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Document 52011AE1168

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur l'avenir de la TVA — Vers un système de TVA plus simple, plus robuste, plus efficace COM(2010) 695 final

JO C 318 du 29.10.2011, p. 87–94 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/87


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur l'avenir de la TVA — Vers un système de TVA plus simple, plus robuste, plus efficace»

COM(2010) 695 final

2011/C 318/14

Rapporteure: Mme MADER

La Commission européenne, a décidé le 1er décembre 2010, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Le livre vert sur l'avenir de la TVA – Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace»

COM(2010) 695 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 0 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité approuve sans réserve l’initiative de la Commission, de réfléchir sur la possibilité d’une révision globale du système de TVA, une taxe dont le régime, défini comme «provisoire» dès sa naissance en 1967, prête a de nombreuses critiques. Le Livre vert n’est que le début d’une procédure qu’on prévoit longue, difficile et complexe; son succès sera la preuve d’une vraie volonté des EM de parvenir à la définition d’un système «plus simple, plus robuste, plus efficace».

1.2   Le régime actuel a subi de nombreuses modifications dans le temps: la Commission a été à l’origine de propositions d’amélioration visant à une meilleure efficacité et à une adéquation du régime aux principes du marché unique. Les EM ont accepté plusieurs mesures concernant l’organisation, la coopération entre administrations, l’automatisation. D’autres mesures avaient un caractère principalement administratif et d’organisation. Le Conseil a toutefois résisté jusqu’à ce jour aux propositions de réformer le système dans son ensemble.

1.3   Le Comité est d’accord sur la déclaration de la Commission selon laquelle un système de TVA global devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude pesant sur les finances publiques. À cela il convient d’ajouter la prise en compte des besoins des entreprises, qui sont amenées en fin de compte à gérer la perception de la taxe, et qui sont pénalisées, comme le sont également les consommateurs, par l'inefficacité du système fiscal. Comme le Comité l'a déjà déclaré, il conviendrait d'être également attentif au régime de TVA concernant les services financiers (1), et surtout, dans l'hypothèse d'une nouvelle taxe sur le secteur financier frappant les flux de trésorerie ou une base similaire, que la Commission évalue les avantages de l'inscrire dans le cadre de la de la TVA (2).

1.4   Un problème particulièrement délicat est le traitement des opérations transfrontalières. D’un point de vue rationnel, la taxe devrait être perçue dans l’EM d’origine avec les mêmes modalités du commerce intérieur; les difficultés de règlement entre EM ont amené le Conseil à choisir la solution la plus simple, de perception dans l’EM de destination, avec des exceptions pourtant, concernant principalement les services. La Commission propose maintenant des solutions alternatives, mais on n’ignore pas qu’une solution parfaite est difficile à trouver.

1.4.1   Le Comité estime que, dans tous les cas, il faut éviter des changements radicaux en adoptant une politique de petits pas; une solution basée sur l’imposition générale dans l’EM de destination, tout en gardant les principes du système actuel, serait probablement la meilleure. Il sera nécessaire, en même temps, de généraliser l’adoption du mécanisme d’auto-liquidation, d’abord de façon facultative et ensuite généralisée et obligatoire. À des fins de simplification administrative, il convient en tous cas de créer un guichet unique pour les entreprises.

1.5   Le livre vert se propose de recueillir les commentaires et propositions venant de toutes les parties intéressées et utiles pour formuler finalement les propositions de la Commission. Pour ce faire, le document pose 33 questions auxquelles le Comité répond, mais qu’il est impossible de résumer. Pour les détails, voir la Section 5 de ce document.

2.   Introduction

2.1   Depuis de nombreuses années, l'amélioration du système de la TVA fait partie des priorités de la politique fiscale de la Commission. Cette taxe, adoptée en 1967 par l'UE comme régime commun de taxation pour tous les États membres (EM), constitue une partie importante (plus de 20 %) de leurs recettes. En plus, une partie de la TVA perçue contribue au budget de l'UE; par conséquent, il est évident, entre autres, l'intérêt direct de la Commission de protéger ses intérêts en assurant une application de la taxe d'une façon aussi efficace que possible.

2.2   Le régime de la TVA, tout en étant important pour les recettes des EM, est loin d'être satisfaisant et prête à de nombreuses critiques de la part des EM et des autres parties en cause, notamment les entreprises et les consommateurs. La Commission essaie, depuis longtemps, d'en prendre note et d'introduire des propositions d'amélioration visant à une meilleure efficacité et à une adéquation du régime aux règles et aux principes du marché unique; il faut dire que souvent ses efforts se sont heurtés à une opposition, plus ou moins ouverte, de la part des EM.

2.3   Il faut dire ouvertement et sans réticence que, dans le domaine fiscal, la volonté de cohésion européenne trouve ses limites dans la préoccupation, voire la nécessité de chaque EM de protéger ses propres moyens de financement; quand il estime que certaines règles pourraient léser ses intérêts, ou bien qu'elles seraient susceptibles de provoquer des alourdissements de coûts ou de procédures administratives, il marque son désaccord d'une façon plus ou moins ouverte et souvent peu transparente.

2.4   Tous cela est, certes, au détriment d'une politique commune européenne, mais constitue l'explication des échecs des louables efforts de la Commission au cours des années. Malgré cela, des succès considérables ont été obtenus dans le domaine de la rationalisation et de l'informatisation des procédures, de la réduction des coûts pour les administrations et les contribuables, dans la coopération administrative et judiciaire.

2.5   Tout en connaissant les problèmes et les obstacles, la Commission revient maintenant sur l'objectif, qu'elle a toujours poursuivi, de réformer le système dans son ensemble pour le rendre cohérent aux principes du marché unique, en tenant compte des instances de toutes les parties en cause. Dans le respect des règles, le livre vert pose une série de questions sur les différents aspects du régime de la TVA; les réponses qui lui seront fournies seront à la base des propositions pour un nouveau système «plus simple, plus robuste et plus efficace»; le CESE offre, par cet avis, la contribution des milieux socio-économiques qu'il représente.

3.   Observations générales

3.1   À juste titre, la Commission remarque que la crise a eu un impact sur les finances publiques, notamment par un basculement de l'importance relative des impôts directs vis-à-vis de la fiscalité indirecte: la part de TVA sur le total des recettes, jusqu'ici autour de 22 %, marque une tendance à augmenter. Cela est le résultat d'une politique généralement orientée pour améliorer la compétitivité par une réduction de l'imposition sur le travail et sur les entreprises. Le CESE remarque que, bien que cela soit un signal positif, il ne doit pas amener à une augmentation des taux de la TVA dans la directive-cadre, ce qui impliquerait, entre autres, une charge supplémentaire insupportable pour les travailleurs et les consommateurs.

3.2   L'amélioration du mécanisme «passera par la mise en place d'un système de TVA global» qui, selon la Commission, devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude. Sur ce dernier point le Comité partage les préoccupations de la Commission; à plusieurs reprises ses avis ont attiré l'attention sur le fait que la TVA est l'impôt le plus largement évadé dans l'UE et que l'évasion est une source importante de financement de la criminalité organisée et du terrorisme. Les phénomènes interdépendants d'évasion, de criminalité, ainsi que du blanchiment d'argent qui y est connecté, constituent une menace majeure pour la société au niveau mondial. Le Comité insiste pour que les nouvelles règles soient examinées en tenant toujours compte de leur «étanchéité» vis-à-vis des attaques des fraudeurs.

3.3   Le livre vert n'ignore pas les aspects concernant les entreprises: la gestion et l'administration (le Comité y ajoute le contentieux) de la TVA représente une partie majeure des coûts administratifs des entreprises, dans une mesure telle qu'une grande partie des PME s'abstient de se lancer dans le commerce international. Le Comité attire encore une fois l'attention sur la nécessité que la gestion de la TVA devienne plus souple, plus simple, moins onéreuse: ce sont les utilisateurs finaux, les consommateurs, qui paient les conséquences.

3.4   Autre sujet important est celui de la possibilité d'introduire un taux unique, considéré comme «l'idéal d'une taxe à la consommation»; le Comité partage le sentiment de la Commission sur la quasi impossibilité d'atteindre ce but, et la soutient avec vigueur dans ses tentatives de réduire, ou éliminer, les trop nombreuses exemptions, exceptions, applications de taux réduits ou préférentiels: des facilités qui réduisent de 45 % les recettes par rapport à celles qu'on pourrait théoriquement percevoir si on appliquait le taux normal. Il sera nécessaire de trouver un équilibre raisonnable entre les nécessités budgétaires et les raisons sociales et économiques sur lesquelles les facilités reposent, surtout en matière de services locaux et de ceux qui nécessitent d’une quantité importante de main d’œuvre.

3.5   Comme le CESE l'a souligné dans son avis sur «La taxation du secteur financier» (ECO/284 – CESE 991/2011), le traitement du secteur financier dans le cadre de la TVA doit être revu.

4.   Traitement TVA des opérations transfrontalières au sein du marché unique

4.1   Lors de son adoption en 1967, le régime de la TVA entre EM, basé sur l'imposition dans le pays de destination, était qualifié de «provisoire»; le régime définitif prévoit l'imposition dans le pays d'origine. Après 44 ans, le régime «provisoire» est encore en vigueur. Du point de vue rationnel la taxe devrait être perçue dans l'EM d'origine avec les mêmes modalités du commerce intérieur, sauf règlement par différence de la partie due à l'EM de destination. Les problèmes existant à l'origine, et existant toujours en partie, avaient amené le Conseil à choisir la solution la plus simple, de la perception dans l'EM de destination: cette approche est toujours en vigueur, bien qu'avec d'importantes exceptions concernant surtout les services télématiques transfrontaliers.

4.2   La Commission a essayé deux fois, dans le passé, d'obtenir l'accord du Conseil pour une uniformisation du régime TVA fondé sur le principe de la perception dans le pays d'origine: ses tentatives ont échoué face à de sérieux problèmes d'application. La Commission a étudié en 2007 un système de taxation à l'origine sur base de 15 %, laissant à l'EM de destination de percevoir ou de rembourser, selon les cas, le moins ou le trop perçu par rapport à son propre taux d'imposition. Le Conseil n'a pas donné suite à cette proposition.

4.3   Le Comité reconnaît que le problème est complexe et que, au vu des différents niveaux de taxation et des différences de procédures administratives encore existantes malgré les efforts d'harmonisation déployés par la Commission, une solution parfaite est difficile à trouver. Toutefois on ne peut pas ignorer les progrès acquis ou en voie d'acquisition en matière de taxation de la prestation de services (3), d'amélioration des systèmes d'imposition (4), de coopération administrative et de guichet unique (5), de bonne gouvernance et de lutte contre la fraude (6).

4.4   Le livre vert va dans la bonne direction, en essayant d'acquérir des informations utiles pour proposer des améliorations; au vu des expériences du passé et de la situation courante, le Comité souhaite qu'on suive une politique de petit pas plutôt que de solutions radicales. Pour cette raison, il estime que la solution indiquée au point 4.2 du document de la Commission, de généraliser l'imposition dans l'EM de destination et de maintenir les principes du système actuel (point 4.2.1), avec une adoption graduelle, d'abord facultative et à terme obligatoire, du mécanisme d'auto-liquidation (point 4.2.2) est la meilleure. En même temps, il convient de veiller, grâce à la création de guichets uniques, à ce que les entreprises puisent s'acquitter de leurs dettes fiscales transfrontalières avec le moins possible de frais administratifs.

5.   Réponses aux questions posées

5.1   Régime de TVA applicable aux échanges intra-UE (Q.1): le régime actuel n'est pas parfait: il donne lieu à plusieurs inconvénients, principalement dus aux nombreuses facilités, exceptions, exemptions, etc. accordées aux EM. Ceci dit, il fonctionne depuis trop longtemps pour qu'on puisse raisonnablement le changer radicalement; un basculement radical serait désastreux. Mieux se concentrer sur l'application des principes de bonne gouvernance à maintes fois évoqués par la Commission, et que le Comité a soutenu par ses avis; ils sont résumés dans le document accompagnant le livre vert (7). Les obstacles majeurs à la maximalisation des avantages ne sont pas à rechercher dans les principes, mais plutôt dans leur défaillante application et à la résistance au changement des administrations des EM.

5.2   TVA et autorités publiques (Q.3): en principe, les exemptions accordées aux organismes publics exerçant des activités en concurrence avec des fournisseurs privés (ex. transports, soins de santé) se justifient par les finalités sociales typiques du service public. Il faut toutefois reconnaître que le fournisseur privé a souvent une fonction de complémentarité aux insuffisances ou défaillances du public. Il y a sans doute une distorsion de concurrence, qu'on tend à atténuer par de nouvelles formes de coopération. En tout cas, le consommateur a le choix de payer moins cher en recourant au service public, ou plus cher dans le privé. Hormis les cas ou l'un ou l'autre des services n'est pas utilisables (ex. moyens de transport) le choix entre les deux se fait surtout sur l'évaluation de la qualité.

5.2.1   Une solution équitable et favorable pour les consommateurs consisterait, selon le Comité, dans le maintien des exemptions pour les services publics et dans leurs extensions au service privé quand il fournit un service indispensable en l'absence du public. On ne se cache pas les difficultés d'application de ce principe; mais, d'autre part, il est inadmissible que les consommateurs résidant dans les localités plus défavorisées soient obligés de payer plus cher pour des services qu'on leur offre sans possibilité de choix. Afin d’éviter des distorsions de concurrence avec le marché privé, l’exception devrait, en tout cas, être limitée aux tâches publiques (8).

5.3   Exonérations de la TVA (Q.6): les exonérations accordées aux EM avant le 1er janvier 1978 n'ont plus aucune raison d'être maintenues, et devraient être abandonnées: considérant qu'elles sont des privilèges que les EM ont négocié à l'époque de la fondation de l'UE ou peu après, elles constituent désormais une inadmissible déviation des principes du marché unique. Même raisonnement pour les nouveaux EM, pour lesquels l'abandon des exonérations peut être progressif, au fur et à mesure de l'amélioration du niveau de vie mais en fixant des paramètres transparents pour en juger.

5.3.1   Plus difficile et nuancé est le problème concernant les exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général ou d'autres activités. Les unes et les autres dépendent des orientations politiques et des politiques économiques de chaque EM; tout en restant une déviation des principes du marché unique, elles peuvent être utilisées comme instrument d'aide à une politique nationale de croissance et d'emploi. En tout cas, une future politique de bonne gouvernance ne devrait permettre ce type d'exonérations que comme mesures exceptionnelles et temporaires. Comme le Comité l'a déjà fait remarquer dans son avis relatif à la TVA sur les services financiers (9), il apprécierait une approche législative plus approfondie qui supprimerait les difficultés d'interprétation restantes et les problèmes en suspens. En outre, s'agissant de l'introduction éventuelle d'une taxe sur les transactions financières (10), la Commission devrait évaluer les avantages de l'inscrire dans le cadre de la TVA, afin d'assurer une approche administrative plus aisée pour le secteur et d'alléger le fardeau du non-recouvrement de la TVA.

5.3.2   Un cas particulier est constitué par les exonérations accordées aux PME dans certains pays, qui devraient être supprimées. On sait bien que dans tous les pays l'évasion de la TVA est considérable; l'existence d'une «évasion légale» dans les pays voisins ne fait qu'accentuer le recours transfrontalier aux services et à l'achat de produits dans ces pays. Double conséquence pour les pays sans exonération: l'affaiblissement de la lutte contre l'évasion illégale et la distorsion de concurrence au détriment des PME respectant les règles.

5.4   Imposition des transports de passagers (Q.7): la réponse est déjà dans l'esprit des commentaires en réponse à la Q.3 (point 5.2 ci-dessus); elle devrait s'appliquer à tous les moyens de transport, y compris le transport aérien (ce qui, d'ailleurs, semble être déjà le cas).

5.5   Problèmes liés au droit à la déduction (Q.9): la déductibilité de la TVA est un des problèmes majeurs pour les entreprises: compliqué, de difficile application en plusieurs cas, source de contentieux, de litiges et d'amendes. En plus, il est fondé sur un principe injuste, que la Commission elle-même rappelle: le droit à déduction (mais aussi le devoir de verser la TVA) naît au moment de la livraison du bien ou de la prestation du service, peu importe que l'acquéreur ou le preneur ait payé ou pas. Les mauvais payeurs ont aussi ce que la Commission appelle un «avantage de trésorerie», mais qu'on pourrait bel et bien appeler une perception sûre pour le fisc, anticipée par le vendeur ou fournisseur et garantie même en cas d'insolvabilité de la part de l'acquéreur ou preneur  (11).

5.5.1   Autre problème important posé la déduction de la TVA par compensation lorsqu'il en ressort un solde positif pour l'assujetti: dans certains EM le remboursement est effectué avec des retards considérables, dommageables pour la trésorerie des entreprises et parfois menant même à leur faillite. Les EM objectent que le système de compensation comporte un certain risque de fraude, ce qui est vrai, mais c'est à eux-mêmes de mettre en place des contrôles rapides; les conséquences de leur inefficacité sont payées par les entreprises.

5.5.2   Le Comité est d'accord avec la Commission sur les considérations qui l'amènent à considérer le système de comptabilité de caisse dans le commerce intracommunautaire comme la solution possible, équitable et neutre, surtout du point de vue de la trésorerie des entreprises. Cette solution n'est pourtant possible dans le commerce intracommunautaire que par la création d'un système de compensation opéré par le guichet unique dont la Commission a proposé l'adoption, mais qui connaît plusieurs obstacles d'application.

5.6   TVA applicable aux services internationaux (Q.11): l'importance des services internationaux, en particulier ceux qui sont fournis par voie électronique, justifie l'adoption de règles spéciales pour ces services; toutefois, la caractéristique de l'immatérialité rend souvent difficile les contrôles de l'application de la TVA de la part des fournisseurs, surtout quand il s'agit de fournitures aux particuliers (logiciels, musique, etc.). Ces contrôles sont impossibles quand les fournisseurs résident dans des états hors UE; l'OCDE ainsi que la Commission étudient le problème, mais sa solution ne semble ni facile ni pour un avenir immédiat.

5.6.1   Les principaux problèmes résident dans une importante distorsion de concurrence des services fournis à l'intérieur de l'UE par rapport à ceux provenant de l'extérieur; il n'y a pas beaucoup de moyens efficaces pour établir de l'ordre, hormis la possibilité d'accords internationaux de coopération entre autorités fiscales. Le Comité est en tout cas contre l'adoption de mesures du type adopté au Canada, consistant à percevoir la taxe auprès des consommateurs, avec des contrôles exercés en vérifiant leurs paiements en ligne. À part le désagrément pour les consommateurs de devoir effectuer des paiements de TVA à chaque achat, des contrôles tels que prévus constituent une inadmissible intrusion dans la vie privée des citoyens.

5.7   Législation de l'Union en matière de TVA (Q.13): l'article 113 du Traité donne au Conseil tout pouvoir en matière d'harmonisation des législations concernant la TVA; il n'y a donc aucune limite quant à l'instrument à choisir, que ce soit une directive ou un règlement. Au vu de l'expérience et d'une tendance parmi les EM à interpréter les dispositions selon leurs propres points de vue, le choix d'un règlement du Conseil est sans doute le meilleur. Toutefois, dans une vision réaliste les dispositions législatives faisant l'objet de ce règlement devraient être limitées à quelques aspects fondamentaux: champ d'application, définition des assujettis, exemptions, coopération entre administrations, lutte contre la fraude. Mais, plus les dispositions seront détaillées, majeures seront les difficultés d'obtenir un consensus au sein du Conseil, retombant ainsi dans la nécessité de directives d'application.

5.7.1   Modalités d'application (Q.14): la solution d'autoriser la Commission à adopter des décisions d'exécution serait bienvenue, mais déjà en 1997 le Conseil n'a pas donné son accord. Il reste à voir si cet accord peut être donné par décision majoritaire: la règle de l'unanimité (prérogative du Conseil) pourrait être contournée difficilement par une délégation de pouvoirs à la Commission. Une décision favorable serait la bienvenue, mais le Comité craint qu'elle ne soit irréaliste.

5.7.2   Lignes directrices sur les nouvelles règles législatives (Q.15): la publication de lignes directrices de la Commission seraient utiles pour les EM qui voudraient s'y conformer. Des inconvénients pourraient dériver du fait qu'elles ne sont pas contraignantes: des assujettis, ou même des administrations, pourraient provoquer des litiges en s'appuyant sur la non-application, ou la mauvaise application, de lignes directrices sans valeur légale. Serait ainsi laissé à l'appréciation de la justice de décider, au cas par cas, du bien fondé de plaintes évoquant des lignes directrices dont la validité serait mise en cause.

5.7.3   Amélioration du processus législatif (Q.16): en matière d'amélioration du processus législatif, plutôt que de mesures faudrait-il parler d'un changement d'approche et de méthode. Dans ses phases initiales, la Commission adopte une attitude de transparence et d'ouverture: consultations préalables avec les EM, convocations de ses comités consultatifs, livres verts, contacts avec les parties prenantes. Ceci en amont; en aval, les procédures auprès du Conseil deviennent moins transparentes et moins ouvertes aux offres de dialogue venant de l'extérieur.

5.7.4   Dans les phases finales, au niveau national les améliorations pourraient consister en une accélération du processus législatif d'adoption des directives et des règlements d'exécution; ces derniers, en particulier, manquent souvent de clarté et de précision, ce qui rend difficile le respect des règles de la part des opérateurs et parfois des administrations mêmes. Au niveau européen, il faudra convenir d'un laps de temps raisonnable entre la date limite pour la conversion de la directive par les EM et la mise en vigueur de nouvelles mesures.

5.8   Dérogations aux États membres (Q.17): la seule consultation de la liste, qui consiste en plus d'une centaine de dérogations, montre que les EM, et certains d'entre eux en particulier, font un usage disproportionné de l'octroi de ces facilités, ainsi que de leurs prolongations de validité. À juste titre, la Commission souligne que ce patchwork provoque de la confusion, des frais, des distorsions de concurrence et souvent il constitue une aide à la fraude; elle demande davantage de pouvoirs pour octroyer des dérogations de manière rapide et appropriée. Le Comité est d'accord, mais en même temps il demande qu'une révision globale soit faite dans le but d'être certain que les dérogations existantes sont toujours justifiées.

5.8.1   Procédure d'octroi des dérogations (Q.18): la procédure actuelle est lente et la demande qu'on lui donne les pouvoirs nécessaires pour l'accélérer est justifiée; en même temps, le Comité demande que les critères d'octroi soient plus rigoureux et que la liste des dérogations soit constamment mise à jour et consultable d'une façon facile et rapide.

5.9   Structure actuelle des taux de TVA (Q.19): certainement la structure actuelle des taux constitue une déviance aux principes du marché unique; il reste à établir si, et dans quelle mesure, les différences des taux ne constituent pas une méthode d'ajustement de situations particulières de l'une ou de l'autre activité. En ce qui concerne les taux différents appliqués à des produits similaires, notamment les services en ligne par rapport aux produits et services portant sur un contenu similaire, le Comité remarque qu'en général c'est le consommateur qui profite des prix réduits. Or, en ce qui concerne les produits, les frais de port s'équilibrent dans une certaine mesure avec les coûts d'exercice du commerce traditionnel, donc une TVA égale serait dommageable pour les acquéreurs en ligne; pour les services, la question est ouverte et mérite un approfondissement. Enfin, en ligne générale, les produits similaires devraient être assujettis aux mêmes tarifs.

5.9.1   Taux réduits de TVA (Q.20): la disparition des taux réduits peut paraître souhaitable, cette hypothèse est irréaliste; mais la liste devrait certainement être réduite, ou en tout cas soumise à une sévère révision: certaines facilités de vieille date, par exemple, sont tout simplement inadmissibles, compte tenu des changements intervenus dans le temps.

5.9.2   La création d'une liste de taux réduits obligatoires et uniformément appliqués est une hypothèse séduisante, mais également irréaliste. Les taux réduits sont utilisés dans chaque EM comme un puissant levier de politique économique, et parfois pour des motivations sociales ou carrément politiques. Quoi qu'il en soit, les EM ne pourront jamais accepter de renoncer à l'octroi individuel de taux réduits. On pourra faire un raisonnement différent dès que l'Europe se sera dotée d'un gouvernement économique, réglant d'une façon univoque les politiques économiques de tous les EM.

5.10   Problèmes concernant les règles actuelles (Q.21): les problèmes que les opérateurs, vendeurs et acheteurs, rencontrent en matière de paperasserie sont liés aux nombreuses règles imposées des deux côtés des frontières, souvent différentes et faisant parfois double emploi. À cet égard, il convient de citer notamment les règles suivantes: états récapitulatifs, obligations d’enregistrement, obligations de certification, obligations de déclaration, obligations de facturation (facturation électronique), obligations en matière d’enregistrement dans d’autres États membres, distinction entre livraison/installation. Les problèmes de langue posent aussi des coûts et des risques de dangereux malentendus.

5.10.1   Remédier aux problèmes (Q.22): les remèdes ont été suggérés par la Commission elle-même par plusieurs directives et recommandations toutes visant à la simplification administrative, entre autres la création d'un guichet unique, la création d'un numéro d'identification européen des opérateurs, l'informatisation des administrations. Le problème est que les administrations n'ont mis en œuvre ces mesures que dans une mesure limitée, parfois de façon différente et avec des retards considérables. L'harmonisation et la coordination des procédures deviennent ainsi un objectif prioritaire, plus importantes même de la simplification (12).

5.11   Exonération des petites entreprises (Q.24): une révision globale du régime d'exonération pourrait se justifier sous différents points de vue: distorsions des conditions de concurrence, vérification de la permanence des raisons qui, à l'origine, en ont dicté l'institution, impact sur le budget de chaque EM, situation économique générale, conséquences pour la compétitivité, l'emploi et les consommateurs, cohérence avec les objectifs d'Europe 2020. Mais fondamentalement la question a des aspects politiques importants, et il reste à voir si le Conseil a la volonté de se pencher sur ce problème.

5.12   Besoins des petits agriculteurs (Q.26): si vraiment la question concerne les «petits» agriculteurs, alors le problème ne devrait que concerner, dans la majorité des cas, le trafic transfrontalier de voisinage. Compte tenu de son importance relativement faible, on pourrait imaginer d'accorder un régime d'exonération générale.

5.13   Guichet unique (Q.27): le Comité confirme toutes les considérations (13) faites sur les propositions concernant l'institution du guichet unique  (14): le guichet unique serait une bonne solution pour la réduction des coûts et la simplification administrative, une fois qu'on aura donné une solution générale et coordonnée aux nombreux problèmes encore sur le tapis: création d'un registre électronique reconnu dans toute l'UE, abolition de l'obligation d'effectuer les transferts financiers directement entre le sujet passif et l'EM créditeur, harmonisation de plusieurs règles nationales, notamment celles qui concernent les périodes de déclaration.

5.14   Opérations transfrontalières (Q.28): la réponse est déjà dans les termes dans lesquels la question est posée: les règles actuelles créent certainement des difficultés aux entreprises, ou groupes, intra-européens, ainsi qu'aux administrations. Les règles minutieuses qui s'appliquent à la matière sont nécessairement compliquées pour les entreprises qui doivent les observer et pour les administrations appelées à les contrôler. Un remède, pourtant non sans inconvénients, pourrait prévoir de considérer les multinationales comme assujetties à la seule réglementation du pays où se trouve leur siège principal, quel que ce soit le pays d'origine ou de destination, sauf compensation des valeurs payées en plus ou en moins par le biais d'un guichet unique. L'inconvénient principal consisterait dans une possibilité accrue de fraude. En conclusion, le problème est tellement compliqué que seul un groupe d'étude formé par des spécialistes de la matière, administrations et groupes, pourrait finalement avancer des propositions raisonnables.

5.15   Synergies avec d'autres dispositions législatives (Q.29): Le Comité a déjà répondu en détail à cette question par son avis «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal» (15). Dans ce document il soulignait la nécessité de coordonner les directives sur la TVA (directives «douanières») avec les directives de fiscalité indirecte et celles concernant le recyclage d'argent criminel. Il considérait également impératif d'établir une coopération structurée et une collaboration organisée structurellement entre les différents organismes chargés de la lutte à l'évasion et contre la criminalité organisée. Dans ces domaines, rien n'a été fait au niveau de l'UE et il ne semble pas que les propositions du Comité aient reçu la moindre attention.

5.16   Mode de perception de la TVA (Q.30): parmi les quatre alternatives proposées, la deuxième, qui prévoit une base de données centrale recevant toutes les données de la facturation, semblerait de loin la meilleure: simple et efficace pour combattre la fraude. La facturation électronique suppose toutefois des coûts substantiels pour les entreprises. Ceci dit, le dernier mot ne peut qu'appartenir aux professionnels des administrations et des entreprises. De son côté, le Comité observe que l'aspect positif principal est que cette méthode semble être la meilleure pour combattre la fraude.

5.17   Système facultatif de paiement scindé (Q.31): le Comité exprime ses perplexités sur le choix d'un système de paiement «scindé», tel que proposé dans le premier modèle au point 5.4.1 du livre vert: que d'imposer un double paiement pour chaque transaction complique la comptabilité et multiplie la possibilité d'erreurs. En outre, selon certains experts il n'est pas sûr que ce modèle soit une garantie absolue et incontournable contre la fraude tournante (fraude carrousel). En tout cas, l'hypothèse d'un système facultatif semblerait également à écarter: ce serait le contraire d'un principe d'harmonisation qui déjà souffre de trop d'exceptions.

5.18   Relations entre les opérateurs et les autorités fiscales (Q.32): dans sa Communication de décembre 2008 (16), la Commission avait déjà tracé les lignes directrices (plan d'action) d'une politique visant à améliorer, au niveau des EM, les relations entre opérateurs et autorités fiscales. Le Comité avait fait parvenir ses commentaires et propositions par un avis  (17) dans lequel, tout en marquant son accord sur les propositions de la Commission (substantiellement les mêmes que celles du Livre vert), il soulignait la nécessité d'une meilleure considération pour la protection des données concernant les opérateurs, d'une prise de responsabilité des administration vis-à-vis des contribuables dans les cas de faute ou abus de pouvoir des administrations, d'une conception équitable de la responsabilité solidaire. Tout cela, sans oublier les recommandations faites à maintes reprises concernant la clarté et la rapidité des informations et leur accessibilité par Internet, l'aide des autorités nationales aux opérateurs dans leurs contacts avec les administrations d'autres EM, etc.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir l'Avis du CESE JO C 224, du 30.8.2008, p. 124, sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d’assurance et des services financiers» (COM(2007) 747 final - 2007/0267 CNS).

(2)  Voir l'Avis du CESE JO C 248, du 25.8.2011, p. 64, sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “La taxation du secteur financier”» (COM(2010) 549 final).

(3)  Avis CESE «Règles/Lieu de prestations des services», JO C 117, 30.04.2004, p. 15.

(4)  Avis CESE «Améliorer le fonctionnement des systèmes d'impositions sur le marché intérieur (FISCALIS 2013», JO C 93, 27.04.2007, p. 1; Avis CESE «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal», JO C 255, 22.09.2010, p. 61; Avis CESE «TVA: Lutte contre la fraude», JO C 347, 18.12.2010, p. 73.

(5)  Avis CESE «Simplification TVA», JO C 267, 27.10.2005, p. 30.

(6)  Avis CESE «Abus dans le domaine de la fiscalité directe», JO C 77, 31.03.2009, p. 139.

(7)  Commission Staff Working Paper, SEC(2010)1455 du 1.12.2010.

(8)  Services d’intérêt général (SIG) – Protocole de la Conférence intergouvernementale N. 26, 23.7.2007.

(9)  Voir l'Avis du CESE JO C 224, du 30.8.2008, p. 124, sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d’assurance et des services financiers» (COM(2007) 747 final - 2007/0267 CNS).

(10)  Voir l'Avis du CESE JO C 248, du 25.8.2011, p. 64, sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “La taxation du secteur financier”» (COM(2010) 549 final).

(11)  La restitution de la TVA sur des fournitures ou prestations finalement non payées fait l’objet dans nombreux États de procédures longues, compliquées et coûteuses.

(12)  Le Comité s’est exprimé en la matière en de nombreuses occasions: Avis CESE «Système commun de TVA (Refonte)», JO C 74, 23.03.2005, p. 21; Avis CESE «TVA/Règles de facturation», JO C 306, 16.12.2009, p. 76 et tous les avis CESE cités en référence dans ce texte.

(13)  Avis CESE «Simplification TVA», JO C 267, 27.10.2005, p. 45.

(14)  COM(2004) 728 final

(15)  Avis CESE «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal», JO C 255, 22.09.2010, p. 61.

(16)  COM(2008) 807 final accompagnant COM(2008) 805 final - 2008/0228(CNS).

(17)  Avis CESE «Fraude fiscale liée aux importations», JO C 277, 17.11.2009, p. 112.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Texte de l'avis de section spécialisée rejeté au profit d'amendement adopté en Assemblée

Point 1.3:

Le Comité est d’accord sur la déclaration de la Commission selon laquelle un système de TVA global devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude pesant sur les finances publiques. À cela il convient d’ajouter la prise en compte des besoins des consommateurs, qui sont finalement ceux qui sont appelés à payer la taxe et à prendre en charge le poids de cette inefficacité.

Résultat du vote: 81 voix pour, 45 voix contre et 29 abstentions.


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