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Document 62021CJ0229

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 16 juin 2022.
Port de Bruxelles SA et Région de Bruxelles-Capitale contre Infrabel SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la cour d'appel de Bruxelles.
Renvoi préjudiciel – Réseau transeuropéen de transport Règlement (UE) no 1315/2013 Article 15, paragraphe 1 Infrastructures de transport par voies navigables – Ports intérieurs Obligation d’un État membre de relier des ports intérieurs aux infrastructures de transport routier ou de transport ferroviaire Suppression de la liaison à l’un de ces deux types d’infrastructures de transport Conditions.
Affaire C-229/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:471

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 juin 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Réseau transeuropéen de transport – Règlement (UE) no 1315/2013 – Article 15, paragraphe 1 – Infrastructures de transport par voies navigables – Ports intérieurs – Obligation d’un État membre de relier des ports intérieurs aux infrastructures de transport routier ou de transport ferroviaire – Suppression de la liaison à l’un de ces deux types d’infrastructures de transport – Conditions »

Dans l’affaire C‑229/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), par décision du 23 mars 2021, parvenue à la Cour le 9 avril 2021, dans la procédure

Port de Bruxelles SA,

Région de Bruxelles-Capitale

contre

Infrabel SA,

en présence de :

FIF-FSI (Fonds d’Infrastructure Ferroviaire) SA,

État belge,

Région de Bruxelles-Capitale,

Port de Bruxelles SA,

Lineas SA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, M. Ilešič, D. Gratsias (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2022,

considérant les observations présentées :

pour Port de Bruxelles SA, par Mes B. De Beys et L. Depré, avocats,

pour la Région de Bruxelles-Capitale, par Mes B. Cambier et T. Cambier, avocats,

pour Infrabel SA, par Mes M. Baetens-Spetschinsky et P.-M. Louis, avocats,

pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens, P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Mes T. Eyskens, P. J. Geysens et A. Vandeburie, avocats,

pour la Commission européenne, par M. S. L. Kalėda, Mme C. Vrignon et M. G. Wilms, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE (JO 2013, L 348, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant, le premier, Port de Bruxelles SA à Infrabel SA, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire en Belgique, et, le second, la Région de Bruxelles–Capitale (Belgique) à Infrabel, au sujet d’une demande présentée par Port de Bruxelles SA tendant à ce qu’il soit fait injonction à Infrabel de maintenir en parfait état de fonctionnement l’unique voie d’accès ferroviaire du port de Bruxelles (Belgique) au réseau ferroviaire belge.

Le cadre juridique

3

Les considérants 7, 8 et 31 du règlement no 1315/2013 énoncent :

« (7)

Le réseau transeuropéen de transport se compose dans une large mesure d’infrastructures existantes. Afin de réaliser pleinement les objectifs de la nouvelle politique pour le réseau transeuropéen de transport, il convient que des exigences uniformes applicables aux infrastructures soient fixées dans un règlement que les infrastructures du réseau transeuropéen de transport doivent respecter.

(8)

Le réseau transeuropéen de transport devrait être développé à travers la création de nouvelles infrastructures de transport, à travers la réhabilitation et la modernisation des infrastructures existantes ainsi que par des mesures visant à promouvoir une utilisation économe en ressources de ces infrastructures. Dans des cas précis, l’absence d’entretien régulier par le passé rend nécessaire la réhabilitation des infrastructures ferroviaires. La réhabilitation constitue un processus qui permet d’atteindre les paramètres de construction initiaux des ouvrages de l’infrastructure ferroviaire existante, combiné avec l’amélioration à long terme de sa qualité par rapport à son état actuel, dans le respect des exigences et des dispositions du présent règlement.

[...]

(31)

Grâce à son envergure, le réseau transeuropéen de transport devrait servir de base au développement à grande échelle de nouvelles technologies et d’innovation qui, par exemple, pourront accroître l’efficacité globale du secteur de transport européen et diminuer son empreinte carbone. Ceci contribuera à atteindre les objectifs de diminution de 60 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 1990) fixés dans la stratégie Europe 2020 et dans le livre blanc [de la Commission européenne, du 1er juillet 2011, intitulé “Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources” (COM(2011) 144 final/2)], tout en contribuant à la réalisation de l’objectif d’amélioration de la sécurité d’approvisionnement en carburant de l’Union. [...] »

4

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Objet », prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Le présent règlement établit des orientations pour le développement d’un réseau transeuropéen de transport comprenant une structure à deux niveaux composée du réseau global et du réseau central, ce dernier s’appuyant sur le réseau global.

2.   Le présent règlement identifie des projets d’intérêt commun et précise les exigences à satisfaire pour la gestion des infrastructures du réseau transeuropéen de transport.

3.   Le présent règlement fixe les priorités pour le développement du réseau transeuropéen de transport. »

5

L’article 2 dudit règlement, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1.   Le présent règlement s’applique au réseau transeuropéen de transport décrit dans les cartes figurant à l’annexe I. [...]

2.   Les infrastructures du réseau transeuropéen de transport se composent des infrastructures du transport ferroviaire, du transport par voies navigables, du transport routier, du transport maritime, du transport aérien et du transport multimodal, comme indiqué dans les sections correspondantes du chapitre II. »

6

L’article 3 du même règlement, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“projet d’intérêt commun”, tout projet mené conformément aux exigences et dans le respect des dispositions du présent règlement ;

[...]

n)

“transport multimodal”, le transport de voyageurs ou de fret, ou les deux, à l’aide de deux modes de transport ou plus ;

[...]

p)

“nœud urbain”, une zone urbaine où les infrastructures de transport du réseau transeuropéen de transport, tels que les ports, y compris leurs terminaux de voyageurs, les aéroports, les gares ferroviaires, les plateformes logistiques et les terminaux de fret se trouvant à l’intérieur et autour de l’agglomération urbaine, sont connectées avec d’autres parties de ces infrastructures et avec les infrastructures de trafic régional et local ;

[...]

s)

“terminal de fret”, une structure équipée pour le transbordement entre deux ou plusieurs modes de transport ou entre deux systèmes ferroviaires différents, et pour le stockage provisoire de fret, tels que les ports, les ports intérieurs et les terminaux rail-route ;

[...] »

7

L’article 4 du règlement no 1315/2003, intitulé « Objectifs du réseau transeuropéen de transport », prévoit :

« Le réseau transeuropéen de transport renforce la cohésion sociale, économique et territoriale de l’Union et contribue à la création d’un espace européen unique des transports efficient et durable, qui accroît les avantages qu’en retirent les usagers et favorise une croissance qui profite à tous. Il démontre la valeur ajoutée européenne en contribuant aux objectifs fixés dans les quatre catégories suivantes :

[...]

b) l’efficacité par :

[...]

iii)

l’intégration et l’interconnexion optimales de tous les modes de transport ;

[...]

v)

l’utilisation efficace des infrastructures nouvelles et existantes ;

[...]

c) la durabilité par :

[...]

ii)

la contribution à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de systèmes de transport à faible émission de carbone et propres, de sécurité d’approvisionnement en carburant, de réduction des coûts externes et de protection de l’environnement ;

iii)

la promotion de systèmes de transport à faible émission de carbone, dans le but de parvenir à une réduction substantielle des émissions de CO2 d’ici à 2050, correspondant aux objectifs applicables de l’Union en matière de réduction de ces émissions ;

[...] »

8

L’article 5 de ce règlement, intitulé « Un réseau économe en ressources », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le réseau transeuropéen de transport est planifié, développé et exploité de manière économe en ressources à travers :

a)

le développement, l’amélioration et l’entretien des infrastructures de transport existantes ;

b)

une optimisation de l’intégration et de l’interconnexion des infrastructures ;

[...] »

9

L’article 6 dudit règlement, intitulé « Structure du réseau transeuropéen de transport à deux niveaux », est rédigé en ces termes :

« 1.   Le développement progressif du réseau transeuropéen de transport passe notamment par la mise en œuvre d’une structure à deux niveaux pour ce réseau, fondée sur une approche méthodologique cohérente et transparente, composée d’un réseau global et d’un réseau central.

2.   Le réseau global se compose de toutes les infrastructures de transport existantes et planifiées du réseau transeuropéen de transport ainsi que de mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace et durable du point de vue social et environnemental de telles infrastructures. Il est identifié et développé conformément au chapitre II.

3.   Le réseau central se compose des parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de développement du réseau transeuropéen de transport. Il est déterminé et développé conformément au chapitre III. »

10

Le chapitre II du règlement no 1315/2013, intitulé « Le réseau global », comprend les articles 9 à 37. L’article 9 de ce règlement, intitulé « Dispositions générales », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le réseau global :

[...]

c)

remplit les critères relatifs aux infrastructures de transport visés dans le présent chapitre ;

[...] »

11

L’article 10 dudit règlement, intitulé « Priorités générales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lors du développement du réseau global, la priorité générale est accordée aux mesures nécessaires en vue :

[...]

b)

d’assurer une intégration optimale des modes de transport et l’interopérabilité entre eux ;

[...] »

12

L’article 12 du même règlement, intitulé « Exigences applicables aux infrastructures de transport », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les terminaux de fret sont reliés aux infrastructures routières ou, si possible, aux infrastructures des voies navigables du réseau global. »

13

L’article 13 du règlement no 1315/2013, intitulé « Priorités du développement des infrastructures ferroviaires », est libellé comme suit :

« Dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés aux infrastructures ferroviaires, et outre les priorités générales énoncées à l’article 10, la priorité est accordée aux aspects suivants :

[...]

f)

le cas échéant, la connexion des infrastructures de transport ferroviaire aux infrastructures portuaires des voies navigables. »

14

L’article 14 de ce règlement, intitulé « Composants d’infrastructure », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les infrastructures de voies navigables comprennent, en particulier :

[...]

e)

les ports intérieurs, y compris les infrastructures nécessaires aux opérations de transport au sein de la zone portuaire ;

[...] »

15

L’article 15 dudit règlement, intitulé « Exigences applicables aux infrastructures de transport », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les ports intérieurs soient reliés aux infrastructures routières ou ferroviaires. »

16

L’article 16 du même règlement, intitulé « Priorités du développement des infrastructures des voies navigables », est ainsi libellé :

« Dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés aux infrastructures des voies navigables, et outre les priorités générales énoncées à l’article 10, la priorité est accordée aux aspects suivants :

[...]

d)

connexion des infrastructures portuaires intérieures aux infrastructures de transport ferroviaire de marchandises et de transport routier ;

[...] »

17

Aux termes de l’article 19 du règlement no 1315/2013, intitulé « Priorités pour le développement des infrastructures routières » :

« Dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés aux infrastructures routières, et outre les priorités générales énoncées à l’article 10, la priorité est accordée aux aspects suivants :

[...]

e) atténuation de l’engorgement du réseau routier actuel. »

18

L’article 28 de ce règlement, intitulé « Exigences applicables aux infrastructures de transport », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent, de manière équitable et non discriminatoire, à ce que :

a)

les modes de transport soient raccordés à au moins l’un des composants suivants : terminaux de fret, gares de voyageurs, ports intérieurs, aéroports et ports maritimes, afin de permettre le transport multimodal de voyageurs et de marchandises ;

[...] »

19

L’article 30 dudit règlement, intitulé « Nœuds urbains », prévoit :

« Dans le cadre du développement du réseau global en nœuds urbains, les États membres visent à assurer, dans la mesure du possible :

a)

pour le transport de voyageurs : l’interconnexion entre les infrastructures ferroviaires, routières, aériennes et, le cas échéant, de navigation intérieure et maritimes du réseau global ;

b)

pour le transport de fret : l’interconnexion entre les infrastructures ferroviaires, routières et, le cas échéant, de navigation intérieure, aériennes et maritimes du réseau global ;

[...] »

20

L’article 38 du règlement no 1315/2013, intitulé « Identification du réseau central », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le réseau central, décrit dans les cartes figurant à l’annexe I, se compose des parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de développement du réseau transeuropéen de transport et reflète l'évolution de la demande en matière de trafic et les besoins en termes de transport multimodal. [...] »

21

Il ressort des annexes I et II de ce règlement que les infrastructures portuaires du port de Bruxelles s’intègrent dans le réseau central, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de celui-ci.

Le litige au principal et la question préjudicielle

22

Port de Bruxelles SA est chargée de la gestion, de l’exploitation et du développement du canal, du port de Bruxelles, de l’avant–port, des installations portuaires et de leurs dépendances dans la région de Bruxelles–Capitale.

23

Infrabel exploite le réseau ferroviaire belge et est le propriétaire des faisceaux ferroviaires ainsi que des actifs nécessaires ou utiles à cette exploitation.

24

FIF-FSI (Fonds d’Infrastructure Ferroviaire) SA (ci–après « FIF ») est chargée de la gestion et de la valorisation des terrains et d’autres activités commerciales dans le domaine du développement, de l’achat et de la vente, de la gestion ainsi que du financement de l’immobilier. L’ensemble de son capital est indirectement détenu par l’État belge.

25

Deux arrêtés royaux du 14 juin 2004 (Moniteur belge du 14 juin 2004, p. 51971) et du 30 décembre 2004 (Moniteur belge du 30 décembre 2004, p. 87338) imposent à Infrabel de procéder, au plus tard le 31 décembre 2020, au démantèlement des installations ferroviaires qui se trouvent sur le site dit « Schaerbeek-Formation » à Bruxelles et à sa remise en état, afin de remettre ce site libre de toute occupation à FIF. Cette dernière serait en droit de réclamer une indemnisation financière en cas de défaut de réalisation de ces travaux par Infrabel dans les délais prévus. Parmi les installations devant être démantelées figurent celles qui constituent l’unique liaison ferroviaire des installations portuaires du port de Bruxelles au réseau ferroviaire belge (ci-après la « desserte ferroviaire en cause »).

26

Le 12 octobre 2018, Port de Bruxelles SA a cité Infrabel devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), afin qu’il soit fait interdiction à cette dernière « de poser tout acte contraire aux dispositions du règlement no 1315/2013 [...], en ce compris de procéder au démantèlement des constructions et installations visées par [ce règlement] et en particulier la desserte ferroviaire [en cause ] ».

27

Le 30 octobre 2018, Infrabel a cité FIF en intervention forcée. L’État belge est intervenu volontairement à la procédure le 13 novembre 2018, afin que le jugement à intervenir lui soit opposable. La Région de Bruxelles–Capitale et Lineas SA sont également intervenues à la procédure, au soutien des conclusions de Port de Bruxelles SA.

28

Le 14 mars 2019, Port de Bruxelles SA a demandé au tribunal de première instance francophone de Bruxelles, à titre de mesure provisoire, d’interdire à Infrabel, dans l’attente d’un jugement définitif sur le fond du litige, de procéder notamment à la mise hors service ainsi qu’au démantèlement de la desserte ferroviaire en cause, et de l’enjoindre de maintenir celle–ci en parfait état de fonctionnement. Pour sa part, Infrabel a notamment demandé au tribunal de première instance francophone de Bruxelles, dans l’hypothèse où ce dernier ferait droit à la demande de mesures provisoires et où lnfrabel se verrait empêchée d’exécuter les travaux prévus par l’arrêté royal du 30 décembre 2004, d’interdire à FIF de lui réclamer une indemnisation, jusqu’au prononcé du jugement au fond.

29

Le 5 novembre 2019, en cours de procédure, FIF et Infrabel ont conclu une convention par laquelle elles ont, notamment, reporté au 30 juin 2021 la date pour laquelle le démantèlement de la desserte ferroviaire en cause devrait avoir été mené à bien.

30

Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a déclaré l’action de Port de Bruxelles SA irrecevable, sauf en tant que cette dernière invoque l’existence d’une servitude à l’appui de cette action. Par ailleurs, il a rejeté la demande de mesures provisoires de Port de Bruxelles SA, au motif que l’engagement pris par Infrabel dans la convention conclue avec FIF le 5 novembre 2019 suffisait à régler provisoirement la situation des parties.

31

Port de Bruxelles SA et la Région de Bruxelles-Capitale ont chacune interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), laquelle, après avoir constaté que ni Port de Bruxelles SA ni la Région de Bruxelles-Capitale n’avaient attrait l’État belge et FIF en appel dans le respect des règles procédurales nationales, a jugé que ces deux dernières parties devaient être mises hors de cause. Il ressort par ailleurs du dispositif de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a joint les deux procédures pendantes devant elle.

32

La juridiction de renvoi s’interroge sur le droit, pour Port de Bruxelles SA, d’invoquer, devant les juridictions belges, un droit subjectif résultant de l’article 15 du règlement no 1315/2013. Elle expose que, selon l’interprétation de cette disposition préconisée par Port de Bruxelles SA, celle–ci impose aux États membres, d’une part, une obligation positive, tenant à la mise en place d’un système où les infrastructures de transport sont interconnectées et dans le cadre de laquelle les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation, ainsi que, d’autre part, une obligation négative, leur interdisant d’agir de manière contraire aux objectifs de ce règlement, en particulier en portant atteinte à l’intégrité des infrastructures de transport en place.

33

Infrabel soutient que cet article 15 ne saurait être interprété dans le sens préconisé par Port de Bruxelles SA. En effet, selon les termes de ladite disposition, notamment dans sa version en langue française, les ports intérieurs doivent être reliés soit à des infrastructures de transport routier soit à des infrastructures de transport ferroviaire puisque cette version linguistique emploie la conjonction « ou ».

34

À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la version en langue néerlandaise de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 emploie la conjonction non pas « ou », mais « et ». Elle en déduit que l’interprétation littérale de cette disposition ne suffit pas pour en déterminer le sens exact.

35

Selon cette juridiction, ladite disposition est susceptible de deux interprétations opposées. Il pourrait, en effet, être déduit de l’article 3, sous n), et de l’article 28, paragraphe 1, de ce règlement que la connexion d’une infrastructure de transport par voies navigables, tel qu’un port intérieur, à un seul autre type d’infrastructures de transport suffit pour que l’obligation soit remplie et que, en l’occurrence, Port de Bruxelles SA devrait se satisfaire de la connexion de ses infrastructures portuaires aux infrastructures de transport routier.

36

Toutefois, une interprétation différente de l’article 15 dudit règlement pourrait être soutenue. En effet, il ressortirait des engagements de la Commission contenus dans son livre blanc, visé notamment au considérant 31 du même règlement, ainsi que du règlement no 1315/2013 lui-même que les objectifs de ce dernier sont de deux ordres, à savoir renforcer la compétitivité des transports et réduire de 60 % au moins, d’ici à l’année 2050, les émissions de gaz à effet de serre générés par les transports par rapport aux niveaux de l’année 1990. De plus, une interprétation de l’article 15 de ce règlement, en ce sens qu’il interdirait le démantèlement d’une liaison ferroviaire dans des circonstances telles que celles de l’espèce pourrait s’appuyer, notamment, sur les articles 5, 10 et 16 dudit règlement, ainsi que sur les orientations exposées dans ses considérants 7 et 8.

37

C’est dans ces conditions que la cour d’appel de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Lorsqu’un port intérieur – qui relève du réseau central – est déjà relié à la route et au réseau ferroviaire, l’article 15 du règlement [no 1315/2013], lu seul ou en combinaison avec d’autres dispositions de ce [r]èglement, impose-t-il l’obligation de maintenir et d’entretenir ces deux liaisons ou celle de s’abstenir d’en supprimer une, fût-ce par défaut d’entretien ? »

La procédure devant la Cour

38

La juridiction de renvoi a demandé, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée. À l’appui de cette demande, elle fait valoir que, afin d’assurer l’effectivité du présent arrêt, elle a fait interdiction à Infrabel de démanteler la desserte ferroviaire en cause jusqu’à ce qu’il soit statué à nouveau sur l’affaire, après réception de la réponse de la Cour à la question posée. Or, cette même société serait en principe tenue, à partir du 1er juillet 2021, au paiement d’indemnités à FIF au titre, précisément, du retard apporté au démantèlement de cette desserte.

39

L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

40

Il importe de rappeler qu’une telle procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire [arrêt du 22 mars 2022, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination), C‑508/19, EU:C:2022:201, point 37].

41

En l’occurrence, le 4 mai 2021, le président de la Cour a décidé, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande visée au point 38 du présent arrêt.

42

En effet, selon la jurisprudence de la Cour, de simples intérêts économiques, pour importants et légitimes qu’ils soient, ne sont pas de nature à justifier à eux seuls le recours à une procédure accélérée (arrêt du 11 novembre 2021, Energieversorgungscenter Dresden-Wilschdorf, C‑938/19, EU:C:2021:908, point 45 et jurisprudence citée).

43

Par ailleurs, même dans l’hypothèse où la présente affaire serait soumise à la procédure accélérée, la réponse de la Cour à la question posée ne pourrait, en tout état de cause, intervenir avant le 30 juin 2021.

44

Par décision du même jour, le président de la Cour a toutefois décidé que les informations transmises par la juridiction de renvoi justifiaient un traitement de l’affaire par priorité, au titre de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

45

Dans ses observations écrites, Infrabel soutient, en substance, que Port de Bruxelles SA ne saurait, en tout état de cause, invoquer à son profit, dans le cadre du litige au principal, l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 dès lors que cette disposition reconnaît aux États membres une marge d’appréciation pour sa mise en œuvre. En effet, l’existence d’une telle marge d’appréciation ferait obstacle à ce que, à défaut de mesures d’application adoptées par l’État membre concerné, un particulier puisse se prévaloir directement de droits tirés de ladite disposition.

46

Dans la mesure où cet argument doit être compris en ce sens que, par celui-ci, Infrabel met en cause la pertinence de la question préjudicielle aux fins de la solution du litige au principal et, partant, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, il ne saurait prospérer.

47

En effet, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et qu’il est directement applicable dans tout État membre. Ainsi, en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit de l’Union, les dispositions des règlements ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu’il soit nécessaire que les autorités nationales prennent des mesures d’application (arrêt du 22 janvier 2020, Ursa Major Services, C‑814/18, EU:C:2020:27, point 33).

48

D’autre part, la question de savoir si l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 s’oppose, en principe, à la suppression de la liaison ferroviaire d’un port intérieur dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, ou s’il reconnaît aux États membres une marge d’appréciation en la matière constitue, précisément, l’objet de la question préjudicielle, de telle sorte que le caractère recevable de la demande de décision préjudicielle ne saurait être remis en cause pour le motif invoqué par Infrabel.

Sur la question préjudicielle

49

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un port intérieur qui relève du réseau central, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 3, et de l’article 38 de ce règlement, dispose de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire, il s’oppose à la suppression de l’un de ces deux types de liaisons.

50

À cet égard, il convient de constater, à titre liminaire, que, si l’article 15, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que les États membres veillent à ce que les ports intérieurs soient reliés aux infrastructures routières ou ferroviaires et concerne donc les ports intérieurs, la question préjudicielle porte sur l’interprétation de cette disposition dans des circonstances où un tel port, comme le port de Bruxelles, relève du réseau central, au sens du même règlement.

51

Or, cet article 15 figure dans le chapitre II du règlement no 1315/2013 relatif, selon son intitulé, au réseau global, lequel est visé à l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement. Ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 38, paragraphe 1, dudit règlement, le réseau central se compose des parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de développement du réseau transeuropéen de transport.

52

S’il ressort incontestablement de ces dernières dispositions que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2003 trouve à s’appliquer dans le cas d’un port intérieur relevant du réseau central, il n’en demeure pas moins qu’il est plus généralement applicable à tout port intérieur du réseau global, qu’il relève ou non plus particulièrement du réseau central.

53

Par conséquent, il y a lieu d’examiner la question posée en ce qu’elle a trait à un port intérieur qui relève du réseau global, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1315/2013, et qui dispose déjà de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire.

54

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il convient, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑122/18, EU:C:2020:41, point 39 et jurisprudence citée].

55

S’agissant, en premier lieu, des termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013, il y a lieu de constater que, comme l’ont souligné à juste titre respectivement la juridiction de renvoi et le gouvernement belge, les versions en langues néerlandaise et bulgare de cette disposition utilisent, entre les termes « infrastructures routières » et le terme « ferroviaires », la conjonction « et », ce qui donnerait à penser que les États membres sont tenus de veiller à ce que les ports conservent les liaisons existantes les reliant à des infrastructures de transport tant routier que ferroviaire. En revanche, notamment en langues allemande, grecque, anglaise, française, irlandaise, italienne, lituanienne, hongroise et slovène, c’est la conjonction « ou » qui est utilisée.

56

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les diverses versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union font également foi et l’une de celles-ci ne saurait se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres, dès lors que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, points 42 et 43 ainsi que jurisprudence citée).

57

Ainsi, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un acte de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Yieh United Steel/Commission, C‑79/20 P, EU:C:2022:305, point 99 et jurisprudence citée).

58

Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que le seul libellé de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 ne permet pas de déterminer si, dans le cas d’un port intérieur relevant du réseau global qui dispose déjà de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire, il est permis à l’État membre concerné de supprimer l’une de ces deux liaisons pour n’en préserver que l’autre, l’obligation pour l’État membre concerné, prévue par cette disposition, de veiller à ce que le port intérieur en question soit relié « aux infrastructures routières ou ferroviaires », pouvant même être comprise en ce sens que cet État membre doit porter une attention particulière à l’une ou à l’autre de ces deux liaisons, en fonction de leurs besoins, notamment en matière d’entretien.

59

S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel s’insère l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013, il doit être relevé que, comme le prévoit son article 1er, paragraphe 1, ce règlement a pour objet d’établir « des orientations pour le développement d’un réseau transeuropéen de transport comprenant une structure à deux niveaux composée du réseau global et du réseau central, ce dernier s’appuyant sur le réseau global ».

60

Il ressort de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du même règlement, qui fait partie du chapitre II relatif au réseau global, que, lors du développement du réseau global, la priorité générale est notamment accordée aux mesures nécessaires en vue, notamment, d’assurer une intégration optimale des modes de transport et l’interopérabilité entre eux.

61

Les dispositions du chapitre II du règlement no 1315/2013, à l’exception de ses articles 9 et 10, sont regroupées en sept sections, dont la section 1, relative aux infrastructures de transport ferroviaire, la section 2, relative aux infrastructures de transport par voies navigables, qui comprend l’article 15, visé par la question préjudicielle, la section 3, relative aux infrastructures de transport routier, la section 6, relative aux infrastructures de transport multimodal et, enfin, la section 7, qui réunit des dispositions communes.

62

S’agissant des infrastructures de transport ferroviaire, l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 prévoit que les terminaux de fret sont reliés aux infrastructures routières ou, si possible, aux infrastructures des voies navigables du réseau global.

63

De plus, il ressort de l’article 13, sous f), de ce règlement que, dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés aux infrastructures ferroviaires, la priorité est accordée, le cas échéant, à la connexion des infrastructures de transport ferroviaire aux infrastructures portuaires des voies navigables.

64

De même, en ce qui concerne les infrastructures de transport par voies navigables, l’article 16, sous d), dudit règlement prévoit que, dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés aux infrastructures des voies navigables, la priorité est notamment accordée à la connexion des infrastructures portuaires intérieures aux infrastructures de transport ferroviaire de marchandises et de transport routier.

65

Pour ce qui est des infrastructures de transport routier, l’article 19, sous e), du même règlement dispose que, dans le cadre de la promotion de projets d’intérêt commun liés à ces infrastructures, la priorité est notamment accordée à l’atténuation de l’engorgement du réseau routier actuel.

66

S’agissant des infrastructures de transport multimodal, au sens de l’article 3, sous n), du règlement no 1315/2013, l’article 28, paragraphe 1, sous a), de celui-ci prévoit que les États membres veillent, de manière équitable et non discriminatoire, à ce que les modes de transport soient raccordés à au moins un composant parmi les terminaux de fret, les gares de voyageurs, les ports intérieurs, les aéroports et les ports maritimes, afin de permettre le transport multimodal de voyageurs et de marchandises.

67

Doit également être mentionné, au titre des dispositions communes, l’article 30 du règlement no 1315/2013, relatif aux nœuds urbains, définis à l’article 3, sous p), de celui-ci.

68

Il ressort dudit article 30, sous a) et b), que, dans le cadre du développement du réseau global en nœuds urbains, les États membres visent à assurer, dans la mesure du possible, l’interconnexion entre, notamment, les infrastructures ferroviaires, routières et, le cas échéant, de navigation intérieure, tant pour le transport de voyageurs que pour le transport de fret.

69

Il peut ainsi être déduit des dispositions mentionnées aux points 59 à 68 du présent arrêt que, si le règlement no 1315/2013 n’impose pas aux États membres une obligation de résultat visant à assurer, dans tous les cas, la liaison des ports intérieurs relevant du réseau global tant aux infrastructures de transport routier qu’aux infrastructures de transport ferroviaire, ce règlement préconise l’établissement, dans la mesure du possible, de plusieurs liaisons de tels ports avec d’autres types d’infrastructures de transport.

70

Il doit, en outre, être constaté que tant les considérants 7 et 8 dudit règlement que l’article 4, sous b), v), l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 6, paragraphe 2, du même règlement opèrent une distinction entre les infrastructures « existantes » et les infrastructures « nouvelles » ou « planifiées ». Cette distinction plaide en faveur d’un reflet de celle-ci dans la définition de l’étendue des obligations des États membres.

71

L’analyse du contexte dans lequel s’insère l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 mène, dès lors, à considérer que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en principe, elle s’oppose à la suppression, pour ce qui est d’un port intérieur disposant déjà de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire, de sa liaison à l’un de ces deux types d’infrastructures.

72

En troisième lieu, il y a lieu de constater que la prise en compte des objectifs du réseau européen de transport, tels qu’ils ressortent de l’article 4 du règlement no 1315/2013 conforte une telle interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement.

73

En effet, premièrement, l’article 4, sous b), iii), dudit règlement prévoit que le réseau transeuropéen de transport contribue à l’objectif d’efficacité par l’intégration et l’interconnexion optimales de tous les modes de transport.

74

Dans le même sens, l’article 5, paragraphe 1, du même règlement dispose, respectivement aux points a) et b) de ce paragraphe, que le réseau transeuropéen est planifié, développé et exploité de manière économe en ressources à travers, d’une part, le développement, l’amélioration et l’entretien des infrastructures de transport existantes ainsi que, d’autre part, une optimisation de l’intégration et de l’interconnexion des infrastructures.

75

Deuxièmement, s’agissant en particulier de la liaison d’un port intérieur aux infrastructures de transport ferroviaire, il y a lieu de tenir compte de l’objectif de durabilité, énoncé à l’article 4, sous c), du règlement no 1315/2013, lu à la lumière du considérant 31 de ce règlement. Il en ressort que le réseau transeuropéen de transport vise à contribuer à la réalisation de cet objectif, notamment, par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en donnant la préférence à des systèmes de transport à faible émission de carbone.

76

Or, ainsi que l’a observé M. l’avocat général aux points 63 et 64 de ses conclusions, le transport ferroviaire relève de tels systèmes de transport, raison pour laquelle le livre blanc de la Commission, visé au considérant 31 dudit règlement, encourage son utilisation.

77

Troisièmement, le maintien de la liaison aux infrastructures de transport ferroviaire dont bénéficie un port intérieur, en favorisant le recours au transport ferroviaire plutôt que routier, contribue également à l’objectif visant l’atténuation de l’engorgement du réseau routier, qui constitue l’une des priorités du développement du réseau transeuropéen de transport, ainsi qu’il ressort de l’article 19, sous e), du règlement no 1315/2013.

78

Cela étant, compte tenu des objectifs poursuivis par le règlement no 1315/2013, notamment en matière environnementale, de sécurité du trafic et d’aménagement du territoire, des circonstances exceptionnelles sont, a priori, susceptibles de justifier la suppression de la liaison d’un port intérieur aux infrastructures de transport soit routier soit ferroviaire, sans que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 s’y oppose.

79

À cet égard, il doit être précisé que le remplacement d’une telle liaison existante par une nouvelle liaison au même type d’infrastructure, mise en service en même temps qu’est supprimée la liaison qu’elle remplace, ne saurait être regardée comme une suppression de la liaison du port intérieur concerné à ladite infrastructure.

80

Quant aux motifs susceptibles de justifier, à titre exceptionnel, la suppression, sans remplacement, de la liaison d’un port intérieur aux infrastructures de transport routier ou ferroviaire, il suffit, en l’occurrence, de relever, au vu des arguments exposés dans les observations écrites soumises à la Cour, que ne saurait constituer un tel motif le risque que présente cette liaison pour la sécurité des transports lorsque ce risque résulte d’un défaut d’entretien des infrastructures de transport en cause par les autorités responsables de l’État membre concerné.

81

Pareillement, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 71 de ses conclusions, des motifs tenant à la valeur des terrains occupés par une liaison d’un port intérieur aux infrastructures de transport routier ou ferroviaire et à la possible utilisation de ces terrains d’une manière économiquement plus avantageuse ne sauraient justifier la suppression de cette liaison.

82

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1315/2013 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un port intérieur qui relève du réseau global, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, dispose de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire, il s’oppose, sauf circonstances exceptionnelles, à la suppression de l’un de ces deux types de liaisons. Le défaut d’entretien de la liaison en cause, résultant de la méconnaissance de cette disposition, ou la valorisation économique des terrains occupés par ces infrastructures ne constituent pas de telles circonstances.

Sur les dépens

83

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

L’article 15, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un port intérieur qui relève du réseau global, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, dispose de liaisons tant à des infrastructures de transport routier qu’à des infrastructures de transport ferroviaire, il s’oppose, sauf circonstances exceptionnelles, à la suppression de l’un de ces deux types de liaisons. Le défaut d’entretien de la liaison en cause, résultant de la méconnaissance de cette disposition, ou la valorisation économique des terrains occupés par ces infrastructures ne constituent pas de telles circonstances.

 

Regan

Jarukaitis

Ilešič

Gratsias

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2022.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la Vème chambre

E. Regan


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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