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Document 62021CJ0192

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 30 juin 2022.
    M. Clemente contre Comunidad de Castilla y León (Dirección General de la Función Pública).
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León.
    Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4, point 1 – Principe de non-discrimination – Absence de prise en compte des services fournis par un agent non titulaire devenu fonctionnaire aux fins de la pérennisation de son grade personnel – Assimilation de ces services à ceux fournis par un fonctionnaire de carrière – Notion de “raisons objectives” – Prise en compte de la période de service aux fins de l’acquisition du statut de fonctionnaire – Structure de l’évolution verticale des fonctionnaires prévue par la législation nationale.
    Affaire C-192/21.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:513

     ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    30 juin 2022 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4, point 1 – Principe de non-discrimination – Absence de prise en compte des services fournis par un agent non titulaire devenu fonctionnaire aux fins de la pérennisation de son grade personnel – Assimilation de ces services à ceux fournis par un fonctionnaire de carrière – Notion de “raisons objectives” – Prise en compte de la période de service aux fins de l’acquisition du statut de fonctionnaire – Structure de l’évolution verticale des fonctionnaires prévue par la législation nationale »

    Dans l’affaire C‑192/21,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León (Cour supérieure de justice de Castille-et-Léon, Espagne), par décision du 9 février 2021, parvenue à la Cour le 26 mars 2021, dans la procédure

    M. Clemente

    contre

    Comunidad de Castilla y León (Dirección General de la Función Pública),

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. J. Passer, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

    avocat général : M. J. Richard de la Tour,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour M. Clemente, par Mes M. Pérez Rodríguez et F. J. Viejo Carnicero, abogados,

    pour la Comunidad de Castilla y León (Dirección General de la Función Pública), par Mme D. Vélez Berzosa, en qualité de letrada,

    pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

    pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. E. De Bonis, avvocato dello Stato,

    pour la Commission européenne, par Mme D. Recchia et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le requérant au principal, auquel la juridiction de renvoi a attribué le nom fictif de « M. Clemente », à la Comunidad de Castilla y León (Dirección General de la Función Pública) [communauté de Castille-et-Léon (direction générale de la fonction publique), Espagne] (ci-après la « Communauté ») au sujet du refus de cette dernière de pérenniser le grade personnel qui a été attribué au requérant au principal en sa qualité d’agent non titulaire avant sa nomination en tant que fonctionnaire.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Aux termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, notamment, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination.

    4

    Conformément à la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, ce dernier s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

    5

    La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée « Définitions », dispose :

    « Aux termes du présent accord, on entend par :

    1.

    “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

    2.

    “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences [...] »

    6

    La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1 :

    « Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. »

    Le droit espagnol

    7

    L’article 69 de la Ley 7/2005 de la Función Pública de Castilla y León (loi 7/2005 relative à la fonction publique de la Communauté autonome de Castille-et-Léon), du 24 mai 2005 (BOE no 162, du 8 juillet 2005, p. 24200), dispose, à son paragraphe 1 :

    « Quel que soit le poste qu’il occupe, le fonctionnaire a le droit de percevoir, à tout le moins, l’indemnité de fonction afférente aux postes du niveau correspondant à son grade personnel. »

    8

    Le Decreto 17/2018 por el que se regula la consolidación, convalidación y conservación del grado personal (décret 17/2018 réglementant la pérennisation, la confirmation et la conservation du grade personnel), du 7 juin 2018 (BOCyL no 113, du 13 juin 2018, ci-après le « décret 17/2018 »), qui, conformément à son article 2, s’applique aux fonctionnaires de la Communauté, énonce, à son article 3 :

    « 1.   La pérennisation du grade personnel est subordonnée à la réunion des conditions suivantes :

    a)

    La nomination à un poste à titre définitif, sauf pour le grade de départ de l’évolution professionnelle administrative.

    b)

    L’occupation effective d’un ou de plusieurs postes de niveau correspondant.

    2.   Ces deux conditions doivent être remplies selon les modalités décrites dans les dispositions suivantes. »

    9

    Aux termes de l’article 4 de ce décret :

    « 1.   La pérennisation du grade personnel exige d’avoir été nommé à titre définitif à un poste d’un niveau égal ou supérieur à celui du grade à pérenniser.

    2.   L’évolution professionnelle administrative commence cependant au grade de départ correspondant au niveau du poste assigné au fonctionnaire après la réussite du processus de sélection correspondant, indépendamment de la modalité d’occupation dudit poste, sous réserve d’une demande volontaire de pérennisation d’un grade inférieur. »

    10

    L’article 5, paragraphe 1, dudit décret prévoit :

    « La pérennisation du grade personnel est subordonnée à l’occupation, à titre provisoire ou définitif, d’un ou plusieurs postes de niveau égal ou supérieur à celui du grade à pérenniser, pendant une période ininterrompue de deux ans ou pendant une période totale de trois ans en cas d’interruption. Lorsque les deux circonstances sont réunies, la pérennisation intervient à la date la plus favorable au fonctionnaire. »

    11

    L’article 6 de ce même décret est libellé comme suit :

    « 1.   Le grade à pérenniser peut être supérieur au grade personnel déjà acquis à concurrence d’un maximum de deux degrés, mais ne peut en aucun cas dépasser le niveau du poste obtenu à titre définitif, ni l’intervalle de niveaux correspondant au sous-groupe ou groupe de classification professionnelle dont relève ledit poste.

    2.   La durée d’occupation d’un poste à titre temporaire, que ce soit au titre d’un détachement ou d’une affectation provisoire, n’est comptabilisée aux fins de la pérennisation que si le niveau des postes occupés à titre temporaire est égal ou supérieur à celui du grade à pérenniser.

    3.   L’acquisition d’un nouveau grade personnel est subordonnée à l’écoulement d’une période minimale de deux ans à compter de la date de pérennisation du grade antérieur.

    4.   Les périodes d’occupation sont calculées de manière chronologique et ne sont comptabilisées qu’une seule fois aux fins de la pérennisation. »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    12

    Du 28 mai 2001 au 21 janvier 2008, le requérant au principal a occupé, en qualité d’agent non titulaire et en vertu d’une nomination unique, le poste de vétérinaire coordinateur auprès de la Communauté. En application de la classification des postes de la fonction publique applicable à celle-ci, en vertu de laquelle tous les postes sont classés par niveaux sur une échelle allant de 1 à 30, le requérant au principal s’est vu attribuer le grade personnel 24 pour ce poste.

    13

    Par arrêté du 7 mars 2006, dans le cadre du processus visant à rendre permanent l’emploi temporaire et à stabiliser l’emploi du personnel de santé, ont été ouvertes des épreuves de sélection pour l’entrée dans le corps technique supérieur universitaire, spécifiquement en lien avec la spécialité « santé » (vétérinaires), de la Communauté. Cet arrêté prévoyait que les services fournis en qualité d’agent non titulaire à des postes affectés audit corps étaient valorisés à hauteur de 0,25 point par mois complet de service, dans la limite d’un plafond de 40 points.

    14

    Le requérant au principal a participé avec succès auxdites épreuves et a été nommé, le 10 novembre 2015, avec effet au 22 janvier 2008, à un poste à titre définitif pour lequel il s’est vu reconnaître le grade personnel 22.

    15

    Par lettre datée du 18 mars 2019, le requérant au principal a demandé à la Communauté de pérenniser le grade personnel 24, au motif qu’il avait occupé un poste correspondant à ce grade en qualité d’agent non titulaire.

    16

    La Communauté a rejeté cette demande, aux motifs que le niveau des postes occupés en qualité d’agent non titulaire ou à titre provisoire ne peut être pérennisé et que le poste permanent auquel le requérant au principal avait été nommé correspondait à un grade inférieur au grade sollicité.

    17

    Le requérant au principal a introduit un recours devant la juridiction de première instance compétente, qui a jugé qu’il ne pouvait prétendre qu’au grade personnel 22, correspondant au niveau du poste permanent auquel il avait été nommé en qualité de fonctionnaire.

    18

    Saisie de l’appel dirigé contre ce jugement de première instance, le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León (Cour supérieure de justice de Castille-et-Léon, Espagne), la juridiction de renvoi, relève que la pérennisation du grade personnel 24 impliquerait la promotion du requérant au principal dans un grade plus élevé que celui – le grade 22 – correspondant au poste auquel il a été nommé à titre définitif, en méconnaissance des conditions de pérennisation visées aux articles 3 et 4 du décret 17/2018.

    19

    S’agissant de la compatibilité du refus de la Communauté de pérenniser le grade personnel 24 du requérant au principal correspondant au poste qu’il occupait en tant qu’agent non-titulaire avec la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, la juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur la notion de « travailleur à durée indéterminée comparable » figurant à cette disposition. À cet égard, elle relève que la situation du requérant au principal, lorsqu’il était agent non titulaire, était identique à celle d’un fonctionnaire occupant le même poste en ce qui concerne les fonctions, le diplôme requis, le régime, le lieu et les autres conditions de travail, de sorte que, au regard de la pérennisation du grade personnel, il s’agit en principe de travailleurs comparables. La juridiction de renvoi cite, à cet égard, l’arrêt 1592/2018, du 7 novembre 2018 (ES:TS:2018:3744), par lequel le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), en tenant compte, notamment, de l’arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557), a jugé que, compte tenu de la comparabilité des situations entre les agents non titulaires et les fonctionnaires, les services fournis par les agents non titulaires pouvaient être pris en compte aux fins de la pérennisation du grade personnel.

    20

    Toutefois, la juridiction de renvoi relève, d’une part, que le requérant au principal demande non pas que le bénéfice de la pérennisation du grade personnel 24 lui soit rétroactivement reconnu, en tant que fonctionnaire, à la date de son engagement en tant qu’agent non titulaire, mais que les services antérieurement fournis en tant qu’agent non titulaire soient pris en compte aux fins de la pérennisation du grade personnel 24 à la date de sa nomination en qualité de fonctionnaire. D’autre part, la juridiction de renvoi rappelle qu’un fonctionnaire qui occupe à titre temporaire, notamment en cas de détachement, un poste de niveau supérieur bénéficie de la pérennisation non pas du grade correspondant à ce poste mais de celui correspondant au poste auquel il a été nommé à titre définitif. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la comparabilité des situations dans le cadre de l’affaire au principal et se demande si la notion de « travailleur à durée indéterminée comparable » doit être interprétée en ce sens qu’elle se rapporte exclusivement à la nature de la relation avec la Communauté, c’est-à-dire selon qu’il s’agit d’un fonctionnaire ou d’un agent non titulaire, ou s’il y a lieu également de tenir compte du caractère définitif ou temporaire du poste occupé par le fonctionnaire.

    21

    En second lieu, la juridiction de renvoi avance deux « raisons objectives », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, pouvant justifier qu’il ne soit pas tenu compte des services fournis en qualité d’agent non titulaire aux fins de la pérennisation du grade personnel après sa nomination en tant que fonctionnaire. D’une part, dans la mesure où ces services ont été pris en considération lors du processus de sélection pour l’acquisition du statut de fonctionnaire, leur prise en compte aux fins de la pérennisation du grade donnerait lieu à une double valorisation aboutissant à accorder aux personnes dans la situation du requérant au principal un traitement plus avantageux que celui dont bénéficient les fonctionnaires n’ayant pas été des agents non titulaires.

    22

    D’autre part, pour les fonctionnaires, l’évolution professionnelle verticale et, partant, l’acquisition des grades à pérenniser seraient progressives, ce qui serait la conséquence de la structure administrative elle-même et aurait pour but de motiver ces fonctionnaires et d’améliorer leur prestation de services. En revanche, les agents non titulaires n’intégreraient aucun corps et ne seraient classés dans aucun groupe, dans la mesure où ils seraient nommés pour couvrir des postes vacants dans différents corps et groupes en fonction des besoins, et n’occuperaient pas de poste à titre définitif. Or, la pérennisation du grade correspondant au poste occupé en tant qu’agent non titulaire pourrait générer « des bonds » et « des avancements » dans ladite évolution professionnelle verticale en tant que fonctionnaire, sans devoir respecter les autres exigences légales, ce qui fausserait la structure de cette évolution.

    23

    Dans ce contexte, la juridiction de renvoi relève que, si le Tribunal Supremo (Cour suprême) a, dans le passé, considéré que la pérennisation du grade personnel n’était possible que lorsque le poste était occupé à titre définitif, compte tenu de son importance dans la structure de la fonction publique, il a, dans son arrêt cité au point 19 du présent arrêt, appliqué la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, sans égard au caractère définitif du poste occupé. En outre, la juridiction de renvoi estime que, aux points 47 et 50 de l’arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui (C‑72/18, EU:C:2019:516), concernant un complément de rémunération accordé aux fonctionnaires et non pas aux agents non titulaires, la Cour a établi une distinction entre la différence de traitement uniquement basée sur l’ancienneté et celle reposant sur l’avancement aux grades supérieurs, laissant entendre que cette dernière différence de traitement pourrait être justifiée par d’autres éléments venant s’ajouter à une simple durée d’occupation du poste concerné.

    24

    Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Castilla y León (Cour supérieure de justice de Castille-et-Léon) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    La notion de “travailleur à durée indéterminée comparable” utilisée dans la clause 4, point 1, de l’accord-cadre [...] doit-elle être interprétée en ce sens que les services qu’un fonctionnaire de carrière a fournis avant d’accéder à ce statut, en qualité d’agent non titulaire, doivent être assimilés, aux fins de la pérennisation du grade personnel, aux services fournis par un autre fonctionnaire de carrière ?

    2)

    La clause 4, point 1, de l’accord-cadre [...] doit-elle être interprétée en ce sens que le fait d’avoir déjà valorisé la période de service en qualité d’agent non titulaire et de l’avoir prise en compte aux fins de l’acquisition du statut de fonctionnaire de carrière, d’une part, et la structure de l’évolution professionnelle verticale des fonctionnaires prévue par la législation nationale, d’autre part, constituent tous deux des raisons objectives justifiant que les services qu’un fonctionnaire de carrière a fournis avant d’accéder à ce statut, en qualité d’agent non titulaire, ne soient pas pris en considération aux fins de la pérennisation du grade personnel ? »

    Sur les questions préjudicielles

    25

    Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, aux fins de la pérennisation du grade personnel, ne sont pas pris en compte les services qu’un fonctionnaire a fournis en qualité d’agent non titulaire avant d’accéder au statut de fonctionnaire.

    26

    Tout d’abord, il convient de rappeler que la directive 1999/70 et l’accord-cadre trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur (ordonnance du 22 mars 2018, Centeno Meléndez, C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 38 et jurisprudence citée).

    27

    Les prescriptions énoncées dans l’accord-cadre ont donc vocation à s’appliquer aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public (ordonnance du 22 mars 2018, Centeno Meléndez, C‑315/17, non publiée, EU:C:2018:207, point 39 et jurisprudence citée).

    28

    En l’occurrence, il est constant que, en tant qu’agent non titulaire auprès de la Communauté pendant plus de six années, le requérant au principal était considéré comme un « travailleur à durée déterminée », au sens de l’accord-cadre.

    29

    Ensuite, il y a lieu de rappeler que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre interdit de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

    30

    Il importe de relever à cet égard que, si, conformément à la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, celui-ci s’applique aux travailleurs à durée déterminée tels que définis à la clause 3 de l’accord-cadre, le fait que le requérant au principal a par la suite acquis la qualité de fonctionnaire et, partant, celle de travailleur à durée indéterminée, ne l’empêche pas de se prévaloir du principe de non-discrimination énoncé à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, dans la mesure où il met en cause une différence de traitement, aux fins de la pérennisation de son grade, en ce qui concerne la prise en compte des services qu’il a accomplis en tant qu’agent non titulaire avant d’être nommé fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

    31

    Par ailleurs, force est de constater, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, que la pérennisation du grade personnel sur laquelle porte la réglementation en cause au principal constitue une « condition d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, le critère décisif pour déterminer si une mesure relève de cette notion étant, selon la jurisprudence constante de la Cour, précisément celui de l’emploi, à savoir la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 25 et jurisprudence citée).

    32

    En effet, d’une part, il découle des articles 3 à 5 du décret 17/2018 que la pérennisation du grade personnel est subordonnée à deux conditions, à savoir « la nomination à un poste à titre définitif, sauf pour le grade de départ de l’évolution professionnelle administrative », et « l’occupation effective d’un ou de plusieurs postes de niveau correspondant » au poste antérieurement occupé. D’autre part, conformément à l’article 69, paragraphe 1, de la loi 7/2005 relative à la fonction publique de la Communauté autonome de Castille-et-Léon, ladite pérennisation garantit au fonctionnaire le droit de percevoir la rémunération correspondant au grade personnel pérennisé même en cas de changement de poste. Elle constitue également une condition préalable à l’évolution professionnelle verticale du fonctionnaire.

    33

    Partant, dans la mesure où il ressort du libellé des questions posées par la juridiction de renvoi que celles-ci se fondent sur la prémisse que les agents non titulaires sont traités d’une manière moins favorable que les fonctionnaires en ce qui concerne la prise en considération des services fournis en ces qualités respectives aux fins de la pérennisation du grade personnel, il convient d’examiner, en premier lieu, si ces deux catégories de travailleurs se trouvent dans une situation comparable, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

    34

    Pour apprécier si des travailleurs exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de celui-ci, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces travailleurs peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 34 et jurisprudence citée).

    35

    S’il appartient à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer si les fonctionnaires et les agents non titulaires se trouvent dans une situation comparable (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 35 et jurisprudence citée), il ressort de la décision de renvoi elle-même que, en l’occurrence, la situation du requérant au principal, lorsqu’il était agent non titulaire, était identique à celle qui est la sienne en tant que fonctionnaire pour ce qui a trait aux fonctions de vétérinaire coordinateur, au diplôme requis, au régime, au lieu et aux autres conditions de travail.

    36

    Cela étant, la juridiction de renvoi relève qu’un fonctionnaire qui occupe à titre temporaire, c’est-à-dire dans le cadre d’un détachement, un poste de niveau supérieur à celui auquel il a été nommé à titre définitif pérennise le grade correspondant non pas au poste occupé dans le cadre d’un détachement mais au poste auquel il a été définitivement nommé. Dès lors, elle se demande si la pérennisation, par un fonctionnaire, du grade plus élevé qui était le sien lorsqu’il était agent non titulaire serait constitutive d’une discrimination à rebours au détriment des fonctionnaires.

    37

    À cet égard, il convient de souligner qu’il découle du libellé de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre qu’il suffit que les travailleurs à durée déterminée en cause soient traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable, pour que ces premiers travailleurs soient fondés à revendiquer le bénéfice de cette clause (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 31).

    38

    Or, il apparaît que le requérant au principal a occupé pendant plusieurs années, en qualité d’agent non titulaire et en vertu d’une nomination unique, le poste de vétérinaire coordinateur auprès de la Communauté, pour lequel il s’est vu attribuer le grade personnel 24 en vertu du système de classification des postes applicable à cette dernière. Partant, la situation du requérant au principal est à comparer avec celle d’un fonctionnaire qui occupe un tel poste à titre définitif.

    39

    Il s’ensuit, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi au regard de l’ensemble des éléments pertinents, qu’il y a lieu de considérer que la situation d’un agent non titulaire, telle que celle du requérant au principal avant l’acquisition par celui-ci du statut de fonctionnaire, est comparable à celle d’un fonctionnaire qui occupe, à titre définitif, le même poste que celui qui était occupé par ledit agent.

    40

    Dans ces conditions, il convient de vérifier, en second lieu, s’il existe des « raisons objectives », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, susceptibles de justifier la différence de traitement mentionnée au point 33 du présent arrêt.

    41

    Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la notion de « raisons objectives » requiert que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 40 et jurisprudence citée).

    42

    En revanche, ladite notion ne saurait être comprise comme permettant de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette différence est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 72 et jurisprudence citée).

    43

    Le recours à la nature temporaire du travail des agents non titulaires n’est pas susceptible de constituer, à elle seule, une raison objective, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 41 et jurisprudence citée).

    44

    S’agissant des justifications éventuelles de la différence de traitement constatée dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi évoque, d’une part, l’évolution professionnelle verticale des fonctionnaires, qui est progressive et qui découle de la structure administrative elle-même.

    45

    À cet égard, dans la mesure où l’évolution professionnelle verticale ainsi que la pérennisation du grade personnel sont inhérentes au statut des fonctionnaires, il convient de rappeler que, compte tenu de la marge d’appréciation dont jouissent les États membres s’agissant de l’organisation de leurs propres administrations publiques, ceux-ci peuvent, en principe, sans contredire la directive 1999/70 et l’accord-cadre, prévoir des conditions d’accès au statut de fonctionnaire ainsi que des conditions d’emploi de tels fonctionnaires (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 43 et jurisprudence citée).

    46

    Si la directive 1999/70 et l’accord-cadre ne s’opposent donc pas, en principe, à ce que la pérennisation du grade personnel soit réservée aux seuls fonctionnaires, il n’en reste pas moins que la réglementation d’un État membre ne saurait poser une condition générale et abstraite ayant trait à la seule nature temporaire du travail des agents non titulaires, sans tenir compte de la nature particulière des tâches accomplies et des caractéristiques inhérentes à celles-ci.

    47

    À cet égard, il convient néanmoins de constater que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la réglementation nationale applicable à l’affaire au principal prévoit que le seul fait de l’occupation temporaire, par un fonctionnaire, d’un poste auquel correspond un grade supérieur à celui correspondant au poste qu’il occupe à titre définitif ne lui donne pas automatiquement le droit de pérenniser ce grade supérieur.

    48

    Dans ces conditions, permettre la pérennisation, par un fonctionnaire, du grade plus élevé qui était le sien lorsqu’il était agent non titulaire pourrait constituer une discrimination à rebours au détriment des fonctionnaires qui ont été détachés de façon temporaire sur un poste auquel correspond un grade supérieur à celui correspondant au poste auquel ils ont été nommés à titre définitif.

    49

    Dès lors, dans la mesure où, tout en excluant la pérennisation automatique du grade occupé à titre temporaire, la réglementation nationale applicable dans l’affaire au principal permet de tenir compte, aux fins de la détermination du grade à pérenniser, de la période occupée sur un poste temporaire, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, cette réglementation doit être appliquée d’une façon égale aux personnes ayant occupé ce poste temporaire en tant qu’agents non titulaires ou en tant que fonctionnaires nommés à titre définitif.

    50

    D’autre part, la juridiction de renvoi estime que, dans la mesure où les services fournis par le requérant au principal en qualité d’agent non titulaire ont été pris en compte lors du processus de sélection qui lui a permis d’acquérir le statut de fonctionnaire, leur prise en considération aux fins de la pérennisation du grade personnel reviendrait à une double valorisation de ces services, ce qui conduirait à accorder au requérant au principal un traitement avantageux par rapport à d’autres fonctionnaires.

    51

    Cependant, l’établissement de conditions d’accès au statut de fonctionnaire et le bénéfice par un tel fonctionnaire de la pérennisation du grade personnel, laquelle, ainsi qu’il est mentionné aux points 31 et 32 du présent arrêt, constitue une condition d’emploi, sont deux aspects distincts du régime applicable aux fonctionnaires, de sorte que la prise en compte des services fournis par l’intéressé en qualité d’agent non titulaire au titre de l’accès au statut de fonctionnaire ou au titre de la pérennisation du grade personnel ne saurait être considérée comme conduisant à une double valorisation desdits services aux fins de la seule pérennisation du grade personnel.

    52

    Partant, si, conformément à la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt, il est légitime de prévoir des conditions d’accès au statut de fonctionnaires, l’établissement de telles conditions d’accès ne saurait justifier une différence de traitement au regard des conditions de ladite pérennisation.

    53

    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, aux fins de la pérennisation du grade personnel, ne sont pas pris en compte les services qu’un fonctionnaire a fournis en qualité d’agent non titulaire avant d’accéder au statut de fonctionnaire.

    Sur les dépens

    54

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

     

    La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, aux fins de la pérennisation du grade personnel, ne sont pas pris en compte les services qu’un fonctionnaire a fournis en qualité d’agent non titulaire avant d’accéder au statut de fonctionnaire.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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