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Document 62019CJ0822

Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 3 juin 2021.
Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Braşov et Agenţia Naţională de Administrare Fiscală - Direcţia Generală a Vămilor - Direcţia Regională Vamală Braşov - Biroul Vamal de Interior Sibiu contre Flavourstream SRL.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia.
Renvoi préjudiciel – Union douanière – Tarif douanier commun – Nomenclature combinée – Classement tarifaire – Sous-positions tarifaires 1702 90 95, 2912 49 00 et 3824 90 92 – Solution aqueuse.
Affaire C-822/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:444

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

3 juin 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Tarif douanier commun – Nomenclature combinée – Classement tarifaire – Sous-positions tarifaires 17029095, 29124900 et 38249092 – Solution aqueuse »

Dans l’affaire C‑822/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), par décision du 9 octobre 2019, parvenue à la Cour le 5 novembre 2019, dans la procédure

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Braşov,

Agenţia Naţională de Administrare Fiscală - Direcţia Generală a Vămilor - Direcţia Regională Vamală Braşov - Biroul Vamal de Interior Sibiu

contre

Flavourstream SRL,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Piçarra (rapporteur), président de chambre, M. D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, O.-C. Ichim et L. Liţu, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et M. Salyková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des sous-positions 17029095 et 29124900 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014 (JO 2014, L 312, p. 1) (ci-après la « NC »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Braşov (direction générale régionale des finances publiques de Brașov, Roumanie) et l’Agenţia Naţională de Administrare Fiscală - Direcţia Generală a Vămilor - Direcţia Regională Vamală Braşov - Biroul Vamal de Interior Sibiu (agence nationale d’administration fiscale - direction générale des douanes - direction régionale des douanes de Brașov - bureau des douanes de Sibiu, Roumanie) à Flavourstream SRL au sujet du classement tarifaire d’une solution aqueuse importée du Canada et commercialisée sous le nom de « AURIC GMO FREE », obtenue par décomposition thermique du dextrose et utilisée dans l’industrie alimentaire pour aromatiser des aliments.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci‑après le « SH ») a été institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1).

4

Les notes explicatives du SH sont élaborées au sein de l’OMD, conformément aux dispositions de la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises.

5

Aux termes des considérations générales des notes explicatives du SH relatives au chapitre 29 du SH, intitulé « Produits chimiques organiques » :

« Un composé de constitution chimique définie présenté isolément est une substance constituée par une espèce moléculaire (covalente ou ionique, notamment) dont la composition est définie par un rapport constant entre ses éléments et qui peut être représentée par un diagramme structural unique. Dans un réseau cristallin, l’espèce moléculaire correspond au motif répétitif.

Les composés de constitution chimique définie présentés isolément contenant des substances qui ont été ajoutées délibérément pendant ou après leur fabrication (y compris la purification) sont exclus du présent [c]hapitre. [...]

Ces composés peuvent contenir des impuretés (Note 1 a)). [...]

Le terme [“]impuretés[”] s’applique exclusivement aux substances dont la présence dans le composé chimique distinct résulte exclusivement et directement du procédé de fabrication (y compris la purification). Ces substances peuvent résulter de l’un quelconque des éléments intervenant au cours de la fabrication, et qui sont essentiellement les suivants :

a)

matières de départ non converties,

b)

impuretés se trouvant dans les matières de départ,

c)

réactifs utilisés dans le procédé de fabrication (y compris la purification),

d)

sous-produits.

Il convient toutefois de noter que [lesdites] substances ne sont pas toujours considérées comme des [“]impuretés[”] autorisées au titre de la Note 1 a). Lorsque ces substances sont délibérément laissées dans le produit en vue de le rendre apte à des emplois particuliers plutôt qu’à son emploi général, elles ne sont pas considérées comme des impuretés dont la présence est admissible. [...] »

6

La note 1 a) des notes explicatives du SH relatives à ce chapitre énonce que les positions de celui-ci comprennent seulement « des composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés ».

7

La note 1 b) des notes explicatives du SH relatives au chapitre 38 de celui-ci, intitulé « Produits divers des industries chimiques », précise que ce chapitre ne comprend pas « les mélanges de produits chimiques et de substances alimentaires ou autres ayant une valeur nutritive, des types utilisés dans la préparation d’aliments pour la consommation humaine (no 21.06 généralement) ».

8

Aux termes des considérations générales des notes explicatives du SH relatives au chapitre 38 du SH :

« Aux fins de la Note 1 b) du présent [c]hapitre, l’expression [“]substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive[”] s’entend principalement des produits comestibles des [s]ections I à IV.

[...]

La simple présence de substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive dans un mélange ne suffit pas à exclure ces mélanges du [c]hapitre 38, par application de la Note 1 b) de ce [c]hapitre. Les substances dont la valeur nutritive est simplement d’importance secondaire au regard de leur fonction en tant que produits chimiques, employés par exemple en tant qu’additifs alimentaires ou auxiliaires technologiques, ne sont pas considérées aux fins de la présente Note comme des substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive. Les mélanges qui sont exclus du [c]hapitre 38 en vertu de cette Note appartiennent à ces catégories de produits qui sont utilisés dans la préparation des produits destinés à l’alimentation humaine et dont la valeur repose sur leurs qualités nutritives. »

Le droit de l’Union

La NC

9

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16), « [une nomenclature combinée], qui remplit à la fois les exigences du tarif douanier commun, des statistiques du commerce extérieur de [l’Union européenne] et d’autres politiques [de l’Union] relatives à l’importation ou à l’exportation de marchandises est établie par la Commission [européenne] ».

10

La nomenclature combinée, instaurée par le règlement no 2658/87, régit le classement douanier des marchandises importées dans l’Union. Elle reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

11

En vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement no 254/2000, la Commission adopte, chaque année, un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel de l’Union européenne au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

12

La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits », contient, notamment, une section IV, intitulée « Produits des industries alimentaires ; boissons, liquides alcooliques et vinaigres ; tabacs et succédanés de tabac fabriqués ».

13

Cette section comprend un chapitre 17, intitulé « Sucres et sucreries », dont la note complémentaire no 8 énonce que, « [d]ans la nomenclature, les mélanges de sucre avec de petites quantités d’autres substances sont classés dans le chapitre 17, à moins qu’ils n’aient le caractère d’une préparation classée ailleurs ».

14

Ledit chapitre comprend la position 1702 de la NC, qui est structurée comme suit :

« 1702

Autres sucres, y compris le lactose, le maltose, le glucose et le fructose (lévulose) chimiquement purs, à l’état solide ; sirops de sucres sans addition d’aromatisants ou de colorants ; succédanés du miel, même mélangés de miel naturel ; sucres et mélasses caramélisés :

[...]

[...]

1702 90

– autres, y compris le sucre inverti (ou interverti) et les autres sucres et sirops de sucres contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose :

[...]

 

1702 90 71

[...]

1702 90 75

1702 90 79

[...]

1702 90 95

[...]

– – Sucres et mélasses, caramélisés

– – – contenant en poids à l’état sec 50 % ou plus de saccharose

[...]

– – – en poudre, même agglomérée

– – – – autres

[...]

– – autres ».

15

La section VI de la deuxième partie de la NC comprend un chapitre 29, intitulé « Produits chimiques organiques ».

16

La note 1, sous a) et d), de ce chapitre énonce :

« Sauf dispositions contraires, les positions du présent chapitre comprennent seulement :

a)

des composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés ;

[...]

d)

les solutions aqueuses des produits [du point] a) [...] ci-dessus ».

17

Le chapitre 29 de la NC comprend la position 2912, qui est structurée comme suit :

« 2912

Aldéhydes, même contenant d’autres fonctions oxygénées ; polymères cycliques des aldéhydes ; paraformaldéhyde :

[...]

[...]

 

– Aldéhydes-alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes-phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées :

[...]

2912 49 00

[...]

[...]

– – autres

[...] »

18

La section VI de la deuxième partie de la NC comprend, en outre, un chapitre 38, intitulé « Produits divers des industries chimiques ».

19

Aux termes de la note 1, sous a) et b), de ce chapitre :

« Le présent chapitre ne comprend pas :

a)

les produits de constitution chimique définie présentés isolément, autres que ceux [énumérés ci-après sous les points 1 à 5] :

[...] ;

b)

les mélanges de produits chimiques et de substances alimentaires ou autres ayant une valeur nutritive, des types utilisés dans la préparation d’aliments pour la consommation humaine (no 2106 généralement) ».

20

Le chapitre 38 de la NC comprend la position 3824, qui est structurée comme suit :

« 3824

Liants préparés pour moules ou noyaux de fonderie ; produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs :

[...]

[...]

3824 90

– autres :

 

[...]

– – autres :

[...]

– – – autres :

[...]

 

– – – – Produits ou préparations chimiques composés principalement de constituants organiques, non dénommés ni compris ailleurs :

3824 90 92

– – – – – sous forme liquide à 20 °C

[...]

[...] »

Le règlement (CE) no 1333/2008

21

L’annexe II du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, sur les additifs alimentaires (JO 2008, L 354, p. 16), qui comporte la liste de l’Union des additifs alimentaires autorisés dans les denrées alimentaires et les conditions d’utilisation de ceux-ci, fait figurer, à sa partie B, point 1, intitulé « Colorants », le « Caramel ordinaire » (E 150a), et précise, à la note en bas de page 1, relative à cet additif, que « [l]e terme “caramel” se réfère à des produits de couleur brune plus ou moins intense, destinés à la coloration » et qu’« [i]l ne s’agit pas du produit aromatique sucré obtenu en chauffant des sucres et destiné à aromatiser des aliments (confiserie, pâtisserie, boissons alcoolisées) ».

Le règlement (CE) no 1334/2008

22

L’article 3, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement (CE) no 1334/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif aux arômes et à certains ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes qui sont destinés à être utilisés dans et sur les denrées alimentaires et modifiant le règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil, les règlements (CE) no 2232/96 et (CE) no 110/2008 et la directive 2000/13/CE (JO 2008, L 354, p. 34), énonce :

« Aux fins du présent règlement, les définitions suivantes s’appliquent également :

a)

on entend par “arômes”, des produits :

i)

non destinés à être consommés en l’état, qui sont ajoutés aux denrées alimentaires pour leur conférer une odeur et/ou un goût ou modifier ceux-ci ;

ii)

issus ou constitués des catégories suivantes : substances aromatisantes, préparations aromatisantes, arômes obtenus par traitement thermique, arômes de fumée, précurseurs d’arôme ou autres arômes ou leurs mélanges ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

23

Flavourstream a importé du Canada dans l’Union européenne un lot de marchandises consistant en trois conteneurs contenant 3300 kg d’une solution aqueuse, obtenue par décomposition thermique du dextrose utilisé dans l’industrie alimentaire, commercialisée sous le nom de « AURIC GMO FREE ». Le 5 juin 2015, cette société a déclaré ces marchandises auprès du bureau des douanes de Sibiu, en vue de leur mise en libre pratique, comme relevant de la sous-position tarifaire 17029095 de la NC, qui comprend les « autres » sucres visés à la position tarifaire 1702 de celle-ci, non classés dans d’autres sous-positions, pour lesquels un taux de droit de douane de 0,4 euro par 100 kg est applicable.

24

Les droits de douane dus pour ce produit ont été calculés sur la base de ladite sous-position tarifaire.

25

À l’issue d’un contrôle, les autorités douanières ont considéré, sur la base d’analyses de laboratoire corroborées par des certificats d’analyse du produit en cause au principal, que celui-ci relevait de la sous-position tarifaire 29124900 de la NC, qui comprend les « autres » aldéhydes-alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes‑phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées, non classés dans d’autres sous-positions. Par conséquent, ces autorités ont, le 22 avril 2016, adopté une décision de régularisation, par laquelle elles ont réévalué les droits de douane et la TVA réclamés à Flavourstream, majorés des intérêts de retard et de pénalités, pour un montant total de 102079 lei roumains (RON) (environ 23500 euros) (ci-après la « décision du 22 avril 2016 »).

26

Par décision du 30 août 2016, la direction générale régionale des finances publiques de Brașov a rejeté la réclamation administrative introduite par Flavourstream contre la décision du 22 avril 2016.

27

Flavourstream a formé un recours contre les décisions du 22 avril et du 30 août 2016 devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie). Cette juridiction a annulé ces décisions et a exonéré cette société du paiement du montant indiqué dans la décision du 22 avril 2016, en jugeant que ladite société avait correctement déclaré le produit en cause au principal comme relevant de la sous-position tarifaire 17029095 de la NC et que le classement de ce produit dans la sous-position tarifaire 29124900 de la NC, effectué par les autorités compétentes, était donc incorrect.

28

Saisie d’un pourvoi contre le jugement du Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu), la juridiction de renvoi expose, d’une part, que, selon Flavourstream, l’hydroxyde d’acétaldéhyde constitue un composant clé pour qu’une denrée alimentaire acquière un arôme et une texture d’aliment grillé ainsi qu’une couleur marron. La denrée alimentaire sur laquelle ce produit est utilisé présenterait, après cuisson, le même aspect que si elle avait été traitée avec du sucre avant sa préparation. Ledit produit, dans lequel le sucre est déjà décomposé, réduirait seulement le temps de transformation des denrées alimentaires. L’utilisation du produit en cause au principal, en tant que sucre inférieur, dans l’industrie de transformation des denrées alimentaires le ferait relever du champ d’application du règlement no 1334/2008.

29

D’autre part, la juridiction de renvoi expose que, selon les autorités douanières compétentes, le produit final, à savoir l’hydroxyde d’acétaldéhyde, ne saurait être classé dans la sous-position 17029095 de la NC, dont relèverait la matière première de ce produit, à savoir le glucose, dès lors qu’il serait entièrement distinct de cette matière première, en conséquence des deux étapes de transformation, irréversibles, auxquelles aurait été soumise ladite matière première. De même, le produit en cause au principal, à défaut de contenir du sucre, ne saurait être classé dans cette sous-position tarifaire, dont relèvent les produits contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose. Ce produit doit ainsi, selon ces mêmes autorités, être classé dans la sous-position 29124900 de la NC.

30

Dans ces conditions, la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016 (JO 2016, L 294, p. 1), doit-elle être interprétée en ce sens que le produit “AURIC GMO FREE”, en cause dans le [litige au principal], relève de la sous-position tarifaire 17029095 ou de la sous-position 29124900 de cette nomenclature ? »

Sur la question préjudicielle

31

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens qu’une solution aqueuse obtenue par décomposition thermique du dextrose, composée, notamment, d’aldéhydes et de cétones solubles dans l’eau, relève de la sous-position 17029095 de la NC, qui vise notamment le sucre inverti (ou interverti) et les autres sucres et sirops de sucres contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose, non classés dans d’autres sous-positions comprises dans la position 1702 de la NC, ou de la sous-position 29124900 de celle-ci, qui vise les « autres » aldéhydes-alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes‑phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées.

32

Dès lors que le règlement d’exécution 2016/1821, visé par la question préjudicielle, n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2017, alors que l’importation en cause au principal a eu lieu au cours de l’année 2015, la version de la nomenclature combinée applicable ratione temporis au litige au principal est celle résultant du règlement d’exécution no 1101/2014, adopté le 16 octobre 2014 et entré en vigueur le 1er janvier 2015, qui correspond, en substance, à celle résultant du règlement cité par la juridiction de renvoi.

33

Il convient de rappeler d’emblée que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2020, DHL Logistics (Slovakia), C‑810/18, EU:C:2020:336, point 24 et jurisprudence citée].

34

Selon les règles générales pour l’interprétation de la nomenclature combinée, le classement des marchandises est déterminé selon les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres de cette nomenclature. Dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de ladite nomenclature et des notes de sections ou de chapitres. La destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle est inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Onlineshop, C‑268/18, EU:C:2019:353, points 27 à 29 ainsi que jurisprudence citée).

35

C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il y a lieu d’interpréter les sous‑positions en cause de la NC.

36

S’agissant, en premier lieu, de la sous-position 170290 de la NC, qui vise les « autres [sucres], y compris le sucre inverti (ou interverti) et les autres sucres et sirops de sucres contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose », non classés dans d’autres sous-positions comprises dans la position 1702 de la NC, le classement d’un produit dans cette sous‑position est subordonné à la condition, découlant du libellé même de celle-ci, que ce produit contienne en poids à l’état sec 50 % de fructose.

37

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le produit en cause au principal est un mélange aqueux de produits chimiques contenant, notamment, des aldéhydes et des cétones solubles dans l’eau obtenus, à partir de monosaccharides – qui sont des édulcorants alimentaires naturels –, par des réactions enzymatiques d’oxydation ou thermiques. Ce produit est utilisé dans l’industrie alimentaire en tant qu’additif colorant ou arôme de fumée. Il résulte, en outre, du dossier dont dispose la Cour que ledit produit contient moins de 1 % de glucose et saccharose, ce qui représente une teneur en sucres de moins de 1,6 % en poids à l’état sec.

38

Il s’ensuit que le produit en cause au principal, dans la mesure où il ne contient pas en poids à l’état sec 50 % de fructose, ne remplit pas la condition requise pour être classé dans la sous-position 170290 de la NC et, partant, dans la sous‑position 17029095 de celle-ci.

39

Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument selon lequel le produit en cause au principal est utilisé en tant que « sucre inférieur » dans l’industrie de transformation des denrées alimentaires et la denrée alimentaire sur laquelle il est utilisé présente, après cuisson, le même aspect que si elle avait été traitée avec du sucre avant sa préparation.

40

En effet, même si le produit en cause au principal est considéré comme du « sucre inférieur » dans l’industrie de transformation des denrées alimentaires, cette circonstance ne saurait suffire à elle seule pour conclure que ce produit relève de la sous-position 17029095 de la NC, dans la mesure où il ne contient pas en poids à l’état sec 50 % de fructose, ce qui constitue une condition pour être classé dans cette sous‑position.

41

Par ailleurs, le fait que le produit en cause au principal relève, le cas échéant, du règlement no 1334/2008, en tant qu’arôme ou autre ingrédient alimentaire possédant des propriétés aromatisantes, ne donne aucune indication quant à la question de savoir s’il doit être classé dans la sous-position 17029095 de la NC, dès lors que les définitions des arômes et des autres ingrédients alimentaires possédant des propriétés aromatisantes, visées à l’article 3, paragraphe 2, sous a), i) et ii), de ce règlement, ne prévoient pas de teneur en sucre.

42

Il y a lieu d’ajouter que le règlement no 1333/2008 fait mention du « Caramel ordinaire » (E 150a), à sa partie B, point 1, intitulé « Colorants », en tant qu’additif alimentaire, désignant « des produits de couleur brune plus ou moins intense, destinés à la coloration », en précisant qu’« [i]l ne s’agit pas du produit aromatique sucré obtenu en chauffant des sucres et destiné à aromatiser des aliments (confiserie, pâtisserie, boissons alcoolisées) ». Or, le fait que le produit en cause au principal relève, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, de cette définition constitue plutôt un indice en ce sens que ce produit échappe au chapitre 17 de la NC, et, partant, ne saurait être classé parmi les « Sucres et mélasses, caramélisés », visés, entre autres, à la sous-position 170290 de celle-ci.

43

Il s’ensuit que la sous-position 17029095 de la NC, qui vise les sucres « autres » que ceux relevant des autres sous-positions comprises dans la sous-position 170290 de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’un produit ne contenant pas en poids à l’état sec 50 % de fructose ne relève pas de cette sous-position.

44

En deuxième lieu, s’agissant de l’interprétation de la sous-position 29124900 de la NC, qui relève du chapitre 29 de celle-ci, intitulé « Produits chimiques organiques », la note 1, sous a) et d), de ce chapitre précise que, sauf dispositions contraires, les positions dudit chapitre comprennent seulement « des composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés », ainsi que leurs solutions aqueuses.

45

Les notes explicatives du SH relatives au chapitre 29 de celui-ci énoncent, dans leurs considérations générales, qu’« [u]n composé de constitution chimique définie présenté isolément est une substance constituée par une espèce moléculaire (covalente ou ionique, notamment) dont la composition est définie par un rapport constant entre ses éléments et qui peut être représentée par un diagramme structural unique ». En outre, ces notes explicatives indiquent qu’un tel composé peut, en principe, contenir des impuretés. Elles précisent, d’une part, que « [l]e terme [“]impuretés[”] s’applique exclusivement aux substances dont la présence dans le composé chimique distinct résulte exclusivement et directement du procédé de fabrication (y compris la purification) » et, d’autre part, que « ces substances peuvent résulter de l’un quelconque des éléments intervenant au cours de la fabrication », au nombre desquels figurent les « matières de départ non converties », les « impuretés se trouvant dans les matières de départ », les « réactifs utilisés dans le procédé de fabrication (y compris la purification) » ainsi que les sous-produits.

46

En ce qui concerne, plus particulièrement, la position 2912 de la NC, celle-ci vise les « aldéhydes, même contenant d’autres fonctions oxygénées », les « polymères cycliques des aldéhydes » ainsi que le « paraformaldéhyde ». Parmi les produits relevant de cette position figurent, notamment, les « autres » aldéhydes-alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes-phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées, visés à la sous-position 29124900 de la NC.

47

En l’occurrence, il ressort, de prime abord, du dossier dont la Cour dispose que le produit en cause au principal contient, outre l’hydroxyde d’acétaldéhyde, représentant 73,6 % en poids à l’état sec du produit, d’autres aldéhydes, du lévoglucosan, de l’acétol ainsi que des acides acétiques et formiques représentant, en poids à l’état sec, 26,3 % du produit.

48

Or, dans la mesure où le produit en cause au principal contient, en dehors de l’eau, des substances autres que l’hydroxyde d’acétaldéhyde, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, il n’est pas une solution aqueuse d’une substance constituée par une espèce moléculaire dont la composition est définie par un rapport constant entre ses éléments et qui peut être représentée par un diagramme structural unique, au sens des notes explicatives du SH relatives au chapitre 29 de celui-ci, mentionnées au point 45 du présent arrêt. Ces autres substances, présentes en quantités non négligeables dans le produit en cause au principal, ne sauraient constituer des « impuretés », au sens de ces notes explicatives. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé en réponse à une question posée par la Cour, il résulte du brevet visé dans le dossier dont dispose la Cour que ces autres substances ont été laissées délibérément, en nombre significatif, dans ce produit, afin que celui-ci se prête, en tant qu’agent de brunissement, à des utilisations spécifiques pour la coloration et l’aromatisation des aliments.

49

Or, si la note 1 du chapitre 29 de la NC autorise la présence d’impuretés dans les produits qui relèvent de ce chapitre, celles-ci ont nécessairement un caractère résiduel, afin de ne pas affecter la présentation « isolée » du composé organique en question. En revanche, lorsqu’un produit contient des impuretés résultant du procédé de fabrication, et qui rendent celui-ci apte à des utilisations particulières, différentes de son emploi général, un tel produit ne peut être considéré comme « présenté isolément », au sens de la note 1, sous a), du chapitre 29 de la NC, dès lors que de telles impuretés sont déterminantes pour son utilisation (arrêt du 20 juin 2013, Agroferm, C‑568/11, EU:C:2013:407, points 32 et 35).

50

Dans ces conditions, la sous-position 29124900 de la NC doit être interprétée en ce sens qu’un produit dans lequel des substances autres que l’hydroxyde d’acétaldéhyde sont présentes dans des quantités non négligeables, et dont certaines apparaissent y avoir été laissées délibérément, afin que ce produit se prête à une utilisation spécifique, ne relève pas de cette sous-position, en tant que solution aqueuse d’un composé de constitution chimique définie, présenté isolément.

51

En troisième lieu, dans la mesure où la Commission a soutenu, dans ses observations écrites, que le produit en cause au principal est susceptible d’être classé dans la sous-position 38249092 du chapitre 38 de la NC, il y a lieu de relever, d’une part, que, selon la note 1, sous a), de ce chapitre, intitulé « Produits divers des industries chimiques », celui-ci ne comprend pas les produits de constitution chimique définie présentés isolément, autres que ceux énumérés aux points 1 à 5 de ce point a), qui ne sont pas pertinents en l’occurrence. Il s’ensuit que, n’étant pas un composé de constitution chimique définie présenté isolément, le produit en cause au principal peut, selon cette note, relever du chapitre 38 de la NC.

52

Il ressort, d’autre part, de la note 1 b) de ce chapitre que celui-ci ne comprend pas « les mélanges de produits chimiques et de substances alimentaires ou autres ayant une valeur nutritive, des types utilisés dans la préparation d’aliments pour la consommation humaine ».

53

Les notes explicatives du SH relatives au chapitre 38 du SH énoncent que l’expression « substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive » désigne principalement des produits comestibles relevant des sections I à IV du SH. Il résulte également de ces notes que « [l]a simple présence de substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive dans un mélange ne suffit pas à exclure ces mélanges du [c]hapitre 38, par application de la Note 1 b) de ce [c]hapitre » et que « [l]es substances dont la valeur nutritive est simplement d’importance secondaire au regard de leur fonction en tant que produits chimiques, employés par exemple en tant qu’additifs alimentaires ou auxiliaires technologiques, ne sont pas considérées aux fins de la présente Note comme des substances alimentaires ou autres substances ayant une valeur nutritive ». Lesdites notes explicatives précisent, par ailleurs, que « [l]es mélanges qui sont exclus du [c]hapitre 38 en vertu de cette Note appartiennent à ces catégories de produits qui sont utilisés dans la préparation des produits destinés à l’alimentation humaine et dont la valeur repose sur leurs qualités nutritives ».

54

Relève du chapitre 38 de la NC, notamment, la position 3824 de celle-ci, qui vise les « Liants préparés pour moules ou noyaux de fonderie ; produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs », et, plus particulièrement, la sous-position 38249092 de celle-ci, qui vise les « Produits ou préparations chimiques composés principalement de constituants organiques, non dénommés ni compris ailleurs », « sous forme liquide à 20 °C » et qui constitue une catégorie résiduelle à l’intérieur de ladite position.

55

En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 37 et 39 du présent arrêt, le produit en cause au principal est utilisé dans l’industrie alimentaire en tant qu’additif colorant ou arôme de fumée, visé dans le règlement no 1333/2008, partie B, point 1, sous la dénomination de « Caramel ordinaire » (E 150a). Une telle utilisation peut indiquer que ce produit a pour fonction principale d’être employé comme un additif alimentaire, même s’il a, en outre, une valeur nutritive. Sous réserve de cette vérification par la juridiction de renvoi, le produit en cause au principal est susceptible de relever de la sous-position 38249092 de la NC.

56

Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que la NC doit être interprétée en ce sens qu’une solution aqueuse obtenue par décomposition thermique du dextrose, composée, notamment, d’aldéhydes et de cétones solubles dans l’eau, relève non pas de la sous-position 17029095 de la NC, qui vise notamment le sucre inverti (ou interverti) et les autres sucres et sirops de sucres contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose, non classés dans d’autres sous‑positions comprises dans la position 1702 de la NC, ni de la sous‑position 29124900 de celle-ci, qui vise les « autres » aldéhydes‑alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes-phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées, mais de la sous-position 38249092 de la NC, qui vise les « Produits ou préparations chimiques composés principalement de constituants organiques, non dénommés ni compris ailleurs », « sous forme liquide à 20 °C », pourvu que l’éventuelle valeur nutritive de cette solution soit d’importance secondaire par rapport à la fonction de celle-ci en tant que produit chimique et additif alimentaire.

Sur les dépens

57

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014, doit être interprétée en ce sens qu’une solution aqueuse obtenue par décomposition thermique du dextrose, composée, notamment, d’aldéhydes et de cétones solubles dans l’eau, relève non pas de la sous-position 17029095 de cette nomenclature, qui vise notamment le sucre inverti (ou interverti) et les autres sucres et sirops de sucres contenant en poids à l’état sec 50 % de fructose, non classés dans d’autres sous-positions comprises dans la position 1702 de ladite nomenclature, ni de la sous-position 29124900 de celle-ci, qui vise les « autres » aldéhydes-alcools, aldéhydes-éthers, aldéhydes‑phénols et aldéhydes contenant d’autres fonctions oxygénées, mais de la sous-position 38249092 de la même nomenclature, qui vise les « Produits ou préparations chimiques composés principalement de constituants organiques, non dénommés ni compris ailleurs », « sous forme liquide à 20 °C », pourvu que l’éventuelle valeur nutritive de cette solution soit d’importance secondaire par rapport à la fonction de celle-ci en tant que produit chimique et additif alimentaire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.

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