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Document 62021CJ0040

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 4 mai 2023.
    T.A.C. contre Agenția Națională de Integritate (ANI).
    Demande de décision préjudicielle, introduite par la Curtea de Apel Timişoara.
    Renvoi préjudiciel – Décision 2006/928/CE – Mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 15, paragraphe 1 – Article 47 – Article 49, paragraphe 3 – Fonctions publiques électives – Conflit d’intérêts – Réglementation nationale prévoyant l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives pendant une durée préétablie – Sanction complémentaire à la cessation du mandat – Principe de proportionnalité.
    Affaire C-40/21.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:367

     ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    4 mai 2023 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Décision 2006/928/CE – Mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 15, paragraphe 1 – Article 47 – Article 49, paragraphe 3 – Fonctions publiques électives – Conflit d’intérêts – Réglementation nationale prévoyant l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives pendant une durée préétablie – Sanction complémentaire à la cessation du mandat – Principe de proportionnalité »

    Dans l’affaire C‑40/21,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Timişoara (cour d’appel de Timişoara, Roumanie), par décision du 12 novembre 2020, parvenue à la Cour le 26 janvier 2021, dans la procédure

    T.A.C.

    contre

    Agenția Națională de Integritate (ANI),

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. P. G. Xuereb, T. von Danwitz (rapporteur), A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

    avocat général : M. N. Emiliou,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour T.A.C., par Me T. Chiuariu, avocat,

    pour l’Agenția Națională de Integritate (ANI), par Mmes D. Chiurtu, O. Iacob et M. F.-I. Moise, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L. Liţu, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par Mme L. Nicolae, MM. P. J. O. Van Nuffel et M. Wasmeier, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 novembre 2022,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56), ainsi que de l’article 15, paragraphe 1, de l’article 47 et de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant T.A.C. à l’Agenția Națională de Integritate (ANI) (Agence nationale pour l’intégrité, Roumanie) au sujet d’un rapport de cette agence constatant un manquement de celui-ci aux règles régissant les conflits d’intérêts en matière administrative au cours de son mandat de maire.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    La décision 2006/928 a été adoptée, dans le contexte de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne prévue pour le 1er janvier 2007, sur le fondement, notamment, des articles 37 et 38 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203, ci-après l’« acte d’adhésion »), entré en vigueur le 1er janvier 2007. Les considérants 1 à 6 et 9 de cette décision sont ainsi libellés :

    « (1)

    L’Union européenne est fondée sur l’État de droit, un principe commun à tous les États membres.

    (2)

    L’espace de liberté, de sécurité et de justice et le marché intérieur instaurés par le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne reposent sur la conviction réciproque que les décisions et pratiques administratives et judiciaires de tous les États membres respectent pleinement l’État de droit.

    (3)

    Cette condition implique l’existence, dans tous les États membres, d’un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace, doté de moyens suffisants, entre autres, pour lutter contre la corruption.

    (4)

    Le 1er janvier 2007, la Roumanie deviendra membre de l’Union européenne. Tout en saluant les efforts considérables déployés par la Roumanie pour parachever ses préparatifs d’adhésion à l’Union européenne, la Commission [européenne] a recensé, dans son rapport du 26 septembre 2006, des questions en suspens, en particulier en ce qui concerne la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi, domaines dans lesquels des progrès sont encore nécessaires pour garantir la capacité de ces organes à mettre en œuvre et à appliquer les mesures adoptées pour établir le marché intérieur et l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

    (5)

    L’article 37 de l’acte d’adhésion habilite la Commission à adopter des mesures appropriées en cas de risque imminent de dysfonctionnement du marché intérieur lié au non-respect, par la Roumanie, d’engagements qu’elle a pris. L’article 38 de l’acte d’adhésion habilite la Commission à prendre des mesures appropriées en cas de risque imminent de manquements graves constaté en Roumanie en ce qui concerne la transposition, l’état d’avancement de la mise en œuvre ou l’application d’actes adoptés sur la base du titre VI du traité UE ou d’actes adoptés sur la base du titre IV du traité CE.

    (6)

    Les questions en suspens portant sur la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi justifient la mise en place d’un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption.

    [...]

    (9)

    Il conviendra de modifier la présente décision si l’évaluation de la Commission indique qu’il y a lieu d’ajuster les objectifs de référence. La présente décision sera abrogée lorsque tous les objectifs de référence auront été atteints. »

    4

    L’article 1er de la décision 2006/928 prévoit :

    « Chaque année, le 31 mars au plus tard, et pour la première fois le 31 mars 2007, la Roumanie fait rapport à la Commission sur les progrès qu’elle a réalisés en vue d’atteindre chacun des objectifs de référence exposés dans l’annexe.

    La Commission peut, à tout moment, apporter une aide technique par différents moyens ou collecter et échanger des informations sur les objectifs de référence. En outre, elle peut, à tout moment, organiser des missions d’experts en Roumanie à cet effet. Les autorités roumaines lui apportent le soutien nécessaire dans ce contexte. »

    5

    L’article 2 de cette décision dispose :

    « La Commission transmettra, pour la première fois en juin 2007, au Parlement européen et au Conseil ses propres commentaires et conclusions sur le rapport présenté par la Roumanie.

    La Commission leur fera de nouveau rapport par la suite, en fonction de l’évolution de la situation et au moins tous les six mois. »

    6

    L’article 4 de ladite décision énonce :

    « Les États membres sont destinataires de la présente décision. »

    7

    L’annexe de la même décision est libellée comme suit :

    « Objectifs de référence que la Roumanie doit atteindre, visés à l’article 1er :

    1)

    Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature. Rendre compte de l’incidence des nouveaux codes de procédure civile et administrative et l’évaluer.

    2)

    Constituer, comme prévu, une agence pour l’intégrité dotée de responsabilités en matière de vérification de patrimoine, d’incompatibilités et de conflits d’intérêt potentiels, mais aussi de la capacité d’arrêter des décisions impératives pouvant donner lieu à la prise de sanctions dissuasives.

    3)

    Continuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau.

    4)

    Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l’administration locale. »

    Le droit roumain

    8

    L’article 25 de la legea nr. 176/2010 privind integritatea în exercitarea funcțiilor și demnităților publice, pentru modificarea și completarea legii nr. 144/2007 privind înființarea, organizarea și funcționarea Agenției Naționale de Integritate, precum și pentru modificarea și completarea altor acte normative (loi no 176/2010 relative à l’intégrité dans l’exercice des fonctions et charges publiques, modifiant et complétant la loi no 144/2007 concernant la création, l’organisation et le fonctionnement de l’Agence nationale pour l’intégrité, ainsi que modifiant et complétant d’autres actes normatifs), du 1er septembre 2010 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 621 du 2 septembre 2010), dispose :

    « (1)   Le fait commis par une personne dont il est constaté qu’elle a émis un acte administratif, conclu un acte juridique, pris une décision ou participé à la prise d’une décision en violation des obligations légales relatives au conflit d’intérêts ou à l’état d’incompatibilité constitue une faute disciplinaire et est sanctionné conformément à la réglementation applicable à la charge, fonction ou activité en question, dans la mesure où les dispositions de la présente loi n’y dérogent pas et si le fait n’est pas constitutif d’une infraction pénale.

    (2)   La personne relevée ou destituée de ses fonctions conformément aux dispositions du paragraphe 1 ou à l’égard de laquelle l’existence d’un conflit d’intérêts ou d’un état d’incompatibilité a été constatée est déchue du droit d’exercer une fonction ou une charge publique relevant des dispositions de la présente loi, à l’exception de celles électorales, pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle elle a été relevée ou destituée de la fonction ou charge publique en question ou de la date de cessation de plein droit du mandat. Si l’intéressé a exercé une fonction éligible, il ne peut plus exercer la même fonction pendant une période de trois ans à compter de la fin du mandat. Si l’intéressé n’exerce plus de fonction ou de charge publique à la date de constatation de l’état d’incompatibilité ou du conflit d’intérêts, l’interdiction de trois ans opère selon la loi, à compter de la date à laquelle le rapport d’évaluation est devenu définitif ou de la date à laquelle la décision de justice confirmant l’existence d’un conflit d’intérêts ou d’un état d’incompatibilité est devenue définitive et irrévocable.

    [...] »

    9

    Aux termes de l’article 66, paragraphe 1, de la legea nr. 286/2009 privind Codul penal (loi no 286/2009 portant code pénal), du 17 juillet 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 510 du 24 juillet 2009), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après le « code pénal ») :

    « La peine complémentaire d’interdiction d’exercer certains droits consiste en l’interdiction d’exercer, pendant une période allant d’un à cinq ans, un ou plusieurs des droits suivants :

    a)

    le droit d’éligibilité au sein des autorités publiques ou à toute autre fonction publique ;

    b)

    le droit d’exercer des fonctions impliquant des prérogatives de puissance publique. »

    10

    L’article 301 du code pénal, intitulé « Conflit d’intérêts », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Le fait pour un fonctionnaire public, dans l’exercice de ses fonctions, d’accomplir un acte ou de participer à la prise d’une décision ayant permis d’obtenir, directement ou indirectement, un avantage patrimonial pour lui-même, pour son conjoint, pour un parent ou pour un parent par alliance jusqu’au deuxième degré compris [...] est puni d’une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et de la peine complémentaire d’interdiction de l’exercice du droit d’occuper une fonction publique. »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    11

    Le 22 juin 2016, le requérant au principal a été élu maire de la commune de MN (Roumanie) pour la période 2016/2020.

    12

    Dans un rapport d’évaluation du 25 novembre 2019, l’ANI a constaté que celui-ci n’avait pas respecté les règles régissant les conflits d’intérêts en matière administrative. En effet, au cours de son mandat, il aurait, par un contrat de commodat, accordé à une association dont son épouse était membre fondatrice et vice-présidente le droit d’utiliser, à titre gracieux, pendant une période de cinq ans, certains locaux appartenant à la commune, à des fins d’activités culturelles.

    13

    Dans le cas où ce rapport, valant constat de l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef du requérant au principal, deviendrait définitif notamment en l’absence de contestation de sa part, son mandat cesserait de plein droit et il se verrait infliger une interdiction complémentaire d’exercer des fonctions publiques électives pour une période de trois ans, conformément au droit national.

    14

    Par requête du 19 décembre 2019, le requérant au principal a saisi le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie) d’un recours tendant à l’annulation de ce rapport, en faisant valoir notamment que le droit de l’Union s’opposait à une législation nationale en vertu de laquelle une sanction telle qu’une interdiction d’exercer des fonctions publiques électives pendant une période de trois ans est imposée, automatiquement et sans possibilité de modulation en fonction de la gravité du manquement commis, à une personne considérée comme ayant agi en situation de conflit d’intérêts.

    15

    Ce tribunal s’étant déclaré incompétent pour connaître de ce recours, l’affaire a été renvoyée à la juridiction de renvoi, la Curtea de Apel Timișoara (cour d’appel de Timișoara, Roumanie).

    16

    Cette juridiction expose, tout d’abord, que l’affaire au principal relève du droit de l’Union dans la mesure où la loi no 176/2010 met en œuvre le deuxième objectif de référence figurant à l’annexe de la décision 2006/928. La création de l’ANI serait également intervenue pour se conformer à cet objectif.

    17

    Ladite juridiction relève, ensuite, que, en vertu de l’article 25 de cette loi, en cas de constatation de l’existence d’un conflit d’intérêts à l’égard d’une personne exerçant des fonctions publiques électives, acquérant un caractère définitif, le mandat de celle-ci cesse de plein droit. En outre, l’interdiction complémentaire d’exercer ces fonctions pendant une période de trois ans, prévue au paragraphe 2 de cet article, opérerait automatiquement, sans analyse de la nécessité de cette interdiction ni application différenciée en fonction de la gravité du manquement. En vertu de la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie), ladite interdiction concernerait toutes les fonctions publiques électives visées à l’article 1er de ladite loi, nonobstant l’expression « la même fonction » employée à cette disposition. Par ailleurs, ni la cessation du mandat ni l’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives ne pourraient être contestées en justice, le juge saisi de la légalité d’un rapport d’évaluation de l’ANI pouvant seulement vérifier si les faits reprochés à l’intéressé constituent ou non un conflit d’intérêts et non pas se prononcer sur les sanctions en découlant.

    18

    La juridiction de renvoi expose encore que si, en l’espèce, aucune infraction pénale n’a été constatée à l’encontre du requérant au principal, l’article 301, paragraphe 1, du code pénal prévoit une infraction de conflit d’intérêts également passible de la peine complémentaire d’interdiction de l’exercice du droit d’occuper une fonction publique, visée à l’article 66, paragraphe 1, de ce code. Cette juridiction estime dès lors nécessaire de déterminer si, à l’instar de cette dernière peine, l’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives prévue à l’article 25, paragraphe 2, de la loi no 176/2010 doit être appréciée au regard du principe de proportionnalité des peines garanti à l’article 49 de la Charte et, dans l’affirmative, si ce principe s’oppose à une telle sanction.

    19

    Enfin, ladite juridiction considère qu’il y a lieu de vérifier si l’article 15, paragraphe 1, et l’article 47 de la Charte s’opposent à une disposition nationale infligeant automatiquement cette sanction pour une durée préétablie de trois ans sans permettre au juge d’analyser sa nécessité ou son étendue au regard des circonstances concrètes de l’espèce.

    20

    Dans ces conditions, la Curtea de Apel Timişoara (cour d’appel de Timişoara) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    Le principe de proportionnalité des peines, figurant à l’article 49 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique également à des faits autres que ceux formellement définis par la loi nationale comme étant des infractions, mais qui peuvent être considérés comme des « accusations en matière pénale », au sens de l’article 6 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »)], au regard des critères développés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment celui de la gravité de la sanction, comme cela est le cas dans l’affaire au principal s’agissant de l’évaluation des conflits d’intérêts, pouvant donner lieu à l’application de la sanction complémentaire consistant en l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives pour une période de trois ans ?

    2)

    Si la première question appelle une réponse affirmative, le principe de proportionnalité des peines, figurant à l’article 49 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de la législation nationale de mise en œuvre en vertu de laquelle, en cas de constatation d’un conflit d’intérêts concernant une personne qui exerce une charge publique élective, la sanction complémentaire d’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives exclusivement pendant une période préétablie de trois ans s’applique automatiquement, en vertu de la loi (ope legis), sans donner la possibilité d’infliger une sanction proportionnelle au manquement commis ?

    3)

    Le droit de travailler, garanti à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, ainsi que le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, garanti à l’article 47 de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition de la législation nationale de mise en œuvre en vertu de laquelle, en cas de constatation d’un conflit d’intérêts concernant une personne qui exerce une charge publique élective, la sanction complémentaire d’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives exclusivement pendant une période préétablie de trois ans s’applique automatiquement, en vertu de la loi (ope legis), sans donner la possibilité d’infliger une sanction proportionnelle au manquement commis ? »

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la recevabilité

    21

    L’ANI et le gouvernement roumain contestent la recevabilité des questions préjudicielles. Ils font valoir, d’une part, que la Charte n’est pas applicable au litige au principal, en l’absence de mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci. Ils ajoutent, d’autre part, que les questions posées sont dépourvues de pertinence et que le problème soulevé est de nature purement hypothétique, dans la mesure où le litige au principal a seulement pour objet l’annulation d’un rapport d’évaluation ayant constaté un conflit d’intérêts dans le chef du requérant au principal et ne porte pas sur la question des sanctions.

    22

    Il y a lieu de rappeler que le champ d’application de la Charte, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à son article 51, paragraphe 1, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Cet article 51, paragraphe 1, confirme la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de celles-ci [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 78 ainsi que jurisprudence citée].

    23

    En l’occurrence, il ressort des indications de la juridiction de renvoi ainsi que de l’exposé des motifs relatifs à la loi no 176/2010 que celle-ci met en œuvre le deuxième objectif de référence figurant à l’annexe de la décision 2006/928, à savoir constituer une agence pour l’intégrité dotée de responsabilités en matière de vérification de patrimoine, d’incompatibilités et de conflits d’intérêts potentiels, mais aussi de la capacité d’arrêter des décisions impératives pouvant donner lieu à la prise de sanctions dissuasives.

    24

    Ainsi que l’a jugé la Cour, les objectifs de référence figurant à l’annexe de cette décision revêtent un caractère contraignant pour la Roumanie en ce sens que cet État membre est soumis à l’obligation spécifique de les atteindre et de prendre les mesures appropriées aux fins de la réalisation de ceux-ci. De même, ledit État membre est tenu de s’abstenir de mettre en œuvre toute mesure qui risquerait de compromettre la réalisation de ces objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia  Forumul Judecătorilor din România  e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 172).

    25

    En outre, ladite décision fait obligation à la Roumanie de lutter, de manière effective et indépendamment d’une éventuelle atteinte aux intérêts financiers de l’Union, contre la corruption, en particulier la corruption de haut niveau, ainsi que de prévoir l’application de sanctions effectives et dissuasives en cas d’infractions de corruption en général (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, points 189 et 190 ainsi que jurisprudence citée).

    26

    Dans ce cadre, la Cour a également précisé que la Roumanie dispose d’une liberté de choix des sanctions applicables, lesquelles peuvent prendre la forme de sanctions administratives, de sanctions pénales ou d’une combinaison des deux, cette compétence étant limitée par les principes de proportionnalité, d’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, points 191 et 192 ainsi que jurisprudence citée).

    27

    Il résulte de ces considérations, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 21 de ses conclusions, que la loi no 176/2010, notamment son article 25, constitue une mesure de mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de sorte que celle-ci est applicable dans le cadre de l’affaire au principal.

    28

    S’agissant de l’objet du litige au principal, il est de jurisprudence constante que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C‑310/17, EU:C:2018:899, point 28 et jurisprudence citée).

    29

    En l’occurrence, la juridiction de renvoi a expliqué dans la demande de décision préjudicielle que, si la légalité du rapport d’évaluation mentionné au point 12 du présent arrêt devait être confirmée par le rejet du recours dont cette juridiction est saisie, le requérant au principal se verrait automatiquement interdire l’exercice de fonctions publiques électives pendant une période de trois ans, en application de l’article 25, paragraphe 2, de la loi no 176/2010, sans pouvoir contester cette interdiction dans le cadre d’une autre procédure juridictionnelle.

    30

    Il n’apparaît donc pas manifeste que l’interprétation des dispositions de la Charte n’aurait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou que le problème serait de nature hypothétique.

    31

    Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont recevables.

    Sur le fond

    Sur la première question

    32

    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49, paragraphe 3, de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une législation nationale qui prévoit, à l’issue d’une procédure administrative, une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction.

    33

    L’article 49, paragraphe 3, de la Charte, qui prévoit que l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction, vise les sanctions de nature pénale. Dès lors, il convient d’examiner si une telle interdiction revêt un caractère pénal (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 90).

    34

    Selon la jurisprudence constante de la Cour relative à l’interprétation de l’article 50 de la Charte et transposée à l’article 49, paragraphe 3, de celle-ci, trois critères sont pertinents pour apprécier la nature pénale d’une sanction. Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le deuxième, la nature même de l’infraction et, le troisième, le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 91, ainsi que du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 25 et jurisprudence citée).

    35

    En effet, même pour des infractions qui ne sont pas qualifiées de « pénales » par le droit national, un tel caractère peut néanmoins découler de la nature même de l’infraction en question et du degré de sévérité des sanctions que celle-ci est susceptible d’entraîner [arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 88 et jurisprudence citée].

    36

    S’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière de ces critères, si la mesure en cause au principal présente une nature pénale au sens de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut toutefois apporter des précisions visant à guider cette juridiction dans son appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 92 et jurisprudence citée).

    37

    S’agissant du premier critère, portant sur la qualification de l’infraction en droit interne, il résulte tant du libellé de l’article 25, paragraphe 1, de la loi no 176/2010, qui fait référence à une « faute disciplinaire », que de la jurisprudence nationale citée dans la demande de décision préjudicielle, notamment de celle de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), que, en droit roumain, ni la cessation de plein droit du mandat en cas de constatation d’un conflit d’intérêts ni l’interdiction d’exercer toute fonction publique élective, complémentaire à cette cessation, ne sont considérées comme étant des sanctions pénales. En outre, il ressort du dossier dont dispose la Cour que ces mesures sont infligées en vertu d’une procédure administrative. S’il est vrai que le droit roumain prévoit également l’infraction pénale de conflit d’intérêts, les sanctions encourues à ce titre sont, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 31 de ses conclusions, infligées en vertu d’une procédure distincte et indépendante.

    38

    S’agissant du deuxième critère, relatif à la nature même de l’infraction, celui-ci implique de vérifier si la mesure en cause poursuit, notamment, une finalité répressive, ce qui est le propre d’une sanction de nature pénale au sens de l’article 49 de la Charte [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 89, ainsi que du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 94 et jurisprudence citée].

    39

    En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle et des observations des parties devant la Cour que la loi no 176/2010 vise à garantir l’intégrité et la transparence dans l’exercice des fonctions et des charges publiques ainsi qu’à prévenir la corruption institutionnelle, et que la mesure d’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives, telle que celle susceptible d’être imposée dans l’affaire au principal, s’inscrit dans un ensemble plus large de mesures qui poursuivent, toutes, de manière complémentaire, cet objectif et, par suite, contribue à la réalisation des objectifs de référence prévus par la décision 2006/928. Ainsi, la finalité de cette interdiction, comme celle de la déchéance de plein droit du mandat, est de préserver le bon fonctionnement et la transparence de l’État, en mettant fin durablement aux situations de conflit d’intérêts.

    40

    À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, s’agissant d’une interdiction de se porter candidat aux élections et d’exercer des fonctions électives poursuivant une telle finalité et visant à la libre décision des organes électifs, que celle-ci ne revêtait pas un caractère punitif, même si elle était prononcée à la suite d’une condamnation pénale pour des faits de corruption (voir, en ce sens, Cour EDH, 18 mai 2021, Galan c. Italie, CE:ECHR:2021:0518DEC006377216, § 85 et 97, ainsi que Cour EDH, 17 juin 2021, Miniscalco c. Italie, CE:ECHR:2021:0617JUD005509313, § 64 et 73).

    41

    Compte tenu de ces éléments et au regard de la jurisprudence mentionnée au point précédent, il apparaît qu’une mesure d’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives d’une durée de trois ans, telle que celle susceptible d’être imposée dans l’affaire au principal, poursuit un objectif essentiellement préventif et non pas répressif.

    42

    Quant au troisième critère, concernant le degré de sévérité de la sanction, il y a lieu de souligner, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 33 de ses conclusions, qu’une telle mesure consiste non pas à imposer une peine privative de liberté ou à infliger une amende mais à interdire l’exercice futur d’activités déterminées, à savoir des fonctions publiques électives, visant un groupe circonscrit de personnes ayant un statut particulier. Cette interdiction a également une durée limitée et ne porte pas sur le droit de vote.

    43

    Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, des sanctions similaires à la mesure en cause au principal ne sont pas considérées, de manière générale, comme présentant un degré de gravité suffisant pour leur conférer une nature pénale, d’autant plus lorsque le droit de vote n’est pas affecté (voir, en ce sens, Commission européenne des droits de l’homme, 13 janvier 1997, Tapie c. France, CE:ECHR:1997:0113DEC003225896, p. 5, ainsi que Cour EDH, 18 mai 2021, Galan c. Italie, CE:ECHR:2021:0518DEC006377216, § 96 et 97).

    44

    Il ressort de ces considérations qu’aucun des trois critères mentionnés au point 34 du présent arrêt ne paraît rempli et que, par conséquent, l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives prévue par la législation nationale en cause au principal ne semble pas revêtir une nature pénale, ce qu’il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier.

    45

    Or, pour autant qu’elle ne revêtirait pas une nature pénale, cette mesure ne saurait être appréciée au regard de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte.

    46

    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 49, paragraphe 3, de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une législation qui prévoit, à l’issue d’une procédure administrative, une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction, dans le cas où cette mesure ne revêt pas une nature pénale.

    Sur la deuxième question

    47

    À titre liminaire, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la deuxième question est posée dans l’hypothèse où l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives prévue à l’article 25, paragraphe 2, de la loi no 176/2010 devrait être considérée comme revêtant une nature pénale. Or, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 32 à 46 du présent arrêt, cette interdiction, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, ne paraît pas présenter une telle nature, de sorte que l’article 49, paragraphe 3, de la Charte ne trouverait pas à s’appliquer.

    48

    Cela étant, en ce qu’elle met en œuvre le droit de l’Union ainsi qu’il a été indiqué au point 27 du présent arrêt, la législation nationale en cause au principal doit, en tout état de cause, être conforme au principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union.

    49

    En effet, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union qui doivent être respectés par une législation nationale qui entre dans le champ d’application du droit de l’Union ou met en œuvre ce dernier, y compris en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables [voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2019, Repsol Butano et DISA Gas, C‑473/17 et C‑546/17, EU:C:2019:308, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 31 et jurisprudence citée].

    50

    Selon une jurisprudence constante, pour respecter le principe de proportionnalité, il faut qu’une mesure soit propre à garantir, de façon cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 25 janvier 2018, F, C‑473/16, EU:C:2018:36, point 56, ainsi que du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, point 65 et jurisprudence citée).

    51

    S’agissant des mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale, celles-ci ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation (arrêt du 24 février 2022, Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze, C‑452/20, EU:C:2022:111, point 37 ainsi que jurisprudence citée). En particulier, la rigueur de la sanction imposée doit être en adéquation avec la gravité de la violation qu’elle vise à réprimer (arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

    52

    Dans ces conditions, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile, il convient de reformuler la deuxième question comme visant, en substance, à savoir si le principe de proportionnalité s’oppose à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction.

    53

    En l’occurrence, il y a lieu de rappeler d’emblée que la loi no 176/2010, dont l’article 25, paragraphe 2, prévoit l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives d’une durée de trois ans, vise à garantir l’intégrité et la transparence dans l’exercice des fonctions et des charges publiques ainsi qu’à prévenir la corruption institutionnelle. Les finalités de cette loi, qui contribuent à la réalisation des objectifs de référence figurant à l’annexe de la décision 2006/928, constituent donc un objectif légitime reconnu par l’Union.

    54

    S’il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter et appliquer le droit national, dans l’hypothèse où elle confirmerait la légalité du rapport d’évaluation en cause au principal, d’apprécier en définitive si, par rapport au conflit d’intérêts constaté dans ce rapport, cette sanction est appropriée, nécessaire et proportionnée à la réalisation de cet objectif légitime, la Cour peut, néanmoins, apporter des précisions visant à guider ladite juridiction dans cette appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2022, Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze, C‑452/20, EU:C:2022:111, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

    55

    S’agissant du point de savoir si ladite sanction est propre à garantir, de façon cohérente et systématique, la réalisation des objectifs légitimes poursuivis, il convient de rappeler que celle-ci intervient à la suite d’une constatation par l’ANI, devenue définitive, d’une situation illégale de conflit d’intérêts imputable à une personne exerçant des fonctions publiques électives telles qu’un mandat de maire, à l’instar du requérant au principal, au cours de l’exercice de ses fonctions, à titre complémentaire à la cessation de plein droit du mandat de celle-ci.

    56

    L’imposition automatique de ces sanctions permet ainsi de faire cesser durablement la situation de conflit d’intérêts relevée en préservant le fonctionnement de l’État et des organes électifs concernés. En outre, le fait de prévoir tant la cessation de plein droit du mandat qu’une interdiction automatique d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée prédéterminée suffisamment longue paraît être de nature à dissuader les personnes exerçant un mandat électif de se placer dans une telle situation et à les inciter à respecter leurs obligations en la matière.

    57

    Il s’ensuit que l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives d’une durée de trois ans prévue par la législation nationale en cause au principal paraît appropriée pour atteindre l’objectif légitime poursuivi par cette législation.

    58

    Quant au caractère nécessaire de cette sanction, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le législateur roumain a prévu cette interdiction et fixé la durée de celle-ci à trois ans en considération de la gravité intrinsèque pour le fonctionnement de l’État et la société des faits constitutifs d’une situation de conflit d’intérêts. Ainsi, ladite interdiction est imposée en conséquence du manquement commis par une personne exerçant des fonctions publiques électives, à l’instar du requérant au principal, et qui présente une gravité certaine.

    59

    Le législateur roumain a également prévu, à l’article 301, paragraphe 1, du code pénal, l’infraction de conflit d’intérêts, passible d’une peine d’emprisonnement et d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercice des fonctions électives d’une durée variable, comprise entre un et cinq ans.

    60

    Il convient d’ajouter que l’ampleur des conflits d’intérêts ainsi que le niveau de corruption observés dans le secteur public national doivent être pris en compte quant au point de savoir si une législation nationale telle que celle en cause au principal excède ou non les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif de garantir l’intégrité et la transparence dans l’exercice des fonctions et des charges publiques ainsi qu’à prévenir la corruption institutionnelle. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la loi no 176/2010 met en œuvre le deuxième objectif de référence figurant à l’annexe de la décision 2006/928, revêtant un caractère contraignant pour la Roumanie et visant à ce que des sanctions dissuasives puissent résulter des décisions impératives de l’ANI. Cette décision fait également obligation à cet État membre de lutter, de manière effective, contre la corruption.

    61

    Or, eu égard à la composante préventive de la mesure en cause, qui vise notamment à dissuader les personnes exerçant des fonctions publiques de toute atteinte à l’intégrité de leur fonction, la fixation d’une durée préétablie pour cette mesure est nécessaire, dans un tel contexte national, pour en assurer l’effectivité.

    62

    En outre, l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives prévue à l’article 25, paragraphe 2, de la loi no 176/2010 est limitée dans le temps et ne s’applique qu’à certaines catégories de personnes exerçant des fonctions particulières. En particulier, une personne exerçant un mandat électif en qualité de maire, à l’instar du requérant au principal, est investie de responsabilités ainsi que de pouvoirs importants et a pour mission de représenter ses concitoyens.

    63

    Cette interdiction ne vise, par ailleurs, que des activités délimitées, à savoir les fonctions publiques électives, et n’empêche pas l’exercice de toute autre activité professionnelle, notamment dans le secteur privé.

    64

    Il s’ensuit que, eu égard au contexte dans lequel s’inscrit la législation nationale en cause au principal, celle-ci, en ce qu’elle impose une sanction d’inéligibilité d’une durée préétablie de trois ans, n’excède pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime qu’elle poursuit.

    65

    S’agissant du caractère proportionné de la mesure en cause et, notamment, de l’adéquation de sa rigueur par rapport à la gravité de l’infraction, il convient de rappeler l’importance que revêt la lutte contre la corruption dans le secteur public dans certains États membres et la priorité qui a été accordée par le législateur roumain à cet objectif, lequel représente une exigence réelle de la société roumaine ainsi qu’indiqué dans l’exposé des motifs relatif à la loi no 176/2010, également imposée par la décision 2006/928.

    66

    Partant, eu égard à la gravité de l’atteinte à l’intérêt public résultant des actes de corruption et des conflits d’intérêts, mêmes les moins importants, de la part des élus dans un contexte national de risque de corruption élevé, l’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives d’une durée préétablie de trois ans prévue par cette législation nationale n’apparaît pas, en principe, disproportionnée par rapport à l’infraction qu’elle vise à sanctionner.

    67

    Cela étant, la circonstance que la durée de cette interdiction ne soit assortie d’aucune possibilité de modulation ainsi que le confirmerait la jurisprudence de l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) ne permet pas d’exclure que, dans certains cas exceptionnels, cette sanction puisse s’avérer disproportionnée par rapport à l’infraction qu’elle sanctionne.

    68

    Tel pourrait, en effet, être le cas lorsque, exceptionnellement, le comportement illicite constaté, eu égard à l’objectif poursuivi, ne présente pas d’élément de gravité tandis que l’impact de ladite sanction sur la situation personnelle, professionnelle et économique de la personne concernée s’avère particulièrement grave.

    69

    Ainsi, en l’occurrence, à supposer que la légalité du rapport d’évaluation en cause au principal soit confirmée, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, au vu de toutes les circonstances pertinentes, si la rigueur de la sanction encourue par le requérant au principal en vertu de l’article 25, paragraphe 2, de la loi no 176/2010 reste en adéquation avec la gravité du conflit d’intérêts constaté dans ce rapport, en tenant compte de l’objectif poursuivi par cette loi.

    70

    Si tel ne devait pas être le cas, il appartiendrait à cette juridiction d’interpréter cette législation, dans la mesure du possible, comme permettant d’infliger une sanction proportionnée mais restant effective et dissuasive, dans le respect de la décision 2006/928.

    71

    En effet, il convient de rappeler que les juridictions nationales sont tenues d’interpréter, dans la mesure du possible, le droit national d’une manière conforme au droit de l’Union et que, si l’obligation d’interprétation conforme ne saurait servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national, ces juridictions nationales, y compris celles statuant en dernier ressort, doivent modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2019, Związek Gmin Zagłębia Miedziowego, C‑566/17, EU:C:2019:390, points 48 et 49, ainsi que du 4 mars 2020, Telecom Italia, C‑34/19, EU:C:2020:148, point 60 et jurisprudence citée).

    72

    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que le principe de proportionnalité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction pour autant que, au vu de toutes les circonstances pertinentes, l’application de cette législation aboutisse à infliger une sanction en adéquation avec la gravité de la violation qu’elle réprime, compte tenu de l’objectif de garantir l’intégrité et la transparence dans l’exercice des fonctions et des charges publiques ainsi que de prévenir la corruption institutionnelle. Tel ne serait pas le cas lorsque, exceptionnellement, le comportement illicite constaté, eu égard à cet objectif, ne présente pas d’élément de gravité tandis que l’impact de cette mesure sur la situation personnelle, professionnelle et économique de cette personne s’avère particulièrement grave.

    Sur la troisième question

    73

    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, et l’article 47 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction.

    74

    S’agissant de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, celui-ci consacre le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée. En outre, le libre exercice d’une activité professionnelle fait partie des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Interseroh Scrap and Metals Trading, C‑1/11, EU:C:2012:194, point 43 et jurisprudence citée).

    75

    L’ANI et le gouvernement roumain estiment que le droit d’exercer des fonctions publiques électives ne relève pas du champ d’application de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte dès lors que le droit d’être élu fait partie des droits politiques, ce que confirmerait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La Commission avance également que la mesure d’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives en cause au principal ne paraît pas relever du champ d’application de cette disposition puisque le processus électif n’implique pas le droit pour une personne donnée d’exercer de telles fonctions.

    76

    À cet égard, il est vrai que l’article 15, paragraphe 1, de la Charte est libellé de manière large, ainsi qu’en atteste l’emploi des termes « toute personne », « travailler » et « profession ».

    77

    En outre, selon les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), la liberté professionnelle, consacrée à cette disposition, est reconnue dans la jurisprudence de la Cour, issue notamment des arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission (4/73, EU:C:1974:51, points 12 à 14), du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, EU:C:1979:290, p. 3727), et du 8 octobre 1986, Keller (234/85, EU:C:1986:377, point 8). Ladite disposition s’inspire également de l’article 1er, paragraphe 2, de la Charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 et révisée à Strasbourg le 3 mai 1996, qui exige une protection efficace du droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris, ainsi que du point 4 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée lors de la réunion du Conseil européen tenue à Strasbourg le 9 décembre 1989, qui proclame que toute personne a droit à la liberté du choix et de l’exercice d’une profession, selon les dispositions régissant chaque profession. Ainsi, l’article 15, paragraphe 1, de la Charte est pourvu d’un champ d’application large tant ratione personae que ratione materiae, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 85 de ses conclusions.

    78

    Cela étant, ce champ d’application, aussi large soit-il, n’inclut pas le droitd’exercer, pendant une durée déterminée, un mandat électif obtenu à l’issue d’un processus électoral démocratique, tel que celui de maire.

    79

    Cette interprétation est corroborée par le fait que l’article 15 de la Charte figure dans le titre II de celle-ci, intitulé « Libertés », alors que des dispositions spécifiques visant le droit d’éligibilité à des élections, à savoir les articles 39 et 40 de la Charte relatifs au droit de vote et d’éligibilité respectivement aux élections au Parlement européen et aux élections municipales, figurent dans un titre distinct, soit le titre V, intitulé « Citoyenneté ».

    80

    La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme conforte également une telle interprétation, puisque celle-ci a jugé que le droit d’exercer un mandat électif, obtenu au terme d’un processus électoral, est un droit politique dont la rémunération n’est que le corollaire (voir, en ce sens, Cour EDH, 8 novembre 2016, Savisaar c. Estonie, CE:ECHR:2016:1108DEC000836516, § 26 et 27).

    81

    Il s’ensuit que le droit d’exercer des fonctions publiques électives, notamment celles de maire, ne relève pas du champ d’application de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, de sorte que, en l’occurrence, le requérant au principal ne saurait utilement se prévaloir de cette disposition.

    82

    Ainsi qu’il résulte de l’article 53 de la Charte, une telle interprétation est néanmoins sans préjudice de la possibilité pour les États membres d’appliquer un standard de protection plus favorable du droit au travail et du libre exercice de l’activité professionnelle reconnu par leur constitution nationale, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, telle qu’interprétée par la Cour.

    83

    Quant à l’article 47 de la Charte, celui-ci prévoit, à son premier alinéa, que toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article, et précise, à son deuxième alinéa, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

    84

    La reconnaissance du droit à un recours effectif, au sens de cet article 47, dans un cas d’espèce donné, suppose que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union ou que cette personne fasse l’objet de poursuites constituant une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, point 34 et jurisprudence citée].

    85

    Tel est le cas en l’occurrence puisque l’interdiction d’exercer des fonctions publiques électives d’une durée préétablie de trois ans, encourue par le requérant au principal dans l’hypothèse où la légalité du rapport d’évaluation établi par l’ANI serait confirmée, est prévue par la loi no 176/2010 qui, ainsi qu’il ressort du point 27 du présent arrêt, met en œuvre le droit de l’Union. L’article 47 de la Charte est donc applicable à l’affaire au principal.

    86

    En ce qui concerne le contenu de cette disposition, le principe de protection juridictionnelle effective qui y figure est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, le principe d’égalité des armes et le droit d’accès aux tribunaux (arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horaţiu-Vasile Cruduleci, C‑205/15, EU:C:2016:499, point 42 et jurisprudence citée).

    87

    Le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte implique notamment que le titulaire de ce droit puisse accéder à un tribunal compétent pour assurer le respect des droits qui lui sont garantis par le droit de l’Union et, à cette fin, pour examiner toutes les questions de droit et de fait pertinentes pour résoudre le litige dont il se trouve saisi [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale), C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 66 et jurisprudence citée].

    88

    En l’occurrence, le droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte suppose, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 100 de ses conclusions, que la juridiction de renvoi puisse contrôler la légalité du rapport d’évaluation de l’ANI mettant en cause le requérant au principal et, le cas échéant, annuler ce rapport ainsi que les sanctions infligées sur le fondement de celui-ci.

    89

    Or, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les rapports d’évaluation établis par l’ANI contiennent la description des faits, le point de vue de la personne concernée et l’évaluation des éléments constitutifs du conflit d’intérêts relevé. En outre, la juridiction de renvoi est compétente pour examiner, dans le cadre du contrôle qu’elle doit exercer sur le rapport d’évaluation en cause au principal, toutes les questions pertinentes de droit et de fait et, partant, à l’issue de ce contrôle, pour confirmer ou infirmer l’existence du conflit d’intérêts. De surcroît, dans le cas où cette juridiction parviendrait à la conclusion que ledit rapport d’évaluation est illégal, elle disposerait du pouvoir de l’annuler ainsi que, par voie de conséquence, d’invalider les mesures de cessation du mandat et d’interdiction d’exercice des fonctions publiques électives infligées sur son fondement.

    90

    Par ailleurs, ainsi qu’il découle des points 69 et 72 du présent arrêt, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que, en l’occurrence, l’exigence d’imposer une sanction proportionnée découlant du droit de l’Union est respectée.

    91

    Enfin, comme l’a également relevé M. l’avocat général au point 102 de ses conclusions, le dossier dont dispose la Cour ne comporte aucun élément de nature à faire douter de l’effectivité des voies de recours prévues en droit roumain ou de la conformité de la législation nationale en cause au principal à l’article 47 de la Charte.

    92

    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que :

    l’article 15, paragraphe 1, de la Charte doit être interprété en ce sens que le droit d’exercer un mandat électif obtenu à l’issue d’un processus électoral démocratique, tel que celui de maire, ne relève pas de cette disposition ;

    l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction, pour autant que la personne visée ait effectivement la possibilité de contester la légalité du rapport ayant effectué cette constatation et de la sanction infligée sur le fondement de celui-ci, y compris sa proportionnalité.

    Sur les dépens

    93

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

     

    1)

    L’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une législation nationale qui prévoit, à l’issue d’une procédure administrative, une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction, dans le cas où cette mesure ne revêt pas une nature pénale.

     

    2)

    Le principe de proportionnalité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction pour autant que, au vu de toutes les circonstances pertinentes, l’application de cette législation aboutisse à infliger une sanction en adéquation avec la gravité de la violation qu’elle réprime, compte tenu de l’objectif de garantir l’intégrité et la transparence dans l’exercice des fonctions et des charges publiques ainsi que de prévenir la corruption institutionnelle. Tel ne serait pas le cas lorsque, exceptionnellement, le comportement illicite constaté, eu égard à cet objectif, ne présente pas d’élément de gravité tandis que l’impact de cette mesure sur la situation personnelle, professionnelle et économique de cette personne s’avère particulièrement grave.

     

    3)

    L’article 15, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux doit être interprété en ce sens que le droit d’exercer un mandat électif obtenu à l’issue d’un processus électoral démocratique, tel que celui de maire, ne relève pas de cette disposition.

     

    4)

    L’article 47 de la charte des droits fondamentaux doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit une mesure d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective pendant une durée préétablie de trois ans contre une personne à l’égard de laquelle a été constatée l’existence d’un conflit d’intérêts dans l’exercice d’une telle fonction, pour autant que la personne visée ait effectivement la possibilité de contester la légalité du rapport ayant effectué cette constatation et de la sanction infligée sur le fondement de celui-ci, y compris sa proportionnalité.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

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