Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62021CJ0228

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 30 novembre 2023.
Ministero dell’Interno, Dipartimento per le Libertà civili e l'Immigrazione – Unità Dublino e.a. contre CZA et Ministero dell’Interno, Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione – Unità Dublino.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par Corte suprema di cassazione, Tribunale ordinario di Roma, Tribunale Ordinario di Firenze, Tribunale di Milano et Tribunale di Trieste.
Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Règlement (UE) no 604/2013 – Articles 3 à 5, 17 et 27 – Règlement (UE) no 603/2013 – Article 29 – Règlement (UE) no 1560/2003 – Annexe X – Droit à l’information du demandeur de protection internationale – Brochure commune – Entretien individuel – Demande de protection internationale précédemment déposée dans un premier État membre – Nouvelle demande déposée dans un second État membre – Séjour irrégulier dans le second État membre – Procédure de reprise en charge – Violation du droit à l’information – Absence d’entretien individuel – Protection contre le risque de refoulement indirect – Confiance mutuelle – Contrôle juridictionnel de la décision de transfert – Étendue – Constat de l’existence, dans l’État membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale – Clauses discrétionnaires – Risque de violation du principe de non-refoulement dans l’État membre requis.
Affaires jointes C-228/21, C-254/21, C-297/21, C-315/21 et C-328/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:934

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

30 novembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Règlement (UE) no 604/2013 – Articles 3 à 5, 17 et 27– Règlement (UE) no 603/2013 – Article 29 – Règlement (UE) no 1560/2003 – Annexe X – Droit à l’information du demandeur de protection internationale – Brochure commune – Entretien individuel – Demande de protection internationale précédemment déposée dans un premier État membre – Nouvelle demande déposée dans un second État membre – Séjour irrégulier dans le second État membre – Procédure de reprise en charge – Violation du droit à l’information – Absence d’entretien individuel – Protection contre le risque de refoulement indirect – Confiance mutuelle – Contrôle juridictionnel de la décision de transfert – Étendue – Constat de l’existence, dans l’État membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale – Clauses discrétionnaires – Risque de violation du principe de non-refoulement dans l’État membre requis »

Dans les affaires jointes C‑228/21, C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21,

ayant pour objet cinq demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décision du 29 mars 2021, parvenue à la Cour le 8 avril 2021 (C‑228/21), par le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie), par décision du 12 avril 2021, parvenue à la Cour le 22 avril 2021 (C‑254/21), par le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence, Italie), par décision du 29 avril 2021, parvenue à la Cour le 10 mai 2021 (C‑297/21), par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie), par décision du 14 avril 2021, parvenue à la Cour le 17 mai 2021 (C‑315/21), et par le Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste, Italie), par décision du 2 avril 2021, parvenue à la Cour le 26 mai 2021 (C‑328/21), dans les procédures

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione – Unità Dublino (C‑228/21),

DG (C‑254/21),

XXX.XX (C‑297/21),

PP (C‑315/21),

GE (C‑328/21)

contre

CZA (C‑228/21),

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione – Unità Dublino (C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juin 2022,

considérant les observations présentées :

pour XXX.XX, par Mes C. Favilli et L. Scattoni, avvocate,

pour GE, par Me C. Bove, avvocata,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. L. D’Ascia et D. G. Pintus, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères et M. J. Illouz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. de Ree et A. Hanje, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma et C. Cattabriga, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 20 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, des articles 4 et 5, de l’article 17, paragraphe 1, de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 20, paragraphe 5, et de l’article 27 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »), de l’article 29 du règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement no 604/2013 et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (JO 2013, L 181, p. 1, ci-après le « règlement Eurodac »), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de cinq litiges opposant, le premier (affaire C‑228/21), le Ministero dell’Interno, Dipartimento per le libertà civili e l’immigrazione – Unità Dublino (ministère de l’Intérieur, Département pour les libertés civiles et l’immigration – Unité Dublin, Italie) (ci-après le « ministère de l’Intérieur ») à CZA, au sujet de la décision du ministère de l’Intérieur de le transférer vers la Slovénie à la suite de la demande de protection internationale qu’il a introduite en Italie, et les quatre autres (affaires C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21), respectivement DG, XXX.XX, PP et GE, les trois premiers ayant également introduit une telle demande en Italie et GE s’y trouvant en séjour irrégulier, au ministère de l’Intérieur, au sujet de la décision de ce dernier de les transférer, s’agissant de DG, vers la Suède, s’agissant de XXX.XX ainsi que de PP, vers l’Allemagne et, s’agissant de GE, vers la Finlande.

Le cadre juridique

La directive « qualification »

3

Le chapitre II, intitulé « Évaluation des demandes de protection internationale », de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9, ci-après la « directive “qualification” »), comprend notamment l’article 8 de cette directive, lui-même intitulé « Protection à l’intérieur du pays ». Cet article dispose :

« 1.   Dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, les États membres peuvent déterminer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque dans une partie du pays d’origine :

a)

il n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou

b)

il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7,

et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse.

2.   Lorsqu’ils examinent si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe 1, les États membres tiennent compte, au moment où ils statuent sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 4. À cette fin, les États membres veillent à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. »

4

L’article 15 de la directive « qualification », intitulé « Atteintes graves » et figurant dans le chapitre V, lui-même intitulé « Conditions de la protection subsidiaire » de celle-ci, prévoit :

« Les atteintes graves sont :

[...]

c)

des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. »

Le règlement Dublin III

5

Les considérants 18 et 19 du règlement Dublin III énoncent :

« (18)

Un entretien individuel avec le demandeur devrait être organisé pour faciliter la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. Dès que la demande de protection internationale est introduite, le demandeur devrait être informé de l’application du présent règlement ainsi que de la possibilité, lors de l’entretien, de fournir des informations sur la présence de membres de sa famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres afin de faciliter la procédure de détermination de l’État membre responsable.

(19)

Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la [Charte]. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré. »

6

L’article 3 de ce règlement, intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale » et figurant dans le chapitre II, lui-même intitulé « Principes généraux et garanties » de celui-ci, dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2.   Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen.

Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable.

Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable. »

7

L’article 4 dudit règlement, intitulé « Droit à l’information », est libellé comme suit :

« 1.   Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment :

a)

des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ;

b)

des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ;

c)

de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;

d)

de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ;

e)

du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ;

f)

de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel.

2.   Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3.

Si c’est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l’entretien individuel visé à l’article 5.

3.   La Commission [européenne] rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune ainsi qu’une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l’application du [règlement Eurodac] et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 44, paragraphe 2, du présent règlement. »

8

Aux termes de l’article 5 du même règlement, intitulé « Entretien individuel » :

« 1.   Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4.

2.   L’entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque :

a)

le demandeur a pris la fuite ; ou

b)

après avoir reçu les informations visées à l’article 4, le demandeur a déjà fourni par d’autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l’État membre responsable. L’État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l’État membre responsable avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable [ne] soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1.

3.   L’entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1.

4.   L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel.

5.   L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.

6.   L’État membre qui mène l’entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l’entretien. Ce résumé peut prendre la forme d’un rapport ou d’un formulaire type. L’État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. »

9

L’article 7, paragraphe 3, du règlement Dublin III dispose :

« En vue d’appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d’un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu’un autre État membre n’accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n’aient pas encore fait l’objet d’une première décision sur le fond. »

10

L’article 17 de ce règlement, intitulé « Clauses discrétionnaires », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement.

L’État membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l’État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique “DubliNet” établi au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1560/2003 [de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3)], l’État membre antérieurement responsable, l’État membre menant une procédure de détermination de l’État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge.

L’État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l’indique immédiatement dans Eurodac conformément au [règlement Eurodac] en ajoutant la date à laquelle la décision d’examiner la demande a été prise. »

11

L’article 18 dudit règlement, intitulé « Obligations de l’État membre responsable », est rédigé en ces termes :

« 1.   L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :

a)

prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ;

b)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

c)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

d)

reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre.

2.   Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, points a) et b), l’État membre responsable est tenu d’examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l’examen.

Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, point c), lorsque l’État membre responsable avait interrompu l’examen d’une demande à la suite de son retrait par le demandeur avant qu’une décision [n’]ait été prise sur le fond en première instance, cet État membre veille à ce que le demandeur ait le droit de demander que l’examen de sa demande soit mené à terme ou d’introduire une nouvelle demande de protection internationale, qui ne doit pas être considérée comme une demande ultérieure prévue par la directive 2013/32/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60, ci-après la “directive ‘procédures’”)]. Dans ces cas, les États membres veillent à ce que l’examen de la demande soit mené à terme.

Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l’État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d’un recours effectif en vertu de l’article 46 de la [directive “procédures”]. »

12

L’article 19 du même règlement, intitulé « Cessation de la responsabilité », dispose :

« 1.   Si un État membre délivre au demandeur un titre de séjour, les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, lui sont transférées.

2.   Les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, cessent si l’État membre responsable peut établir, lorsqu’il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’elle ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’État membre responsable.

Toute demande introduite après la période d’absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable.

3.   Les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l’État membre responsable peut établir, lorsqu’il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d’une décision de retour ou d’une mesure d’éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande.

Toute demande introduite après qu’un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable. »

13

L’article 20 du règlement Dublin III, intitulé « Début de la procédure » et figurant dans la section I, dont le titre est « Début de la procédure », du chapitre VI, lui-même intitulé « Procédure de prise en charge et de reprise en charge », de celui-ci, dispose :

« 1.   Le processus de détermination de l’État membre responsable commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre.

2.   Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné. Dans le cas d’une demande non écrite, le délai entre la déclaration d’intention et l’établissement d’un procès-verbal doit être aussi court que possible.

[...]

5.   L’État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l’État membre responsable.

[...] »

14

L’article 21 de ce règlement, intitulé « Présentation d’une requête aux fins de prise en charge », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« L’État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’introduction de la demande au sens de l’article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. »

15

L’article 23 dudit règlement, intitulé « Présentation d’une requête aux fins de reprise en charge lorsqu’une nouvelle demande a été introduite dans l’État membre requérant », prévoit :

« 1.   Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

[...]

3.   Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. »

16

L’article 24 du même règlement, intitulé « Présentation d’une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande [n’]a été introduite dans l’État membre requérant », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n’a été introduite estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. »

17

L’article 26 du règlement Dublin III, intitulé « Notification d’une décision de transfert » et figurant dans la section IV, elle-même intitulée « Garanties procédurales », du chapitre VI de celui-ci, est libellé comme suit :

« 1.   Lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d’un demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l’État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l’État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu’à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée.

2.   La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l’exercice de ces voies de recours et à la mise [en] œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l’État membre responsable.

Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées.

3.   Lorsque la personne concernée n’est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l’informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l’exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend. »

18

L’article 27 de ce règlement, intitulé « Voies de recours », figurant dans la même section IV, dispose, à son paragraphe 1 :

« Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. »

19

L’article 29 dudit règlement, intitulé « Modalités et délais » et figurant dans la section VI, elle-même intitulée « Transferts », du chapitre VI de celui-ci, dispose, à son paragraphe 2 :

« Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »

La directive « procédures »

20

Le chapitre II, intitulé « Principes de base et garanties fondamentales », de la directive « procédures » comprend notamment un article 9. Cet article, intitulé « Droit de rester dans l’État membre pendant l’examen de la demande », dispose, à son paragraphe 3 :

« Un État membre ne peut extrader un demandeur vers un pays tiers en vertu du paragraphe 2 que lorsque les autorités compétentes se sont assuré[es] que la décision d’extradition n’entraînera pas de refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l’égard de l’Union [européenne] incombant à cet État membre. »

21

L’article 14 de la directive « procédures », intitulé « Entretien personnel », est libellé comme suit :

« 1.   Avant que l’autorité responsable de la détermination ne se prononce, la possibilité est donnée au demandeur d’avoir un entretien personnel sur sa demande de protection internationale avec une personne compétente en vertu du droit national pour mener cet entretien. Les entretiens personnels sur le fond de la demande de protection internationale sont menés par le personnel de l’autorité responsable de la détermination. Le présent alinéa s’entend sans préjudice de l’article 42, paragraphe 2, point b).

Lorsqu’un nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides demandent simultanément une protection internationale, ce qui, dans la pratique, ne permet pas à l’autorité responsable de la détermination de mener, en temps utile, les entretiens sur le fond de chaque demande, les États membres peuvent prévoir que le personnel d’une autre autorité puisse temporairement participer à la conduite de ces entretiens. Dans ce cas, le personnel de cette autre autorité reçoit préalablement la formation pertinente [...]

[...]

2.   L’entretien personnel sur le fond de la demande peut ne pas avoir lieu lorsque :

a)

l’autorité responsable de la détermination est en mesure de prendre une décision positive relative au statut de réfugié sur la base des éléments de preuve disponibles ; ou

b)

l’autorité responsable de la détermination estime que le demandeur n’est pas en état ou en mesure d’être interrogé en raison de circonstances durables indépendantes de sa volonté. En cas de doute, l’autorité responsable de la détermination consulte un professionnel de la santé pour déterminer si les circonstances qui font que le demandeur n’est pas en état ou en mesure de participer à un entretien revêtent un caractère temporaire ou permanent.

Lorsque aucun entretien personnel n’est mené, en application du point b) ou, le cas échéant, avec la personne à charge, des efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur ou à la personne à charge de fournir davantage d’informations.

3.   L’absence d’entretien personnel conformément au présent article n’empêche pas l’autorité responsable de la détermination de se prononcer sur une demande de protection internationale.

4.   L’absence d’entretien personnel en application du paragraphe 2, point b), n’influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l’autorité responsable de la détermination.

5.   Indépendamment de l’article 28, paragraphe 1, lorsqu’ils se prononcent sur une demande de protection internationale, les États membres peuvent tenir compte du fait que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entretien personnel, sauf s’il avait de bonnes raisons de ne pas se présenter. »

22

L’article 15 de cette directive, intitulé « Conditions auxquelles est soumis l’entretien personnel », dispose :

« 1.   L’entretien personnel a normalement lieu hors de la présence des membres de la famille, à moins que l’autorité responsable de la détermination ne juge que la présence d’autres membres de la famille est nécessaire pour procéder à un examen adéquat.

2.   L’entretien personnel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité.

3.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour faire en sorte que l’entretien personnel soit mené dans des conditions qui permettent au demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande. À cet effet, les États membres :

a)

veillent à ce que la personne chargée de mener l’entretien soit compétente pour tenir compte de la situation personnelle et générale dans laquelle s’inscrit la demande, notamment l’origine culturelle, le genre ou l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou la vulnérabilité du demandeur ;

b)

font en sorte, dans la mesure du possible, que l’entretien avec le demandeur soit mené par une personne du même sexe si le demandeur en fait la demande à moins que l’autorité responsable de la détermination [n’]ait une raison de penser que cette demande est fondée sur des motifs qui ne sont pas liés à des difficultés de la part du demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande ;

c)

choisissent un interprète capable d’assurer une communication appropriée entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien. La communication a lieu dans la langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. Dans la mesure du possible, les États membres fournissent un interprète du même sexe si le demandeur en fait la demande, à moins que l’autorité responsable de la détermination [n’]ait des raisons de penser que cette demande est fondée sur des motifs qui ne sont pas liés à des difficultés de la part du demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande ;

d)

veillent à ce que la personne qui mène l’entretien sur le fond de la demande de protection internationale ne porte pas d’uniforme militaire ou d’uniforme des services répressifs ;

e)

veillent à ce que les entretiens avec les mineurs soient menés d’une manière adaptée aux enfants.

4.   Les États membres peuvent prévoir des règles régissant la présence de tiers à l’entretien personnel. »

23

Le chapitre III de ladite directive, intitulé « Procédures en première instance », contient les articles 31 à 43 de celle-ci.

24

L’article 33 de la même directive, intitulé « Demandes irrecevables », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)

une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

[...] »

25

L’article 34 de la directive « procédures », intitulé « Dispositions spéciales concernant l’entretien sur la recevabilité », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Avant que l’autorité responsable de la détermination ne prenne une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale, les États membres autorisent le demandeur à exposer son point de vue concernant l’application des motifs visés à l’article 33 à sa situation particulière. À cette fin, ils mènent un entretien personnel sur la recevabilité de la demande. Les États membres ne peuvent prévoir d’exception à cette règle que conformément à l’article 42 dans le cas d’une demande ultérieure. »

Le règlement Eurodac

26

L’article 2, paragraphe 1, du règlement Eurodac est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)

“État membre d’origine” :

[...]

iii)

dans le cas d’une personne relevant de l’article 17, paragraphe 1, l’État membre qui transmet les données à caractère personnel au système central et reçoit les résultats de la comparaison ;

[...] »

27

L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Eurodac se compose :

a)

d’une base de données dactyloscopiques centrale et informatisée (ci-après dénommée “système central”) [...]

[...] »

28

L’article 17, paragraphe 1, dudit règlement :

« En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n’a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu’il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre.

En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n’a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque :

a)

le ressortissant de pays tiers ou l’apatride déclare qu’il a introduit une demande de protection internationale mais n’indique pas l’État membre dans lequel il l’a introduite ;

b)

le ressortissant de pays tiers ou l’apatride ne demande pas de protection internationale mais s’oppose à son renvoi dans son pays d’origine en faisant valoir qu’il s’y trouverait en danger ; ou

c)

le ressortissant de pays tiers ou l’apatride fait en sorte d’empêcher d’une autre manière son éloignement en refusant de coopérer à l’établissement de son identité, notamment en ne présentant aucun document d’identité ou en présentant de faux documents d’identité. »

29

L’article 29 du même règlement, intitulé « Droits des personnes concernées », dispose :

« 1.   Toute personne relevant de [...] l’article 17, paragraphe 1, est informée par l’État membre d’origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu’elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend :

[...]

b)

de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du [règlement Dublin III], conformément à l’article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ;

[...]

2.   [...]

Dans le cas de personnes relevant de l’article 17, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au plus tard au moment où les données concernant cette personne sont transmises au système central. Cette obligation ne s’applique pas lorsqu’il s’avère impossible de fournir ces informations ou que cela nécessite des efforts disproportionnés.

[...]

3.   Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l’article 4, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] est réalisée conformément à la procédure visée à l’article 44, paragraphe 2, dudit règlement.

La brochure est rédigée d’une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend.

La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d’une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle.

[...] »

30

L’article 37 du règlement Eurodac, intitulé « Responsabilité », dispose :

« 1.   Toute personne ou tout État membre ayant subi un dommage du fait d’un traitement illicite ou de toute action incompatible avec le présent règlement a le droit d’obtenir de l’État membre responsable réparation du préjudice subi. Cet État est exonéré partiellement ou totalement de cette responsabilité s’il prouve que le fait dommageable ne lui est pas imputable.

[...]

3.   Les actions en réparation intentées contre un État membre pour les dommages visés aux paragraphes 1 et 2 sont régies par les dispositions du droit national de l’État membre défendeur. »

Le règlement no 1560/2003

31

L’article 16 bis du règlement no 1560/2003, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 de la Commission, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 39, p. 1) (ci-après le « règlement no 1560/2003 »), intitulé « Brochures d’information pour les demandeurs de protection internationale », dispose :

« 1.   Une brochure commune informant tous les demandeurs de protection internationale des dispositions du [règlement Dublin III] et de l’application du [règlement Eurodac] figure à l’annexe X.

[...]

4.   Les informations destinées aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides séjournant illégalement dans un État membre sont établies à l’annexe XIII. »

32

Ainsi que le prévoit cet article 16 bis, paragraphe 1, l’annexe X du règlement no 1560/2003 contient un modèle de la brochure commune mentionnée à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement Dublin III et à l’article 29, paragraphe 3, du règlement Eurodac (ci-après la « brochure commune »). La partie A de cette annexe, intitulée « Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d’une protection internationale en vertu de l’article 4 du [règlement Dublin III] », regroupe un certain nombre d’explications relatives à la procédure de détermination de l’État membre responsable et à son application concrète ainsi qu’à l’application du règlement Eurodac, des informations relatives aux droits de la personne concernée ainsi que diverses recommandations et demandes à son intention visant au bon déroulement de cette procédure. Dans la partie finale de cette partie A figurent un encadré et une note en bas de page s’y rapportant, libellés comme suit :

« Si nous estimons qu’un autre [État membre] pourrait être responsable de l’examen de votre demande d’asile, vous recevrez des informations plus détaillées sur cette procédure et sur la manière dont elle vous affecte et affecte vos droits (1).

[...]

(1) Ces informations sont celles de la partie B de la présente annexe. »

33

La partie B de ladite annexe, intitulée « Procédure de Dublin – Informations pour les demandeurs d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure de Dublin en vertu de l’article 4 du [règlement Dublin III] » contient le modèle de brochure commune qui est remise à la personne concernée lorsque les autorités nationales compétentes ont des raisons de croire qu’un autre État membre pourrait être responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Elle prévoit des explications plus spécifiques relatives à la procédure applicable dans ce cas ainsi, là également, que des informations sur les droits de la personne concernée et diverses recommandations et demandes à son intention visant au bon déroulement de la procédure. Dans le corps de cette partie B figure la mention suivante, assortie d’une note :

« – vos empreintes digitales ont été relevées dans un autre [État membre] [et stockées dans la base de données européenne Eurodac (1)] ;

[…]

(1) Vous trouverez davantage d’informations sur le système Eurodac à la partie A, section “Pourquoi demande-t-on à relever mes empreintes digitales ?” »

34

L’annexe XIII du règlement no 1560/2003 prévoit le modèle des « Informations destinées aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides séjournant illégalement dans un État membre, conformément à l’article 29, paragraphe 3, du règlement [Eurodac] ». Cette annexe comporte notamment les mentions et la note suivantes :

« Si vous séjournez illégalement dans un [État membre] [...], les autorités sont autorisées à relever vos empreintes digitales et à les transmettre à une base de données des empreintes digitales (“données dactyloscopiques”) dénommée “Eurodac”. Cela sert uniquement à voir si vous avez déjà introduit une demande d’asile précédemment. Vos données dactyloscopiques ne seront pas conservées dans la base de données Eurodac, mais, si vous avez déjà introduit une demande d’asile dans un autre [État membre], vous pouvez être renvoyé dans ce pays.

[...]

Si nos autorités estiment que vous pourriez avoir introduit une demande de protection internationale dans un autre [État membre] qui serait susceptible d’être responsable de l’examen de cette demande, vous recevrez des informations plus détaillées concernant la procédure qui suivra et ses incidences pour vous-même et pour vos droits (2)

[...]

(2) Les informations fournies sont celles visées à la partie B de l’annexe X. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C‑228/21

35

CZA a introduit une demande de protection internationale en Italie. Après vérification, la République italienne a requis la République de Slovénie, État membre dans lequel CZA avait précédemment introduit une première demande de protection internationale, aux fins de reprise en charge au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III, reprise en charge qui a été acceptée le 16 avril 2018.

36

CZA a contesté la décision de transfert prise à son égard devant le Tribunale di Catanzaro (tribunal de Catanzaro, Italie), lequel a annulé cette décision au motif que l’obligation d’information énoncée à l’article 4 du règlement Dublin III n’avait pas été respectée.

37

Le ministère de l’Intérieur a formé un pourvoi contre cette décision devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-228/21, en se prévalant d’une application incorrecte de l’article 4 du règlement Dublin III.

38

C’est dans ce contexte que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 4 du [règlement Dublin III] doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 27 [de ce] règlement contre une décision de transfert adoptée par un État membre conformément au mécanisme de l’article 26 [dudit] règlement et au titre de l’obligation de reprise en charge énoncée à l’article 18, paragraphe 1, sous b), [du même] règlement, le demandeur de protection internationale peut tirer grief du simple fait que l’État ayant pris la décision de transfert ne lui a pas remis la brochure commune visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement [Dublin III] ?

2)

L’article 27 du [règlement Dublin III], lu en combinaison avec les considérants 18 et 19 et avec l’article 4 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que, en cas de violation avérée des obligations énoncées à l’article 4 [dudit règlement], le recours effectif exige du juge qu’il adopte une décision annulant la décision de transfert ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question, l’article 27 du [règlement Dublin III], lu en combinaison avec les considérants 18 et 19 et avec l’article 4 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que, en cas de violation avérée des obligations énoncées à l’article 4 [dudit règlement], le recours effectif exige du juge qu’il vérifie la portée de cette violation à la lumière des circonstances mises en avant par le requérant et permet que la décision de transfert soit confirmée chaque fois qu’il n’y a aucun motif justifiant d’adopter une décision de transfert différente dans son contenu ? »

L’affaire C‑254/21

39

DG, qui affirme être un ressortissant afghan, a introduit en Suède une demande de protection internationale qui a été définitivement rejetée.

40

Entre-temps, DG s’est rendu en Italie où il a introduit une seconde demande de protection internationale. La République italienne, après une vérification dans la base de données Eurodac, a requis le Royaume de Suède aux fins de reprise en charge au titre de l’article 18, sous d), du règlement Dublin III, reprise que ce dernier État membre a acceptée, menant à l’adoption, par la République italienne, d’une décision de transfert.

41

DG a contesté cette décision de transfert devant le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-254/21, pour violation de l’article 4 de la Charte et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

42

Selon DG, le Royaume de Suède a rejeté sa demande de protection internationale sans apprécier la situation générale de violence aveugle existant en Afghanistan. La décision de transfert de la République italienne violerait l’article 4 de la Charte en raison du risque de « refoulement indirect » auquel cette décision exposerait DG, en ce sens qu’elle serait susceptible de mener le Royaume de Suède à le refouler vers l’Afghanistan, pays tiers dans lequel il se trouverait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants. En conséquence, DG demande à la juridiction de renvoi de déclarer la République italienne responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en application de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

43

Le ministère de l’Intérieur conteste le bien-fondé de cette demande. La demande de protection internationale serait examinée par un seul État membre, en l’occurrence le Royaume de Suède. L’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III aurait une portée circonscrite aux cas de regroupement familial ou justifiés par des raisons humanitaires et de bienveillance particulières.

44

C’est dans ce contexte que le Tribunale di Roma (tribunal de Rome) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens que, dans les circonstances de l’affaire au principal, les articles 4 et 19 de [la] Charte assurent une protection également contre le risque de refoulement indirect consécutif au transfert vers un État membre de l’Union européenne qui a déjà examiné et rejeté la première demande de protection internationale et dans lequel il n’existe pas de défaillance systémique au sens de l’article 3, paragraphe 2, du [règlement Dublin III] (lorsqu’il n’y a pas d’autres États membres responsables en application des critères énoncés aux chapitres III et IV) ?

2)

La juridiction de l’État membre dans lequel la seconde demande de protection internationale a été introduite, qui est saisie d’un recours au titre de l’article 27 du [règlement Dublin III] et qui est donc compétente pour apprécier le transfert au sein de l’Union mais non pour statuer sur la demande de protection, doit-elle évaluer comme existant le risque de refoulement indirect vers un pays tiers, lorsque l’État membre où a été introduite la première demande de protection internationale a apprécié différemment la notion de “protection à l’intérieur du pays” visée à l’article 8 de la [directive 2011/95] ?

3)

L’évaluation du risque de refoulement indirect consécutive à l’interprétation différente du besoin de “protection à l’intérieur du pays” par deux États membres est-elle compatible avec l’article 3, paragraphe 1, [...] du [règlement Dublin III] et avec l’interdiction générale faite aux ressortissants de pays tiers de choisir [l’État membre] dans lequel introduire leur demande de protection internationale ?

4)

En cas de réponse affirmative aux questions précédentes :

a)

L’appréciation de l’existence d’un risque de refoulement indirect, effectuée par la juridiction de l’État dans lequel le demandeur a introduit la seconde demande de protection internationale à la suite du rejet de sa première demande, nécessite-t-elle d’appliquer la clause visée à l’article 17, paragraphe 1, et qualifiée dans le [règlement Dublin III] de “clause discrétionnaire” ?

b)

Quels critères la juridiction saisie au titre de l’article 27 du [règlement Dublin III] doit-elle utiliser pour évaluer le risque de refoulement indirect, outre ceux énoncés aux chapitres III et IV, étant donné que ce risque a déjà été exclu par l’État qui a examiné la première demande de protection internationale ? »

L’affaire C‑297/21

45

XXX.XX, qui affirme être un ressortissant afghan, a introduit en Allemagne une demande de protection internationale qui a été définitivement rejetée et suivie d’une mesure d’éloignement devenue définitive.

46

Entre-temps, XXX.XX s’est rendu en Italie où il a introduit une seconde demande de protection internationale. La République italienne, après une vérification dans la base de données Eurodac, a requis la République fédérale d’Allemagne aux fins de reprise en charge au titre de l’article 18, sous d), du règlement Dublin III, reprise que ce dernier État membre a acceptée, menant à l’adoption par la République italienne d’une décision de transfert.

47

XXX.XX a contesté cette décision de transfert devant le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-297/21, pour violation de l’article 4 de la Charte ainsi que de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

48

Selon XXX.XX, la République italienne a rejeté sa demande sans apprécier la situation générale de violence aveugle existant en Afghanistan. Ladite décision de transfert violerait l’article 4 de la Charte en raison du risque de « refoulement indirect » auquel cette décision exposerait XXX.XX, en ce sens qu’elle serait susceptible de mener la République fédérale d’Allemagne à le refouler vers l’Afghanistan. En conséquence, XXX.XX demande à la juridiction de renvoi d’annuler la décision de transfert dont il fait l’objet et d’appliquer à son profit l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

49

Le ministère de l’Intérieur conteste le bien-fondé de cette demande. La demande de protection internationale ne pourrait être examinée que par un seul État membre, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne. L’objet de la procédure ouverte par un recours contre une décision de transfert adoptée au titre de l’article 18 du règlement Dublin III serait non pas d’évaluer une nouvelle fois le risque lié à un éventuel « refoulement » vers le pays d’origine, mais d’apprécier la légalité de la décision de transfert vers l’Allemagne, étant précisé que cet État membre est tenu de respecter l’interdiction absolue de renvoyer XXX.XX vers un pays tiers où il pourrait être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.

50

Dans ces conditions, le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

À titre principal, l’article 17, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] doit-il être interprété, en vertu des articles 19 et 47 de la [Charte] et de l’article 27 [de ce] règlement, en ce sens que la juridiction de l’État membre saisie d’un recours dirigé contre une décision [du ministère de l’Intérieur] peut déclarer que l’État qui devrait transférer le demandeur au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), [dudit règlement] est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, lorsqu’elle constate qu’il existe, dans l’État membre responsable, un risque de violation du principe de non-refoulement du fait du refoulement du demandeur vers son pays d’origine, où il serait exposé à un risque de mort ou de traitements inhumains ou dégradants ?

2)

À titre subsidiaire, l’article 3, paragraphe 2, du [règlement Dublin III] doit-il être interprété, en vertu des articles 19 et 47 de la [Charte] et de l’article 27 [de ce] règlement, en ce sens que la juridiction peut déclarer que l’État tenu de transférer le demandeur au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), [dudit] règlement est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, lorsqu’il est établi :

a)

qu’il existe, dans l’État membre responsable, un risque de violation du principe de non-refoulement du fait du refoulement du demandeur vers son pays d’origine, où il serait exposé à un risque de mort ou de traitements inhumains ou dégradants ;

b)

qu’il est impossible de transférer le demandeur vers un autre État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III du [règlement Dublin III] ? »

L’affaire C‑315/21

51

PP, né au Pakistan, a introduit une demande de protection internationale en Allemagne.

52

PP s’est rendu en Italie où il a introduit une seconde demande de protection internationale. La République italienne, après une vérification dans la base de données Eurodac, a requis la République fédérale d’Allemagne aux fins de reprise en charge au titre de l’article 18, sous b), du règlement Dublin III, reprise que ce dernier État membre a acceptée au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du même règlement, menant à l’adoption, par la République italienne, d’une décision de transfert.

53

PP a demandé l’annulation de cette décision de transfert devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C-315/21, d’une part, pour violation de son droit à l’information, établi à l’article 4 du règlement Dublin III, et, d’autre part, au motif que cette décision le soumet illégalement au risque d’un « refoulement indirect » par la République fédérale d’Allemagne vers le Pakistan.

54

Le ministère de l’Intérieur conteste le bien-fondé de ces prétentions. D’une part, il aurait rapporté la preuve que l’entretien individuel visé à l’article 5 du règlement Dublin III a été mené et, d’autre part, il résulterait de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) que la juridiction de renvoi dans cette affaire ne serait pas compétente pour constater des irrégularités formelles tenant au non-respect du règlement Dublin III ni examiner au fond la situation de PP, dans la mesure où cet examen incomberait à l’État membre déjà tenu pour responsable, à savoir la République fédérale d’Allemagne. En outre, le non-respect de l’article 4 du règlement Dublin III serait insuffisant pour invalider la décision de transfert dont PP fait l’objet en l’absence d’atteinte concrète aux droits de ce dernier.

55

S’agissant du risque de « refoulement indirect », le ministère de l’Intérieur fait valoir que l’article 18, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement Dublin III, en vertu duquel l’État membre responsable doit veiller à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d’un recours effectif, devrait être considéré comme étant respecté dans tous les États membres, dans la mesure où cette obligation résulte d’un règlement de l’Union, directement applicable. De même, le principe général de non-refoulement consacré dans la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], entrée en vigueur le 22 avril 1954, et ratifiée par tous les États membres, serait garanti. Compte tenu de la confiance mutuelle devant gouverner les relations entre États membres, les juridictions d’un État membre ne pourraient donc pas vérifier si la possibilité de recours contre le rejet d’une demande de protection internationale est garantie dans un autre État membre, désigné comme étant l’État membre responsable.

56

Dans ces conditions, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les articles 4 et 5 du [règlement Dublin III] doivent-ils être interprétés en ce sens que leur non-respect entraîne à lui seul l’illégalité de la décision attaquée au titre de l’article 27 du même règlement, indépendamment des conséquences concrètes du non-respect susmentionné sur le contenu de la décision et sur la détermination de l’État membre responsable ?

2)

L’article 27 du [règlement Dublin III], lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, sous a), ou avec l’article 18, paragraphe [1], sous b) à d), et avec l’article 20, paragraphe 5, [de ce] règlement, doit-il être interprété en ce sens qu’il définit des objets de recours différents les uns des autres, différents moyens à invoquer dans le cadre d’un recours juridictionnel et différentes formes de non-respect des obligations d’information et d’entretien individuel visées aux articles 4 et 5 [dudit] règlement ?

3)

En cas de réponse affirmative à la [deuxième] question, les articles 4 et 5 du [règlement Dublin III] doivent-ils être interprétés en ce sens que les garanties d’information qui y sont prévues doivent être assurées uniquement dans le cas visé à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et non pas dans le cadre d’une procédure de reprise en charge ou bien doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans le cadre de cette dernière procédure, il faut au moins respecter les obligations d’information se rapportant à la cessation de la responsabilité visée à l’article 19 [dudit règlement] ou celles se rapportant aux défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], visées à l’article 3, paragraphe 2, du [règlement Dublin III] ?

4)

L’article 3, paragraphe 2, du [règlement Dublin III] doit-il être interprété en ce sens que les “défaillances systémiques dans la procédure d’asile” comprennent également les conséquences éventuelles des décisions définitives de rejet de la demande de protection internationale adoptées par la juridiction de l’État membre reprenant en charge le demandeur, si la juridiction saisie au titre de l’article 27 du même règlement estime qu’il existe un risque réel pour le demandeur d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants dans le cas où l’État membre susmentionné le renverrait dans son pays d’origine, compte tenu notamment du fait qu’il existe un conflit armé généralisé au sens de l’article 15, sous c), de la [directive 2011/95] ? »

L’affaire C‑328/21

57

GE, originaire d’Iraq, a introduit une demande de protection internationale en Finlande.

58

GE s’est ensuite rendu en Italie où il a été signalé pour séjour irrégulier. La République italienne, après une vérification dans la base de données Eurodac, a requis la République de Finlande aux fins de reprise en charge au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III, reprise que ce dernier État membre a acceptée au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du même règlement, menant à l’adoption par la République italienne d’une décision de transfert.

59

GE conteste cette décision de transfert devant le Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste, Italie), qui est la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑328/21. À l’appui de son recours, il soutient que ladite décision de transfert viole l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, le principe de non-refoulement, l’article 17 du règlement Eurodac, l’article 20 du règlement Dublin III ainsi que les obligations d’information prévues à l’article 29 du règlement Eurodac et à l’article 4 du règlement Dublin III.

60

Le ministère de l’Intérieur conteste le bien-fondé de ces prétentions.

61

Dans ces conditions, le Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quelles sont les conséquences juridiques imposées par le droit de l’Union en ce qui concerne les ordres de transfert de reprise en vertu [des dispositions] du chapitre VI, section III, du [règlement Dublin III], si l’État membre n’a pas fourni les informations requises par l’article 4 du même règlement et l’article 29 du [règlement Eurodac] ?

2)

En particulier, lorsqu’un recours complet et effectif a été formé contre la décision de transfert :

a)

L’article 27 du [règlement Dublin III] doit-il être interprété :

en ce sens que le défaut de délivrance de la brochure commune prévue à l’article 4, paragraphes 2 et 3, [de ce] règlement à une personne se trouvant dans les conditions décrites à l’article 23 paragraphe 1, [dudit] règlement détermine en soi la nullité irrémédiable de l’ordre de transfert (et éventuellement aussi la compétence pour connaître de la demande de protection internationale par l’État membre auquel la personne a présenté la nouvelle demande) ;

ou en ce sens qu’il appartient au requérant de prouver en justice que si la brochure commune lui avait été remise, la procédure aurait eu une issue différente ?

b)

L’article 27 du [règlement Dublin III] doit-il-être interprété :

en ce sens que l’absence de remise de la brochure commune prévue à l’article 29 du [règlement Eurodac] à une personne se trouvant dans les conditions décrites à l’article 24, paragraphe 1, du [règlement Dublin III], détermine en soi la nullité irrémédiable de l’ordre de transfert (et éventuellement aussi l’offre nécessaire qui en découle de la possibilité de présenter une nouvelle demande de protection internationale) ;

ou en ce sens qu’il incombe au requérant de prouver en justice que si la brochure commune lui avait été remise, la procédure aurait eu une issue différente ? »

La procédure devant la Cour

62

Les juridictions de renvoi dans les affaires C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21 ont demandé l’application de la procédure accélérée ou du traitement prioritaire prévus, respectivement, à l’article 105 et à l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour.

63

Au soutien de ces demandes, ces juridictions invoquent, en substance, le souci de lever la situation d’incertitude dans laquelle se trouvent les personnes concernées, la nécessité découlant tant du droit de l’Union que du droit national que les décisions au principal soient adoptées avec célérité, singulièrement compte tenu du nombre important de procédures en cours portant sur des questions analogues, ainsi que l’urgence qu’il y aurait à mettre fin aux divergences caractérisant la jurisprudence nationale en la matière.

64

Par décisions du président de la Cour des 14 juin et 6 juillet 2021, lesdites juridictions ont été informées du rejet des demandes de procédure accélérée. Ces décisions reposent, en substance, sur les motifs suivants. D’une part, les effets des décisions de transfert en cause dans ces affaires ont été suspendus dans l’attente de la réponse de la Cour. D’autre part, les arguments invoqués par les mêmes juridictions n’étaient pas susceptibles de démontrer le besoin de statuer dans le cadre de la procédure accélérée conformément à l’article 105 du règlement de procédure.

65

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne sauraient suffire, en tant que tels, à justifier le recours à la procédure accélérée, ni le simple intérêt des justiciables, pour important et légitime qu’il soit, à ce que soit déterminée le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union, ni le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel (ordonnance du président de la Cour du 22 novembre 2018, Globalcaja, C‑617/18, EU:C:2018:953, points 13 et 14 ainsi que jurisprudence citée), ni l’argument tiré de ce que toute demande de décision préjudicielle portant sur le règlement Dublin III exigerait une réponse donnée avec célérité (ordonnance du président de la Cour du 20 décembre 2017, M. A. e.a., C‑661/17, EU:C:2017:1024, point 17 et jurisprudence citée), ni la circonstance que la demande de décision préjudicielle a été introduite dans le cadre d’une procédure ayant, dans le système national, un caractère urgent ou que la juridiction de renvoi est tenue de tout mettre en œuvre pour assurer un règlement rapide de l’affaire au principal (ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2017, Hassan, C‑647/16, EU:C:2017:67, point 12 et jurisprudence citée), ni, enfin, le besoin d’unifier la jurisprudence nationale divergente (ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2018, Oro Efectivo, C‑185/18, EU:C:2018:298, point 17).

66

En ce qui concerne les demandes de traitement prioritaire, les juridictions de renvoi dans les affaires C‑315/21 et C‑328/21 ont été informées qu’il n’y avait pas lieu de traiter ces affaires par priorité en application de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure, cette décision du président de la Cour ne constituant pas un rejet de leurs demandes, dans la mesure où le règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité, pour une juridiction de renvoi, de demander le traitement prioritaire d’une demande de décision préjudicielle sur le fondement de cette disposition.

67

Par décision du 6 juillet 2021, les affaires C‑228/21, C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

68

Les demandes de décision préjudicielle ont été introduites dans le cadre de contentieux relatifs à la légalité de décisions de transfert prises, en vertu des dispositions nationales mettant en œuvre l’article 26, paragraphe 1, du règlement Dublin III, par le ministère de l’Intérieur.

69

Dans toutes les affaires au principal, les décisions de transfert furent adoptées à l’égard des personnes concernées aux fins non pas de leur prise en charge par l’État membre requis, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement Dublin III, mais de leur reprise en charge par cet État membre, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous b) ou d), de ce règlement, selon le cas.

70

Selon les affaires au principal, l’une, l’autre, ou les deux problématiques suivantes sont soulevées.

71

La première problématique, en cause dans les affaires C‑228/21, C‑315/21 et C‑328/21, concerne le droit à l’information, visé à l’article 4 du règlement Dublin III et à l’article 29 du règlement Eurodac, ainsi que la tenue de l’entretien individuel, visé à l’article 5 du règlement Dublin III. Plus particulièrement, elle concerne les conséquences à tirer, pour la légalité de la décision de transfert, de l’absence de communication de la brochure commune mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement Dublin III et à l’article 29, paragraphe 3, du règlement Eurodac, ainsi que de l’absence de tenue de l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III.

72

La seconde problématique, en cause dans les affaires C‑254/21, C‑297/21 et C‑315/21, concerne la prise en compte, par le juge chargé de l’examen de la légalité de la décision de transfert, du risque lié à un « refoulement indirect » de la personne concernée et, partant, de violation du principe de non-refoulement par l’État membre responsable.

Sur les questions dans les affaires C‑228/21 et C‑328/21 ainsi que sur les deux premières questions dans l’affaire C‑315/21

73

Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi dans les affaires C‑228/21, C-315/21 et C‑328/21 demandent, en substance, si le règlement Dublin III, notamment ses articles 4, 5 et 27, ainsi que le règlement Eurodac, notamment son article 29, doivent être interprétés en ce sens que l’absence de remise de la brochure commune et/ou l’absence de tenue de l’entretien individuel prévues par ces dispositions impliquent la nullité de la décision de transfert adoptée dans le cadre d’une procédure de reprise en charge d’une personne visée à l’article 23, paragraphe 1, ou à l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III, indépendamment des conséquences concrètes du non-respect susmentionné sur le contenu de cette décision de transfert et sur la détermination de l’État membre responsable.

74

C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les portées respectives du droit à l’information et du droit à l’entretien individuel, puis les conséquences attachées à la violation de ces droits.

Sur le droit à l’information (article 4 du règlement Dublin III et article 29 du règlement Eurodac)

75

Il convient, d’emblée, de relever que les affaires au principal concernent des décisions de transfert adoptées dans le cadre non pas de procédures de prise en charge en vertu de l’article 21 du règlement Dublin III, mais de procédures de reprise en charge de personnes mentionnées aux articles 23 et 24 de ce règlement. Plus particulièrement, dans l’affaire C‑228/21, cette reprise en charge concerne une personne ayant déposé précédemment une demande de protection internationale dans un autre État membre où elle est en cours d’examen, ce qui constitue la situation visée par l’article 18, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. Par ailleurs, dans les affaires C‑315/21 et C‑328/21, la reprise en charge concerne des personnes ayant chacune déposé précédemment une demande de protection internationale dans un autre État membre où elle a été rejetée, ce qui correspond à la situation visée par l’article 18, paragraphe 1, sous d), dudit règlement.

76

En outre, dans les affaires C‑228/21 et C‑315/21, les personnes concernées ont chacune déposé une demande d’asile subséquente en Italie, tandis que, dans l’affaire C‑328/21, il ressort de la demande de décision préjudicielle que GE n’a pas déposé de demande de protection internationale en Italie, mais s’y trouvait en situation irrégulière. Il ressort toutefois du dossier dont dispose la Cour dans cette affaire que GE soutient n’avoir été traité comme tel que parce que le ministère de l’Intérieur n’a pas dûment pris en compte sa demande de protection internationale, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier.

77

C’est dans ce contexte de demandes de protection internationale subséquentes (affaires C‑228/21 et C‑315/21) et, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, d’un séjour irrégulier subséquent à une demande de protection internationale déposée dans un autre État membre (affaire C‑328/21) qu’est posée à la Cour la question de savoir si et dans quelle mesure l’obligation d’information prévue à l’article 4 du règlement Dublin III et celle prévue à l’article 29, paragraphe 1, du règlement Eurodac s’imposent à l’État membre.

78

Pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA e.a., C‑105/18 à C‑113/18, EU:C:2019:935, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

79

D’abord, s’agissant du libellé des dispositions en cause et, en premier lieu, de celui de l’article 4 du règlement Dublin III, il convient de relever, premièrement, que, selon le paragraphe 2 de cet article 4, « [l]es informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit » et que « [l]es États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 ». Deuxièmement, ni le paragraphe 1 dudit article 4, ni le renvoi qu’il comporte à l’article 20, paragraphe 2, du même règlement ne distinguent selon que la demande de protection internationale qu’ils visent est une première demande ou une demande subséquente. En particulier, cette dernière disposition décrit de manière générale le moment où une demande de protection internationale est réputée avoir été introduite. Elle ne saurait donc être comprise comme se rapportant uniquement à une première demande. Au demeurant et comme Mme l’avocate générale l’a indiqué au point 75 de ses conclusions, cette interprétation se déduit également de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, in fine, du règlement Dublin III, qui renvoie à l’article 20, paragraphe 2, du même règlement s’agissant d’une demande de protection internationale subséquente à une première demande.

80

Il découle de ce qui précède que, selon son interprétation littérale, l’article 4 du règlement Dublin III requiert la communication de la brochure commune dès qu’une demande de protection internationale est introduite, indépendamment du fait qu’il s’agit, ou pas, d’une première demande.

81

En ce qui concerne, en second lieu, l’article 29 du règlement Eurodac, visé par la deuxième question, sous b), dans l’affaire C‑328/21, il convient de relever, premièrement, que le paragraphe 1, sous b), de cet article dispose que « [t]oute personne relevant de [...] l’article 17, paragraphe 1 », c’est-à-dire tout ressortissant de pays tiers ou apatride séjournant illégalement sur le territoire d’un État membre, « est informée par l’État membre d’origine par écrit [...] de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du [règlement Dublin III], conformément à l’article 4 dudit règlement [...] ».

82

Deuxièmement, l’article 29, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Eurodac précise que, « [d]ans le cas de personnes relevant de l’article 17, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au plus tard au moment où les données concernant cette personne sont transmises au système central. [...] ».

83

Troisièmement, l’article 29, paragraphe 3, du règlement Eurodac dispose qu’« [une] brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l’article 4, paragraphe 1, du [règlement Dublin III] est réalisée conformément à la procédure visée à l’article 44, paragraphe 2, dudit règlement ».

84

Il s’ensuit que, selon son interprétation littérale, l’article 29 du règlement Eurodac requiert la communication de la brochure commune à tout ressortissant de pays tiers ou apatride séjournant illégalement sur le territoire d’un État membre et dont les empreintes digitales sont prélevées et transmises au système central, cette communication devant intervenir au plus tard au moment de cette transmission, indépendamment du point de savoir si cette personne a, ou non, déposé précédemment une demande de protection internationale dans un autre État membre.

85

Ensuite, ces interprétations littérales de l’article 4 du règlement Dublin III et de l’article 29 du règlement Eurodac sont corroborées par le contexte normatif dans lequel ces dispositions s’inscrivent.

86

S’agissant, en premier lieu, de l’article 4 du règlement Dublin III, celui‑ci figure dans le chapitre II, intitulé « Principes généraux et garanties », de ce règlement. Comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 76 de ses conclusions, les dispositions de ce chapitre ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des situations relevant du champ d’application du règlement Dublin III, et, partant, non pas seulement à une situation particulière, telle que l’introduction pour la première fois d’une demande de protection internationale.

87

Il ressort, par ailleurs, de l’article 16 bis, paragraphe 1, du règlement no 1560/2003 que la brochure commune figurant à l’annexe X de ce règlement est destinée à informer « tous » les demandeurs de protection internationale des dispositions du règlement Dublin III et du règlement Eurodac. Cette annexe X est scindée en deux parties, à savoir partie A et partie B. La partie A de cette annexe contient un modèle de la brochure commune destinée à tout demandeur de protection internationale, quelle que soit sa situation. La partie B de ladite annexe contient un modèle de la brochure commune qui est destinée, en outre, à être remise à la personne concernée dans tous les cas où l’État membre estime qu’un autre État membre pourrait être responsable de l’examen de la demande d’asile, y compris, eu égard à la généralité des termes contenus dans l’encadré et la note en bas de page s’y rapportant figurant dans cette partie A, visés au point 32 du présent arrêt, lorsque c’est à l’occasion du dépôt d’une demande de protection internationale subséquente que l’État membre qui en est saisi considère que c’est un autre État membre qui pourrait être responsable de l’examen de cette demande.

88

S’agissant, en second lieu, de l’article 29 du règlement Eurodac, il convient d’avoir égard au fait que l’article 1er de ce règlement dispose que le système Eurodac a pour objet de « contribuer à déterminer l’État membre qui, en vertu du règlement [Dublin III], est responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans un État membre par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et de faciliter à d’autres égards l’application du règlement [Dublin III] dans les conditions prévues par le présent règlement ».

89

À cet égard, l’annexe XIII du règlement no 1560/2003, intitulée « Informations destinées aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides séjournant illégalement dans un État membre, conformément à l’article 29, paragraphe 3, du règlement [Eurodac] », a pour objet d’informer la personne concernée que les autorités compétentes de l’État membre dans lequel elle séjourne illégalement peuvent relever ses empreintes digitales, selon la faculté qui leur en est donnée par l’article 17 du règlement Eurodac et qu’il leur incombe d’exercer lorsqu’elles estiment nécessaire de vérifier si cette personne n’a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre. Cette annexe XIII contient un encadré et une note en bas de page s’y rapportant, visés au point 34 du présent arrêt, dans laquelle il est précisé, à l’attention de la personne en situation de séjour illégal, que, si les autorités compétentes estiment que cette personne pourrait avoir introduit une telle demande dans un autre État membre qui serait susceptible d’être responsable de son examen, ladite personne recevra des informations plus détaillées concernant la procédure qui suivra et ses incidences sur elle et pour ses droits, ces informations étant celles figurant dans la partie B de l’annexe X du règlement no 1560/2003.

90

Ce contexte normatif confirme qu’un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur le territoire d’un État membre et dont les empreintes digitales sont prélevées et transmises au système central par l’autorité compétente de cet État membre, en exécution de l’article 17 du règlement Eurodac, aux fins de vérifier l’existence d’une éventuelle demande de protection internationale déjà déposée dans un autre État membre, doit recevoir la communication, par les autorités nationales compétentes, de la brochure commune. Il convient d’ajouter que cette communication doit couvrir tant la partie B de l’annexe X du règlement no 1560/2003, relative au cas où les autorités compétentes ont des raisons de croire qu’un autre État membre pourrait être responsable de l’examen de la demande de protection internationale, que la partie A de cette annexe, dans laquelle est concentré l’essentiel des informations relatives à Eurodac, ainsi que le reflète d’ailleurs la note en bas de page figurant dans la partie B de cette annexe, mentionnée au point 33 du présent arrêt.

91

Enfin, en ce qui concerne la finalité de l’obligation d’information, le gouvernement italien et la Commission font valoir, dans leurs observations, en se fondant sur l’arrêt du 2 avril 2019, H. et R. (C‑582/17 et C‑583/17, EU:C:2019:280), que celle-ci s’inscrit dans le contexte de la détermination de l’État membre responsable.

92

Selon ces parties intéressées, dans le cas des procédures de reprise en charge au titre des articles 23 ou 24 du règlement Dublin III, procédures qui sont applicables aux personnes visées à l’article 20, paragraphe 5, ou à l’article 18, paragraphe 1, sous b), c) ou d), de ce règlement, l’opération de détermination de l’État membre responsable est, dans les hypothèses visées par cette dernière disposition, déjà achevée dans un État membre ou, dans l’hypothèse visée par cet article 20, paragraphe 5, interrompue ou toujours en cours, dans un État membre auquel il incombe de la mener à son terme. Ainsi, il n’appartiendrait pas à l’État membre requérant, dans le cadre de la procédure de reprise en charge, de procéder à une détermination, à savoir celle de l’État membre responsable, qui incomberait, qu’elle soit achevée ou non, à un autre État membre.

93

Partant, le gouvernement italien et la Commission considèrent que la communication de la brochure commune, en exécution des obligations d’information prévues à l’article 4 du règlement Dublin III et à l’article 29 du règlement Eurodac, ne poursuivrait pas de finalité utile dans le contexte d’une procédure de reprise en charge, pour ce qui est, à tout le moins, de la question de la détermination de l’État membre responsable.

94

À cet égard, il convient, cependant, de relever que la question de la détermination de l’État membre responsable n’est pas nécessairement définitivement close au stade de la procédure de reprise en charge.

95

Certes, la Cour a jugé, en substance, aux points 67 à 80 de l’arrêt du 2 avril 2019, H. et R. (C‑582/17 et C‑583/17, EU:C:2019:280), que, dès lors que la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale est déjà établie, il n’y a pas lieu de procéder à une nouvelle application des règles régissant le processus de détermination de cette responsabilité, au premier rang desquelles figurent les critères énoncés au chapitre III du règlement Dublin III.

96

Pour autant, le fait de ne pas devoir procéder à une telle nouvelle détermination de l’État membre responsable ne signifie pas, comme l’a également relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 81 de ses conclusions, que l’État membre qui envisage d’introduire ou qui a introduit une requête aux fins de reprise en charge peut ignorer des éléments d’information qu’un demandeur lui communiquerait et qui seraient de nature à faire obstacle à une telle demande de reprise en charge ainsi qu’au transfert subséquent de cette personne vers l’État membre requis.

97

En effet, peuvent aboutir à modifier la détermination de l’État membre responsable, des éléments de preuve relatifs à une cessation de la responsabilité de l’État membre requis en vertu des dispositions de l’article 19 du règlement Dublin III (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Karim, C‑155/15, EU:C:2016:410, point 27), au non-respect du délai de présentation de la demande de reprise en charge visé à l’article 23, paragraphe 3, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, point 55), au non-respect par l’État membre requérant du délai de transfert visé à l’article 29, paragraphe 2, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Shiri, C‑201/16, EU:C:2017:805, point 46), à l’existence de défaillances systémiques dans l’État membre requis, visée à l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C‑163/17, EU:C:2019:218, points 85 et 86), ou encore à l’existence, eu égard à l’état de santé de la personne concernée, d’un risque réel et avéré de traitements inhumains ou dégradants en cas de transfert dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a., C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 96).

98

Par ailleurs, la Cour a jugé qu’un État membre ne saurait, conformément au principe de coopération loyale, valablement formuler une requête aux fins de reprise en charge, dans une situation couverte par l’article 20, paragraphe 5, du règlement Dublin III, lorsque la personne concernée lui a transmis des éléments établissant de manière manifeste que cet État membre doit être considéré comme étant l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale en application des critères de responsabilité énoncés aux articles 8 à 10 dudit règlement. Dans une telle situation, il appartient, au contraire, audit État membre d’admettre sa propre responsabilité (arrêt du 2 avril 2019, H. et R., C‑582/17 et C‑583/17, EU:C:2019:280, point 83).

99

Enfin, l’article 7, paragraphe 3, du règlement Dublin III dispose expressément que, « en vue d’appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d’un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu’un autre État membre n’accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n’aient pas encore fait l’objet d’une première décision sur le fond ».

100

Il découle des points 96 à 99 du présent arrêt que, contrairement à ce qu’ont soutenu le gouvernement italien et la Commission, la personne concernée peut faire valoir un certain nombre de considérations susceptibles, dans les situations visées à l’article 18, paragraphe 1, sous b), c) ou d), du règlement Dublin III, de modifier la détermination de l’État membre responsable précédemment intervenue dans un autre État membre ou, dans une situation couverte par l’article 20, paragraphe 5, de ce règlement, d’influer sur une telle détermination.

101

Par suite, la finalité de la communication de la brochure commune, dont l’objet est de fournir à la personne concernée des informations relatives à l’application du règlement Dublin III et à ses droits dans le contexte de la détermination de l’État membre responsable, conforte, à son tour, les interprétations de l’article 4 du règlement de Dublin III et de l’article 29 du règlement Eurodac découlant du libellé de ces dispositions et énoncées aux points 80 et 84 du présent arrêt.

102

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 4 du règlement Dublin III et l’article 29 du règlement Eurodac doivent être interprétés en ce sens que l’obligation de fournir les informations qui y sont visées, en particulier la brochure commune, s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Eurodac, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

Sur l’entretien individuel (article 5 du règlement Dublin III)

103

Il résulte de l’article 5, paragraphe 1, du règlement Dublin III que, afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur et que cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4 de ce règlement.

104

Dans ces conditions, les considérations relatives à l’obligation d’information, figurant aux points 96 à 100 du présent arrêt, sont pertinentes également en ce qui concerne l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III.

105

En effet, si la brochure commune est destinée à informer la personne concernée au sujet de l’application du règlement Dublin III, l’entretien individuel constitue le moyen de vérifier que cette personne comprend les informations qui lui sont fournies dans cette brochure et il constitue une occasion privilégiée, voire la garantie, pour celle-ci, de pouvoir communiquer à l’autorité compétente des éléments d’information susceptibles d’amener l’État membre concerné à ne pas présenter à un autre État membre une requête aux fins de reprise en charge, voire, le cas échéant, à faire obstacle au transfert de ladite personne.

106

Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’ont soutenu le gouvernement italien et la Commission, l’article 5 du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que l’obligation de tenir l’entretien individuel qui y est visé s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Eurodac, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

Sur les conséquences de la violation du droit à l’information et du droit à l’entretien individuel

107

Comme la Cour l’a déjà jugé, le libellé de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, qui prévoit que la personne faisant l’objet d’une décision de transfert dispose d’un droit de recours effectif contre une telle décision, ne mentionne aucune limitation des arguments susceptibles d’être invoqués dans le cadre de ce recours. Il en va de même du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous d), du même règlement, relatif à l’information qui doit être fournie au demandeur par les autorités compétentes sur la possibilité de contester une décision de transfert (arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash, C‑63/15, EU:C:2016:409, point 36).

108

Toutefois, la portée du recours est précisée au considérant 19 du règlement Dublin III, qui indique que, afin de garantir le respect du droit international, le recours effectif instauré par ce règlement contre des décisions de transfert doit porter, d’une part, sur l’examen de l’application dudit règlement et, d’autre part, sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré [arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert), C‑194/19, EU:C:2021:270, point 33 et jurisprudence citée].

109

En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, au regard notamment de l’évolution générale qu’a connue le système de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres du fait de l’adoption du règlement Dublin III et des objectifs visés par ce règlement, l’article 27, paragraphe 1, dudit règlement doit être interprété en ce sens que le recours qu’il prévoit contre une décision de transfert doit pouvoir porter tant sur le respect des règles attribuant la responsabilité d’examiner une demande de protection internationale que sur les garanties procédurales prévues par le même règlement [arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert), C‑194/19, EU:C:2021:270, point 34 et jurisprudence citée].

110

Or, tant les obligations d’information prévues à l’article 4 du règlement Dublin III et à l’article 29, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement Eurodac que l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III constituent des garanties procédurales qui doivent être assurées à la personne concernée ou susceptible d’être concernée, notamment, par une procédure de reprise en charge en vertu de l’article 23, paragraphe 1, ou de l’article 24, paragraphe 1, de ce dernier règlement. Il s’ensuit que le recours prévu à l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III contre une décision de transfert doit, en principe, pouvoir porter sur la violation des obligations que comportent ces dispositions et, en particulier, sur le défaut de communication de la brochure commune, ainsi que sur l’absence de tenue de l’entretien individuel.

111

S’agissant des conséquences susceptibles d’être attachées à la violation de l’une et/ou de l’autre de ces obligations, il convient de relever que le règlement Dublin III ne fournit pas de précisions à cet égard.

112

Quant au règlement Eurodac, s’il détermine, à son article 37, la responsabilité des États membres envers toute personne ou tout État membre ayant subi un dommage du fait d’un traitement illicite ou de toute action incompatible avec le même règlement, il ne fournit aucune précision quant aux conséquences susceptibles de découler, à l’égard d’une décision de transfert, du non-respect de l’obligation d’information prévue à l’article 29, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, de ce règlement, et rappelée dans l’encadré ainsi que dans la note en bas de page s’y rapportant qui figurent à l’annexe XIII du règlement no 1560/2003, ainsi que cela a déjà été souligné au point 89 du présent arrêt.

113

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) [arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert), C‑194/19, EU:C:2021:270, point 42 et jurisprudence citée]. Il en va notamment de la sorte en ce qui concerne les conséquences juridiques, à l’égard d’une décision de transfert, de la violation de l’obligation d’information et/ou de l’obligation de tenir un entretien individuel (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Addis, C‑517/17, EU:C:2020:579, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).

114

En l’occurrence, il semble toutefois ressortir des décisions de renvoi et de la formulation des questions préjudicielles que le droit de l’État membre dont relèvent les juridictions de renvoi ne permet pas, à lui seul, de déterminer lesdites conséquences juridiques de manière certaine et que, par ces questions, ces juridictions visent précisément à savoir de quelle manière elles sont appelées à sanctionner de telles violations.

115

Dans ces conditions, il convient pour la Cour de déterminer quelles conséquences s’attachent, sur ce plan, au principe d’effectivité.

116

S’agissant, en premier lieu, des conséquences juridiques susceptibles de découler, en ce qui concerne ce principe, de l’absence de l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III, il importe, d’emblée, de se référer à l’arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579), rendu au sujet d’une situation dans laquelle un ressortissant de pays tiers, déjà bénéficiaire du statut de réfugié dans un État membre, reprochait à l’autorité compétente d’un autre État membre dans lequel il avait déposé une autre demande de protection internationale, de ne pas l’avoir entendu préalablement au rejet de sa demande d’asile comme étant irrecevable en vertu de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures ». Or, par ledit arrêt, la Cour a jugé que, eu égard au principe d’effectivité, les articles 14 et 34 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle la violation de l’obligation de donner au demandeur d’une protection internationale la possibilité d’avoir un entretien personnel avant l’adoption d’une telle décision d’irrecevabilité n’emporte pas l’annulation de cette décision et le renvoi de l’affaire devant l’autorité responsable de la détermination, à moins que cette réglementation ne permette à ce demandeur, dans le cadre de la procédure de recours contre une telle décision, d’exposer en personne tous ses arguments contre ladite décision lors d’une audition respectant les conditions et les garanties fondamentales applicables, énoncées à l’article 15 de ladite directive, et que ces arguments ne sont pas susceptibles de modifier la même décision.

117

À cet égard, la Cour a notamment souligné, au point 70 du même arrêt, que les articles 14, 15 et 34 de la directive « procédures », d’une part, énoncent, en des termes contraignants, l’obligation, pour les États membres, de donner au demandeur la possibilité d’avoir un entretien personnel, ainsi que des règles spécifiques et détaillées quant à la façon dont cet entretien doit être mené et, d’autre part, visent à s’assurer que le demandeur a été invité à fournir, en coopération avec l’autorité responsable dudit entretien, tous les éléments pertinents pour apprécier la recevabilité et, le cas échéant, le bien-fondé de sa demande de protection internationale, ce qui confère au même entretien une importance primordiale dans la procédure d’examen de cette demande.

118

La Cour a ajouté que, en l’absence d’entretien personnel devant l’autorité compétente, ce n’est que lorsqu’un tel entretien est mené devant la juridiction saisie d’un recours à l’encontre de la décision d’irrecevabilité adoptée par cette autorité et dans le respect de l’ensemble des conditions prévues par la directive « procédures » qu’il est possible d’assurer le caractère effectif du droit d’être entendu à ce stade ultérieur de la procédure (arrêt du 16 juillet 2020, Addis, C‑517/17, EU:C:2020:579, point 71).

119

Or, il convient de relever que les conséquences découlant de l’application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures », à savoir l’irrecevabilité de la demande de protection internationale déposée dans un État membre par une personne bénéficiant déjà d’une protection internationale accordée par un premier État membre et son renvoi dans le premier État membre, ne sont pas plus graves que celles découlant de l’application de l’article 23, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III, lesquelles exposent des personnes dépourvues de protection internationale à une reprise en charge.

120

Plus spécifiquement, la situation visée à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures » s’avère même, a priori, moins lourde de conséquences pour la personne concernée que celle, visée à l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement Dublin III, dans laquelle la requête aux fins de reprise en charge concerne une personne dont la demande de protection internationale a été rejetée par l’État membre requis. En effet, dans ce dernier cas de figure, la personne concernée par la reprise en charge encourt non pas, comme celle visée par une irrecevabilité de sa demande d’asile, le renvoi vers un État membre où elle bénéficie déjà de la protection internationale, mais l’éloignement par l’État membre requis vers son pays d’origine.

121

En outre, et comme l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale aux points 134 à 136 de ses conclusions, tant la décision d’irrecevabilité de la demande de protection internationale prise sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures » que la décision de transfert mettant en œuvre la reprise en charge, visée aux articles 23 et 24 du règlement Dublin III, requièrent que la personne concernée n’encoure pas le risque d’une violation de l’article 4 de la Charte, ce dont, dans un cas comme dans l’autre, l’entretien individuel permet de s’assurer. L’entretien individuel permet, en outre, de faire état de la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur sur le territoire de l’État membre requérant. Il permet également d’exclure qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride soit considéré comme séjournant en situation irrégulière, alors qu’il voulait présenter une demande de protection internationale.

122

Enfin, il convient de relever que, à l’instar de l’entretien prévu à l’article 14 de la directive « procédures », il ne peut être dérogé à l’obligation de mener l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III que dans des circonstances limitées. À cet égard, de même que l’entretien personnel sur le fond de la demande d’asile peut ne pas avoir lieu, ainsi qu’il résulte de article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures », lorsque l’autorité responsable est en mesure de prendre une position positive relative au statut de réfugié sur la base des éléments de preuve disponibles, de même les dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, du règlement Dublin III requièrent, dans l’intérêt de la personne concernée par une éventuelle reprise en charge, que l’entretien individuel prévu à l’article 5 dudit règlement soit tenu dans tous les cas où l’autorité compétente pourrait adopter une décision de transfert contraire aux souhaits de la personne concernée.

123

Dans ces conditions, la jurisprudence issue de l’arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579), s’agissant des conséquences qui s’attachent à la violation de l’obligation de mener l’entretien personnel dans le contexte d’une décision rejetant une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive « procédures », est transposable dans le contexte des procédures de reprise en charge mises en œuvre en application de l’article 23, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

124

Il s’ensuit que, sans préjudice de l’article 5, paragraphe 2, du règlement Dublin III, la décision de transfert doit, sur recours introduit contre cette dernière au titre de l’article 27 de ce règlement et mettant en cause l’absence de l’entretien individuel prévu à cet article 5, être annulée, à moins que la réglementation nationale permette à la personne concernée, dans le cadre dudit recours, d’exposer en personne tous ses arguments contre ladite décision lors d’une audition respectant les conditions et les garanties énoncées audit article 5, et que ces arguments ne sont pas susceptibles de modifier la même décision.

125

En second lieu, dans le cas où l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III, dont le caractère primordial ainsi que les garanties procédurales l’entourant ont précédemment été soulignés, a bien eu lieu, mais que la brochure commune devant être communiquée en exécution de l’obligation d’information prévue à l’article 4 de ce règlement ou à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement Eurodac ne l’a pas été avant la tenue dudit entretien, il importe, aux fins de satisfaire aux exigences découlant du principe d’effectivité, de vérifier si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

126

L’office du juge national dans le contexte d’une telle violation de l’obligation d’information doit donc consister à vérifier, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques au cas d’espèce, si cette irrégularité procédurale a, nonobstant la tenue de l’entretien individuel, effectivement privé celui qui l’invoque de la possibilité de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 44).

127

Au vu de ce qui précède, il convient, s’agissant de l’obligation d’information, de considérer que le droit de l’Union, en particulier les articles 4 et 27 du règlement Dublin III ainsi que l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement Eurodac, doit être interprété en ce sens que, lorsque l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III a eu lieu, mais que la brochure commune devant être communiquée à la personne concernée en exécution de l’obligation d’information prévue à l’article 4 du règlement Dublin III ou à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement Eurodac ne l’a pas été, le juge national chargé de l’appréciation de la légalité de la décision de transfert ne saurait prononcer l’annulation de cette décision que s’il considère, eu égard aux circonstances de fait et de droit spécifiques au cas d’espèce, que le défaut de communication de la brochure commune a, nonobstant la tenue de l’entretien individuel, effectivement privé cette personne de la possibilité de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent.

128

Par conséquent, il y a lieu de répondre aux questions posées dans les affaires C‑228/21 et C‑328/21 ainsi qu’aux deux premières questions posées dans l’affaire C‑315/21 que :

l’article 4 du règlement Dublin III et l’article 29 du règlement Eurodac doivent être interprétés en ce sens que l’obligation de fournir les informations qui y sont visées, en particulier la brochure commune dont le modèle figure à l’annexe X du règlement no 1560/2003, s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Eurodac, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III ;

l’article 5 du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que l’obligation de tenir l’entretien individuel qui y est visé s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Eurodac, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement Dublin III ;

le droit de l’Union, en particulier les articles 5 et 27 du règlement Dublin III, doit être interprété en ce sens que, sans préjudice de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, la décision de transfert doit, sur recours introduit contre cette dernière au titre de l’article 27 dudit règlement et mettant en cause l’absence de l’entretien individuel prévu audit article 5, être annulée, à moins que la réglementation nationale permette à la personne concernée, dans le cadre dudit recours, d’exposer en personne tous ses arguments contre ladite décision lors d’une audition respectant les conditions et les garanties énoncées à ce dernier article et que ces arguments ne sont pas susceptibles de modifier la même décision ;

le droit de l’Union, en particulier les articles 4 et 27 du règlement Dublin III ainsi que l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement Eurodac, doit être interprété en ce sens que, lorsque l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement Dublin III a eu lieu, mais que la brochure commune devant être communiquée à la personne concernée en exécution de l’obligation d’information prévue à l’article 4 du règlement Dublin III ou à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement Eurodac ne l’a pas été, le juge national chargé de l’appréciation de la légalité de la décision de transfert ne saurait prononcer l’annulation de cette décision que s’il considère, eu égard aux circonstances de fait et de droit spécifiques au cas d’espèce, que le défaut de communication de la brochure commune a, nonobstant la tenue de l’entretien individuel, effectivement privé cette personne de la possibilité de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent.

Sur les première à troisième questions dans l’affaire C‑254/21, la deuxième question dans l’affaire C‑297/21 et la troisième question dans l’affaire C‑315/21

129

Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi dans les affaires C-254/21, C-297/21 et C-315/21 demandent, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte, permet à la juridiction nationale d’examiner l’existence d’un risque de refoulement indirect auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers l’État membre requis, dans la mesure où ce dernier aurait déjà rejeté une demande de protection internationale concernant ce demandeur, même lorsque ce dernier État membre ne présente pas de « défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs », au sens de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. En particulier, les juridictions de renvoi dans les affaires C‑254/21 et C‑315/21 se demandent si cette possibilité existe lorsque la juridiction nationale donne à la notion de « protection à l’intérieur du pays », au sens de l’article 8 de la directive « qualification », une interprétation différente de celle retenue par les autorités de l’État membre requis ou estime, contrairement à ces autorités, qu’il existe dans le pays d’origine un conflit armé, au sens de l’article 15, sous c), de cette directive.

130

À cet égard, il importe de rappeler que le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé à l’article 2 TUE. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les États membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre, ainsi que dans le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment aux articles 1er et 4 de celle-ci, qui consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses États membres (arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 83 ainsi que jurisprudence citée), à savoir la dignité humaine, qui comprend notamment l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants.

131

Le principe de confiance mutuelle entre les États membres a, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale s’agissant, en particulier, de l’espace de liberté, de sécurité et de justice que l’Union constitue et au titre duquel cette dernière, conformément à l’article 67, paragraphe 2, TFUE, assure l’absence de contrôles de personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre les États membres et qui est équitable à l’égard des ressortissants des pays tiers. Dans ce contexte, le principe de confiance mutuelle impose à chacun de ces États de considérer que, sauf circonstances exceptionnelles, tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 84 ainsi que jurisprudence citée).

132

Partant, dans le cadre du système européen commun d’asile, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d’une protection internationale dans chaque État membre est conforme aux exigences de la Charte, de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, ainsi que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C‑163/17, EU:C:2019:218, point 82 ainsi que jurisprudence citée), et que l’interdiction du refoulement, direct et indirect, telle qu’expressément prévue à l’article 9 de la directive « procédures », est respectée dans chacun de ces États.

133

Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un État membre déterminé, de telle sorte qu’il existerait un risque sérieux que des demandeurs d’une protection internationale soient traités, dans cet État membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux (arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 86 ainsi que jurisprudence citée).

134

Ainsi, la Cour a déjà jugé que, en vertu de l’article 4 de la Charte, il incombe aux États membres, y compris aux juridictions nationales, de ne pas transférer un demandeur d’asile vers l’État membre responsable, déterminé conformément au règlement Dublin III, lorsqu’ils ne peuvent ignorer que les défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet État membre constituent des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C‑163/17, EU:C:2019:218, point 85 et jurisprudence citée).

135

La Cour a précisé que ce transfert est exclu si un tel risque résulte de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale dans l’État membre lors du transfert ou par suite de celui-ci. Partant, il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’État membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain ou dégradant (arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C‑163/17, EU:C:2019:218, points 87 et 88).

136

À cet égard, lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision de transfert dispose d’éléments produits par la personne concernée aux fins d’établir l’existence d’un tel risque, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés, ainsi qu’au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes (arrêt du 19 mars 2019, Jawo, C‑163/17, EU:C:2019:218, point 90).

137

En l’occurrence, sous réserve des vérifications qui incombent aux juridictions de renvoi dans les affaires C-254/21, C-297/21 et C-315/21, il n’apparaît pas que l’existence de telles défaillances ait été invoquée par DG, par XXX.XX ou par PP à l’endroit des États membres qui viendraient à être déterminés comme responsables de l’examen de leur demande de protection internationale dans ces trois affaires.

138

Par ailleurs, dans l’arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127), la Cour a considéré, en substance, qu’il y avait lieu d’interpréter l’article 4 de la Charte en ce sens que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire qu’il existe des défaillances systémiques dans l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile, cette disposition peut être invoquée lorsqu’il n’est pas exclu que, dans un cas d’espèce, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III comporte un risque réel et avéré que ce demandeur sera, de ce fait, soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens dudit article.

139

Cependant, il y a lieu d’avoir égard au fait que, ainsi qu’il ressort du point 96 de cet arrêt, dans l’affaire ayant donné lieu à celui-ci, le risque réel et avéré que le transfert de la personne concernée l’exposât à un traitement inhumain et dégradant était lié au risque d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, dans la mesure où cette personne présentait, à la base, une affection mentale et physique particulièrement grave. Or, sous réserve de vérifications par les juridictions de renvoi dans les affaires C-254/21, C-297/21 et C-315/21, aucun des demandeurs dans ces affaires ne se trouve dans une situation personnelle comparable.

140

En revanche, la différence d’appréciation par l’État membre requérant, d’une part, et l’État membre responsable, d’autre part, du niveau de protection dont le demandeur peut bénéficier dans son pays d’origine au titre de l’article 8 de la directive « qualification » ou de l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, en application de l’article 15, sous c), de cette directive, n’est en principe pas pertinente aux fins du contrôle de la validité de la décision de transfert.

141

En effet, cette interprétation est la seule compatible avec les objectifs du règlement Dublin III, qui vise notamment à établir une méthode claire et opérationnelle de détermination de l’État membre responsable et à prévenir les mouvements secondaires de demandeurs d’asile entre les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 84, ainsi que du 2 avril 2019, H. et R., C‑582/17 et C‑583/17, EU:C:2019:280, point 77). Ces objectifs s’opposent à ce que le juge qui examine la décision de transfert procède à une appréciation sur le fond du risque de refoulement en cas de retour. Ce juge doit en effet considérer pour acquis le fait que l’autorité compétente en matière d’asile de l’État membre responsable évaluera et déterminera correctement le risque de refoulement, dans le respect de l’article 19 de la Charte, et que le ressortissant de pays tiers disposera, conformément aux exigences découlant de l’article 47 de la Charte, de voies de recours effectives pour contester, le cas échéant, la décision de ladite autorité à cet égard.

142

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de répondre aux première à troisième questions dans l’affaire C‑254/21, à la deuxième question dans l’affaire C‑297/21 et à la troisième question dans l’affaire C‑315/21 que l’article 3, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la juridiction de l’État membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne peut examiner s’il existe un risque, dans l’État membre requis, d’une violation du principe de non-refoulement auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers cet État membre, ou par suite de celui-ci, lorsque cette juridiction ne constate pas l’existence, dans l’État membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale. Des divergences d’opinion entre les autorités et les juridictions de l’État membre requérant, d’une part, et celles de l’État membre requis, d’autre part, en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale n’établissent pas l’existence de défaillances systémiques.

Sur la quatrième question, sous a), dans l’affaire C‑254/21 et la première question dans l’affaire C‑297/21

143

Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi dans les affaires C‑254/21 et C‑297/21 demandent, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement, ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la juridiction de l’État membre qui a adopté la décision de transfert, saisie d’un recours contre cette décision, peut, voire doit, déclarer cet État membre responsable lorsqu’elle ne partage pas l’appréciation de l’État membre requis quant au refoulement éventuel de la personne concernée.

144

À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement Dublin III, une demande de protection internationale est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III de ce règlement désignent comme responsable.

145

Par dérogation à cet article 3, paragraphe 1, dudit règlement, l’article 17, paragraphe 1, de celui-ci prévoit que chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu de ces critères.

146

Il ressort clairement du libellé de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III que cette disposition est de nature facultative dans la mesure où elle laisse à la discrétion de chaque État membre la décision de procéder à l’examen d’une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères de détermination de l’État membre responsable définis par ce règlement. L’exercice de cette faculté n’est, par ailleurs, soumis à aucune condition particulière. Ladite faculté vise à permettre à chaque État membre de décider souverainement, en fonction de considérations politiques, humanitaires ou pratiques, d’accepter d’examiner une demande de protection internationale, même s’il n’est pas responsable en application des critères définis par ledit règlement (arrêt du 23 janvier 2019, M. A. e.a., C‑661/17, EU:C:2019:53, point 58).

147

Au regard de l’étendue du pouvoir d’appréciation ainsi accordé aux États membres, il appartient à l’État membre concerné de déterminer les circonstances dans lesquelles il souhaite faire usage de la faculté conférée par la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III et d’accepter d’examiner lui‑même une demande de protection internationale pour laquelle il n’est pas responsable en vertu des critères définis par ce règlement (arrêt du 23 janvier 2019, M. A. e.a., C‑661/17, EU:C:2019:53, point 59).

148

À cet égard, il convient de relever, premièrement, qu’il résulte du caractère purement facultatif des dispositions de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III et du caractère discrétionnaire du pouvoir dont celles-ci investissent l’État membre requérant que ces dispositions, lues en combinaison avec l’article 27 de ce règlement et les articles 4, 19 et 47 de la Charte, ne sauraient être interprétées en ce sens qu’elles imposent à la juridiction de cet État membre de déclarer ce dernier responsable, au motif qu’elle ne partage pas l’appréciation de l’État membre requis quant au risque de refoulement de la personne concernée.

149

Deuxièmement, il ressort du point 142 du présent arrêt que la juridiction de l’État membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne saurait examiner le risque d’une violation du principe de non-refoulement par l’État membre requis auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers cet État membre ou par suite de celui-ci lorsqu’il n’y a pas, dans ledit État membre, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale.

150

Partant, la juridiction de l’État membre requérant ne peut pas non plus contraindre ce dernier à appliquer la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III au motif qu’il existerait, dans l’État membre requis, un risque de violation du principe de non-refoulement.

151

Troisièmement, si des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale dans l’État membre requis lors du transfert ou par suite de celui-ci devaient être avérées, la responsabilité de l’État membre requérant serait fondée sur l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu, pour l’État membre requérant, de recourir à l’article 17, paragraphe 1, du même règlement dans un tel cas de figure.

152

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de répondre à la quatrième question, sous a), dans l’affaire C‑254/21 et à la première question dans l’affaire C‑297/21 que l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à la juridiction de l’État membre requérant de déclarer cet État membre responsable lorsqu’elle ne partage pas l’appréciation de l’État membre requis quant au risque de refoulement de la personne concernée. En l’absence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale dans l’État membre requis lors du transfert ou par suite de celui-ci, la juridiction de l’État membre requérant ne peut pas non plus contraindre ce dernier d’examiner lui-même une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III au motif qu’il existe, selon cette juridiction, un risque de violation du principe de non–refoulement dans l’État membre requis.

Sur la quatrième question, sous b), dans l’affaire C‑254/21

153

Compte tenu de la réponse apportée à la quatrième question, sous a), dans l’affaire C‑254/21 et à la première question dans l’affaire C‑297/21, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question, sous b), dans l’affaire C‑254/21.

Sur les dépens

154

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

– L’article 4 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, et

l’article 29 du règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement no 604/2013 et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice,

doivent être interprétés en ce sens que :

l’obligation de fournir les informations qui y sont visées, en particulier la brochure commune dont le modèle figure à l’annexe X du règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 603/2013, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 604/2013.

– L’article 5 du règlement no 604/2013

doit être interprété en ce sens que :

l’obligation de tenir l’entretien individuel qui y est visé s’impose tant dans le cadre d’une première demande de protection internationale et d’une procédure de prise en charge, respectivement visées à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 21, paragraphe 1, du même règlement, que dans le cadre d’une demande de protection internationale subséquente et d’une situation, telle que visée à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 603/2013, susceptibles de donner lieu à des procédures de reprise en charge visées à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 604/2013.

– Le droit de l’Union, en particulier les articles 5 et 27 du règlement no 604/2013,

doit être interprété en ce sens que :

sans préjudice de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, la décision de transfert doit, sur recours introduit contre cette dernière au titre de l’article 27 dudit règlement et mettant en cause l’absence de l’entretien individuel prévu audit article 5, être annulée, à moins que la réglementation nationale permette à la personne concernée, dans le cadre dudit recours, d’exposer en personne tous ses arguments contre ladite décision lors d’une audition respectant les conditions et les garanties énoncées à ce dernier article et que ces arguments ne sont pas susceptibles de modifier la même décision.

– Le droit de l’Union, en particulier les articles 4 et 27 du règlement no 604/2013 ainsi que l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement no 603/2013,

– doit être interprété en ce sens que :

lorsque l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement no 604/2013 a eu lieu, mais que la brochure commune devant être communiquée à la personne concernée en exécution de l’obligation d’information prévue à l’article 4 de ce règlement ou à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du règlement no 603/2013 ne l’a pas été, le juge national chargé de l’appréciation de la légalité de la décision de transfert ne saurait prononcer l’annulation de cette décision que s’il considère, eu égard aux circonstances de fait et de droit spécifiques au cas d’espèce, que le défaut de communication de la brochure commune a, nonobstant la tenue de l’entretien individuel, effectivement privé cette personne de la possibilité de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent.

2)

L’article 3, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 604/2013, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

la juridiction de l’État membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne peut examiner s’il existe un risque, dans l’État membre requis, d’une violation du principe de non-refoulement auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers cet État membre, ou par suite de celui-ci, lorsque cette juridiction ne constate pas l’existence, dans l’État membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale. Des divergences d’opinion entre les autorités et les juridictions de l’État membre requérant, d’une part, et celles de l’État membre requis, d’autre part, en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale n’établissent pas l’existence de défaillances systémiques.

3)

L’article 17, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, lu en combinaison avec l’article 27 de ce règlement ainsi qu’avec les articles 4, 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux,

doit être interprété en ce sens que :

il n’impose pas à la juridiction de l’État membre requérant de déclarer cet État membre responsable lorsqu’elle ne partage pas l’appréciation de l’État membre requis quant au risque de refoulement de la personne concernée. En l’absence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale dans l’État membre requis lors du transfert ou par suite de celui-ci, la juridiction de l’État membre requérant ne peut pas non plus contraindre ce dernier d’examiner lui-même une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 au motif qu’il existe, selon cette juridiction, un risque de violation du principe de non-refoulement dans l’État membre requis.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien

Top