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Document 62021CO0204(04)

    Ordonnance du Vice-président de la Cour du 21 avril 2023.
    République de Pologne contre Commission européenne.
    Référé – Article 163 du règlement de procédure de la Cour – Demande de rapporter ou de modifier une ordonnance portant sur des mesures provisoires – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Protection juridictionnelle effective – Indépendance des juges – Inexécution – Changement de circonstances – Astreinte.
    Affaire C-204/21 R-RAP.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:334

     ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

    21 avril 2023 ( *1 )

    « Référé – Article 163 du règlement de procédure de la Cour – Demande de rapporter ou de modifier une ordonnance portant sur des mesures provisoires – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Protection juridictionnelle effective – Indépendance des juges – Inexécution – Changement de circonstances – Astreinte »

    Dans l’affaire C‑204/21 R-RAP,

    ayant pour objet une demande tendant à ce qu’une ordonnance portant sur des mesures provisoires soit rapportée ou modifiée, au titre de l’article 163 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 10 mars 2023,

    République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann et M. P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par :

    Royaume de Belgique, représenté par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

    Royaume de Danemark, représenté par Mmes V. Pasternak Jørgensen et M. Søndahl Wolff, en qualité d’agents,

    Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

    République de Finlande, représentée par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

    Royaume de Suède, représenté initialement par Mme H. Eklinder, M. J. Lundberg, Mmes C. Meyer-Seitz, M. Salborn Hodgson, R. Shahsavan Eriksson, H. Shev et M. O. Simonsson, puis par Mmes H. Eklinder, C. Meyer-Seitz, M. Salborn Hodgson, R. Shahsavan Eriksson, H. Shev et M. O. Simonsson, en qualité d’agents,

    parties intervenantes,

    LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

    l’avocat général, M. A. M. Collins, entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1

    Par sa demande, la République de Pologne demande à la Cour de rapporter ou, à titre subsidiaire, de modifier l’ordonnance du vice‑président de la Cour du 27 octobre 2021, Commission/Pologne (C‑204/21 R, ci-après l’« ordonnance du 27 octobre 2021 », EU:C:2021:878).

    La procédure devant la Cour

    2

    Le 1er avril 2021, la Commission européenne a introduit un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, tendant à faire constater que :

    en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 42a, paragraphes 1 et 2, et l’article 55, paragraphe 4, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001 (Dz. U. de 2001, no 98, position 1070), telle que modifiée par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 20 décembre 2019 (Dz. U. de 2020, position 190, ci-après la « loi modificative ») (ci-après la « loi modifiée relative aux juridictions de droit commun »), l’article 26, paragraphe 3, et l’article 29, paragraphes 2 et 3, de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), telle que modifiée par la loi modificative (ci‑après la « loi modifiée sur la Cour suprême »), l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów administracyjnych (loi relative à l’organisation des juridictions administratives), du 25 juillet 2002 (Dz. U. de 2002, position 1269), telle que modifiée par la loi modificative (ci-après la « loi modifiée relative aux juridictions administratives »), ainsi que l’article 8 de la loi modificative, interdisant à toute juridiction nationale de vérifier le respect des exigences de l’Union européenne relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union ;

    en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, et l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême, ainsi que l’article 10 de la loi modificative, établissant la compétence exclusive de l’Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) (ci-après la « chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ») pour examiner les griefs et les questions de droit concernant l’absence d’indépendance d’une juridiction ou d’un juge, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union ;

    en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, permettant de qualifier d’« infraction disciplinaire » l’examen du respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE ;

    en habilitant l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci-après la « chambre disciplinaire »), dont l’indépendance et l’impartialité ne sont pas garanties, à statuer sur des affaires ayant une incidence directe sur le statut et l’exercice des fonctions de juge et de juge auxiliaire, telles que, d’une part, les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges et les juges auxiliaires ou de les arrêter ainsi que, d’autre part, les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ;

    en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 88a de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, l’article 45, paragraphe 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême et l’article 8, paragraphe 2, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives, la République de Pologne a enfreint le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel garantis par l’article 7 et l’article 8, paragraphe 1, de la Charte ainsi que par l’article 6, paragraphe 1, sous c) et e), l’article 6, paragraphe 3, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1).

    3

    Le même jour, la Commission a introduit une demande en référé tendant à ce que la Cour impose à la République de Pologne, dans l’attente de l’arrêt statuant sur le fond, une série d’obligations.

    4

    Par l’ordonnance du 14 juillet 2021, Commission/Pologne (C‑204/21 R, ci-après l’« ordonnance du 14 juillet 2021 », EU:C:2021:593), la vice‑présidente de la Cour a, au point 1 du dispositif de cette ordonnance, ordonné à la République de Pologne, jusqu’au prononcé de l’arrêt qui mettra fin à l’instance dans l’affaire C‑204/21 :

    a)

    de suspendre, d’une part, l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, en vertu desquelles la chambre disciplinaire est compétente pour statuer, tant en première instance qu’en deuxième instance, sur les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre des juges ou des juges auxiliaires, de les placer en détention provisoire, de les arrêter ou de les faire comparaître, ainsi que, d’autre part, les effets des décisions déjà adoptées par la chambre disciplinaire sur le fondement de cet article et autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge ou son arrestation, et de s’abstenir de renvoyer les affaires visées audit article devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982) ;

    b)

    de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, sur la base desquelles la chambre disciplinaire est compétente pour statuer sur les affaires relatives au statut et à l’exercice des fonctions de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême), notamment sur les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales ainsi que sur les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, et de s’abstenir de renvoyer ces affaires devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982) ;

    c)

    de suspendre l’application des dispositions de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, ainsi que de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, permettant d’engager la responsabilité disciplinaire des juges pour avoir examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte ;

    d)

    de suspendre l’application des dispositions de l’article 42a, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 55, paragraphe 4, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, de l’article 26, paragraphe 3, ainsi que de l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, de l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives et de l’article 8 de la loi modificative dans la mesure où elles interdisent aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte ;

    e)

    de suspendre l’application des dispositions de l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, ainsi que de l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême et de l’article 10 de la loi modificative, établissant la compétence exclusive de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, et

    f)

    de communiquer à la Commission, au plus tard un mois après la notification de l’ordonnance du 14 juillet 2021, toutes les mesures adoptées afin de se conformer pleinement à cette ordonnance.

    5

    Par l’ordonnance du 6 octobre 2021, Pologne/Commission (C‑204/21 R, EU:C:2021:834), la vice-présidente de la Cour a rejeté une demande de la République de Pologne tendant à ce que l’ordonnance du 14 juillet 2021 soit rapportée.

    6

    Par l’ordonnance du 27 octobre 2021, le vice-président de la Cour a condamné la République de Pologne à payer à la Commission une astreinte de 1000000 d’euros par jour, à compter de la date de notification de cette ordonnance à cet État membre et jusqu’à ce que celui-ci se conforme aux obligations découlant de l’ordonnance du 14 juillet 2021 ou, à défaut, jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt qui mettra fin à l’instance dans l’affaire C‑204/21.

    7

    Le 10 mars 2023, la République de Pologne a introduit la présente demande.

    Les conclusions des parties

    8

    La République de Pologne demande à la Cour :

    de rapporter l’ordonnance du 27 octobre 2021, ou

    à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’astreinte imposée par cette ordonnance.

    9

    La Commission demande à la Cour :

    de rejeter la demande de rapporter l’ordonnance du 27 octobre 2021 et

    de tenir compte, dans l’examen de la demande tendant à réduire le montant de l’astreinte imposée par cette ordonnance, des mesures adoptées par la République de Pologne en vue de mettre en œuvre l’ordonnance du 14 juillet 2021.

    Sur la demande tendant à ce que l’ordonnance du 27 octobre 2021 soit rapportée ou, à titre subsidiaire, modifiée

    10

    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 162, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, une ordonnance portant sur des mesures provisoires n’est pas susceptible de recours.

    11

    En revanche, conformément à l’article 163 de ce règlement, à la demande d’une partie, une ordonnance de référé peut à tout moment être modifiée ou rapportée par suite d’un changement de circonstances. La notion de « changement de circonstances » vise notamment la survenance de tout élément d’ordre factuel ou juridique de nature à remettre en cause les appréciations du juge des référés quant aux conditions auxquelles l’octroi du sursis ou de la mesure provisoire est subordonné (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 20 septembre 2021, République tchèque/Pologne, C‑121/21 R, EU:C:2021:752, point 22).

    12

    Il importe encore de souligner qu’une demande présentée au titre de cette disposition vise à obtenir du juge des référés non pas l’annulation rétroactive d’une ordonnance ayant accordé une mesure provisoire, mais seulement sa modification ou son abrogation, le juge des référés pouvant reconsidérer, pour l’avenir uniquement, une telle ordonnance, y compris, le cas échéant, en appréciant à nouveau, au regard des circonstances existant à la date de sa décision, des moyens de fait et de droit ayant justifié à première vue l’octroi de la mesure provisoire en cause [ordonnance du vice-président de la Cour du 19 mai 2022, République tchèque/Pologne (Mine de Turów), C‑121/21 R, non publiée, EU:C:2022:408, point 22 et jurisprudence citée].

    13

    Il s’ensuit qu’une demande introduite au titre de l’article 163 du règlement de procédure ne saurait avoir pour objet de remettre en cause les effets passés d’une ordonnance ayant accordé une mesure provisoire [ordonnance du vice-président de la Cour du 19 mai 2022, République tchèque/Pologne (Mine de Turów), C‑121/21 R, non publiée, EU:C:2022:408, point 23].

    14

    En l’espèce, la demande présentée par la République de Pologne visant uniquement l’ordonnance du 27 octobre 2021, elle doit être comprise comme tendant à ce que l’astreinte prononcée à titre accessoire aux mesures provisoires prescrites par l’ordonnance du 14 juillet 2021 soit rapportée ou modifiée.

    15

    En vue de se prononcer sur cette demande, il y a lieu de rappeler que l’article 279 TFUE confère à la Cour la compétence pour prescrire toute mesure provisoire qu’elle juge nécessaire afin de garantir la pleine efficacité de la décision définitive (ordonnance du 20 novembre 2017, Commission/Pologne, C‑441/17 R, EU:C:2017:877, point 97, et ordonnance du 27 octobre 2021, point 19).

    16

    En particulier, le juge des référés doit être en mesure d’assurer l’efficacité d’une injonction adressée à une partie au titre de l’article 279 TFUE, en adoptant toute mesure visant à faire respecter par cette partie l’ordonnance de référé. Une telle mesure peut notamment consister à prévoir l’imposition d’une astreinte pour le cas où ladite injonction ne serait pas respectée par la partie concernée (ordonnance du 20 novembre 2017, Commission/Pologne, C‑441/17 R, EU:C:2017:877, point 100, et ordonnance du 27 octobre 2021, point 20).

    17

    Dans ce contexte, il résulte de l’ordonnance du 27 octobre 2021 que, dans la mesure où il ne ressortait pas du dossier que les mesures adoptées par la République de Pologne étaient suffisantes pour assurer l’exécution des mesures provisoires prescrites par l’ordonnance du 14 juillet 2021, le juge des référés a considéré qu’il était nécessaire de renforcer l’efficacité de ces mesures provisoires en prévoyant l’imposition d’une astreinte à cet État membre, aux fins de dissuader celui-ci de retarder la mise en conformité de son comportement avec cette dernière ordonnance.

    18

    Dès lors, afin de statuer sur la présente demande, il incombe au juge des référés de déterminer si les arguments avancés par la République de Pologne permettent d’établir un changement de circonstances impliquant que, à la date où ce juge statue, l’astreinte imposée à cet État membre par l’ordonnance du 27 octobre 2021 n’est plus, en tout ou en partie, justifiée.

    19

    Plus précisément, étant donné que l’argumentation présentée par la République de Pologne au soutien de cette demande vise à établir que cet État membre a pleinement mis en œuvre les mesures provisoires prescrites par l’ordonnance du 14 juillet 2021, il appartient au juge des référés de déterminer si tel est effectivement le cas, de sorte que, dans cette hypothèse, l’imposition d’une astreinte de 1000000 d’euros par jour ne serait plus justifiée pour l’avenir.

    20

    Il convient encore de préciser, dans la mesure où la présente demande tend, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’astreinte imposée par l’ordonnance du 27 octobre 2021, que le juge des référés peut, en application de l’article 163 du règlement de procédure non seulement rapporter, mais également modifier une ordonnance portant sur des mesures provisoires. Une telle modification peut notamment consister à réduire le montant d’une astreinte précédemment imposée à un État membre lorsqu’un changement de circonstances justifie une telle réduction.

    21

    Au vu de ce qui précède, il convient d’examiner les modalités de mise en œuvre des différentes mesures provisoires prescrites par l’ordonnance du 14 juillet 2021, afin de déterminer si la République de Pologne a démontré que, à la suite d’un changement de circonstances, cette mise en œuvre justifie que l’astreinte imposée par l’ordonnance du 27 octobre 2021 soit rapportée ou, à défaut, réduite pour l’avenir.

    Sur l’obligation de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême

    Argumentation

    22

    La République de Pologne fait valoir que l’ustawa o zmianie ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 9 juin 2022 (Dz. U. position 1259, ci-après la « loi du 9 juin 2022 »), a supprimé la chambre disciplinaire et a abrogé dans son intégralité l’article 27 de la loi modifiée sur la Cour suprême.

    23

    L’obligation de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de cette loi serait donc devenue sans objet.

    24

    La Commission estime également que la loi du 9 juin 2022 a correctement mise en œuvre cette obligation.

    Appréciation

    25

    Il résulte du point 1, sous a) et b), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne, notamment, de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, en vertu desquelles la chambre disciplinaire est compétente pour statuer, tant en première instance qu’en deuxième instance, sur les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre des juges ou des juges auxiliaires, de les placer en détention provisoire, de les arrêter ou de les faire comparaître ainsi que sur les affaires relatives au statut et à l’exercice des fonctions de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême).

    26

    Or, il ressort de l’article 1er de la loi du 9 juin 2022 que l’article 27 de la loi modifiée sur la Cour suprême a été abrogé dans son intégralité. En outre, il est constant que la chambre disciplinaire a été supprimée par cette loi.

    27

    Si l’adoption de telles mesures n’était pas indispensable pour assurer l’exécution de l’ordonnance du 14 juillet 2021 (voir, en ce sens, ordonnance du 27 octobre 2021, point 53), il n’en demeure pas moins que celles-ci garantissent que l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême n’est plus applicable dans l’ordre juridique polonais.

    28

    Partant, la République de Pologne s’est entièrement conformée aux mesures provisoires visées au point 25 de la présente ordonnance.

    Sur l’obligation de suspendre les effets des décisions adoptées par la chambre disciplinaire autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge ou son arrestation

    Argumentation

    29

    La République de Pologne fait valoir, d’une part, que l’article 9 de la loi du 9 juin 2022 prévoit que, dans les affaires qui relevaient de la compétence de la chambre disciplinaire avant l’entrée en vigueur de cette loi, l’Izba Odpowiedzialności Zawodowej (chambre de responsabilité professionnelle) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci‑après la « chambre de responsabilité professionnelle ») réexamine d’office, lors de la première audience dédiée à une affaire donnée, la suspension des fonctions du juge concerné prononcée par la chambre disciplinaire. Cette procédure permettrait de vérifier, dans les plus brefs délais, le caractère approprié des mesures provisoires adoptées par cette dernière chambre.

    30

    D’autre part, l’article 18, paragraphe 1, de la loi du 9 juin 2022 autoriserait le juge contre lequel une décision disciplinaire définitive a été prononcée ou une résolution définitive autorisant l’ouverture d’une procédure pénale a été adoptée, par une formation du Sąd Najwyższy (Cour suprême) comprenant au moins un membre de la chambre disciplinaire, à demander la réouverture de la procédure devant la chambre de responsabilité professionnelle.

    31

    La loi du 9 juin 2022 instaurerait ainsi un cadre juridique permettant aux juges visés par des décisions de la chambre disciplinaire de remettre en cause ces décisions. Plusieurs juges auraient d’ailleurs obtenu dans ce cadre la remise en cause de telles décisions. Enfin, des affaires se rapportant à des décisions de cette nature seraient encore pendantes.

    32

    La Commission soutient que les voies de droit ainsi instituées par la République de Pologne n’ont pas pour effet de suspendre immédiatement les effets des décisions de la chambre disciplinaire. En outre, les exemples cités par la République de Pologne ne seraient pas significatifs.

    Appréciation

    33

    Il résulte du point 1, sous a), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne, notamment, de suspendre les effets des décisions adoptées par la chambre disciplinaire sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

    34

    La République de Pologne soutient, en substance, avoir mis en œuvre de manière complète cette mesure provisoire en instaurant deux voies de droit distinctes, prévues respectivement à l’article 9 et à l’article 18, paragraphe 1, de la loi du 9 juin 2022.

    35

    S’agissant, en premier lieu, de l’article 9 de la loi du 9 juin 2022, il ressort des termes mêmes de cet article que les décisions de la chambre disciplinaire ordonnant la suspension d’un juge, dans l’attente de l’issue d’une affaire qui était encore pendante lors de l’entrée en vigueur de cette loi, devront nécessairement être réexaminées par la chambre de responsabilité professionnelle.

    36

    Un tel réexamen est certes, en principe, de nature à éviter qu’une décision de cet ordre adoptée par la chambre disciplinaire continue, de plein droit, à produire ses effets, puisque la persistance de ceux-ci est subordonnée à l’approbation de cette décision par une autre instance.

    37

    Cela étant, d’une part, il résulte tant des termes de l’article 9 de la loi du 9 juin 2022 que de l’interprétation qu’en donne la République de Pologne que cet article n’est pas applicable à l’ensemble des décisions adoptées par la chambre disciplinaire. En particulier, ledit article ne permet pas de limiter les effets des décisions imposant une sanction disciplinaire à un juge ou autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre celui-ci, alors même que de telles décisions sont couvertes par la mesure provisoire visée au point 33 de la présente ordonnance et qu’elles sont, de surcroît, susceptibles d’avoir des conséquences notables sur la vie et la carrière des juges concernés.

    38

    D’autre part, il est vrai que l’article 9 de la loi du 9 juin 2022 prévoit le réexamen d’une décision de la chambre disciplinaire ordonnant la suspension d’un juge lors de la première audience relative à la situation de ce juge tenue devant la chambre de responsabilité professionnelle. Toutefois, il ne ressort ni des dispositions de cette loi ni de l’argumentation de la République de Pologne que les effets d’une telle décision seraient suspendus dans l’attente de cette première audience, laquelle ne paraît d’ailleurs pas devoir se tenir dans un délai prédéterminé.

    39

    En ce qui concerne, en second lieu, l’article 18, paragraphe 1, de la loi du 9 juin 2022, il résulte des termes de cette disposition que celle-ci offre au juge visé par certaines décisions adoptées par la chambre disciplinaire devenues définitives la possibilité de demander, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, la réouverture de la procédure le concernant.

    40

    Si l’institution d’une telle voie de recours est, pour autant que celle-ci soit effective, de nature à renforcer la protection juridictionnelle dont peuvent bénéficier les juges visés par des procédures menées devant la chambre disciplinaire, il n’en demeure pas moins qu’elle n’implique en aucune manière la suspension des effets d’une décision adoptée par la chambre disciplinaire dans l’hypothèse où le juge concerné n’a pas introduit une demande de réexamen de cette décision dans les conditions définies par la loi du 9 juin 2022.

    41

    En outre, même lorsqu’une telle demande de réexamen est introduite, il ne ressort pas de l’article 18, paragraphe 1, de cette loi que les effets de la décision de la chambre disciplinaire visée par cette demande seraient suspendus dans l’attente de l’examen de ladite demande.

    42

    Il apparaît, dès lors, que les voies de droit dont se prévaut la République de Pologne ne sont pas susceptibles de garantir, en toute hypothèse et de manière immédiate, la suspension des effets des décisions adoptées par la chambre disciplinaire sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

    43

    Dans ces conditions, la circonstance que certaines de ces décisions aient effectivement été remises en cause ou pourraient l’être prochainement, à la supposer établie, n’est, en tout état de cause, pas susceptible d’établir que la mesure provisoire visée au point 33 de la présente ordonnance a été mise en œuvre de manière complète.

    44

    Partant, la République de Pologne ne s’est conformée que partiellement à cette mesure provisoire.

    Sur l’obligation de suspendre l’application des dispositions polonaises interdisant aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi

    Argumentation

    45

    La République de Pologne avance que le droit polonais permet de garantir la sauvegarde du droit à un tribunal indépendant et impartial établi par la loi à différents stades des affaires et dans différentes procédures. Cet État membre estime ainsi avoir mis en œuvre, en se fondant sur sa pratique judiciaire, les mesures provisoires imposées par l’ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne (C‑791/19 R, EU:C:2020:277).

    46

    Par ailleurs, la loi du 9 juin 2022 aurait introduit dans l’ordre juridique polonais une nouvelle voie de droit qui permet de vérifier le respect, par un juge, des exigences d’indépendance et d’impartialité, compte tenu des circonstances entourant sa nomination ainsi que de son comportement, lorsque des doutes sont soulevés à cet égard par une partie. L’application de ce mécanisme pourrait également conduire à la récusation d’un juge dans des cas où celle-ci n’est pas demandée.

    47

    La Commission fait valoir que la voie de droit dont se prévaut la République de Pologne est mise en œuvre à la demande d’une partie à la procédure en cause et qu’elle était soumise, à l’origine, à une série de conditions restrictives. En revanche, cette voie de droit ne permettrait pas l’examen d’office du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi. Cette institution fait d’ailleurs état d’une affaire dans laquelle une procédure disciplinaire aurait été engagée en raison de la violation de l’article 42a, paragraphes 1 et 2, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun.

    Appréciation

    48

    Il résulte du point 1, sous d), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne de suspendre l’application des dispositions de l’article 42a, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 55, paragraphe 4, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, de l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, de l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives et de l’article 8 de la loi modificative, dans la mesure où ces dispositions interdisent aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi découlant de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte.

    49

    À cet égard, en premier lieu, pour autant qu’il faille comprendre l’argumentation de la République de Pologne comme tendant à établir que la mesure provisoire visée au point précédent a été mise en œuvre à travers la pratique de ses juridictions, il suffit de relever que cette argumentation ne comporte aucune précision quant à la teneur de cette pratique et qu’elle n’est, de surcroît, accompagnée d’aucun élément de preuve destiné à établir la réalité de ladite pratique.

    50

    En second lieu, la loi du 9 juin 2022 a certes institué une nouvelle voie de droit permettant la vérification du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, cette voie de droit étant régie, notamment, par l’article 42a, paragraphe 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, par l’article 29, paragraphe 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême et par l’article 5, paragraphe 1, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives.

    51

    Néanmoins, d’une part, il n’est pas contesté que les dispositions polonaises visées au point 48 de la présente ordonnance n’ont pas été abrogées et que leur application n’a pas été formellement suspendue, de telle sorte que les restrictions qu’elles introduisent quant à la possibilité de vérifier le respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi demeurent, en principe, pleinement applicables dans l’ordre juridique polonais.

    52

    D’autre part, il ressort tant du libellé des dispositions régissant la nouvelle voie de droit instituée par le législateur polonais dont se prévaut la République de Pologne que de l’argumentation de cet État membre que cette voie de droit ne peut être engagée qu’à la demande d’une partie à la procédure concernée.

    53

    Il s’ensuit que ladite voie de droit doit être comprise comme n’introduisant une dérogation aux restrictions découlant des dispositions polonaises visées au point 48 de la présente ordonnance que dans le seul cas où une telle demande a été présentée. Il n’est donc pas établi que ces restrictions seraient écartées dans les autres cas, en particulier dans celui où un juge procède d’office à une vérification du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi.

    54

    Partant, et sans qu’il soit besoin de déterminer si le droit de l’Union implique nécessairement qu’un juge doit pouvoir procéder d’office à une telle vérification, il apparaît que l’adoption de loi du 9 juin 2022 n’est pas de nature à assurer, en toute hypothèse, la suspension de l’intégralité des effets des dispositions polonaises visées au point 48 de la présente ordonnance.

    55

    Dans ces conditions, il convient de considérer que, si l’adoption de la loi du 9 juin 2022 est susceptible de limiter les effets desdites dispositions, elle ne suffit pas à assurer, de manière complète, la mise en œuvre de la mesure provisoire visée au point 48 de la présente ordonnance.

    56

    En conséquence, la République de Pologne ne s’est conformée que partiellement à cette mesure provisoire.

    Sur l’obligation de suspendre l’application des dispositions polonaises permettant d’engager la responsabilité disciplinaire des juges pour avoir examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi

    Argumentation

    57

    La République de Pologne soutient que les dispositions polonaises applicables n’ont jamais permis d’engager la responsabilité disciplinaire des juges au motif qu’ils auraient garanti aux justiciables le droit à un tribunal établi par la loi et que les juridictions disciplinaires ont toujours interprété de cette manière ces dispositions.

    58

    En outre, la loi du 9 juin 2022 aurait précisé les définitions des infractions disciplinaires pouvant être imputées à des juges. Ainsi, d’une part, il résulterait de cette loi que le contenu d’une décision judiciaire ne saurait constituer une infraction disciplinaire, y compris lorsque ce contenu se rapporte au droit à un tribunal établi par la loi. D’autre part, ladite loi aurait confirmé que l’examen du respect des exigences d’indépendance et d’impartialité, dans le cas visé par une série de dispositions qu’elle énumère, ne constitue pas une infraction disciplinaire.

    59

    Selon la Commission, les dispositions dont se prévaut la République de Pologne exclurait l’engagement de poursuites disciplinaires contre des juges qui rendent des décisions entachées d’une interprétation erronée des exigences de l’article 19, paragraphe 1, TUE ou qui examine, à la demande d’une partie, le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un juge.

    60

    En revanche, ces dispositions n’exclurait pas que l’examen d’office du respect, par un membre d’une formation de jugement, de ces exigences puisse être qualifié d’infraction disciplinaire. D’ailleurs, la Commission aurait été informée de l’ouverture d’une procédure disciplinaire et de mesures d’investigation menées dans deux affaires relevant de cette hypothèse.

    Appréciation

    61

    Il résulte du point 1, sous c), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne de suspendre l’application des dispositions de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi que de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême permettant d’engager la responsabilité disciplinaire des juges pour avoir examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi découlant de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte.

    62

    À cet égard, en premier lieu, il importe de relever que l’argument tiré du fait que les dispositions polonaises applicables n’ont jamais permis d’engager la responsabilité disciplinaire des juges au motif qu’ils auraient garanti aux justiciables le droit à un tribunal établi par la loi constitue une répétition d’un argument avancé par la République de Pologne dans ses observations écrites sur la demande en référé introduite par la Commission le 1er avril 2021. Un tel argument ne saurait, par conséquent, établir l’existence d’un « changement de circonstances », au sens de l’article 163 du règlement de procédure, et doit, par suite, être rejeté (voir, par analogie, ordonnance de la vice‑présidente de la Cour du 20 septembre 2021, République tchèque/Pologne, C‑121/21 R, EU:C:2021:752, point 24).

    63

    En second lieu, ainsi que le souligne la République de Pologne, la loi du 9 juin 2022 a complété l’article 107 de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72 de la loi modifiée sur la Cour suprême.

    64

    Ainsi complétés, ces articles prévoient désormais, en particulier, que ne constitue une infraction disciplinaire ni la commission d’une erreur dans l’interprétation et l’application des dispositions du droit de l’Union ni la vérification du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi dans les cas visés à l’article 42a, paragraphe 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, à l’article 29, paragraphe 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême et à l’article 5, paragraphe 1, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives.

    65

    Cependant, tout d’abord, il n’est pas contesté que les dispositions polonaises visées au point 61 de la présente ordonnance n’ont pas été abrogées et que leur application n’a pas été formellement suspendue, de telle sorte que ces dispositions permettent toujours, en principe, d’engager la responsabilité disciplinaire des juges ayant examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi découlant de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte.

    66

    Il importe ensuite de relever que la précision introduite par la loi du 9 juin 2022, selon laquelle la commission d’une erreur dans l’interprétation et l’application des dispositions du droit de l’Union ne constitue pas une infraction disciplinaire, n’exclut aucunement, prima facie, qu’une telle qualification puisse être retenue lorsque l’interprétation et l’application, correcte ou erronée, de telles dispositions conduisent à remettre en cause certaines règles applicables dans l’ordre juridique polonais.

    67

    En particulier, dès lors que l’article 107, paragraphe 1, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72, paragraphe 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême prévoient toujours qu’un juge répond, sur le plan disciplinaire, des manquements professionnels, y compris en cas d’actes de nature à empêcher ou à compromettre sérieusement le fonctionnement d’une autorité judiciaire ou d’actes mettant en cause l’existence de la relation de travail d’un juge, l’effectivité de la nomination d’un juge ou la légitimité d’un organe constitutionnel de la République de Pologne, il ne saurait être considéré que l’exclusion de l’engagement de poursuites disciplinaires en raison de la commission d’une erreur dans l’interprétation et l’application des dispositions de droit de l’Union fait nécessairement obstacle à l’engagement de telles poursuites dans l’hypothèse où un juge aurait estimé, à tort ou à raison, que le droit de l’Union lui imposait d’adopter un acte ayant de tels effets.

    68

    Enfin, il découle tant des termes de la loi du 9 juin 2022 que de l’interprétation qu’en a donnée la République de Pologne que la précision, introduite par cette loi, selon laquelle la vérification du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi ne constitue pas une infraction disciplinaire ne s’applique que lorsque cette vérification est opérée dans les cas visés à l’article 42a, paragraphe 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, à l’article 29, paragraphe 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême et à l’article 5, paragraphe 1, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives.

    69

    Or, il ressort des points 52 et 53 de la présente ordonnance que ces dispositions ne permettent de procéder à une telle vérification qu’à la demande d’une partie à la procédure concernée. Il en découle qu’il n’est pas établi que les modifications introduites par la loi du 9 juin 2022 permettent d’exclure, en toute hypothèse, que des poursuites disciplinaires puissent être engagées contre un juge du seul fait que celui-ci a procédé à cette vérification.

    70

    Dans ces conditions, si ces modifications permettent effectivement d’assurer le respect de la mesure provisoire visée au point 61 de la présente ordonnance dans le cas où la vérification du respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi découlant du droit de l’Union se déroule dans le cadre de la nouvelle voie de droit instituée par les dispositions visées au point 68 de cette ordonnance, lesdites modifications ne sont pas de nature à garantir une mise en œuvre complète de cette mesure provisoire.

    71

    Il s’ensuit que la République de Pologne ne s’est conformée que partiellement à ladite mesure provisoire.

    Sur l’obligation de suspendre l’application des dispositions polonaises établissant la compétence exclusive de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction

    Argumentation

    72

    La République de Pologne fait valoir, d’une part, que la présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême), qui préside également la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, a adopté, le 29 juillet 2021, une ordonnance constatant qu’aucune affaire dans laquelle était soulevé un moyen tiré de l’illégalité de la nomination d’un juge n’était pendante devant cette chambre et ordonnant la suspension de l’enregistrement des affaires relatives à la récusation d’un juge ou à la détermination de la juridiction compétente, portant sur le défaut d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction (ci-après l’« ordonnance du 29 juillet 2021 »).

    73

    D’autre part, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2022, le vice-président de la section I de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques aurait renvoyé toutes les demandes de récusation transmises au titre de l’article 26, paragraphe 2, de la loi modifiée sur la Cour suprême. En effet, il aurait estimé qu’il convenait d’appliquer prioritairement la nouvelle voie de droit instituée par cette loi et de laisser ainsi les juridictions de droit commun examiner les griefs relatifs au défaut d’indépendance d’un juge.

    74

    Il découlerait de ces éléments que les juridictions polonaises n’appliqueraient plus, en pratique, les dispositions visées au point 1, sous e), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021.

    75

    La Commission ne conteste pas la matérialité des éléments avancés par la République de Pologne et précise qu’elle n’a pas été informée de l’application, après l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2022, des dispositions conférant à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques une compétence exclusive pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction.

    76

    En revanche, il ressortirait du site Internet du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et du registre électronique de cette juridiction que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques est toujours saisie de certaines affaires se rapportant à de tels griefs qui lui ont été transmises, avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2022, en application de l’article 26, paragraphe 2, de la loi modifiée sur la Cour suprême. Il ne saurait donc être exclu que cette chambre puisse continuer à exercer sa compétence exclusive en la matière.

    Appréciation

    77

    Il résulte du point 1, sous e), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne de suspendre l’application des dispositions de l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, ainsi que de l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême et de l’article 10 de la loi modificative, qui établissent la compétence exclusive de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction.

    78

    Il est constant que les dispositions mentionnées au point précédent n’ont pas été abrogées et que leur application n’a pas été formellement suspendue, de telle sorte que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques reste, en principe, exclusivement compétente pour statuer sur les affaires visées par ces dispositions.

    79

    Il y a lieu, dès lors, d’examiner si les ordonnances adoptées par des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) dont se prévaut la République de Pologne sont susceptibles, en pratique, de priver d’effet lesdites dispositions.

    80

    À cet égard, en premier lieu, il a été constaté au point 51 de l’ordonnance du 27 octobre 2021 que les mesures adoptées par la présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême), parmi lesquelles figure l’ordonnance du 29 juillet 2021, ne permettaient pas d’établir que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne peut plus examiner les affaires pendantes dont elle est saisie, ni que les affaires relevant de la compétence de cette chambre ne doivent plus lui être renvoyées par les juridictions de droit commun.

    81

    Il s’ensuit que l’ordonnance du 29 juillet 2021 ne saurait être regardée comme constituant un « changement de circonstances », au sens de l’article 163 du règlement de procédure, permettant d’établir que la mesure provisoire visée au point 77 de la présente ordonnance a été mise en œuvre de manière complète par la République de Pologne.

    82

    De surcroît, les exemples, mentionnés par la Commission, d’affaires qui ont été transmises à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2022 et qui sont encore pendantes devant cette chambre confirment que l’ordonnance du 29 juillet 2021 n’a pas, en pratique, entièrement écarté l’application des règles visées par cette mesure provisoire.

    83

    En second lieu, une ordonnance du vice-président de la section I de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques produite par la République de Pologne paraît effectivement attester de l’existence d’une pratique consistant à renvoyer aux juridictions de droit commun les affaires transmises à cette chambre au titre des dispositions mentionnées au point 77 de la présente ordonnance, pratique dont la matérialité n’est pas contestée par la Commission.

    84

    Cela étant, cette ordonnance du vice-président de la section I de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne prévoit de renvoyer aux juridictions de droit commun que les affaires qui relèvent de la nouvelle voie de droit instituée par la loi du 9 juin 2022, évoquée au point 50 de la présente ordonnance. Partant, il n’est pas établi que l’application des dispositions mentionnées au point 77 de la présente ordonnance serait également écartée dans des affaires qui ne relèvent pas de cette nouvelle voie de droit, mais dans lesquelles des griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction ont été présentés.

    85

    Il s’ensuit que, si les mesures dont se prévaut la République de Pologne sont de nature à limiter de manière significative l’application des règles conférant à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques une compétence exclusive, il ne ressort pas du dossier que l’application de ces règles est, en pratique, intégralement suspendue.

    86

    Partant, la République de Pologne ne s’est conformée que partiellement à la mesure provisoire visée au point 77 de la présente ordonnance.

    Sur l’obligation de s’abstenir de renvoyer les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance

    Argumentation

    87

    La République de Pologne soutient que les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême ont été attribuées, par la loi du 9 juin 2022, à deux formations distinctes du Sąd Najwyższy (Cour suprême), à savoir la chambre de responsabilité professionnelle et la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

    88

    Or, tout d’abord, aucun arrêt de la Cour n’établirait que ces chambres ne répondent pas aux garanties visées dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982). Les membres desdites chambres bénéficieraient, ensuite, des mêmes garanties d’indépendance que les autres juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême). Par ailleurs, les facteurs dont la corrélation aurait conduit la Cour à faire droit au recours en manquement de la Commission relatif à la chambre disciplinaire dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C‑791/19, EU:C:2021:596), ne feraient pas partie des caractéristiques de la chambre de responsabilité professionnelle ou de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques. Enfin, la seule circonstance qu’un juge ait été nommé par un chef d’État sur proposition d’un organe composé, de manière prépondérante, de membres représentant les pouvoirs législatif ou exécutif ne saurait suffire à établir une violation de l’article 19, paragraphe 1, TUE.

    89

    La Commission estime que la chambre de responsabilité professionnelle ainsi que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne répondent pas aux garanties visées dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982).

    90

    Elle relève, à cet égard, que quatorze des dix-sept membres de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ainsi que quatre des onze membres de la chambre de responsabilité professionnelle ont été nommés membres du Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans des conditions considérées par la Cour européenne des droits de l’homme comme entraînant une violation du droit à un tribunal préalablement établi par la loi.

    91

    La Commission estime que la combinaison du fait que ces juges ont été nommés sur proposition d’un organe n’offrant plus des garanties suffisantes d’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif ou exécutif et du fait que ces nominations sont intervenues en dépit de la suspension, par une juridiction administrative, de la proposition adoptée par cet organe conduit à douter sérieusement que les deux chambres en cause satisfassent aux exigences d’indépendance découlant de l’article 19, paragraphe 1, TUE.

    Appréciation

    92

    Il résulte du point 1, sous a) et b), du dispositif de l’ordonnance du 14 juillet 2021 que celle-ci a fait obligation à la République de Pologne, notamment, de s’abstenir de renvoyer les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982).

    93

    Il est constant que, à la suite de l’abrogation de l’article 27 de la loi modifiée sur la Cour suprême et de la suppression de la chambre disciplinaire, le législateur polonais a attribué la compétence anciennement dévolue à cette chambre, pour partie, à la chambre de responsabilité professionnelle et, pour partie, à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

    94

    Si la République de Pologne a ainsi renvoyé les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême devant des instances autres que la chambre disciplinaire, la Commission estime toutefois que ce renvoi n’est pas de nature à assurer la mise en œuvre des mesures provisoires visées au point 92 de la présente ordonnance, au motif que la chambre de responsabilité professionnelle ainsi que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne satisfont pas, au regard des modalités de nomination de leurs membres, aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982).

    95

    À cet égard, il importe de relever que la position ainsi exprimée par la Commission ne procède pas directement d’un constat opéré par la Cour, au titre de l’article 258 TFUE, que la République de Pologne a manqué aux obligations résultant de l’article 19, paragraphe 1, TUE en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement de la chambre de responsabilité professionnelle ainsi que de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, la Cour n’ayant à ce jour, pas pris position sur ce point lors de l’examen d’un recours en manquement.

    96

    Cette position de la Commission ne peut pas non plus être appuyée sur un arrêt rendu par la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

    97

    Certes, au point 152 de l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798), la Cour a estimé qu’une série de circonstances entourant la nomination d’un juge au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques était de nature à pouvoir conduire à la conclusion que cette nomination était intervenue en méconnaissance manifeste des règles fondamentales de la procédure de nomination des juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) faisant partie intégrante de l’établissement et du fonctionnement du système judiciaire polonais et, partant, en violation de l’article 19, paragraphe 1, TUE.

    98

    Ce constat a cependant été opéré sous réserve des appréciations finales incombant à la juridiction de renvoi, laquelle est seule compétente, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Volkswagen, C‑134/20, EU:C:2022:571, point 36 et jurisprudence citée).

    99

    Dans ce contexte, le juge des référés ne pourrait donc accueillir l’argument de la Commission sans avoir préalablement apprécié la compatibilité avec l’article 19, paragraphe 1, TUE du processus de nomination des membres de la chambre de responsabilité professionnelle ainsi que de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

    100

    Cet argument se distingue ainsi de ceux qui ont été examinés aux points 22 à 86 de la présente ordonnance. En effet, l’appréciation de ces derniers arguments supposait uniquement de déterminer si les nouvelles mesures adoptées par la République de Pologne étaient de nature à entraîner la suspension des effets des dispositions polonaises critiquées par la Commission dans le cadre du recours en manquement qui constitue l’objet de l’affaire C‑204/21, sur la base de griefs qui ont été considérés dans l’ordonnance du 14 juillet 2021 comme n’étant pas dépourvus de fondement sérieux. À cette fin, il n’était pas nécessaire, pour le juge des référés, d’apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union de ces nouvelles mesures ou d’autres éléments de la réglementation polonaise.

    101

    Or, dans le cadre du système institué par les articles 258 et 260 TFUE, la Cour dispose d’une compétence exclusive, qui lui est confiée directement et expressément par le traité FUE, pour juger de la compatibilité des comportements des États membres avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2014, Commission/Portugal, C‑292/11 P, EU:C:2014:3, points 49 et 50).

    102

    Certes, le juge des référés est compétent pour porter, avant l’intervention d’un arrêt de la Cour statuant sur un recours en manquement, une appréciation préliminaire sur les griefs avancés à l’appui de ce recours, en vue de statuer sur la condition relative au fumus boni juris, sans préjudice de l’appréciation finale de ces griefs par la Cour.

    103

    Cette compétence ne saurait toutefois, sans porter atteinte à la compétence exclusive de la Cour découlant des articles 258 et 260 TFUE, permettre au juge des référés d’apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union d’une pratique ou d’une réglementation nationales qui ne fait pas l’objet de griefs avancés à l’appui d’un recours en manquement et qui n’a pas été examinée auparavant par la Cour (voir, par analogie, arrêt du 15 janvier 2014, Commission/Portugal, C‑292/11 P, EU:C:2014:3, point 51).

    104

    Une solution opposée serait d’ailleurs de nature à méconnaître les droits procéduraux de l’État membre concerné en le privant de la possibilité de préciser, lors de la phrase précontentieuse de la procédure en manquement, sa position quant aux arguments avancés par la Commission, phase qui lui donne l’occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre de ces arguments (voir, par analogie, arrêt du 15 janvier 2014, Commission/Portugal, C‑292/11 P, EU:C:2014:3, points 55 et 56).

    105

    Il convient encore de préciser qu’un examen, par le juge des référés, d’un argument tiré de l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une pratique ou d’une réglementation nationales qui ne fait pas l’objet de griefs avancés à l’appui d’un recours en manquement ne saurait être admis, même si cet examen se limite à déterminer si cet argument apparaît, à première vue, comme non dépourvu de fondement sérieux.

    106

    En effet, un tel standard de contrôle n’est justifié, lors de l’examen d’une demande en référé, qu’en raison du fait que l’argument en cause est destiné à faire l’objet d’une appréciation finale par le juge du fond, ce qui n’est pas le cas s’agissant d’un argument portant sur une telle pratique ou une telle réglementation nationales.

    107

    Partant, si, lors de la vérification par le juge des référés de la mise en œuvre de mesures provisoires, il existe un différend entre la Commission et l’État membre concerné quant à la compatibilité avec le droit de l’Union d’une pratique ou d’une réglementation nationales qui ne fait pas l’objet de griefs avancés à l’appui d’un recours en manquement et qui n’a pas été examinée auparavant par la Cour, il appartient à la Commission, si elle l’estime opportun, d’introduire un nouveau recours en manquement visant cette pratique ou cette réglementation nationales (voir, par analogie, arrêt du 15 janvier 2014, Commission/Portugal, C‑292/11 P, EU:C:2014:3, point 52).

    108

    Dans ces conditions, étant donné que la compatibilité avec le droit de l’Union du processus de nomination des membres de la chambre de responsabilité professionnelle ainsi que de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne fait pas l’objet des griefs énoncés dans la requête introduite dans l’affaire C‑204/21, qui sont rappelés au point 2 de la présente ordonnance, et que cette compatibilité n’a pas été examinée auparavant par la Cour, le juge des référés ne saurait accueillir l’argument de la Commission mentionné au point 94 de la présente ordonnance.

    109

    Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer, sans préjudice de la question de savoir si ce processus de nomination est compatible avec le droit de l’Union, que la République de Pologne s’est conformée aux mesures provisoires visées au point 92 de la présente ordonnance.

    110

    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de constater qu’il ne ressort pas du dossier que les mesures adoptées par la République de Pologne seraient suffisantes pour assurer l’exécution de l’ensemble des mesures provisoires énoncées dans l’ordonnance du 14 juillet 2021 et qu’il ne serait, en conséquence, plus nécessaire de renforcer l’efficacité de ces mesures provisoires par le prononcé d’une astreinte.

    111

    En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande tendant à ce que l’ordonnance du 27 octobre 2021 soit rapportée.

    112

    Néanmoins, il découle des points 25 à 109 de la présente ordonnance que les mesures mises en place par la République de Pologne postérieurement à la signature de l’ordonnance du 27 octobre 2021 sont de nature à assurer, dans une mesure notable, l’exécution des mesures provisoires énoncées dans l’ordonnance du 14 juillet 2021.

    113

    Partant, il y a lieu, eu égard aux circonstances de l’espèce et à la capacité de paiement de la République de Pologne, de réduire le montant de l’astreinte imposée par l’ordonnance du 27 octobre 2021 à 500000 euros par jour, à compter de la date de signature de la présente ordonnance.

     

    Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

     

    1)

    La demande tendant à ce que l’ordonnance du vice-président de la Cour du 27 octobre 2021, Commission/Pologne (C‑204/21 R, EU:C:2021:878), soit rapportée est rejetée.

     

    2)

    Le montant de l’astreinte que la République de Pologne a été condamnée à payer à la Commission européenne par l’ordonnance du vice-président de la Cour du 27 octobre 2021, Commission/Pologne (C‑204/21 R, EU:C:2021:878), est réduite à 500000 euros par jour, à compter de la date de signature de la présente ordonnance.

     

    3)

    Les dépens sont réservés.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le polonais.

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