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Document 62020CJ0464

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 14 octobre 2021.
    KF contre Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE).
    Pourvoi – Droit institutionnel – Personnel du Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) – Agents contractuels – Modalités de l’enquête administrative à l’égard de la partie requérante – Réouverture de l’enquête – Exécution de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718) – Recours en annulation et en indemnité.
    Affaire C-464/20 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:848

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    14 octobre 2021 (*)

    « Pourvoi – Droit institutionnel – Personnel du Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) – Agents contractuels – Modalités de l’enquête administrative à l’égard de la partie requérante – Réouverture de l’enquête – Exécution de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718) – Recours en annulation et en indemnité »

    Dans l’affaire C‑464/20 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 septembre 2020,

    KF, représentée par Me A. Kunst, Rechtsanwältin,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE), représenté par Mes A. Guillerme et T. Payan, avocates,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. N. Jääskinen et M. Safjan, juges,

    avocat général : M. M. Bobek,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par son pourvoi, KF demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 10 juillet 2020, KF/CSUE (T‑619/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:337), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du directeur du Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) du 3 juillet 2019 portant ouverture d’une enquête la concernant (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à obtenir réparation des préjudices qu’elle aurait subis notamment du fait de cette décision.

     Le cadre juridique

    2        Par sa décision 2009/747/PESC, du 14 septembre 2009, concernant le règlement du personnel du Centre satellitaire de l’Union européenne (JO 2009, L 276, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement du personnel du CSUE, dont l’article 28, intitulé « Contestation d’une décision par un agent », dispose, à son paragraphe 2 :

    « Toute personne visée au présent règlement du personnel peut saisir le directeur d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que le directeur ait pris une décision, soit qu’il se soit abstenu de prendre une mesure imposée par le présent règlement du personnel. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. [...] »

     Les antécédents du litige

    3        Les antécédents du litige, présentés par le Tribunal aux points 1 à 8 de l’ordonnance attaquée, peuvent être résumés de la façon suivante.

    4        KF a été recrutée par le CSUE le 1er août 2009 en tant qu’agent contractuel, pour occuper les fonctions de chef de la division administrative, au moyen de deux contrats à durée déterminée successifs, dont le second courait jusqu’au 31 juillet 2016.

    5        Le 8 mars 2013, le directeur du CSUE a décidé d’ouvrir une enquête administrative concernant le comportement de KF, qu’il a confiée au directeur adjoint du CSUE. D’une part, cette décision faisait suite à une plainte adressée au directeur et au directeur adjoint du CSUE, le 14 novembre 2012, par douze agents et visant à dénoncer le comportement de KF qui était, selon les plaignants, constitutif de harcèlement moral. D’autre part, la décision d’ouvrir une enquête concernant KF a été prise au motif que, selon les résultats d’un sondage sur le bien-être au travail réalisé auprès du personnel du CSUE, certains agents avaient indiqué avoir subi, sur une longue période, des pressions psychologiques et un comportement agressif de sa part.

    6        Suivant les conclusions du rapport d’enquête, le directeur du CSUE a ouvert une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline à l’égard de KF. À l’issue de cette procédure, le directeur du CSUE a, par décision du 28 février 2014, révoqué KF pour motif disciplinaire (ci-après la « décision de révocation »).

    7        Par arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), le Tribunal s’est déclaré compétent pour examiner le recours en annulation de la décision de révocation introduit par KF et a accueilli ce recours en raison de l’irrégularité procédurale de l’enquête administrative qui en était à l’origine. D’une part, aux points 189 à 207 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que les modalités de cette enquête, consistant à adresser à des agents du CSUE un « questionnaire sur le harcèlement » désignant personnellement KF, étaient contraires au principe de bonne administration et, en particulier, à l’exigence d’impartialité et au devoir de diligence. D’autre part, aux points 208 à 224 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que le CSUE avait méconnu le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier de KF en tirant des conclusions de l’enquête administrative la concernant sans qu’elle ait été mise en mesure de faire valoir son point de vue et de consulter, en temps utile, les pièces afférentes à cette enquête.

    8        Par ailleurs, le Tribunal a condamné le CSUE à verser à KF la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral découlant des irrégularités de l’enquête administrative. En revanche, le Tribunal a rejeté, comme prématurées, les conclusions de KF tendant à la réparation du préjudice matériel correspondant au montant de la rémunération auquel elle aurait pu prétendre si elle était restée en fonctions au sein du CSUE entre la date de son éviction et la date de fin de son contrat de travail. En particulier, au point 250 de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), le Tribunal a indiqué que, sauf à préjuger des mesures prises par le CSUE en exécution de cet arrêt, il n’était pas à même de conclure que l’annulation de la décision de révocation impliquait nécessairement le droit de KF au versement des sommes qu’elle réclamait. Le pourvoi introduit contre ledit arrêt par le CSUE a été rejeté par la Cour dans l’arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492).

    9        Le 18 mai 2019, KF a reçu de la part du CSUE le versement de ladite somme de 10 000 euros.

    10      Le 3 juillet 2019, le directeur du CSUE a notifié à KF la décision litigieuse, prise aux fins d’exécuter l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), consistant en l’ouverture d’une nouvelle enquête administrative à son égard. Selon ses motifs, cette décision est fondée sur les éléments mentionnés au point 5 du présent arrêt qui avaient justifié la première enquête administrative à l’origine de la décision de révocation, annulée par le Tribunal dans ledit arrêt.

    11      Le 17 juillet 2019, KF a, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 2, du règlement du personnel du CSUE, saisi le directeur du CSUE d’une réclamation contre la décision litigieuse. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite de rejet le 2 août 2019 au motif, à titre principal, qu’elle était irrecevable en ce qu’elle était dirigée contre un acte ne faisant pas grief et, à titre subsidiaire, qu’elle était non fondée.

     La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 septembre 2019, KF a introduit un recours tendant, premièrement, à l’annulation de la décision litigieuse et de la décision de rejet de la réclamation formée contre cette décision, deuxièmement, à la condamnation du CSUE à lui octroyer, en application de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), une indemnité « complète et équitable » en réparation du préjudice matériel subi, troisièmement, à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice « matériel et immatériel » causé par la décision litigieuse et, quatrièmement, à lui verser « des intérêts sur le paiement tardif injustifié » des 10 000 euros alloués par le Tribunal en réparation du préjudice moral.

    13      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant manifestement irrecevable et, en ce qui concerne le deuxième chef de conclusions, également manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

     Les conclusions des parties devant la Cour

    14      KF demande à la Cour :

    –        d’annuler l’ordonnance attaquée ainsi que de faire droit au recours introduit devant le Tribunal à l’exception du quatrième chef de conclusions, à savoir le paiement d’intérêts au titre du versement tardif de l’indemnité allouée en réparation du préjudice moral subi, et

    –        de condamner le CSUE aux dépens tant dans la procédure devant le Tribunal que dans le cadre du pourvoi.

    15      Le CSUE conclut au rejet du pourvoi et demande à la Cour de condamner KF aux dépens.

     Sur le pourvoi

    16      À l’appui de son pourvoi, KF soulève trois moyens.

    17      Par son premier moyen, KF reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse était un acte préparatoire ne lui faisant pas grief, alors qu’il s’agissait d’une décision de ne pas exécuter correctement l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), contrairement à ce que prévoit l’article 266 TFUE.

    18      Par son deuxième moyen, KF fait grief au Tribunal d’avoir constaté à tort, d’une part, un manque de clarté et de fondement s’agissant de sa demande visant à obtenir la condamnation du CSUE à lui octroyer, en application de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), une indemnité « complète et équitable » en réparation du préjudice matériel subi, et, d’autre part, qu’il n’avait pas été indiqué dans ledit arrêt que celui-ci présentait des difficultés particulières d’exécution pouvant faire naître à son égard la confiance légitime qu’elle serait dédommagée équitablement.

    19      Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE en ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant irrecevable la demande de KF visant à la condamnation du CSUE à l’indemniser des préjudices nés de l’adoption de la décision litigieuse.

     Sur le premier moyen

     Argumentation des parties

    20      KF soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse était un acte préparatoire ne lui faisant pas grief et que, partant, les conclusions dirigées contre une telle décision étaient manifestement irrecevables. En réalité, il s’agirait d’une décision de ne pas exécuter correctement l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), et, par conséquent, une telle décision aurait affecté de manière directe et immédiate les intérêts de KF.

    21      Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal aurait omis de constater que KF n’a pas de seconde chance d’obtenir, dans le cadre de la nouvelle enquête administrative, un dénouement favorable et équitable, les illégalités constatées par le Tribunal dans l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), étant irréversibles.

    22      En définitive, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que les irrégularités procédurales de la première enquête administrative, constatées par le Tribunal dans l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), et leurs effets ne sauraient être éliminés par une nouvelle enquête administrative.

    23      Par ailleurs, le Tribunal aurait omis de prendre en compte le principe du délai raisonnable, alors que la décision litigieuse a été adoptée six ans après la clôture de l’enquête administrative illégale ouverte contre KF au cours de l’année 2013. Dans les circonstances spécifiques de l’espèce, cette omission confirmerait que la décision litigieuse équivaut à une décision d’exécuter l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), de manière inappropriée, en violation de l’article 266 TFUE.

    24      Le CSUE réfute les arguments de KF et conclut au rejet du premier moyen.

     Appréciation de la Cour

    25      Il convient de reproduire ci-après les points 44 et 45 de l’ordonnance attaquée sur lesquels se concentrent les critiques de KF :

    « 44      [...] l’enquête administrative [...] vise à déterminer les faits reprochés à la personne concernée et les circonstances entourant ces derniers ainsi qu’à permettre au directeur du CSUE d’en apprécier, prima facie, la matérialité et la gravité, afin de se forger une opinion quant à l’opportunité, le cas échéant, de l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

    45      En conséquence, la décision [litigieuse], prise en exécution de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), ne comporte aucun élément décisionnel qui fixerait la position du directeur du CSUE à l’issue de cette enquête et qui préjugerait de sa position quant à la requérante (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T‑17/90, T‑28/91 et T‑17/92, EU:T:1993:69, points 40 à 42, et ordonnance du 26 juin 2018, Kerstens/Commission, T‑757/17, non publiée, EU:T:2018:391, points 32 et 33). Partant, la décision [litigieuse] doit être regardée comme un acte préparatoire, de sorte que les conclusions dirigées contre une telle décision sont manifestement irrecevables (voir, par analogie, ordonnance du 18 décembre 2003, Gómez-Reino/Commission, T‑215/02, EU:T:2003:352, points 50 et 54). »

    26      Selon une jurisprudence constante, seuls font grief et sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, EU:C:2006:582, point 42 ; du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 44, et du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 69).

    27      Or, les mesures préparatoires que constituent, pour l’intéressé, l’ouverture et la conduite d’une enquête interne ne peuvent pas faire l’objet d’un recours indépendant, distinct de celui que cet intéressé est recevable à présenter contre la décision finale de l’administration. En effet, ni l’existence, à la supposer établie, d’atteintes aux droits de la défense ni le fait que des enquêtes internes soient diligentées ne permettent à eux seuls de démontrer qu’un acte faisant grief, c’est‑à‑dire susceptible de recours contentieux, a été pris [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65].

    28      S’agissant de l’argument de KF selon lequel une nouvelle enquête administrative serait destinée à être entachée des mêmes irrégularités que celles qui ont été constatées par le Tribunal dans l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), et se traduirait, en substance, par une exécution incorrecte de cet arrêt, force est de constater qu’il a trait au fond de l’affaire et non à la recevabilité du recours devant le Tribunal, et ne pourrait, le cas échéant, être invoqué que contre la décision finale de l’administration.

    29      Pour ce qui est de la prétendue violation du délai raisonnable de la procédure administrative, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de statuer sur la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, une violation du principe du délai raisonnable peut être constatée, au terme d’une appréciation globale, du fait de la durée totale d’une procédure administrative et de procédures juridictionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 229).

    30      En effet, même à supposer que l’examen d’un moyen tiré d’une violation du principe du délai raisonnable exige non seulement un examen séparé de chaque étape procédurale, mais également une appréciation globale de l’ensemble constitué par la procédure administrative et des procédures juridictionnelles éventuelles, la circonstance que la nouvelle enquête a été ouverte six ans après la première enquête ne saurait, en l’occurrence, aboutir au constat que la procédure administrative est entachée d’un vice tenant au non-respect du délai raisonnable, alors que, du 28 mai 2015, date de dépôt de la requête dans l’affaire T‑286/15, au 25 juin 2020, date de prononcé de l’arrêt CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492), qui a rejeté le pourvoi introduit contre l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), le Tribunal a examiné la légalité des décisions prises par le CSUE à la suite de l’ouverture de la première enquête et la Cour a, ensuite, examiné la validité de l’arrêt du Tribunal rendu à l’issue de cet examen de légalité, la durée de ces procédures juridictionnelles ne soulevant, au demeurant, aucune réserve.

    31      Dans ces conditions, le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.

     Sur le deuxième moyen

     Argumentation des parties

    32      KF fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en constatant, au point 58 de l’ordonnance attaquée, que le deuxième chef de conclusions, par lequel elle demandait la condamnation du CSUE à lui octroyer, en application de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), une indemnité « complète et équitable » en réparation du préjudice matériel subi, ne satisfaisait pas aux exigences de clarté prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, et que, dès lors, il devait être rejeté comme manifestement irrecevable.

    33      KF soutient également que le Tribunal a commis deux autres erreurs de droit, d’une part, en ce qu’il a considéré, au point 59 de l’ordonnance attaquée, que l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), n’impliquait pas le paiement d’une somme en réparation du préjudice subi en raison des irrégularités constatées, dont le montant restait à déterminer, et, d’autre part, en relevant, au point 61 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’a pas été constaté, dans cet arrêt, que celui-ci présentait des difficultés particulières d’exécution, alors que, se fondant sur ces dernières, elle aurait pu légitimement penser que, dans l’esprit du Tribunal, ledit arrêt annulant trois décisions en raison de plusieurs irrégularités présenterait des difficultés particulières d’exécution et que, par conséquent, elle serait dédommagée équitablement.

    34      Le CSUE rétorque que, contrairement aux allégations de KF, l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), ne peut être compris comme impliquant le droit de celle-ci de recevoir une compensation financière et conclut au rejet du deuxième moyen.

     Appréciation de la Cour

    35      Il convient de reproduire ci-après les points 59 à 61 de l’ordonnance attaquée :

    « 59      En tout état de cause, pour autant que la requérante soutient que l’exécution de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), impliquait que le CSUE l’indemnise d’un préjudice matériel dont le montant resterait à définir, une telle prémisse repose sur une lecture manifestement erronée de cet arrêt.

    60      À cet égard, aux points 250 à 254 de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), le Tribunal a rejeté comme prématurées les conclusions présentées par la requérante et tendant à l’indemnisation d’un préjudice matériel correspondant au montant de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle était restée en fonctions au sein du CSUE entre la date d’effet de la décision de révocation et la date de la fin de son contrat, au motif qu’il n’était pas à même de conclure, sans connaître les mesures prises pour l’exécution de cet arrêt, que l’annulation de la décision de révocation impliquait nécessairement le droit de la requérante à percevoir une telle somme.

    61      Si le Tribunal a précisé, au point 253 de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), que des difficultés particulières d’exécution d’un arrêt d’annulation pouvaient justifier que l’institution concernée engage un dialogue avec la personne concernée en vue de chercher à parvenir à un accord lui offrant une compensation équitable de l’illégalité dont elle a été victime, il n’a pas reconnu que tel était le cas en l’espèce. »

    36      S’agissant du grief tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en constatant que le deuxième chef de conclusions, rappelé au point 32 du présent arrêt, devait être rejeté comme irrecevable, il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 6 mai 2021, Gollnisch/Parlement, C‑122/20 P, non publié, EU:C:2021:370, point 45).

    37      Or, force est de constater que KF n’a pas indiqué les arguments juridiques au soutien de son grief. Ce dernier est, dès lors, irrecevable.

    38      Quant à la prétendue erreur de droit qui aurait été commise au point 59 de l’ordonnance attaquée, il n’apparaît pas que le Tribunal ait commis une erreur de droit en constatant qu’il ne découlait pas de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), que le CSUE doive indemniser KF au titre d’un préjudice matériel lié à la décision de révocation annulée par cet arrêt.

    39      En effet, aux termes du point 250 de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), s’il est vrai que le Tribunal a, par cet arrêt, prononcé l’annulation de la décision de révocation, par laquelle il avait été mis fin au contrat de KF, il n’en demeure pas moins que, conformément à l’article 266 TFUE, il incombe au CSUE de prendre les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt.

    40      Or, audit point 250, le Tribunal a également considéré que, sauf à préjuger de ces mesures d’exécution, il n’était pas à même de conclure que l’annulation de la décision de révocation implique nécessairement le droit de KF au versement des sommes qu’elle réclamait, de sorte que les conclusions indemnitaires devraient, sur ce point, être rejetées comme prématurées.

    41      En ce qui concerne la prétendue erreur de droit commise par le Tribunal au point 61 de l’ordonnance attaquée, elle ne paraît pas non plus établie.

    42      À cet égard, il convient de rappeler que, au point 253 de l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), le Tribunal a indiqué que, lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente des difficultés particulières, l’institution concernée peut prendre toute décision qui soit de nature à compenser équitablement le désavantage résultant pour la personne concernée de la décision annulée et peut, dans ce contexte, établir un dialogue avec elle en vue de chercher à parvenir à un accord lui offrant une compensation équitable de l’illégalité dont elle a été victime.

    43      Toutefois, ainsi que l’a constaté à juste titre le Tribunal au point 61 de l’ordonnance attaquée, il n’a pas été reconnu, au point 253 dudit arrêt, que tel était le cas en l’espèce.

    44      Dans ces conditions, KF n’était pas fondée à nourrir une quelconque confiance légitime dans le fait qu’elle pouvait prétendre à une indemnité réparatrice en rapport avec la décision de révocation annulée.

    45      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

     Sur le troisième moyen

     Argumentation des parties

    46      Par son troisième moyen, KF soutient que, aux points 47 à 50 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a conclu à tort que l’action en réparation des dommages subis en raison de la décision litigieuse, introduite conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, était irrecevable. KF fait valoir qu’elle a formé un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE non pas contre une décision portant reprise d’une enquête administrative, mais contre une décision visant à ne pas exécuter correctement l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), et ce recours est recevable. Par conséquent, l’action en réparation de dommages introduite conformément à l’article 340 TFUE serait, elle aussi, recevable.

    47      Le CSUE soutient que ce moyen doit être écarté.

     Appréciation de la Cour

    48      Selon la jurisprudence de la Cour, en ce qui concerne l’action en dommages-intérêts, lorsqu’un fonctionnaire, en application de l’article 270 TFUE, introduit un recours tendant à l’annulation d’un acte d’une institution et à l’octroi d’une indemnité pour le préjudice lui ayant été causé par cet acte, les demandes sont tellement liées l’une à l’autre que l’irrecevabilité de la demande en annulation entraîne l’irrecevabilité de celle en indemnité (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, EU:C:1981:186, point 18, ainsi que du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, EU:C:1989:59, point 31).

    49      Dès lors que, d’une part, un litige entre un agent ou un ancien agent du CSUE et ce dernier, ayant pour objet une demande d’annulation, au titre de l’article 263 TFUE, d’un acte du CSUE ainsi qu’une demande de dommages-intérêts, au titre de l’article 268 TFUE, en réparation du préjudice résultant de l’adoption de cet acte, et que, d’autre part, les litiges de même nature opposant les agents de l’Union à leur employeur sont comparables (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 94), la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt est transposable à un cas tel que celui de l’espèce.

    50      S’il est vrai que KF prétend qu’elle a formé un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE, non pas contre la décision litigieuse, qui constitue une décision d’ouverture d’une nouvelle enquête administrative, mais contre une décision visant à ne pas exécuter correctement l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), et qu’un tel recours est, dès lors, recevable, il importe de relever que, non seulement elle n’a pas contesté le point 14 de l’ordonnance attaquée, qui indique qu’elle conclut, respectivement aux premier et troisième chefs de conclusions, à l’annulation de la décision litigieuse, qui constitue une décision d’ouverture d’une enquête, ainsi qu’à la condamnation du CSUE à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de préjudice « matériel et immatériel » causé par cette décision, mais elle n’a pas non plus invoqué une quelconque dénaturation des faits par le Tribunal, pas plus qu’elle n’a apporté une quelconque preuve à l’appui de son argument.

    51      En tout état de cause, à supposer même que KF ait formé un recours contre une décision visant à ne pas exécuter correctement l’arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE (T‑286/15, EU:T:2018:718), il découle du point 28 du présent arrêt qu’un recours ainsi formé n’est, en l’occurrence, pas recevable.

    52      Compte tenu des considérations qui précèdent, ainsi que du point 27 du présent arrêt et du rejet du premier moyen, force est de relever que la demande en indemnité en cause en l’espèce étant, en tout état de cause, étroitement liée à une demande en annulation irrecevable, le Tribunal a constaté à juste titre, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que le troisième chef de conclusions devait également être rejeté comme manifestement irrecevable.

    53      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

    54      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté.

     Sur les dépens

    55      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    56      Le CSUE ayant conclu à la condamnation de KF aux dépens et cette dernière ayant succombé en l’ensemble de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      KF est condamnée aux dépens.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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