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Document 62019CJ0326

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 3 juin 2021.
EB contre Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 5 – Contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs – Utilisation abusive – Mesures de prévention – Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public – Chercheurs universitaires.
Affaire C-326/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:438

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

3 juin 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 5 – Contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs – Utilisation abusive – Mesures de prévention – Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public – Chercheurs universitaires »

Dans l’affaire C‑326/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 28 novembre 2018, parvenue à la Cour le 23 avril 2019, dans la procédure

EB

contre

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca – MIUR,

Università degli Studi « Roma Tre »,

en présence de :

Federazione Lavoratori della Conoscenza – CGIL (FLC-CGIL),

Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL),

Anief – Associazione Professionale e Sindacale,

Confederazione Generale Sindacale,

Cipur – Coordinamento Intersedi Professori Universitari di Ruolo,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Kumin (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz et P. G. Xuereb, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour EB, par Mes F. Dinelli et G. Grüner, avvocati,

pour l’Università degli Studi « Roma Tre », par Me L. Torchia, avvocata,

pour la Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL) et la Federazione Lavoratori della Conoscenza – CGIL (FLC-CGIL), par Mes F. Americo, I. Barsanti Mauceri et A. Andreoni, avvocati,

pour l’Anief – Associazione Professionale e Sindacale, par Mes S. Galleano, V. De Michele et W. Miceli, avvocati,

pour la Confederazione Generale Sindacale, par Mes T. M. de Grandis et V. De Michele, avvocati,

pour le Cipur – Coordinamento Intersedi Professori Universitari di Ruolo, par Me M. E. Albé, avvocata,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mmes C. Colelli et L. Fiandaca, avvocati dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EB, chercheur universitaire, à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (président du Conseil des ministres, Italie), au Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca (ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Italie) et à l’Università degli Studi « Roma Tre » (ci-après l’« Université ») au sujet du refus de prolonger son contrat de travail à durée déterminée au-delà de la période prévue par la loi et de le transformer ainsi en contrat à durée indéterminée ou de l’admettre à l’évaluation aux fins de son inscription sur la liste des professeurs associés.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 14 de la directive 1999/70 est ainsi libellé :

« les parties signataires ont souhaité conclure un accord-cadre sur le travail à durée déterminée énonçant les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée ; elles ont manifesté leur volonté d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination et d’établir un cadre pour prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats à durée déterminée successifs ».

4

Le deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre énonce que les parties à celui-ci « reconnaissent que les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs [et que] les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, à la fois aux besoins des employeurs et à ceux des travailleurs ».

5

Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre :

« [celui-ci] a pour objet :

a)

d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)

d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. »

6

La clause 3 de cet accord-cadre, intitulée « Définitions », prévoit :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

[...] »

7

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », dispose, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. »

8

La clause 5 dudit accord-cadre, intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive », énonce :

« 1.

Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)

des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)

la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c)

le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.

Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)

sont considérés comme “successifs” ;

b)

sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

9

La clause 8 du même accord-cadre, intitulée « Dispositions sur la mise en œuvre », est ainsi libellée :

« 1.

Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent [accord-cadre].

[...] »

Le droit italien

10

L’article 24 de la legge no 240 – Norme in materia di organizzazione delle università, di personale accademico e reclutamento, nonché delega al Governo per incentivare la qualità e l’efficienza del sistema universitario (loi no 240 portant dispositions relatives à l’organisation des universités, au personnel académique et au recrutement, ainsi qu’au pouvoir octroyé au gouvernement en vue d’encourager la qualité et l’efficacité du système universitaire), du 30 décembre 2010 (supplément ordinaire à la GURI no 10, du 14 janvier 2011, ci-après la « loi no 240/2010 »), intitulé « Chercheurs à durée déterminée », prévoit :

« 1.   En fonction des ressources disponibles au titre de la programmation, les universités peuvent, pour leurs activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants, conclure des contrats de travail à durée déterminée. Le contrat définit, sur la base des règlements de l’université, les modalités d’exercice des activités d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants ainsi que des activités de recherche.

2.   Les destinataires sont choisis par des procédures publiques de sélection organisées par les universités au moyen d’un règlement au sens de la loi no 168, du 9 mai 1989, dans le respect des principes énoncés par la charte européenne du chercheur annexée à la recommandation de la Commission du 11 mars 2005 (2005/251/CE) [...]

3.   Les contrats présentent les caractéristiques suivantes :

a)

contrats d’une durée de trois ans, renouvelables une seule fois pour une période de deux ans seulement, après évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées, sur la base de modalités, critères et paramètres définis par décret ministériel ; ces contrats peuvent également être conclus avec la même personne dans des établissements distincts ;

b)

contrats d’une durée de trois ans, réservés aux candidats ayant bénéficié des contrats visés sous a), ou ayant obtenu l’habilitation scientifique nationale pour les fonctions de professeurs de première et de seconde classes visée à l’article 16 de la présente loi, ou en possession du titre de spécialisation médicale ou qui, pendant au moins trois années même non consécutives, ont bénéficié de subventions pour la recherche au sens de l’article 51, paragraphe 6, de la loi no 449, du27 décembre 1997, de subventions de recherche visées à l’article 22 de la présente loi ou de bourses postdoctorales visées à l’article 4 de la loi no 398, du 30 novembre 1989, ou de contrats, subventions ou bourses similaires dans des universités étrangères.

[...]

5.   En fonction des ressources disponibles au titre de la programmation, au cours de la troisième année du contrat visé au paragraphe 3, sous b), l’université évalue le titulaire du contrat qui a obtenu l’habilitation scientifique visée à l’article 16 en vue de son inscription sur la liste des professeurs associés visée à l’article 18, paragraphe 1, sous e). En cas d’évaluation positive, au terme du contrat, le titulaire de ce contrat est inscrit sur la liste des professeurs associés. L’évaluation est effectuée conformément aux standards de qualités reconnus au niveau international, définis par le règlement de l’université dans le cadre des critères fixés par décret du ministre. La programmation visée à l’article 18, paragraphe 2, assure la disponibilité des ressources nécessaires en cas d’évaluation positive. La procédure est publiée sur le site de l’université.

[...] »

11

L’article 20 du decreto legislativo no 75 – Modifiche e integrazioni al decreto legislativo 30 marzo 2001, n. 165, ai sensi degli articoli 16, commi 1, lettera a), e 2, lettere b), c), d) ed e) e 17, comma 1, lettere a), c), e), f), g), h), l) m), n), o), q), r), s) e z), della legge 7 agosto 2015, n. 124, in materia di riorganizzazione delle amministrazioni pubbliche (décret législatif no 75 portant modifications et compléments au décret législatif no 165, du 30 mars 2001, conformément à l’article 16, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, sous b), c), d) et e), et à l’article 17, paragraphe 1, sous a), c), e), f), g), h), l), m), n), o), q), r), s) et z), de la loi no 124, du 7 août 2015, en matière de réorganisation des administrations publiques), du 25 mai 2017, (GURI no 130, du 7 juin 2017), intitulé « Lutte contre la précarité de l’emploi dans les administrations publiques (ci-après le « décret législatif no 75/2017), dispose :

« 1.   Afin de lutter contre la précarité de l’emploi, de réduire le recours aux contrats à durée limitée et de valoriser les compétences professionnelles acquises par le personnel sous contrat de travail à durée déterminée, les administrations peuvent, au cours des années 2018 à 2020, en cohérence avec le plan triennal des besoins visé à l’article 6, paragraphe 2, et en indiquant la couverture financière, recruter pour une durée indéterminée du personnel non dirigeant qui répond aux exigences suivantes :

a)

être en service après la date d’entrée en vigueur de la loi no 124 de 2015 avec des contrats à durée déterminée auprès de l’administration qui procède au recrutement ou, dans le cas d’administrations communales qui exercent des fonctions sous une forme associée, également auprès des administrations dont les services sont associés ;

b)

avoir été recruté pour une durée déterminée, en rapport avec les mêmes activités effectuées, par des procédures de concours accomplies, même auprès d’administrations publiques différentes de celle qui procède au recrutement ;

c)

avoir accompli au 31 décembre 2017, au service de l’administration visée sous a) qui procède au recrutement, au moins trois années de service, même non consécutives, au cours des huit dernières années.

2.   Au cours des mêmes années 2018 à 2020, les administrations peuvent organiser, en cohérence avec le plan triennal des besoins visé à l’article 6, paragraphe 2, et sans préjudice de la garantie d’un accès adéquat de l’extérieur, après indication de la couverture financière, des procédures de concours réservées, à hauteur de 50 pourcent des postes disponibles maximum au personnel non dirigeant qui répond aux exigences suivantes :

a)

être titulaire, après la date d’entrée en vigueur de la loi no 124 de 2015, d’un contrat de travail flexible auprès de l’administration qui organise le concours ;

b)

avoir accompli, au 31 décembre 2017, au moins trois années de contrat, même non consécutives, au cours des huit dernières années auprès de l’administration qui organise le concours.

[...]

8.   Les administrations peuvent prolonger les relations de travail flexibles avec les personnes participant aux procédures visées aux paragraphes 1 et 2 jusqu’à leur achèvement, dans les limites des ressources disponibles au sens de l’article 9, paragraphe 28, du décret-loi no 78, du 31 mai 2010, converti avec modifications par la loi no 122, du 30 juillet 2010.

9.   Le présent article ne s’applique pas au recrutement du personnel enseignant et administratif, technique et auxiliaire (ATA) des établissements scolaires et d’enseignement de l’État. [...] Le présent article ne s’applique pas non plus aux contrats de mise à disposition de personnel à des administrations publiques. »

12

L’article 5, paragraphe 4 bis, du decreto legislativo no 368 – Attuazione della direttiva 1999/70/CE relativa all’accordo quadro sul lavoro a tempo determinato concluso dall’UNICE, dal CEEP e dal CES (décret législatif no 368 relatif à la mise en œuvre de la directive 1999/70/CE concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée »), du 6 septembre 2001 (GURI no 235, du 9 octobre 2001) (ci-après le « décret législatif no 368/2001 »), qui a transposé la directive 1999/70 dans l’ordre juridique italien, énonçait :

« Sans préjudice du régime des contrats successifs tel que prévu aux paragraphes précédents, lorsque, par l’effet d’une succession de contrats à durée déterminée pour l’exercice de fonctions équivalentes, la relation de travail entre le même employeur et le même employé dépasse, globalement, la durée de trente-six mois, y compris les prorogations et les renouvellements, indépendamment des périodes d’interruption entre les contrats, la relation de travail est considérée comme étant à durée indéterminée en application du paragraphe 2 [...] »

13

Cette disposition a été reproduite, en substance, et maintenue en vigueur par l’article 19 du decreto legislativo no 81 – Disciplina organica dei contratti di lavoro e revisione della normativa in tema di mansioni, a norma dell’articolo 1, comma 7, della legge 10 dicembre 2014, n. 183 (décret législatif no 81 sur le règlement systématique des contrats de travail et révision de la législation sur les obligations professionnelles, conformément à l’article 1er, paragraphe 7, de la loi no 183, du 10 décembre 2014), du 15 juin 2015 (supplément ordinaire à la GURI no 144, du 24 juin 2015, ci-après le « décret législatif no 81/2015 »), intitulé « Fixation du délai et durée maximale », en vigueur depuis le 25 juin 2015. En vertu de cette disposition, une fois la limite de 36 mois dépassée, qu’il s’agisse d’un contrat unique ou de contrats successifs conclus pour l’exercice de fonctions de même niveau et de même statut légal, « le contrat est transformé en contrat à durée indéterminée à compter de la date de ce dépassement ».

14

Toutefois, conformément à l’article 10, paragraphe 4 bis, du décret législatif no 368/2001, l’article 5, paragraphe 4 bis, de ce décret législatif ne s’applique pas dans certains cas. Le contrat en cause dans l’affaire au principal relève de ces cas, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, sous d), du décret législatif no 81/2015, cette disposition prévoyant expressément, parmi les exclusions du champ d’application de l’article 5, paragraphe 4 bis, du décret législatif no 368/2001, les contrats à durée déterminée conclus en application de la loi no 240/2010.

15

En outre, l’article 29, paragraphe 4, du décret législatif no 81/2015 prévoit que les dispositions de l’article 36 du decreto legislativo no 165 – Norme generali sull’ordinamento del lavoro alle dipendenze delle amministrazioni pubbliche (décret législatif no 165 concernant les règles générales relatives à l’organisation du travail dans les administrations publiques), du 30 mars 2001, (supplément ordinaire à la GURI no 106, du 9 mai 2001, ci-après le « décret législatif no 165/2001 ») restent inchangées.

16

L’article 36 du décret législatif no 165/2001, tel que modifié par le décret législatif no 75/2017, intitulé « Personnel sous contrat à durée déterminée ou engagé dans le cadre de relations de travail flexibles », prévoit :

« 1.   Pour les exigences liées à leurs besoins ordinaires, les administrations publiques recrutent exclusivement par voie de contrats de travail salarié à durée indéterminée [...]

[...]

5.   En tout état de cause, la violation de dispositions impératives en matière de recrutement ou d’emploi de travailleurs par les administrations publiques ne saurait conduire à l’établissement de relations de travail à durée indéterminée avec lesdites administrations publiques, sans préjudice de la responsabilité et des sanctions qu’elles peuvent encourir. Le travailleur concerné a droit à la réparation du dommage découlant de la prestation de travail effectuée en violation de dispositions impératives [...] »

[...]

5   quater Les contrats de travail à durée déterminée établis en violation du présent article sont nuls et déterminent la responsabilité de l’administration. Les dirigeants qui agissent en violation des dispositions du présent article sont également responsables, au sens de l’article 21. Aucune prime de résultat ne peut être accordée au dirigeant responsable d’irrégularités dans l’utilisation du travail flexible ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17

Le 1er décembre 2012, EB a été employé par l’Université en tant que chercheur pour une durée de trois ans sur la base d’un contrat conclu en vertu de l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010 (ci-après le « contrat de type A »). Un tel contrat ne peut être prolongé qu’une seule fois pour deux ans au maximum.

18

Au mois d’octobre 2014, EB a obtenu l’habilitation scientifique nationale pour la fonction de professeur d’université de deuxième classe, au sens de l’article 16 de cette loi, habilitation qui atteste que son détenteur dispose des qualifications scientifiques nécessaires pour participer à certains concours universitaires.

19

Il est constant que, lorsque EB était encore en service, l’Université a, conformément à l’article 24, paragraphe 6, de la loi no 240/2010, qui permet, pendant une période de huit années à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, d’inscrire sur la liste des professeurs de deuxième classe des chercheurs engagés sur la base d’un contrat à durée indéterminée, travaillant au sein de l’université et ayant obtenu l’habilitation scientifique nationale, lancé une telle procédure d’inscription dont ont bénéficié deux chercheurs en la même matière que EB engagés en vertu d’un tel contrat. Toutefois, EB n’a pas eu le droit de participer à cette procédure au motif qu’il était engagé dans le cadre d’un contrat à durée déterminée bien qu’il disposât de l’habilitation scientifique.

20

Six mois avant le terme de son contrat fixé au 1er décembre 2015, EB a demandé la prolongation de son contrat, lequel a été prolongé, le 24 novembre 2015, avec effet à partir du 1er décembre 2015 pour une période de deux ans.

21

Le 8 novembre 2017, avant l’expiration de son contrat prolongé, EB a demandé la prorogation de son contrat au titre de l’article 20, paragraphe 8, du décret législatif no 75/2017 afin d’obtenir la transformation de sa relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Il a fait valoir, à cet égard, que cette disposition s’applique également au personnel enseignant aux universités. En outre, EB a demandé la mise en œuvre, à partir de l’année 2018, de la procédure de stabilisation de l’emploi prévue à l’article 20, paragraphe 1, de ce décret législatif.

22

Par une note datée du 21 novembre 2017, l’Université a rejeté les demandes de EB en soutenant, d’une part, que l’article 20, paragraphe 8, du décret législatif no 75/2017 ne s’appliquait pas aux chercheurs universitaires engagés en vertu d’un contrat à durée déterminée et, d’autre part, que l’article 29 du décret législatif no 81/2015 ne permettait pas de recourir à une procédure prévue pour le recrutement de chercheurs dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

23

EB a saisi la juridiction de renvoi non seulement d’un recours dirigé contre cette décision, mais a également demandé l’annulation de la circulaire no 3/2017 adoptée par le Ministro per la semplificazione e la pubblica amministrazione (ministre de la Simplification et de l’Administration publique) selon laquelle le décret législatif no 75/2017 ne s’appliquait pas aux chercheurs recrutés dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée. En outre, il a demandé que lui soit reconnu le droit d’être engagé pour une durée indéterminée ou d’être admis à la procédure d’évaluation afin d’être recruté en tant que professeur associé en application de l’article 24, paragraphe 5, de la loi no 240/2010.

24

À l’appui de son recours, EB fait, notamment, valoir que l’article 20 du décret législatif no 75/2017 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique également aux relations de travail visées par le droit public et, dès lors, à la relation de travail de chercheur de type A, l’accord-cadre s’opposant à une interprétation différente, telle que celle imposée par la circulaire no 3/2017.

25

EB soutient, en outre, que l’exclusion de son contrat de la règle prévoyant la conversion automatique d’un contrat à durée déterminée prolongé de plus de 36 mois en contrat à durée indéterminée – exclusion consacrée à l’article 29, paragraphe 2, sous d), du décret législatif no 81/2015 – est incompatible avec l’accord-cadre, dans la mesure où il n’existe pas de raisons objectives de nature à justifier qu’un chercheur puisse être employé à durée déterminée, en particulier dans le cas où cet emploi se prolonge pour une période supérieure à trois ans, comme ce fut précisément le cas du requérant dans l’affaire au principal.

26

EB fait également valoir que, en ne permettant pas à des chercheurs recrutés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, qui, comme lui-même, ont obtenu les qualifications universitaires requises pour pouvoir être nommés au titre de « professeurs associés », d’être soumis à une évaluation aux fins de leur nomination à un poste de professeur associé, l’article 24, paragraphe 3, de la loi no 240/2010 est contraire au principe de non-discrimination énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre.

27

Enfin, EB invoque le principe d’équivalence, en vertu duquel, en l’absence de règle nationale plus favorable à la catégorie de chercheurs à laquelle il appartient, il y aurait lieu d’appliquer les dispositions relatives au secteur privé – comme celles qui prévoient la conversion automatique du contrat de travail à durée déterminée prolongé de plus de 36 mois en contrat à durée indéterminée –, ainsi que les dispositions applicables à des catégories de travailleurs à durée déterminée du secteur public qui, comme les enseignants des écoles, peuvent bénéficier d’une certaine forme de stabilisation de leur relation de travail grâce à des procédures appropriées, conformément à l’article 20 du décret législatif no 75/2017.

28

L’Université, à son tour, souligne que l’article 20 du décret législatif no 75/2017 ne s’applique pas aux chercheurs universitaires, en vertu des dispositions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, du décret législatif no 165/2001. Elle soutient, à cet égard, que cette disposition ne donne pas lieu à une discrimination par rapport aux autres chercheurs qui ne relèvent pas de la catégorie du personnel employé par le secteur public.

29

L’Université rappelle, par ailleurs, que la différence de traitement entre les catégories visées à l’article 24, paragraphe 3, sous a) et b), de la loi no 240/2010 est justifiée, compte tenu du fait que les chercheurs concernés par cette disposition sous b) possèdent une plus grande expérience.

30

La juridiction de renvoi considère que, s’agissant des chercheurs recrutés dans le cadre d’un contrat de type A visé à l’article 24, paragraphes 1 et 3, sous a), de la loi no 240/2010, le recours à de tels contrats à durée déterminée peut être abusif et s’interroge sur la compatibilité avec la clause 5 de l’accord-cadre de l’exclusion – découlant de l’article 29, paragraphe 2, sous d), du décret législatif no 81/2015 – de la possibilité de convertir un contrat tel que celui conclu entre EB et l’Université en contrat à durée indéterminée. Elle se réfère, à cet égard, notamment à l’arrêt du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López (C‑184/15 et C 197/15, EU:C:2016:680), dans lequel la Cour a établi que l’interdiction de transformer un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’est conforme à l’accord-cadre que s’il est possible de recourir à une autre mesure effective pour sanctionner adéquatement l’utilisation abusive de contrats à durée déterminée successifs.

31

Selon la juridiction de renvoi, il n’existe pas de pareille mesure alternative, étant donné que la réparation du préjudice que le requérant au principal pourrait obtenir se limite au paiement d’une somme forfaitaire qui n’est pas proportionnée à l’ampleur réelle du préjudice subi. Dans ces circonstances, EB se trouverait dans une situation où l’ordre juridique interne ne prévoit aucune forme de sanction du recours abusif à des contrats à durée déterminée, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2018, Sciotto (C‑331/17, EU:C:2018:859).

32

En outre, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de l’article 24, paragraphes 1 et 3, sous a) de la loi no 240/2010 avec l’accord-cadre, dans la mesure où cette disposition limite la durée des contrats des chercheurs à trois ans, avec prolongation éventuelle de deux ans, permettant ainsi de recourir sans discernement au contrat à durée déterminée, alors que le renouvellement d’un tel contrat devrait être justifié par des raisons objectives.

33

C’est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif de la région du Latium, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quand bien même il n’existerait pas d’obligation générale pour les États membres de prévoir la transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, la clause 5 de l’accord-cadre [...], intitulée “Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive”, à la lumière du principe d’équivalence, s’oppose-t-elle à une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 29, paragraphe 2, sous d), et [à l’article 29,] paragraphe 4, du décret législatif no 81/2015, et à l’article 36, paragraphes 2 et 5, du décret législatif no 165/2001, en vertu de laquelle les chercheurs universitaires ayant été engagés sous contrat à durée déterminée d’une durée de trois ans, prolongeable de deux ans, dans le cadre de l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010, ne peuvent pas être engagés ensuite dans une relation de travail à durée indéterminée ?

2)

Quand bien même il n’existerait pas d’obligation générale pour les États membres de prévoir la transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, la clause 5 de l’accord-cadre [...], intitulée “Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive”, à la lumière du principe d’équivalence, s’oppose-t-elle à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 29, paragraphe 2, sous d), et [à l’article 29,] paragraphe 4, du décret législatif no 81/2015, et à l’article 36, paragraphes 2 et 5, du décret législatif no 165/2001, soit appliquée par les juridictions nationales de l’État membre concerné de telle sorte qu’un droit au maintien de la relation de travail est accordé aux personnes employées par l’administration au moyen d’un contrat de travail flexible soumis à la législation du travail du secteur privé mais que ce droit n’est pas reconnu, de manière générale, au personnel employé pour une durée déterminée par cette administration en vertu d’un régime de droit public lorsque (du fait des dispositions nationales précitées) il n’existe pas d’autre mesure efficace dans l’ordre juridique national pour sanctionner de tels abus à l’égard des travailleurs ?

3)

Quand bien même il n’existerait pas d’obligation générale pour les États membres de prévoir la transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, la clause 5 de l’accord-cadre [...] intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive », à la lumière du principe d’équivalence, s’oppose-t-elle à [...] une réglementation nationale telle que l’article 24, paragraphes 1 et 3, de la loi no 240/2010 qui prévoit la conclusion et la prolongation, pour une durée totale de cinq ans (trois ans auxquels s’ajoute la prolongation éventuelle de deux ans) de contrats à durée déterminée entre des chercheurs et des universités en subordonnant la conclusion du contrat à la condition qu’elle intervienne “en fonction des ressources disponibles au titre de la programmation, afin de réaliser des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants” et en subordonnant la prolongation à une condition d’“évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées”, sans définir de critères objectifs et transparents permettant de vérifier que la conclusion et le renouvellement de tels contrats répondent effectivement à un besoin véritable, sont de nature à atteindre l’objectif poursuivi et sont nécessaires à cet effet, et qui comporte dès lors un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et est donc incompatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord-cadre ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

34

L’Université fait valoir que les questions préjudicielles sont manifestement irrecevables. D’une part, elles seraient purement hypothétiques et manifestement dépourvues de pertinence pour la solution du litige au principal, étant donné qu’il ressortirait de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi n’éprouve aucun doute sur l’interprétation à donner à la réglementation nationale en cause au principal. D’autre part, cette juridiction n’aurait pas exposé les raisons qui l’ont amenée à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union, ce qui irait non seulement à l’encontre de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, de sorte que ces questions devraient être considérées, également à ce titre, comme étant irrecevables, mais violerait également les droits de la défense de l’Université.

35

À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 25 novembre 2020, Sociálna poisťovňa, C‑799/19, EU:C:2020:960, point 43 et jurisprudence citée).

36

Ces questions posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union ou l’examen de la validité de celui-ci n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique ou que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ainsi que pour comprendre les raisons pour lesquelles la juridiction nationale considère qu’elle a besoin des réponses à ces questions afin de trancher le litige pendant devant elle (arrêt du 2 février 2021, Consob, C‑481/19, EU:C:2021:84, point 29 et jurisprudence citée).

37

En l’occurrence, il convient de relever, d’une part, que la demande de décision préjudicielle répond aux critères prescrits à l’article 94 du règlement de procédure. En effet, cette demande fournit les précisions nécessaires en ce qui concerne les faits pertinents et l’objet du litige au principal. Elle fait également état de la teneur des dispositions de droit national qui, selon la juridiction de renvoi, sont susceptibles de s’appliquer à l’affaire au principal. La juridiction de renvoi indique également, d’une part, les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union et, d’autre part, le lien qu’elle établit entre celle-ci et la législation nationale éventuellement applicable au litige au principal. Ces informations ont également donné au gouvernement italien ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 de notre statut, comme le prouvent, notamment, les observations déposées par l’Université.

38

D’autre part, il ressort de ces informations que la juridiction de renvoi a démontré le rapport qui existe entre l’interprétation sollicitée de l’accord-cadre et la réalité et l’objet du litige au principal. En outre, eu égard auxdites informations, il y a lieu de considérer que les questions posées à la Cour ne revêtent pas un caractère hypothétique et que la Cour dispose de tous les éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ces questions.

39

Dans ces conditions, les questions préjudicielles posées sont recevables.

Sur le fond

40

À titre liminaire, il convient de relever que, par ses deux premières questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’absence de mesures visant à sanctionner le recours abusif à des contrats à durée déterminée tels que celui en cause dans la procédure au principal, est compatible avec la clause 5 de l’accord-cadre. La troisième question concerne, quant à elle, le point de savoir si cette disposition s’oppose au recours à de tels contrats à durée déterminée au motif qu’il est abusif.

41

Étant donné que l’examen de la nécessité de mesures visant à sanctionner un recours abusif aux contrats à durée déterminée suppose qu’il existe un tel abus, il convient d’examiner en premier lieu la troisième question préjudicielle.

Sur la troisième question

42

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle est prévue, en ce qui concerne le recrutement des chercheurs universitaires, la conclusion de contrats à durée déterminée pour une période de trois années, avec une seule possibilité de prolongation, pour une période maximale de deux années, en subordonnant, d’une part, la conclusion de tels contrats à la condition que des ressources soient disponibles « au titre de la programmation, afin de réaliser des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants » et, d’autre part, la prolongation de ces contrats à l’« évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées », sans, toutefois, définir les critères objectifs et transparents permettant de vérifier que la conclusion et le renouvellement de tels contrats répondent effectivement à un besoin véritable, qu’ils sont de nature à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaires à cet effet.

43

Cette troisième question porte donc sur deux volets, l’un concernant la conclusion du contrat en cause au principal et l’autre la prolongation de ce contrat.

44

À cet égard, il convient de rappeler que l’article 24, paragraphe 3, de la loi no 240/2010 prévoit deux types de contrats pour les chercheurs universitaires, remplaçant ainsi la réglementation précédente ayant accordé à ces personnes un poste permanent après l’accomplissement réussi d’une période initiale d’essai de trois années, à savoir, d’une part, les contrats de type A et, d’autre part, les contrats visés à l’article 24, paragraphe 3, sous b), de la loi no 240/2010 (ci-après le « contrat de type B »). Ces derniers contrats sont également conclus pour une durée de trois ans.

45

S’il est vrai que la procédure de sélection aboutit, pour les deux catégories de chercheurs universitaires, à la conclusion d’un contrat à durée déterminée, à savoir d’une durée de trois années, il ressort de la demande de décision préjudicielle qu’il existe, cependant, des différences entre lesdits types de contrats.

46

En effet, la conclusion d’un contrat de type A dépend de l’existence de ressources disponibles pour mener des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants. Un tel contrat peut être prolongé une seule fois pour une période de deux ans, après évaluation positive de l’activité scientifique effectuée par l’intéressé. En revanche, un contrat de type B ne peut pas être prolongé, mais le chercheur concerné a la possibilité, à l’issue de cette période et en fonction du résultat d’une évaluation appropriée, de se voir proposer un poste de professeur associé, ce poste relevant d’un contrat à durée indéterminée.

47

Les conditions d’accès au contrat de chercheur universitaire sont elles aussi différentes. Pour les contrats de type A, il suffit d’être titulaire du titre de docteur, d’un titre universitaire équivalent ou du diplôme de spécialisation médicale. Pour les contrats de type B, il est nécessaire d’avoir travaillé comme chercheur conformément à l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010, d’avoir obtenu l’habilitation en tant que professeur de première ou de seconde classe, d’avoir achevé une période de formation médicale ou encore d’avoir passé au moins trois années dans différentes universités en bénéficiant de subventions de recherche ou de bourses d’études.

48

Dès lors, le fait d’avoir conclu un contrat de type A permet d’avoir accès à un contrat de type B. Un chercheur universitaire peut ainsi poursuivre sa carrière académique, en passant d’un contrat de type A à un contrat de type B, ce qui lui donnera ensuite la possibilité d’être nommé professeur associé. Une telle nomination dépend, cependant, du résultat d’une évaluation appropriée et n’est donc pas automatique.

49

Il en résulte que la différence essentielle entre les deux catégories de chercheurs universitaires désormais prévues réside dans le fait que les chercheurs visés à l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010 n’ont pas directement accès, dans le cadre de leur carrière, au poste de professeur associé, alors que ceux visés à cette disposition, sous b), y ont directement accès.

50

En l’occurrence, EB a été engagé en tant que lauréat d’une procédure de sélection organisée en vertu de l’article 24 de la loi no 240/2010 et donc à la suite d’une évaluation positive tenant compte des « ressources disponibles au titre de la programmation, afin de réaliser des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants », comme l’exige le paragraphe 3, sous a), de cet article.

51

Il y a lieu de rappeler que, selon la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

52

Il résulte, toutefois, du libellé de la clause 5 de l’accord-cadre ainsi que d’une jurisprudence constante que cette clause trouve à s’appliquer seulement en présence de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (arrêts du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 70, et du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 56 ainsi que jurisprudence citée), de telle sorte qu’un contrat qui est le tout premier ou unique contrat de travail à durée déterminée ne relève pas de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre [arrêt du 11 février 2021, M. V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 38 ainsi que jurisprudence citée]. Dans ce contexte, la Cour a également souligné que l’accord-cadre n’impose pas aux États membres d’adopter une mesure exigeant que tout premier ou unique contrat de travail à durée déterminée soit justifié par une raison objective (arrêt du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 57).

53

Dès lors, la conclusion d’un contrat à durée déterminée, tel que le contrat de type A ne relève pas, en tant que telle, de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre et n’entre donc pas dans le champ d’application de cette disposition.

54

En revanche, cette disposition est applicable dès lors qu’un contrat du type A est prolongé pour une période maximale de deux années, tel que prévu à l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010, étant donné qu’il s’agit, dans ce cas, de deux contrats à durée déterminée successifs.

55

À cet égard, il convient de rappeler que le point 1 de ladite clause a pour objet de mettre en œuvre l’un des objectifs poursuivis par cet accord-cadre, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés [arrêt du 11 février 2021, M.V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 36 ainsi que jurisprudence citée].

56

Dès lors, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, afin de prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées au point 1, sous a) à c), de cette clause, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci [arrêt du 11 février 2021, M.V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 54 ainsi que jurisprudence citée].

57

Les États membres disposent, à cet égard, d’une marge d’appréciation, dès lors qu’ils ont le choix de recourir à l’une ou à plusieurs des mesures énoncées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et cela tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs [arrêt du 11 février 2021, M.V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 55 ainsi que jurisprudence citée].

58

Ce faisant, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre assigne aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir, pour autant qu’ils ne remettent pas en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre [arrêt du 11 février 2021, M. V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 56 ainsi que jurisprudence citée].

59

En l’occurrence, il convient de constater que l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010 établit non seulement une limite en ce qui concerne la durée maximale du contrat à durée déterminée des chercheurs universitaires appartenant à la catégorie dont relève EB, mais également en ce qui concerne le nombre possible de renouvellements de ce contrat. Plus précisément, en ce qui concerne le contrat de type A, cette loi fixe la durée maximale du contrat à trois ans et n’autorise qu’une seule prolongation qui est limitée à une durée de deux ans.

60

Partant, l’article 24, paragraphe 3, de la loi no 240/2010 contient deux des mesures indiquées à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, à savoir des limites concernant la durée maximale totale des contrats à durée déterminée et le nombre de renouvellements possibles. La juridiction de renvoi n’a pas fait état d’éléments qui pourraient suggérer que ces mesures ne suffiraient pas pour prévenir efficacement le recours abusif à des contrats à durée déterminée s’agissant des contrats du type A.

61

Certes, la juridiction de renvoi fait observer, en s’appuyant sur les arrêts du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López (C‑184/15 et C‑197/15, EU:C:2016:680), ainsi que du 25 octobre 2018, Sciotto (C‑331/17, EU:C:2018:859), que la législation nationale en cause au principal ne contient pas de critères objectifs et transparents qui permettent de déterminer, d’une part, si la conclusion et la prolongation de contrats de type A se justifient par des besoins véritables à caractère provisoire et, d’autre part, s’ils sont de nature à satisfaire ces besoins, et s’ils sont mis en œuvre de manière proportionnée.

62

À cet égard, il convient toutefois de constater, en premier lieu, que, contrairement aux circonstances dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 14 septembre 2016, Martínez Andrés et Castrejana López (C‑184/15 et C‑197/15, EU:C:2016:680), ainsi que du 25 octobre 2018, Sciotto (C‑331/17, EU:C:2018:859), la législation nationale applicable au litige au principal contient des mesures qui correspondent à celles prévues à la clause 5, point 1, sous b) et c), de l’accord-cadre.

63

En effet, dans ces arrêts, le problème consistant à établir si le renouvellement des contrats à durée déterminée en cause dans ces affaires se justifiait par des raisons objectives au sens de la clause 5, point 1, sous a) de l’accord-cadre – dont la nécessité de couvrir des besoins véritables et provisoires – s’est posé uniquement en raison de l’absence de mesures relevant des deux catégories de mesures citées au point 59 du présent arrêt, qui sont, en revanche, prévues à l’article 24, paragraphe 3, sous a), de la loi no 240/2010. Dès lors, le fait que la législation nationale en cause au principal ne contient pas de précisions quant au caractère véritable et provisoire des besoins à satisfaire par le recours à des contrats à durée déterminée, invoquée par la juridiction de renvoi, est dénuée de pertinence.

64

En deuxième lieu, il convient de retenir que, dans lesdits arrêts, les travailleurs concernés étaient confrontés à une incertitude complète quant à la durée de leur relation de travail. En revanche, en l’occurrence, les personnes qui concluent un contrat de type A, tel que celui conclu entre EB et l’Université, sont informées, avant même de signer le contrat, que la relation de travail ne pourra pas durer plus de cinq ans.

65

En ce qui concerne, pour un travailleur, le bénéfice de la stabilité de l’emploi, celui-ci est, certes, comme cela résulte du deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre, conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs, alors que ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs [arrêt du 11 février 2021, M. V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, point 48 ainsi que jurisprudence citée].

66

Or, la cessation des effets d’un contrat de chercheur à durée déterminée, comme celui de EB, engagé en vertu d’un contrat de travail de type A, n’entraîne pas nécessairement une instabilité de l’emploi, dans la mesure où elle permet au travailleur concerné d’acquérir les qualifications nécessaires pour obtenir un contrat de type B, lequel peut, à son tour, conduire à une relation de travail à durée indéterminée en qualité de professeur associé.

67

En troisième lieu, il convient de constater que le fait que les universités ont un besoin permanent d’employer des chercheurs universitaires, ainsi qu’il apparaît ressortir de la réglementation nationale en cause, ne signifie pas que ce besoin ne pourrait être satisfait en ayant recours à des contrats de travail à durée déterminée.

68

En effet, le poste de chercheur apparaît être conçu comme la première étape dans la carrière d’un scientifique, ce chercheur étant destiné, en tout état de cause, à évoluer vers un autre poste, à savoir un poste d’enseignant, en tant que professeur associé dans un premier temps et en tant que professeur titulaire dans un second temps.

69

S’agissant, en outre, du fait que la prolongation de deux ans des contrats de type A est conditionnée à l’évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées, les « besoins particuliers » du secteur concerné peuvent raisonnablement consister, pour ce qui est du domaine de la recherche scientifique, en la nécessité d’assurer l’évolution de la carrière des différents chercheurs en fonction de leurs mérites respectifs, lesquels doivent par conséquent être évalués. Dès lors, une disposition qui obligerait une université à conclure un contrat à durée indéterminée avec un chercheur, indépendamment de l’évaluation des résultats de ses activités scientifiques, ne satisferait pas aux exigences susmentionnées.

70

Enfin, s’agissant du principe d’équivalence, invoqué à plusieurs reprises par la juridiction de renvoi dans sa décision ainsi que par EB lui-même, il se réfère à la nécessité d’assurer une protection juridictionnelle des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union qui ne soit pas moins favorable que celle prévue pour les droits comparables qui trouvent leur origine dans le seul droit national. Partant, ce principe n’est pas applicable en l’occurrence, étant donné que cette nécessité porte seulement sur des dispositions qui ont pour objet des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2018, Santoro, C‑494/16, EU:C:2018:166, points 39 et 40).

71

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle est prévue, en ce qui concerne le recrutement des chercheurs universitaires, la conclusion d’un contrat à durée déterminée, pour une période de trois années, avec une seule possibilité de prolongation, pour une période maximale de deux années, en subordonnant, d’une part, la conclusion de tels contrats à la condition que des ressources soient disponibles « au titre de la programmation, afin de réaliser des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants », et, d’autre part, la prolongation de ces contrats à l’« évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées », sans qu’il soit nécessaire que cette réglementation définisse les critères objectifs et transparents permettant de vérifier que la conclusion et le renouvellement de tels contrats répondent effectivement à un besoin véritable, et qu’ils sont de nature à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaires à cet effet.

Sur les première et deuxième questions

72

Ainsi qu’il a été mentionné au point 40 du présent arrêt, les première et deuxième questions se réfèrent aux mesures visant à sanctionner le recours abusif aux contrats à durée déterminée.

73

Ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la troisième question, la clause 5 de l’accord cadre ne s’opposant pas à la réglementation nationale en cause au principal et celle-ci ne donnant donc pas lieu à un risque de recours abusif à des contrats à durée déterminée, il n’est pas nécessaire de répondre aux première et deuxième questions.

Sur les dépens

74

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

La clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle est prévue, en ce qui concerne le recrutement des chercheurs universitaires, la conclusion d’un contrat à durée déterminée, pour une période de trois années, avec une seule possibilité de prolongation, pour une période maximale de deux années, en subordonnant, d’une part, la conclusion de tels contrats à la condition que des ressources soient disponibles « au titre de la programmation, afin de réaliser des activités de recherche, d’enseignement, d’enseignement complémentaire et de services aux étudiants », et, d’autre part, la prolongation de ces contrats à l’« évaluation positive des activités d’enseignement et de recherche effectuées », sans qu’il soit nécessaire que cette réglementation définisse les critères objectifs et transparents permettant de vérifier que la conclusion et le renouvellement de tels contrats répondent effectivement à un besoin véritable, et qu’ils sont de nature à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaires à cet effet.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

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