnaires, assimilés à une entité exécutant une concession étatique, d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques.

63

Or, l’affirmation du Tribunal selon laquelle, en substance, les mécanismes résultant de l’EEG de 2012 procédaient de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée par l’État se borne à réitérer la conclusion, déjà énoncée au point 40 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ces mécanismes doivent être considérés comme imputables à l’État. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 48 du présent arrêt, cet élément, bien que nécessaire aux fins de la qualification des avantages résultant des mécanismes institués par l’EEG de 2012 d’« aides », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, n’est pas à lui seul suffisant pour qu’une telle qualification puisse être retenue. Il convient, en effet, de démontrer que les avantages en question sont accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État.

64

Il y a lieu, dès lors, d’examiner le point de savoir si le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, conclure, sur la base des trois autres éléments mentionnés au point 127 de l’arrêt attaqué et rappelés au point 62 du présent arrêt, que les fonds générés par le prélèvement EEG constituaient des ressources d’État.

65

S’agissant de l’affirmation selon laquelle les montants générés par le prélèvement EEG sont des fonds impliquant une ressource d’État assimilables à une taxe, il y a lieu de rappeler que, au point 105 de la décision litigieuse, la Commission a qualifié ce prélèvement de « taxe spéciale » (special levy, dans la version en langue originale de cette décision).

66

Le Tribunal a relevé, au point 95 de l’arrêt attaqué, que « les fournisseurs d’électricité répercut[ai]ent en pratique la charge financière résultant du prélèvement EEG sur les clients finals », que cette répercussion devait être considérée « comme une conséquence prévue et organisée par le législateur allemand » et que le supplément de prix ou surcoût que les consommateurs finals d’électricité étaient « de facto, tenus de payer » constituait « une charge unilatéralement imposée par l’État dans le cadre de sa politique de soutien aux producteurs d’électricité EEG [...] assimilable, du point de vue de ses effets, à une taxe frappant la consommation d’électricité en Allemagne ».

67

C’est sur la base de ces considérations que le Tribunal a affirmé, au point 96 de l’arrêt attaqué, en renvoyant « par analogie », à l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 66), que les montants générés par le prélèvement EEG étaient des fonds impliquant une ressource d’État assimilables à une taxe, cette affirmation ayant été réitérée au point 127 de l’arrêt attaqué.

68

Toutefois, au point 66 de l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), la Cour a, aux fins de la qualification de « taxe » du supplément de prix imposé aux acheteurs d’électricité en cause dans cette affaire, renvoyé au point 47 de cet arrêt. La conclusion énoncée à ce dernier point, selon laquelle le supplément en question devait être qualifié de taxe, était fondée, notamment, sur le fait, mentionné par la Cour au point 45 dudit arrêt, que ce supplément de prix constituait une charge unilatéralement imposée par la loi, que les consommateurs étaient tenus de payer.

69

Or, les constatations effectuées par le Tribunal au point 95 de l’arrêt attaqué ne permettaient pas d’établir une analogie entre ledit supplément de prix et le prélèvement EEG.

70

En effet, ainsi que le Tribunal l’a rappelé aux points 7 à 9 de l’arrêt attaqué, le prélèvement EEG représente l’éventuelle différence entre le prix obtenu par les GRT sur le marché au comptant de la Bourse de l’électricité EEG qu’ils injectent dans leur réseau et la charge financière que leur impose l’obligation légale de rémunérer cette électricité aux tarifs fixés par la loi, différence que les GRT sont en droit d’exiger des fournisseurs approvisionnant les clients finals. En revanche, l’EEG de 2012 n’oblige pas lesdits fournisseurs à répercuter sur les clients finals les montants versés au titre du prélèvement EEG.

71

Le fait, constaté par le Tribunal au point 95 de l’arrêt attaqué, que, « en pratique », la charge financière résultant du prélèvement EEG était répercutée sur les clients finals et, par conséquent, était « assimilable, du point de vue de ses effets, à une taxe frappant la consommation d’électricité », ne suffit pas pour qu’il soit conclu que le prélèvement EEG présentait les mêmes caractéristiques que le supplément de prix de l’électricité examiné par la Cour dans l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413).

72

Par conséquent, il y a lieu de vérifier si les deux autres éléments, mentionnés par le Tribunal au 127 de l’arrêt attaqué et rappelés également au point 62 du présent arrêt, lui permettaient néanmoins de conclure que les fonds générés par le prélèvement EEG constituaient des ressources d’État, dès lors qu’ils demeuraient constamment sous contrôle public et donc à la disposition des autorités publiques, au sens de la jurisprudence citée au point 57 du présent arrêt. Dans cette hypothèse, il importe peu que le prélèvement EEG puisse, ou non, être qualifié de « taxe ».

73

Il convient cependant de constater que le Tribunal n’a établi ni que l’État détenait un pouvoir de disposition sur les fonds générés par le prélèvement EEG ni même qu’il exerçait un contrôle public sur les GRT chargés de gérer ces fonds.

74

En effet, premièrement, le Tribunal a jugé que les fonds générés par le prélèvement EEG demeuraient non pas à la disposition de l’État, mais seulement sous l’influence dominante des pouvoirs publics, dans la mesure où ils étaient administrés collectivement par les GRT, ces derniers pouvant être collectivement assimilés à une entité exécutant une concession étatique. Il s’est borné à constater, à cet égard, que les fonds issus du prélèvement EEG étaient, d’une part, gérés à des fins d’intérêt public par les GRT, suivant des modalités préalablement définies par le législateur, et, d’autre part, affectés au financement des régimes de soutien et de compensation, à l’exclusion de toute autre fin.

75

Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de la qualification de concession étatique ainsi retenue par le Tribunal, il doit être constaté que, si les éléments ainsi retenus témoignent, certes, de l’origine légale du soutien à l’électricité EEG mis en œuvre par l’EEG de 2012 et donc d’une emprise certaine de l’État sur les mécanismes établis par l’EEG de 2012, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour qu’il soit conclu que l’État détenait, pour autant, un pouvoir de disposer des fonds gérés et administrés par les GRT.

76

En particulier, la circonstance que les fonds issus du prélèvement EEG sont exclusivement affectés au financement des régimes de soutien et de compensation, en vertu des dispositions de l’EEG de 2012, n’implique pas que l’État puisse en disposer, au sens de la jurisprudence citée aux point 57 du présent arrêt. Ce principe légal d’affectation exclusive des fonds issus du prélèvement EEG tend plutôt à démontrer, en l’absence de tout autre élément en sens contraire, que l’État n’était précisément pas en mesure de disposer de ces fonds, c’est-à-dire de décider d’une affectation différente de celle prévue par l’EEG de 2012.

77

Deuxièmement, le Tribunal n’a pas établi que les GRT restaient constamment sous contrôle public, ni même qu’ils étaient soumis à un contrôle public.

78

Il convient, à cet égard, de relever que le Tribunal s’est, certes, employé à démontrer, aux points 105 à 110 de l’arrêt attaqué, que les GRT, chargés de gérer le système d’aide à la production d’électricité EEG, étaient contrôlés à plusieurs égards dans cette tâche.

79

Tout d’abord, le Tribunal a constaté, au point 106 de l’arrêt attaqué, que les GRT ne pouvaient utiliser les fonds issus du prélèvement EEG à d’autres fins que celles prévues par le législateur. Ensuite, il a relevé, au point 107 de l’arrêt attaqué, que les GRT étaient soumis à l’obligation de gérer lesdits fonds sur un compte commun spécifique et il a ajouté que le respect de cette obligation faisait l’objet d’un contrôle par des instances publiques au titre de l’article 61 de l’EEG de 2012, sans toutefois se prononcer sur la nature et la portée de ce contrôle. Enfin, le Tribunal a exposé, aux points 108 à 110 de l’arrêt attaqué, que les instances étatiques, soit, en l’occurrence, la BNetza, exerçaient un contrôle strict à de multiples niveaux sur les actes des GRT, en veillant notamment à ce qu’ils commercialisent l’électricité EEG conformément à l’article 37 de l’EEG de 2012 et déterminent, fixent, publient et facturent aux fournisseurs d’électricité le prélèvement EEG dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires.

80

Or, si les éléments ainsi retenus permettent effectivement de conclure que les autorités publiques exercent un contrôle de la bonne exécution de l’EEG de 2012, ils ne sauraient, en revanche, permettre de conclure à l’existence d’un contrôle public sur les fonds générés par le prélèvement EEG eux-mêmes.

81

Le Tribunal a d’ailleurs conclu son examen, au point 110 de l’arrêt attaqué, en jugeant que ce contrôle, qui s’inscrivait dans la logique générale de la structure d’ensemble prévue par l’EEG de 2012, corroborait la conclusion, tirée de l’analyse des missions et des obligations des GRT, que ces derniers agissaient non pas pour leur propre compte et librement, mais en tant que gestionnaire d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques. Il a ajouté que, à supposer que ce contrôle n’ait pas d’effet direct sur la gestion des fonds en question au jour le jour, il s’agissait d’un élément additionnel, visant à s’assurer que l’action des GRT demeurait bien circonscrite au cadre prévu par l’EEG de 2012. Enfin, il a constaté, au point 118 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’accès effectif de l’État aux ressources générées par le prélèvement EEG, au sens où celles-ci ne transitent certes pas par le budget étatique, était sans incidence sur l’influence dominante de l’État sur l’utilisation de ces ressources et sur la capacité de ce dernier à décider, en amont, grâce à l’adoption de l’EEG de 2012, des objectifs à poursuivre et de l’utilisation desdites ressources dans leur intégralité.

82

Certes, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 125 de l’arrêt attaqué et comme il a été rappelé au point 58 du présent arrêt, la Cour a eu l’occasion de juger que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme des ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C 262/12, EU:C:2013:851, point 25).

83

Toutefois, la solution retenue par la Cour dans cette dernière affaire reposait sur deux éléments essentiels, qui font défaut dans la présente affaire.

84

La Cour, en effet, a pris soin de relever, d’une part, que la législation nationale en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt avait instauré un principe de couverture intégrale de l’obligation d’achat par l’État français, qui obligeait ce dernier à un apurement du passé et à une couverture intégrale des surcoûts imposés aux entreprises dans l’hypothèse où le montant des contributions collectées auprès des consommateurs finals d’électricité serait insuffisant pour couvrir ces surcoûts (arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 26). Ce faisant, la Cour a relevé l’existence d’un lien entre l’avantage en cause et une diminution, à tout le moins potentielle, du budget étatique.

85

Aux points 28 à 33 de l’arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851), la Cour a constaté, d’autre part, que les sommes visant à compenser les surcoûts résultant de l’obligation d’achat pesant sur les entreprises étaient confiées à la Caisse des dépôts et consignations, c’est-à-dire une personne morale de droit public mandatée par l’État français pour assurer des prestations de gestion administrative, financière et comptable pour le compte de la Commission de régulation de l’énergie, autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l’électricité et du gaz en France, de telle sorte que ces sommes devaient être considérées comme demeurant sous contrôle public.

86

Il y a lieu, dès lors, de conclure que les autres éléments mentionnés par le Tribunal au point 127 de l’arrêt attaqué ne permettaient pas non plus de conclure que les fonds générés par le prélèvement EEG constituaient des ressources d’État.

87

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne est fondée et que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde branche du premier moyen et les deux autres moyens du pourvoi, l’arrêt attaqué doit être annulé.

Sur le recours devant le Tribunal

88

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

89

En l’espèce, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur le recours en annulation de la décision litigieuse introduit par la République fédérale d’Allemagne devant le Tribunal.

90

À cet égard, il suffit de relever que, pour les motifs énoncés aux points 48 à 87 du présent arrêt, la Commission n’a pas établi que les avantages prévus par l’EEG de 2012, à savoir le régime de soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine financé par le prélèvement EEG et le régime de compensation spécial portant réduction de ce prélèvement pour les gros consommateurs d’énergie, impliquaient des ressources d’État et constituaient, partant, des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

91

Il convient, par conséquent, d’accueillir le troisième moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre de son recours introduit en première instance devant le Tribunal, tiré de l’absence d’avantage financé au moyen de ressources d’État, et d’annuler la décision litigieuse.

Sur les dépens

92

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

93

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

94

La République fédérale d’Allemagne ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents tant à la procédure de pourvoi qu’à la procédure de première instance.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2016, Allemagne/Commission (T‑47/15EU:T:2016:281), est annulé.

 

2)

La décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA. 33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie], est annulée.

 

3)

La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents tant à la procédure de pourvoi qu’à la procédure de première instance.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.