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Document 62021CO0649

Ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022.
Fastweb SpA contre Commission européenne.
Pourvoi – Intervention – Concurrence – Concentrations – Décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen sous réserve du respect de certains engagements – Entreprise opérant sur les marchés concernés par la concentration – Intérêt à la solution du litige – Admission.
Affaire C-649/21 P(I).

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:171

 ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

22 février 2022 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 23 mars 2022]

« Pourvoi – Intervention – Concurrence – Concentrations – Décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen sous réserve du respect de certains engagements – Entreprise opérant sur les marchés concernés par la concentration – Intérêt à la solution du litige – Admission »

Dans l’affaire C‑649/21 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 octobre 2021,

Fastweb SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes E. Cerchi, M. Merola, et F. Caliento, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Iliad Italia SpA, établie à Milan, représentée par Mes D. Fosselard et D. Waelbroeck, avocats,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, et J. Szczodrowski ainsi que par Mme C. Sjödin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

[Tel que rectifié par ordonnance du 23 mars 2022]

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1

Par son pourvoi, Fastweb SpA demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 27 septembre 2021, Iliad Italia/Commission (T‑692/20, non publiée, ci-après l’ ordonnance attaquée , EU:T:2021:686), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande d’intervention au soutien des conclusions d’Iliad Italia SpA, partie demanderesse en première instance dans l’affaire T‑692/20.

Le cadre juridique

2

L’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), dispose :

« Les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun. »

3

L’article 8, paragraphe 3, de ce règlement prévoit :

« Lorsque la Commission constate qu’une concentration répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 3, [...] elle prend une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun. »

Les antécédents du litige

4

Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 8 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

5

Le 17 janvier 2020, la Commission européenne a reçu notification d’un projet de concentration (ci-après l’« opération notifiée ») par lequel Vodafone Europe BV et Telecom Italia SpA avaient l’intention de regrouper leurs activités d’exploitation d’infrastructures passives en Italie au sein d’une entreprise commune nouvellement créée, nommée Infrastrutture Wireless Italiane SpA (ci‑après « INWIT »).

6

Le 6 mars 2020, la Commission a, en application du règlement no 139/2004, adopté la décision C(2020) 1573 final déclarant l’opération notifiée compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire COMP/M.9674 – Vodafone ITALIA/TIM/INWIT JV) (ci-après la « décision litigieuse »).

7

Dans la décision litigieuse, la Commission a, dans un premier temps, apprécié les effets probables de l’opération notifiée. À cet égard, la Commission a, en premier lieu, considéré que l’opération notifiée suscitait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en raison d’effets verticaux non coordonnés sur les marchés de la fourniture de services de télécommunications mobiles au détail et en gros. La Commission n’a, en second lieu, pas exclu que l’opération notifiée puisse susciter des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en raison, d’une part, d’effets verticaux non coordonnés au détriment de fournisseurs de services au détail et en gros de télécommunications fixes sans fil utilisant la technologie « fixed wireless access » et, d’autre part, d’effets horizontaux non coordonnés relatifs à la fourniture de services d’hébergement sur des infrastructures passives aux opérateurs de réseaux mobiles, aux fournisseurs utilisant la technologie « fixed wireless access » et à des clients autres que les organismes de télévision et de radio.

8

Dans un second temps, la Commission a estimé que les engagements souscrits par Vodafone Europe et Telecom Italia étaient de nature à rendre l’opération notifiée compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3). Elle en a déduit que l’opération notifiée, telle que modifiée à la suite des engagements offerts par les parties à la concentration, n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur les marchés sur lesquels des problèmes de concurrence avaient été identifiés.

9

Ainsi, la décision litigieuse énonce que l’opération notifiée est compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’EEE, sous réserve que les conditions et obligations mentionnées dans les engagements annexés à cette décision soient respectés par les parties à la concentration.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

10

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2020, Iliad Italia a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

11

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 mars 2021, Fastweb a demandé à intervenir dans l’affaire T‑692/20 au soutien des conclusions d’Iliad Italia.

12

Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté cette demande d’intervention.

13

Le Tribunal a, en premier lieu, constaté, au point 24 de cette ordonnance, que Fastweb n’était pas destinataire de la décision litigieuse.

14

En deuxième lieu, le Tribunal a jugé, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que Fastweb n’avait pas apporté la preuve qu’elle devait ou qu’elle devrait effectivement souscrire auprès d’INWIT des services d’hébergement de ses équipements de transmission et qu’elle n’avait ainsi pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait. À cet égard, le Tribunal a notamment relevé, aux points 26, 29 et 31 de cette ordonnance, qu’il ressortait de la décision litigieuse ainsi que des observations de la Commission que Fastweb utilisait des alternatives aux infrastructures passives d’INWIT et qu’elle n’avait pas établi que ces alternatives risquaient de se révéler insuffisantes pour répondre à ses besoins ou d’être remises en cause par l’échec du partenariat et de la coopération mis en place entre Fastweb et d’autres opérateurs.

15

Le Tribunal a précisé, au point 34 de ladite ordonnance que, en tout état de cause, s’il fallait comprendre les observations de Fastweb en ce sens qu’un échec de ce partenariat ou de cette coopération impliquerait qu’elle aurait besoin des services d’hébergement d’INWIT, un tel échec constituait un événement futur et hypothétique qui n’était pas de nature à établir un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

16

En troisième lieu, le Tribunal a considéré, au point 36 de l’ordonnance attaquée, que Fastweb n’avait pas démontré que les conditions et les charges imposées aux parties à la concentration produisaient sur sa situation des effets différents de ceux résultant de son partenariat et de sa coopération avec d’autres opérateurs ou des effets s’ajoutant à ceux qui résultaient de ce partenariat et de cette coopération.

Les conclusions des parties

17

Par son pourvoi, Fastweb demande à la Cour :

d’annuler l’ordonnance attaquée ;

d’accueillir sa demande d’intervention dans l’affaire T‑692/20 au soutien des conclusions d’Iliad Italia, et

de condamner la Commission aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.

18

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner Fastweb aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.

Sur le pourvoi

19

À l’appui de son pourvoi, Fastweb présente deux moyens tirés, le premier, d’une motivation erronée et d’une déformation des faits et, le second, d’erreurs de droit dans l’application de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

Sur le premier moyen

Argumentation

20

Par son premier moyen, Fastweb soutient que l’ordonnance attaquée est entachée d’une motivation erronée et d’une déformation des faits, en tant que, dans cette ordonnance, le Tribunal a dénié à Fastweb l’existence d’un intérêt pour la solution du litige au seul motif qu’elle utilise actuellement une alternative aux infrastructures passives d’INWIT.

21

Or, la seule question pertinente serait de savoir si la position juridique ou la situation économique de Fastweb sera, ou pourrait être, modifiée s’il était fait droit aux conclusions d’Iliad Italia tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Le Tribunal aurait donc dû se prononcer sur la demande en intervention en évaluant les conséquences d’une annulation de la décision litigieuse sur l’activité commerciale de Fastweb. Dans ce cadre, il n’aurait pas pu éviter de se fonder sur des « suppositions » relatives à l’effet de la concentration, dans la mesure où tout intérêt à la solution d’un litige en matière de concentration reposerait nécessairement sur de telles « suppositions ».

22

En l’espèce, l’intérêt à intervenir de Fastweb serait établi, puisque l’annulation de la décision litigieuse lui permettrait de disposer de meilleures conditions concurrentielles, en lui offrant l’accès aux services d’hébergement d’INWIT en supplément ou en remplacement de ceux obtenus grâce à son partenariat et à sa coopération. Une annulation partielle de cette décision permettrait, quant à elle, à Fastweb d’accéder à une meilleure gamme de sites d’INWIT ainsi que de disposer d’une plus grande clarté quant aux caractéristiques de ces sites et quant aux procédures d’accès auxdits sites.

23

Le Tribunal aurait ainsi négligé des éléments essentiels du litige, en particulier la circonstance qu’une absence de toute alternative sur le marché aux sites actuellement utilisés par INWIT la priverait de pouvoir de négociation à l’égard de ses partenaires et limiterait la concurrence sur le marché.

24

Fastweb avance également qu’il y a lieu de tenir compte de plusieurs éléments de fait supplémentaires, à savoir sa participation à la procédure administrative devant la Commission, sa qualité de nouvel opérateur de réseau de marché entrant, la transmission d’informations à la Commission quant au préjudice subi en raison du défaut d’accès aux sites d’INWIT ainsi que la similarité entre sa position et celle d’Iliad Italia.

25

La Commission excipe de l’irrecevabilité du premier moyen en faisant valoir que Fastweb, d’une part, remet en cause les constatations factuelles du Tribunal sans alléguer ou démontrer une dénaturation des faits et, d’autre part, produit des éléments de fait qui n’ont pas été évoqués devant le Tribunal.

Appréciation

26

Il convient, à titre liminaire, d’examiner les arguments de la Commission visant à contester la recevabilité du premier moyen.

27

À cet égard, il y a lieu, d’une part, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément à l’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces éléments ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 21 juin 2016, Bundesverband der Pharmazeutischen Industrie/Allergopharma, C‑157/16 P(I), non publiée, EU:C:2016:476, point 9 et jurisprudence citée].

28

Si la présentation de certains aspects de l’argumentation avancée par Fastweb à l’appui de son premier moyen pourrait, certes, conduire à regarder celle-ci comme visant pour partie à remettre en cause des appréciations de fait du Tribunal, il n’en demeure pas moins que, par ce moyen, Fastweb soutient essentiellement que le Tribunal a apprécié l’existence de son intérêt à la solution du litige sur la base d’un critère erroné, tiré du défaut de recours actuel ou prévisible aux services des parties à la concentration en cause, alors qu’il aurait dû uniquement déterminer si sa position juridique ou sa situation économique pouvait, au regard des effets prévisibles de cette concentration sur les conditions concurrentielles touchant cette société, être modifiée par l’annulation de la décision litigieuse.

29

Un tel grief relève de la compétence du juge du pourvoi, en tant qu’il se rapporte à une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, de telle sorte que le premier moyen doit être considéré comme étant recevable pour autant qu’il se rapporte à ce grief.

30

D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 13 novembre 2019, EDP España/Commission, C‑536/19 P(I), non publiée, EU:C:2019:965, point 22 et jurisprudence citée].

31

Or, en faisant valoir que le Tribunal aurait négligé à tort de tenir compte des éléments de fait mentionnés au point 24 de la présente ordonnance, lesquels n’avaient effectivement pas été évoqués en première instance, Fastweb présente en réalité à la Cour un moyen qui n’a pas été soulevé devant le Tribunal, tiré de ce que sa demande d’intervention aurait dû être accueillie sur la base de ces éléments de fait. Les arguments fondés sur lesdits éléments de fait doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.

32

En revanche, contrairement à ce que soutient la Commission, les arguments de Fastweb résumés aux points 22 et 23 de la présente ordonnance doivent être considérés comme explicitant simplement la pertinence, en vue de l’appréciation de son intérêt à la solution du litige, de l’exposé de la position économique de cette entreprise, tel qu’il résulte du point 7 de la demande d’intervention présentée devant le Tribunal, et ces arguments ne sauraient donc être écartés comme étant irrecevables.

33

S’agissant de l’examen au fond du premier moyen, il importe de relever qu’il ressort des points 25 à 34 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a estimé que la demande d’intervention de Fastweb n’aurait dû être accueillie que pour autant que celle-ci aurait établi, en tenant compte de l’organisation actuelle de ses opérations, qu’elle avait un besoin actuel ou futur d’accès aux infrastructures passives d’INWIT et, partant, qu’elle devait ou devrait effectivement souscrire auprès d’INWIT des services d’hébergement.

34

À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne peut intervenir devant les juridictions de l’Union si elle peut justifier d’un intérêt à la solution du litige soumis à l’une d’entre elles.

35

Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens dudit article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 24 juin 2021, ratiopharm e.a./Commission, C‑220/21 P(I), non publiée, EU:C:2021:521, point 18 ainsi que jurisprudence citée].

36

Il convient, notamment, de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 24 juin 2021, ratiopharm e.a./Commission, C‑220/21 P(I), non publiée, EU:C:2021:521, point 19 ainsi que jurisprudence citée].

37

Par ailleurs, une distinction doit être faite entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé aux conclusions présentées par les parties dans le cadre du litige dans lequel ils souhaitent intervenir et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige en raison de similarités entre leur situation et celle de l’une des parties [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 24 juin 2021, ratiopharm e.a./Commission, C‑220/21 P(I), non publiée, EU:C:2021:521, point 20 ainsi que jurisprudence citée].

38

En ce qui concerne plus spécifiquement l’existence d’un tel intérêt dans le domaine du droit de la concurrence, il importe de souligner que les dispositions du traité FUE relatives aux règles de concurrence consacrent un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des mesures contraires aux articles 101, 102 et 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43, ainsi que du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, point 112).

39

Ainsi, il a pu être considéré qu’un intérêt à la solution du litige devait être reconnu au demandeur en intervention lorsque le régime d’aides d’État faisant l’objet du litige est susceptible d’avoir des conséquences directes et actuelles sur sa situation économique, en particulier lorsqu’il ne saurait être exclu qu’un projet financé au moyen d’un tel régime offre une alternative aux prestations offertes par ce demandeur et soit ainsi susceptible d’avoir des conséquences sur les activités de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 22 octobre 2019, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, C‑174/19 P, non publiée, EU:C:2019:1096, points 9, 22 et 40).

40

De même, des concurrents d’une entreprise à laquelle une décision de la Commission imputait un abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, dont la situation économique était modifiée par le comportement en cause, ont pu voir reconnaître leur intérêt à intervenir au soutien de conclusions tendant au rejet d’un recours en annulation dirigé contre la décision de la Commission [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 21 février 2008, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, non publiée, EU:C:2008:114, points 9 et 10, ainsi que du 8 juin 2012, Schenker/Deutsche Lufthansa e.a., C‑602/11 P(I), non publiée, EU:C:2012:337, points 11 et 12].

41

Or, il résulte de l’article 2, paragraphe 3, et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 que la Commission doit déclarer incompatibles avec le marché intérieur les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective au sein de ce marché ou d’une partie substantielle de celui‑ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante.

42

Au vu de ces éléments, une entreprise qui est active sur un ou plusieurs marchés identifiés par la Commission comme pouvant être touchés par les effets anti-concurrentiels probables d’une opération de concentration doit, en principe, être regardée comme ayant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions d’un recours dirigé contre la décision autorisant cette concentration, en tant qu’il ne saurait être exclu, à un stade préliminaire de la procédure de recours, que l’autorisation de ladite concentration et, le cas échéant, les conditions ainsi que les charges auxquelles est subordonnée cette autorisation soient susceptibles d’avoir des conséquences sur les activités de cette entreprise.

43

La circonstance qu’une telle entreprise ait actuellement recours aux services d’un autre opérateur que les parties à la concentration en cause ne saurait permettre d’écarter l’existence d’un tel intérêt, dès lors que, ainsi que le fait valoir Fastweb, la modification de la situation concurrentielle découlant de l’opération notifiée est susceptible, même dans un tel cas, d’influer sur les choix économiques dont dispose cette entreprise et sur le pouvoir de négociation dont celle-ci dispose dans l’organisation de ses opérations.

44

Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il incombait à Fastweb, en vue d’établir son intérêt à la solution de l’affaire T‑692/20, d’apporter la preuve qu’elle ne pourrait pas mener son activité en recourant aux infrastructures auxquelles elle avait actuellement accès sur la base d’un partenariat et d’une coopération avec d’autres opérateurs et, ainsi, qu’elle devait ou devrait effectivement souscrire auprès d’INWIT des services d’hébergement de ses équipements de transmission.

45

Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen.

46

Cela étant, dès lors que le dispositif de l’ordonnance attaquée est également fondé sur un motif tiré de la comparaison entre les conditions et les charges imposées par la décision litigieuse, il est nécessaire d’examiner le second moyen, qui vise à contester ce motif.

Sur le second moyen

Argumentation

47

Par son second moyen, Fastweb fait valoir que le Tribunal a commis deux erreurs de droit au point 36 de l’ordonnance attaquée.

48

D’une part, le Tribunal aurait méconnu l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en appréciant l’intérêt à la solution du litige non pas en lien avec les conclusions présentées par Iliad Italia, mais en fondant son appréciation sur l’analyse retenue par la Commission dans la décision litigieuse. Le Tribunal ne pourrait donc pas se prononcer sur la base d’appréciations prétendument erronées figurant dans cette décision.

49

D’autre part, le Tribunal aurait, à tort, comparé la situation de Fastweb à celle d’autres personnes physiques et morales en exigeant qu’elle démontre que les conditions et les charges imposées par la décision litigieuse auraient des effets spécifiques à son égard.

50

La Commission soutient que le second moyen repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée, le Tribunal ayant effectivement apprécié l’intérêt à la solution du litige de Fastweb sur la base des critères résultant d’une jurisprudence constante des juridictions de l’Union.

Appréciation

51

Il ne saurait, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 36 de l’ordonnance attaquée, être exigé d’une entreprise active sur un ou plusieurs marchés identifiés par la Commission comme pouvant être touchés par les effets anti-concurrentiels probables d’une opération de concentration qu’elle démontre que les effets sur sa situation des conditions et des charges imposées aux parties à la concentration diffèrent de ceux qui résultent de ses relations actuelles avec d’autres opérateurs.

52

En effet, ainsi que le fait valoir Fastweb, dès lors que l’examen d’un recours en annulation introduit contre une décision autorisant une concentration a notamment pour objet d’évaluer dans quelle mesure les conditions et les charges imposées par cette décision sont suffisantes pour exclure la survenance d’effets anti-concurrentiels en cas de réalisation de cette concentration, il ne saurait être attendu d’un demandeur en intervention qu’il démontre, à un stade préliminaire de la procédure, que ces conditions et ces charges sont insuffisantes pour éviter de tels effets.

53

En outre, l’intérêt d’une entreprise à l’annulation d’une décision autorisant une concentration devant, ainsi qu’il ressort des points 42 et 43 de la présente ordonnance, être apprécié sans conférer un caractère décisif à la circonstance que cette entreprise se fournit actuellement auprès d’autres opérateurs que les parties à la concentration, une éventuelle comparaison entre les effets des accords conclus avec ces opérateurs et ceux des conditions et des charges imposées par cette décision ne saurait, en tout état de cause, être déterminante aux fins de cette appréciation.

54

Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le second moyen et, partant, d’annuler l’ordonnance attaquée.

Sur la demande d’intervention présentée devant le Tribunal

55

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

56

En l’espèce, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur la demande d’intervention de Fastweb.

57

Dans sa demande d’intervention, Fastweb soutient que, en tant que fournisseur de services mobiles et fixes au détail et en gros, elle est l’un des opérateurs qui achète des services d’accueil sur une infrastructure de réseau passive. À ce titre, elle fait valoir qu’elle doit avoir accès aux sites d’INWIT et qu’elle achète des services d’accueil sur des macro-sites à des opérateurs tels qu’INWIT. De ce fait, elle estime qu’une annulation de la décision litigieuse aurait un impact significatif sur sa position.

58

Ainsi qu’il ressort du point 42 de la présente ordonnance, de tels éléments, dont la réalité est attestée par la décision litigieuse et n’est aucunement contestée par la Commission, suffisent à établir que Fastweb a un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse présentées par Iliad Italia, dans la mesure où il est constant qu’ils établissent que Fastweb est active sur un ou plusieurs marchés identifiés par la Commission comme pouvant être touchés par les effets anti-concurrentiels probables de l’opération notifiée.

59

Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la Commission, il ne saurait être attendu de Fastweb qu’elle établisse de manière plus précise en quoi l’opération notifiée serait susceptible de modifier sa position en tant que fournisseur de services fixes au détail et en gros.

60

En outre, les arguments de la Commission tendant à dénier l’intérêt à intervenir de Fastweb, au motif que celle-ci n’aurait pas démontré que le partenariat et la coopération dans lesquels Fastweb est actuellement engagée risquaient d’être remis en cause ou qu’elle achetait ou achèterait effectivement des services d’hébergement auprès d’INWIT, ne sauraient remettre en cause cette conclusion, pour les raisons indiquées au point 43 de la présente ordonnance.

61

Partant, la demande d’intervention présentée par Fastweb dans l’affaire T‑692/20 doit être accueillie.

Sur les dépens

62

En ce qui concerne les dépens afférents au présent pourvoi, en vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63

Fastweb ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Fastweb afférents au pourvoi.

64

En ce qui concerne les dépens portant sur la demande d’intervention, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

65

En l’espèce, la demande d’intervention de Fastweb étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens liés à son intervention.

 

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

 

1)

L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 27 septembre 2021, Iliad Italia/Commission (T‑692/20, non publiée, EU:T:2021:686), est annulée.

 

2)

Fastweb SpA est admise à intervenir dans l’affaire T‑692/20 au soutien des conclusions de Iliad Italia SpA.

 

3)

La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Fastweb SpA afférents à la procédure de pourvoi.

 

4)

Les dépens liés à l’intervention de Fastweb SpA sont réservés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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