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Document 62022CO0739

Ordonnance du vice-président de la Cour du 20 mars 2023.
Xpand Consortium e.a. contre Commission européenne.
Pourvoi – Référé – Marchés publics – Demande de mesures provisoires – Recevabilité de conclusions nouvelles – Intérêt à agir – Engagement d’une nouvelle procédure – Perte de l’objet de la demande en référé présentée en première instance.
Affaire C-739/22 P(R).

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:228

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

20 mars 2023 (*)

« Pourvoi – Référé – Marchés publics – Demande de mesures provisoires – Recevabilité de conclusions nouvelles – Intérêt à agir – Engagement d’une nouvelle procédure – Perte de l’objet de la demande en référé présentée en première instance »

Dans l’affaire C‑739/22 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er décembre 2022,

Xpand Consortium, établie à Bruxelles (Belgique),

NTT Data Belgique SRL, établie à Bruxelles,

Sopra Steria Benelux SA, établie à Bruxelles,

Fujitsu Technology Solutions SA, établie à Bruxelles,

représentées par Mes L. Lence de Frutos et M. Troncoso Ferrer, abogados,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mmes L. André, M. Ilkova et M. S. Romoli, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, Xpand Consortium, NTT Data Belgique SRL, Sopra Steria Benelux SA et Fujitsu Technology Solutions SA demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2022, Xpand Consortium e.a./Commission (T‑281/22 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:569), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la Commission européenne de ne pas lancer une procédure de passation de marché public ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04, intitulée « Services de développement, de mise en œuvre, de maintenance/d’exploitation et d’assistance-conseil dans le domaine des systèmes informatiques comptables et financiers » jusqu’à ce que le Tribunal ait définitivement statué sur leur recours en annulation introduit le 13 mai 2022 contre la décision de la Commission du 3 mars 2022 d’annuler la procédure de passation de marché relative à cet appel d’offres (ci-après la « décision d’annulation »).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 15 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

3        Le 25 novembre 2020, par un avis de marché publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020/S, 230-565743), la Commission a lancé l’appel d’offres BUDG 19/PO/04. Cet appel d’offres était divisé en deux lots.

4        Le 26 janvier 2021, les requérantes, en tant que membres d’un consortium dénommé « Xpand », ont déposé une offre pour le lot no 2. Le 11 février 2022, la Commission les a informées que cette offre avait été retenue au terme de la procédure de passation de marché.

5        Le 3 mars 2022, la Commission a adopté la décision d’annulation. Par lettre datée du même jour, la Commission a informé les requérantes qu’elle avait relevé des erreurs dans les documents de marché, notamment la non-conformité de certains critères de sélection avec la réglementation de l’Union applicable. Cette lettre précisait également que le pouvoir adjudicateur avait l’intention de lancer une nouvelle procédure de passation pour le marché en cause.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2022, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision d’annulation.

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2022, les requérantes ont introduit une demande en référé tendant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de ne pas lancer une nouvelle procédure de passation de marché public ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04.

8        Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté cette demande, au motif que la condition relative à l’urgence n’était pas satisfaite.

 Les conclusions des parties

9        Les requérantes demandent à la Cour :

–        de « rapporter » l’ordonnance attaquée ;

–        dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, d’ordonner à la Commission de suspendre la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI) jusqu’à ce que le Tribunal statue dans l’affaire T‑281/22, et

–        de condamner la Commission aux dépens afférents à la procédure de première instance et à celle de pourvoi.

10      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur la recevabilité du pourvoi

 Argumentation

11      La Commission excipe de l’irrecevabilité du pourvoi.

12      Elle soutient, d’une part, que les requérantes n’ont plus intérêt à obtenir l’annulation de l’ordonnance attaquée, dès lors que cette annulation est insusceptible de leur procurer un avantage. En effet, alors que leur demande en première instance n’aurait eu pour seul objet que d’empêcher la Commission de lancer une nouvelle procédure de passation de marché public ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04, une telle procédure aurait déjà été lancée par la Commission le 4 octobre 2022.

13      D’autre part, la demande des requérantes tendant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de suspendre la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI) constituerait une demande nouvelle, qui devrait être rejetée conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cette demande impliquerait, en outre, que la Cour apprécie des éléments de fait, ce qui ne relèverait pas de sa compétence dans le cadre d’un pourvoi.

14      Les requérantes soutiennent qu’elles ont encore intérêt à obtenir le prononcé de mesures provisoires. En effet, le but de leur demande en référé aurait été d’éviter qu’un nouveau marché public ayant un même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04 ne soit attribué à un autre candidat, en vue de préserver la pleine efficacité de la décision à intervenir dans l’affaire T‑281/22.

15      Elles précisent que leurs conclusions initiales ne sont pas fondées sur la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI) en raison du fait que, à la date d’introduction de leur demande en référé, cette procédure n’aurait pas encore été lancée et que, en tout état de cause, il leur aurait été impossible, en pratique, de faire référence à chaque étape d’une potentielle nouvelle procédure d’appel d’offres.

 Appréciation

16      En premier lieu, les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne à la Commission de suspendre la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI) doivent être rejetées comme étant irrecevables.

17      En effet, tout d’abord, cette demande ne saurait être regardée comme pouvant être introduite au titre de l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans la mesure où cette disposition prévoit que les conclusions du pourvoi ne peuvent tendre qu’à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu’elle figure au dispositif de cette décision.

18      Ensuite, si l’article 170, paragraphe 1, de ce règlement complète l’article 169, paragraphe 1, de celui-ci, cet article 170, paragraphe 1, dispose que les conclusions du pourvoi tendent, si celui-ci est déclaré fondé, à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l’exclusion de toute conclusion nouvelle.

19      Or, par leurs conclusions de première instance, les requérantes demandaient uniquement au Tribunal d’ordonner à la Commission de ne pas lancer une nouvelle procédure de passation de marché public ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04.

20      Partant, à supposer que les conclusions de pourvoi tendant à ce que la Cour ordonne à la Commission de suspendre la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI) doivent être comprises comme ayant été présentées pour le cas où le pourvoi serait fondé, celles-ci devraient, en tout état de cause, être rejetées, en tant qu’elles constituent des conclusions nouvelles par rapport aux conclusions présentées en première instance.

21      Enfin, ces conclusions nouvelles ne peuvent pas non plus être regardées comme une demande de mesures provisoires introduite au titre de l’article 160 du règlement de procédure de la Cour, dès lors que l’article 160, paragraphe 4, de ce règlement de procédure subordonne la recevabilité d’une telle demande à une présentation par acte séparé.

22      S’agissant, en second lieu, des conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’intérêt à agir d’un requérant constitue une condition de recevabilité de son recours, qui doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond. Tant l’existence que la persistance de l’intérêt à agir supposent que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a formé [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 29 septembre 2016, Efler e.a./Commission, C‑400/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:735, point 14].

23      En l’espèce, il est constant que, le 4 octobre 2022, soit après le prononcé de l’ordonnance attaquée et avant l’introduction du présent pourvoi, la Commission a lancé une procédure d’appel d’offres ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04.

24      Partant, le prononcé éventuel de la mesure provisoire visée dans les conclusions de la demande en référé, à savoir ordonner à la Commission de ne pas lancer une nouvelle procédure de passation de marché public ayant le même objet que la procédure d’appel d’offres BUDG 19/PO/04, serait dépourvu de tout effet.

25      En outre, au regard de la formulation des conclusions de cette demande, un nouvel examen de celle-ci, qui s’imposerait en cas d’annulation de l’ordonnance attaquée, ne permettrait pas au juge des référés, sauf à statuer ultra petita, d’ordonner à la Commission de suspendre la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI), même en cas de renvoi de l’affaire devant le Tribunal.

26      À cet égard, s’il est vrai que, à la date d’introduction de leur demande en référé, soit le 10 juin 2022, les requérantes ne pouvaient solliciter la suspension de cette procédure d’appel d’offres lancée le 4 octobre 2022, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, conduire à une interprétation extensive des conclusions de cette demande, dès lors que celles-ci disposent de la faculté, conformément à l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal, de présenter une deuxième demande relative à une mesure provisoire fondée sur des faits nouveaux.

27      Il s’ensuit que la demande en référé a été privée d’objet à compter du lancement de la procédure d’appel d’offres BUDG/2022/OP/0010 (DIMOS VI).

28      Dans ces conditions, l’annulation de l’ordonnance attaquée est insusceptible de procurer un bénéfice aux requérantes [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 29 septembre 2016, Efler e.a./Commission, C‑400/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:735, point 16].

29      En conséquence, les conclusions des requérantes tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée sont irrecevables.

30      Il ressort de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté, dans son ensemble, comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

31      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

32      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

33      La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens afférents à la procédure de pourvoi et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens afférents à la procédure de pourvoi.

34      S’agissant des dépens afférents à la procédure de première instance, l’ordonnance attaquée n’ayant pas été annulée et le président du Tribunal ayant décidé, dans cette ordonnance, de réserver ces dépens, il appartiendra au Tribunal de statuer sur lesdits dépens, conformément à l’article 158, paragraphe 5, de son règlement de procédure, dans la décision statuant sur le principal.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Xpand Consortium, NTT Data Belgique SRL, Sopra Steria Benelux SA et Fujitsu Technology Solutions SA sont condamnées aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.

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