EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62020CJ0619

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 22 septembre 2022.
International Management Group (IMG) contre Commission européenne.
Pourvoi – Coopération au développement – Exécution du budget de l’Union en gestion indirecte par une organisation internationale – Décision de ne plus confier des tâches d’exécution budgétaire à une entité en raison de doutes sur sa qualité d’organisation internationale – Recours en annulation – Exécution d’un arrêt d’annulation – Autorité de la chose jugée – Obligations et pouvoirs de l’auteur de l’acte annulé – Acte préparatoire – Recevabilité – Demande en réparation – Règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers – Règlements financiers de l’Union – Obligation de diligence – Existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette obligation – Examen concret au cas par cas – Préjudice moral – Réparation adéquate et suffisante par l’annulation de l’acte illégal – Préjudice matériel – Litige n’étant pas en état d’être jugé – Renvoi de l’affaire au Tribunal.
Affaires jointes C-619/20 P et C-620/20 P.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:722

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 septembre 2022 ( *1 )

Table des matières

 

I. Le cadre juridique

 

A. La réglementation financière de 2002

 

1. Le règlement financier de 2002

 

2. Le règlement financier d’exécution de 2002

 

B. La réglementation financière de 2012

 

1. Le règlement financier de 2012

 

2. Le règlement financier délégué de 2012

 

C. La réglementation financière de 2018

 

II. Les antécédents des litiges

 

A. La partie requérante

 

B. Les antécédents administratifs

 

1. La décision du 7 novembre 2013

 

2. La décision du 16 décembre 2014

 

3. La décision du 8 mai 2015

 

C. Les antécédents judiciaires

 

1. L’arrêt T‑29/15

 

2. L’arrêt T‑381/15

 

3. L’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P

 

4. L’ordonnance C‑183/17 P‑INT

 

D. Les affaires en première instance

 

1. L’affaire T‑381/15 RENV

 

2. L’affaire T‑645/19

 

III. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

 

A. Les conclusions des parties

 

B. La procédure devant la Cour

 

IV. Sur les pourvois

 

A. Sur l’objet des litiges et l’intérêt à agir

 

1. Argumentation des parties

 

2. Appréciation de la Cour

 

B. Sur le pourvoi C‑619/20 P

 

1. Sur le premier moyen

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

2. Sur le second moyen

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

C. Sur le pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P

 

1. Sur le premier moyen

 

a) Arguments des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

1) Sur le premier grief, tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose jugée

 

2) Sur les deuxième et quatrième griefs, tirés de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée des réglementations financières de 2002 et de 2012

 

3) Sur le troisième grief, tiré de l’existence d’une violation de l’obligation de diligence

 

2. Sur le second moyen

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

V. Sur le recours dans l’affaire T‑381/15 RENV

 

A. Sur l’évocation

 

B. Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence incombant en l’espèce à la Commission

 

C. Sur les préjudices invoqués et sur le lien de causalité avec la violation constatée

 

VI. Sur les dépens

« Pourvoi – Coopération au développement – Exécution du budget de l’Union en gestion indirecte par une organisation internationale – Décision de ne plus confier des tâches d’exécution budgétaire à une entité en raison de doutes sur sa qualité d’organisation internationale – Recours en annulation – Exécution d’un arrêt d’annulation – Autorité de la chose jugée – Obligations et pouvoirs de l’auteur de l’acte annulé – Acte préparatoire – Recevabilité – Demande en réparation – Règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers – Règlements financiers de l’Union – Obligation de diligence – Existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette obligation – Examen concret au cas par cas – Préjudice moral – Réparation adéquate et suffisante par l’annulation de l’acte illégal – Préjudice matériel – Litige n’étant pas en état d’être jugé – Renvoi de l’affaire au Tribunal »

Dans les affaires jointes C‑619/20 P et C‑620/20 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 19 novembre 2020,

International Management Group (IMG), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J.-Y. de Cara et L. Levi, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme J. Norris, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. J. Passer (rapporteur), F. Biltgen, N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire C‑619/20 P sans conclusions,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions dans l’affaire C‑620/20 P à l’audience du 3 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi dans l’affaire C‑619/20 P, International Management Group (ci-après « IMG ») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑645/19, non publiée, ci-après l’ ordonnance attaquée , EU:T:2020:388), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la lettre de la Commission européenne du 18 juillet 2019 l’invitant à produire certains documents dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, ci-après l’ arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P , EU:C:2019:78), et, d’autre part, à obtenir la réparation des préjudices causés par cette lettre ainsi que par les décisions qui ont été annulées par cet arrêt.

2

Par son pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P, IMG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑381/15 RENV, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2020:406), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à obtenir la réparation des préjudices causés par la décision de la Commission, contenue dans sa lettre du 8 mai 2015, de ne pas conclure avec elle de nouvelles conventions de délégation en gestion indirecte « jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue au sujet [de son] statut d’organisation internationale ».

I. Le cadre juridique

A. La réglementation financière de 2002

1.   Le règlement financier de 2002

3

Le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) (ci-après le « règlement financier de 2002 »), a été abrogé, avec effet au 1er janvier 2013, par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement no 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1) (ci-après le « règlement financier de 2012 »). Toutefois, l’article 212, sous a), du règlement financier de 2012 a prévu, notamment, que les articles 53 et 53 quinquies du règlement financier de 2002 resteraient applicables à tous les engagements contractés jusqu’au 31 décembre 2013.

4

L’article 53 du règlement financier de 2002 prévoyait :

« La Commission exécute le budget conformément aux dispositions des articles 53 bis à 53 quinquies :

a)

de manière centralisée ;

b)

en gestion partagée ou décentralisée, ou

c)

en gestion conjointe avec des organisations internationales. »

5

L’article 53 quinquies de ce règlement énonçait notamment :

« 1.   Lorsque la Commission exécute le budget en gestion conjointe, certaines tâches d’exécution sont déléguées à des organisations internationales [...]

[...]

2.   Les conventions individuelles conclues avec les organisations internationales en vue de l’octroi du financement contiennent des dispositions détaillées concernant l’exécution des tâches confiées à ces organisations internationales.

[...] »

2.   Le règlement financier d’exécution de 2002

6

Le règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO 2007, L 111, p. 13) (ci-après le « règlement financier d’exécution de 2002 » et, pris ensemble avec le règlement financier de 2002, la « réglementation financière de 2002 »), a été abrogé, avec effet au 1er janvier 2013, par le règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1) (ci-après le « règlement financier délégué de 2012 » et, pris ensemble avec le règlement financier de 2012, la « réglementation financière de 2012 »).

7

L’article 43 du règlement financier d’exécution de 2002, intitulé « Gestion conjointe », comprenait notamment un paragraphe 2, aux termes duquel :

« Les organisations internationales visées à l’article 53 quinquies du règlement [financier de 2002] sont :

a)

les organisations de droit international public créées par des accords intergouvernementaux ainsi que les agences spécialisées créées par celles-ci ;

[...] »

B. La réglementation financière de 2012

1.   Le règlement financier de 2012

8

Le règlement financier de 2012 est entré en vigueur le 27 octobre 2012, conformément au premier alinéa de son article 214. Il était applicable depuis le 1er janvier 2013 en vertu du deuxième alinéa de cet article, sans préjudice des dates d’application spécifiques prévues à ce même alinéa pour certaines dispositions de ce règlement.

9

Parmi ces dispositions figurait l’article 58 de ce règlement, intitulé « Modes d’exécution du budget », qui comportait un paragraphe 1 libellé comme suit, lequel n’était applicable qu’aux engagements contractés à partir du 1er janvier 2014 :

« La Commission exécute le budget :

a)

de manière directe (“gestion directe”) dans ses services [...]

b)

en gestion partagée avec les États membres (“gestion partagée”) ; ou

c)

de manière indirecte (“gestion indirecte”), [...] en confiant des tâches d’exécution budgétaire :

[...]

ii)

à des organisations internationales et à leurs agences ;

[...] »

10

Pour leur part, les articles 84 à 86 dudit règlement étaient applicables depuis le 1er janvier 2013.

11

En vertu de l’article 84 du même règlement, intitulé « Décision de financement » :

« 1.   Toute dépense fait l’objet d’un engagement, d’une liquidation, d’un ordonnancement et d’un paiement.

2.   Sauf lorsqu’il s’agit de crédits qui [...] peuvent être exécutés sans acte de base, l’engagement de la dépense est précédé d’une décision de financement adoptée par l’institution ou les autorités déléguées par celle-ci.

3.   La décision de financement visée au paragraphe 2 précise l’objectif poursuivi, les résultats escomptés, la méthode d’exécution et son montant total. Elle comporte également une description des actions à financer, une indication des montants alloués à chaque action et un calendrier indicatif pour l’exécution.

En cas de gestion indirecte, la décision de financement précise également l’entité ou la personne en charge en vertu de l’article 58, paragraphe 1, point c), les critères ayant présidé à la sélection de l’entité ou de la personne et les tâches confiées à ladite entité ou à ladite personne.

[...] »

12

L’article 85 du règlement financier de 2012, intitulé « Types d’engagements », énonçait, à son paragraphe 1, premier et deuxième alinéas :

« Un engagement budgétaire consiste dans l’opération de réservation des crédits nécessaires à l’exécution de paiements ultérieurs en exécution d’engagements juridiques.

Un engagement juridique est l’acte par lequel l’ordonnateur crée ou constate une obligation de laquelle il résulte une charge. »

13

L’article 86 de ce règlement, intitulé « Règles applicables aux engagements », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Pour toute mesure de nature à provoquer une dépense à la charge du budget, l’ordonnateur compétent procède à un engagement budgétaire avant de conclure un engagement juridique vis-à-vis de tiers [...] »

2.   Le règlement financier délégué de 2012

14

L’article 43 du règlement financier délégué de 2012, intitulé « Disposition spécifique en matière de gestion indirecte avec des organisations internationales [...] », énonçait, à son paragraphe 1 :

« Les organisations internationales visées à l’article 58, paragraphe 1, point c) ii), du règlement [financier de 2012] sont :

a)

les organisations de droit international public créées par des accords intergouvernementaux ainsi que les agences spécialisées créées par celles-ci ;

[...] »

C. La réglementation financière de 2018

15

Le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »), est entré en vigueur le 2 août 2018 et est applicable depuis cette date, sans préjudice des dates d’application spécifiques prévues pour certaines de ses dispositions.

16

L’article 62 de ce règlement, intitulé « Modes d’exécution budgétaire », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« La Commission exécute le budget :

a)

en mode direct (ci-après dénommé “gestion directe”) [...] ;

b)

en gestion partagée avec les États membres (ci-après dénommée “gestion partagée”) [...] ;

c)

en mode indirect (ci-après dénommé “gestion indirecte”), comme prévu aux articles 125 à 149 et 154 à 159, lorsque ce mode d’exécution est prévu dans l’acte de base ou dans les cas visés à l’article 58, paragraphe 2, points a) à d), en confiant des tâches d’exécution budgétaire :

[...]

ii)

à des organisations internationales ou leurs agences, au sens de l’article 156 ;

[...] »

17

L’article 156 dudit règlement, intitulé « Gestion indirecte avec des organisations internationales », est rédigé comme suit :

« 1.   La Commission peut, conformément à l’article 62, paragraphe 1, premier alinéa, point c) ii), exécuter le budget en mode indirect avec des organisations de droit international public créées par des accords internationaux (ci-après dénommées “organisations internationales”) et avec des agences spécialisées créées par celles-ci. Ces accords sont transmis à la Commission dans le cadre de l’évaluation qu’elle effectue conformément à l’article 154, paragraphe 3.

[...]

4.   Lorsque des organisations internationales exécutent des fonds en gestion indirecte, les accords de vérification conclus avec elles s’appliquent. »

II. Les antécédents des litiges

A. La partie requérante

18

Ainsi qu’il ressort du point 1 de l’arrêt attaqué, IMG a, selon ses statuts, été établie le 25 novembre 1994 en tant qu’organisation internationale dénommée « International Management Group – Infrastructure for Bosnia and Herzegovina » (Groupe de gestion internationale – Infrastructure pour la Bosnie-Herzégovine) et ayant son siège à Belgrade (Serbie), dans le but de permettre aux États participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée. Depuis lors, IMG a progressivement étendu son champ d’activité et conclu, le 13 juin 2012, un accord de siège avec le Royaume de Belgique.

B. Les antécédents administratifs

19

Les antécédents administratifs des présents litiges, tels qu’antérieurement exposés aux points 17 à 28 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, sont, en substance, les suivants.

1.   La décision du 7 novembre 2013

20

Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2013) 7682 final relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/Birmanie à financer sur le budget général de l’Union européenne (ci-après la « décision du 7 novembre 2013 »), sur le fondement de l’article 84 du règlement financier de 2012.

21

L’article 1er de cette décision disposait que le programme d’action pour l’année 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie, tel que précisé par les annexes 1 et 2 de celle-ci, est approuvé.

22

L’article 3 de ladite décision prévoyait que des tâches d’exécution budgétaire en gestion conjointe peuvent être confiées aux entités visées aux annexes 1 et 2 de celle-ci, sous réserve de la conclusion d’une convention de délégation.

23

L’annexe 2 de la même décision décrivait la seconde action constituant le programme d’action pour l’année 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie. Les sections 5 et 8 de cette annexe énonçaient, en substance, que cette action était constituée par un programme de développement du commerce dont le coût, estimé à 10 millions d’euros, serait financé par l’Union européenne et dont la mise en œuvre serait assurée en gestion conjointe avec IMG. Le point 8.3.1 de ladite annexe présentait IMG comme une organisation internationale déjà établie au Myanmar/en Birmanie et associée à la mise en œuvre de projets financés par l’Union dans cet État.

2.   La décision du 16 décembre 2014

24

Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission qu’il avait ouvert une enquête sur le statut d’IMG.

25

Le 24 février 2014, le secrétaire général de la Commission a transmis cette information au directeur général de la coopération internationale et du développement de cette institution, en attirant son attention sur la possibilité d’adopter des mesures conservatoires sur le fondement de l’article 7, paragraphe 6, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1).

26

Le 26 février 2014, ce directeur général a adopté, sur le fondement de cette disposition, des mesures conservatoires, en les justifiant par la circonstance que l’analyse initiale de l’OLAF avait fait apparaître des doutes au sujet du statut d’IMG. Ces mesures conservatoires consistaient, pour l’essentiel, à interdire temporairement, d’une part, la conclusion de toute nouvelle convention de délégation avec IMG au titre d’une gestion indirecte du budget de l’Union sur le fondement du règlement financier de 2012 et, d’autre part, l’extension de toute convention de délégation déjà conclue avec IMG au titre d’une gestion conjointe du budget de l’Union sur le fondement du règlement financier de 2002.

27

Le 25 avril 2014, le directeur général de la coopération internationale et du développement de la Commission a adressé une lettre à IMG (ci-après la « lettre du 25 avril 2014 »), dans laquelle il l’a informée de trois nouveaux éléments dans le dossier administratif de la Commission, tenant, premièrement, au fait que cinq États membres de l’Union qu’IMG présentait comme étant ses membres ne se considéraient pas comme tels, deuxièmement, au fait que le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) avait indiqué qu’IMG ne constituait pas une agence spécialisée de l’ONU et, troisièmement, au fait qu’il existait des incertitudes relatives aux pouvoirs des personnes ayant représenté certains États présents lors de la signature de l’acte constitutif d’IMG. Le même directeur général a également indiqué que, compte tenu des doutes suscités par ces éléments au sujet du statut d’IMG, il avait donné instruction à ses services de suspendre temporairement, en ce qui la concerne, le recours aux procédures instituées par les réglementations financières de 2002 et de 2012 en vue de permettre à la Commission de confier l’exécution de tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales dans le cadre d’une gestion indirecte ou conjointe du budget de l’Union.

28

Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête (ci-après le « rapport de l’OLAF »), assorti d’une série de recommandations. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, qu’IMG ne constituait pas une organisation internationale, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, et a recommandé à la Commission d’imposer des sanctions à IMG ainsi que de procéder à la récupération des sommes qui lui avaient été versées en cette qualité.

29

Le 16 décembre 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2014) 9787 final sur le fondement de l’article 84 du règlement financier de 2012 (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »). Aux termes de l’article 1er de cette décision, l’annexe 2 de la décision du 7 novembre 2013 était remplacée par une nouvelle annexe, dont les sections 1 et 4.3 prévoyaient, en substance, que la mise en œuvre du programme de développement du commerce prévu par cette dernière décision serait assurée en gestion indirecte par une entité autre qu’IMG.

3.   La décision du 8 mai 2015

30

Le 16 janvier 2015, le service juridique de la Commission a établi une note intitulée « Analyse juridique du [rapport de l’OLAF] dans l’enquête [...] relative à [IMG] ».

31

Le 8 mai 2015, la Commission a adressé à IMG une lettre ayant pour objet de l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF. Elle indiquait en particulier que, tout en s’abstenant de donner suite à la plupart des recommandations figurant dans ce rapport, qu’elle n’avait pas communiqué à IMG, elle avait notamment décidé que, « jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue au sujet [de son] statut d’organisation internationale », ses services ne concluraient plus avec elle de nouvelle convention de délégation en vertu des dispositions permettant de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales, au titre d’une gestion indirecte du budget de l’Union (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).

C. Les antécédents judiciaires

1.   L’arrêt T‑29/15

32

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2015, IMG a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014.

33

La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours, tirée du caractère non attaquable de la décision du 16 décembre 2014 en raison, d’une part, de l’absence d’effets juridiques obligatoires de celle-ci et, d’autre part, de son caractère purement confirmatif par rapport à la lettre du 25 avril 2014, qui avait informé IMG de l’existence des mesures conservatoires du 26 février 2014.

34

Par ordonnance du 30 juin 2015, le Tribunal a joint cette exception au fond.

35

Par arrêt du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T‑29/15, non publié, ci-après l’ arrêt T‑29/15 , EU:T:2017:56), le Tribunal a rejeté le recours d’IMG. Aux points 28 à 78 de cet arrêt, il a estimé que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission n’était pas fondée dans la mesure où la décision du 16 décembre 2014 avait produit des effets juridiques obligatoires en ce qu’elle avait définitivement privé IMG de la possibilité de conclure la convention de délégation à laquelle elle se rapportait, d’une part, et où elle ne revêtait pas un caractère purement confirmatif par rapport à la lettre du 25 avril 2014, d’autre part. Toutefois, aux points 79 à 169 et 174 dudit arrêt, le Tribunal a écarté les sept moyens invoqués par IMG et, par suite, rejeté le recours comme étant non fondé.

2.   L’arrêt T‑381/15

36

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juillet 2015, IMG a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 et à la réparation des préjudices causés par celle-ci.

37

La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours, tirée du caractère non attaquable de la décision du 8 mai 2015 en raison, notamment, de son absence d’effets juridiques obligatoires.

38

Par ordonnance du 29 janvier 2016, le Tribunal a joint cette exception au fond.

39

Par arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T‑381/15, non publié, ci-après l’ arrêt T‑381/15 , EU:T:2017:57), le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur une partie du recours d’IMG et rejeté celui-ci pour le surplus.

40

Aux points 41 à 53 et 75 de cet arrêt, le Tribunal a estimé, tout d’abord, que la décision du 8 mai 2015 avait produit des effets juridiques obligatoires dans la mesure où elle avait privé IMG de la possibilité de se voir confier de nouvelles tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte par une organisation internationale prévu à l’article 58, paragraphe 1, du règlement financier de 2012, de telle sorte que le recours en annulation d’IMG était recevable. Ensuite, aux points 76 à 160 dudit arrêt, le Tribunal a écarté les huit moyens invoqués par IMG et, par suite, rejeté le recours comme étant non fondé. À cet égard, le Tribunal a notamment jugé, en substance, que, tout en n’étant pas motivée de façon très précise et détaillée, la décision du 8 mai 2015 devait être comprise et contrôlée au regard des trois éléments de fait et de droit énumérés au point 27 du présent arrêt, que la Commission avait porté à la connaissance d’IMG en vue de justifier ses doutes au sujet de la qualité d’organisation internationale de cette entité. Enfin, aux points 170 à 173 du même arrêt, le Tribunal a rejeté la demande en réparation d’IMG comme étant non fondée.

3.   L’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P

41

Par deux pourvois introduits le 11 avril 2017, IMG a demandé à la Cour d’annuler les arrêts T‑29/15 et T‑381/15 et de statuer définitivement sur les litiges en annulant les décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015 ainsi qu’en condamnant l’Union à réparer les préjudices causés par la seconde de ces décisions.

42

Tout en concluant au rejet intégral de ces deux pourvois, la Commission a formé en parallèle deux pourvois incidents, par lesquels elle a demandé à la Cour, pour l’essentiel, d’annuler les arrêts T‑29/15 et T‑381/15 en ce qu’ils avaient rejeté ses exceptions d’irrecevabilité et de statuer définitivement sur les litiges en rejetant les recours comme irrecevables.

43

Par l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, la Cour a, en premier lieu, rejeté les deux pourvois incidents de la Commission au motif que le Tribunal n’avait commis aucune des erreurs de droit alléguées par cette institution en considérant que les deux recours d’IMG étaient recevables en ce qu’ils visaient des actes destinés à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’IMG, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

44

En effet, la Cour a constaté, aux points 55 à 60 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, que la décision du 16 décembre 2014 constituait une décision de financement adoptée sur la base de l’article 84 du règlement financier de 2012 et ayant pour objet de modifier une décision antérieure, en vue de confier à une entité tierce une tâche d’exécution budgétaire précédemment confiée à IMG. Elle a également relevé que cette décision de financement avait eu pour effet de retirer à IMG la qualité juridique d’entité en charge de cette tâche d’exécution budgétaire et, par voie de conséquence, de priver l’intéressée de toute possibilité de conclure ultérieurement, avec l’Union, une convention de délégation relative à celle-ci, matérialisant un engagement juridique au sens des articles 85 et 86 de ce règlement.

45

En outre, la Cour a constaté, aux points 61 à 63 dudit arrêt, que la décision du 8 mai 2015 interdisait la conclusion de toute autre convention de délégation au titre d’une gestion indirecte du budget de l’Union avec IMG « jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue au sujet [de son] statut d’organisation internationale », qu’elle privait, ce faisant, l’intéressée de toute chance effective de se voir confier des tâches d’exécution budgétaire en cette qualité et qu’il ressortait de la jurisprudence que cet effet devait être regardé comme un effet juridique obligatoire de ladite décision, ainsi que le Tribunal l’avait retenu à bon droit.

46

En deuxième lieu, la Cour a accueilli, aux points 84 à 97 du même arrêt, les moyens des deux pourvois par lesquels IMG reprochait au Tribunal d’avoir jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation en justifiant les décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015 par l’existence de doutes relatifs à sa qualité d’organisation internationale au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012.

47

À cet égard, la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se limitant à affirmer que les arguments et les éléments de preuve présentés par IMG ne mettaient pas en cause les doutes de la Commission quant à sa qualité d’organisation internationale, au lieu de contrôler la légalité des décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015 au regard de la notion d’« organisation internationale » au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, qui renvoient, à cet égard, aux « organisations de droit international public créées par des accords intergouvernementaux ».

48

Dans ce contexte, la Cour a notamment relevé qu’aucun des trois éléments énumérés au point 27 du présent arrêt n’était légalement susceptible de fonder des doutes au sujet de la qualité d’organisation internationale d’IMG, dans la mesure où ils ne portaient que sur la qualité de cinq États présentés par celle-ci comme faisant partie ou comme ayant fait partie de ses membres ainsi que sur les pouvoirs des personnes ayant représenté ces États lors de la signature de son acte constitutif, et non pas sur l’ensemble des États membres d’IMG ou sur la qualité propre de cette dernière.

49

En troisième et dernier lieu, la Cour a considéré, aux points 98 à 106 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, premièrement, que le constat des erreurs de droit commises par le Tribunal impliquait d’annuler intégralement les arrêts T‑29/15 et T‑381/15, deuxièmement, que les deux litiges étaient en état d’être jugés en ce qu’IMG demandait l’annulation des décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015, troisièmement, que ces deux décisions étaient entachées d’illégalité au même titre que les arrêts T‑29/15 et T‑381/15, de telle sorte qu’elles devaient elles aussi être annulées intégralement, et, quatrièmement, que la demande en réparation des préjudices causés à IMG par la décision du 8 mai 2015 n’était, en revanche, pas en état d’être jugée et devait donc être renvoyée au Tribunal.

4.   L’ordonnance C‑183/17 P‑INT

50

Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 janvier 2020, IMG a demandé à la Cour d’interpréter les points 1 à 3 du dispositif de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, en liaison avec les points 91 à 105 des motifs de cet arrêt, en ce sens que la Commission n’était pas fondée à maintenir des doutes sur son statut d’organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union.

51

Par ordonnance du 9 juin 2020, International Management Group/Commission (C‑183/17 P‑INT, ci-après l’ ordonnance C‑183/17 P‑INT , EU:C:2020:507), la Cour a rejeté cette demande en interprétation comme étant manifestement irrecevable en ce qu’elle portait sur un point non tranché par ledit arrêt. En particulier, aux points 22 et 23 de cette ordonnance, la Cour a indiqué, en substance, que, si elle avait constaté le caractère erroné des doutes exprimés par la Commission au sujet de la qualité d’organisation internationale d’IMG sur la base d’une série d’éléments insusceptibles de fonder de tels doutes, elle n’avait en aucun cas tranché le point de savoir si, sur la base d’une analyse non entachée d’erreur de droit et tenant compte de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents, il devait être considéré ou au contraire exclu que l’intéressée possédait une telle qualité.

D. Les affaires en première instance

1.   L’affaire T‑381/15 RENV

52

À la suite du prononcé de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations écrites, avant d’adresser à celles-ci des questions pour réponse écrite, auxquelles elles ont répondu dans les délais impartis à cet effet. Il les a également entendues lors d’une audience de plaidoiries qui s’est tenue le 12 mars 2020.

53

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la demande en réparation visée au point 49 du présent arrêt.

54

En premier lieu, aux points 49 à 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que cette demande, telle que précisée par IMG dans ses observations écrites faisant suite au renvoi partiel de l’affaire par la Cour, était irrecevable en ce qu’elle tendait à obtenir la réparation d’une série de préjudices qui soit s’ajoutaient à ceux figurant dans la requête introductive d’instance, soit avaient changé de nature par rapport à ceux-ci. En particulier, cette juridiction a rejeté comme irrecevables les chefs de conclusions de ladite demande par lesquels IMG entendait obtenir la réparation en nature, par voie d’injonctions de faire et de déclarations publiques assorties d’intérêts de retard, de différents préjudices matériels qu’elle alléguait avoir subis du fait de la décision du 8 mai 2015. En outre, ladite juridiction a rejeté comme irrecevable un chef de conclusions par lequel IMG demandait l’indemnisation d’un préjudice moral chiffré à 10 millions d’euros et non plus à un euro symbolique comme c’était le cas dans cette requête.

55

En revanche, la demande indemnitaire a été jugée recevable en tant qu’elle portait sur certains préjudices matériels et sur le préjudice moral dont IMG avait demandé la réparation dans ladite requête.

56

En deuxième lieu, aux points 75 à 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé, en substance, que, tout en étant entachée d’illégalité pour les motifs retenus par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, la décision du 8 mai 2015 n’avait violé aucune règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

57

À cet égard, il a rejeté comme non fondée, aux points 76 à 88 de cet arrêt, l’argumentation d’IMG selon laquelle il convenait de considérer que les dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 en violation desquelles cette décision était intervenue devaient être interprétées, à la lumière de certaines règles de droit international public relatives à la notion d’« organisation internationale » figurant dans ces dispositions, comme ayant pour objet de conférer aux entités auxquelles la Commission a reconnu la qualité d’organisation internationale, au sens desdites dispositions, le droit de demeurer reconnues comme telles.

58

De même, aux points 89 à 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme non fondée l’argumentation d’IMG selon laquelle l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015, telle que constatée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, devait être qualifiée de violation d’une règle de droit découlant du principe de bonne administration et ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, à savoir l’obligation en vertu de laquelle la Commission était tenue d’examiner avec soin et impartialité sa situation et son éventuelle qualité d’organisation internationale au regard des dispositions pertinentes des réglementations financières de 2002 et de 2012.

59

Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est fondé sur trois séries de considérations. Tout d’abord, il a relevé qu’il découlait de sa jurisprudence constante que le principe de bonne administration, désormais consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ne conférait pas, par lui-même, de droits aux particuliers, sauf lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques, tels que celui, pour un particulier, de voir l’administration de l’Union traiter ses affaires impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable. Ensuite, il a rappelé qu’il résultait des appréciations juridiques effectuées dans l’arrêt attaqué que la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, pouvait légalement être remise en cause par la Commission, de telle sorte qu’il ne pouvait être valablement reproché à cette institution de ne pas conclure de nouvelles conventions de délégation en gestion indirecte avec cette entité. Enfin, le Tribunal a exposé que, en dehors de cet argument, IMG n’établissait pas en quoi l’illégalité qui avait conduit la Cour à annuler la décision du 8 mai 2015 constituait une violation de l’obligation, pesant sur la Commission, d’examiner sa situation avec impartialité, à la lumière de toutes les informations utiles.

60

En troisième et dernier lieu, aux points 94 à 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la violation des réglementations financières de 2002 et de 2012 invoquée par IMG n’apparaissait pas, en tout état de cause, suffisamment caractérisée, faute pour l’intéressée d’avoir établi que la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation pour mettre en œuvre ces réglementations.

61

Sur la base de ces motifs, le Tribunal a considéré, aux points 98 à 101 de l’arrêt attaqué, que la demande en réparation d’IMG devait être rejetée dans son entièreté.

2.   L’affaire T‑645/19

62

Parallèlement au déroulement de la procédure dans l’affaire T‑381/15 RENV, la Commission et IMG ont échangé une correspondance relative à l’exécution de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P. Il ressort de celle-ci que la Commission estimait initialement que l’annulation des décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015 était fondée sur l’absence de motivation de ces décisions tandis qu’IMG considérait que leur annulation au fond avait pour conséquence d’obliger la Commission à lui reconnaître le statut d’organisation internationale, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012.

63

Dans le cadre de cet échange de correspondance, la Commission a adressé à IMG, le 18 juillet 2019, une lettre dont le point 31 de l’ordonnance attaquée, non remis en cause devant la Cour, donnait la description suivante :

« Par lettre du 18 juillet 2019 [...] la Commission a tout d’abord soutenu que, dans l’arrêt [C‑183/17 P et C‑184/17 P], la Cour n’avait pas conclu [qu’IMG] était une organisation internationale, de sorte que l’exécution dudit arrêt n’exigeait “pas la reconnaissance automatique d’IMG en tant qu’organisation internationale, mais la réévaluation de son statut juridique à la lumière de l’information disponible et des règles financières applicables”. Ensuite, la Commission a réitéré sa demande à [IMG] de produire les documents mentionnés dans [s]a lettre du 6 mai 2019 [...] et a précisé que, en cas de refus [d’IMG], elle s’adresserait directement aux États que cette dernière considère comme étant ses membres [...]. Enfin, la Commission a réaffirmé que l’appréciation du statut d’organisation internationale [d’IMG] était une question préalable à l’exécution de l’arrêt [C‑183/17 P et C‑184/17 P] également en ce que celui-ci avait annulé la décision du 16 décembre 2014. »

64

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2019, IMG a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la lettre du 18 juillet 2019, au motif que la Commission n’était fondée ni à procéder à une nouvelle évaluation de son statut d’organisation internationale ni à solliciter ses membres en vue d’obtenir des éléments d’information à ce sujet. D’autre part, IMG a demandé la réparation, premièrement, du préjudice moral que lui aurait causé cette lettre, deuxièmement, de différents préjudices matériels qui, tout en trouvant leur source dans la décision du 8 mai 2015, seraient perpétués par ladite lettre et, troisièmement, des préjudices qu’elle subirait du fait de la décision du 16 décembre 2014, mais dans la seule mesure où ils seraient également perpétués par la même lettre.

65

Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté ledit recours. S’agissant du chef de conclusions tendant à l’annulation de la lettre du 18 juillet 2019, il a estimé, aux points 45 à 76 de cette ordonnance, que ce chef de conclusions était irrecevable au motif, en substance, que cette lettre constituait une mesure préparatoire de la décision que la Commission était tenue de prendre pour donner exécution à l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

66

En ce qui concerne le chef de conclusions tendant à la réparation des préjudices causés par la lettre du 18 juillet 2019, le Tribunal a estimé qu’il était manifestement irrecevable pour trois motifs tenant, le premier, au lien étroit existant entre le préjudice moral invoqué par IMG et le chef de conclusions tendant à l’annulation de ladite lettre, lui-même irrecevable (points 80 et 81 de l’ordonnance attaquée), le deuxième, à l’existence d’une situation de litispendance tenant aux rapports unissant certains des préjudices matériels allégués par IMG avec ceux faisant l’objet de l’affaire T‑381/15 RENV (points 82 à 85 de cette ordonnance) et, le troisième, au manque de clarté et de précision des mémoires d’IMG à propos des autres préjudices matériels dont la réparation était demandée (points 86 à 93 de ladite ordonnance).

III. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

A. Les conclusions des parties

67

Par son pourvoi dans l’affaire C‑619/20 P, IMG demande à la Cour :

d’annuler l’ordonnance attaquée ;

de renvoyer l’affaire T‑645/19 devant le Tribunal, et

de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

68

Par son pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P, IMG demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de statuer définitivement sur le litige en condamnant l’Union à réparer les préjudices causés par la décision du 8 mai 2015, et

de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

69

Dans chacune de ces affaires, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner IMG aux dépens.

B. La procédure devant la Cour

70

Le 16 juin 2021, soit postérieurement à la clôture de la phase écrite de la procédure dans chacune des deux présentes affaires, la Commission a informé la Cour qu’elle avait communiqué à IMG, par lettre du 8 juin 2021 (ci-après la « lettre du 8 juin 2021 »), l’évaluation définitive du statut de celle-ci à laquelle elle avait procédé dans le but d’exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P. La Commission a précisé qu’il résultait de cette évaluation, contenue dans un document intitulé « Évaluation finale du statut juridique d’[IMG] aux fins de son éligibilité à une gestion indirecte », qu’IMG ne pouvait être qualifiée d’organisation internationale, au sens des réglementations financières de 2002, 2012 et 2018, et que, par voie de conséquence, elle ne pouvait se voir confier des tâches d’exécution budgétaire en cette qualité. La Commission a également exposé, en substance, que ladite évaluation devait être considérée comme étant applicable de façon rétroactive, à compter des décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015, de telle sorte qu’elle avait ou pouvait avoir pour effet, s’agissant respectivement de l’affaire C‑619/20 P et de l’affaire C‑620/20 P, de priver d’objet le litige ou de faire perdre à IMG son intérêt à agir.

71

En réponse à une question de la Cour, la Commission a indiqué que, en faisant état de cette information, elle entendait soulever, dans chacune de ces affaires, un moyen nouveau, au sens de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois conformément à l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement.

72

En application de l’article 127, paragraphe 2, dudit règlement, un délai a été imparti à IMG pour qu’elle prenne position sur cette argumentation de la Commission, ce qu’elle a fait en temps utile.

IV. Sur les pourvois

73

Eu égard à la connexité des deux présentes affaires, il convient, le juge rapporteur, l’avocat général et les parties entendus, de les joindre aux fins de l’arrêt en application de l’article 54 du règlement de procédure.

A. Sur l’objet des litiges et l’intérêt à agir

1.   Argumentation des parties

74

À l’appui de l’argumentation présentée aux points 70 et 71 du présent arrêt, la Commission a produit la lettre du 8 juin 2021, à laquelle est annexé le document intitulé « Évaluation finale du statut juridique d’[IMG] aux fins de son éligibilité à une gestion indirecte », visé au point 70 du présent arrêt.

75

Il ressort de ce document, premièrement, que les dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 qui sont visées dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P ont été remplacées, pendant la procédure ayant abouti à cet arrêt, par de nouvelles dispositions figurant dans le règlement financier de 2018, dont il convient, selon la Commission, de tenir compte aux fins de procéder à la nouvelle évaluation de la situation et de la qualité juridique d’IMG que requiert l’exécution dudit arrêt.

76

Deuxièmement, la Commission y exprime le point de vue selon lequel les dispositions du règlement financier de 2018 qui prévoient la possibilité de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales créées par la voie d’« accords internationaux » doivent être interprétées, d’une part, en ce sens qu’elles ont la même signification que la référence aux organisations internationales mises sur pied au moyen d’« accords intergouvernementaux » qui figurait dans les réglementations financières de 2002 et de 2012, et, d’autre part, que ces deux expressions renvoient, de façon identique, à des traités formellement conclus par plusieurs États, eux-mêmes représentés par des personnes valablement habilitées à exprimer leur consentement.

77

Troisièmement, la Commission y indique que, dans le but d’exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, elle a interrogé chacun des États présentés par IMG comme étant ou comme ayant été membre de celle-ci sur le point de savoir, d’une part, si cette entité constituait une organisation internationale dont ils étaient ou avaient été membres et, d’autre part, s’ils pouvaient produire l’accord international ayant créé une telle organisation internationale ainsi que tout autre document pertinent à ce sujet.

78

Quatrièmement, la Commission y énonce, en substance, qu’il ressort des réponses qui lui ont été adressées par ces États qu’aucun d’entre eux ne reconnaît avoir conclu, selon les formes requises, un accord international créant IMG en tant qu’organisation internationale dont il serait membre. En effet, ces réponses feraient apparaître que, en réalité, les différents États dont il est établi qu’ils ont soit signé l’acte constitutif ou les statuts d’IMG, soit participé à la réunion au cours de laquelle elle a été créée, soit encore fait partie de son comité de pilotage ou apporté des financements à celle-ci, ont mis en place cette entité au cours de l’année 1994 au moyen d’un document de nature politique et juridiquement non contraignant, en tant que véhicule international dédié et temporaire destiné à coordonner le financement de la reconstruction des infrastructures de la Bosnie-Herzégovine.

79

Cinquièmement, la Commission y conclut que, au vu de ces éléments, des différentes observations qui lui ont été présentées à ce sujet par IMG et de l’évaluation qu’elle en a faite, il n’est pas établi que cette entité ait été créée, en tant qu’organisation de droit international public, par un accord conclu par au moins deux États valablement représentés à cet effet, même si elle existe depuis plus de vingt ans et a significativement étendu son champ d’activité depuis sa création. En conséquence, ladite entité ne pourrait pas se voir confier des tâches d’exécution budgétaire en vertu des dispositions des réglementations financières de 2002, de 2012 et de 2018 qui permettent de confier de telles tâches à des organisations internationales.

80

IMG fait valoir que l’argumentation de la Commission n’est pas fondée.

2.   Appréciation de la Cour

81

Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, toute personne physique ou morale qui forme un pourvoi doit, de même que lorsqu’elle forme un recours en annulation, avoir un intérêt à agir, dont l’existence doit être appréciée au regard de l’objet de ce pourvoi ou de ce recours, d’une part, et à la date à laquelle celui-ci est introduit, d’autre part. Le non-respect de cette exigence essentielle constitue une fin de non-recevoir d’ordre public qui peut, à tout moment, être relevée d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 24, et du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 101 ainsi que jurisprudence citée).

82

En outre, cet intérêt à agir doit, tout comme l’objet du litige lui-même, perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle. En conséquence, la disparition de cet intérêt ou de cet objet en cours d’instance peut conduire le juge de l’Union à constater, le cas échéant d’office, qu’il n’y a plus lieu de statuer (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13 ; du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 24, ainsi que du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43).

83

Enfin, tant l’existence que la persistance de l’intérêt à agir supposent que le recours ou le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la personne physique ou morale qui l’a formé (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 61 à 64, ainsi que du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission,C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43). Dans tous les cas, cette question doit être appréciée de façon concrète (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65).

84

En l’espèce, en premier lieu, il n’est pas contesté que, à la date à laquelle les présents pourvois ont été introduits, ceux-ci avaient un objet et que IMG justifiait d’un intérêt à agir. En revanche, la Commission soutient que cet objet et cet intérêt ont disparu au cours des présentes instances, en raison de sa décision, contenue dans la lettre du 8 juin 2021, de ne pas qualifier IMG d’organisation internationale, au sens des réglementations financières de 2002, de 2012 et de 2018, à la lumière de l’évaluation définitive du statut de celle-ci à laquelle elle a procédé aux fins de l’exécution de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

85

En deuxième lieu, cette décision constitue le point d’aboutissement d’un processus d’évaluation dont le point de départ est la lettre du 18 juillet 2019, mentionnée au point 63 du présent arrêt et dont l’annulation est poursuivie par IMG. En outre, ladite décision se fonde, ainsi qu’il résulte des arguments de la Commission résumés aux points 76 à 78 de cet arrêt, sur un ensemble d’éléments qui ont été recueillis par cette institution dans le cadre du processus d’évaluation en question. Enfin, le recours dans l’affaire T‑645/19, introduit par IMG contre cette lettre, et le pourvoi dans l’affaire C‑619/20 P, formé par celle-ci à la suite du rejet de ce recours par l’ordonnance attaquée, ont notamment pour objet de contester la possibilité même pour la Commission d’entreprendre un tel processus d’évaluation, comme il ressort du point 64 dudit arrêt.

86

Or, ces circonstances, prises ensemble, excluent de considérer que ce pourvoi a perdu son objet ou qu’IMG a perdu son intérêt à agir faute pour ledit pourvoi de demeurer susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à celle-ci. En effet, s’il s’avérait, au terme de l’examen que la Cour est appelée à effectuer, que le pourvoi est fondé et que l’ordonnance attaquée doit être annulée, cette annulation entraînerait la disparition de la lettre du 18 juillet 2019 de l’ordre juridique et pourrait, compte tenu des liens qui existent entre cette lettre et celle du 8 juin 2021, avoir des conséquences sur la légalité de cette dernière, dont les deux parties signalent qu’elle est contestée par IMG dans le cadre d’un recours qui a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑509/21 et qui était encore pendant devant cette juridiction à la date d’introduction des présents pourvois.

87

En troisième et dernier lieu, la lettre du 8 juin 2021, telle que présentée par la Commission, n’apparaît pas susceptible d’avoir une quelconque incidence sur l’objet du pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P ou sur l’intérêt d’IMG à agir dans ce cadre.

88

En effet, ce pourvoi et le recours dans l’affaire T‑381/15 RENV qui l’a précédé ont pour objet l’indemnisation des préjudices d’ordre moral et matériel qu’IMG estime avoir subis du fait de la décision du 8 mai 2015, par laquelle la Commission l’avait, comme indiqué au point 31 du présent arrêt, informée de sa décision de ne plus conclure avec elle de nouvelle convention de délégation en vertu des dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 qui permettent de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales, compte tenu de l’existence de doutes relatifs à sa qualité d’organisation internationale au sens de ces dispositions.

89

Or, dans la mesure où, comme il résulte des points 46 à 49 et 51 du présent arrêt, la Cour a constaté le caractère illégal de cette décision dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, au vu du caractère non fondé, en droit comme en fait, du raisonnement ayant conduit la Commission à entretenir de tels doutes, et où les motifs qui fondent ce constat sont, conformément à la jurisprudence constante (arrêts du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 54, ainsi que du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 87), revêtus de l’autorité de la chose jugée en ce qu’ils constituent le soutien nécessaire du dispositif de cet arrêt d’annulation, la question de savoir si cette décision illégale a pu causer des préjudices d’ordre moral et matériel dont IMG a intérêt à demander la réparation ne saurait être affectée par la circonstance que la Commission est parvenue, dans une décision adoptée six ans plus tard et fondée sur une évaluation juridique et factuelle différente, à la conclusion qu’IMG ne peut être regardée comme une organisation internationale. En effet, dans le cadre d’un recours en indemnité, l’illégalité d’un acte ou d’un comportement pouvant engager la responsabilité non contractuelle de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de droit et de fait existant au moment de l’adoption dudit acte ou dudit comportement (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 39).

90

Il résulte de ce qui précède que l’argumentation de la Commission relative à la perte d’objet des présents pourvois ou à la perte d’intérêt à agir d’IMG n’est pas fondée.

B. Sur le pourvoi C‑619/20 P

91

À l’appui de ses conclusions, IMG invoque deux moyens tirés d’erreurs de droit entachant, respectivement, le rejet comme irrecevable de sa demande d’annulation de la lettre du 18 juillet 2019 (points 43 à 76 de l’ordonnance attaquée) et le rejet comme manifestement irrecevable de sa demande en réparation des préjudices qui lui auraient été causés par cette lettre (points 77 à 93 de la même ordonnance).

1.   Sur le premier moyen

a)   Argumentation des parties

92

IMG soutient que le raisonnement au terme duquel le Tribunal a considéré que la lettre du 18 juillet 2019 ne constituait pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation est vicié par plusieurs erreurs de droit.

93

En effet, cette lettre contiendrait une décision définitive de la Commission d’exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P en procédant à une nouvelle évaluation de la qualité d’IMG au regard des dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012, à la lumière d’éléments supplémentaires à fournir par l’intéressée ou, à défaut, par les États présentés par celle-ci comme en étant ou comme en ayant été membres. À une telle décision explicite s’ajouterait, implicitement mais nécessairement, une décision de ne pas exécuter cet arrêt en replaçant IMG dans la situation d’organisation internationale reconnue, notamment, par la Commission, qui aurait été la sienne antérieurement à l’adoption des deux actes annulés par la Cour.

94

Or, en ne reconnaissant pas un caractère attaquable à ces décisions, le Tribunal aurait, tout d’abord, commis une erreur de droit consistant à refuser de censurer la violation, par la Commission, de l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui oblige les institutions de l’Union, en cas d’annulation d’un acte dont elles sont l’auteur, à prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt prononçant cette annulation. Plus spécifiquement, les points 53 à 59, 61 à 66, 68 à 70 et 73 à 76 de l’ordonnance attaquée méconnaîtraient l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, dont les motifs décisifs (points 92 à 96 et 104) feraient ressortir que la Commission était tenue de replacer IMG dans la situation antérieure d’organisation internationale reconnue, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, qui aurait été la sienne.

95

Ensuite, en faisant abstraction du fait que cette reconnaissance devait demeurer acquise à IMG, sauf à ce que ses membres modifient son statut ou mettent fin à son existence, le Tribunal aurait violé différentes règles de droit international public relatives à la notion d’« organisation internationale » à laquelle se réfèrent ces réglementations, dont le respect s’imposait, compte tenu de leur primauté sur le droit dérivé de l’Union, tant à cette juridiction qu’à la Commission dans le cadre de l’exécution de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

96

Enfin, le Tribunal aurait erronément appliqué les principes dégagés par la jurisprudence constante de la Cour relative à la notion d’« acte susceptible de recours » en ne qualifiant pas comme telle la lettre du 18 juillet 2019, en dépit des termes de celle-ci, du contexte dans lequel elle était intervenue et des effets juridiques des décisions explicite et implicite qu’elle contenait.

97

La Commission fait valoir que le moyen n’est pas fondé.

b)   Appréciation de la Cour

98

Un recours en annulation peut être formé, sur le fondement de l’article 263, premier alinéa, TFUE, contre toute disposition ou mesure adoptée par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui vise à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une personne physique ou morale, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission, C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78, point 51 et jurisprudence citée).

99

Pour déterminer, dans un cas donné, si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques obligatoires, il convient, en premier lieu et ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, de s’attacher à la substance de celui-ci et d’apprécier ses effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de l’acte en cause, en tenant compte, le cas échéant, du contexte dans lequel celui-ci a été adopté ainsi que des pouvoirs de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union qui en est l’auteur. Ces pouvoirs doivent eux-mêmes être appréhendés non pas de manière abstraite, mais en tant qu’éléments de nature à éclairer l’analyse concrète du contenu dudit acte, laquelle revêt un caractère central et indispensable (arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 64 et jurisprudence citée).

100

En deuxième lieu, il découle de la jurisprudence constante de la Cour que, dans le cas où, comme en l’espèce, l’acte attaqué a été adopté à la suite de l’annulation d’un acte antérieur, il convient de tenir compte des spécificités juridiques qui sont propres à une telle situation.

101

À cet égard, il résulte de l’article 266 TFUE que l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé a l’obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de cet acte et, pour se conformer à cet arrêt ainsi que pour lui donner pleine exécution, de respecter non seulement son dispositif, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans ce dispositif (arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35 et jurisprudence citée).

102

Cependant, l’article 266 TFUE ne spécifiant pas la nature des mesures qui doivent être prises par l’auteur de l’acte annulé aux fins de se conformer à cette obligation, il appartient à celui-ci d’identifier ces mesures (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, points 52 et 53), tout en disposant, dans le choix de celles-ci, d’un large pouvoir d’appréciation, pour autant qu’il se conforme au dispositif de l’arrêt qui a annulé cet acte et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 87 et jurisprudence citée).

103

En troisième et dernier lieu, il est de jurisprudence constante que, en présence d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs étapes procédurales, ne constitue, en principe, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation que la mesure qui fixe définitivement la position de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union compétent, au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer cette mesure définitive, en particulier en exprimant une opinion provisoire (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, points 10 et 20, ainsi que du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, points 43 et 44).

104

En effet, un recours en annulation dirigé contre une mesure exprimant une opinion provisoire pourrait obliger le juge de l’Union à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles l’institution, l’organe ou l’organisme compétent n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer, ce qui serait incompatible avec le système de répartition des compétences et de voies de recours prévu par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 51, ainsi que du 15 mars 2017, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑414/15 P, EU:C:2017:215, point 45).

105

En outre, pour autant que les illégalités qui sont susceptibles d’entacher une mesure intermédiaire puissent être invoquées à l’occasion du recours en annulation qui peut être formé contre la mesure finale à l’élaboration de laquelle elle concourt, ce recours permet d’assurer une protection juridictionnelle suffisante aux personnes concernées (voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, points 53 et 54, ainsi que du 6 octobre 2021, Poggiolini/Parlement (C‑408/20 P, EU:C:2021:806, point 43).

106

En l’espèce, le Tribunal est parvenu à la conclusion que, eu égard à son contenu, tel que rappelé au point 63 du présent arrêt, la lettre du 18 juillet 2019 n’était pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’elle constituait une mesure préparatoire.

107

Plus précisément, cette juridiction a estimé, tout d’abord, aux points 51 et 52 de l’ordonnance attaquée, que cette lettre devait être analysée comme exprimant la position de la Commission selon laquelle cette institution jugeait nécessaire d’obtenir des éléments destinés à lui permettre d’évaluer la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des dispositions applicables, et de fixer sa position définitive à ce sujet en vue de se conformer à son obligation d’exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

108

Ensuite, le Tribunal a considéré en substance, aux points 54, 59 à 69 et 71 à 75 de l’ordonnance attaquée, que, compte tenu du contexte dans lequel ladite lettre était intervenue, du dispositif et des motifs de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P ainsi que du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission pour se conformer à son obligation d’exécuter cet arrêt, celle-ci avait la faculté, voire l’obligation, de procéder à une nouvelle évaluation de la qualité d’organisation internationale d’IMG au regard des dispositions applicables et de chercher à obtenir, à cet effet, les éléments qui lui paraissaient nécessaires pour lui permettre de fixer sa position définitive à ce sujet.

109

Enfin, le Tribunal en a déduit, au point 76 de l’ordonnance attaquée, que la lettre du 18 juillet 2019 constituait une mesure préparatoire de la décision que la Commission était tenue de prendre pour exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

110

À cet égard, il convient de relever, s’agissant, en premier lieu, des arguments d’IMG qui sont résumés au point 94 du présent arrêt, que, compte tenu des principes jurisprudentiels rappelés aux points 100 à 102 de cet arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a déterminé, de la manière résumée au point 108 dudit arrêt, les conséquences juridiques qu’il convenait de tirer, dans le cadre de l’analyse du caractère attaquable de la lettre du 18 juillet 2019, premièrement, de l’existence de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, deuxièmement, du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission pour se conformer à son obligation de prendre les mesures qu’appelait l’exécution de celui-ci et, troisièmement, de l’autorité de la chose jugée qui s’attache, comme il a été rappelé au point 89 du présent arrêt, tant au dispositif de cet arrêt d’annulation qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire.

111

En particulier, comme cette juridiction l’a relevé à bon droit, il découle clairement des points 57 à 59, 61 et 88 à 90 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, d’une part, que la Commission a l’obligation de s’assurer que les entités auxquelles elle a confié ou envisage de confier des tâches d’exécution budgétaire, en vertu des dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 relatives à la gestion indirecte du budget de l’Union par des organisations internationales, possèdent une telle qualité au sens de ces dispositions. D’autre part, cette institution a, en cas de doutes à ce sujet, l’obligation de lever ces doutes ainsi que de réunir tous les éléments nécessaires pour justifier sa décision en droit aussi bien qu’en fait, compte tenu des conséquences juridiques de cette décision sur l’entité concernée.

112

En outre, il résulte clairement des points 92 à 97 et 104 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, dont le contenu a été rappelé aux points 22 et 23 de l’ordonnance C‑183/17 P‑INT, que, en l’espèce, les décisions qui ont été annulées par la Cour n’étaient pas justifiées en droit comme en fait.

113

Compte tenu de ces appréciations et de ces constats, qui constituent le soutien du dispositif de cet arrêt, la Commission n’était pas tenue de replacer IMG dans la situation antérieure d’organisation internationale reconnue dans laquelle celle-ci soutient s’être trouvée, mais pouvait se conformer à son obligation d’exécuter l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P en prenant des mesures procédurales visant à lui permettre de remédier à l’irrégularité constatée par la Cour et, potentiellement, d’adopter un nouvel acte, destiné à remplacer les décisions annulées par celle-ci, après avoir obtenu les éléments qu’elle jugeait nécessaires pour fonder en droit et en fait ce nouvel acte.

114

En ce qui concerne, en deuxième lieu, les arguments d’IMG résumés au point 96 du présent arrêt, il convient de relever que, eu égard aux conséquences juridiques qu’il avait valablement tirées de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de qualification juridique des faits lorsqu’il a conclu, au point 76 de l’ordonnance attaquée, que la lettre du 18 juillet 2019 devait être regardée, eu égard à son contenu, comme une mesure préparatoire exprimant une position provisoire de la Commission quant à la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des dispositions applicables.

115

En effet, dès lors que l’institution compétente entendait procéder à une évaluation de cette qualité, une telle mesure pouvait être valablement qualifiée de mesure préparatoire à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés aux points 103 et 104 du présent arrêt.

116

S’agissant, en troisième lieu, des arguments d’IMG résumés au point 95 du présent arrêt, il convient de constater qu’ils portent sur les conséquences à tirer, selon celle-ci, de certaines règles de droit international public relatives à la notion d’« organisation internationale » dans le cadre de l’évaluation de son éventuelle qualité d’organisation internationale au sens des dispositions applicables, donc sur une question que la Commission avait indiqué, dans la lettre du 18 juillet 2019, vouloir évaluer préalablement à toute prise de position définitive. Or, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 104 et 105 de cet arrêt, de tels arguments, même à les supposer fondés, ne sauraient conduire à reconnaître un caractère attaquable à cette lettre.

117

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le présent moyen n’est pas fondé et doit, par suite, être écarté.

2.   Sur le second moyen

a)   Argumentation des parties

118

IMG fait valoir, tout d’abord, que, dès lors que le chef de conclusions tendant à l’annulation de la lettre du 18 juillet 2019 était recevable, le chef de conclusions tendant à la réparation du préjudice moral causé par cette lettre l’était aussi, contrairement à ce que le Tribunal a retenu aux points 80 et 81 de l’ordonnance attaquée.

119

Ensuite, elle estime que le chef de conclusions tendant à la réparation des préjudices matériels causés par la décision du 8 mai 2015 ne pouvait pas non plus être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance avec l’affaire T‑381/15 RENV, comme l’a jugé erronément le Tribunal aux points 82 à 85 de cette ordonnance. En effet, tout en trouvant leur source dans cette décision, les préjudices en question étaient spécifiquement et exclusivement visés en tant qu’ils étaient perpétués par cette lettre.

120

Enfin et de la même manière, le chef de conclusions tendant à la réparation des préjudices matériels trouvant leur source dans la décision du 16 décembre 2014 portait spécifiquement et exclusivement sur ces préjudices en tant qu’ils étaient perpétués par la lettre du 18 juillet 2019, de sorte que le Tribunal aurait aussi erré en droit en le rejetant comme irrecevable aux points 86 à 93 de ladite ordonnance.

121

La Commission considère que ce moyen est non fondé pour partie et inopérant pour le reste.

b)   Appréciation de la Cour

122

À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’argument d’IMG relatif à l’appréciation formulée par le Tribunal aux points 80 et 81 de l’ordonnance attaquée, il suffit de constater que, alors qu’IMG se limite à soutenir, en substance, que cette appréciation devrait être considérée comme étant entachée d’une erreur de droit s’il s’avérait que le chef de conclusions tendant à l’annulation de la lettre du 18 juillet 2019 a été rejeté à tort comme irrecevable, il ressort du point 117 du présent arrêt que le Tribunal était fondé à rejeter comme irrecevable ce chef de conclusions.

123

S’agissant, en deuxième lieu, du chef de conclusions tendant à la réparation des préjudices matériels qui, tout en trouvant leur source dans la décision du 8 mai 2015, auraient été perpétués par la lettre du 18 juillet 2019, il convient d’observer que, comme le Tribunal l’a rappelé à bon droit au point 82 de l’ordonnance attaquée, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’un recours en annulation ou en réparation qui est introduit postérieurement à un autre recours opposant les mêmes parties, tendant aux mêmes fins et fondé sur les mêmes moyens ou griefs doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (ordonnance du 1er avril 1987, Ainsworth e.a./Commission, 159/84, 267/84, 12/85 et 264/85, EU:C:1987:172, points 3 et 4, ainsi que arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 29).

124

Or, c’est à juste titre que le Tribunal a appliqué cette jurisprudence en l’espèce, aux points 83 à 85 de l’ordonnance attaquée, dans la mesure où la demande en réparation d’IMG avait été introduite postérieurement à celle faisant l’objet de l’affaire T‑381/15 RENV, où elle opposait IMG à la même partie, où elle avait la même finalité indemnitaire et où elle portait sur des préjudices matériels qui, tout en étant perpétués par la lettre du 18 juillet 2019, trouvaient leur source, selon l’intéressée elle-même, dans la décision en cause dans cette affaire antérieure.

125

En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne l’argument analogue d’IMG portant sur son chef de conclusions tendant à la réparation des préjudices qui, tout en ayant été causés par la décision du 16 décembre 2014, auraient été perpétués par la lettre du 18 juillet 2019, il suffit de relever que celui-ci est inopérant. En effet, pour rejeter ce chef de conclusions comme étant irrecevable, le Tribunal s’est fondé, aux points 91 à 93 de l’ordonnance attaquée, non sur des considérations de fond ou de procédure liées à la nature ou à l’origine des préjudices allégués, mais sur le non-respect des exigences de forme applicables aux requêtes introductives d’instance figurant à l’article 76, sous d), de son règlement de procédure, en estimant, en substance, que l’argumentation visant à étayer ledit chef de conclusions était trop lapidaire et imprécise pour lui permettre de statuer.

126

Le présent moyen n’étant donc pas davantage fondé que le premier, le pourvoi doit être rejeté.

C. Sur le pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P

127

À l’appui de ses conclusions, IMG invoque deux moyens tirés d’erreurs de droit entachant, respectivement, le rejet comme non fondé d’une partie de ses chefs de conclusions indemnitaires (points 69 à 100 de l’arrêt attaqué) et comme irrecevable du surplus de ces chefs de conclusions (points 40 à 68 de cet arrêt).

1.   Sur le premier moyen

a)   Arguments des parties

128

S’agissant des chefs de conclusions indemnitaires qui ont été rejetés au fond dans l’arrêt attaqué, IMG soutient, premièrement, que, en ne tirant pas les conséquences de l’annulation de la décision du 8 mai 2015 par l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, le Tribunal a violé le principe de l’autorité de la chose jugée, tel que consacré à l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, selon lequel, en cas de renvoi d’une affaire à cette juridiction, celle-ci est liée par les points de droit qui ont été tranchés par la décision de la Cour. En effet, alors que la Cour a conclu au caractère injustifié des doutes de la Commission à propos du statut d’organisation internationale d’IMG, le Tribunal aurait refusé d’admettre, aux points 82 à 86 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était plus en droit de soulever des doutes à cet égard.

129

Deuxièmement, IMG fait valoir que le Tribunal a commis une série d’erreurs de droit, aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, en refusant d’admettre que l’illégalité constatée par la Cour soit qualifiée, à la lumière des dispositions pertinentes des réglementations financières de 2002 et de 2012 ainsi que des règles de droit international public dont il est nécessaire de tenir compte pour appréhender la notion d’« organisation internationale » à laquelle ces dispositions se réfèrent, de violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux entités auxquelles l’Union a confié des tâches d’exécution budgétaire.

130

À cet égard, IMG allègue, tout d’abord, que, une fois qu’une entité a été reconnue en tant qu’organisation internationale, celle-ci ne peut plus se voir dénier un tel statut en raison du caractère définitif et de l’opposabilité de cette reconnaissance découlant du droit international public, tant que les États qui en sont membres n’ont pas eux-mêmes décidé d’en amender le statut ou de mettre un terme à son existence. En conséquence, une telle entité disposerait, en vertu de ce droit et aussi longtemps qu’elle existe, du droit de demeurer reconnue comme telle.

131

Ensuite, la remise en cause du statut d’organisation internationale qui a été ainsi reconnu à une entité donnée ne pourrait pas se justifier par le caractère spécifique ou autonome de la notion d’« organisation internationale » au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, dès lors que celles-ci devraient être interprétées en conformité avec les règles pertinentes du droit international public, compte tenu du rang supérieur que ces règles occupent dans la hiérarchie des normes.

132

Enfin, IMG avance, en substance, que la prise en considération de l’ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents en l’espèce aurait dû conduire le Tribunal à conclure que son statut d’organisation internationale ne donnait lieu à aucun doute justifié.

133

Troisièmement, IMG reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 89 à 93 de l’arrêt attaqué, en refusant de constater l’existence d’une violation du droit à une bonne administration de nature à engager la responsabilité de l’Union, compte tenu de l’illégalité qui avait été relevée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P. En effet, eu égard au caractère injustifié des doutes qui ont conduit la Commission à geler ses relations conventionnelles avec IMG, dans la décision du 8 mai 2015, ainsi qu’à l’erreur de droit et à l’erreur manifeste d’appréciation qui entachent cette décision, il serait clair que cette illégalité constitue une violation du droit à une bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, et, plus précisément de l’obligation qu’avait cette institution, en vertu de celui-ci, de faire preuve de diligence dans l’examen de sa situation, conformément à la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

134

Quatrièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, que la violation des réglementations financières de 2002 et de 2012 invoquée par IMG n’était, en tout état de cause, pas suffisamment caractérisée.

135

En réponse, la Commission estime, premièrement, que le grief selon lequel le Tribunal a violé l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne est irrecevable, inopérant et non fondé. En effet, il porterait sur des appréciations du Tribunal relatives à l’absence de violation de règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, qui ne pourraient pas être remises en cause dans le cadre d’un pourvoi. En outre, cette juridiction aurait conclu, en toute hypothèse, qu’une telle violation, à la supposer établie, n’était pas suffisamment caractérisée. Enfin, il résulterait tant de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P que de l’ordonnance C‑183/17 P-INT que la Commission n’était pas tenue de reconnaître à IMG le statut d’organisation internationale au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012.

136

Deuxièmement, le grief selon lequel l’illégalité constatée par la Cour aurait dû être qualifiée de violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux organisations internationales auxquelles la Commission a confié des tâches d’exécution budgétaire, compte tenu de certaines règles de droit international public relatives à la notion d’« organisation internationale » à laquelle se réfèrent les dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012, serait tout aussi inopérant et non fondé.

137

En effet, la question à trancher en l’espèce serait celle de savoir non pas si la Commission peut procéder à une nouvelle évaluation du statut d’IMG mais si les dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 sur la base desquelles cette institution a exprimé des doutes à ce propos constituent des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits à des entités se trouvant dans la situation d’IMG. Or, les appréciations du Tribunal à ce sujet seraient exemptes de toute erreur de droit.

138

Troisièmement, le grief relatif à la violation du droit à une bonne administration pourrait être un moyen nouveau et donc irrecevable, faute d’avoir été soulevé de façon suffisamment perceptible et développée dans les mémoires en première instance. En tout état de cause, il serait non fondé. En effet, IMG n’essayerait pas même de démontrer que, au-delà de l’illégalité constatée par la Cour, la Commission a fait preuve d’un manque de diligence, comme l’aurait constaté le Tribunal au point 92 de l’arrêt attaqué. En outre, au point 91 de cet arrêt, le Tribunal aurait correctement déduit de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P qu’il ne pouvait pas être reproché à la Commission de geler ses relations conventionnelles avec IMG dès lors que le statut de cette dernière faisait l’objet de doutes.

139

Quatrièmement, IMG ne démontrerait pas que le Tribunal a exclu à tort l’existence d’une violation suffisamment caractérisée des réglementations financières de 2002 et de 2012.

b)   Appréciation de la Cour

140

Ainsi qu’il découle de l’exposé de l’argumentation des parties qui précède, le présent moyen s’articule en quatre griefs distincts.

1) Sur le premier grief, tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose jugée

141

S’agissant, en premier lieu, du grief résumé au point 128 du présent arrêt, il convient de rappeler que, après avoir annulé intégralement les arrêts T‑29/15 et T‑381/15 et statué sur une partie des recours à l’origine de ces arrêts, la Cour a effectivement énoncé, au point 104 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, que les trois éléments sur lesquels la Commission s’était fondée dans ses décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015, tels qu’analysés aux points 92 à 96 de ce dernier arrêt, n’étaient pas de nature à mettre en doute la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012.

142

Cependant, cette énonciation ne peut pas être lue en faisant abstraction des motifs de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P dont elle constitue la suite logique et dont la Cour a rappelé le sens et la portée dans l’ordonnance C‑183/17 P-INT, dans les termes indiqués au point 51 du présent arrêt. Or, il résulte clairement de ces motifs qu’il n’était pas interdit à la Commission d’effectuer ultérieurement une nouvelle évaluation de la qualité d’organisation internationale d’IMG, en tenant compte de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents.

143

Dès lors, le Tribunal n’a commis, aux points 82 à 86 de l’arrêt attaqué, aucune erreur de droit au regard de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

2) Sur les deuxième et quatrième griefs, tirés de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée des réglementations financières de 2002 et de 2012

144

En ce qui concerne, en deuxième lieu, les griefs résumés aux points 129 à 132 et 134 du présent arrêt, selon lesquels le Tribunal aurait commis des erreurs de droit, aux points 86 à 88 et 96 à 97 de l’arrêt attaqué, en refusant d’admettre que l’illégalité constatée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P puisse être qualifiée de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, alors que les dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 par rapport auxquelles cette illégalité caractérisée a été constatée devaient être considérées comme ayant un tel objet, compte tenu des règles de droit international public pertinentes en l’espèce, il convient de relever ce qui suit.

145

Premièrement, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, pour que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée dans un cas donné, il est nécessaire, entre autres conditions, que la personne qui demande la réparation du ou des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait d’un comportement ou d’un acte de l’Union établisse l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 41 et 42, ainsi que du 4 avril 2017, Médiateur européen/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 31).

146

En outre, cette violation doit être suffisamment caractérisée, exigence qui dépend elle-même du pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union qui aurait violé cette règle et du point de savoir si ceux-ci ont méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à ce pouvoir, eu égard, notamment, au degré de clarté et de précision de ladite règle, aux difficultés d’interprétation ou d’application qui peuvent en découler ainsi qu’à la complexité de la situation à régler (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 40, 43 et 44, ainsi que du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30).

147

Deuxièmement, en l’occurrence, il ressort clairement des termes et de l’économie des dispositions pertinentes des réglementations financières de 2002 et de 2012, lus à la lumière des objectifs poursuivis par ces réglementations, que ces dispositions ne peuvent être considérées, en elles-mêmes, comme ayant pour objet de conférer des droits aux entités à l’égard desquelles elles peuvent être mises en œuvre.

148

En effet, l’article 53, sous c), et l’article 53 quinquies du règlement financier de 2002 ainsi que l’article 58, paragraphe 1, sous c), du règlement financier de 2012 attribuent à la Commission la responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, tout en prévoyant plusieurs modes d’exécution de ce budget dont un, dénommé « gestion conjointe avec des organisations internationales » dans le premier de ces règlements et « gestion indirecte » dans le second, permet à cette institution de « confier des tâches d’exécution budgétaire » à de telles organisations, faculté dans le cadre de laquelle elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation.

149

En outre, l’article 53 quinquies du règlement financier de 2002 énonce explicitement, à ses paragraphes 1 et 2, que c’est uniquement lorsque la Commission exécute le budget en gestion conjointe, et donc dans l’hypothèse où elle a décidé de faire usage de sa faculté de mettre en œuvre ce mode d’exécution budgétaire, que certaines tâches sont confiées à une organisation internationale, auquel cas la convention individuelle qui est conclue avec cette organisation doit contenir des dispositions détaillées concernant celles-ci. De la même manière, l’article 84, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement financier de 2012 précise que, dans le cas où la Commission a décidé d’exécuter le budget de l’Union en ayant recours au mode de la gestion indirecte, la décision de financement doit préciser, notamment, l’entité ou la personne en charge, les critères ayant présidé à sa sélection et les tâches confiées à celle-ci. Un dispositif analogue, sous cet aspect, est désormais prévu à l’article 62, paragraphe 1, sous c), et à l’article 156, paragraphe 1, du règlement financier de 2018.

150

Enfin, ces différentes dispositions doivent être appréhendées, comme le Tribunal l’a rappelé à juste titre aux points 79 et 80 de l’arrêt attaqué et comme M. l’avocat général l’a relevé au point 51 de ses conclusions, au regard du principe de bonne gestion financière visé à l’article 310, paragraphe 5, et à l’article 317, premier alinéa, TFUE.

151

Compte tenu du rôle et de la responsabilité que ces dispositions du droit primaire de l’Union et les règlements financiers attribuent à la Commission en lien avec l’exécution du budget de l’Union, cette institution a, en effet, la charge de veiller au respect dudit principe. Il s’ensuit que, dans le cas où la Commission choisit de mettre en œuvre un mode d’exécution budgétaire impliquant le recours à un tiers, elle est, en tout état de cause, tenue de veiller, lors de cette mise en œuvre puis tout au long de l’exécution des tâches budgétaires concernées, au respect des conditions applicables, notamment de celles gouvernant l’octroi des fonds correspondants et leur utilisation subséquente (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, points 65 et 66, ainsi que du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, points 100 et 101).

152

En conséquence, les dispositions en cause doivent être considérées comme ayant pour objet d’instituer une faculté, dans le chef de la Commission, de confier, en vertu d’un large pouvoir d’appréciation et dans le respect d’un ensemble de conditions d’ordre juridique, administratif, technique et financier ainsi que du principe de bonne gestion financière, des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales, et non pas de conférer à celles-ci des droits tels que ceux de se voir confier ou de conserver de telles tâches.

153

Troisièmement, s’agissant de l’argumentation d’IMG selon laquelle la violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers découlait de l’obligation, pesant sur le juge de l’Union, de tenir compte, dans le cadre de son analyse des dispositions rappelées aux points 148 et 149 du présent arrêt, de différentes règles de droit international public touchant à la reconnaissance des organisations internationales ainsi qu’à l’opposabilité de celle-ci, il convient, d’une part, de rappeler que, dans le cas où la Commission a confié des tâches d’exécution budgétaire à une entité donnée, en qualité d’organisation internationale, une telle attribution est toujours susceptible d’être ultérieurement réexaminée dans le respect des exigences de forme et de procédure qui s’imposent, si cette décision de réexamen est justifiée en droit comme en fait, ainsi qu’il ressort du point 111 de cet arrêt.

154

D’autre part, il y a lieu de relever que, indépendamment de toute analyse de leur contenu éventuel et de la possibilité, pour une entité telle qu’IMG, de s’en prévaloir en justice, les règles auxquelles se réfère cette dernière ne pouvaient en aucun cas être prises en considération aux fins de statuer sur le présent recours indemnitaire fondé sur l’illégalité de la décision du 8 mai 2015 telle que constatée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P.

155

En effet, tout d’abord, la décision du 8 mai 2015 est précisément fondée, ainsi qu’il résulte notamment des points 31 et 46 du présent arrêt, sur l’existence de doutes relatifs à la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, et non pas sur une évaluation définitive, dans un sens ou dans un autre, de cette qualité.

156

Ensuite, tout en ayant annulé ces décisions en raison de leur caractère non justifié en droit comme en fait, dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, la Cour n’a en aucun cas tranché la question, étrangère aux litiges qui lui étaient soumis, de savoir si, sur la base d’une analyse non entachée d’erreur de droit et tenant compte de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents, il devait être considéré ou au contraire exclu qu’IMG possédait une telle qualité, ainsi qu’il résulte des points 51 et 142 du présent arrêt.

157

Enfin, cette question est, à présent, susceptible d’être tranchée par le Tribunal dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi contre la décision du 8 juin 2021, par laquelle la Commission s’est prononcée de manière définitive à ce sujet.

158

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 57 de ses conclusions, IMG ne saurait se fonder, aux fins de voir caractériser l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, sur des règles dont la prise en considération suppose nécessairement que soit tranchée au préalable, dans le sens qu’elle préconise, une question qui est à la fois étrangère aux litiges dont le présent pourvoi constitue le prolongement au regard de l’illégalité constatée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, et susceptible de se poser dans le cadre du recours en annulation que l’intéressée a introduit en parallèle devant le Tribunal et qui était encore pendant devant le Tribunal à la date d’introduction de ce pourvoi.

159

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, que l’illégalité constatée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P ne pouvait pas être qualifiée de violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, par référence aux dispositions des réglementations financières de 2002 et de 2012 au regard desquelles cette illégalité a été constatée. Il n’y a donc pas lieu d’examiner les arguments d’IMG selon lesquels cette juridiction a également commis une erreur de droit en relevant à titre surabondant, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, que cette violation n’était, en toute hypothèse, pas suffisamment caractérisée.

3) Sur le troisième grief, tiré de l’existence d’une violation de l’obligation de diligence

160

S’agissant, en troisième et dernier lieu, du grief résumé au point 133 du présent arrêt, qui est tiré des erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal aux points 90 à 93 de l’arrêt attaqué, en refusant de retenir l’existence, en l’espèce, d’une violation de l’obligation qu’avait la Commission de faire preuve de diligence dans l’examen de la situation d’IMG, il convient de relever ce qui suit.

161

S’agissant de la recevabilité, s’il apparaît, certes, que le principal grief soulevé par IMG contre la Commission dans le cadre de sa demande en réparation porte sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée des réglementations financières de 2002 et de 2012, il n’en est pas moins clair qu’IMG a également fait grief à la Commission d’avoir concomitamment violé, de façon caractérisée, d’autres principes et d’autres règles de droit, dont ceux tenant à la sécurité juridique, à la protection de la confiance légitime, au droit d’être entendu ainsi qu’au droit à une bonne administration, tels que consacrés à l’article 41 de la Charte.

162

En particulier, IMG s’est spécifiquement référée, dans ses mémoires en première instance, à certains arrêts du juge de l’Union par lesquels celui-ci a précisé la portée de l’obligation de diligence qui pèse sur l’administration de l’Union en vertu de cet article de la Charte, à savoir les arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14), et du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 92), ainsi que l’arrêt du Tribunal du 29 avril 2015, Staelen/Médiateur (T‑217/11, EU:T:2015:238, point 88). En outre, elle a itérativement fait valoir, aussi bien dans la procédure initiale que dans la procédure ayant fait suite au renvoi partiel de l’affaire au Tribunal, que les doutes dont la Commission avait fait état dans la décision du 8 mai 2015 étaient fondés sur une analyse manifestement erronée et incomplète de la notion d’« organisation internationale » figurant dans les réglementations financières de 2002 et de 2012, de sa situation au regard de cette notion ainsi que des nombreux éléments de fait, notamment d’ordre documentaire, qui étaient à prendre en considération pour qualifier juridiquement cette situation. Les griefs tirés de la violation desdites réglementations et de l’obligation de diligence étaient donc, en l’espèce, intrinsèquement liés, ce qui justifiait qu’ils puissent être traités conjointement (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission, C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, point 35).

163

Au demeurant, la Commission a bien saisi la portée du présent grief en faisant valoir, dans son mémoire en défense initial et dans ses observations subséquentes au renvoi partiel de l’affaire devant le Tribunal, que, à supposer que la décision du 8 mai 2015 soit illégale, cette illégalité ne faisait pas partie de celles « que n’aurait pas commises, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente », son action ayant, au contraire, été « normalement prudente et diligente ».

164

Quant au fond, il doit être rappelé, premièrement, que le caractère illégal de la décision du 8 mai 2015, qui constitue l’acte de l’Union au titre duquel la responsabilité non contractuelle de celle-ci est recherchée en l’espèce, a d’ores et déjà été constaté par la Cour aux points 92 à 96 et 104 de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, qui sont revêtus de l’autorité de la chose jugée, comme il a été rappelé au point 89 du présent arrêt.

165

À cet égard, ainsi qu’il a été souligné aux points 22 et 23 de l’ordonnance C‑183/17 P-INT et rappelé aux points 46 et 49 du présent arrêt, la Cour a jugé que la Commission avait entaché d’illégalité la décision du 8 mai 2015 en considérant qu’il existait des doutes quant à la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, sur la base d’un raisonnement qui était entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que les trois éléments qui ont été pris en compte par cette institution n’étaient pas susceptibles de justifier ces doutes.

166

En outre, il découle des points en question de l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P ainsi que des points 85 à 87 du même arrêt, à la lumière duquel ceux-ci doivent être lus, que cette appréciation de la Commission ne se fonde, que ce soit dans la décision du 8 mai 2015 elle-même ou dans d’autres documents portés à la connaissance d’IMG par cette institution et faisant partie du dossier de la procédure juridictionnelle de première instance, sur aucune analyse ni de la pertinence des trois éléments en cause au regard de la qualification d’« organisation internationale », au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, ni de la portée de cette notion elle-même.

167

Enfin, il en ressort qu’IMG a présenté un ensemble d’éléments pour établir sa qualité d’organisation internationale, que la Commission a omis d’apprécier.

168

S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si l’obligation de diligence constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, dont la violation est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union dans un cas donné, s’il est établi qu’elle est suffisamment caractérisée, il convient de relever, tout d’abord, que cette obligation, qui est inhérente au droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte et qui s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission, C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

169

Ensuite, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une telle obligation de diligence constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, dont la violation est susceptible, dans certaines circonstances, d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 1990, Grifoni/Commission, C‑308/87, EU:C:1990:134, points 6, 7 et 14 ; du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 91, ainsi que du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 38 et 41], à savoir s’il est établi, dans un cas donné, que cette violation est suffisamment caractérisée, conformément à la jurisprudence rappelée au point 146 du présent arrêt.

170

Enfin, le respect de ladite obligation revêt une importance fondamentale dans le cas où l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union dont le comportement ou un acte est en cause dans un cas donné dispose d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14), comme celui dont la Commission jouissait en l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 148 à 152 du présent arrêt. Il s’ensuit, en particulier, que, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par cette institution, cet organe ou cet organisme, le juge de l’Union doit contrôler si ceux-ci ont examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. En effet, c’est seulement ainsi qu’il peut être vérifié que les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir en question ont été réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, ainsi que du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission, C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, point 31).

171

Ainsi, eu égard à la nature de cette obligation, qui est intrinsèquement liée au cadre dans lequel agit l’administration de l’Union dans un cas donné, la mise en évidence de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de celle-ci ne peut résulter que d’un examen au cas par cas de l’ensemble des éléments pertinents de fait et de droit, prenant en considération le domaine, les conditions et le contexte dans lesquels ladite obligation pèse sur l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, ainsi que les circonstances concrètes permettant d’en établir le non-respect (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 40 et 41).

172

En ce qui concerne, troisièmement, le point de savoir si l’existence d’une violation, le cas échéant suffisamment caractérisée, de cette obligation était établie en l’espèce, il convient de constater que le raisonnement par lequel le Tribunal a jugé, aux points 91 à 97 de l’arrêt attaqué, que tel n’était pas le cas est erroné en droit.

173

En effet, pour se prononcer sur les arguments d’IMG, le Tribunal a retenu, d’une part, que l’existence d’une telle violation devait être exclue dans la mesure où « il ne peut être reproché à la Commission de ne pas conclure de nouvelles conventions de délégation en gestion indirecte avec une entité, lorsque le statut d’organisation internationale de celle-ci est susceptible d’être remis en cause à la suite d’éléments en ce sens portés à la connaissance de cette institution ». Or, un tel motif était dépourvu de pertinence, dans la mesure il avait été définitivement constaté, dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, que la décision du 8 mai 2015 était illégale en ce qu’elle mettait en doute la qualité d’organisation internationale d’IMG au terme d’une analyse qui était entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation des quelques éléments sur lesquels elle avait porté et où c’était par rapport à cette décision passée et à cette illégalité précise, et non pas par rapport au pouvoir général de la Commission de mettre en doute la qualité d’IMG sur la base d’autres éléments susceptibles d’être portés à sa connaissance à l’avenir, qu’il y avait lieu de caractériser l’existence éventuelle d’une violation susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

174

D’autre part, le Tribunal a énoncé qu’IMG n’indiquait pas en quoi l’erreur de droit et l’erreur manifeste d’appréciation qui avaient conduit la Cour à annuler la décision du 8 mai 2015 constituaient une violation de l’obligation de diligence incombant à la Commission. Or, l’argumentation d’IMG identifiait, de façon claire, précise et concrète, l’existence d’une telle violation, laquelle tenait à l’adoption, par cette institution, d’une décision ayant mis en doute sa qualité d’organisation internationale, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, sur la base d’éléments parcellaires dont l’examen par la Cour avait conduit celle-ci à constater qu’ils étaient impropres à justifier ces doutes, d’un point de vue tant factuel que juridique, et qu’il en avait été tenu compte par la Commission d’une façon qui était entachée tant d’une erreur de droit que d’une erreur manifeste d’appréciation.

175

Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en ne retenant pas l’existence d’une violation de l’obligation de diligence qui pesait en l’espèce sur la Commission. Celui-ci n’ayant pas pris position, par ailleurs, sur la question de savoir si cette violation était suffisamment caractérisée au sens de la jurisprudence de la Cour, cette erreur de droit entraîne l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que celui-ci a rejeté, au point 100 de l’arrêt attaqué, la demande en réparation d’IMG comme non fondée.

2.   Sur le second moyen

a)   Argumentation des parties

176

S’agissant de ceux des chefs de conclusions indemnitaires rejetés comme irrecevables par le Tribunal, IMG fait valoir, premièrement, que cette juridiction a manqué à son devoir de motivation et commis une série d’erreurs de droits, aux points 49 à 59 et 68 de l’arrêt attaqué, en rejetant comme telles ses demandes tendant à ce qu’il soit fait injonction à la Commission de réparer en nature, par la voie d’obligations de faire, une partie des préjudices résultant de la décision du 8 mai 2015. En effet, une personne qui entend obtenir la réparation des préjudices qui lui ont été causés par un acte ou un comportement imputable à l’Union serait recevable et fondée à demander que cette réparation intervienne en nature dans les cas qui s’y prêtent, comme en l’espèce. Ensuite, IMG se serait limitée, dans ses observations écrites faisant suite au renvoi partiel de l’affaire au Tribunal, à préciser en ce sens, en vue de l’actualiser, la demande en réparation qui figurait déjà dans la requête introductive d’instance. Enfin, le Tribunal n’aurait fait état, dans l’arrêt attaqué, d’aucune raison valable de ne pas satisfaire cette demande.

177

Deuxièmement, le Tribunal aurait aussi manqué à son devoir de motivation et commis une série d’erreurs de droit, aux points 60 et 68 de l’arrêt attaqué, en considérant que certains des préjudices matériels invoqués par IMG étaient nouveaux et en rejetant comme irrecevables, pour ce motif, les chefs de conclusions correspondants. En effet, ces chefs de conclusions ne constitueraient que la reprise, sous une forme valablement adaptée et développée, de chefs de conclusions qui figuraient déjà dans la requête introductive d’instance.

178

Troisièmement, le Tribunal aurait encore manqué à son devoir de motivation et commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevable, aux points 63 et 68 de l’arrêt attaqué, sa demande en réparation d’un préjudice moral tenant à une atteinte à sa réputation et chiffré à 10 millions d’euros, au motif que cette demande avait changé de nature par rapport à la demande en réparation à hauteur d’un euro symbolique qui avait été présentée dans la requête introductive d’instance. En effet, d’une part, cette dernière aurait comporté une mention selon laquelle ce chiffrage symbolique était présenté sous réserve de parfaire, ce qu’IMG aurait fait de façon motivée et détaillée dans les observations présentées après le renvoi partiel de l’affaire par la Cour. D’autre part, le Tribunal disposerait d’une compétence de pleine juridiction dans les litiges à caractère pécuniaire, qui lui interdirait de conclure à l’irrecevabilité d’une demande telle que celle qui lui avait présentée en l’espèce.

179

La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments.

b)   Appréciation de la Cour

180

Il convient, d’emblée, de relever que la demande en réparation sur laquelle le Tribunal était à la fois compétent pour se prononcer et tenu de le faire dans l’affaire T‑381/15 RENV était celle qui lui avait été renvoyée par la Cour dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, à l’exclusion de toute autre demande.

181

Or, ainsi qu’il résulte du point 4 du dispositif de cet arrêt et des points 1, 33, 39, 100 et 105 dudit arrêt, qui constituent le soutien nécessaire de ce dispositif, la demande en réparation ainsi renvoyée par la Cour au Tribunal correspondait à celle présentée par IMG dans sa requête introductive d’instance dans l’affaire T‑381/15, laquelle avait pour objet exclusif la réparation, d’une part, d’un préjudice d’ordre matériel qu’IMG avait évalué à 28 millions d’euros et, d’autre part, d’un préjudice d’ordre moral tenant à une atteinte à la réputation de l’intéressée, qu’il était demandé de réparer à hauteur d’un euro symbolique, ainsi que le Tribunal l’a rappelé aux points 22, 46 et 48 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas remis en cause devant la Cour.

182

Cependant, ainsi qu’il découle des constats effectués à juste titre par le Tribunal aux points 40 à 42, 46, 48, 53, 54, 60 et 63 de l’arrêt attaqué, la demande en réparation sur laquelle IMG l’a invité à se prononcer dans les observations qu’elle lui a présentées après le renvoi partiel de l’affaire a été étendue, de façon manifeste et considérable, au-delà de son objet initial, dans la mesure où s’y sont ajoutés un ensemble de chefs de conclusions tendant, premièrement, au prononcé d’un large éventail d’injonctions de faire, deuxièmement, à la réparation de préjudices matériels nouveaux ou différents de celui qui avait été seul allégué initialement et, troisièmement, d’un préjudice d’ordre moral désormais chiffré non plus à titre symbolique à 1 euro mais à 10 millions d’euros.

183

Or, il ne saurait être admis que, à la suite du renvoi total ou partiel d’un litige au Tribunal par la Cour, la partie requérante modifie, par des conclusions ou des demandes nouvelles, l’objet de ce litige, tel qu’initialement soumis au premier juge, cet objet étant, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante, délimité par les seules conclusions ou demandes présentées dans la requête introductive d’instance (arrêts du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, EU:C:1979:215, point 3, ainsi que du 7 novembre 2019, Rose Vision/Commission, C‑346/18 P, non publié, EU:C:2019:939, points 43 et 46), telles qu’éventuellement adaptées ou précisées, dans le respect des conditions ou des exigences applicables, au cours de la procédure juridictionnelle en première instance.

184

En l’espèce, IMG n’était donc pas recevable à modifier la demande indemnitaire qu’elle avait présentée au Tribunal dans l’affaire T‑381/15 et sur laquelle cette juridiction était appelée à se prononcer de nouveau à la suite du renvoi partiel opéré par l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, ainsi que ladite juridiction l’a jugé à bon droit au point 49 de l’arrêt attaqué.

185

Dès lors, le Tribunal a non seulement motivé à suffisance de droit mais aussi légalement justifié sa décision de rejeter comme irrecevables, au point 68 de l’arrêt attaqué, les chefs de conclusions qui lui avaient été présentés en méconnaissance de cette prescription.

186

Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les arguments par lesquels IMG conteste les motifs surabondants de l’arrêt attaqué relatifs à la possibilité, pour une partie requérante, de présenter, dans le cadre d’une demande indemnitaire, des chefs de conclusions tendant au prononcé d’injonctions de faire.

V. Sur le recours dans l’affaire T‑381/15 RENV

A. Sur l’évocation

187

Lorsque le litige est, en tout ou en partie, en état d’être jugé, la Cour peut, en vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, statuer elle-même définitivement, selon le cas, sur le litige ou sur la partie de celui-ci qui est en état d’être jugée, tout en renvoyant, s’il y a lieu, celle qui ne l’est pas devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, point 103, ainsi que arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 139).

188

En l’espèce, dans la mesure où certains des aspects de la demande en réparation visée au point 181 du présent arrêt ont fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et où l’examen de ces aspects ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime qu’ils sont en état d’être jugés et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur ceux-ci [voir, par analogie, arrêts du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 130, ainsi que du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C‑884/19 P et C‑888/19 P, EU:C:2021:973, point 104], dans les limites qui suivent.

B. Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence incombant en l’espèce à la Commission

189

En premier lieu, le litige est en état d’être jugé en ce qui concerne la question de savoir si la violation de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission à l’égard d’IMG au moment où cette institution a adopté la décision du 8 mai 2015, telle que constatée aux points 173 à 175 du présent arrêt, est suffisamment caractérisée ou non, au sens de la jurisprudence rappelée au point 146 de cet arrêt, pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

190

À cet égard, il importe de relever, tout d’abord, que, comme la Commission le soutient à juste titre, la notion d’« organisation internationale » à laquelle se réfèrent les réglementations financières de 2002 et de 2012 est une notion générale dont l’interprétation, aux fins de ces réglementations, peut susciter des difficultés en l’absence, notamment, de jurisprudence à ce sujet.

191

Ensuite, cette institution est également fondée à souligner que l’application de cette notion pouvait elle aussi, en l’espèce, se révéler complexe et entraîner des difficultés de qualification juridique des faits, compte tenu de la situation spécifique d’IMG, telle que résumée au point 18 du présent arrêt.

192

Cependant, il découle de la jurisprudence de la Cour que, si de telles difficultés d’interprétation et d’application peuvent être de nature à expliquer le comportement d’une institution, d’un organe ou d’un organisme dans le cas où il s’avère que ceux-ci ont agi comme une administration normalement prudente et diligente l’aurait fait dans des circonstances analogues (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 43), elles ne sauraient, en revanche, permettre de qualifier d’excusable un défaut de diligence manifeste dans le cadre d’un examen tel que celui que la Commission était appelée à conduire en ce qui concerne la situation d’IMG (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur européen/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 41 et jurisprudence citée), en particulier lorsque ce défaut de diligence consiste à omettre d’instruire les questions qui sont au cœur de cet examen ou à tirer de celui-ci des conclusions clairement inappropriées, déficientes, déraisonnables ou non étayées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur européen/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 104 à 106, 109, 112, 114 et 117).

193

En effet, en l’espèce, les possibles difficultés d’interprétation et d’application évoquées aux points 190 et 191 du présent arrêt ne sont pas susceptibles d’expliquer l’adoption d’une décision aussi manifestement dépourvue de justification juridique et factuelle que la décision du 8 mai 2015, dont il a été définitivement constaté, par l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P, qu’elle ne contenait aucune analyse juridique de la notion d’« organisation internationale » au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012, d’une part, et que les éléments invoqués pour l’appuyer étaient impropres à mettre en doute la qualité d’organisation internationale d’IMG, d’autre part.

194

Il s’ensuit que l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence qui pesait en l’espèce sur la Commission est établie.

C. Sur les préjudices invoqués et sur le lien de causalité avec la violation constatée

195

S’agissant, en second lieu, des conditions auxquelles est subordonné l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union dans un cas donné, autres que celle constatée au point précédent, il convient de rappeler qu’elles tiennent, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, d’une part, à la réalité du ou des préjudices invoqués et, d’autre part, à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’Union qui est en litige, d’un côté, et ce ou ces préjudices, de l’autre (arrêt et du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 138 et jurisprudence citée).

196

En l’espèce, IMG demande la réparation des préjudices d’ordre moral et matériel qui lui auraient été causés par la décision du 8 mai 2015. Ainsi qu’il résulte des points 55 et 185 du présent arrêt, ces demandes indemnitaires ont été jugées partiellement irrecevables, à bon droit, par le Tribunal. Demeurent donc seules en litige, à ce stade de la procédure juridictionnelle, celles de ces demandes qui portent, d’une part, sur le préjudice moral tenant à l’atteinte à la réputation d’IMG, pour un montant d’un euro symbolique, et, d’autre part, sur le préjudice matériel consistant, en substance, en une éventuelle perte de chance, pour l’intéressée, de se voir confier de nouvelles conventions de délégation par la Commission en tant qu’organisation internationale chargée de tâches d’exécution budgétaire dans le cadre d’une gestion indirecte du budget de l’Union et de percevoir à ce titre, en tant qu’« enveloppe de frais indirects », une somme correspondant à un pourcentage forfaitaire des frais administratifs généraux pouvant être considérés comme des coûts réels éligibles à un financement par l’Union.

197

À cet égard, il convient de relever, premièrement, qu’il résulte d’une jurisprudence établie de la Cour qu’un préjudice d’ordre immatériel ou moral peut, dans certaines situations, être considéré comme étant réparé de façon adéquate et suffisante par l’annulation de l’acte illégal qui l’a causé(arrêts du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22 ; du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 98 ; du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 72, ainsi que du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 49).

198

En l’espèce, il est certes établi que la violation suffisamment caractérisée, par la Commission, de l’obligation de diligence qui pesait sur elle a causé à IMG un préjudice moral prenant la forme d’une atteinte à la réputation de celle-ci, en ce qu’elle a conduit cette institution à adopter une décision faisant état de doutes relatifs à la qualité d’organisation internationale de cette entité sur la base d’éléments insusceptibles de justifier de tels doutes en droit comme en fait. En particulier, IMG a produit en temps utile, devant le Tribunal, un certain nombre d’éléments de preuve d’ordre documentaire qui attestent, à suffisance, de l’écho qu’a reçu cette décision dans les milieux institutionnels et professionnels intéressés au niveau européen et national.

199

Cependant, la Cour a constaté l’illégalité de ladite décision et annulé celle-ci dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P. En outre, les termes clairs dans lesquels est formulé ce constat sont propres à assurer, conformément à la jurisprudence citée au point 197 du présent arrêt, la réparation adéquate et suffisante du préjudice moral subi par IMG, compte tenu du contexte dans lesquels ils interviennent.

200

Partant, les conclusions indemnitaires d’IMG doivent être rejetées comme étant non fondées en tant qu’elles portent sur le préjudice moral résultant de l’illégalité de la décision du 8 mai 2015.

201

Deuxièmement, le litige n’est en revanche pas en état d’être jugé en tant qu’il porte sur le préjudice matériel dont IMG est recevable à demander la réparation.

202

En effet, bien que la demande en réparation d’IMG ait fait, dans son ensemble, l’objet d’un débat contradictoire écrit et oral devant le Tribunal, cette juridiction n’a pas analysé le bien-fondé des prétentions de l’intéressée relatives à ce préjudice matériel. En outre, l’examen des pièces du dossier de la procédure juridictionnelle en première instance fait apparaître que la Cour ne dispose pas, en l’état, de l’ensemble des éléments de fait qui seraient nécessaires pour lui permettre de procéder, avec un degré de certitude suffisant, aux appréciations factuelles complexes qu’implique cette analyse, compte tenu, en particulier, de la circonstance, rappelée tant dans l’arrêt C‑183/17 P et C‑184/17 P qu’au point 45 du présent arrêt, que ledit préjudice matériel ne pourrait consister qu’en une éventuelle perte de chance, pour IMG, de se voir confier des tâches d’exécution budgétaire en qualité d’organisation internationale.

203

Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer l’affaire au Tribunal afin que celui-ci statue sur l’existence et, le cas échéant, sur l’étendue du préjudice matériel invoqué ainsi que, dans l’hypothèse où il serait établi à suffisance de droit, sur l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et la violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence qui incombait en l’espèce à la Commission, telle que définitivement constatée par la Cour dans le présent arrêt.

VI. Sur les dépens

204

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

205

En l’espèce, IMG ayant succombé dans l’affaire C‑619/20 P, il y a lieu de la condamner aux dépens dans cette affaire, conformément aux conclusions de la Commission.

206

S’agissant en revanche des affaires C‑620/20 P et T‑381/15 RENV, il convient de rappeler que, si IMG et la Commission ont toutes les deux succombé en certains de leurs chefs de conclusions, la demande en réparation d’IMG doit être en partie renvoyée devant le Tribunal. En conséquence, il y a lieu de réserver les dépens dans ces deux affaires, conformément à l’article 137 dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Les affaires C‑619/20 P et C‑620/20 P sont jointes aux fins de l’arrêt.

 

2)

Le pourvoi dans l’affaire C‑619/20 P est rejeté.

 

3)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑381/15 RENV, EU:T:2020:406), est annulé en tant qu’il a rejeté comme non fondée la demande en réparation d’International Management Group (IMG) relative au préjudice qui lui aurait été causé par la décision de la Commission européenne de ne plus conclure avec elle de nouvelles conventions de délégation en gestion indirecte, contenue dans la lettre de cette institution du 8 mai 2015.

 

4)

Le pourvoi dans l’affaire C‑620/20 P est rejeté pour le surplus.

 

5)

Le recours dans l’affaire T‑381/15 RENV est rejeté en tant qu’il porte sur la demande en réparation du préjudice moral que la décision visée au point 3 du présent dispositif a causé à International Management Group (IMG).

 

6)

L’affaire T‑381/15 RENV est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il soit statué sur la demande visée au point 3 du présent dispositif, en tant qu’elle porte sur le préjudice matériel invoqué par International Management Group (IMG).

 

7)

International Management Group (IMG) est condamnée aux dépens dans l’affaire C‑619/20 P.

 

8)

Les dépens sont réservés dans les affaires C‑620/20 P et T‑381/15 RENV.

 

Prechal

Passer

Biltgen

Wahl

Arastey Sahún

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2022.

Le greffier

A. Calot Escobar

La présidente de la IIème chambre

A. Prechal


( *1 ) Langue de procédure : le français.

Top