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Document 62019CJ0213

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 8 mars 2022.
Commission européenne contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
Manquement d’État – Article 4, paragraphe 3, TUE – Article 310, paragraphe 6, et article 325 TFUE – Ressources propres – Droits de douane – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude – Principe d’effectivité – Obligation pour les États membres de mettre à la disposition de la Commission européenne des ressources propres – Responsabilité financière des États membres en cas de pertes de ressources propres – Importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine – Fraude à grande échelle et systématique – Criminalité organisée – Importateurs défaillants – Valeur en douane – Sous-évaluation – Base d’imposition de la TVA – Absence de contrôles douaniers systématiques fondés sur une analyse de risque et effectués préalablement à la mainlevée des marchandises concernées – Absence de constitution systématique de garanties – Méthode utilisée pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles relatives aux importations présentant un risque important de sous‑évaluation – Méthode statistique fond�e sur des prix moyens établis à l’échelle de l’Union – Admissibilité.
Affaire C-213/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:167

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 mars 2022 ( *1 )

Table des matières

 

I. Le cadre juridique

 

A. Le droit en matière de ressources propres

 

1. Les décisions relatives au système des ressources propres

 

2. Les règlements relatifs aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres

 

3. Le règlement no 608/2014

 

4. Le règlement no 1553/89

 

B. Le droit des douanes

 

1. Le code des douanes communautaire

 

2. Le code des douanes de l’Union

 

3. Le règlement d’application

 

4. Le règlement d’exécution

 

C. Le droit en matière de TVA

 

II. Les faits et la procédure précontentieuse

 

A. Les faits à l’origine du litige

 

B. La procédure précontentieuse

 

III. La procédure devant la Cour

 

IV. Sur le recours

 

A. Sur la recevabilité

 

1. Sur la violation des droits de la défense du Royaume-Uni au cours de la procédure précontentieuse et dans le cadre de la procédure devant la Cour

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

2. Sur l’insuffisance de la base factuelle et juridique du grief tiré d’une violation du droit de l’Union en matière de TVA, en particulier, s’agissant du régime douanier 42

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

3. Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’estoppel et de coopération loyale

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

4. Sur l’incompétence de la Cour, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, pour connaître d’une demande de la Commission visant à enjoindre à un État membre de mettre à disposition un montant de ressources propres déterminé

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

5. Sur le caractère prématuré et l’irrecevabilité de la requête en ce qui concerne la période allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus en raison de l’émission des avis C 18 Breach portant sur cette période

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

B. Sur le fond

 

1. Sur le manquement aux obligations en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations découlant du droit douanier de l’Union

 

a) Sur la violation de l’article 310, paragraphe 6, TFUE et de l’article 325 TFUE

 

1) Sur les obligations imposées aux États membres en vertu de l’article 325 TFUE

 

2) Sur la violation des obligations imposées à l’article 325 TFUE

 

i) Observations liminaires

 

ii) Rappel des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause

 

iii) Sur la connaissance par le Royaume-Uni, dès le début de la période d’infraction, des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause et des mesures efficaces pour combattre cette dernière

 

iv) Sur l’absence de conformité à l’article 325, paragraphe 1, TFUE du dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni au cours de la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause

 

b) Sur la violation des obligations imposées par la réglementation douanière de l’Union

 

1) Observations liminaires

 

2) Sur la violation des obligations imposées à l’article 13 du code des douanes communautaire et à l’article 46 du code des douanes de l’Union

 

i) Argumentation des parties

 

ii) Appréciation de la Cour

 

3) Sur la violation des obligations imposées à l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et à l’article 244 du règlement d’exécution

 

4) Sur la violation des obligations imposées à l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et à l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union

 

2. Sur le manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane

 

a) Sur le grief tiré de la violation par le Royaume-Uni de son obligation de principe de mise à disposition de ressources propres traditionnelles

 

1) Sur le principe de la responsabilité du Royaume-Uni pour l’absence de constatation de pertes de ressources propres traditionnelles de l’Union

 

2) Sur la responsabilité du Royaume-Uni pour les pertes de ressources propres de l’Union constatées dans les avis C 18 Snake

 

b) Sur le grief tiré de la violation par le Royaume-Uni de son obligation de mettre à disposition des montants déterminés de ressources propres traditionnelles

 

1) Sur l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la Cour doit d’abord examiner son estimation des pertes de ressources propres traditionnelles

 

2) Sur l’estimation par la Commission des montants de pertes de ressources propres traditionnelles selon la méthode OLAF-JRC

 

3) Sur l’estimation par le Royaume-Uni des montants de pertes de ressources propres traditionnelles selon la méthode du HMRC

 

4) Sur l’argumentation à caractère général dirigée contre la méthode OLAF-JRC

 

5) Sur l’estimation du montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014

 

6) Sur l’estimation du montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus

 

i) Sur la critique dirigée contre la méthode OLAF-JRC tirée de ce que celle-ci conduirait à surestimer le volume des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées

 

ii) Sur la critique dirigée contre la méthode OLAF-JRC tirée de ce que celle-ci conduirait à surestimer la valeur des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées

 

7) Sur l’incidence des avis C 18 Breach sur l’estimation des montants des pertes de ressources propres que la Commission réclame pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus

 

8) Sur le taux de change devant être appliqué pour calculer le montant des pertes de ressources propres

 

9) Conclusion

 

3. Sur le manquement aux obligations en vertu de la réglementation relative à la TVA et aux obligations de mettre à disposition les ressources propres correspondantes

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

4. Sur le manquement à l’obligation de coopération loyale consacrée à l’article 4, paragraphe 3, TUE

 

a) Argumentation des parties

 

b) Appréciation de la Cour

 

Sur les dépens

« Manquement d’État – Article 4, paragraphe 3, TUE – Article 310, paragraphe 6, et article 325 TFUE – Ressources propres – Droits de douane – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude – Principe d’effectivité – Obligation pour les États membres de mettre à la disposition de la Commission européenne des ressources propres – Responsabilité financière des États membres en cas de pertes de ressources propres – Importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine – Fraude à grande échelle et systématique – Criminalité organisée – Importateurs défaillants – Valeur en douane – Sous-évaluation – Base d’imposition de la TVA – Absence de contrôles douaniers systématiques fondés sur une analyse de risque et effectués préalablement à la mainlevée des marchandises concernées – Absence de constitution systématique de garanties – Méthode utilisée pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles relatives aux importations présentant un risque important de sous‑évaluation – Méthode statistique fondée sur des prix moyens établis à l’échelle de l’Union – Admissibilité »

Dans l’affaire C‑213/19,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 7 mars 2019,

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par MM. F. Shibli et S. Brandon ainsi que par Mmes Z. Lavery et S. McCrory, puis par M. Shibli et Mme McCrory, en qualité d’agents, assistés de MM. J. Eadie et I. Rogers, QC, ainsi que de MM. S. Pritchard, T. Sebastian et R. Hill, barristers,

partie défenderesse,

soutenu par :

Royaume de Belgique, représenté par MM. J.-C. Halleux, P. Cottin et S. Baeyens, en qualité d’agents,

République d’Estonie, représentée par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

République hellénique, représentée par Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agent,

République de Lettonie, représentée initialement par Mmes K. Pommere, V. Soņeca et I. Kucina, puis par Mme Pommere, en qualité d’agents,

République portugaise, représentée par Mmes P. Barros da Costa et S. Jaulino ainsi que par MM. L. Inez Fernandes et P. Rocha, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal (rapporteure), MM. I. Jarukaitis, N. Jääskinen, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, T. von Danwitz, M. Safjan, A. Kumin et N. Wahl, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. M. A. Gaudissart, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 décembre 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

en n’ayant pas pris en compte les montants corrects des droits de douane et en n’ayant pas mis à la disposition de cette institution les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine (ci-après les « importations concernées »), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 8 de la décision 2014/335/UE, Euratom du Conseil, du 26 mai 2014, relative au système des ressources propres de l’Union européenne (JO 2014, L 168, p. 105), des articles 2 et 8 de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17), des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement (UE, Euratom) no 609/2014 du Conseil, du 26 mai 2014, relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres traditionnelles, de la ressource propre fondée sur la TVA et de la ressource propre fondée sur le RNB et aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie (JO 2014, L 168, p. 39), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2016/804 du Conseil, du 17 mai 2016 (JO 2016, L 132, p. 85) (ci-après le « règlement no 609/2014 »), des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1), de l’article 2 du règlement (CEE, Euratom) no 1553/89 du Conseil, du 29 mai 1989, concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (JO 1989, L 155, p. 9), ainsi que de l’article 105, paragraphe 3, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »), et de l’article 220, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO 2005, L 117, p. 13) (ci-après le « code des douanes communautaire »),

en conséquence de sa méconnaissance des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de l’article 325 et de l’article 310, paragraphe 6, TFUE, des articles 3 et 46 du code des douanes de l’Union, de l’article 13 du code des douanes communautaire, de l’article 248, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 3254/1994 de la Commission, du 19 décembre 1994 (JO 1994, L 346, p. 1) (ci-après le « règlement d’application »), de l’article 244 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 952/2013 (JO 2015, L 343, p. 558, ci-après le « règlement d’exécution »), de l’article 2, paragraphe 1, sous b) et d), des articles 83 et 85 à 87, ainsi que de l’article 143, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60), telle que modifiée par la directive 2009/69/CE du Conseil, du 25 juin 2009 (JO 2009, L 175, p. 12) (ci‑après la « directive 2006/112 »),

les pertes de ressources propres traditionnelles correspondantes à mettre à la disposition de la Commission, diminuées des frais de perception, s’élevant à :

496025324,30 euros en 2017 (jusqu’au 11 octobre 2017 inclus) ;

646809443,80 euros en 2016 ;

535290329,16 euros en 2015 ;

480098912,45 euros en 2014 ;

325230822,55 euros en 2013 ;

173404943,81 euros en 2012 ;

22777312,79 euros en 2011 ;

en ne lui communiquant pas toutes les informations nécessaires pour déterminer les montants des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne lui fournissant pas, comme elle le lui avait demandé, le contenu de l’avis du service juridique du Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière du Royaume-Uni, ci-après le « HMRC ») ou les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de l’article 2, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous d), du règlement (UE, Euratom) no 608/2014 du Conseil, du 26 mai 2014, portant mesures d’exécution du système des ressources propres de l’Union européenne (JO 2014, L 168, p. 29).

I. Le cadre juridique

A. Le droit en matière de ressources propres

1.   Les décisions relatives au système des ressources propres

2

S’agissant de la période allant du mois de novembre 2011 au 11 octobre 2017 inclus (ci-après la « période d’infraction »), pour laquelle, dans le cadre de la présente procédure, la Commission reproche au Royaume-Uni différents manquements au droit de l’Union, deux décisions relatives au système des ressources propres de l’Union étaient successivement applicables, à savoir la décision 2007/436 et, à compter du 1er janvier 2014, la décision 2014/335.

3

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/335, dont le libellé est en substance identique à celui de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union, les recettes provenant, respectivement, « des ressources propres traditionnelles, à savoir [...] des droits du tarif douanier commun et des autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union sur les échanges avec les pays tiers », et « de l’application d’un taux uniforme valable pour tous les États membres à l’assiette harmonisée de la TVA, déterminée conformément aux règles de l’Union ».

4

L’article 8, paragraphe 1, de ces décisions prévoit, à son premier alinéa, que les droits du tarif douanier commun, en tant que ressources propres de l’Union, sont perçus par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union, et, à son troisième alinéa, que les États membres mettent les ressources prévues à l’article 2, paragraphe 1, sous a), b) et c), desdites décisions à la disposition de la Commission.

2.   Les règlements relatifs aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres

5

S’agissant de la période d’infraction, deux règlements relatifs à la mise à disposition des ressources propres de l’Union ont été successivement applicables, à savoir le règlement no 1150/2000 et, à compter du 1er janvier 2014, le règlement no 609/2014.

6

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, dont le contenu est, en substance, identique à celui de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 :

« Aux fins de l’application du présent règlement, un droit de l’Union sur les ressources propres traditionnelles visées à l’article 2, paragraphe 1, [sous] a), de la décision [2014/335] est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa notification au redevable. »

7

L’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, du règlement no 609/2014, dont le contenu est, en substance, identique à celui de l’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous a) et b), du règlement no 1150/2000, dispose :

« 1.   Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[...]

3.   Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du deuxième alinéa du présent paragraphe, repris dans la comptabilité [couramment désignée comme étant la “comptabilité A”] au plus tard le premier jour ouvrable après le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au premier alinéa parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au premier alinéa, dans une comptabilité séparée[, couramment désignée comme étant la “comptabilité B”]. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.

[...] »

8

Dans sa rédaction initiale, l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 609/2014, dont le contenu était en substance identique à celui de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1150/2000, disposait :

« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son Trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. »

9

Depuis le 1er octobre 2016, cette disposition est libellée comme suit :

« Selon les modalités définies aux articles 10, 10 bis et 10 ter, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son Trésor ou de sa banque centrale nationale. Sans préjudice de l’application d’intérêts négatifs visée au troisième alinéa, ce compte ne peut être débité que sur instruction de la Commission. »

10

Dans sa rédaction initiale, l’article 12, paragraphes 1 et 3, du règlement no 609/2014, dont le contenu était, en substance, identique à celui de l’article 11, paragraphes 1 et 3, du règlement no 1150/2000, était libellé comme suit :

« 1.   Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

[...]

3.   Pour les États membres ne faisant pas partie de l’Union économique et monétaire, le taux est égal au taux appliqué le premier jour du mois de l’échéance par les banques centrales respectives à leurs opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage, ou pour les États membres pour lesquels le taux de la banque centrale n’est pas disponible, le taux le plus équivalent appliqué le premier jour du mois en question pour le marché monétaire, majoré de deux points de pourcentage.

Ce taux est majoré de 0,25 point de pourcentage par mois de retard. Le taux majoré est appliqué à l’ensemble de la période de retard. »

11

Depuis le 1er octobre 2016, l’article 12, paragraphe 5, du règlement no 609/2014, remplaçant l’article 12, paragraphe 3, de celui-ci, dispose :

« Pour les États membres ne faisant pas partie de l’Union économique et monétaire, le taux d’intérêt est égal au taux appliqué le premier jour du mois de l’échéance par les banques centrales respectives à leurs opérations principales de refinancement ou à 0 %, le montant le plus élevé étant retenu, majoré de 2,5 points de pourcentage. Pour les États membres pour lesquels le taux de la banque centrale n’est pas disponible, le taux d’intérêt est égal au taux le plus équivalent appliqué le premier jour du mois en question pour le marché monétaire, ou à 0 %, le montant le plus élevé étant retenu, majoré de 2,5 points de pourcentage.

Ce taux est majoré de 0,25 point de pourcentage par mois de retard.

L’accroissement total au titre des premier et deuxième alinéas ne dépasse pas 16 points de pourcentage. Le taux majoré est appliqué à l’ensemble de la période de retard. »

12

L’article 13 du règlement no 609/2014, intitulé « Montants irrécouvrables », dont le contenu est, en substance, identique à celui de l’article 17 du règlement no 1150/2000, prévoit :

« 1.   Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés en vertu de l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.   Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés en vertu de l’article 2 qui s’avèrent irrécouvrables pour l’une des raisons suivantes :

a)

soit pour des raisons de force majeure ;

b)

soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

[...]

3.   Dans les trois mois suivant la décision administrative mentionnée au paragraphe 2 du présent article ou conformément aux délais visés à ce même paragraphe, les États membres communiquent à la Commission des éléments d’information portant sur ces cas d’application du paragraphe 2 du présent article pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50000 [euros].

Cette communication inclut tous les faits permettant d’apprécier pleinement les raisons visées au paragraphe 2, [sous] a) et b), du présent article, qui ont empêché l’État membre concerné de mettre à disposition le montant en cause, ainsi que les mesures prises par ce dernier pour assurer le recouvrement.

Cette communication est faite sur un modèle établi par la Commission. À cet effet, celle-ci adopte des actes d’exécution. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure consultative visée à l’article 16, paragraphe 2.

4.   La Commission transmet, dans les six mois à compter de la réception de la communication prévue au paragraphe 3, ses observations à l’État membre concerné.

Lorsque la Commission juge utile de demander des renseignements complémentaires, le délai de six mois court dès réception des informations complémentaires sollicitées. »

3.   Le règlement no 608/2014

13

S’agissant de la partie de la période d’infraction ayant débuté le 1er janvier 2014, l’article 2 du règlement no 608/2014, intitulé « Mesures de contrôle et de surveillance », dispose :

« [...]

2.   Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, de la décision [2014/335] soient mises à la disposition de la Commission.

3.   Lorsque les mesures de contrôle et de surveillance concernent les ressources propres traditionnelles visées à l’article 2, paragraphe 1, [sous] a), de la décision [2014/335] :

a)

les États membres procèdent aux vérifications et aux enquêtes relatives à la constatation et à la mise à disposition de ces ressources propres ;

[...]

c)

les États membres associent la Commission, à sa demande, aux contrôles qu’ils effectuent. Lorsque la Commission est associée à un contrôle, elle a accès, pour autant que l’exige l’application du présent règlement, aux pièces justificatives relatives à la constatation et à la mise à disposition des ressources propres et à tout autre document approprié ayant trait à ces mêmes pièces justificatives ;

d)

la Commission peut procéder elle-même à des vérifications sur place. Les agents mandatés par la Commission pour ces vérifications ont accès aux pièces justificatives comme prévu pour les contrôles visés au point c). Les États membres facilitent ces vérifications ;

[...] »

4.   Le règlement no 1553/89

14

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1553/89 prévoit :

« La base des ressources TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l’article 2 de la [sixième] directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – [S]ystème commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme [(JO L 145, p. 1)] [...] »

15

Aux termes de l’article 3, premier alinéa, de ce règlement :

« Pour une année civile déterminée, et sans préjudice des articles 5 et 6, on calcule la base des ressources TVA en divisant le total des recettes nettes de TVA encaissées par l’État membre au cours de cette année par le taux auquel cette taxe est perçue pendant cette même année. »

B. Le droit des douanes

1.   Le code des douanes communautaire

16

Le code des douanes communautaire est applicable aux importations concernées qui ont été effectuées au cours de la partie de la période d’infraction antérieure au 1er mai 2016.

17

L’article 13 de ce code disposait :

« 1.   Les autorités douanières peuvent effectuer, conformément aux conditions fixées par les dispositions en vigueur, tous les contrôles qu’elles jugent nécessaires pour garantir l’application correcte de la réglementation douanière et des autres dispositions législatives régissant l’entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier de la Communauté [européenne] et les pays tiers ainsi que la présence de marchandises n’ayant pas le statut de marchandises communautaires. Les contrôles douaniers pour l’application correcte de la législation communautaire peuvent être effectués dans un pays tiers s’il existe un accord international qui l’autorise.

2.   Les contrôles douaniers autres que les contrôles inopinés doivent reposer sur une analyse des risques utilisant des procédés informatiques, l’objectif étant de déterminer et de quantifier les risques et d’élaborer les mesures nécessaires à leur évaluation, sur la base de critères définis au niveau national, communautaire et, le cas échéant, au niveau international.

Un cadre commun de gestion des risques, des critères communs ainsi que les domaines de contrôle prioritaires sont déterminés selon la procédure de comité.

Les États membres, en collaboration avec la Commission, mettent en place un système électronique pour la mise en œuvre de la gestion des risques.

3.   Lorsque des contrôles sont exécutés par des autorités autres que les autorités douanières, ces contrôles le sont en étroite coordination avec ces dernières, et dans la mesure du possible au même moment et au même endroit.

[...] »

18

Le titre II dudit code comportait un chapitre 3, intitulé « Valeur en douane des marchandises », composé des articles 28 à 36 de celui-ci.

19

L’article 29 du même code prévoyait :

« 1.   La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 [...]

[...]

2.   

a)

Pour déterminer si la valeur transactionnelle est acceptable aux fins de l’application du paragraphe 1, le fait que l’acheteur et le vendeur sont liés ne constitue pas en soi un motif suffisant pour considérer la valeur transactionnelle comme inacceptable. Si nécessaire, les circonstances propres à la vente sont examinées, et la valeur transactionnelle admise pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix. [...]

[...]

3.   

a)

Le prix effectivement payé ou à payer est le paiement total effectué ou à effectuer par l’acheteur au vendeur, ou au bénéfice de celui-ci, pour les marchandises importées et comprend tous les paiements effectués ou à effectuer, comme condition de la vente des marchandises importées, par l’acheteur au vendeur, ou par l’acheteur à une tierce personne pour satisfaire à une obligation du vendeur. [...]

[...] »

20

Aux termes de l’article 30 du code des douanes communautaire :

« 1.   Lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application de l’article 29, il y a lieu de passer successivement aux lettres a), b), c) et d) du paragraphe 2 jusqu’à la première de ces lettres qui permettra de la déterminer [...]

2.   Les valeurs en douane déterminées par application du présent article sont les suivantes :

a)

valeur transactionnelle de marchandises identiques, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

b)

valeur transactionnelle de marchandises similaires, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

c)

valeur fondée sur le prix unitaire correspondant aux ventes dans la Communauté des marchandises importées ou de marchandises identiques ou similaires importées totalisant la quantité la plus élevée, ainsi faites à des personnes non liées aux vendeurs ;

d)

valeur calculée [...]

[...] »

21

L’article 31 de ce code se lisait comme suit :

« 1.   Si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 29 et 30, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans la Communauté, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales :

de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 [(JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (JO 1994, L 336, p. 3)],

de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994

et

des dispositions du présent chapitre.

2.   La valeur en douane déterminée par application du paragraphe 1 ne se fonde pas :

a)

sur le prix de vente, dans la Communauté, de marchandises produites dans la Communauté ;

b)

sur un système prévoyant l’acceptation, à des fins douanières, de la plus élevée de deux valeurs possibles ;

c)

sur le prix de marchandises sur le marché intérieur du pays d’exportation ;

d)

sur le coût de production, autre que les valeurs calculées qui ont été déterminées pour des marchandises identiques ou similaires conformément à l’article 30[,] paragraphe 2[,] [sous] d) ;

e)

sur des prix pour l’exportation à destination d’un pays non compris dans le territoire douanier de la Communauté ;

f)

sur des valeurs en douane minimales

ou

g)

sur des valeurs arbitraires ou fictives. »

22

L’article 68 dudit code disposait :

« Pour la vérification des déclarations acceptées par elles, les autorités douanières peuvent procéder :

a)

à un contrôle documentaire portant sur la déclaration et les documents qui y sont joints. Les autorités douanières peuvent exiger du déclarant de leur présenter d’autres documents en vue de la vérification de l’exactitude des énonciations de la déclaration ;

b)

à l’examen des marchandises accompagné d’un éventuel prélèvement d’échantillons en vue de leur analyse ou d’un contrôle approfondi. »

23

L’article 71 du même code était libellé comme suit :

« 1.   Les résultats de la vérification de la déclaration servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées.

2.   Lorsqu’il n’est pas procédé à la vérification de la déclaration, l’application des dispositions visées au paragraphe 1 s’effectue d’après les énonciations de la déclaration. »

24

L’article 217, paragraphe 1, du code des douanes communautaire prévoyait :

« Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière [...] doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte). »

25

Aux termes de l’article 218, paragraphe 1, premier alinéa, de ce code :

« Lorsqu’une dette douanière naît de l’acceptation de la déclaration d’une marchandise pour un régime douanier autre que l’admission temporaire en exonération partielle des droits à l’importation ou de tout autre acte ayant les mêmes effets juridiques que cette acceptation, la prise en compte du montant correspondant à cette dette douanière doit avoir lieu dès que ce montant a été calculé et, au plus tard, le deuxième jour suivant celui au cours duquel la mainlevée de la marchandise a été donnée. »

26

L’article 220, paragraphe 1, dudit code disposait :

« Lorsque le montant des droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 218 et 219 ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur (prise en compte a posteriori). Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 219. »

27

L’article 221 du même code énonçait :

« 1.   Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

[...]

3.   La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Ce délai est suspendu à partir du moment où est introduit un recours au sens de l’article 243 et pendant la durée de la procédure de recours.

4.   Lorsque la dette douanière résulte d’un acte qui était, au moment où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, la communication au débiteur peut, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur, être effectuée après l’expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 3. »

2.   Le code des douanes de l’Union

28

Le code des douanes de l’Union est applicable aux importations concernées qui ont été effectuées au cours de la partie de la période d’infraction ayant débuté le 1er mai 2016.

29

L’article 3 de ce code dispose :

« Les autorités douanières sont essentiellement chargées de la surveillance du commerce international de l’Union, contribuant ainsi à garantir un commerce ouvert et équitable et à mettre en œuvre la dimension extérieure du marché intérieur, de la politique commerciale commune et des autres politiques communes de l’Union ayant une portée commerciale, ainsi qu’à assurer la sécurité de l’ensemble de la chaîne logistique. Les autorités douanières instaurent des mesures visant, en particulier, à :

a)

protéger les intérêts financiers de l’Union et de ses États membres ;

b)

protéger l’Union du commerce déloyal et illégal tout en encourageant les activités économiques légitimes ;

c)

garantir la sécurité et la sûreté de l’Union et de ses résidents ainsi que la protection de l’environnement, le cas échéant en coopération étroite avec d’autres autorités ; et

d)

maintenir un équilibre adéquat entre les contrôles douaniers et la facilitation du commerce légitime. »

30

Aux termes de l’article 46 dudit code, intitulé « Gestion des risques et contrôles douaniers » :

« 1.   Les autorités douanières peuvent exercer tout contrôle douanier qu’elles estiment nécessaires.

Les contrôles douaniers peuvent notamment consister à vérifier les marchandises, prélever des échantillons, contrôler l’exactitude et le caractère complet des informations fournies dans une déclaration ou une notification ainsi que l’existence, l’authenticité, l’exactitude et la validité de documents, examiner la comptabilité des opérateurs économiques et d’autres écritures, contrôler les moyens de transport et inspecter les bagages et autres marchandises transportés par ou sur des personnes ainsi que mener des enquêtes officielles et procéder à d’autres actes similaires.

2.   Les contrôles douaniers autres que les contrôles inopinés sont principalement fondés sur l’analyse de risque pratiquée à l’aide de procédés informatiques de traitement des données, et visent à déceler et à évaluer les risques et à élaborer les contre-mesures nécessaires, sur la base des critères établis au niveau national ou au niveau de l’Union et, le cas échéant, au niveau international.

3.   Les contrôles douaniers sont réalisés dans un cadre commun de gestion des risques, fondé sur l’échange d’informations en matière de risque et de résultats d’analyses de risque entre les administrations douanières et l’établissement de critères et de normes communs en matière de risque, ainsi que de mesures de contrôle et de domaines de contrôle prioritaires.

Les contrôles fondés sur ces informations et critères sont effectués sans préjudice d’autres contrôles pratiqués conformément au paragraphe 1 ou à d’autres dispositions en vigueur.

4.   Les autorités douanières appliquent une gestion des risques visant à distinguer les niveaux de risque associés aux marchandises faisant l’objet d’un contrôle douanier ou d’une surveillance douanière, et à établir s’il y a lieu de soumettre ces marchandises à des contrôles douaniers spécifiques et, dans l’affirmative, à en préciser le lieu.

Cette gestion des risques comprend notamment des activités telles que la collecte de données et d’informations, l’analyse et l’évaluation des risques, la détermination et la mise en œuvre des mesures requises, ainsi que le suivi et le réexamen réguliers du processus et des résultats obtenus, sur la base de sources et de stratégies internationales, de l’Union et nationales.

5.   Les autorités douanières échangent des informations en matière de risque et les résultats de l’analyse de risque lorsque :

a)

les autorités douanières estiment que les risques sont significatifs et requièrent un contrôle douanier et que les résultats de ce contrôle indiquent que l’événement à l’origine des risques est survenu ;

b)

lorsque les résultats d’un contrôle n’indiquent pas que l’événement à l’origine des risques est survenu, mais que les autorités douanières concernées estiment que la menace présente un risque élevé ailleurs dans l’Union.

6.   Aux fins de l’établissement des critères et normes communs en matière de risque, ainsi que des mesures de contrôle et des domaines de contrôle prioritaires visés au paragraphe 3, il est tenu compte de tous les éléments suivants :

a)

la proportionnalité par rapport au risque ;

b)

l’urgence de l’application nécessaire des contrôles ;

c)

l’incidence probable sur les échanges commerciaux, sur les différents États membres et sur les ressources consacrées aux contrôles.

7.   Les critères et normes communs en matière de risque visés au paragraphe 3 comportent tous les éléments suivants :

a)

une description des risques ;

b)

les facteurs ou indicateurs de risque à utiliser pour sélectionner les marchandises ou les opérateurs économiques à soumettre à des contrôles douaniers ;

c)

la nature des contrôles douaniers à effectuer par les autorités douanières ;

d)

la durée d’application des contrôles douaniers visés au point c).

8.   Les domaines de contrôle prioritaires concernent certains régimes douaniers, types de marchandises, axes de circulation, modes de transport ou opérateurs économiques particuliers, qui font l’objet, pendant une certaine période, d’analyses de risque et de contrôles douaniers d’un niveau plus élevé, sans préjudice des autres contrôles menés habituellement par les autorités douanières. »

31

L’article 53 du même code, intitulé « Conversions monétaires », dispose à son paragraphe 1 :

« Les autorités compétentes publient et/ou communiquent sur l’internet le taux de change applicable lorsqu’une conversion monétaire est nécessaire pour l’une des raisons suivantes :

[...]

b)

la contre-valeur de l’euro en monnaies nationales est requise pour déterminer le classement tarifaire des marchandises et le montant des droits à l’importation et à l’exportation, y compris les seuils de valeur dans le tarif douanier commun. »

32

Les articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union prévoient les règles relatives à la détermination de la valeur en douane des marchandises dont le contenu est, en substance, identique à celui des règles prévues aux articles 29 à 31 du code des douanes communautaire.

33

L’article 103 dudit code, intitulé « Prescription de la dette douanière », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Aucune dette douanière n’est notifiée au débiteur après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière.

2.   Lorsque la dette douanière est née par suite d’un acte qui, à l’époque où il a été accompli, était passible de poursuites judiciaires répressives, le délai de trois ans fixé au paragraphe 1 est porté à un minimum de cinq ans et un maximum de dix ans en conformité avec le droit national. »

34

L’article 105 du même code, intitulé « Délais de prise en compte », énonce, à son paragraphe 3 :

« En cas de naissance d’une dette douanière dans des conditions autres que celles visées au paragraphe 1, la prise en compte du montant des droits à l’importation ou à l’exportation exigibles correspondants intervient dans un délai de quatorze jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières sont en mesure de déterminer le montant des droits à l’importation ou à l’exportation en cause et d’arrêter une décision. »

35

L’article 191 de ce code, intitulé « Résultats de la vérification », dispose :

« 1.   Les résultats de la vérification de la déclaration en douane servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées.

2.   Lorsqu’il n’est pas procédé à la vérification de la déclaration en douane, l’application du paragraphe 1 s’effectue d’après les énonciations de ladite déclaration.

3.   Les résultats de la vérification effectuée par les autorités douanières ont la même force probante sur tout le territoire douanier de l’Union. »

3.   Le règlement d’application

36

Le règlement d’application est applicable aux importations concernées qui ont été effectuées au cours de la partie de la période d’infraction antérieure au 1er mai 2016.

37

Aux termes de l’article 181 bis de ce règlement d’application :

« 1.   Les autorités douanières ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane des marchandises importées sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle si, conformément à la procédure décrite au paragraphe 2, elles ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 29 du code [des douanes communautaire].

2.   Lorsque les autorités douanières ont des doutes tels que visés au paragraphe 1, elles peuvent demander des informations complémentaires conformément à l’article 178, paragraphe 4. Si ces doutes persistent, les autorités douanières doivent, avant de prendre une décision définitive, informer la personne concernée, par écrit si la demande leur en est faite, des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés et lui donner une occasion raisonnable de répondre. La décision finale ainsi que les motifs y afférents sont communiqués à la personne concernée par écrit. »

38

L’article 248, paragraphe 1, dudit règlement d’application dispose :

« L’octroi de la mainlevée donne lieu à la prise en compte des droits à l’importation déterminés d’après les énonciations de la déclaration. Lorsque les autorités douanières estiment que les contrôles qu’elles ont entrepris peuvent conduire à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration, elles exigent en outre la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence entre le montant résultant des énonciations de la déclaration et celui dont les marchandises peuvent en définitive être passibles. Toutefois, le déclarant a la faculté, au lieu de constituer cette garantie, de demander la prise en compte immédiate du montant des droits dont les marchandises peuvent en définitive être passibles. »

4.   Le règlement d’exécution

39

Le règlement d’exécution est applicable aux importations concernées qui ont été effectuées au cours de la partie de la période d’infraction ayant débuté le 1er mai 2016.

40

L’article 48 de ce règlement d’exécution, intitulé « Dispositions concernant le taux de change », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La contre-valeur de l’euro, si elle est requise conformément à l’article 53, paragraphe 1, [sous] b), du code [des douanes de l’Union], est fixée une fois par mois.

Le taux de change à utiliser est le taux le plus récent fixé par la Banque centrale européenne [(BCE)] avant l’avant-dernier jour du mois ; il s’applique tout le mois suivant.

Toutefois, dans le cas où le taux applicable au début du mois s’écarte de plus de 5 % du taux fixé par la [BCE] avant le 15 du même mois, c’est ce dernier taux qui s’applique à partir du 15 et jusqu’à la fin du mois en question. »

41

L’article 140 dudit règlement d’exécution, intitulé « Non-acceptation de valeurs transactionnelles déclarées », dispose :

« 1.   Lorsque les autorités douanières ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur transactionnelle déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 70, paragraphe 1, du code [des douanes de l’Union], elles peuvent demander au déclarant de fournir des informations supplémentaires.

2.   Si leurs doutes ne sont pas dissipés, les autorités douanières peuvent décider que la valeur des marchandises ne peut pas être déterminée conformément à l’article 70, paragraphe 1, du code [des douanes de l’Union]. »

42

Aux termes de l’article 144 du même règlement d’exécution, intitulé « Valeur déterminée sur la base des données disponibles (“méthode fall-back”) » :

« 1.   Lors de la détermination de la valeur en douane en vertu de l’article 74, paragraphe 3, du code [des douanes de l’Union], il peut être fait preuve d’une souplesse raisonnable dans l’application des méthodes prévues aux articles 70 et 74, paragraphe 2, du code [des douanes de l’Union]. La valeur ainsi déterminée se fonde, dans la plus grande mesure possible, sur des valeurs en douane déterminées antérieurement.

2.   Lorsque la valeur en douane ne peut pas être déterminée par application du paragraphe 1, d’autres méthodes appropriées sont utilisées. Dans ce cas, la valeur en douane n’est déterminée sur la base d’aucun des éléments suivants :

a)

le prix de vente, sur le territoire douanier de l’Union, de marchandises produites sur le territoire douanier de l’Union ;

b)

un système dans lequel la plus élevée de deux valeurs possibles est utilisée pour la détermination de la valeur en douane ;

c)

le prix de marchandises sur le marché intérieur du pays d’exportation ;

d)

le coût de production, autre que les valeurs calculées qui ont été déterminées pour des marchandises identiques ou similaires en vertu de l’article 74, paragraphe 2, [sous] d), du code ;

e)

des prix pour l’exportation à destination d’un pays tiers ;

f)

des valeurs en douane minimales ;

g)

des valeurs arbitraires ou fictives. »

43

L’article 244 du règlement d’exécution, intitulé « Constitution d’une garantie », article visant à mettre en œuvre l’article 191 du code des douanes de l’Union, prévoit :

« Lorsque les autorités douanières estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant exigible de droits à l’importation ou à l’exportation ou d’autres impositions plus élevé que celui découlant des énonciations de la déclaration en douane, la mainlevée des marchandises est subordonnée à la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence entre le montant établi sur la base des énonciations de la déclaration en douane et le montant susceptible en définitive de devenir exigible.

Toutefois, le déclarant peut demander la notification immédiate de la dette douanière à laquelle les marchandises peuvent être exposées in fine au lieu de constituer cette garantie. »

C. Le droit en matière de TVA

44

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

b)

les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre :

i)

par un assujetti agissant en tant que tel, ou par une personne morale non assujettie, lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel [...] ;

[...]

[...]

d)

les importations de biens. »

45

Aux termes de l’article 83 de cette directive :

« Pour les acquisitions intracommunautaires de biens, la base d’imposition est constituée par les mêmes éléments que ceux retenus pour déterminer, conformément au chapitre 2, la base d’imposition de la livraison de ces mêmes biens sur le territoire de l’État membre. Notamment, pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires de biens visées aux articles 21 et 22, la base d’imposition est constituée par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations. »

46

L’article 85 de ladite directive dispose :

« Pour les importations de biens, la base d’imposition est constituée par la valeur définie comme la valeur en douane par les dispositions communautaires en vigueur. »

47

L’article 86, paragraphe 1, de la directive 2006/112 se lit comme suit :

« Sont à comprendre dans la base d’imposition, dans la mesure où ils n’y sont pas déjà compris, les éléments suivants :

a)

les impôts, droits de douane, prélèvements et taxes dus avant l’importation ou du fait de cette dernière, à l’exception de la [TVA] à percevoir ;

b)

les frais accessoires, tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance intervenant jusqu’au premier lieu de destination des biens sur le territoire de l’État membre d’importation, ainsi que ceux découlant du transport vers un autre lieu de destination se trouvant dans la Communauté, si ce dernier lieu est connu au moment où intervient le fait générateur de la taxe. »

48

L’article 87 de cette directive prévoit :

« Ne sont pas à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :

a)

les diminutions de prix à titre d’escompte pour paiement anticipé ;

b)

les rabais et ristournes de prix consentis à l’acquéreur et acquis au moment où s’effectue l’importation. »

49

Aux termes de l’article 138 de ladite directive :

« 1.   Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.

2.   Outre les livraisons visées au paragraphe 1, les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

c)

les livraisons de biens consistant en des transferts à destination d’un autre État membre, qui bénéficieraient des exonérations prévues au paragraphe 1 et aux points a) et b) si elles étaient effectuées pour un autre assujetti. »

50

L’article 143 de la même directive dispose :

« 1.   Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

d)

les importations de biens expédiés ou transportés à partir d’un territoire tiers ou d’un pays tiers dans un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport, dans le cas où la livraison de ces biens, effectuée par l’importateur désigné ou reconnu comme redevable de la taxe en vertu de l’article 201, est exonérée conformément à l’article 138 ;

2.   L’exonération prévue au paragraphe 1, [sous] d), ne s’applique, dans les cas où les importations de biens sont suivies de livraisons de biens exonérées en vertu de l’article 138, paragraphe 1, et paragraphe 2, [sous] c), que si, au moment de l’importation, l’importateur a fourni aux autorités compétentes de l’État membre d’importation au moins les informations suivantes :

a)

le numéro d’identification TVA qui lui a été attribué dans l’État membre d’importation ou le numéro d’identification TVA qui a été attribué à son représentant fiscal dans l’État membre d’importation, lequel est redevable du paiement de la TVA ;

b)

le numéro d’identification TVA attribué dans un autre État membre au client auquel les biens sont livrés conformément à l’article 138, paragraphe 1, ou son propre numéro d’identification TVA attribué dans l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport des biens lorsque ces derniers font l’objet d’un transfert, conformément à l’article 138, paragraphe 2, [sous] c) ;

c)

la preuve que les biens importés sont destinés à être transportés ou expédiés à partir de l’État membre d’importation vers un autre État membre.

Toutefois, les États membres peuvent prévoir que la preuve visée au point c) ne doit être fournie qu’à la demande des autorités compétentes. »

II. Les faits et la procédure précontentieuse

A. Les faits à l’origine du litige

51

À partir du 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance de pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), y compris de Chine.

52

Le 20 avril 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adressé aux États membres le message d’assistance mutuelle 2007/015 afin d’informer ces derniers du risque, notamment, de sous-évaluation extrême d’importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine qui, dans la majorité des cas, étaient réalisées par des entreprises dites « entreprises coquilles » (« shell companies »), enregistrées dans le seul but de donner une apparence de légalité à une opération frauduleuse, lesquelles, lorsqu’elles étaient contrôlées, souvent n’avaient pas de siège à l’adresse qui avait été indiquée aux autorités douanières. L’OLAF précisait que, dans la plupart des cas examinés, les valeurs déclarées étaient bien en dessous de 0,50 dollar des États-Unis (USD) par kilogramme (kg) et même inférieures à 0,10 USD par kilogramme. Au vu de ce mécanisme de fraude (ci-après la « fraude à la sous-évaluation en cause »), l’OLAF a invité l’ensemble des États membres à surveiller leurs importations de produits textiles et de chaussures en provenance, notamment, de Chine afin de détecter d’éventuels indices d’importations sous-évaluées, à procéder à des contrôles douaniers appropriés lors du dédouanement de telles importations, afin de vérifier les valeurs en douane déclarées et d’assurer que celles-ci reflètent les valeurs de marché réelles, ainsi qu’à prendre les mesures de sauvegarde appropriées en cas de suspicion de prix facturés artificiellement bas.

53

À ces fins, l’OLAF a mis au point, sur la base d’études scientifiques entreprises par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union (ci-après la « méthode OLAF-JRC »).

54

Cette méthode consiste, tout d’abord, à calculer un « prix moyen corrigé » (« cleaned average price » ou « CAP ») (ci-après le « PMC »), également appelé le « juste prix » (« fair price » ou « fair value »), pour chaque code produit à huit chiffres de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2016/1821 de la Commission, du 6 octobre 2016 (JO 2016, L 294, p. 1) (ci-après la « NC »), et relevant des chapitres 61 à 64 de cette nomenclature (ci-après les « produits concernés »).

55

Les PMC sont calculés sur la base des prix mensuels à l’importation des produits concernés en provenance de Chine extraits de Comext, la base de données de référence pour les statistiques détaillées du commerce international des biens gérée par Eurostat, pour une période de 48 mois. Ces prix expriment une valeur par kilogramme pour chacun des 495 codes produit à huit chiffres de la NC concernés, précisant le pays d’origine et le pays de destination dans l’Union.

56

Ensuite, une moyenne est calculée pour toute l’Union sur la base de la moyenne arithmétique, c’est-à-dire une moyenne non pondérée, des PMC de l’ensemble des États membres. Pour le calcul de cette moyenne arithmétique, les valeurs extrêmes (« outliers »), c’est-à-dire les valeurs anormalement élevées ou faibles, sont exclues, raison pour laquelle le prix moyen est dit « corrigé » ou « nettoyé » (« cleaned »).

57

Enfin, une valeur correspondant à 50 % des PMC est calculée, laquelle constitue le « prix minimal acceptable » (« lowest acceptable price » ou « LAP ») (ci-après le « PMA »). Le PMA, également exprimé en prix au kilogramme, est utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, par conséquent, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

58

Le message d’assistance mutuelle 2009/001, envoyé par l’OLAF le 23 janvier 2009, avait pour objet l’opération « Argus », une opération d’une durée de six mois dans le cadre de laquelle l’OLAF avait entrepris de surveiller le commerce des produits concernés en provenance de différents pays tiers, principalement des pays asiatiques, et de transmettre aux États membres chaque mois une liste des importations du mois précédent qu’elle avait identifiées comme étant à risque en termes de valeur en douane. Par ce message d’assistance mutuelle, l’OLAF demandait aux États membres de lui communiquer, dans un délai de quatre semaines, la mise en place de profils de risque, d’identifier les importations présentant un risque important de sous-évaluation et d’effectuer des vérifications avant le dédouanement des marchandises concernées, sur la base de ses communications.

59

Au cours de l’année 2011, lors de l’opération de contrôle prioritaire dite « Discount » (ci-après l’« ACP Discount »), coordonnée par la direction générale de la fiscalité et de l’union douanière de la Commission et à laquelle tous les États membres ont participé, les PMA calculés selon la méthode OLAF-JRC ont été appliqués, en tant que profil de risque, selon les recommandations figurant dans des lignes directrices élaborées aux fins de cette opération, afin de détecter et de contrôler les importations des produits concernés en provenance de Chine présentant une valeur en douane étrangement faible au point de rendre celles-ci suspectes. Le Royaume-Uni a participé à ladite opération, sans toutefois appliquer un tel profil de risque.

60

Au cours de l’année 2014, l’OLAF a coordonné l’opération douanière conjointe dite « Snake » (ci-après l’« ODC Snake »), dont la phase opérationnelle a eu lieu entre le 17 février et le 17 mars de cette année et à laquelle ont participé l’ensemble des États membres ainsi que les autorités douanières chinoises. L’implication de ces dernières visait à obtenir des déclarations à l’exportation permettant de vérifier la valeur en douane déclarée à l’importation dans l’Union des produits concernés. Dans le rapport final de l’ODC Snake, les États membres étaient invités à poursuivre l’utilisation des profils de risque fondés sur les PMA tels que ces derniers avaient été appliqués au cours de cette opération.

61

Au terme des contrôles effectués par les autorités du Royaume-Uni dans le cadre de ladite opération sur la base de ces profils de risque, celles-ci ont constaté que des droits de douane supplémentaires devaient être appliqués en ce qui concerne 24 opérateurs au titre de leurs importations réalisées au cours d’une période de trois ans allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014.

62

Entre le mois de novembre 2014 et le mois de février 2015, les autorités du Royaume-Uni ont communiqué les demandes de paiement correspondantes aux opérateurs concernés par l’émission de 24 ordres de recouvrement a posteriori, appelés « avis C 18 » (ci-après les « avis C 18 Snake »). Toutefois, au cours de la période allant du mois de juin au mois de novembre 2015, ces autorités ont annulé ces avis.

63

Le 16 janvier 2015, l’OLAF a ouvert une enquête dirigée spécifiquement contre certains États membres, dont le Royaume-Uni, et portant sur une période ayant débuté en 2013.

64

Une opération dite « Badminton » a par ailleurs été menée par le HMRC et la force frontalière du Royaume‑Uni entre l’année 2013 et l’année 2016. Cette opération, qui portait principalement sur une fraude à la TVA, a été à l’origine d’une enquête pénale visant quatre grands opérateurs important des produits textiles en provenance de Chine dans le cadre du régime douanier portant le code 42 dans la liste des régimes douaniers de l’Union, en application duquel les droits de douane sont payés lors de l’importation et la TVA doit être payée ultérieurement dans l’État membre de destination (ci-après le « régime douanier 42 »).

65

Entre le mois de février 2015 et le mois de juillet 2016, le Royaume-Uni a participé à plusieurs réunions organisées par l’OLAF, consacrées à la fraude à la sous-évaluation en cause.

66

Les 19 et 20 février 2015, l’OLAF a organisé une première réunion bilatérale avec le HMRC afin de faire le point sur le suivi de l’ODC Snake et l’utilisation des PMC en tant qu’indicateurs de risque d’une sous-évaluation douanière.

67

Lors de cette première réunion, l’OLAF a relevé que le volume des importations susceptibles d’être frauduleusement sous-évaluées n’avait pas diminué et qu’il ressortait des statistiques que le Royaume-Uni attirait davantage de commerce frauduleux des produits concernés en raison des mesures qui avaient été prises par d’autres États membres contre la fraude à la sous-évaluation en cause. Pour sa part, le HMRC a indiqué qu’il envisageait d’adresser des ordres de recouvrement de TVA et de droits de douane éludés aux entreprises qui avaient été recensées dans le cadre de l’ODC Snake ainsi qu’à la suite de ses propres analyses, et cela à hauteur d’un montant total de plus de 800 millions de livres sterling (GBP) (environ 939760000 euros).

68

Lors de la réunion ad hoc des 25 et 26 février 2015 portant sur la fraude à la sous-évaluation en cause, réunion organisée par l’OLAF et à laquelle les autorités des États membres ont participé, le Royaume-Uni a réitéré son intention de procéder à ce recouvrement. Au cours de cette réunion, l’OLAF, tout en expliquant que l’utilisation des moyennes nationales dans les profils de risque empêchait la détection des cas évidents de sous-évaluation, a « fortement recommandé », notamment, que les États membres utilisent des profils de risque appropriés pour identifier des importations potentiellement sous-évaluées, que ces derniers exigent la constitution de garanties pour les importations identifiées comme étant suspectes à cet égard et qu’ils diligentent des enquêtes afin d’établir les valeurs en douane réelles des marchandises concernées. L’OLAF a également souligné que, si le PMA est un indicateur de risque important, les règles du droit de l’Union en matière de la détermination de la valeur en douane devaient être appliquées. Il a par ailleurs décrit les pertes potentielles de ressources propres traditionnelles de l’Union découlant des importations susceptibles d’être sous-évaluées, notamment des importations concernées. S’agissant du Royaume-Uni, il a fait état, pour la période allant du mois de mai 2013 au mois de mars 2015, de pertes potentielles de ressources propres traditionnelles d’un montant total de 589676121 euros pour un volume de près d’un milliard et demi de kilogrammes de produits concernés.

69

Le 16 juin 2015, l’OLAF a envoyé le message d’assistance mutuelle 2015/013 par lequel il a demandé aux États membres de prendre toutes les mesures de sauvegarde nécessaires afin de protéger les intérêts financiers de l’Union face à la fraude à la sous-évaluation en cause. Dans ce message, l’OLAF a réitéré les conclusions de la réunion ad hoc des 25 et 26 février 2015.

70

Au mois de mai 2015, les autorités du Royaume-Uni ont lancé l’opération dite « Breach », première opération mise en place sur le territoire de cet État visant spécifiquement à lutter contre la fraude à la sous-évaluation en cause (ci-après l’« opération Breach »).

71

Selon le Royaume-Uni, l’un des buts de cette opération, qui serait toujours en cours, était de déterminer, à la suite de l’annulation des 24 avis C 18 Snake, la valeur en douane des importations sous-évaluées détectées au cours de l’ODC Snake et de réclamer les montants de ressources propres traditionnelles éludés correspondants.

72

Ladite opération impliquerait, notamment, des contrôles préalables et des visites a posteriori portant sur ces importations suspectes, des analyses documentaires, des audits et des inspections, l’examen du caractère commercial des ventes de produits concernés et celui des liens existant entre l’importateur, les transitaires douaniers et d’autres entreprises, ainsi que des activités de sensibilisation à l’attention des importateurs, destinées à identifier les activités frauduleuses. Une trentaine d’inspections préalables auraient également été réalisées en ce qui concerne treize envois qui auraient fait l’objet de contrôles physiques avec prélèvement d’échantillons. Dans le cadre de la même opération, plusieurs ordres de recouvrement a posteriori de droits de douane auraient été émis (ci-après les « avis C 18 Breach »).

73

Le 28 juillet 2015, l’OLAF a organisé une deuxième réunion bilatérale avec le HMRC lors de laquelle ce dernier a notamment indiqué qu’il continuait à poursuivre la procédure de recouvrement de droits de douane à hauteur d’un montant de plus de 800 millions de GBP, le cas échéant par la voie juridictionnelle, et qu’il avait constitué un groupe d’action pluridisciplinaire dans le cadre de l’opération Breach afin d’examiner la situation des importateurs impliqués dans le commerce frauduleux. Toutefois, selon le HMRC, l’utilisation d’indicateurs de risque dérivés des PMC serait « contre-productive et disproportionnée » compte tenu du volume des importations concernées. L’OLAF a indiqué que la mise en œuvre de ces indicateurs dans certains États membres avait eu pour résultat que le volume du trafic frauduleux avait diminué considérablement, même si celui-ci s’était déplacé vers d’autres États membres, en particulier le Royaume-Uni.

74

Le 3 février 2016, l’OLAF a organisé une troisième réunion bilatérale avec le HMRC. Ce dernier a déclaré que le Royaume-Uni avait contrôlé les seize entreprises identifiées dans le cadre de l’ODC Snake. L’OLAF a de nouveau recommandé que le HMRC recoure aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les PMA. Il a souligné que les importations concernées, qui étaient considérées comme étant sous-évaluées et à l’origine de pertes importantes de droits de douane, représentaient un pourcentage élevé.

75

Les 22 et 23 mars 2016, l’OLAF a organisé une quatrième réunion bilatérale avec le HMRC. Il a réaffirmé l’utilité de mettre en œuvre les indicateurs de risque à l’échelle de l’Union en tant que mesure préalable à l’importation et a proposé des moyens pratiques pour leur mise en œuvre progressive par les autorités du Royaume-Uni. L’OLAF a de nouveau fait un point de situation, dont il est résulté que les pertes de ressources propres traditionnelles s’intensifiaient au Royaume-Uni, en raison principalement du recours abusif au régime douanier 42.

76

Lors d’une réunion qui s’est tenue au mois de juillet 2016, l’OLAF a présenté un rapport établissant que les pertes de ressources propres traditionnelles s’accentuaient au Royaume-Uni.

77

Au cours d’une réunion qui s’est tenue les 18 et 19 septembre suivants, les autorités françaises ont présenté les résultats de l’opération dite « Octopus », opération qui a été conduite par ces autorités avec la participation de dix autres États membres, dont le Royaume-Uni, et le soutien de l’OLAF.

78

Il ressort du rapport final relatif à cette opération que des réseaux criminels organisés étaient à l’origine de la fraude à la sous-évaluation en cause. Le destinataire déclaré dans les déclarations en douane concernées était presque toujours une entreprise dite « phénix ». La grande majorité des marchandises transportées, contrôlées à Calais (France) sur la base de critères prédéfinis, présentaient des valeurs en douane sous-évaluées, déclarées de manière frauduleuse au Royaume-Uni dans le cadre du régime douanier 42.

79

Au mois d’octobre 2016, les autorités du Royaume-Uni ont engagé une opération expérimentale, dénommée « Samurai », qui visait les importations effectuées par deux opérateurs ayant cessé leurs activités immédiatement après que le HMRC avait contesté leurs déclarations en douane.

80

Le 1er mars 2017, l’OLAF a clos son enquête concernant la mise en œuvre au Royaume-Uni de la fraude à la sous-évaluation en cause et a rendu son rapport (ci‑après le « rapport de l’OLAF »), dont il ressort que, dans ce pays, des importateurs ont éludé des montants élevés de droits de douane en présentant à l’importation de fausses factures, des factures fictives et des déclarations en douane incorrectes.

81

Dans ce rapport, l’OLAF a révélé une augmentation importante de l’ampleur de la fraude à la sous-évaluation en cause au Royaume-Uni pendant la période allant de l’année 2013 à l’année 2016. Cette augmentation importante coïncidait avec la mise en œuvre par d’autres États membres de profils de risque reposant sur l’outil d’évaluation des risques fondé sur les PMA, selon les recommandations de l’OLAF.

82

Selon ledit rapport, au cours de ladite période, les importations frauduleuses au Royaume-Uni ont augmenté de manière significative, en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État. Dans le même rapport, l’OLAF a relevé que, au cours de l’année 2016, plus de 50 % des produits concernés importés au Royaume-Uni en provenance de Chine ont été déclarés en dessous des PMA et quelque 80 % des pertes totales de ressources propres traditionnelles de l’Union étaient imputables à la mise en œuvre au Royaume-Uni de la fraude à la sous-évaluation en cause.

83

Dans ce même rapport, l’OLAF a précisé en outre que des réseaux criminels organisés opérant sur l’ensemble du territoire de l’Union étaient à l’origine de cette fraude. La plupart des importations concernées au Royaume-Uni, dont une grande majorité était effectuée en recourant de manière abusive au régime douanier 42, concernaient des produits destinés au commerce illicite et clandestin sur le territoire d’autres États membres. En conséquence, l’OLAF a estimé, dans son rapport, que la fraude à la TVA était également substantielle sur le territoire des États membres de destination finale des marchandises concernées, notamment en Allemagne, en Espagne, en France et en Italie.

84

Il ressort du rapport de l’OLAF que, au cours de l’année 2016, 87 % des importations des produits concernés de faible valeur à destination du Royaume-Uni ont été effectuées dans le cadre du régime douanier 42 alors que, au cours de cette année, ce régime n’a été utilisé que pour 15 % des importations des produits concernés en provenance de Chine enregistrées sur le territoire de l’ensemble des États membres. Selon l’OLAF, une telle disparité confirmait le déplacement vers le Royaume-Uni d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres.

85

Toujours selon ce rapport, le Royaume-Uni n’a pas appliqué de profils de risque fondés sur les PMA, contrairement aux recommandations de l’OLAF, et n’a pas effectué de contrôles douaniers appropriés à l’importation, si ce n’est au cours d’une période d’un mois, lors de l’ODC Snake, à savoir au cours de la période allant du 17 février au 17 mars 2014.

86

En conséquence, selon ledit rapport, le Royaume-Uni a mis en libre pratique, sans procéder à des contrôles douaniers appropriés, les produits concernés en provenance de Chine ayant fait l’objet de la fraude à la sous-évaluation en cause, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’ont pas été perçus ni mis à la disposition de la Commission.

87

Dans son rapport, l’OLAF a calculé les montants des pertes de ressources propres traditionnelles qui en découleraient pour la période allant de 2013 à 2016. Il a fixé à 1987429507,96 d’euros le montant total de ces pertes et a ventilé ce montant comme suit :

325230822,55 d’euros en ce qui concerne l’année 2013 ;

480098912,45 d’euros en ce qui concerne l’année 2014 ;

535290329,16 d’euros en ce qui concerne l’année 2015 ;

646809443,80 d’euros en ce qui concerne l’année 2016.

88

Les montants desdites pertes ont été calculés en déterminant, pour chaque code produit concerné de la NC, la quantité en kilogramme des marchandises ayant fait l’objet des importations concernées, considérées comme étant sous-évaluées, à savoir les marchandises déclarées à une valeur inférieure au PMA concerné, puis en appliquant le taux du droit de douane en vigueur au résultat de la différence entre la valeur ainsi déclarée et le PMC du code produit concerné.

89

Enfin, dans son rapport, l’OLAF a recommandé au HMRC de prendre toutes les mesures appropriées afin de recouvrer les droits de douane éludés à hauteur d’un montant de 1987429507,96 d’euros et d’appliquer des indicateurs de risque d’une sous-évaluation douanière.

90

Dans le cadre de la mise en œuvre du règlement no 608/2014, des agents de la Commission ont effectué, entre le mois de novembre 2016 et le mois d’octobre 2018, cinq inspections au Royaume-Uni portant, notamment, sur la fraude à la sous-évaluation en cause.

91

Lors de la mission d’inspection 16-11-1, qui a eu lieu entre le 14 et le 18 novembre 2016, la Commission, ayant constaté que les montants de droits de douane qui avaient été retirés de la comptabilité séparée prévue à l’article 6, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 609/2014, couramment désignée comme étant la « comptabilité B » (ci-après la « comptabilité B »), correspondaient aux dettes supplémentaires initialement réclamées par l’émission des 24 avis C 18 Snake postérieurement annulés, a invité les autorités du Royaume‑Uni à déterminer les valeurs en douane correspondant à toutes les déclarations en douane concernées, à recalculer les droits additionnels dus sur ces valeurs, à inscrire les dettes correspondantes dans la comptabilité B et à recouvrer les montants concernés dans les meilleurs délais. Elle a également demandé à ces autorités de lui fournir l’avis du service juridique du HMRC qui, selon ces autorités, avait motivé l’annulation de ces avis.

92

La Commission a également demandé auxdites autorités si elles appliquaient l’outil des PMA mis au point par l’OLAF afin de détecter les importations présentant un risque important de sous-évaluation, si elles effectuaient des contrôles physiques lors du dédouanement des marchandises concernées et si elles demandaient systématiquement la constitution d’une garantie couvrant les droits susceptibles d’être exigés, conformément à l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application.

93

Lors de la mission d’inspection 17-11-1, qui a eu lieu entre le 8 et le 12 mai 2017, la Commission a sélectionné, aux fins d’une vérification sur place, douze déclarations en douane présentées au cours du premier trimestre 2017 et comportant des valeurs particulièrement faibles. L’examen de ces déclarations a confirmé que les douze lots correspondants avaient été mis en libre pratique dans l’Union sans contrôle et sans constitution de garantie. Les autorités du Royaume‑Uni ont admis qu’elles n’avaient pas mis en place les mesures demandées par l’OLAF à la suite de l’ODC Snake en 2014, puis dans le rapport établi au terme de la mission d’inspection 16-11-1. Elles ont expliqué que cela était principalement dû à l’avis de leur service juridique selon lequel aucune méthode d’évaluation acceptable n’était disponible. Toutefois, les importations concernées feraient l’objet d’un examen par le groupe d’action établi dans le cadre de l’opération Breach. La Commission a, à nouveau, demandé à ces autorités de lui fournir une copie de l’avis du service juridique du HMRC qui, selon ces dernières, avait motivé l’annulation des avis C 18 Snake.

94

Lors de la mission d’inspection 17-11-2, qui a eu lieu entre le 13 et le 17 novembre 2017, cinq déclarations en douane d’une valeur particulièrement faible et concernant des importateurs déjà identifiés dans le cadre de l’ODC Snake comme étant des fraudeurs potentiels ont été examinées sur le fondement de l’un des avis C 18 Snake, pour une dette douanière d’un montant total de 62003025,23 GBP (environ 72834954 euros). Toutefois, en l’absence du détail des calculs de cette dette, il s’est avéré impossible d’établir un lien entre cette dernière et les déclarations en douane concernées, ce qui, selon le HMRC, justifiait l’annulation de ladite dette. En outre, les agents de la Commission ayant, à nouveau, demandé que les autorités du Royaume-Uni lui fournissent une copie de l’avis du service juridique du HMRC motivant l’annulation de ces avis, celles‑ci ont refusé d’accéder à cette demande au motif que ce document était confidentiel et soumis à la protection des communications entre un avocat et son client.

95

Lors de cette mission, les autorités du Royaume-Uni ont informé les agents de la Commission du lancement par le HMRC de l’opération dénommée « Swift Arrow », le 12 octobre 2017.

96

Il a été expliqué que les profils de risque utilisés dans le cadre de cette opération étaient fondés non pas sur les seuils fixés en application de la méthode OLAF‑JRC, mais sur des seuils ou profils de risque nationaux déterminés par le HMRC sur la base des seules importations au Royaume-Uni et que ces seuils ou profils n’étaient appliqués qu’à certains opérateurs préalablement identifiés comme s’adonnant à un commerce illicite et clandestin. Les conteneurs détectés par lesdits seuils ou profils de risque faisaient l’objet de contrôles physiques par les autorités du Royaume-Uni lors du dédouanement des marchandises concernées. Si ces autorités estimaient que la valeur déclarée de ces marchandises n’était pas justifiée, elles exigeaient la constitution d’une garantie avant la mainlevée de ces marchandises.

97

Lors de la mission d’inspection 18-11-1, qui a eu lieu entre le 16 et le 20 avril 2018, 25 déclarations en douane relatives à la période allant du 12 octobre 2017, date du début de l’opération Swift Arrow, au 31 décembre 2017, ont été examinées. Il a été constaté que seuls sept de ces déclarations en douane présentant une valeur extrêmement faible avaient été identifiées par les mêmes seuils ou profils de risque et que les 18 autres conteneurs avaient été mis en libre pratique sans que la valeur en douane concernée soit contestée. Les autorités du Royaume-Uni ont indiqué que, depuis le lancement de l’opération Swift Arrow, les seuils ou profils de risque du HMRC avaient été ajustés afin d’inclure davantage d’opérateurs, de codes de la NC et de points d’entrée, de sorte que, si les importations concernées avaient eu lieu au mois d’avril 2018, ces seuils ou profils de risque auraient permis de détecter onze déclarations supplémentaires.

98

En outre, selon ces autorités, plusieurs des opérateurs sélectionnés ont interrompu leurs importations dès lors qu’ils avaient été inclus dans lesdits seuils ou profils de risque, qu’ils avaient fait l’objet de contrôles douaniers préalablement à la mainlevée des marchandises concernées et qu’ils avaient dû constituer des garanties avant que cette mainlevée ne fût octroyée.

99

Lesdites autorités ont toutefois refusé de communiquer à la Commission le détail de la méthode de calcul utilisée par le HMRC pour déterminer les garanties exigées dans le cadre de l’opération Swift Arrow et pour établir les ordres de recouvrement a posteriori dans ce cadre.

100

Au mois de mai 2018, huit avis C 18 Breach ont été émis et inscrits dans la comptabilité B en ce qui concerne des importations effectuées à partir du 1er mai 2015 et considérées comme étant sous-évaluées, pour un montant total d’environ 25 millions de GBP (environ 30 millions d’euros).

101

Lors de la mission d’inspection 18-11-2, qui a eu lieu entre le 8 et le 12 octobre 2018, les autorités du Royaume-Uni ont maintenu le refus qu’elles avaient déjà opposé lors de la mission d’inspection 18-11-1. En revanche, elles ont confirmé qu’elles avaient constaté, au mois d’avril 2018, des droits additionnels pour sept opérateurs, dont plusieurs avaient déjà été identifiés lors de l’ODC Snake, pour un montant total de 19434197,73 GBP (environ 22829352 euros).

B. La procédure précontentieuse

102

Par les lettres des 24 mars et 28 juillet 2017, la Commission a demandé au Royaume-Uni la suite que ce dernier avait réservée au rapport de l’OLAF. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas reçu d’informations complémentaires concrètes de cet État et que rien ne donnait à penser que celui-ci avait pris les mesures appropriées pour prévenir la fraude à la sous-évaluation en cause. En l’absence d’informations contraires, la Commission a indiqué qu’elle se verrait dans l’obligation de demander audit État de mettre à disposition un montant de ressources propres traditionnelles correspondant aux pertes déterminées par l’OLAF, déduction faite des frais de perception.

103

Dans l’une des trois lettres du 28 juillet 2017, la Commission a également demandé à être informée de la suite que les autorités du Royaume-Uni avaient réservée au rapport de la mission d’inspection 16‑11‑1, réitérant à cet égard sa demande tendant à pouvoir disposer de l’avis du service juridique du HMRC qui avait conduit à l’annulation des 24 avis C18 Snake ainsi que de la liste des écritures ayant trait à chacun des 24 dossiers, y compris le détail des calculs effectués pour constater les dettes douanières correspondantes.

104

Par les lettres des 8 août et 12 octobre 2017, le Royaume-Uni a répondu à ces lettres de la Commission.

105

S’agissant, tout d’abord, du rapport de l’OLAF, le Royaume-Uni a relevé que des mesures avaient été prises pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, telles que le lancement de l’opération Breach. Le droit de l’Union n’imposerait pas de type de contrôle particulier, de sorte qu’il appartiendrait à chaque État membre de décider de la meilleure manière de faire appliquer ce droit. Des mesures de contrôles douaniers préalables à la mainlevée des marchandises concernées, telles que la constitution de garanties, ne seraient en outre pas par nature plus efficaces que des mesures a posteriori, telles que celles appliquées par le Royaume-Uni. La méthode OLAF-JRC ne serait ni fiable ni appropriée selon le Royaume-Uni, en ce qu’elle est fondée, notamment, sur l’application de données établies à l’échelle de l’Union. Cette méthode serait par conséquent critiquable et ce serait la raison pour laquelle le Royaume-Uni a développé sa propre méthode qui ne connaîtrait pas les failles de celle recommandée par l’OLAF.

106

S’agissant, ensuite, de la suite qui avait été réservée au rapport de la mission d’inspection 16-11-1, le Royaume-Uni a indiqué que les 24 avis C 18 Snake avaient été annulés et les montants correspondants retirés de la comptabilité B en raison de l’impossibilité de prouver le montant des valeurs réelles des marchandises importées, mais qu’il serait remédié à cette impossibilité par un groupe d’experts dans le cadre de l’opération Breach.

107

Enfin, le Royaume-Uni a réaffirmé sa position selon laquelle il est impossible de donner suite à la demande de communication du contenu de l’avis du service juridique du HMRC ayant conduit à l’annulation des 24 avis C 18 Snake en invoquant des motifs de confidentialité et de protection du secret professionnel entre un avocat et son client.

108

Le 9 mars 2018, la Commission a adressé au Royaume-Uni une lettre de mise en demeure.

109

Le Royaume-Uni a répondu à la Commission par la lettre du 22 juin 2018. En annexe de cette lettre, cet État membre demandait qu’une version complète du rapport de l’OLAF lui fût transmise, dès lors qu’il ne disposait que d’une version incomplète de ce rapport, et que la Commission lui fournît des réponses à ses questions détaillées relatives à la méthode utilisée pour calculer les montants de ressources propres traditionnelles réclamés.

110

Le 24 septembre 2018, la Commission a adressé un avis motivé au Royaume-Uni (ci-après l’« avis motivé »), dans lequel elle a notamment répondu aux demandes formulées par cet État membre en annexe de sa lettre du 22 juin 2018. Un délai de réponse de deux mois a été imparti à ce dernier dans l’avis motivé.

111

Le 19 décembre 2018, n’ayant pas reçu de réponse du Royaume-Uni à l’avis motivé dans ce délai, la Commission a décidé d’introduire un recours en manquement devant la Cour, cette institution ayant préalablement informé cet État membre, le 18 décembre 2018, de son intention d’adopter une telle décision le lendemain.

112

À la demande des autorités du Royaume-Uni et à la suite de différents échanges informels entre ces autorités et les services de la Commission, une réunion technique entre lesdites autorités et ces services s’est tenue le 9 janvier 2019. Lors de cette réunion technique, une société de conseil a présenté les conclusions d’un rapport dont l’établissement lui avait été demandé par le Royaume-Uni.

113

Le 11 février 2019, le Royaume-Uni a transmis à la Commission sa réponse à l’avis motivé, laquelle comprenait ce rapport en annexe.

114

Le 7 mars 2019, après avoir examiné cette réponse, la Commission a introduit le présent recours en manquement.

III. La procédure devant la Cour

115

Par la décision du président de la Cour du 26 septembre 2019, le Royaume de Belgique, la République d’Estonie, la République hellénique, la République de Lettonie, la République portugaise et la République slovaque (ci-après, pris ensemble, les « États membres intervenants ») ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume-Uni.

116

Par la lettre du 11 avril 2019, le Royaume-Uni a demandé à la Cour d’enjoindre à la Commission de répondre aux questions qu’il lui avait posées dans sa demande de renseignements dite « redéfinie » figurant dans sa lettre du 22 mars précédent, laquelle élargissait celles figurant dans la demande de renseignements qu’il avait adressée à cette institution par la lettre du 22 juin 2018.

117

Par la lettre du 6 juin 2020, le Royaume-Uni a introduit une demande de mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure visant à ce que la Cour enjoigne à la Commission de répondre à une série de questions, dont certaines avaient déjà été posées dans les demandes de renseignements susmentionnées figurant dans les lettres du 22 juin 2018 et du 22 mars 2019.

118

Dans le cadre de l’instruction de l’affaire, la Cour a pris en considération ces demandes du Royaume-Uni aux fins de la formulation des questions pour réponse écrite qu’elle a adressées à la Commission et à cet État par la lettre du 14 octobre 2020. En outre, à la demande de la Cour, les réponses à ces questions ont par la suite fait l’objet d’un débat contradictoire lors de l’audience.

IV. Sur le recours

119

À titre liminaire, il convient de rappeler que, par la décision (UE) 2020/135, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé, au nom de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), cet accord, lequel est joint à cette décision (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait »).

120

Il résulte de l’article 86 dudit accord que la Cour demeure compétente notamment pour connaître de toute procédure introduite contre le Royaume-Uni avant la fin de la période de transition, au sens de l’article 2, sous e), du même accord, lu en combinaison avec l’article 126 de celui-ci, soit avant le 1er janvier 2021 (ci-après la « période de transition »). Le présent recours en manquement ayant été introduit le 7 mars 2019, la Cour demeure par conséquent compétente pour en connaître.

121

Il peut être ajouté que, s’agissant de l’interprétation et de l’application du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union relatives à des exercices financiers jusqu’en 2020, il découle des articles 136 et 160 de l’accord de retrait que la Cour demeure compétente, en vertu de l’article 258 TFUE, après le 31 décembre 2020, et, par conséquent, même au-delà de la période de quatre ans suivant la fin de la période de transition visée à l’article 87, paragraphe 1, de celui-ci qui est prévue pour l’introduction d’un nouveau recours au titre de l’article 258 TFUE portant sur un manquement ayant eu lieu avant la fin de la période de transition.

A. Sur la recevabilité

122

Il convient d’examiner, en premier lieu, l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni pour contester en tout ou en partie la recevabilité du présent recours en manquement.

1.   Sur la violation des droits de la défense du Royaume-Uni au cours de la procédure précontentieuse et dans le cadre de la procédure devant la Cour

a)   Argumentation des parties

123

Le Royaume-Uni soutient que le présent recours en manquement est irrecevable dès lors que ses droits de la défense n’auraient pas été respectés tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour.

124

En premier lieu, les droits de la défense du Royaume-Uni auraient été enfreints dès lors que la Commission n’aurait répondu ni à sa demande de renseignements figurant dans la lettre du 22 juin 2018 ni à sa demande de renseignements dite « redéfinie » figurant dans la lettre du 22 mars 2019, alors qu’il s’agirait d’informations dont le Royaume-Uni avait besoin afin de pouvoir comprendre le manquement qui lui était reproché et d’être en mesure de se défendre.

125

Ainsi, à défaut d’avoir obtenu une réponse à ces demandes de renseignements, le Royaume-Uni n’aurait pas disposé des informations nécessaires afin de pouvoir reconstituer le montant de ressources propres traditionnelles réclamé par la Commission. En outre, même après les explications fournies par la Commission dans le mémoire en réplique en ce qui concerne le calcul de ce montant, des incertitudes subsisteraient, notamment en ce qui concerne la méthode utilisée pour corriger les prix moyens ou le point de savoir si les données non agrégées dont dispose cet État correspondent aux données agrégées quotidiennes utilisées par cette institution dans le cadre dudit calcul. En tout état de cause, à supposer même que ces explications comportent une partie des informations demandées, celles-ci auraient été communiquées tardivement et, partant, en violation tant des droits de la défense dudit État que de l’obligation de coopération loyale incombant à ladite institution.

126

Le Royaume-Uni soutient que ses droits de la défense ont également été violés dès lors que la Commission a refusé de répondre aux demandes de renseignements figurant dans les lettres du 22 juin 2018 et du 22 mars 2019, tendant à obtenir de cette institution des informations relatives aux mesures prises par les autres États membres afin de combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

127

Or, ces informations auraient été nécessaires au Royaume-Uni pour qu’il puisse se défendre à l’encontre des allégations de la Commission selon lesquelles des mesures appropriées avaient été prises dans d’autres États membres et avaient produit des résultats dans la lutte contre cette fraude. Elles auraient été également pertinentes afin, d’une part, de déterminer si les mesures prises par le Royaume-Uni relevaient de sa marge d’appréciation et constituaient dès lors une approche raisonnable pour combattre ladite fraude et, d’autre part, d’invoquer des arguments en ce qui concerne le lien de causalité existant entre le comportement reproché au Royaume-Uni et les pertes de ressources propres traditionnelles alléguées par la Commission.

128

En deuxième lieu, le Royaume-Uni soutient que ses droits de la défense ont été enfreints dès lors que la Commission aurait compromis sa capacité à accéder à toutes les données nécessaires à sa défense en ce que les déclarations en douane antérieures à l’année 2014 ont été détruites, celles-ci n’étant conservées que pendant quatre ans. L’accès à ces données aurait été nécessaire dès lors que la Commission a étendu la période d’infraction au-delà de celle qui est indiquée dans le rapport de l’OLAF en faisant courir celle-ci à partir de l’année 2011. Il s’agirait d’un changement de position de la Commission et d’un élargissement de la cause qui auraient porté atteinte aux droits de la défense du Royaume-Uni.

129

En troisième lieu, le Royaume-Uni fait valoir que la Commission n’a pas respecté ses droits de la défense en ce que celle-ci n’a pas produit de preuves relatives à la nature des marchandises concernées et à l’État membre de destination de ces marchandises.

130

La Commission conteste l’argumentation du Royaume-Uni.

b)   Appréciation de la Cour

131

Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité FUE non seulement pour la protection des droits de l’État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini [arrêt du 19 septembre 2017, Commission/Irlande (Taxe d’immatriculation), C‑552/15, EU:C:2017:698, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée].

132

En outre, il résulte d’une jurisprudence constante relative à l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien qu’elle n’omette de statuer sur un grief (arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Pays-Bas, C‑395/17, EU:C:2019:918, point 52 et jurisprudence citée).

133

La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que cet État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Pays-Bas, C‑395/17, EU:C:2019:918, point 53 et jurisprudence citée).

134

En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du refus de la Commission de fournir au Royaume-Uni certaines informations que ce dernier lui avait demandées par les lettres du 22 juin 2018 et du 22 mars 2019 alors que celles-ci seraient essentielles à sa défense, il y a lieu, tout d’abord, de constater que, aux points 301 à 326 de l’avis motivé, la Commission a répondu de manière appropriée au reproche, formulé dans la lettre du 22 juin 2018, selon lequel la copie de l’annexe 2 du rapport de l’OLAF, telle que cette dernière était jointe à la lettre de mise en demeure, n’était pas complète au motif que plusieurs pages de cette annexe 2 manquaient.

135

La Commission a expliqué, en substance, à ces points de l’avis motivé, que ladite annexe 2 avait été remplacée par l’annexe 7 de ce rapport, laquelle était disponible aux autorités du Royaume-Uni et comportait deux documents techniques dans lesquels étaient exposées des informations détaillées relatives à la méthode OLAF/JRC, méthode que la Commission a également utilisée pour calculer les montants de pertes de ressources propres traditionnelles pour la période d’infraction dont elle a réclamé la mise à sa disposition dans l’avis motivé ainsi que dans la requête.

136

Dans ces conditions, le fait que la copie de l’annexe 2 du rapport de l’OLAF, telle que cette dernière était jointe à la lettre de mise en demeure, n’était pas complète n’a pas compromis la possibilité pour le Royaume-Uni de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission.

137

Ensuite, selon le Royaume-Uni, ses droits de la défense ont été violés dès lors que la Commission a refusé de lui fournir, en réponse à sa demande de renseignements dite « redéfinie » figurant dans la lettre du 22 mars 2019, certaines informations relatives au détail du calcul du PMC et du montant des pertes de ressources propres traditionnelles réclamé dans l’avis motivé ainsi que dans la requête, alors que celles-ci étaient essentielles à sa défense. À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a, en substance, également relevé M. l’avocat général au point 126 de ses conclusions, la Commission a démontré, aux points 132 à 141 du mémoire en réplique, que tant les données utilisées que la méthode appliquée pour effectuer ce calcul ont toujours été connues du Royaume-Uni et que ce dernier a disposé par conséquent à tout moment, tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour, de l’ensemble des éléments nécessaires lui permettant de reconstituer ce montant et, partant, de critiquer ce dernier.

138

Par ailleurs, même si le Royaume-Uni soutient que des incertitudes demeurent en ce qui concerne certains aspects dudit calcul, force est de constater que, tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour, cet État a saisi l’opportunité de critiquer en détail celui-ci ainsi que les données et la méthode OLAF-JRC dont procède le même calcul. Les réponses fournies par cet État aux questions posées par la Cour, notamment celles relatives à l’impact de certains ajustements du calcul du PMC sur les montants des pertes de ressources propres traditionnelles, confirment d’ailleurs que celui-ci a, à tout moment, eu un accès intégral à toutes les bases de données et aux documents techniques utilisés par la Commission pour effectuer ce calcul.

139

Il s’ensuit également que, contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, les informations fournies par la Commission dans le mémoire en réplique ne constituent nullement de nouvelles informations, de sorte qu’il ne saurait être reproché à cette institution d’avoir remédié de manière tardive à un manque d’informations préjudiciable aux droits de la défense de cet État.

140

Il doit en être conclu que, s’agissant des données utilisées et de la méthode appliquée par la Commission pour calculer le PMC et le montant des pertes de ressources propres traditionnelles réclamé par cette institution au Royaume-Uni, ce dernier a disposé, tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour, de tous les éléments factuels nécessaires lui permettant de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission.

141

Enfin, en ce qui concerne le refus de la Commission de fournir au Royaume-Uni, en réponse aux lettres du 22 juin 2018 et du 22 mars 2019, des informations relatives aux mesures prises par les autres États membres pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait justifier l’inexécution des obligations qui lui incombent en vertu des traités par la circonstance que d’autres États membres manqueraient également à leurs obligations. En effet, dans l’ordre juridique de l’Union établi par le traité FUE, la mise en œuvre du droit de l’Union par les États membres ne peut être soumise à une condition de réciprocité. Les articles 258 et 259 TFUE prévoient les voies de recours appropriées pour faire face aux manquements des États membres aux obligations qui découlent du traité FUE (arrêt du 11 juillet 2018, Commission/Belgique, C‑356/15, EU:C:2018:555, point 106 et jurisprudence citée).

142

À cet égard, à supposer même que, comme le Royaume-Uni le prétend, d’autres États membres aient disposé, pendant la période d’infraction ou une partie de celle-ci, d’un dispositif de contrôles douaniers visant à combattre la fraude à la sous-évaluation en cause qui était similaire à certains égards à celui que le Royaume-Uni appliquait à cette époque, une telle circonstance est en soi sans pertinence aux fins de déterminer si le dispositif de cet État était conforme aux dispositions du droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union contre une telle fraude telles que l’article 325 TFUE.

143

Par ailleurs, force est de constater que, ainsi que l’attestent, notamment, les différents documents produits par le Royaume-Uni en annexe de sa lettre du 6 juin 2020, par laquelle cet État demandait à la Cour d’adopter certaines mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure, ledit État avait connaissance des différentes mesures prises, pendant tout ou partie de la période d’infraction, par plusieurs autres États membres pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, notamment celles qui avaient été adoptées en France, ainsi que de l’évaluation par la Commission de ces mesures, notamment en ce qui concerne leur conformité au droit de l’Union, et qu’il a d’ailleurs utilisé ces informations dans ses mémoires pour sa défense. En outre, la Cour a posé des questions pour réponse écrite à la Commission à ce sujet. Les réponses à ces questions ont alors confirmé les informations détaillées dont disposait déjà le Royaume-Uni.

144

S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle ses droits de la défense ont été enfreints dès lors que la Commission a compromis sa capacité à accéder à toutes les données nécessaires à sa défense en ce que les déclarations en douane antérieures à l’année 2014 avaient été détruites, celles-ci n’étant conservées que pendant une période de quatre ans, celle-ci ne saurait non plus être accueillie.

145

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 130 de ses conclusions, il ressort du dossier soumis à la Cour que, s’agissant de la partie de la période d’infraction antérieure à l’année 2014 couverte par le présent recours, infraction qui, ainsi qu’il est relevé au point 455 du présent arrêt, ne porte que sur les dettes douanières constatées dans les ordres de recouvrement a posteriori figurant dans les avis C18 Snake, le Royaume-Uni a produit, en annexe du mémoire en duplique, un tableau desdits avis qu’il a émis en ce qui concerne des importations effectuées au cours de cette partie de la période d’infraction, des copies de ces avis et des tableaux exposant le détail des calculs qu’il a utilisés. Or, ces tableaux font référence aux déclarations en douane concernant ces importations. En outre, le Royaume-Uni ne conteste pas disposer de ces déclarations en douane dès lors qu’elles ont fait l’objet d’ordres de recouvrement a posteriori qui ont été contestés dans le cadre de procédures de réexamen administratives.

146

S’agissant, en troisième lieu, du grief du Royaume-Uni selon lequel la Commission n’a pas respecté ses droits de la défense en ce que celle-ci n’a pas produit de preuves relatives à la nature des marchandises concernées et à l’État membre de destination de ces marchandises, un tel grief concerne non pas la recevabilité du présent recours en manquement, mais le bien-fondé de ce dernier dès lors qu’il porte sur la question de savoir si la Commission, à laquelle il incombe la charge de la preuve des manquements qu’elle allègue, a démontré à suffisance de droit que les moyens qu’elle soulève en matière d’estimation du montant des pertes de ressources propres traditionnelles et de violation des dispositions relatives aux ressources propres provenant de la TVA sont fondés, eu égard notamment à la nature et à la destination desdites marchandises.

147

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la fin de non‑recevoir tirée d’une violation des droits de la défense du Royaume-Uni au cours de la procédure précontentieuse et dans le cadre de la procédure devant la Cour.

2.   Sur l’insuffisance de la base factuelle et juridique du grief tiré d’une violation du droit de l’Union en matière de TVA, en particulier, s’agissant du régime douanier 42

a)   Argumentation des parties

148

Le Royaume-Uni soutient que la Commission n’a pas respecté ses droits de la défense tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour, dès lors que celle-ci a omis de lui fournir dans l’avis motivé et dans la requête suffisamment d’informations relatives à la base factuelle et juridique du manquement allégué au droit de l’Union en matière de TVA ainsi qu’au droit de l’Union en matière de ressources propres provenant de la TVA. Cette omission n’aurait pas permis au Royaume-Uni de comprendre, en particulier, le grief selon lequel il devrait être tenu pour responsable du manque de perception intégrale de la TVA due dans un autre État membre pour des produits importés sur son territoire dans le cadre du régime douanier 42 et, partant, de l’absence de mise à la disposition de cette institution de ressources propres provenant de cette taxe. En l’absence de telles informations, le Royaume-Uni n’aurait pas pu faire utilement valoir ses moyens de défense contre ce grief.

149

La Commission n’aurait, en particulier, soulevé aucun élément démontrant que, en ce que le Royaume-Uni n’aurait pas adopté les mesures appropriées pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, cet État aurait compromis la perception de la TVA par d’autres États membres voire aurait empêché ces derniers de percevoir cette taxe et de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres correspondantes.

150

Ainsi, aucun montant ne serait réclamé au titre de pertes de ressources propres provenant de la TVA qui découleraient du manque de perception de la TVA et aucune information n’aurait été fournie en ce qui concerne les opérateurs concernés, les États membres de destination des marchandises concernées, l’encadrement par ces derniers de ces opérateurs avant et après l’envoi de ces marchandises ou les mesures prises ou non par ces États membres de destination pour percevoir la TVA auprès desdits opérateurs.

151

La Commission conteste l’argumentation du Royaume-Uni.

b)   Appréciation de la Cour

152

Il suffit de relever que l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni porte sur la question de savoir si le grief tiré d’une violation de la directive 2006/112 et des dispositions du droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres provenant de la TVA, visé par les deux premiers alinéas du premier chef de conclusions de la requête, repose sur une base juridique et si la matérialité des faits juridiquement pertinents a été démontrée par la Commission à suffisance de droit dans le cadre de la présente procédure. Or, une telle argumentation concerne le bien-fondé de ce grief et non sa recevabilité.

153

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l’insuffisance de la base factuelle et juridique du grief tiré d’une violation du droit de l’Union en matière de TVA, en particulier, s’agissant du régime douanier 42, doit être écartée.

3.   Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’estoppel et de coopération loyale

a)   Argumentation des parties

154

Le Royaume-Uni soutient que la Commission a violé les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’estoppel et de coopération loyale en revenant sur certaines assurances qu’elle aurait fournies à cet État lorsqu’elle a introduit le présent recours en manquement, dans la mesure où ce recours couvre la période antérieure à la fin du mois de février 2015, de sorte que, dans cette mesure, ledit recours devrait être rejeté.

155

Le Royaume-Uni invoque à cet égard certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions tenues en 2014 et en 2015 avec son administration, en particulier le HMRC, au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

156

Il découlerait de ces déclarations que, jusqu’à la fin du mois de février 2015, ledit État membre pouvait légitimement croire que la Commission et l’OLAF considéraient que son dispositif de contrôles douaniers, caractérisé par le fait qu’il était axé sur des mesures a posteriori, telles que des ordres de recouvrement, et non sur des mesures telles que l’application de seuils de risque avant le dédouanement des marchandises concernées ou la constitution de garanties, était conforme au droit de l’Union et qu’il ne ferait pas par conséquent l’objet d’une procédure en manquement en raison de ce dispositif.

157

Le Royaume-Uni se réfère, en particulier, à trois assurances données par des agents de l’OLAF ou de la Commission au cours de la période d’infraction qui, selon lui, pouvaient fonder une telle confiance légitime.

158

S’agissant, en premier lieu, de la déclaration qui, selon un compte rendu des agents du Royaume-Uni, a été effectuée par un agent de l’OLAF lors d’une réunion tenue le 13 juin 2014, selon laquelle celui-ci se disait « satisfait des progrès réalisés par le Royaume‑Uni, ainsi que des mesures qui avaient déjà été prises à cette date et de celles qui étaient envisagées », cette déclaration constituerait une assurance non équivoque que l’OLAF ne considérait pas que le Royaume‑Uni était en infraction avec les obligations de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude qui lui incombaient.

159

S’agissant, en deuxième lieu, de la déclaration effectuée au mois d’octobre 2014 par un agent de la Commission, informant le Royaume‑Uni que sa participation à l’ACP Discount était « satisfaisante » et que les actions nécessaires au bon déroulement de cette opération « [avaient] été mises en œuvre en temps utile et de manière effective », cette déclaration constituerait une assurance claire et non équivoque que le Royaume‑Uni n’a pas manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union pour ce qui concerne sa participation à ladite opération.

160

S’agissant, en troisième lieu, de la déclaration, effectuée par un agent de l’OLAF lors de la première réunion bilatérale de l’OLAF avec le HMRC, tenue les 19 et 20 février 2015, selon laquelle, aux termes du compte rendu de cette réunion rédigé par les agents du Royaume-Uni, « jusque-là », cet État membre avait « fait ce qu’il fallait faire », cette déclaration constituerait une assurance en ce qui concerne toutes les mesures prises « jusque-là » par ledit État membre et non seulement en ce qui concerne la question de l’émission des avis C 18 Snake.

161

La Commission conteste l’argumentation du Royaume-Uni.

b)   Appréciation de la Cour

162

En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’objectif poursuivi par la procédure prévue à l’article 258 TFUE est la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé et qu’une telle procédure permet aussi de déterminer si un État membre a enfreint le droit de l’Union dans un cas d’espèce (arrêt du 27 mars 2019, Commission/Allemagne, C‑620/16, EU:C:2019:256, point 40 et jurisprudence citée).

163

La Cour a également jugé que les principes de protection de la confiance légitime et de coopération loyale ne sauraient être invoqués par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective du non-respect, par lui, des obligations que lui impose le traité FUE, car l’admission de cette justification irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la procédure prévue à l’article 258 TFUE tenant à une telle constatation objective (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2010, Commission/Pologne, C‑311/09, non publié, EU:C:2010:257, point 18 et jurisprudence citée).

164

Admettre une telle justification irait également à l’encontre non seulement de l’exigence pour l’Union de respecter l’égalité des États membres devant les traités, prévue à l’article 4, paragraphe 2, TUE, mais aussi du principe, consacré par une jurisprudence constante de la Cour, selon lequel la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider de l’opportunité d’agir contre un État membre, pour déterminer les dispositions qu’il aurait violées et pour choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement contre celui-ci, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l’action [arrêt du 19 septembre 2017, Commission/Irlande (Taxe d’immatriculation), C‑552/15, EU:C:2017:698, point 34 et jurisprudence citée].

165

En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en dehors des cas dans lesquels de telles compétences lui sont expressément attribuées, la Commission n’est pas habilitée à donner des garanties concernant la compatibilité avec le droit de l’Union d’un comportement déterminé et que, en aucun cas, elle ne dispose du pouvoir d’autoriser des comportements contraires au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2000, Commission/Allemagne, C‑348/97, EU:C:2000:317, point 45 et jurisprudence citée).

166

Or, force est de constater que, à supposer même que les agents de l’OLAF et de la Commission aient entendu, par les déclarations que le Royaume-Uni invoque et qui sont mentionnées aux points 158 à 160 du présent arrêt, donner des garanties concernant la compatibilité avec le droit de l’Union du dispositif de cet État visant à combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, la Commission ne disposait, à l’époque où ces déclarations ont été effectuées, d’aucune compétence pour donner de telles garanties, de telle sorte que ces agents n’étaient en aucun cas habilités à donner des assurances en ce sens dont ledit État pourrait désormais se prévaloir pour contester la recevabilité du présent recours en manquement.

167

En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En effet, ce droit appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant de telles assurances, a fait naître à son égard des espérances fondées. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence de ces assurances (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 62, ainsi que du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 75 et jurisprudence citée).

168

Or, au vu de la jurisprudence rappelée aux points 162 à 164 du présent arrêt, à supposer même que les déclarations invoquées par le Royaume-Uni aient pu fonder une confiance légitime de ce dernier en ce qui concerne la compatibilité avec le droit de l’Union de son dispositif de contrôles douaniers visant à combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, tel qu’appliqué avant le 1er mars 2015, ces déclarations ne peuvent en aucun cas être invoquées pour faire obstacle à ce que la Commission introduise un recours en manquement, cette institution disposant d’un pouvoir d’appréciation pour décider de l’opportunité d’agir contre un État membre. Ces déclarations ne sauraient pas non plus faire obstacle à la constatation objective par la Cour du non-respect, par cet État membre, des obligations que lui impose le traité FUE, conformément à l’objectif poursuivi par la procédure prévue à l’article 258 TFUE.

169

L’efficacité de la procédure en manquement risquerait par ailleurs d’être gravement compromise s’il était permis à un État membre d’invoquer une confiance légitime dans la légalité de son action, née de quelques déclarations émises par des agents de la Commission, pour se soustraire à une telle procédure. En effet, ainsi que la Commission le fait observer à bon droit, les États membres ne sauraient s’affranchir, dans un système dans lequel ils sont responsables de la mise en œuvre appropriée de la réglementation douanière de l’Union sur leur territoire, de la responsabilité d’une violation du droit de l’Union qu’ils pourraient avoir commise, au seul motif que l’OLAF ou la Commission ne leur aurait pas reproché cette violation à un moment donné.

170

Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 151 de ses conclusions, si le Royaume-Uni invoque, outre une violation du principe de protection de la confiance légitime, une violation des principes de sécurité juridique, d’estoppel et de coopération loyale, cet État ne développe aucune argumentation spécifique relative à ces derniers principes, de telle sorte que l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni à cet égard doit être écartée.

171

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir tirée de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’estoppel et de coopération loyale.

4.   Sur l’incompétence de la Cour, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, pour connaître d’une demande de la Commission visant à enjoindre à un État membre de mettre à disposition un montant de ressources propres déterminé

a)   Argumentation des parties

172

Le Royaume-Uni excipe de l’irrecevabilité du troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête par lequel la Commission demande de « mettre à la disposition du budget de l’Union » des montants déterminés de ressources propres traditionnelles pour chacune des sept années de la période d’infraction, soit environ 2,7 milliards d’euros au total, dès lors que, en premier lieu, selon les arrêts du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C‑104/02, EU:C:2005:219, points 48 à 51), et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne (C‑105/02, EU:C:2006:637, points 43 à 45), dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, la Cour ne peut enjoindre à un État membre d’inscrire au compte ouvert à cet effet au nom de la Commission des montants déterminés de ressources propres qui seraient non acquittées en raison de manquements reprochés à cet État membre.

173

Le Royaume-Uni conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle elle aurait soigneusement « structuré » les conclusions de la requête de manière à éviter l’erreur commise dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point précédent et sanctionnée par la Cour dans ces arrêts par le rejet des conclusions concernées comme étant irrecevables. Il s’agirait d’un « artifice » destiné à contourner l’incompétence de la Cour dès lors que la Commission viserait en réalité à obtenir le même résultat que celui qui avait été recherché dans ces affaires.

174

En outre, la démarche de la Commission priverait le Royaume‑Uni de la possibilité qui lui est offerte à l’article 260 TFUE de remédier à toute violation constatée en vertu de l’article 258 TFUE et ne respecterait pas, par conséquent, les compétences respectives de cette institution, de la Cour et des États membres en vertu des traités.

175

La présente affaire se distinguerait par ailleurs de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683). Si, par cet arrêt, la Cour a fait droit à une requête visant à faire constater que l’État membre concerné avait manqué aux obligations qui lui incombaient en refusant de mettre à disposition des ressources propres d’un montant déterminé, il y aurait lieu de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, ainsi qu’il ressort du point 56 de ce dernier, ni l’existence d’une dette douanière ni le montant des pertes de ressources propres n’étaient contestés.

176

Serait également pertinent dans ce contexte l’arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Royaume-Uni (C‑391/17, EU:C:2019:919), dès lors que les points 118 et 119 de cet arrêt suggéreraient que, si la Commission présente une demande visant à déterminer une perte de ressources propres spécifiquement quantifiée, cette institution doit prouver chaque élément de sa demande pour chaque importation qui serait à l’origine d’une telle perte ainsi que le lien de causalité existant entre chacun de ces éléments et cette perte.

177

En second lieu, le Royaume-Uni soutient que le présent recours vise en réalité à obtenir la réparation d’un dommage subi et est, partant, irrecevable en ce que la Commission demande à la Cour de statuer sur certains montants spécifiques que le Royaume-Uni aurait dû mettre à la disposition de la Commission. À supposer même que la Cour juge qu’un tel recours est recevable, cet État considère qu’il incombe à la Commission de prouver que toutes les conditions d’engagement de la responsabilité de cet État sont satisfaites, à savoir un acte illégal, un préjudice spécifique chiffré et un lien de causalité direct entre cet acte et ce préjudice.

178

À titre subsidiaire, le Royaume-Uni soutient que la requête est irrecevable dès lors que la Commission confond les trois étapes qui doivent être suivies aux fins de déterminer le montant des pertes de ressources propres. En effet, dans un premier temps, la Commission aurait été tenue d’apporter la preuve du manquement du Royaume-Uni aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union, d’un lien de causalité entre ce manquement et le montant déterminé qu’elle réclame ainsi que de la recevabilité de sa demande de mise à disposition d’un montant déterminé. Dans un deuxième temps, si la Commission était en mesure de fournir ces trois preuves, la Cour devrait d’abord examiner l’évaluation par le Royaume-Uni des ressources propres supplémentaires dues. Ce ne serait que si cette évaluation était écartée comme étant manifestement déraisonnable que la Cour pourrait examiner, dans un troisième temps, l’estimation des pertes invoquée par la Commission.

179

La Commission conteste l’argumentation du Royaume-Uni.

b)   Appréciation de la Cour

180

S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation tirée par le Royaume-Uni des arrêts du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C‑104/02, EU:C:2005:219), et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne (C‑105/02, EU:C:2006:637), il y a lieu de rappeler que, dans un recours en manquement, la Commission ne saurait demander à la Cour autre chose que la constatation de l’existence du manquement allégué en vue de la cessation de celui-ci. Ainsi, la Commission ne saurait, par exemple, demander à la Cour, dans le cadre d’un tel recours, d’enjoindre à un État membre d’adopter un comportement particulier en vue de se conformer au droit de l’Union [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 56 ainsi que jurisprudence citée].

181

Ainsi, la Cour a rejeté comme étant irrecevables des requêtes introduites au titre de l’article 258 TFUE par lesquelles la Commission lui demandait d’enjoindre à un État membre de procéder à certains paiements s’il était établi que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union, au motif essentiel que ces requêtes visaient non pas à ce que la Cour constate que ledit État membre avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union, mais à ce que la Cour ordonne au même État membre de prendre des mesures déterminées en vue de se conformer au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Commission/Allemagne, C‑104/02, EU:C:2005:219, points 48 à 51, et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne, C‑105/02, EU:C:2006:637, points 43 à 45 ainsi que jurisprudence citée).

182

Or, en l’espèce, si le troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête comporte l’expression « [l]es pertes de ressources propres traditionnelles correspondantes à mettre à la disposition du budget de l’Union », il ne saurait être regardé comme constituant une demande visant à ce que la Cour enjoigne au Royaume-Uni de verser les montants de ces ressources précisés à ce troisième alinéa. Au contraire, ce dernier constitue une demande visant à la constatation par la Cour d’un manquement à des obligations incombant à cet État.

183

En effet, cette demande pécuniaire doit être comprise non pas de manière isolée, mais au regard de la demande plus générale et non quantifiée figurant au premier alinéa du premier chef de conclusions de la requête, invitant la Cour à constater que, « en n’ayant pas mis à disposition le montant correct des ressources propres traditionnelles [...] relatives [aux importations concernées] », le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de certaines dispositions du droit de l’Union en matière de ressources propres.

184

Il s’ensuit que le troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête comporte une demande visant à ce que la Cour constate que, en n’ayant pas mis à disposition des montants de ressources propres traditionnelles déterminés pour chaque année incluse dans la période d’infraction, le Royaume-Uni n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union.

185

Or, la recevabilité d’une telle demande est incontestable, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour dans le domaine des ressources propres, dans le cadre de laquelle étaient également en cause des demandes de cette nature [voir, notamment, arrêts du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, points 30 à 34 ; du 3 avril 2014, Commission/Royaume-Uni, C‑60/13, non publié, EU:C:2014:219, points 37 à 62, et du 11 juillet 2019, Commission/Italie (Ressources propres – Recouvrement d’une dette douanière), C‑304/18, non publié, EU:C:2019:601, points 48 à 77].

186

Contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, cette jurisprudence ne saurait être comprise en ce sens qu’une telle demande, en ce qu’elle implique la constatation d’un manquement consistant en l’absence de mise à disposition d’un montant déterminé de ressources propres, ne serait recevable que lorsque ce montant n’est pas contesté par l’État membre concerné.

187

En effet, la Cour a fait droit à une demande de la Commission tendant à ce que soit constatée une violation du droit de l’Union, au motif qu’un montant déterminé de ressources propres n’avait pas été mis à disposition, alors même que l’État membre concerné contestait l’existence même d’un droit de l’Union sur ce montant [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Commission/Italie (Ressources propres – Recouvrement d’une dette douanière), C‑304/18, non publié, EU:C:2019:601, points 48 à 77].

188

De manière plus fondamentale, il ressort de la jurisprudence que la faculté pour la Commission de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, un différend l’opposant à un État membre quant à l’obligation de celui-ci de mettre un certain montant de ressources propres de l’Union à la disposition de cette institution est inhérente au système de ces ressources propres, tel qu’il est actuellement conçu dans le droit de l’Union (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 68).

189

Le contentieux en matière de ressources propres trouve en effet précisément sa source dans le fait que l’État membre concerné conteste devoir mettre à disposition les montants demandés par la Commission. Dans le cadre d’un recours en manquement relatif aux ressources propres, il est par conséquent tout à fait naturel que des obligations pécuniaires soient en jeu et le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la méconnaissance de ces obligations soit soulevée dans le cadre du manquement allégué. Dans le cadre d’une telle procédure, il incombe à la Commission de démontrer à suffisance de droit, dans le cadre d’un débat contradictoire dans lequel l’État membre peut faire valoir ses moyens, l’exactitude des montants de ressources propres qu’elle estime être dus.

190

En outre, contrairement à ce que fait valoir le Royaume-Uni, la faculté pour la Commission de demander à la Cour de constater qu’un montant déterminé de ressources propres traditionnelles est dû ne saurait être exclue au motif qu’une telle démarche priverait cet État de la possibilité qui lui est offerte à l’article 260 TFUE de remédier à toute violation constatée en vertu de l’article 258 TFUE et ne respecterait par conséquent pas les compétences respectives de cette institution, de la Cour et des États membres en vertu des traités.

191

En effet, s’il est loisible à la Commission de s’abstenir de formuler une telle demande pécuniaire en se limitant à demander que la Cour constate, de manière générale, le manquement consistant à ne pas avoir prélevé des ressources propres, sans déterminer le montant de ces dernières, comme elle l’a, notamment, fait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Royaume-Uni (C‑391/17, EU:C:2019:919), rien n’empêche que cette institution demande dans les conclusions de la requête la constatation d’une violation du droit de l’Union tenant à l’absence de mise à disposition d’un montant déterminé de ressources propres, dès lors que ladite institution estime que ce montant est dû et qu’elle est en mesure de démontrer l’exactitude de celui-ci.

192

S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle le présent recours vise en réalité à obtenir la réparation d’un dommage subi et est, partant, irrecevable en ce que la Commission demande à la Cour de statuer sur certains montants spécifiques que le Royaume-Uni aurait dû mettre à la disposition de la Commission, il découle de ce qui précède que, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, la recevabilité d’une demande telle que celle figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête ne saurait être mise en cause.

193

À cet égard, il y a également lieu de rappeler que la Cour a jugé qu’un recours par lequel la Commission reproche à un État membre de ne pas avoir mis à disposition un certain montant de ressources propres et les intérêts de retard correspondants en violation du droit de l’Union ne constitue pas un recours en réparation non prévu par les traités, dès lors que, par un tel recours, cette institution demande à la Cour de constater que l’État membre concerné a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du droit de l’Union et non pas de condamner cet État membre à payer des dommages et intérêts (arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, points 31 à 34).

194

Partant, c’est bel et bien dans le cadre d’une procédure en manquement, et non d’une procédure visant à obtenir des dommages-intérêts, que la demande en cause s’inscrit, quand bien même cette dernière est de nature pécuniaire.

195

Il s’ensuit que, contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, si la Commission est tenue de démontrer le manquement que vise à faire constater cette demande, cette institution ne doit pas prouver l’existence d’un préjudice ni celle d’un lien de causalité entre ce manquement et ce préjudice.

196

S’agissant, en troisième lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni invoquée à titre subsidiaire et tirée de ce que la requête est irrecevable dès lors que la Commission confond les trois étapes qui, ainsi qu’il a été exposé au point 178 du présent arrêt, devraient être suivies aux fins de déterminer le montant des pertes de ressources propres, il suffit de constater que cette argumentation a trait au bien-fondé du présent recours, en particulier, au bien-fondé des premier et deuxième griefs que la Commission soulève, et non à sa recevabilité.

197

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’écarter la fin de non-recevoir tirée par le Royaume-Uni de l’incompétence de Cour.

5.   Sur le caractère prématuré et l’irrecevabilité de la requête en ce qui concerne la période allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus en raison de l’émission des avis C 18 Breach portant sur cette période

a)   Argumentation des parties

198

Le Royaume-Uni soutient que, s’agissant de la partie de la période d’infraction allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus, la demande de mise à disposition de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête est « prématurée et irrecevable » et, à titre subsidiaire, que cette demande doit être rejetée au motif que la Commission n’aurait pas été en mesure de prouver son allégation relative à l’existence de pertes de ressources propres à la date à laquelle le délai pour se conformer à l’avis motivé avait expiré.

199

En effet, alors que la Commission avait connaissance, dès le mois de mai 2018, des huit avis C 18 Breach émis et inscrits dans la comptabilité B au cours de ce mois et portant sur des importations considérées comme étant sous-évaluées et effectuées à partir du 1er mai 2015, pour un montant d’environ 25 millions de GBP, elle n’aurait contesté ces avis ni dans l’avis motivé ni dans la requête et n’aurait pas non plus déduit ce montant des pertes de ressources propres traditionnelles visées au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête.

200

Ainsi, la Commission n’aurait pas tenu compte des montants qui auraient pu être recouvrés à la suite de l’émission des avis C 18 Breach ni du fait que le Royaume-Uni pourrait s’affranchir de son obligation de recouvrement en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 609/2014 si les droits constatés et repris dans la comptabilité B s’avéraient finalement irrécouvrables.

201

La Commission conteste l’argumentation du Royaume-Uni.

b)   Appréciation de la Cour

202

L’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle, s’agissant de la partie de la période d’infraction allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus, la demande de mise à disposition de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête est « prématurée et irrecevable » dès lors qu’elle ne prend pas en compte les huit avis C 18 Breach émis au mois de mai 2018 et portant sur des importations sous-évaluées effectuées au cours de cette partie de la période d’infraction ne saurait prospérer.

203

En effet, ainsi qu’il est rappelé au point 164 du présent arrêt, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider de l’opportunité d’agir contre un État membre, pour déterminer les dispositions qu’il aurait violées et pour choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement contre celui-ci, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l’action [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 75 ainsi que jurisprudence citée].

204

Dans la mesure où, par cette argumentation, le Royaume-Uni conteste la demande de mise à disposition de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour ce qui concerne la partie de la période d’infraction allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus, au motif que la Commission n’aurait pas été en mesure de prouver son allégation relative à l’existence des pertes de ressources propres à la date à laquelle le délai pour se conformer à l’avis motivé a expiré, ladite argumentation vise à contester non pas la recevabilité du recours, mais le bien-fondé de ce dernier.

205

Par conséquent, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir tirée du caractère prématuré et de l’irrecevabilité de la requête en ce qui concerne la période allant du 1er mai 2015 au 11 octobre 2017 inclus en raison de l’émission des avis C 18 Breach portant sur cette période et, partant, l’ensemble des fins de non‑recevoir opposées par le Royaume-Uni.

B. Sur le fond

1.   Sur le manquement aux obligations en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations découlant du droit douanier de l’Union

206

Par le premier moyen, qui porte sur les griefs figurant au deuxième alinéa du premier chef de conclusions de la requête, à l’exception de celui tiré d’une violation de la réglementation de l’Union en matière de TVA, en particulier de certaines dispositions de la directive 2006/112, la Commission fait valoir que, pendant la période d’infraction, malgré les avertissements et demandes répétés de la Commission et de l’OLAF relatifs au risque de fraude à la sous-évaluation que présentaient les importations concernées, le Royaume-Uni n’a pas pris de mesures fondées sur le risque protégeant les intérêts financiers de l’Union. L’absence d’adoption de ces mesures constituerait un manquement tant aux obligations générales incombant aux États membres en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude, en vertu de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE qu’aux obligations spécifiques imposées aux États membres en vertu de la réglementation douanière de l’Union, tout d’abord, de prendre des mesures protégeant les intérêts financiers de l’Union en vertu de l’article 3 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, ensuite, d’effectuer des contrôles douaniers sur la base d’une analyse de risque en vertu de l’article 13 du code des douanes communautaire et de l’article 46 du code des douanes de l’Union et, enfin, d’exiger la constitution de garanties en vertu de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution.

207

Par ailleurs, dès lors qu’il porte sur un manquement allégué au droit douanier de l’Union, il y a lieu également d’examiner, dans le cadre du premier moyen, le grief visé au premier alinéa du premier chef de conclusions de la requête, selon lequel, pendant la période d’infraction, le Royaume-Uni s’est livré à une violation continue de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, en ce que, s’agissant des importations concernées, cet État n’a pas « pris en compte », au sens de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 104 du code des douanes de l’Union, les dettes douanières restant à recouvrer dès que ses autorités douanières se sont aperçues de la situation ayant conduit à la constatation de ces dettes.

a)   Sur la violation de l’article 310, paragraphe 6, TFUE et de l’article 325 TFUE

1) Sur les obligations imposées aux États membres en vertu de l’article 325 TFUE

208

S’agissant, en premier lieu, du manquement reproché au Royaume-Uni de ne pas avoir respecté les obligations qui lui incombaient en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude en vertu de l’article 310, paragraphe 6, TFUE et de l’article 325 TFUE, il y a lieu, à titre liminaire, d’indiquer que celui-ci doit être examiné au regard du seul article 325 TFUE, dès lors que, ainsi que M. l’avocat général l’a également observé, en substance, au point 170 de ses conclusions, l’article 310, paragraphe 6, TFUE opère un simple renvoi à l’article 325 TFUE et n’impose pas d’obligations autres que celles prévues par ce dernier. En effet, l’article 310, paragraphe 6, TFUE se limite à prévoir que « [l]’Union et les États membres, conformément à l’article 325 [TFUE], combattent la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ».

209

L’article 325, paragraphe 1, TFUE impose aux États membres de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives (arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

210

Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/335, dont le contenu est en substance identique à celui de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, les ressources propres de l’Union comprennent notamment les droits du tarif douanier commun. Partant, un lien direct existe entre la perception des recettes provenant de ces droits et la mise à disposition des ressources correspondantes. Toute défaillance dans la perception de ces recettes est potentiellement à l’origine d’une réduction de ces ressources (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

211

Ainsi, afin d’assurer la protection des intérêts financiers de l’Union conformément à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires afin de garantir le prélèvement effectif et intégral des droits de douane, ce qui exige que les contrôles douaniers puissent être dûment réalisés (arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 52).

212

Il découle ainsi des obligations qui leur sont imposées à l’article 325, paragraphe 1, TFUE que les États membres doivent prévoir, à cette fin, l’application non seulement de sanctions adéquates, mais également de mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives afin de combattre de manière appropriée les infractions à la réglementation douanière de l’Union dès lors que celles-ci sont susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et, partant, risquent de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 53).

213

Certes, conformément à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, afin de garantir le prélèvement effectif et intégral des recettes affectées aux ressources propres de l’Union et, notamment, celles que constituent les droits du tarif douanier commun, les États membres disposent d’une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures devant être prises en ce qui concerne, notamment, la manière d’utiliser les moyens dont ils disposent. Toutefois, cette latitude ou cette liberté de choix est limitée, outre par les principes de proportionnalité et d’équivalence, par le principe d’effectivité, lequel impose que les mesures prises soient efficaces et dissuasives, sous réserve toutefois du respect nécessaire des droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206, points 20 et 21 ; du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, points 33 à 36, et du 17 janvier 2019, Dzivev e.a., C‑310/16, EU:C:2019:30, points 27, 30 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

214

À cet égard, il importe de souligner que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 325, paragraphe 1, TFUE établit des obligations de résultat précises à la charge des États membres qui ne sont assorties d’aucune condition quant à l’application des règles qu’il énonce (arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

215

Eu égard aux considérations qui précèdent et contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, il ne découle ainsi pas de la jurisprudence de la Cour que les États membres disposeraient, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures prises pour combattre une fraude susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, de sorte que seules les mesures manifestement inappropriées au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce pourraient être sanctionnées au titre de cette disposition.

216

Cette jurisprudence ne peut en outre, contrairement à ce que le Royaume-Uni fait valoir, fonder la thèse selon laquelle l’obligation de garantir un prélèvement effectif et intégral des ressources propres exige de déployer non pas des efforts intenses pour contrôler et recouvrer les taxes concourant à ces ressources, mais simplement des efforts raisonnables, ni celle selon laquelle les États membres ne sont tenus que de faire preuve de diligence dans le prélèvement desdites ressources. Au contraire, selon les termes mêmes de cette jurisprudence, l’article 325, paragraphe 1, TFUE impose des « obligations de résultat précises » à la charge des États membres et non pas seulement des obligations de moyen.

217

Contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, il ne résulte pas davantage de la jurisprudence de la Cour qu’un État membre ne saurait se voir reprocher un manquement aux obligations imposées à l’article 325, paragraphe 1, TFUE que dans des situations dans lesquelles la Commission démontre que la mesure nationale en cause implique qu’existe un « risque évident et majeur d’impunité » ou que celle-ci aboutit à une « absence de sanction » (conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M.A. S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:564, point 83), ou encore que lorsqu’est en cause une « négligence » ou un comportement « arbitraire » de l’État membre concerné (arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, EU:C:1991:213, point 37 ; du 15 juin 2000, Commission/Allemagne, C‑348/97, EU:C:2000:317, point 64, et du 18 octobre 2007, Commission/Danemark, C‑19/05, EU:C:2007:606, points 18 et 35).

218

En effet, si, dans sa jurisprudence, la Cour a, dans de telles situations bien particulières, conclu à une violation du droit de l’Union et, notamment, de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, il ne découle nullement de cette jurisprudence que le champ d’application de cette disposition serait limité à de telles situations, et ce d’autant moins que les affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence concernaient des sanctions et des procédures relatives à ces sanctions et, par conséquent, des mesures foncièrement différentes de celles des contrôles douaniers en cause dans la présente procédure.

219

Il ressort en outre d’une jurisprudence constante de la Cour relative aux exigences que l’article 325, paragraphe 1, TFUE impose, s’agissant des sanctions visant à réprimer les infractions à la réglementation douanière de l’Union, que, si les États membres disposent à cet égard d’une liberté de choix en ce qui concerne les sanctions applicables, lesquelles peuvent prendre la forme de sanctions administratives, de sanctions pénales ou d’une combinaison des deux, ils doivent toutefois veiller à ce que les cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union en matière douanière soient passibles de sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif (arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

220

Il en découle que la nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences que l’article 325, paragraphe 1, TFUE leur impose en matière de lutte contre la fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

2) Sur la violation des obligations imposées à l’article 325 TFUE

i) Observations liminaires

221

Avant d’examiner le manquement à l’article 325 TFUE que la Commission reproche spécifiquement au Royaume-Uni, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission, qui a la charge d’établir l’existence du manquement allégué, d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 124 ainsi que jurisprudence citée].

222

Il s’ensuit que, en l’espèce, il incombe à la Commission de démontrer à suffisance de droit que les mesures que le Royaume-Uni a adoptées, au cours de la période d’infraction, pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause ne garantissaient pas un prélèvement effectif et intégral des recettes affectées aux ressources propres de l’Union que constituent les droits du tarif douanier commun, en violation du principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

223

À cet égard, la Commission soutient, essentiellement, que, compte tenu des caractéristiques de la fraude à la sous-évaluation en cause, connues du Royaume-Uni tout au long de la période d’infraction, les seules mesures de contrôles douaniers permettant de lutter contre cette fraude et de protéger dûment les intérêts financiers de l’Union en conformité avec le principe d’effectivité posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE étaient celles qu’elle avait recommandées avec l’OLAF, également tout au long de la période d’infraction, à savoir, en substance, un dispositif de contrôles douaniers appliqué préalablement au dédouanement des marchandises concernées et fondé sur une analyse de risque.

224

La Commission fait valoir que, dès lors que le Royaume-Uni a axé son dispositif de lutte contre la fraude à la sous-évaluation en cause sur des mesures douanières appliquées après le dédouanement des marchandises concernées telles que des ordres de recouvrement a posteriori de droits de douane, il n’a pas pris les mesures que le principe d’effectivité posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE imposait.

ii) Rappel des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause

225

Avant d’examiner ce grief, il convient de rappeler les caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause telles qu’elles ressortent, notamment, du rapport de l’OLAF et qui sont du reste non contestées entre les parties.

226

Il s’agissait d’une fraude relativement peu sophistiquée impliquant des valeurs en douane déclarées à des niveaux extrêmement bas par des entreprises dites « phénix » ou « coquilles », à savoir des entreprises constituées à la seule fin de commettre cette fraude, dotées de ressources extrêmement réduites et mises en liquidation ou disparaissant dès que l’exactitude des valeurs déclarées était mise en doute par les autorités douanières, ce qui rendait ainsi tout recouvrement a posteriori de droits de douane improbable voire pratiquement impossible dans la très grande majorité des cas.

227

Ladite fraude était organisée par des groupes criminels qui agissaient en réseau et utilisaient ces entreprises pour la mettre en œuvre. Il s’agissait d’une fraude mobile et très réactive en ce sens que ce commerce illicite et clandestin était rapidement déplacé vers un autre point d’entrée du territoire douanier de l’Union dès que des contrôles douaniers étaient annoncés ou que des signaux en ce sens étaient interceptés par ces groupes.

228

La même fraude impliquait de très grands volumes de produits, ce qui la rendait plus ou moins profitable, y compris pour lesdites entreprises, selon le niveau des droits éludés. Elle était mise en œuvre à grande échelle et affectait toute l’Union, bien que tous les États membres n’aient pas été touchés dans la même mesure, dès lors qu’elle avait tendance à se déplacer vers les États membres ayant des dispositifs de contrôles douaniers moins stricts, de telle sorte que ceux-ci pouvaient être considérés comme étant les maillons les plus faibles du territoire douanier de l’Union à cet égard. En pratique, les produits concernés par la fraude à la sous-évaluation en cause étaient, dans la très grande majorité des cas, importés au Royaume-Uni dans le cadre du régime douanier 42, impliquant que ces produits étaient, dès l’origine, destinés à d’autres États membres, telles la République française ou la République italienne, et que la TVA devait être payée dans ces autres États membres, ce qui n’était toutefois, en règle générale, pas le cas, puisque les marchandises concernées étaient typiquement destinées à un commerce illicite et clandestin sur le territoire desdits autres États membres.

iii) Sur la connaissance par le Royaume-Uni, dès le début de la période d’infraction, des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous‑évaluation en cause et des mesures efficaces pour combattre cette dernière

229

Si, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 185 de ses conclusions, le Royaume-Uni a admis, à plusieurs reprises et tant au cours de la procédure précontentieuse que dans le cadre de la procédure devant la Cour, qu’une fraude à la sous-évaluation avait eu lieu sur son territoire pendant la période d’infraction, tout en ajoutant qu’il en était la victime, cet État soutient avoir pris les mesures qui pouvaient raisonnablement être attendues de lui pour lutter contre celle-ci compte tenu des connaissances limitées que ledit État avait, à l’époque où ces mesures avaient été prises, tant de la nature et de l’ampleur de cette fraude que des mesures efficaces pour combattre celle-ci.

230

Le Royaume-Uni soutient que ce n’est au plus tôt qu’à la fin de l’année 2014, à la suite de l’ODC Snake, que l’OLAF et certains États membres concernés ont commencé à appréhender correctement les agissements frauduleux auxquels ils devaient faire face et que ce n’est qu’à la suite du message d’assistance mutuelle 2015/013 que cet État a eu une connaissance suffisante de la fraude à la sous-évaluation en cause et des mesures spécifiques nécessaires pour combattre cette dernière.

231

Or, il ressort du dossier soumis à la Cour que l’ensemble des États membres, y compris, à l’époque, le Royaume-Uni, avaient, à tout le moins dès le début de la période d’infraction, une connaissance suffisante des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause et des contre-mesures nécessaires pour combattre efficacement celle-ci que l’OLAF et la Commission leur recommandaient de prendre.

232

En effet, dans le message d’assistance mutuelle 2007/015, l’OLAF avait informé l’ensemble de ces États membres du risque, notamment, de sous-évaluation extrême des importations de produits concernés en provenance de Chine sur le territoire de l’Union, dans la majorité des cas, par des entreprises dites « coquilles », dont il s’avérait souvent en pratique, après vérification, que le siège social ne se trouvait pas à l’adresse indiquée sur les déclarations en douane, ainsi que du risque de déplacement de cette fraude vers d’autres ports de l’Union.

233

Au vu de ces caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause, l’OLAF invitait tous lesdits États membres à analyser les importations de produits concernés en provenance, notamment, de Chine afin de détecter d’éventuels indices d’importations sous-évaluées, à procéder à des contrôles douaniers appropriés lors du dédouanement des marchandises concernées afin de vérifier les valeurs déclarées de ces marchandises et d’assurer que celles-ci reflétaient les valeurs de marché réelles de celles-ci ainsi qu’à prendre les mesures de sauvegarde appropriées en cas de suspicion de prix facturés artificiellement bas.

234

En outre, par le message d’assistance mutuelle 2009/001, l’OLAF a informé tous les mêmes États membres que ses analyses relatives à la période allant du mois de janvier au mois de juin 2009 avaient confirmé l’existence d’importations de produits concernés en provenance de Chine dans toute l’Union à des valeurs déclarées extrêmement basses. Face à ce constat d’une « fraude à la sous‑évaluation sérieuse » et faisant référence aux recommandations qu’il avait déjà formulées dans le message d’assistance mutuelle 2007/015, l’OLAF demandait que les États membres l’informent, dans les quatre semaines, de la mise en place de « filtres à risque (ajustés) ». Il demandait en outre à tous les États membres de « prendre des mesures appropriées pour lutter contre le phénomène endémique de la sous-évaluation » ainsi que de « repérer les envois à haut risque » et recommandait de « vérifier l’existence des importateurs ».

235

Par ailleurs, les lignes directrices de l’ACP Discount comportaient le descriptif d’une méthodologie concrète, fondée sur les « justes prix » de la méthode OLAF‑JRC et applicable avant le dédouanement des marchandises concernées, les États membres étant encouragés à mettre en œuvre cette méthodologie pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, notamment dans le cadre de cette opération douanière. La constitution de garanties comptait parmi les mesures que l’OLAF et la Commission recommandaient de prendre.

236

Lors d’une réunion du comité des douanes de la Commission du 9 mars 2012, à laquelle un représentant du Royaume-Uni a participé, un représentant de cette institution a expliqué que l’ACP Discount avait donné lieu essentiellement à des vérifications lors du dédouanement des marchandises concernées afin de garantir l’effectivité de l’opération, en ce que celle-ci visait à combattre un commerce illicite et clandestin impliquant des opérateurs « manquants » (« missing traders »).

237

Il y a également lieu de rappeler que, entre le mois de février 2015 et le mois de juillet 2016, le Royaume-Uni a participé à plusieurs réunions organisées par l’OLAF, consacrées à la fraude à la sous-évaluation en cause, au cours desquelles l’OLAF a réitéré et mis à jour les informations qu’il avait déjà fournies en ce qui concerne l’ampleur et la nature de cette fraude, en particulier le fait que ce commerce illicite se développait de plus en plus au Royaume-Uni, ainsi que sur les contre-mesures à prendre pour combattre ladite fraude de manière efficace. Au cours de ces réunions, l’OLAF a continué à recommander fortement au Royaume-Uni de mettre en place des seuils de risque visant à détecter des envois susceptibles d’être sous-évalués et de soumettre ces envois à risque à des mesures de contrôles douaniers avant la mise en libre pratique des marchandises concernées, tels des contrôles physiques, le prélèvement d’échantillons et la constitution de garanties, afin d’assurer que les droits de douane soient effectivement perçus sur la base de la valeur réelle de ces marchandises.

238

Il s’ensuit que, contrairement à ce que la République portugaise soutient, il ne découle pas du message d’assistance mutuelle 2015/013 que ce n’est qu’à la suite de l’ODC Snake que les États membres ont effectivement eu connaissance de la fraude à la sous-évaluation en cause. Par ailleurs et en tout état de cause, ce message d’assistance mutuelle renvoyait expressément aux messages d’assistance mutuelle 2007/015 et 2009/001 ainsi que, par conséquent, aux informations fournies par l’OLAF dans ces derniers messages et résumées aux points 232 et 234 du présent arrêt.

239

Contrairement à ce que la République portugaise fait valoir, il ne ressort pas non plus du message d’assistance mutuelle 2015/013 et du point 83 du rapport spécial no 24/2015 de la Cour des comptes européenne, intitulé « Lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire : des actions supplémentaires s’imposent », que les autorités douanières du Royaume-Uni ignoraient l’existence d’une pratique généralisée de fausses déclarations en douane antérieure à l’ODC Snake.

240

En effet, il ressort dudit message d’assistance mutuelle et du point 83 dudit rapport spécial que l’ODC Snake avait permis de constater que, s’agissant du régime douanier portant le code 40 dans la liste des régimes douaniers de l’Union, lequel prévoit la mise à la consommation avec mise en libre pratique simultanée de marchandises ne faisant pas l’objet d’une livraison exonérée de TVA (ci-après le « régime douanier 40 »), le risque de sous-évaluation était évalué à environ 20 % des importations concernées et que, s’agissant du régime douanier 42, ce risque était évalué à 40 % de ces importations.

241

Or, une telle indication ne peut être regardée comme signifiant que la problématique de la fraude à la sous-évaluation en cause était un problème dont les États membres n’avaient eu connaissance qu’à la suite de l’ODC Snake.

242

Partant, la Commission a établi à suffisance de droit que, dès le début de la période d’infraction, le Royaume-Uni avait une connaissance suffisante des caractéristiques essentielles tant de la fraude à la sous-évaluation en cause, résumées aux points 226 à 228 du présent arrêt, que des mesures que l’OLAF et la Commission lui recommandaient de prendre pour combattre efficacement cette fraude, à savoir, essentiellement, des mesures de contrôles douaniers appliquées préalablement au dédouanement d’envois détectés comme étant susceptibles d’être sous-évalués sur la base d’un outil d’analyse de risque tel que celui des seuils de risque que constituent les PMA fixés en application de la méthode OLAF-JRC.

243

Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que, au cours de la période d’infraction, la connaissance par le Royaume-Uni de l’ampleur et de la nature de ladite fraude ainsi que des moyens de combattre efficacement cette dernière s’est encore améliorée compte tenu, notamment, du développement des importations frauduleuses à des prix extrêmement bas sur son territoire et des pertes potentielles de ressources propres traditionnelles en découlant ou de certains aspects de la mise en œuvre de la méthode OLAF-JRC en tant qu’outil d’analyse de risque.

iv) Sur l’absence de conformité à l’article 325, paragraphe 1, TFUE du dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni au cours de la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause

244

Ainsi qu’il est indiqué au point 224 du présent arrêt, la Commission soutient que le dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni au cours de la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause n’était pas conforme au principe d’effectivité posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, dès lors que celui-ci était essentiellement limité à des mesures de contrôles douaniers appliquées a posteriori, à savoir après le dédouanement des marchandises concernées, et, en particulier, à des recouvrements de droits a posteriori.

245

La Commission fait valoir, ainsi que cela est relevé au point 223 du présent arrêt, que seul un système de contrôles douaniers essentiellement de la même nature que celui recommandé par l’OLAF, à savoir comportant des seuils de risque fixés à un niveau à tout le moins équivalent aux PMA et appliqués ex ante ainsi que la constitution de garanties, était de nature à permettre de combattre de manière efficace la fraude à la sous-évaluation en cause, compte tenu des caractéristiques essentielles de cette dernière, rappelées aux points 226 à 228 du présent arrêt, à savoir une fraude à grande échelle, mobile, réactive aux contrôles et commise par des entreprises dites « phénix ». Selon la Commission, les contrôles effectués avant la mainlevée des marchandises concernées ne faisaient pas partie du dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni jusqu’au mois d’octobre 2017.

246

La Commission soutient que les mesures appliquées a posteriori par le Royaume‑Uni étaient vouées à l’échec et manifestement inappropriées pour combattre ladite fraude, dès lors que, comme cet État en avait connaissance, celle-ci était mise en œuvre par des entreprises dites « phénix », rendant tout recouvrement a posteriori de droits de douane improbable voire pratiquement impossible dans la très grande majorité des cas.

247

À cet égard, il est constant que, avant le lancement de l’opération Swift Arrow, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont appliqué des mesures de contrôles douaniers ex ante que de manière très exceptionnelle et ont axé leur action sur des recouvrements a posteriori de droits. Ainsi, des contrôles physiques des marchandises concernées et le prélèvement d’échantillons sur la base des profils de risque de la méthode OLAF-JRC n’ont été effectués qu’au cours de la période opérationnelle de l’ODC Snake, à savoir une période d’un mois, allant du 17 février au 17 mars 2014, dans le cadre de l’opération Samurai, laquelle n’a concerné que deux opérateurs, ainsi que dans le cadre de l’opération Breach, pour treize envois. Il ressort en outre de la réponse du Royaume-Uni à une question posée par la Cour que, si des garanties ont été exigées au cours de la période opérationnelle de l’ODC Snake, le montant total de celles-ci ne représentait que 0,4144 % du montant total des droits de douane supplémentaires réclamés dans les avis C 18 Snake, ces garanties ayant par ailleurs par la suite été levées après l’annulation de ces avis, de telle sorte qu’elles n’ont pas donné lieu à un recouvrement de droits.

248

Le Royaume-Uni soutient qu’il a adopté sa propre stratégie fondée sur une analyse de risque, consistant essentiellement à appliquer un profil de risque visant à identifier, puis à contrôler a posteriori, moyennant, le cas échéant, l’émission d’ordres de recouvrement de droits, un groupe délimité d’opérateurs important régulièrement des marchandises à très bas prix, qualifiés d’« importateurs à haut risque », ce qui serait légitime compte tenu de la grande marge de manœuvre dont cet État disposait et au vu du fait que la méthode OLAF-JRC n’était pas contraignante. Il fait valoir également que, si, par exemple, dans le cadre de l’ACP Discount, ses autorités douanières n’ont pas appliqué les seuils de risque de la méthode OLAF-JRC ex ante, mais seulement a posteriori, l’OLAF ne le lui a pas reproché. Différentes assurances lui auraient au contraire été fournies par des agents de l’OLAF que son système de contrôles douaniers était compatible avec le droit de l’Union.

249

À cet égard, ainsi qu’il est rappelé au point 169 du présent arrêt, premièrement, il y a lieu de souligner que, dans un système dans lequel les États membres sont responsables de la mise en œuvre appropriée de la réglementation douanière de l’Union sur leur territoire, ces États ne sauraient s’exonérer de la responsabilité d’une violation du droit de l’Union qu’ils pourraient avoir commise en invoquant le fait que l’OLAF ou la Commission ne la leur a pas reprochée à un moment donné.

250

Deuxièmement, aux points 162 à 169 du présent arrêt, la Cour a écarté l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni et tirée de ce que cet État pouvait fonder une confiance légitime dans certaines déclarations des agents de l’OLAF selon lesquelles son dispositif de contrôles douaniers était prétendument compatible avec le droit de l’Union.

251

Troisièmement, ainsi qu’il est rappelé au point 220 du présent arrêt, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences que l’article 325, paragraphe 1, TFUE leur impose en matière de lutte contre la fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, et, en particulier, l’obligation de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane dans le respect nécessaire des droits fondamentaux garantis par la Charte et des principes généraux du droit de l’Union, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

252

Or, ainsi que la Commission le souligne, d’une part, lorsque, exceptionnellement, les autorités douanières du Royaume-Uni ont effectué des contrôles ex ante, ceux-ci se sont révélés immédiatement efficaces et dissuasifs. Ainsi, par exemple, il est constant que, dès que des contrôles physiques étaient annoncés, des conteneurs étaient détournés du port de Felixstowe (Royaume-Uni) vers des ports d’autres États membres et que les deux opérateurs ayant fait l’objet des contrôles ex ante effectués dans le cadre de l’opération Samurai ont immédiatement cessé leurs activités après que le HMRC a contesté leurs déclarations en douane.

253

D’autre part, tout au long de la période d’infraction, le dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni, en ce qu’il était axé sur des mesures a posteriori telles que des recouvrements de droits, s’est révélé inefficace pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, dès lors que celle-ci était essentiellement caractérisée par le fait qu’elle était commise par des entreprises dites « phénix » auprès desquelles un recouvrement de droits était exclu dans la très grande majorité des cas.

254

Dans ce contexte, il importe de se référer à une réunion, tenue le 13 juin 2014, au sujet du suivi de l’ODC Snake, lors de laquelle les autorités douanières du Royaume-Uni ont indiqué, selon le compte rendu de cette réunion établi par un agent de cet État, que, si, dans les cas où des poursuites pénales n’étaient pas engagées, ces autorités envisageaient de mettre en œuvre des procédures de recouvrement a posteriori à des fins de « dissuasion financière », elles estimaient « sur la base de l’expérience du passé et de ce qui a déjà été observé dans ce type de fraude » qu’il était « improbable qu’une dette quelconque [fût] recouvrée ».

255

En outre, il y a lieu de relever que, tant en ce qui concerne les dettes douanières réclamées dans les avis C 18 Snake que celles réclamées dans les avis C 18 Breach, le Royaume-Uni soutient être dispensé de l’obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres traditionnelles correspondant à ces dettes, au motif que l’impossibilité de recouvrer celles-ci ne serait pas imputable à cet État dès lors que leurs débiteurs sont des entreprises « phénix ». Or, une telle allégation, à supposer même qu’elle soit fondée, tend à démontrer que le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni ne permettait pas un prélèvement effectif et intégral des recettes affectées aux ressources propres de l’Union.

256

Par ailleurs, la Commission fait valoir, sans être contredite sur ce point, que certains des opérateurs visés par les contrôles effectués dans le cadre de l’opération Breach étaient déjà visés par un ordre de recouvrement figurant dans un des avis C 18 Snake, ce qui tend à confirmer que le dispositif de contrôles douaniers mis en place au Royaume-Uni était, à cette époque, insuffisamment dissuasif.

257

Partant, même si, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 213 du présent arrêt, l’article 325, paragraphe 1, TFUE réserve aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers devant être prises afin, notamment, de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits du tarif douanier commun, force est de constater que, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause et, en particulier, au fait que cette fraude était mobile, très réactive aux contrôles et essentiellement mise en œuvre par des entreprises défaillantes ou insolvables auprès desquelles tout recouvrement a posteriori des droits était, dans la grande majorité des cas, d’emblée exclu, particularités qui étaient d’ailleurs connues en temps utile des autorités douanières du Royaume-Uni en raison de leur propre expérience, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par cet État au cours de la période d’infraction pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait pas, voire manifestement pas, le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

258

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen, en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

b)   Sur la violation des obligations imposées par la réglementation douanière de l’Union

259

S’agissant, en second lieu, du manquement reproché au Royaume-Uni de ne pas avoir respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de la réglementation douanière de l’Union, la Commission reproche à cet État d’avoir omis, premièrement, de prendre des mesures protégeant les intérêts financiers de l’Union en violation de l’article 3 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, deuxièmement, d’effectuer des contrôles douaniers sur la base d’une analyse de risque en violation de l’article 13 du code des douanes communautaire et de l’article 46 du code des douanes de l’Union, troisièmement, d’exiger la constitution de garanties en violation de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution ainsi que, quatrièmement, de ne pas avoir pris en compte, en violation de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, les dettes douanières restant à recouvrer dès que les autorités douanières dudit État se sont aperçues de la situation ayant conduit à la constatation de ces dettes.

1) Observations liminaires

260

À titre liminaire, il y a lieu de constater que le grief tiré de l’article 3 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, n’a pas de portée autonome par rapport à celui tiré d’une violation de l’article 325 TFUE qui est examiné aux points 208 à 258 du présent arrêt. En effet, ce grief n’est pas développé par la Commission sur la base d’une argumentation spécifique relative aux dispositions sur lesquelles il est fondé.

261

En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 173 de ses conclusions, s’agissant des obligations qui incombent aux États membres en vue de combattre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, l’article 325, paragraphe 3, TFUE constitue une manifestation spécifique du principe général de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Il en découle qu’il n’y a pas lieu d’opérer un examen distinct dudit grief (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande, C‑459/03, EU:C:2006:345, points 169 à 171).

262

Cela étant précisé, il y a lieu d’examiner, si, ainsi que le soutient la Commission, le Royaume-Uni a violé, dans le cadre de son action visant à lutter contre la fraude à la sous-évaluation en cause pendant la période d’infraction, d’une part, l’article 13 du code des douanes communautaire et l’article 46 du code des douanes de l’Union, en ce que cet État n’a pas effectué, avant le dédouanement des marchandises concernées, de contrôles douaniers fondés sur une analyse de risque, telle que celle de la méthode OLAF-JRC, qui permettent de détecter les importations susceptibles d’être sous-évaluées et devant, par conséquent, faire l’objet de vérifications en ce qui concerne l’exactitude de la valeur en douane déclarée et, d’autre part, l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et l’article 244 du règlement d’exécution, en ce que ledit État n’a pas exigé la constitution de garanties pour les importations ainsi détectées comme étant potentiellement sous-évaluées.

263

À cet égard, la Commission déduit de l’arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary (C‑291/15, EU:C:2016:455), que, lorsque des marchandises sont déclarées à des valeurs en douane extrêmement basses et, en particulier, à des valeurs inférieures de plus de 50 % du prix moyen statistique, des doutes fondés sont permis en ce qui concerne l’exactitude des déclarations en douane en cause, de sorte que ces marchandises ne sauraient être mises en libre pratique sans contrôle préalable des valeurs ainsi déclarées. Elle se réfère également à l’arrêt du 17 mars 2011, Commission/Portugal (C‑23/10, EU:C:2011:160), pour fonder le principe selon lequel, lorsque des autorités douanières disposent d’indications concrètes relatives à l’inexactitude de déclarations en douane, ce qui pourrait donner lieu à la perception de droits de douane inférieurs à ceux effectivement dus, ces autorités sont tenues de vérifier ces déclarations et d’effectuer les contrôles requis.

264

Le Royaume-Uni, soutenu par les États membres intervenants, fait valoir qu’il découle de la jurisprudence invoquée par la Commission que les autorités douanières des États membres ne sont tenues de procéder à des contrôles douaniers que si elles disposent d’indications concrètes relatives à l’inexactitude des énonciations figurant sur une déclaration en douane. En revanche, lorsque ces autorités ne nourrissent que des doutes au sujet de l’exactitude de ces énonciations, fondés, par exemple, sur le constat d’une différence supérieure à 50 % entre le prix déclaré et la valeur moyenne statistique, lesdites autorités auraient seulement la possibilité de procéder à de tels contrôles, sans toutefois y être tenues.

265

Or, en l’espèce, au vu des informations dont elles disposaient, les mêmes autorités n’auraient pas eu d’indications concrètes d’une sous-évaluation des importations concernées, mais auraient, tout au plus, nourri des doutes fondés au sujet de l’exactitude des valeurs en douane déclarées, au sens de la jurisprudence, de telle sorte qu’il leur aurait été loisible d’opérer des contrôles douaniers, mais qu’elles n’y auraient pas été tenues. De même, le constat que la valeur en douane déclarée était inférieure de plus de 50 % à la valeur moyenne statistique et, partant, inférieure au seuil du PMA de la méthode OLAF-JRC ne constituerait pas une indication concrète de sous-évaluation de cette valeur en douane, mais tout au plus une raison de nourrir des doutes fondés à l’égard de l’exactitude de celle-ci et, partant, n’aurait pas obligé les autorités du Royaume-Uni à vérifier l’exactitude de ladite valeur en douane.

266

À cet égard, il suffit, à ce stade, d’indiquer que, d’une part, la fraude à la sous-évaluation en cause constituait une fraude à grande échelle, impliquant des importations sur une période relativement longue dans toute l’Union, et, en particulier, au Royaume-Uni, de grands volumes de marchandises à des valeurs déclarées extrêmement basses et, partant, à première vue suspectes, par des entreprises dites « défaillantes » exposant, de manière évidente, l’Union à d’importants risques pour ses intérêts financiers en raison de pertes conséquentes de ressources propres traditionnelles dans une très large mesure irrécouvrables. Dans ce contexte, la connaissance des autorités douanières du Royaume-Uni, à la suite, notamment, d’informations communiquées par l’OLAF et la Commission, de l’ampleur et des particularités de cette fraude ainsi que des risques financiers importants que celle-ci faisait courir à l’Union, signifiait que ces autorités disposaient d’indications suffisamment concrètes au sujet de l’inexactitude des énonciations figurant sur un nombre significatif de déclarations en douane relatives à la valeur des produits concernés en provenance de Chine, les obligeant ainsi à prendre des mesures de contrôles douaniers appropriées pour vérifier cette valeur de manière systématique pour les importations concernées afin d’assurer, in fine, le paiement intégral et effectif des droits de douane dus.

267

D’autre part, dans un tel contexte de fraude, l’information découlant pour les autorités douanières des États membres de l’identification d’importations à très bas prix par un profil de risque tel que celui des PMA de la méthode OLAF-JRC comme étant susceptibles d’être sous-évaluées était de nature à fournir des indications concrètes à ces autorités que les énonciations figurant sur les déclarations en douane pour les produits couverts par ce profil de risque étaient inexactes et devaient, par conséquent, faire l’objet de contrôles douaniers avant le dédouanement des marchandises concernées.

268

Sous le bénéfice de ces considérations liminaires, il convient par conséquent d’examiner les griefs visés au point 259 du présent arrêt, à l’exception de celui tiré d’une violation de l’article 3 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE.

2) Sur la violation des obligations imposées à l’article 13 du code des douanes communautaire et à l’article 46 du code des douanes de l’Union

i) Argumentation des parties

269

S’agissant du manquement reproché au Royaume-Uni, tiré d’une violation de l’article 13 du code des douanes communautaire et de l’article 46 du code des douanes de l’Union, la Commission considère que, dans le cadre de son action visant à lutter contre la fraude à la sous-évaluation en cause pendant la période d’infraction, cet État n’a pas effectué de contrôles douaniers avant le dédouanement des marchandises concernées, fondés sur une analyse de risque telle que celle de la méthode OLAF-JRC, permettant de détecter les importations susceptibles d’être sous-évaluées et devant, par conséquent, faire l’objet de vérifications relatives à l’exactitude de la valeur en douane déclarée.

270

À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que la Commission reproche au Royaume-Uni non pas de ne pas avoir appliqué la méthode OLAF-JRC, mais plutôt de ne pas avoir pris les mesures élémentaires recommandées par l’OLAF, à savoir, notamment, des contrôles fondés sur des profils de risque appliqués ex ante. La Commission admet que cette méthode n’était pas juridiquement contraignante pour les États membres et, même si elle estime qu’il était préférable d’appliquer des profils ou seuils de risque établis au niveau de l’Union, tels que les PMA, fixés en application de ladite méthode, elle soutient, sans par ailleurs être contredite sur ce point par le Royaume-Uni, avoir toujours accepté que les États membres appliquent leurs propres profils ou seuils de risque pourvu que ceux-ci soient comparables ou plus stricts que les PMA.

271

Le Royaume-Uni soutient avoir fondé les contrôles douaniers qu’il a effectués au cours de la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause sur une analyse de risque. Cette analyse procéderait essentiellement de l’application d’un profil de risque visant à identifier, puis à contrôler, un groupe restreint d’opérateurs important régulièrement les produits concernés à très bas prix, qualifiés d’« importateurs à haut risque » et donnerait lieu, le cas échéant, à l’émission d’ordres de recouvrement de droits a posteriori tels que les avis C 18. Ainsi, dans le cadre de l’opération Breach, qui a été lancée au mois de mai 2015 et qui serait toujours en cours, 239 « importateurs à haut risque » auraient été identifiés aux fins de l’application de ce profil de risque. Il s’agirait d’une « stratégie légitime et raisonnable » dès lors que la pratique aurait démontré que la grande majorité des importations concernées proviendrait de seulement 129 opérateurs sur un total de 20000 opérateurs important les produits concernés de Chine.

ii) Appréciation de la Cour

272

L’article 13, paragraphe 2, du code des douanes communautaire, applicable à la partie de la période d’infraction se terminant le 30 avril 2016, prévoyait, à son premier alinéa, que les contrôles douaniers autres que les contrôles inopinés doivent reposer sur une « analyse des risques utilisant des procédés informatiques », l’objectif étant de déterminer et de quantifier les risques et d’élaborer les mesures nécessaires à leur évaluation, sur la base de critères définis au niveau national, au niveau de l’Union et, le cas échéant, au niveau international et, à son deuxième alinéa, qu’un « cadre commun de gestion des risques », des « critères communs » ainsi que les « domaines de contrôle prioritaires » sont déterminés « selon la procédure de comité ».

273

Ces obligations ont été reprises, selon une formulation modifiée, à l’article 46, paragraphes 2 et 3, du code des douanes de l’Union, applicable à la partie de la période d’infraction ayant débuté le 1er mai 2016.

274

L’article 46, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union prévoit que les contrôles douaniers autres que les contrôles inopinés sont « principalement fondés sur l’analyse de risque pratiquée à l’aide de procédés informatiques de traitement des données » et visent à déceler ainsi qu’à évaluer les risques comme à élaborer les contre-mesures nécessaires, sur la base des critères établis au niveau national ou au niveau de l’Union et, le cas échéant, au niveau international. L’article 46, paragraphe 3, de ce code dispose que les contrôles douaniers sont réalisés dans un « cadre commun de gestion des risques », fondé sur l’échange d’informations en matière de risque et de résultats d’analyses de risque entre les administrations douanières et l’établissement de « critères et de normes communs en matière de risque », ainsi que de « mesures de contrôle et de domaines de contrôle prioritaires ».

275

L’article 46, paragraphe 4, dudit code oblige en outre les autorités douanières des États membres à appliquer une « gestion des risques ».

276

L’article 46, paragraphes 6 et 7, du même code énumère les éléments dont il doit être tenu compte lors de l’établissement, notamment, des « critères et normes communs en matière de risque », et les éléments que ces critères et normes doivent comporter.

277

Il est constant que, au cours de la période d’infraction, la Commission n’a pas établi de critères ou de normes communs en matière de risque sous la forme d’un acte contraignant s’imposant aux États membres, même si elle a adopté, le 21 août 2014, par la voie d’une communication, une stratégie et un plan d’action sur la gestion des risques en matière douanière [communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen relative à la stratégie et au plan d’action de l’UE sur la gestion des risques en matière douanière : faire face aux risques, renforcer la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et faciliter le commerce, (COM/2014/527 final)]. Ainsi que la République portugaise l’a fait observer lors de l’audience et que les points 13 et 15 du rapport spécial no 04/2021 de la Cour des comptes, intitulé « Contrôles douaniers : un manque d’harmonisation préjudiciable aux intérêts financiers de l’UE », le confirment, la Commission a adopté, le 31 mai 2018, une première décision contraignante établissant des critères et des normes communs en matière de risque financier sous la forme d’un document « restreint UE », laquelle a été complétée, au mois de décembre 2019, par un « document d’orientation » non contraignant.

278

La méthode OLAF-JRC, telle que celle-ci a été recommandée par l’OLAF et la Commission aux États membres et exposée, notamment, dans les lignes directrices de l’ACP Discount aux fins d’une application dans le cadre de cette opération, en ce qu’elle comporte, notamment, une description des risques et des facteurs ou indicateurs de risque à utiliser pour sélectionner les marchandises à soumettre à des contrôles douaniers et qu’elle spécifie la nature des contrôles douaniers à effectuer par les autorités douanières, peut être considérée comme appliquant des critères communs non contraignants en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques.

279

Il convient de souligner que, les contrôles douaniers visant, in fine, à prévenir et à combattre les fraudes au régime douanier de l’Union, toute mesure commune non contraignante qui pourrait être adoptée ou être recommandée en rapport avec les critères d’analyse et de gestion des risques, visés à l’article 13, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, du code des douanes communautaire et à l’article 46, paragraphes 2 et 3, du code des douanes de l’Union, s’inscrit nécessairement dans la lutte contre la fraude visée à l’article 325 TFUE. Or, il ressort de l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE que la lutte contre la fraude implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes.

280

À cet égard, le cadre commun de gestion des risques dans lequel les contrôles douaniers sont effectués, en ce qu’il est fondé, conformément à l’article 46, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, outre sur des critères et normes communs en matière de risques, sur l’échange d’informations en matière de risques et de résultats d’analyses de risques entre les administrations douanières ainsi que sur des mesures de contrôles douaniers et des domaines de contrôle prioritaires, est une manifestation spécifique de l’article 325, paragraphe 3, TFUE, lequel énonce que les États membres coordonnent leur action visant à protéger les intérêts financiers de l’Union contre la fraude, en organisant, avec l’aide de la Commission, une collaboration étroite et régulière entre les autorités compétentes.

281

Dès lors, lorsque de tels critères communs non contraignants d’analyse et de gestion des risques sont recommandés, les États membres, bien que n’étant pas, en principe, formellement liés par ces critères, sont tenus, en vertu de cette obligation de coopération, de tenir dûment compte de ceux-ci voire de les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

282

Il s’ensuit que, conformément aux obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions de l’article 13 du code des douanes communautaire et de l’article 46 du code des douanes de l’Union, lus en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni devait, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte, au regard du mode opératoire et des caractéristiques spécifiques de la fraude à la sous-évaluation en cause connus de cet État, des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient d’appliquer pour combattre cette fraude, et ce nonobstant le caractère non contraignant des critères appliqués en matière de risques.

283

Or, force est de constater que, malgré les recommandations renouvelées de l’OLAF et de la Commission, le Royaume-Uni n’a pas effectué, sauf pendant la période opérationnelle de l’ODC Snake, soit la période allant du 17 février au 17 mars 2014, de contrôles douaniers avant la mainlevée des marchandises concernées sur la base de profils de risque tels que les seuils de risque de la méthode OLAF-JRC ou d’autres profils de risque présentant un degré d’efficacité comparable.

284

Cela étant, ainsi qu’il ressort du point 281 du présent arrêt, le Royaume-Uni, dans une situation caractérisée par l’absence de mesures contraignantes de l’Union, n’était pas tenu de suivre de telles recommandations pourvu que les critères d’analyse et de gestion des risques qu’il a adoptés étaient à tout le moins comparables, en termes d’efficacité, à ceux recommandés par l’Union, si ce n’est plus efficaces que ceux-ci.

285

Or, lors d’une réunion tenue le 28 juillet 2015, les autorités douanières du Royaume-Uni ont indiqué à l’OLAF que l’utilisation d’indicateurs de risque reposant sur des prix moyens serait contre-productive et disproportionnée compte tenu du volume des importations sur le territoire de cet État membre.

286

Le Royaume-Uni soutient, notamment, en réponse à des questions posées par la Cour, que, dès lors qu’il estimait que les profils de risque de la méthode OLAF-JRC étaient insuffisamment précis, notamment en ce qu’ils donnaient lieu à des faux cas positifs s’agissant d’importations légitimes effectuées à très bas prix pour de grandes enseignes bien connues, il a préféré développer ses propres profils de risque nationaux plus performants. Le fait que ceux-ci n’ont finalement été opératoires qu’à partir du 12 octobre 2017, soit la date du lancement de l’opération Swift Arrow, s’expliquerait par la complexité de cet exercice et des moyens importants devant y être consacrés.

287

Cette argumentation doit être écartée.

288

En effet, il y a lieu de souligner, d’une part, la gravité et l’ampleur de la fraude à la sous-évaluation en cause ainsi que les risques financiers importants que celle-ci impliquait à l’évidence pour l’Union, lesquels étaient au demeurant connus du Royaume-Uni qui en avait été itérativement averti par l’OLAF et la Commission, et, d’autre part, le fait que le Royaume-Uni était, à tout le moins, tenu de prendre dûment en compte, dans l’élaboration de son système d’analyse et de gestion des risques, les critères en matière de risque que l’OLAF et la Commission lui avaient à différentes reprises recommandés d’appliquer, en particulier des seuils de risque tels que les PMA de la méthode OLAF-JRC appliqués avant le dédouanement des marchandises concernées.

289

Dans ces circonstances, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la finalisation de ses travaux visant à mettre en place ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement de ces marchandises, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation aux fins de l’application de contrôles douaniers avant la mise en libre pratique desdites marchandises.

290

À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la Commission reproche au Royaume-Uni non pas de ne pas avoir appliqué correctement les profils de risque de la méthode OLAF-JRC, mais plutôt de n’avoir appliqué, dans le cadre de son dispositif d’analyse et de gestion des risques, avant le lancement de l’opération Swift Arrow, aucun profil de risque avant le dédouanement des marchandises concernées alors que seule cette méthode aurait permis de détecter les importations susceptibles d’être sous-évaluées aux fins d’orienter les contrôles douaniers avant la mainlevée de ces marchandises.

291

D’autre part, il ressort de l’analyse de l’article 325 TFUE effectuée aux points 208 à 220 du présent arrêt que, eu égard aux caractéristiques de la fraude à la sous-évaluation en cause, les contre-mesures de nature à permettre de combattre celle-ci de manière efficace et dissuasive ne pouvaient se limiter à des recouvrements a posteriori de droits, dès lors que ceux-ci étaient en règle générale voués à l’échec s’agissant d’entreprises défaillantes, mais devaient inclure des contrôles douaniers avant la mise en libre pratique des marchandises déclarées à des prix extrêmement bas.

292

Or, conformément à l’article 13 du code des douanes communautaire et à l’article 46 du code des douanes de l’Union, lus en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni était tenu d’effectuer, aux fins d’assurer une lutte efficace et dissuasive contre la fraude, la sélection des déclarations en douane devant faire l’objet de tels contrôles ex ante sur le fondement d’une analyse de risque pratiquée à l’aide de procédés informatiques de traitement des données, ce qu’il a omis de faire durant toute la période d’infraction, sauf pour ce qui concerne la période opérationnelle de l’ODC Snake, allant du 17 février au 17 mars 2014.

293

Dès lors que la Commission fonde son grief sur cette seule omission, il n’y a pas lieu d’examiner les différents griefs dirigés contre la méthode OLAF-JRC, utilisée en tant qu’outil d’analyse de risque, dans la mesure où celle-ci prescrirait des seuils de risque arbitraires voire trop inclusifs compte tenu du nombre élevé de faux cas positifs qu’elle générerait et qui concerneraient des importations à bas prix, mais légitimes, effectuées par de grandes enseignes de vente au détail.

294

À toutes fins utiles, il peut être indiqué que, dès lors qu’il ressort des études annexées au rapport de l’OLAF que les PMA, utilisés comme seuils de risque dans le cadre de la méthode OLAF-JRC, ont été fixés à partir des PMC sur la base de recherches scientifiques effectuées par le JRC impliquant l’analyse d’histogrammes et la distribution, en termes de prix, de différents types d’importations, ils apparaissent être non pas arbitraires, mais fondés sur des critères objectifs et neutres.

295

En outre, dès lors que les seuils de risque de la méthode OLAF-JRC que constituent les PMA sont fondés sur des prix moyens statistiques, à savoir les PMC, et ne visent qu’à identifier les importations présentant un risque important de sous-évaluation afin que soient vérifiées les valeurs en douane déclarées en ce qui concerne ces importations et non à déterminer si lesdites importations sont effectivement sous-évaluées, ceux-ci impliquent, par leur nature même, un certain taux de faux cas positifs.

296

Dès lors, contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, la fiabilité des PMA en tant que profil de risque ne saurait être mise en cause en raison du seul fait, à supposer même que ce dernier soit établi, que 11,2 %, en volume, des importations légitimes effectuées par certaines grandes enseignes bien connues seraient déclarées à des valeurs inférieures à ces prix. Un tel taux de faux cas positifs apparaît en effet être raisonnable au regard de l’apport utile des PMA dans la détection des fraudes à la sous-évaluation en cause.

297

Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 209 de ses conclusions, la Commission a indiqué, en réponse à des questions posées par la Cour et sans être contredite sur ce point par le Royaume-Uni, d’une part, que les PMA avaient été introduits, puis appliqués en tant que profils de risque dans le cadre de l’ACP Discount en 2011 et, ensuite, dans le cadre de l’ODC Snake en 2014 après un débat approfondi entre les États membres et de manière consensuelle entre ces derniers ainsi que, d’autre part, que la détermination des PMA au niveau de 50 % des PMC n’avait, en tant que telle, été mise en cause par aucun État membre au cours de la période d’infraction.

298

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen, en tant qu’il est tiré d’une violation par le Royaume-Uni de l’article 13 du code des douanes communautaire et de l’article 46 du code des douanes de l’Union, dès lors que, dans le cadre de son action visant à lutter contre la fraude à la sous-évaluation en cause pendant la période d’infraction, cet État n’a pas effectué de contrôles douaniers fondés sur une analyse de risque avant le dédouanement des marchandises concernées.

3) Sur la violation des obligations imposées à l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et à l’article 244 du règlement d’exécution

299

Ainsi qu’il est relevé au point 259 du présent arrêt, la Commission reproche au Royaume-Uni d’avoir manqué aux obligations visées à l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et à l’article 244 du règlement d’exécution, ces dispositions obligeant les autorités douanières à exiger la constitution d’une garantie suffisante lorsqu’elles estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant de droits plus élevé que celui résultant des énonciations de la déclaration en douane.

300

À cet égard, s’il est vrai, comme le Royaume-Uni le soutient, que l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et l’article 244 du règlement d’exécution ménagent, en raison de l’utilisation du verbe « estimer », une certaine marge d’appréciation aux autorités douanières des États membres lorsqu’elles décident de la nécessité d’exiger la constitution de garanties, cette marge d’appréciation est limitée, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 218 de ses conclusions, par le principe d’effectivité, posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, en vertu duquel une protection effective des intérêts financiers de l’Union doit être assurée contre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter préjudice à ces intérêts.

301

Ainsi qu’il est souligné aux points 220 et 251 du présent arrêt, la portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de la fraude ou de l’activité illégale concernées, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

302

En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la fraude à la sous-évaluation en cause était caractérisée par des importations, à des prix extrêmement réduits, de grands volumes de produits concernés en provenance de Chine par des entreprises dites « phénix », constituées spécifiquement pour mettre en œuvre cette fraude, lesquelles n’avaient que des actifs minimaux et disparaissaient ou faisaient l’objet d’une liquidation dès qu’elles étaient contrôlées en ce qui concerne l’exactitude des valeurs en douane qu’elles avaient déclarées, ce qui rendait d’emblée illusoire, dans la très grande majorité des cas, tout recouvrement a posteriori de droits.

303

Dans un tel contexte de fraude, une protection effective des intérêts financiers de l’Union contre les pertes significatives de ressources propres traditionnelles susceptibles de découler de l’absence de perception de montants importants de droits de douane relatifs à ces importations massives et manifestement sous-évaluées de manière frauduleuse nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque permettant de détecter de manière automatisée les importations présentant un risque important de sous-évaluation et devant par conséquent faire l’objet de vérifications en ce qui concerne l’exactitude des valeurs en douane déclarées, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne lesdites importations.

304

Or, ainsi qu’il est constaté au point 247 du présent arrêt, il est constant que, au cours de la période d’infraction, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle au cours de la période opérationnelle de l’ODC Snake, pour un montant total ne représentant que 0,4144 % du montant total des droits de douane supplémentaires réclamés dans les avis C18 Snake, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait.

305

Le Royaume-Uni conteste l’existence de ce manquement, faisant valoir, en premier lieu, que, à défaut pour ses autorités douanières de disposer de données permettant de calculer le montant des garanties sur la base d’une valeur de remplacement fiable, ces dernières étaient susceptibles d’être contestées avec succès dans le cadre de recours administratifs et juridictionnels si elles étaient calculées sur la base de PMC.

306

Cette argumentation doit être écartée.

307

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 224 de ses conclusions, étant donné que le Royaume-Uni était responsable de la détermination correcte des valeurs en douane déclarées à l’importation sur son territoire en appliquant des contrôles douaniers qui, au regard des particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, devaient inclure des vérifications avant le dédouanement des marchandises concernées, il incombait aux autorités douanières du Royaume-Uni de demander aux opérateurs concernés de fournir des informations relatives à la qualité de ces marchandises et de prélever des échantillons dans le cadre de vérifications physiques, ce qui aurait permis à ces autorités de disposer des données nécessaires pour déterminer une valeur de remplacement pouvant être utilisée pour calculer le montant correct des garanties.

308

Dans ce contexte, si, dans le cadre de l’ODC Snake, l’OLAF a essayé de soutenir l’action des États membres en sollicitant auprès des autorités chinoises la fourniture de prix à l’exportation susceptibles de pouvoir être utilisés pour déterminer les valeurs de remplacement des marchandises dont les importations avaient été sous-évaluées, la circonstance que, en définitive, relativement peu de ces prix à l’exportation aient été fournis par ces autorités et que l’utilisation, dans le cadre de procédures juridictionnelles, des prix fournis était en outre soumise à des limitations strictes ne saurait remettre en cause le fait qu’il incombait au Royaume-Uni, et non à l’OLAF ou à la Commission, d’organiser son dispositif de lutte contre la fraude à la sous-évaluation en cause de manière à pouvoir disposer de données suffisantes relatives à la valeur des marchandises concernées telles que des données relatives à la qualité ou au niveau de finition de celles-ci.

309

En second lieu, le Royaume-Uni conteste le manquement tiré d’une violation de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution, au motif que l’obligation de constituer de manière systématique une garantie porterait une atteinte non justifiée au droit de propriété des importateurs concernés et serait, par conséquent, contraire à l’article 17 de la Charte et à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952.

310

À cet égard, ainsi qu’il est rappelé aux points 220 et 251 du présent arrêt, il découle de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 325, paragraphe 1, TFUE que l’obligation de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane s’impose dans le respect nécessaire des droits fondamentaux garantis par la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.

311

En l’espèce, la Commission reproche au Royaume-Uni de ne pas avoir demandé de manière systématique la constitution de garanties avant le dédouanement des marchandises concernées pour les seules importations dont la valeur déclarée était inférieure à un seuil de risque et qui présentaient, par conséquent, un risque important de sous-évaluation.

312

Par ailleurs, il y a lieu de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 222 de ses conclusions, que le Royaume-Uni n’explique pas pour quelles raisons précises une telle obligation de constituer de manière systématique des garanties pour des importations détectées par un profil de risque comme présentant un risque important de sous-évaluation serait constitutive d’une violation du droit de propriété des opérateurs concernés.

313

En outre, si l’obligation de constituer de manière systématique des garanties pour de telles importations est susceptible de comporter une limitation du droit fondamental de propriété, une telle limitation apparaît justifiée au regard des conditions posées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

314

En effet, conformément à cette disposition, cette limitation est prévue par la loi et respecte le contenu essentiel du droit de propriété ainsi que le principe de proportionnalité dès lors que ladite limitation est nécessaire et répond effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.

315

À cet égard, tout d’abord, l’obligation de constituer de manière systématique une garantie pour des importations présentant un risque important de sous-évaluation répond effectivement à l’objectif d’intérêt général, reconnu à l’article 325 TFUE, que soient protégés les intérêts financiers de l’Union et, en particulier, que les autorités douanières des États membres prennent à cet effet les mesures de contrôles douaniers appropriées pour assurer la perception effective et intégrale des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane.

316

Ensuite, compte tenu du fait qu’une garantie est libérée dès que l’importateur concerné acquitte les droits effectivement dus ou qu’il est constaté, après vérification, que celui-ci a correctement déclaré la valeur en douane des marchandises concernées, l’obligation de constituer, même de manière systématique, une telle garantie a un caractère strictement temporaire et respecte le contenu essentiel du droit de propriété ainsi que le principe de proportionnalité.

317

Enfin, le caractère proportionné d’une telle obligation tient également au fait que la Commission reproche spécifiquement au Royaume-Uni de ne pas avoir imposé celle-ci pour les seules importations présentant un risque important de sous-évaluation et détectées préalablement à la mainlevée de ces marchandises à l’aide d’un profil de risque automatisé.

318

En effet, s’agissant de telles importations, les autorités douanières doivent, conformément à l’article 181 bis du règlement d’application et à l’article 140 du règlement d’exécution, nourrir des doutes quant à la valeur en douane déclarée, en ce qu’elles ne sauraient être convaincues que cette dernière représente le montant total payé ou à payer et sont, dès lors, tenues de considérer que la vérification des déclarations en douane concernées peut donner lieu à un montant exigible de droits plus élevé que celui découlant des énonciations de ces déclarations en douane, au sens de l’article 248 du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution.

319

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le Royaume-Uni, en ce qu’il a, essentiellement, au cours de la période d’infraction, limité son dispositif de contrôles douaniers visant à combattre la fraude à la sous‑évaluation en cause à des mesures appliquées après le dédouanement des marchandises concernées, telles que des ordres de recouvrement de droits a posteriori, et a omis d’intégrer de manière systématique dans ce dispositif des mesures applicables préalablement à ce dédouanement, en particulier des contrôles douaniers des importations détectées comme présentant un risque important de sous-évaluation au moyen d’un profil de risque automatisé ainsi que la constitution systématique de garanties pour ces importations, n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13 du code des douanes communautaire, de l’article 46 du code des douanes de l’Union, de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution.

320

Cette conclusion procède essentiellement du constat du manque d’effectivité et, en l’occurrence, du manque manifeste d’effectivité du dispositif de contrôles douaniers appliqué par le Royaume-Uni pendant la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause tenant au fait que ce dispositif, en ce qu’il était axé sur des contrôles appliqués après le dédouanement des marchandises concernées, n’était pas adapté aux caractéristiques de cette fraude, alors que cet État en avait une connaissance suffisante dès le début de cette période.

321

Ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 227 de ses conclusions, cette conclusion relative au caractère, en l’occurrence, manifestement inapproprié et insuffisant des contrôles douaniers effectués par le Royaume-Uni au cours de la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause n’est pas remise en cause par l’argumentation, invoquée par cet État, selon laquelle ce dernier a participé à des opérations de contrôles douaniers à l’échelle de l’Union, telles que l’ACP Discount en 2011, l’ODC Snake en 2014 ou l’opération Octopus en 2016 et a mené ses propres opérations, telles que les opérations Breach ou Samourai.

322

En effet, il incombe aux autorités douanières des États membres de veiller à l’application du droit douanier de l’Union et, en particulier, d’effectuer des contrôles douaniers appropriés afin de protéger, de manière effective, les intérêts financiers de celle-ci. L’accomplissement d’une telle mission nécessite, de la part de ces autorités, un travail continu, cohérent et systémique qui ne peut se limiter à une participation ponctuelle à des opérations douanières dont les effets peuvent n’être que temporaires. En outre, les actions de contrôles douaniers entreprises au niveau de l’Union visent certes à soutenir les États membres, mais ne sauraient remplacer l’action de contrôle et de protection effective des intérêts financiers de l’Union qui leur incombe.

323

À cet égard, il est constant que l’opération Breach, lancée par les autorités du Royaume-Uni au mois de mai 2015, a été la première action de contrôles douaniers du Royaume-Uni visant spécifiquement à combattre la fraude à la sous-évaluation en cause et que l’opération Swift Arrow a été la première action du Royaume-Uni intégrant systématiquement dans le dispositif de contrôles douaniers des vérifications effectuées préalablement au dédouanement d’importations détectées à l’aide d’un profil de risque.

324

Ainsi que la Commission le soutient, le manque manifeste d’effectivité des mesures prises par le Royaume-Uni pendant la période d’infraction pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause et, inversement, l’efficacité et le caractère dissuasif d’un dispositif intégrant de manière systématique des contrôles douaniers effectués préalablement au dédouanement des marchandises concernées et fondés sur un profil de risque ressortent également des données statistiques fournies par la Commission.

325

En effet, ces données statistiques, figurant notamment en annexe des réponses de cette institution aux questions posées par la Cour, confirment que, d’une part, pendant la période d’infraction, le volume des importations déclarées en douane au Royaume-Uni à des prix inférieurs au PMA (soit à 50 % du PMC), en particulier, celles déclarées à des prix inférieurs à 10 % du PMC, et, par conséquent, à des prix extrêmement bas, a considérablement augmenté d’année en année alors que le volume des importations effectuées à des prix supérieurs au PMA est resté relativement stable.

326

Ainsi, le volume des importations effectuées à des prix inférieurs à 10 % du PMC a augmenté de 4189937 kg en 2011 à 314088517 kg en 2016. Pour la période d’infraction, le volume des importations effectuées à des prix déclarés inférieurs au PMA constituait 41 % du total des importations de produits concernés en provenance de Chine. Pour cette période, 69,5 % des importations effectuées à des prix déclarés inférieurs au PMA concernaient des importations effectuées à des prix déclarés inférieurs à 10 % du PMC.

327

En outre, alors que, au mois de décembre 2012, 51 % des importations effectuées à des prix inférieurs au PMA étaient déclarées à un prix inférieur à 10 % du PMC, au mois de décembre 2016, ce taux est passé à 85 %.

328

D’autre part, les données statistiques fournies par la Commission révèlent de manière incontestable que, dès le lancement de l’opération Swift Arrow, première opération des autorités du Royaume-Uni intégrant de manière systématique dans le dispositif des contrôles douaniers des vérifications effectuées préalablement au dédouanement d’importations détectées comme présentant un risque important de sous-évaluation par un profil de risque automatisé, les importations effectuées à des prix déclarés inférieurs au PMA ont immédiatement diminué au point de disparaître en l’espace de quelques mois. Ces importations sous-évaluées ont en effet reculé de 90 % sur une période de trois mois seulement.

4) Sur la violation des obligations imposées à l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et à l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union

329

Ainsi qu’il est relevé au point 207 du présent arrêt, il convient d’examiner à présent le grief tiré d’une violation continue des obligations découlant de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, en ce que, s’agissant des importations concernées, le Royaume-Uni n’a pas pris en compte les dettes douanières restant à recouvrer dès que ses autorités douanières se sont aperçues de la situation ayant conduit à la constatation de ces dettes.

330

Le Royaume-Uni conteste ce grief, faisant valoir, en substance, qu’il ne devait prendre en compte des dettes douanières supplémentaires que s’il était tenu de vérifier les déclarations en douane concernées, puisque le calcul de droits supplémentaires légalement dus ne serait possible que si ces déclarations en douane avaient d’abord été vérifiées. Or, le Royaume-Uni n’aurait pas été tenu de vérifier lesdites déclarations en douane dont la valeur était inférieure aux seuils fixés par l’OLAF et, de fait, ne les aurait pas vérifiées. En tout état de cause, cette obligation d’inscrire des droits dans la comptabilité des ressources propres de l’Union aurait nécessité que le Royaume-Uni dispose des montants précis dus qu’il n’aurait pas pris en compte. Or, même si le Royaume-Uni avait effectué des vérifications, cet État n’aurait pas disposé de ces informations.

331

À cet égard, pour autant que, par son grief tiré de la violation de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, la Commission reproche au Royaume-Uni, s’agissant des importations concernées effectuées pendant toute la période d’infraction, de ne pas avoir pris en compte l’intégralité des droits de douane dus dans les délais prévus par ces dispositions, il ressort de l’examen du premier moyen que, en violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont pas pris les mesures de contrôles douaniers appropriées pour vérifier les valeurs en douane déclarées en ce qui concerne ces importations.

332

Il s’ensuit que, pour lesdites importations, ces autorités douanières n’ont pas respecté l’obligation qui leur incombait d’assurer, par des contrôles douaniers appropriés, que les valeurs en douane soient correctement déterminées selon les règles du droit douanier de l’Union.

333

Par conséquent, en calculant, pour les mêmes importations, les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont, en violation de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus dans les délais prévus par ces dispositions.

334

N’ont, en particulier, pas été pris en compte en temps utile, en violation desdites dispositions, les montants correspondant à la différence existant entre les droits calculés sur la base des valeurs incorrectement déclarées et les droits qui auraient été constatés si ceux-ci avaient été calculés sur la base des valeurs réelles des marchandises concernées conformément aux règles du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane.

335

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen, en tant qu’il est tiré d’une violation par le Royaume-Uni des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de l’article 13 et de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, de l’article 46 et de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union ainsi que de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application et de l’article 244 du règlement d’exécution.

2.   Sur le manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane

336

Par le deuxième moyen, qui porte sur certains des griefs figurant au premier alinéa du premier chef de conclusions de la requête ainsi que sur le grief unique figurant au troisième alinéa de ce premier chef de conclusions, en premier lieu, la Commission reproche au Royaume-Uni d’avoir enfreint la législation de l’Union en matière de ressources propres et, en particulier, les articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335, les articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000 ainsi que les dispositions correspondantes des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014, dès lors que, s’agissant des importations concernées pendant la période d’infraction, cet État n’aurait pas mis à la disposition de cette institution les ressources propres traditionnelles qui étaient dues. En second lieu, la Commission soutient que, selon son estimation, les pertes de ressources propres traditionnelles, diminuées des frais de perception, mais majorées des intérêts de retard, devant, par conséquent, être mises à sa disposition par le Royaume-Uni conformément à ces dispositions, correspondent aux montants suivants :

496025324,30 d’euros en ce qui concerne l’année 2017 (jusqu’au 11 octobre 2017 inclus) ;

646809443,80 d’euros en ce qui concerne l’année 2016 ;

535290329,16 d’euros en ce qui concerne l’année 2015 ;

480098912,45 d’euros en ce qui concerne l’année 2014 ;

325230822,55 d’euros en ce qui concerne l’année 2013 ;

173404943,81 d’euros en ce qui concerne l’année 2012 ;

22777312,79 d’euros en ce qui concerne l’année 2011.

a)   Sur le grief tiré de la violation par le Royaume-Uni de son obligation de principe de mise à disposition de ressources propres traditionnelles

337

En premier lieu, la Commission soutient, d’une part, que, dès lors que, ainsi qu’elle le fait valoir dans le cadre du premier moyen, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont pas effectué les contrôles douaniers appropriés, pendant la période d’infraction, les marchandises faisant l’objet des importations concernées n’ont pas été correctement déclarées en ce qui concerne leur valeur en douane, ce qui aurait eu pour conséquence que les droits de douane dus pour ces marchandises n’ont pas été calculés correctement et que les montants de ressources propres correspondant à ces droits qui auraient dû être constatés ne l’ont pas été ni été mis à sa disposition au moment où ceux-ci auraient dû l’être.

338

D’autre part, la Commission reproche au Royaume-Uni que, dans le cadre de l’ODC Snake, ses autorités douanières ont annulé à partir du mois de juin 2015 les dettes douanières qu’elles avaient antérieurement constatées dans des ordres de recouvrement a posteriori émis entre le mois de novembre 2014 et le mois de février 2015, à savoir les avis C18 Snake portant sur les importations concernées effectuées entre le mois de novembre 2011 et le mois de novembre 2014, et que cet État n’a, ainsi, en raison d’erreurs administratives imputables à ses autorités douanières, pas mis à la disposition de cette institution les ressources propres traditionnelles qui étaient dues, en ce qui concerne ces importations.

1) Sur le principe de la responsabilité du Royaume-Uni pour l’absence de constatation de pertes de ressources propres traditionnelles de l’Union

339

Afin d’apprécier les différents griefs de la Commission et l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni pour sa défense, tout d’abord, il y a lieu de rappeler les caractéristiques du système des ressources propres de l’Union, ainsi qu’elles ont été résumées par la Cour dans sa jurisprudence.

340

Il résulte de l’article 8, paragraphe 1, des décisions 2007/436 et 2014/335 que les ressources propres de l’Union visées, respectivement, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 et à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/335 sont perçues par les États membres et que ces derniers ont l’obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 56 et jurisprudence citée).

341

À cette fin, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, des règlements nos 1150/2000 et 609/2014, de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que sont satisfaites les conditions prévues par la réglementation douanière « en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable » et, partant, dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable. Les États membres sont, par conséquent, obligés de reprendre les droits constatés conformément à l’article 2 de ces règlements dans la comptabilité des ressources propres de l’Union dans les conditions prévues à l’article 6 desdits règlements. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1150/2000 et de l’article 6, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 609/2014, un droit constaté qui n’a pas encore été recouvré et pour lequel aucune caution n’a été fournie est inscrit dans la comptabilité B (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 57 et jurisprudence citée).

342

Les États membres doivent ensuite mettre les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission dans les conditions fixées, de manière identique, aux articles 9 à 11 du règlement no 1150/2000 et aux articles 9, 10 et 12 du règlement no 609/2014, en les inscrivant, dans le respect des délais prévus, au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de cette institution. Conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 et à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, tout retard dans l’inscription à ce compte donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 58).

343

En outre, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ces règlements soient mis à la disposition de la Commission.

344

Par ailleurs, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014, les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder à ce recouvrement pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

345

Il en découle que, en l’état actuel du droit de l’Union, la gestion du système des ressources propres de l’Union est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Ainsi, les obligations de perception, de constatation et d’inscription au compte de ces ressources propres en vue de leur mise à disposition de la Commission s’imposent directement aux États membres en vertu de la législation de l’Union en matière de ressources propres, et, en l’occurrence, des décisions 2007/436 et 2014/335 ainsi que des règlements nos 1150/2000 et 609/2014 (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62 et jurisprudence citée).

346

Enfin, dès lors qu’un lien direct existe entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes, il incombe aux États membres, conformément aux obligations qui leur sont imposées en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de protéger les intérêts financiers de l’Union contre la fraude ou toute autre activité illégale portant atteinte à ces intérêts, de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits et, partant, de ces ressources [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Commission/Italie (Ressources propres – Recouvrement d’une dette douanière), C‑304/18, non publié, EU:C:2019:601, point 50 et jurisprudence citée].

347

Au vu de ces considérations relatives aux caractéristiques du système des ressources propres de l’Union, force est de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 240 de ses conclusions, que, dès lors que, ainsi qu’il est constaté au terme de l’examen du premier moyen, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont pas pris, pendant la période d’infraction, en violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations concernées effectuées pendant cette période, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement des marchandises concernées, sur la base d’une analyse de risque, et l’obligation de constituer des garanties pour les importations détectées par un profil de risque comme présentant un risque important de sous-évaluation, cet État a, s’agissant de ces importations, calculé les dettes douanières sur la base de valeurs inexactes, car, en règle générale, inférieures aux valeurs réelles des marchandises concernées. Partant, ledit État n’a pas pris en compte l’intégralité des droits de douane dus et n’a, par voie de conséquence, pas non plus constaté, ni mis à la disposition de la Commission, en violation des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335 ainsi que des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000 et des dispositions correspondantes des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014, l’intégralité des ressources propres relatives auxdites importations au moment où celles-ci auraient dû l’être.

348

Le Royaume-Uni met en cause ce constat. Selon cet État, en ce que le présent recours vise à obtenir que la Cour le condamne à mettre à la disposition de la Commission certains montants de ressources propres, ce recours constitue un recours en réparation fondé sur une violation de l’article 325 TFUE et du droit douanier de l’Union, laquelle tiendrait au fait que ses autorités douanières auraient effectué des contrôles inappropriés sur des importations frauduleusement sous-évaluées.

349

Partant, conformément aux principes régissant tout recours en indemnité, la Commission serait tenue d’établir qu’il existe un lien de causalité direct entre ces contrôles et les pertes de ressources propres que cette institution réclamerait à titre de dommages et intérêts.

350

Toutefois, un tel lien de causalité ferait défaut. À cet égard, le Royaume-Uni fait valoir que, conformément à ces principes, il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir ce qui se serait passé si les mesures de contrôles douaniers recommandées par l’OLAF et la Commission avaient été adoptées pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause, à savoir, essentiellement, des contrôles effectués avant le dédouanement des marchandises concernées sur la base d’un profil de risque.

351

Or, selon le Royaume-Uni, si de telles mesures avaient été prises, les importations concernées n’auraient tout simplement pas eu lieu, de sorte qu’aucune perte pour le budget de l’Union n’aurait été causée. En effet, les opérateurs concernés ne seraient pas disposés à payer les droits de douane dus pour les importations concernées dès lors, notamment, que leur rémunération dépendait des montants de droits de douane éludés.

352

Partant, il ne saurait être reproché au Royaume-Uni de ne pas avoir mis à la disposition de la Commission les ressources propres traditionnelles dues au titre des importations concernées, dont cet État aurait d’ailleurs lui-même été la victime. Ledit État ne saurait être, par conséquent, tenu pour responsable d’aucune perte de ces ressources propres.

353

Une telle argumentation doit être écartée.

354

Il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il est exposé aux points 180 et suivants du présent arrêt, la Commission, dans le cadre de la présente procédure, ne vise pas à ce que la Cour condamne cet État à payer des dommages et intérêts, de telle sorte que le présent recours ne constitue pas un recours en réparation et qu’aucun lien de causalité direct entre les contrôles inappropriés des autorités du Royaume-Uni et les pertes de ressources propres ne doit être établi en raison du caractère prétendument indemnitaire que la présente procédure revêtirait.

355

De même, contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, l’exigence pour la Commission de démontrer un lien de causalité direct entre une violation du droit de l’Union et les pertes de ressources propres dont un État membre devrait être tenu pour responsable ne découle pas non plus de l’arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Royaume-Uni (C‑391/17, EU:C:2019:919).

356

Certes, aux points 121 et 122 de cet arrêt, la Cour a utilisé l’expression « lien de causalité », entre une action irrégulière des autorités douanières d’Anguilla (territoire d’outre-mer du Royaume-Uni) et les pertes de ressources propres résultant d’une violation de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO 1991, L 263, p. 1), pour examiner, puis écarter l’argumentation invoquée par le Royaume-Uni, tirée de l’absence d’un tel lien. Il ressort néanmoins du point 120 dudit arrêt que cette expression fait référence à la question de savoir si cette action irrégulière « a entraîné, de manière certaine, une perte de ressources propres », question à laquelle la Cour a répondu à ce point 120 par l’affirmative, sur la base de la constatation selon laquelle ladite action irrégulière avait amené les autorités italiennes à admettre des produits en provenance d’Anguilla à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane et à rendre des décisions de remise et de restitution de droits de douane.

357

Or, en l’espèce, il convient de constater que l’absence de contrôles appropriés effectués par les autorités douanières du Royaume-Uni des valeurs en douane déclarées pour les importations concernées pendant la période d’infraction a eu pour conséquence que les droits de douane correspondants ont été calculés et pris en compte sur la base de valeurs sous-évaluées et que, de ce fait, les produits concernés ont été admis à l’importation dans l’Union alors que seule une fraction des droits de douane dus avait été payée. Partant, cette absence de contrôles appropriés a entraîné, de manière certaine, des pertes de ressources propres de l’Union.

358

Contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, la question devant être posée à ce titre afin de déterminer si des pertes de ressources propres de l’Union ont été causées en raison du caractère inapproprié du dispositif de contrôles douaniers est non pas celle de savoir si les importations concernées auraient eu lieu dans l’hypothèse où les contrôles douaniers recommandés par l’OLAF et la Commission auraient été effectués, mais uniquement celle de savoir quels auraient été les montants de droits de douane pris en compte et de ressources propres de l’Union constatés par les autorités douanières du Royaume-Uni si ces importations, dont il est constant qu’elles ont effectivement eu lieu en grandes quantités sur le territoire de cet État, avaient fait l’objet des vérifications appropriées afin d’assurer que les droits de douane soient calculés sur la base non pas de valeurs en douane manifestement sous-évaluées, mais de valeurs en douane correctement établies, conformément aux règles du droit douanier de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane.

359

À cet égard, il découle de la jurisprudence rappelée au point 346 du présent arrêt que, dès lors qu’un lien direct existe entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles correspondantes, il incombe aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits et, partant, des montants correspondants de ces ressources.

360

Or, en l’espèce, ainsi qu’il est jugé au terme de l’examen du premier moyen, le Royaume-Uni n’a pas pris, au cours de la période d’infraction, les mesures nécessaires à cet effet.

361

Partant, les droits de douane concernant les marchandises faisant l’objet des importations concernées ont été calculés sur la base de valeurs dont il est permis de considérer qu’elles ont, dans leur grande majorité, été déclarées frauduleusement en ce qu’elles étaient largement inférieures à leur valeur réelle et n’ont, par conséquent, pas été déterminées correctement.

362

Le caractère inapproprié de ces contrôles a dès lors eu pour conséquence que les montants de droits de douane et de ressources propres effectivement dus pour les importations concernées n’ont pas été effectivement et intégralement perçus et mis à la disposition de la Commission par le Royaume-Uni.

363

En effet, étant donné que ces montants auraient pu être constatés correctement dès la réalisation des opérations d’importation et de leur dédouanement consécutif si les autorités du Royaume-Uni avaient effectué les vérifications nécessaires, cet État doit être placé, pour la période d’infraction, dans une situation équivalente à celle où il aurait constaté correctement les droits de douane correspondants et les aurait inscrits dans la comptabilité des ressources propres de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2011, Commission/Portugal, C‑23/10, non publié, EU:C:2011:160, point 63 et jurisprudence citée).

364

En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 265 de ses conclusions, si, en raison des contrôles inappropriés qu’elles ont effectués, les autorités douanières du Royaume-Uni ont omis, en violation des obligations qui leur incombaient en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union, de percevoir, le cas échéant à cause d’erreurs commises par celles-ci, l’intégralité des droits de douane dus pour les importations concernées, cela ne saurait remettre en cause l’obligation du Royaume-Uni de mettre à la disposition de la Commission les ressources qui auraient été constatées si ces droits avaient été correctement pris en compte.

365

Enfin, dès lors que, tout au long de la période d’infraction, des quantités massives de marchandises concernées ont fait l’objet d’importations sous-évaluées au Royaume-Uni, sans que l’exactitude des valeurs déclarées conformément aux règles du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane ait été vérifiée préalablement à leur mise en libre pratique, cet État a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

366

Outre qu’une reconstitution des faits telle que celle que le Royaume-Uni fait valoir impliquerait un exercice spéculatif auquel il n’appartient pas à la Cour de procéder aux fins de constater qu’il incombe à un État membre de compenser des pertes de ressources propres de l’Union, cette reconstitution ne saurait en aucun cas mettre en doute la réalité et l’importance des pertes subies s’agissant des importations concernées.

2) Sur la responsabilité du Royaume-Uni pour les pertes de ressources propres de l’Union constatées dans les avis C 18 Snake

367

Il y a lieu d’examiner, ensuite, le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni, en violation de l’article 13 du règlement no 609/2014, n’a pas mis à la disposition de celle-ci les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations concernées, effectuées entre le mois de novembre 2011 et le mois de novembre 2014, dès lors que les autorités douanières du Royaume-Uni ont, entre les mois de juin et de novembre 2015, annulé des décisions de recouvrement a posteriori de droits de douane supplémentaires prises dans le cadre de l’ODC Snake, en particulier, les 23 avis C 18 Snake, émis entre le mois de novembre 2014 et le mois de février 2015, en vue de recouvrer un montant total de droits de douane supplémentaires qui s’élevait, en définitive, selon le Royaume-Uni, à 192568694,30 GBP.

368

Il est constant, à cet égard, que les droits de douane supplémentaires réclamés dans les avis C 18 Snake ont été pris en compte et notifiés à leurs débiteurs, que les montants de ressources propres correspondant à ces droits ont été inscrits dans la comptabilité B, conformément à l’article 6, paragraphe 3, des règlements nos 1150/2000 et 609/2014, dès lors qu’il s’agissait de droits constatés, mais qui n’avaient pas encore été recouvrés et pour lesquels aucune caution n’avait été fournie, et que les autorités douanières du Royaume-Uni ont, par la suite, annulé ces avis ainsi que retiré l’inscription de ces montants dans cette comptabilité.

369

Le Royaume-Uni soutient que l’annulation des avis C 18 Snake était justifiée dès lors qu’il était devenu définitivement impossible de procéder au recouvrement des droits concernés pour des raisons qui ne pouvaient lui être imputées, de sorte que, conformément à l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 609/2014, il aurait été dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés.

370

Selon cet État, le recouvrement des droits constatés par ces avis est devenu définitivement impossible, d’une part, en raison du fait, non imputable au Royaume-Uni, que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises dites « phénix », c’est-à-dire des entreprises défaillantes ou insolvables, et, d’autre part, dès lors qu’il ressortait de décisions prises dans le cadre de l’examen des recours introduits contre ces avis devant un service indépendant du HMRC que les droits de douane supplémentaires réclamés dans lesdits avis avaient été calculés sur la base des PMC et, par conséquent, selon une « méthode inacceptable et insuffisamment étayée ».

371

À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par ce règlement.

372

En l’espèce, ainsi que le détail des calculs des droits de douane supplémentaires réclamés dans les avis C 18 Snake, que le Royaume-Uni a produits en annexe du mémoire en duplique, le confirme, ces droits supplémentaires ont été calculés erronément sur la base des PMC.

373

Or, il s’agit là d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, puisque, ainsi que l’OLAF l’a souligné à différentes reprises dans le cadre des réunions avec ces autorités douanières et qu’il ressortait d’ailleurs clairement des lignes directrices de l’ACP Discount, les PMC ne pouvaient être utilisés que comme un outil d’analyse de risque, c’est-à-dire un outil permettant de détecter sur la base de profils de risque les importations susceptibles d’être sous-évaluées pour lesquelles des vérifications étaient nécessaires, et non pour déterminer leur valeur en douane.

374

Dès lors, afin de satisfaire aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, le Royaume-Uni était tenu, en tant que mesure nécessaire pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission, de corriger cette erreur administrative. En particulier, le Royaume-Uni devait à nouveau déterminer la valeur en douane en appliquant l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union et, notamment, par les règles séquentielles des dispositions du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane, telles que celles prévues aux articles 70 à 74 du code des douanes de l’Union.

375

À cet égard, la Cour a jugé que les méthodes de détermination de la valeur en douane prévues par ces articles présentent un lien de subsidiarité, de telle sorte que, lorsqu’une telle valeur ne peut être déterminée par application d’un article donné, il y a lieu de se référer à l’article qui vient immédiatement après celui-ci dans l’ordre établi (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, point 29).

376

Il ressort également du dossier soumis à la Cour, en particulier du compte rendu de la réunion tenue le 20 février 2015 entre l’OLAF et le HMRC, que les autorités douanières du Royaume-Uni se sont rapidement rendu compte de l’erreur qu’elles avaient commise, mais qu’elles ont décidé d’annuler les avis de recouvrement plutôt que de réémettre ces derniers après les avoir corrigés en appliquant l’une des méthodes visées au point précédent du présent arrêt pour déterminer correctement la valeur en douane. Or, une telle décision de ne pas réémettre les avis après les avoir corrigés constitue également une erreur administrative.

377

Dans ce cadre, le Royaume-Uni ne saurait invoquer le fait que, alors que l’OLAF lui avait promis de lui fournir des données provenant des autorités chinoises relatives aux prix à l’exportation, très peu de ces données lui auraient finalement été fournies sous une forme permettant d’être utilisées pour déterminer la valeur en douane des marchandises concernées conformément aux règles séquentielles des dispositions du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane. De la même manière, cet État ne saurait invoquer le fait qu’il ne disposait pas de données relatives à la valeur de ces marchandises lui permettant de déterminer la valeur en douane conformément à ces règles.

378

En effet, l’application du droit douanier de l’Union incombant aux États membres qui en sont exclusivement responsables, le Royaume-Uni était tenu d’appliquer les mesures appropriées, telles que des contrôles physiques, des demandes de renseignements et de documents ou le prélèvement d’échantillons, afin de disposer de données suffisantes permettant d’assurer que les valeurs en douane concernées soient correctement établies. Cet État ne peut par conséquent tirer profit de sa propre inaction pour justifier le fait qu’il n’a pas mis à la disposition de la Commission les ressources dues.

379

Il s’ensuit que, en ce que les autorités douanières du Royaume-Uni ont décidé d’annuler les avis C 18 Snake plutôt que de réémettre ces derniers après les avoir corrigés en remplaçant les PMC par des valeurs en douane déterminées en conformité avec les méthodes séquentielles du droit douanier de l’Union, cet État n’a pas pris, en violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 609/2014, les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés ou devant être constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par ledit règlement.

380

Ensuite, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014, les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement de ces derniers n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder à ce recouvrement pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

381

À cet égard, un État membre ne peut se prévaloir d’une telle dispense, par nature exceptionnelle, au titre d’une raison qui ne lui serait pas imputable, que s’il respecte la procédure prévue à l’article 13, paragraphes 3 et 4, du règlement no 609/2014.

382

Cette procédure est déclenchée par la communication par l’État membre concerné à la Commission, dans les trois mois suivant la décision de l’autorité administrative compétente par laquelle les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables, des éléments d’information portant sur les cas d’application de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50000 euros. Ces éléments d’information doivent inclure « tous les faits permettant d’apprécier pleinement » les raisons visées à l’article 13, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement qui ont empêché l’État membre concerné de mettre à disposition le montant en cause, ainsi que les mesures prises par cet État pour assurer le recouvrement. La Commission dispose alors d’un délai de six mois à compter de la réception de cette communication pour transmettre ses observations à l’État membre concerné ou à compter de la réception des informations complémentaires que cette institution juge utile de demander.

383

En l’espèce, force est de constater que le Royaume-Uni n’a pas respecté cette procédure comportant un dialogue ouvert avec la Commission et reposant sur une communication univoque et circonstanciée des raisons invoquées par cet État qui auraient justifié, de son point de vue, qu’il soit dispensé de mettre à disposition des ressources constatées dans les avis C 18 Snake, en application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014.

384

En effet, les dettes douanières constatées dans les avis C 18 Snake n’apparaissent pas avoir été déclarées irrécouvrables par une décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement, au sens de l’article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 609/2014. Ne constituent en effet pas une telle décision de mise en non-valeur les lettres par lesquelles une instance du HMRC a annulé ces avis dans le cadre de procédures de réexamen administratives.

385

En outre, il est constant que le Royaume-Uni a également omis de communiquer à la Commission, dans un délai de trois mois suivant l’adoption d’une telle décision, « tous les faits permettant d’apprécier pleinement » les raisons visées à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014 qui auraient empêché cet État de mettre à disposition les montants constatés dans les avis C 18 Snake, ainsi que les mesures prises par ce dernier pour en assurer le recouvrement.

386

La Commission n’a ainsi pas non plus été en mesure de transmettre ses observations ou, le cas échéant, de demander des informations complémentaires dans le délai de six mois qui lui était imparti.

387

Il importe d’ajouter que, sur le fond, le Royaume-Uni invoque en tant que raisons pour lesquelles il lui aurait été définitivement impossible de procéder au recouvrement des droits constatés dans les avis C18 Snake, le fait, d’une part, que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises dites « phénix », c’est-à-dire défaillantes ou insolvables, et, d’autre part, que lesdits droits avaient été calculés sur la base des PMC et qu’il n’existait pas d’autres méthodes pour déterminer la valeur des marchandises concernées en l’absence de données pouvant être utilisées à cet effet, telles que les prix à l’exportation promis, mais non fournis par l’OLAF.

388

Or, les raisons ainsi invoquées par le Royaume-Uni ne sont pas de nature à le dispenser de mettre à la disposition de la Commission des ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis C 18 Snake.

389

En effet, si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises « phénix » concernées, cela est dû à une double erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, dès lors que, dès que ces dernières se sont rendu compte de leur erreur consistant à avoir calculé les droits sur la base des PMC alors que l’OLAF avait clairement indiqué que ces prix ne devaient être utilisés que dans le cadre de l’analyse de risque, elles ont préféré annuler les avis C18 Snake plutôt que de réémettre ces derniers après les avoir corrigés en temps utile en se fondant sur l’une des méthodes séquentielles du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane.

390

En outre, l’impossibilité de recouvrement des droits douaniers constatés dans les avis C 18 Snake tient en définitive à l’absence de contrôles physiques effectués avant le dédouanement des marchandises concernées, accompagnés du prélèvement d’échantillons et appliqués de manière suffisamment systématique. En effet, l’absence de tels contrôles a eu pour conséquence que les autorités douanières du Royaume-Uni ne disposaient pas, malgré la responsabilité exclusive leur incombant à cet égard, des données nécessaires, notamment des données relatives à la qualité de ces marchandises, permettant d’établir la valeur de celles-ci conformément aux dispositions du droit douanier de l’Union.

391

De même, si, de fait, un recouvrement a posteriori de droits auprès des entreprises dites « phénix » s’est révélé impossible, dans la grande majorité des cas, en raison de l’insolvabilité de ces dernières, une telle situation aurait pu et dû être évitée si les autorités douanières du Royaume-Uni avaient exigé, de manière systématique, ainsi que l’OLAF et la Commission le leur avaient itérativement recommandé, la constitution de garanties préalablement au dédouanement des marchandises concernées.

392

Si, après avoir annulé les avis C 18 Snake, les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont pas réémis ces avis, au motif qu’elles ne disposaient pas des données nécessaires pour déterminer la valeur des marchandises concernées sur la base des règles du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane, un tel motif, en ce qu’il trouve sa source dans la méconnaissance par le Royaume-Uni de la responsabilité exclusive qui lui incombait d’assurer que les valeurs en douane avaient été correctement déterminées sur la base de données physiques et documentaires suffisantes, ne saurait en aucun cas justifier le fait que cet État soit dispensé de mettre à la disposition de la Commission des ressources afférentes auxdits avis en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014.

393

Dans ce contexte, le Royaume-Uni ne saurait s’exonérer de la responsabilité qui lui incombait d’assurer que les valeurs en douane des marchandises concernées avaient été correctement établies sur la base de données obtenues à cet effet par ses autorités douanières, en faisant valoir que très peu de données relatives aux prix à l’exportation provenant des autorités chinoises que l’OLAF lui avait fournies dans le cadre de l’ODC Snake étaient utilisables. En effet, ces prix pouvaient, tout au plus, constituer un outil complémentaire pour déterminer la valeur en douane correcte des importations concernées sur la base de l’une des méthodes prescrites par les règles du droit de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane. Toutefois, ils ne pouvaient en aucun cas se substituer aux données relatives à la valeur de ces importations qu’il incombait aux autorités douanières du Royaume-Uni d’obtenir dans le cadre de l’application de mesures de contrôles douaniers effectuées avant le dédouanement des marchandises concernées.

394

Il doit en être conclu que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que le Royaume-Uni s’est abstenu, après avoir constaté un droit de l’Union sur les ressources propres, de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans que l’une des conditions prévues à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014 soit satisfaite, cet État a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union et, notamment, à celles découlant des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335 (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 67 et jurisprudence citée).

395

Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a également observé, en substance, au point 250 de ses conclusions, il convient de considérer que, en raison de l’annulation des 23 avis C18 Snake et de l’absence de mise à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles qui y étaient afférentes, en violation de l’article 13 du règlement no 609/2014, ces ressources sont dues par le Royaume-Uni au titre de la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014.

396

Enfin, s’agissant de la violation de l’article 12 du règlement no 609/2014 et de la disposition correspondante de l’article 11 du règlement no 1150/2000, en ce que le Royaume-Uni n’aurait pas payé les intérêts dus en raison du retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, de ces règlements des sommes correspondant aux pertes de ressources propres traditionnelles qui n’ont pas été mises à la disposition de la Commission, il y a lieu de relever que la Commission a clairement indiqué dans l’avis motivé (points 271 à 273 ainsi que dispositif de cet avis) que, conformément à l’article 12 du règlement no 609/2014, des intérêts de retard étaient dus et seraient calculés dès que le montant principal serait mis à sa disposition. Dans les conclusions de l’avis motivé, un manquement à cette dernière disposition est également expressément mentionné. Le Royaume-Uni soutient, par conséquent, à tort que la demande formulée par la Commission dans la requête tendant au versement d’intérêts de retard au titre de l’article 12 du règlement no 609/2014 est irrecevable dès lors que celle-ci n’aurait pas été formulée dans l’avis motivé.

397

Doit également être écarté l’argument du Royaume-Uni selon lequel il serait prématuré et inadmissible d’alléguer que cet État a manqué à une quelconque obligation de payer des intérêts de retard dans la mesure où ladite obligation ne peut naître qu’à une date future.

398

À cet égard, il convient de rappeler que l’État membre qui, ne partageant pas la position de la Commission en ce qui concerne l’obligation pour lui de mettre un montant de ressources propres de l’Union à la disposition de cette institution, s’abstient de procéder à cette mise à disposition s’expose à devoir verser des intérêts de retard en cas de constatation, par la Cour, d’un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de la réglementation en matière de ressources propres (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 69).

399

En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres de l’Union, celle de les inscrire au compte ouvert à cet effet au nom de la Commission dans les délais impartis et celle de verser des intérêts de retard, ces derniers étant exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au crédit de ce compte (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 59 et jurisprudence citée).

400

Ainsi, l’obligation de verser des intérêts de retard, en application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, est accessoire par rapport à l’obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres de l’Union dans le respect des conditions fixées aux articles 9 à 11 de ce règlement, en particulier des délais fixés par ledit règlement (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 70).

401

Dans ce contexte, il y a lieu d’ajouter qu’un État membre peut éviter les conséquences financières préjudiciables constituées par les intérêts de retard, dont le montant peut être élevé, en mettant à la disposition de la Commission le montant réclamé par celle-ci, tout en formulant des réserves quant au bien-fondé des thèses de cette institution (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 72 et jurisprudence citée).

402

En l’espèce, le Royaume-Uni a toutefois choisi de ne pas mettre à la disposition de la Commission, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, le montant de ressources propres réclamé dans cet avis, ne fût-ce qu’en assortissant, le cas échéant, cette mise à disposition de réserves, mais s’est limité à contester toute obligation de devoir mettre un montant de ressources propres à la disposition de cette institution, exposant ainsi cet État au paiement d’intérêts de retard.

403

Il s’ensuit que, dès lors qu’il est constaté que le Royaume-Uni a manqué à son obligation de mettre à la disposition de la Commission des ressources propres de l’Union pour ce qui concerne les importations concernées pendant la période d’infraction, cet État, en violation de l’article 12 du règlement no 609/2014 et de la disposition correspondante de l’article 11 du règlement no 1150/2000, n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents à ces ressources, dans la limite, le cas échéant, du plafond de 16 % prévu à l’article 12, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement no 609/2014.

404

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au deuxième moyen de la Commission pour autant que celui-ci vise le grief, figurant au premier alinéa du premier chef de conclusions, selon lequel le manquement du Royaume-Uni consistant à ne pas avoir pris les mesures de contrôles douaniers nécessaires pour combattre de manière effective la fraude à la sous-évaluation en cause, en violation de l’article 325 TFUE et du droit douanier de l’Union, a entraîné des pertes de droits de douane et, partant, de ressources propres traditionnelles, de telle sorte que le Royaume-Uni, en omettant de constater et de mettre à la disposition de cette institution les ressources dues à concurrence des droits de douane qui auraient dû être pris en compte si la valeur en douane des importations concernées avait été correctement déterminée, a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union, en particulier celles qu’imposent les articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335 ainsi que les articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000 et les dispositions correspondantes des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014.

b)   Sur le grief tiré de la violation par le Royaume-Uni de son obligation de mettre à disposition des montants déterminés de ressources propres traditionnelles

405

Il y a lieu, d’examiner, en second lieu, le deuxième moyen de la Commission pour autant que celui-ci vise le grief, figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête, selon lequel la Royaume-Uni a manqué de manière plus spécifique aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres en n’ayant pas mis à la disposition de cette institution des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un montant total brut, diminué des frais de perception, pour toute cette période, de 2679637088,86 euros.

406

Pour déterminer ces montants de pertes de ressources propres traditionnelles que, selon la Commission, le Royaume-Uni devait mettre à la disposition de celle-ci, cette institution s’est fondée, à l’instar de ce que l’OLAF avait fait dans son rapport pour calculer les montants des pertes de ressources propres traditionnelles pour les années 2013 à 2016, sur une estimation de nature statistique s’appuyant sur la méthode OLAF-JRC qui, à l’origine, avait été développée et appliquée à partir de l’ACP Discount en tant qu’outil d’analyse de risque visant à identifier les importations susceptibles d’être sous-évaluées et devant faire l’objet de vérifications avant le dédouanement des marchandises concernées.

407

Le Royaume-Uni estime, en se fondant sur sa propre méthode développée spécifiquement pour calculer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles (ci-après la « méthode du HMRC »), n’être redevable de telles ressources pour la période d’infraction que pour un montant total maximal de 123819268 GBP (environ 145450494 euros).

408

Dans le mémoire en duplique, le Royaume-Uni expose le détail du calcul permettant d’obtenir ce montant comme suit. Pour la première partie de la période d’infraction, à savoir la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, il y aurait lieu de retenir en tant que pertes de ressources propres traditionnelles le total des dettes douanières réclamées dans les 23 avis C 18 Snake, soit un montant de 192568694,30 GBP. Ce montant devrait être réduit à un montant d’environ 25 millions de GBP en application de la méthode du HMRC, dès lors que ces dettes auraient été erronément calculées selon la méthode OLAF-JRC et, en particulier, sur le fondement des PMC. À ce montant d’environ 25 millions de GBP devrait ensuite être ajouté, pour ce qui concerne la seconde partie de la période d’infraction, à savoir la période allant du mois de janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, une somme de 143115553 GBP (environ 168117840 euros) qui représenterait le montant des pertes de ressources propres calculé selon la méthode du HMRC. Enfin, s’agissant des importations concernées au cours de cette seconde période, devraient être déduits les montants réclamés dans les avis C 18 Breach déjà notifiés à 34 opérateurs pour un montant total révisé de 44296285,04 GBP (environ 52034846 euros).

409

Il s’ensuit que les estimations très différentes de la Commission et du Royaume-Uni en ce qui concerne l’ampleur des pertes de ressources propres traditionnelles que les contrôles inappropriés des importations concernées ont entraînées découlent des méthodes foncièrement différentes qu’utilisent cette institution et cet État pour calculer ces pertes.

1) Sur l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la Cour doit d’abord examiner son estimation des pertes de ressources propres traditionnelles

410

Il y a lieu d’examiner à titre liminaire l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la Cour devrait examiner, dans un premier temps, le calcul des pertes de ressources propres traditionnelles tel que ce dernier a été effectué par cet État sur la base de la méthode du HMRC. Ce ne serait que si ce calcul devait être écarté comme étant manifestement déraisonnable que la Cour pourrait examiner, dans un second temps, l’estimation des pertes effectuée par la Commission sur la base de la méthode OLAF-JRC.

411

Cette argumentation tirée de la prévalence de l’estimation des pertes de ressources propres selon la méthode du HMRC est fondée sur la compétence exclusive dont les États membres disposent pour déterminer, dans le cadre de la mise en œuvre du droit douanier de l’Union, la valeur en douane servant à calculer les droits de douane et, pour décider, dans le cadre de la gestion du système des ressources propres de l’Union, des montants de ressources devant être mis à la disposition de la Commission.

412

S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni tirée de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres dans le système douanier de l’Union, il y a lieu de relever qu’il est vrai que, dans le cadre de ce système, tel que ce dernier est actuellement conçu dans le droit de l’Union, il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane telles que celles-ci sont prescrites aux articles 29 à 31 du code des douanes communautaire ou aux dispositions correspondantes des articles 70 à 74 du code des douanes de l’Union et, en particulier, conformément à l’une des méthodes séquentielles de détermination de la valeur en douane prévues à ces articles ou dispositions.

413

S’agissant des importations concernées, il incombait par conséquent aux autorités douanières du Royaume-Uni, ainsi qu’il est jugé dans le cadre de l’examen des autres griefs soulevés au soutien des premier et deuxième moyens, de prendre les mesures appropriées, telles que des contrôles physiques ou le prélèvement d’échantillons, afin d’assurer que les valeurs déclarées en douane soient correctement établies, en conformité avec ces règles du droit douanier de l’Union sur la base de données physiques ou documentaires suffisantes relatives à la valeur des marchandises concernées, notamment en ce qui concerne leurs qualités de finition.

414

Or, ainsi qu’il est constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, les autorités douanières du Royaume-Uni ont, en violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union, omis de prendre de telles mesures de manière suffisamment systématique, de telle sorte que les valeurs en douane concernées n’ont pas été déterminées correctement et que ces autorités n’ont pas non plus recueilli ces données physiques ou documentaires relatives à la qualité des produits concernés.

415

Par conséquent, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique dans le marché intérieur à partir du Royaume-Uni pendant la période d’infraction en violation des règles du droit douanier de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane.

416

Les marchandises concernées ne pouvant plus être rappelées à des fins de contrôles physiques et des données suffisantes quant à leur valeur réelle n’ayant pas été demandées aux opérateurs concernés et, partant, n’ayant pas non plus été fournies, il n’est, à présent, plus possible de déterminer, pour chaque déclaration en douane en cause, la valeur en douane des produits concernés en provenance de Chine sur la base de l’une des méthodes prescrites aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union telle que la méthode dite « fall-back » de l’article 74, paragraphe 3, de ce code consistant à déterminer la valeur en douane sur la base des « données disponibles » dans le respect des conditions imposées à l’article 144 du règlement d’exécution.

417

Dans ces conditions, le Royaume-Uni, soutenu par les États membres intervenants, ne peut reprocher à la Commission d’avoir appliqué, aux fins de calculer le montant des pertes de droits de douane et, partant, de ressources propres traditionnelles entraînées par l’absence de contrôles appropriés des importations concernées, la méthode OLAF-JRC, de nature essentiellement statistique, qui ne procède pas de l’une des méthodes séquentielles prescrites aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union pour déterminer, pour chaque déclaration en douane concernée, la valeur en douane des marchandises concernées.

418

S’agissant, en second lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la prévalence de son estimation des pertes de ressources propres traditionnelles selon la méthode du HMRC s’impose comme le corollaire de la compétence exclusive des États membres pour décider de la mise à la disposition de la Commission de ressources propres, il est vrai que, ainsi que la Cour l’a jugé, en l’état actuel du droit de l’Union, la gestion du système des ressources propres de l’Union est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Ainsi, les obligations de perception, de constatation et d’inscription au compte de ces ressources propres en vue de leur mise à la disposition de la Commission s’imposent directement aux États membres en vertu de la législation de l’Union en matière de ressources propres, et, en l’occurrence, des décisions 2007/436 et 2014/335 ainsi que des règlements nos 1150/2000 et 609/2014, sans que la Commission soit investie d’un pouvoir décisionnel lui permettant d’enjoindre aux États membres de constater et de mettre à sa disposition des montants de ressources propres de l’Union (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62 et jurisprudence citée).

419

En l’espèce, le Royaume-Uni a choisi de ne pas mettre à la disposition de la Commission au terme du délai fixé dans l’avis motivé le montant de ressources propres réclamé dans cet avis, ne fût-ce qu’en assortissant, le cas échéant, cette mise à disposition de réserves, se limitant à contester devoir inscrire au compte de cette institution un montant quelconque de ressources propres.

420

Dans ces conditions, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle est investie pour décider de l’opportunité d’engager la procédure prévue à l’article 258 TFUE et, de manière plus générale, dans l’accomplissement de sa mission de gardienne des traités qui lui est dévolue en vertu de l’article 17, paragraphe 1, TUE, lui imposant de veiller à la bonne exécution, par les États membres, de leurs obligations en matière de ressources propres de l’Union, la Commission ne saurait être critiquée pour avoir fait usage de la faculté inhérente au système des ressources propres de l’Union tel qu’il est actuellement conçu dans le droit de l’Union de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le présent différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à la disposition de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, points 65, 66 et 68).

421

Partant, contrairement à ce que le Royaume-Uni soutient, le litige l’opposant à la Commission ayant pour objet le montant des ressources propres à mettre à la disposition de cette institution, ce litige relève pleinement de la compétence de la Cour en vertu de l’article 258 TFUE.

422

Il ne saurait dès lors être exigé que la Commission introduise tout d’abord un recours en manquement limité à la question de principe de savoir si l’État membre concerné a manqué aux obligations qui lui incombaient, en vertu du droit de l’Union, de mettre à la disposition de cette institution des ressources propres, sans quantification de celles-ci, avant de pouvoir, ensuite, soumettre à la Cour un litige portant sur les montants exacts de ressources dues dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, lorsque la Commission estime que l’État membre concerné a omis de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour ayant constaté un tel manquement en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission ces montants.

423

Cela étant, ainsi qu’il est rappelé au point 221 du présent arrêt, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission, qui a la charge d’établir l’existence du manquement allégué, d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque.

424

En l’espèce, ces éléments doivent porter, notamment, sur la méthode que la Commission a suivie pour calculer le montant de ressources propres qu’elle réclame du Royaume-Uni.

425

Par conséquent, il y a lieu d’examiner la question de savoir si la Commission a démontré à suffisance de droit, en se fondant sur la méthode OLAF-JRC, l’exactitude des montants déterminés de pertes de ressources propres traditionnelles dont elle soutient qu’ils doivent être mis à sa disposition, cette question ayant d’ailleurs fait l’objet d’un débat contradictoire entre les parties tant au cours de la procédure précontentieuse que devant la Cour.

2) Sur l’estimation par la Commission des montants de pertes de ressources propres traditionnelles selon la méthode OLAF-JRC

426

Avant d’examiner ladite question, il y a lieu de rappeler brièvement les caractéristiques essentielles de la méthode OLAF-JRC, telle que cette dernière a été utilisée par la Commission pour calculer les montants de pertes de ressources propres traditionnelles qu’elle a demandé au Royaume-Uni de mettre à sa disposition, de manière identique, dans l’avis motivé et dans la requête.

427

Ainsi qu’il ressort des points 53 à 57 du présent arrêt, la méthode OLAF-JRC a été développée en tant qu’outil d’analyse de risque pouvant être utilisée par les autorités douanières des États membres pour identifier les importations présentant un risque important de sous-évaluation et devant dès lors faire l’objet de contrôles en ce qui concerne les valeurs en douane déclarées. Elle consiste à calculer pour chacun des 495 codes produit à huit chiffres de la NC concernés relevant des chapitres 61 à 64 de cette nomenclature un PMC et un PMA, lequel est uniformément fixé à 50 % du PMC. Ces prix sont dérivés de la base de données Comext à partir des prix à l’importation des produits concernés provenant de données fournies par tous les États membres et sont ainsi établis au niveau de l’Union. Le PMA constitue le profil ou seuil de risque servant à identifier les importations susceptibles d’être sous-évaluées et devant dès lors faire l’objet de contrôles avant le dédouanement des marchandises concernées quant aux valeurs en douane déclarées pour celles-ci.

428

La méthode OLAF-JRC, telle que cette dernière a été utilisée par la Commission pour déterminer les montants de pertes de ressources propres qu’elle réclame du Royaume-Uni, est une méthode d’estimation de ces pertes de nature essentiellement statistique.

429

Dans un premier temps, il est procédé au calcul du volume des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées sur le fondement de données prélevées de la base de données Surveillance 2 sur une période de 48 mois. À cette fin, sont retenues, pour chacun des 495 codes produit à huit chiffres de la NC concernés, les importations de chaque code produit dont la valeur agrégée quotidienne est inférieure au PMA du code produit concerné.

430

Dans un second temps, les pertes pour les quantités considérées comme étant sous-évaluées sont calculées en termes de droits de douane supplémentaires dus sur la base de la différence entre cette valeur agrégée quotidienne et le PMC.

431

Il s’ensuit que, selon la méthode OLAF-JRC, le volume des importations sous-estimées est calculé en prenant en considération les importations au Royaume-Uni de produits concernés en provenance de Chine dont le prix est inférieur au PMA (soit à 50 % du PMC) tandis que la valeur des importations sous-évaluées ainsi identifiées est calculée en appliquant le PMC, étant entendu que ces deux prix sont calculés à l’échelle de l’Union et non au niveau du seul Royaume-Uni.

3) Sur l’estimation par le Royaume-Uni des montants de pertes de ressources propres traditionnelles selon la méthode du HMRC

432

Le Royaume-Uni critique la méthode OLAF-JRC, soutenant que cette dernière conduit à surestimer, en raison de ses faiblesses et de ses inexactitudes, tant la quantité des importations sous-évaluées que la valeur attribuée à celles-ci.

433

Sa propre méthode, la méthode du HMRC, consiste à calculer, pour chaque code produit de la NC à 10 chiffres concerné, un « seuil de conformité » sur la base non pas d’un prix moyen établi au niveau de l’Union, mais en fonction des valeurs déclarées à l’importation au Royaume-Uni uniquement.

434

Ainsi que le Royaume-Uni l’a expliqué en réponse aux questions posées par la Cour, cette méthode consiste à identifier, sur la base d’une analyse d’histogrammes relatifs à la période d’infraction, pour chaque code produit à dix chiffres de la NC concerné, relevant des chapitres 61 à 64 de cette nomenclature, à la fois une « pointe », qui comprend un grand volume de prix déclarés comparativement bas, supposés être presque exclusivement sous-évalués, et un point situé en dehors de cette pointe où apparaissent des volumes d’importations plus typiques et les prix déclarés légitimes.

435

Un seuil de conformité est fixé pour chaque code produit concerné au niveau du prix correspondant à ce point, situé en dehors de ladite pointe où apparaissent les importations légitimes et devant dès lors être considéré comme étant un prix acceptable.

436

Sont alors considérées comme étant sous-évaluées suivant cette méthode dite de la « pointe » les importations dont la valeur déclarée en douane est inférieure à ce seuil de conformité. Pour ces importations, des droits de douane supplémentaires sont calculés, pour chaque déclaration en douane relative à un produit concerné, sur la base de la différence entre la valeur déclarée en douane et ledit seuil de conformité.

437

Partant, le même seuil de conformité, tel qu’il est utilisé pour calculer les montants de pertes de ressources traditionnelles de l’Union, est une valeur de référence établie sur la base de données statistiques relatives aux importations des produits concernés en provenance de Chine au Royaume-Uni, qui sert à la fois à identifier les importations pouvant être considérées comme étant sous-évaluées et à déterminer la valeur devant être attribuée à ces importations aux fins du calcul des droits de douane supplémentaires dus et, partant, des pertes de ressources propres traditionnelles correspondantes devant encore être mises à la disposition de la Commission.

438

Il ressort en outre du rapport d’une société de conseil annexé par le Royaume-Uni à sa réponse à l’avis motivé et au mémoire en défense que la différence substantielle entre l’estimation de cet État des pertes et celle de la Commission, la première étant inférieure à 10 % de la seconde, tient pour environ 80 % au fait que, selon la méthode du HMRC, les importations censées être sous-estimées sont « réévaluées » au niveau d’un prix seuil, à savoir le seuil de conformité, qui est un prix dérivé des seuls prix à l’importation au Royaume-Uni alors que, selon la méthode OLAF-JRC, la valeur est déterminée non pas au niveau d’un prix seuil tel que le PMA, soit 50 % du PMC, mais au niveau du « juste prix », soit 100 % du PMC, qui est un prix dérivé de la moyenne arithmétique et dès lors non pondérée des PMC de tous les États membres, y compris, à l’époque, ceux du Royaume-Uni.

4) Sur l’argumentation à caractère général dirigée contre la méthode OLAF-JRC

439

Avant d’examiner les différentes critiques spécifiques émises par le Royaume‑Uni, soutenu par les États membres intervenants, à l’égard des caractéristiques essentielles de la méthode OLAF-JRC, utilisée en tant que méthode pour estimer les montants des pertes de ressources propres, il y a lieu d’examiner l’argumentation à caractère général invoquée par cet État contre cette méthode.

440

Selon cette argumentation, dès lors que ladite méthode a été spécifiquement développée afin de pouvoir être utilisée par les États membres comme profil de risque permettant d’identifier des importations présentant un risque important de sous-évaluation et devant ainsi être contrôlées, il serait inapproprié que la même méthode soit appliquée aux fins de calculer les montants des pertes de ressources propres correspondant aux droits de douane qui n’ont pas été perçus au Royaume‑Uni en conséquence du caractère inapproprié des contrôles effectués par ses autorités douanières.

441

En effet, il s’agirait d’une méthode essentiellement statistique pour déterminer la valeur en douane des importations sous-évaluées qui ne compte pas parmi les méthodes séquentielles prescrites aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union, telle que la méthode dite « fall-back » prévue à l’article 74, paragraphe 3, de ce code consistant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base des « données disponibles » dans le respect des conditions imposées à l’article 144 du règlement d’exécution.

442

À cet égard, si la méthode OLAF-JRC est une méthode d’estimation des montants des pertes de ressources propres essentiellement statistique qui ne vise pas à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées, conformément aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union, eu égard à chaque déclaration en douane concernée, la Commission ne saurait être critiquée pour avoir utilisé une telle méthode statistique en vue de calculer les montants des pertes de ressources propres dans les circonstances de l’espèce.

443

En effet, il est constant que les importations concernées ont eu lieu à grande échelle et que les marchandises concernées ont été mises en libre pratique, ces marchandises ne pouvant plus être rappelées aux fins de vérifications en vue d’établir leur valeur réelle. De surcroît, le Royaume-Uni a omis, en violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et de la réglementation douanière de l’Union, de prendre les mesures nécessaires, telles que des contrôles physiques, des demandes de renseignements ou de documents ou encore le prélèvement systématique d’échantillons. Partant, en l’absence de données suffisantes relatives à la qualité des marchandises déjà mises en libre pratique, il n’est désormais plus possible, en raison de ces omissions, de déterminer la valeur de ces marchandises sur la base de l’une des méthodes d’évaluation prévues aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union, de telle sorte que seule une méthode statistique peut être utilisée pour estimer la valeur desdites marchandises.

444

En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 274 de ses conclusions, dans les circonstances particulières de l’espèce, rien n’empêchait, en principe, l’OLAF et la Commission d’utiliser la méthode OLAF-JRC, même si cette méthode avait été initialement conçue pour servir d’outil d’analyse de risque pour estimer les montants des pertes de ressources propres entraînées par les contrôles inappropriés des autorités douanières du Royaume-Uni, dès lors que ladite méthode comporte un prix seuil, à savoir le PMA, permettant de déterminer les volumes des importations sous-évaluées, et un prix de référence, à savoir le PMC, permettant d’attribuer une valeur de remplacement à ces importations aux fins du calcul des droits de douane restant dus.

445

Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a également observé, en substance, aux points 276 à 278 de ses conclusions, dans sa jurisprudence, la Cour a admis que, dans des circonstances similaires à celles de l’espèce, la quantification des pertes de ressources propres peut être fondée sur des données statistiques plutôt que sur des données ayant trait directement à la valeur des marchandises concernées.

446

En effet, dans une situation dans laquelle, en l’absence des marchandises concernées, l’impossibilité de procéder à des vérifications était la conséquence inéluctable de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle de ces marchandises, ayant conduit à l’acceptation systématique par ces autorités des valeurs déclarées en douane alors qu’elles savaient que, en moyenne, celles-ci étaient sous-évaluées, la Cour a considéré que, dans un tel cas, il n’était pas inapproprié de quantifier les montants des pertes de ressources propres découlant d’une telle pratique sur le fondement de données relatives à la différence entre le poids moyen standard déclaré de marchandises de même nature importées dans une période ultérieure et leur poids moyen constaté lors de contrôles qui, en raison de leur étendue, pouvaient être considérés comme pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, Commission/Portugal, C‑23/10, non publié, EU:C:2011:160, points 54, 63, 65 et 66).

447

Dans les circonstances particulières de l’espèce, les pertes de ressources propres découlent de la pratique des autorités douanières du Royaume-Uni ayant essentiellement consisté à systématiquement accepter, pendant la période d’infraction, les déclarations en douane des produits concernés importés en provenance de Chine sans vérifier les valeurs mentionnées sur ces déclarations, alors que ces autorités savaient ou auraient dû raisonnablement savoir que de grands volumes de ces produits étaient importés frauduleusement à des prix manifestement sous-évalués. Par conséquent, les montants de ces pertes peuvent être déterminés sur la base d’une méthode telle que la méthode OLAF-JRC qui est fondée sur des données statistiques plutôt que sur une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes, conformément aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union. En effet, cette dernière méthode ne peut, plus être appliquée en l’absence d’éléments de preuves directes relatives à cette valeur obtenus par lesdites autorités en quantités suffisantes.

448

Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, à la note 277 en bas de page, insérée sous le point 274 de ses conclusions, la méthode du HMRC, que propose le Royaume-Uni pour estimer les montants des pertes de ressources propres, est également une méthodologie qui est fondée essentiellement sur des données statistiques dès lors que les seuils de conformité sont dérivés de valeurs statistiques historiques.

449

Il convient néanmoins de déterminer si, en se fondant sur la méthode OLAF-JRC pour calculer les montants des pertes de ressources propres traditionnelles qu’elle allègue, la Commission a démontré à suffisance de droit l’exactitude des sept montants réclamés pour chacune des années composant la période d’infraction, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, selon la jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 423 du présent arrêt, dans une procédure en manquement.

450

Dans ce contexte et eu égard également à ce qui est jugé aux points 423 à 425 du présent arrêt, il revient à la Cour de vérifier si, pour autant que la Commission a invoqué la méthode OLAF-JRC en tant que méthode de calcul pour déterminer les montants des pertes de ressources propres qui n’auraient pas été mises à sa disposition en violation du droit de l’Union, cette institution a fourni suffisamment d’éléments démontrant l’exactitude de ces montants et, dès lors, le bien-fondé du manquement allégué, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe.

451

Ainsi que M. l’avocat général l’a également observé au point 281 de ses conclusions, la Cour est par conséquent tenue non pas d’effectuer un choix entre les différentes approches méthodologiques proposées par les parties, comme le Royaume-Uni semble le suggérer dans le mémoire en défense, mais seulement d’apprécier la méthode OLAF-JRC invoquée par la Commission à l’appui du présent recours en examinant les différentes critiques émises par cet État, soutenu par les États membres intervenants, contre cette méthode.

452

Il y a lieu de préciser à cet égard que l’examen par la Cour, dans le cadre de la présente procédure en manquement, de la méthode OLAF-JRC doit essentiellement viser, ainsi que M. l’avocat général l’a également observé, en substance, au point 286 de ses conclusions, à vérifier que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et qu’elle était suffisamment précise et fiable dès lors, notamment, qu’elle était fondée sur des critères qui ne sont ni arbitraires ni biaisés et qu’elle reposait sur une analyse objective et cohérente de l’ensemble des données pertinentes disponibles, de sorte à ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant de ces pertes.

453

Si la vérification de l’exactitude des différents montants de pertes de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête doit, en théorie, ainsi qu’il est indiqué au point 449 du présent arrêt, être effectuée en ce qui concerne chacune des sept années mentionnées à ce troisième alinéa, la Cour, pour des raisons d’économie de procédure, procédera à cet examen en ce qui concerne deux périodes successives incluses dans la période d’infraction, à savoir celle allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014 et celle allant du 1er janvier 2015 jusqu’au 11 octobre 2017 inclus.

5) Sur l’estimation du montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014

454

S’agissant, en premier lieu, de la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, il ressort des montants figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour les années 2011 à 2014 que la Commission reproche au Royaume-Uni, pour cette période, d’avoir omis de mettre à la disposition de cette institution un montant total de ressources propres traditionnelles de 1001511991,60 euros.

455

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, aux points 293 à 297 de ses conclusions, il ressort de manière univoque des motifs de la requête et du mémoire en réplique que, pour ladite période, en raison, notamment, des règles en matière de prescription de la dette douanière prévues à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes communautaire et à l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, la Commission a entendu limiter la portée du recours aux dettes douanières constatées dans les ordres de recouvrement a posteriori figurant dans les 23 avis C 18 Snake qui ont été émis entre le mois de novembre 2014 et le mois de février 2015 et qui, après leur prise en compte et notification aux opérateurs concernés, ont été annulées entre le mois de juin et le mois de novembre 2015. Par ailleurs, cette intention de la Commission est confirmée par les griefs formulés dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé.

456

Ainsi qu’il est constaté aux points 367 à 395 du présent arrêt, l’annulation des 23 avis C 18 Snake est due à des erreurs administratives commises par les autorités douanières du Royaume-Uni qui ne sont pas justifiables au regard de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014, de telle sorte que cet État n’était pas dispensé de mettre à la disposition de la Commission les ressources afférentes à ces avis.

457

Dans le mémoire en défense, le Royaume-Uni a indiqué que les montants réclamés dans les avis C 18 Snake étaient calculés sur la base des PMC de la méthode OLAF-JRC. Dans le mémoire en réplique, la Commission objecte que, au cours de la procédure précontentieuse, elle avait indiqué avoir compris, sans être corrigée sur ce point par le Royaume-Uni, que ces montants étaient calculés sur la base du PMA et, partant, selon la Commission, à un niveau manifestement trop bas aux fins de l’estimation des montants de pertes de ressources propres, ce qui l’aurait conduite à appliquer, dans la requête, sa méthode d’estimation de ces pertes, y compris pour la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, pour la totalité des importations effectuées à un prix déclaré inférieur au PMA au cours de cette période.

458

Or, il ressort clairement du dossier soumis à la Cour et, en particulier, de la production par le Royaume-Uni en annexe du mémoire en duplique des avis C 18 Snake et du détail des calculs afférents à ces avis, d’une part, que les dettes douanières supplémentaires réclamées dans lesdits avis ont bien été calculées, quoiqu’à la suite d’erreurs administratives, sur la base des PMC et non sur la base des règles du droit douanier de l’Union en matière de détermination de la valeur en douane, et, d’autre part, que le montant total de ces dettes était de 192568694,30 GBP.

459

Il s’ensuit qu’il existe une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci s’agissant du montant des ressources propres que la Commission réclame dans le cadre de la présente procédure.

460

En effet, au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête, la Commission demande à la Cour de constater que, pour la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, le Royaume-Uni n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de la législation de l’Union en matière de ressources propres, dès lors que cet État n’a pas mis à la disposition de la Commission un montant total de 1001511991,60 euros, montant calculé sur la base de la méthode OLAF-JRC et prenant en compte toutes les importations sous-évaluées effectuées à des prix inférieurs au PMA pendant cette période, y compris celles, au demeurant très nombreuses, non couvertes par les avis C 18 Snake.

461

Il ressort, en revanche, de manière univoque des motifs de la requête et du mémoire en réplique, et il est confirmé par la lettre de mise en demeure et l’avis motivé, que, pour ladite période, la Commission a entendu limiter son grief tiré de l’absence de mise à disposition par le Royaume-Uni de ressources propres de l’Union aux ressources correspondant aux dettes douanières constatées dans les avis C 18 Snake, ce qui implique qu’elle ne réclame des ressources que pour les importations sous-évaluées effectuées à des prix inférieurs au PMA et mentionnées dans ces avis. Or, le montant total de ces dettes douanières s’élève, selon le Royaume-Uni, preuves à l’appui, à 192568694,30 GBP.

462

Dans ces conditions, il doit être constaté que, dès lors que subsistent d’importantes incertitudes en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ceux-ci.

463

Partant, s’agissant de la première période, allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, le deuxième moyen doit être écarté en tant qu’il porte sur le grief visé au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête selon lequel le Royaume-Uni n’a pas respecté le droit de l’Union dès lors que cet État n’a pas mis à la disposition de la Commission les montants de ressources qui y sont énumérés pour un montant total de 1001511991,60 euros.

6) Sur l’estimation du montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus

464

S’agissant, en second lieu, de la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, il est constant que la Commission a déterminé les montants des pertes de ressources propres traditionnelles qu’elle réclame au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête, soit un montant total de 1678125097 euros, sur la base de la méthode OLAF-JRC sans déduire de ces montants ceux réclamés par les autorités douanières du Royaume-Uni dans les ordres de recouvrement de droits a posteriori figurant dans les avis C 18 Breach portant sur cette période.

465

Partant, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, les différents arguments invoqués par le Royaume-Uni, soutenu par les États membres intervenants, contre la méthode OLAF-JRC telle que cette dernière a été utilisée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres qu’elle réclame pour ladite période et, ensuite, l’incidence que pourrait avoir sur cette estimation la prise en considération des ordres de recouvrement figurant dans les avis C 18 Breach qui portent sur la même période.

i) Sur la critique dirigée contre la méthode OLAF-JRC tirée de ce que celle-ci conduirait à surestimer le volume des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées

466

S’agissant, tout d’abord, des critiques dirigées contre la méthode OLAF-JRC, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, la critique selon laquelle cette méthode, en ce qu’elle utilise le PMA comme critère pour calculer le volume des importations sous-évaluées, surestime ce volume dès lors qu’il s’agirait d’un critère arbitraire et imprécis dont l’application a pour conséquence d’inclure un volume non négligeable d’importations légitimes à des prix très bas.

467

Quant à la critique générale selon laquelle le PMA constituerait un « critère arbitraire », il y a lieu de rappeler que l’établissement des PMA à un niveau de 50 % des PMC est fondé sur des études d’histogrammes par le JRC visant à identifier, à partir de données statistiques, des catégories d’importations à très bas prix. En ce qu’elle procède de l’analyse de statistiques relatives aux prix à l’importation, une telle approche est comparable à celle suivie dans le cadre de la méthode du HMRC pour déterminer le seuil de conformité.

468

Le Royaume-Uni critique la méthode utilisée par la Commission pour calculer le montant des pertes de ressources propres dès lors, notamment, que, contrairement à la méthode du HMRC, celle-ci procède de données agrégées quotidiennes d’importations au Royaume-Uni et non de données au niveau de l’article concerné, c’est-à-dire pour chaque déclaration en douane, ainsi que de codes produit à huit chiffres de la NC et non de codes produit à dix chiffres de cette nomenclature [codes du tarif intégré de l’Union européenne (TARIC)].

469

La Commission fait valoir qu’elle a procédé ainsi dès lors qu’elle ne disposait que de ces données agrégées quotidiennes et de données au niveau de codes produit à huit chiffres. Elle fait également valoir que l’utilisation desdites données agrégées quotidiennes a eu un effet de surcompensation et que, par conséquent, cette utilisation tend à diminuer le volume d’importations considérées comme étant sous-évaluées et est plutôt favorable au Royaume-Uni.

470

Elle soutient que, si la méthode OLAF-JRC était par exemple appliquée aux données relatives aux importations du Royaume-Uni au niveau de chaque déclaration en douane pour les deuxième et troisième trimestres de l’année 2017, les pertes estimées seraient supérieures de quelque 40 % aux estimations obtenues en utilisant les mêmes données agrégées quotidiennes. Elle fait également valoir que, si des données au niveau des codes TARIC étaient utilisées, cette plus grande granularité aurait pour seule conséquence d’augmenter le nombre de produits de 495 à 677, de sorte qu’une incidence sur les PMC ne serait pas démontrée.

471

En réponse à une question posée par la Cour, le Royaume-Uni a soutenu qu’il ne pouvait calculer l’impact sur l’estimation du montant des pertes de ressources propres de l’utilisation de codes produit à dix chiffres de la NC ayant une plus grande granularité, mais a admis qu’un calcul au niveau de l’article concerné plutôt que sur la base des données agrégées quotidiennes d’importations sur son territoire ferait augmenter le montant des pertes que la Commission allègue pour la seconde période, allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, de 1678125097 à 1725981951 euros, ce qui confirme que, sur ce point, la méthode OLAF-JRC lui est plus favorable que sa propre méthode.

472

Par ailleurs, en réponse à une autre question de la Cour, le Royaume-Uni a souligné qu’il était désormais clair, au regard des explications fournies entre‑temps par la Commission, que la seule raison pour laquelle il existe une différence tellement importante entre l’estimation des pertes par la Commission et sa propre estimation est que les PMC que cette institution a utilisés pour « réévaluer » les importations considérées comme étant sous-évaluées selon la méthode OLAF-JRC sont beaucoup plus élevés que les prix correspondant aux seuils de conformité de la méthode du HMRC qu’il estime devoir être utilisés pour réévaluer ces importations.

473

En outre, répondant à une autre question posée par la Cour, le Royaume-Uni a indiqué que, si les prix correspondant aux seuils de conformité de sa propre méthode d’estimation des pertes étaient appliqués pour calculer le volume des importations sous-évaluées plutôt que le PMA, cela aurait pour résultat que le montant des pertes de ressources propres que réclame la Commission pour la seconde période, allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, diminuerait de 4,4 ou de 4,7 %.

474

Si, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 301 de ses conclusions, une telle différence entre la méthode utilisée par la Commission et celle utilisée par le Royaume-Uni pour estimer le volume des importations sous‑évaluées semble rester, en tant que telle, dans des limites raisonnables, il n’en demeure pas moins que le PMA apparaît conduire à surestimer dans une certaine mesure le volume des importations devant être considérées comme étant sous‑évaluées.

475

À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce prix a été développé à l’origine en tant que profil de risque, ce qui implique qu’il puisse générer un certain nombre de faux cas positifs constitués, en particulier, d’importations légitimes de grandes enseignes, ainsi que le Royaume-Uni l’a souligné.

476

Ainsi qu’il est relevé au point 296 du présent arrêt, cet État fait valoir que 11,2 %, en volume, des importations légitimes effectuées par certaines grandes enseignes bien connues ont été déclarées à des valeurs inférieures au PMA.

477

Si une telle proportion de faux cas positifs n’est en soi pas de nature à affecter la fiabilité du PMA utilisé en tant que profil de risque dès lors qu’elle doit être considérée comme raisonnable dans un tel contexte, celle-ci doit être prise en compte dans l’analyse et le calcul du montant des pertes de ressources propres afin de déterminer avec un degré raisonnable de précision le volume des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées et entraînant de telles pertes.

478

Partant, le montant des pertes de ressources propres traditionnelles doit en l’espèce être calculé sur la base de ce que le Royaume-Uni a appelé, en réponse à une question posée par la Cour, le « volume commun » des importations censées être sous-évaluées, c’est-à-dire le volume des importations qui sont considérées comme étant sous-évaluées indépendamment de l’application de la méthode OLAF-JRC ou de la méthode du HMRC.

ii) Sur la critique dirigée contre la méthode OLAF-JRC tirée de ce que celle-ci conduirait à surestimer la valeur des importations devant être considérées comme étant sous-évaluées

479

S’agissant, en second lieu, des différentes critiques émises à l’encontre de la méthode OLAF-JRC en ce que, lorsque cette dernière est utilisée en tant qu’outil pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles, elle se fonde sur les PMC en tant que valeur de référence pour estimer la valeur des importations sous-évaluées, il convient d’examiner, tout d’abord, l’argumentation selon laquelle cette valeur de référence aurait dû être calculée sur la base des seuls prix à l’importation au Royaume-Uni et non sur la base de la moyenne arithmétique des prix à l’importation de tous les États membres.

480

En l’espèce, ce choix méthodologique de la Commission se justifie en raison de l’une des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause, à savoir le fait, en soi non contesté par le Royaume-Uni, que la grande majorité des importations concernées étaient effectuées dans le cadre du régime douanier 42 et étaient par conséquent nécessairement destinées à d’autres États membres. En outre, les importations concernées qui ont été effectuées dans le cadre du régime douanier 40 pouvaient, elles-aussi, être acheminées vers d’autres États membres une fois le dédouanement des marchandises concernées effectué au Royaume-Uni.

481

À cet égard, il ressort, par exemple, du rapport de l’OLAF que, pour l’année 2016, 87 % des importations au Royaume-Uni de produits concernés de faible valeur ont été effectuées dans le cadre du régime douanier 42.

482

Il s’ensuit que, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 304 de ses conclusions, la grande majorité des importations concernées pendant la période d’infraction étaient dirigées vers le marché des produits concernés de l’Union dans son ensemble.

483

Partant, la Commission ne saurait être critiquée pour avoir appliqué, aux fins de l’estimation de la valeur de ces importations dans le cadre de la quantification des pertes de ressources propres, une valeur de référence qui reflète le niveau des prix à l’importation des produits concernés de l’Union dans leur ensemble.

484

En effet, il y a lieu de rappeler qu’une telle approche apparaît cohérente avec le mode opératoire de la fraude à la sous-évaluation en cause.

485

En outre, l’utilisation des prix moyens à l’importation de l’ensemble des États membres, sous la forme d’une moyenne arithmétique de ces prix, se justifie également au vu de la nécessité de réduire l’effet de distorsion sur les prix de référence que génère le volume particulièrement important d’importations sous-évaluées à des prix très bas au Royaume-Uni pendant la période d’infraction.

486

À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que 78,1 %, en valeur, et 69,8 %, en volume, des importations concernées pendant la période d’infraction à des prix inférieurs au PMA, soit 50 % du PMC, se situaient dans une fourchette allant de 0 à 10 % du PMC, et que les importations à des prix très bas compris dans cette fourchette ont graduellement et fortement augmenté au cours de la période d’infraction pour devenir, avec une part d’environ 80 %, largement majoritaires parmi les importations sous-évaluées. D’autre part, si la fraude à la sous-évaluation en cause touchait à l’origine plusieurs États membres, elle concernait, pendant la période d’infraction, en tout premier lieu et, de manière de plus en plus importante, le Royaume-Uni, ainsi que les agents de la Commission l’ont d’ailleurs indiqué lors de différentes réunions avec les autorités douanières de cet État. Pendant ces réunions, l’existence des pertes de ressources propres croissantes correspondantes a été itérativement portée à l’attention de ces autorités afin que ces dernières prennent les mesures appropriées pour mettre un terme à celles-ci.

487

Si le but de réduire l’effet de distorsion sur les prix de référence que génère le volume particulièrement important d’importations sous-évaluées à des prix très bas au Royaume-Uni pendant la période d’infraction pouvait, sur un plan théorique, être atteint en appliquant différentes méthodes, la méthode choisie par la Commission apparaît suffisamment précise et fiable, dès lors, notamment, que cette méthode est fondée sur des critères qui ne sont ni arbitraires ni biaisés et repose sur une analyse objective et cohérente de l’ensemble des données pertinentes disponibles, de sorte à ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant des pertes de ressources propres.

488

Dans ce contexte, la Commission, comme elle l’a admis en réponse à une question qui lui a été posée par la Cour, aurait, par exemple, également pu éliminer, aux fins du calcul de la moyenne arithmétique des prix des États membres, l’ensemble des importations effectuées à des prix inférieurs au PMA dans tous les États membres. Toutefois, une telle méthode aurait désavantagé le Royaume-Uni dès lors qu’elle aurait eu pour résultat d’accroître considérablement le montant des pertes de ressources propres.

489

Ensuite, il y a lieu d’examiner la critique selon laquelle l’utilisation, dans le cadre de l’application de la méthode OLAF-JRC, des PMC en tant que valeur de référence conduit à surestimer le niveau des pertes de ressources propres et n’est par conséquent pas légitime dès lors que celle-ci ne prend pas en compte le fait que les produits concernés ayant fait l’objet de la fraude à la sous-évaluation en cause étaient de valeur et de qualité plus faibles que ceux importés de manière légitime de Chine à des prix supérieurs au PMA voire au seuil de conformité de la méthode du HMRC.

490

En outre, les marchandises concernées seraient, de par leur nature, destinées au segment bas du marché dès lors qu’elles sont importées par des organisations criminelles pour faire l’objet d’un commerce illicite et clandestin sur le territoire d’autres États membres.

491

Partant, eu égard à cette caractéristique essentielle du mode opératoire de la fraude à la sous-évaluation en cause, la valeur de référence devant être utilisée pour déterminer la valeur des importations considérées comme étant sous-évaluées devrait être fixée au niveau du PMA.

492

Dans ce contexte, la Commission soutient que le Royaume-Uni ne détient aucune preuve pertinente de la répartition des prix et de la qualité des importations concernées, dès lors que, avant le lancement de l’opération Swift Arrow, cet État membre avait choisi de ne pas effectuer de contrôles physiques et de ne pas prélever des échantillons.

493

Le Royaume-Uni invoque le rapport d’une société de conseil qui analyse un échantillon principal de 94 articles de produits sous-évalués dont 70 articles prélevés dans le cadre de l’opération Swift Arrow, lancée après la période d’infraction, et compare cet échantillon avec un échantillon de contrôle d’articles à très bas prix d’un détaillant légitime et bien connu sur son territoire de produits de très faible valeur dont il ressortirait que la grande majorité des articles de cet échantillon principal étaient de faible qualité et de qualité inférieure à celle des articles de l’échantillon de contrôle. Il en découlerait que la valeur correcte des marchandises sous-évaluées ne peut dépasser le prix le plus bas auquel ces détaillants importent des articles équivalents.

494

À cet égard, à supposer même que, ainsi que le Royaume-Uni le soutient, tous les échantillons prélevés dans le cadre de l’opération Swift Arrow et analysés dans ce rapport puissent être pris en compte dans le cadre de la présente procédure, même si bon nombre de ceux-ci semblent concerner des importations effectuées après la période d’infraction, cet État ne démontre pas que les échantillons en cause peuvent être considérés comme étant représentatifs de l’ensemble des grands volumes des marchandises concernées sous-évaluées importées sur son territoire tout au long de cette période.

495

Partant, en l’absence de données suffisamment représentatives relatives à la qualité des marchandises ayant fait l’objet des importations concernées pendant la période d’infraction, à défaut pour le Royaume-Uni d’avoir effectué des contrôles douaniers appropriés, la Commission était fondée à présumer que les marchandises concernées étaient de qualité moyenne et couvraient dès lors tous les segments de marché dans des proportions similaires à celles des marchandises censées ne pas avoir été frauduleusement sous-évaluées.

496

Selon le Royaume-Uni, le mode opératoire de la fraude à la sous-évaluation en cause, tel que ce dernier est décrit, par exemple, dans le rapport de l’OLAF et non contesté entre les parties, indique que les marchandises concernées sont, pour la plupart, plutôt de faible qualité et destinées au segment de marché bas de gamme dès lors qu’elles ont été importées et commercialisées par des organisations criminelles et étaient principalement destinées à un commerce illicite et clandestin sur le territoire d’autres États membres que, à l’époque, le Royaume-Uni, en particulier dans le cadre du régime douanier 42, sans paiement de la TVA. À cet égard, il y a lieu d’indiquer que la valeur de référence utilisée pour évaluer les importations concernées aux fins du calcul du montant des pertes de ressources propres traditionnelles est une valeur estimée qui doit être approximative de la valeur en douane qui aurait été constatée par les autorités douanières du Royaume-Uni si celles-ci avaient appliqué des mesures de contrôles douaniers appropriées sur la base d’un profil de risque permettant d’apprécier la nature et la qualité des marchandises concernées.

497

En effet, le Royaume-Uni doit être placé, pour la période d’infraction, dans une situation équivalente à celle où ses autorités douanières auraient correctement déterminé les valeurs en douane après avoir appliqué les contrôles douaniers appropriés et, partant, auraient correctement constaté les ressources propres que constituent les droits de douane avant de les inscrire dans la comptabilité des ressources propres de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2011, Commission/Portugal, C‑23/10, non publié, EU:C:2011:160, point 63 et jurisprudence citée).

498

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 306 de ses conclusions, conformément aux méthodes séquentielles prévues par le droit douanier de l’Union, la valeur en douane est déterminée par la nature et la qualité des marchandises concernées, telles qu’un segment de marché dans un État membre autre que celui d’importation, et non par leur destination. Aux fins de la détermination de la valeur en douane, la destination de ces marchandises est ainsi en soi sans pertinence. En outre, lors du dédouanement desdites marchandises, leur destination particulière revêt, en l’absence de preuve directe, un caractère largement spéculatif.

499

C’est dès lors à bon droit que, en l’espèce, pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles, la Commission n’a opéré aucune distinction en fonction de la destination particulière des produits concernés au sein de l’Union.

500

Par conséquent, s’agissant des importations concernées, cette institution pouvait raisonnablement appliquer les PMC en tant que valeur de référence.

501

Une telle approche se justifie eu égard aux particularités de l’espèce et est suffisamment précise et fiable dès lors, notamment, qu’elle est fondée sur des critères qui ne sont ni arbitraires ni biaisés et qu’elle repose sur une analyse objective et cohérente de l’ensemble des données pertinentes disponibles, de sorte à ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant de ces pertes.

502

Cela est confirmé par le fait que, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé, en substance, au point 307 de ses conclusions, les PMC sont calculés sur la base des valeurs en douane effectivement déclarées et reprises par les États membres dans la base de données Surveillance 2 pour toutes les importations concernées pendant la période d’infraction, de telle sorte que ces prix reflètent la nature et la qualité de tous les produits concernés.

503

La précision et la fiabilité de l’approche de la Commission consistant à utiliser les PMC pour estimer la valeur des importations concernées sont également corroborées par le fait, souligné par cette institution dans ses réponses aux questions posées par la Cour et non contesté par le Royaume-Uni, que lesdits prix prennent en compte intégralement les prix des quantités considérables d’importations sous-évaluées au Royaume-Uni, de manière à déprécier le « juste prix » de ces importations et, partant, à sous-estimer le montant des pertes de ressources propres.

504

En d’autres termes, dès lors que le PMC est une moyenne des prix déclarés de tous les produits concernés importés dans tous les États membres, y compris ceux, particulièrement nombreux, frauduleusement sous-évalués et importés au Royaume-Uni, ce prix moyen est déprécié par ces sous-évaluations frauduleuses, ce qui confirme la précision et la fiabilité de l’approche de la Commission.

505

En conclusion, la méthode OLAF-JRC pouvait, en principe, être appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour la seconde période, allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, puisque cette méthode se justifiait eu égard aux particularités de l’espèce et s’avérait suffisamment précise et fiable, dès lors, notamment, qu’elle est fondée sur des critères qui ne sont ni arbitraires ni biaisés et qu’elle repose sur une analyse objective et cohérente de l’ensemble des données pertinentes disponibles, de sorte à ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes.

506

Partant, pour cette période, le volume des importations concernées pouvait être déterminé sur la base du PMA, étant entendu toutefois que ce volume doit être limité au volume dit « commun », à savoir le volume des importations qui sont considérées comme étant sous-évaluées en application tant de la méthode OLAF-JRC que de la méthode du HMRC. Afin de déterminer la valeur de ce volume commun des importations considérées comme étant sous-évaluées, la Commission pouvait se fonder sur les PMC.

7) Sur l’incidence des avis C 18 Breach sur l’estimation des montants des pertes de ressources propres que la Commission réclame pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus

507

Ensuite, se pose la question de l’incidence que les ordres de recouvrement de droits mentionnés dans les avis C 18 Breach pourraient avoir sur l’estimation des montants des pertes de ressources propres que la Commission réclame au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, en application de la méthode OLAF-JRC.

508

À cet égard, le Royaume-Uni soutient, dans le mémoire en défense, que, dès lors que la Commission avait connaissance dès le mois de mai 2018 de huit avis C 18 Breach, émis et inscrits dans la comptabilité B au cours de ce mois et portant sur des importations considérées comme étant sous-évaluées et ayant été effectuées à partir du 1er mai 2015, pour un montant d’environ 25 millions de GBP, et n’a contesté ces avis ni dans l’avis motivé ni dans la requête, cette institution aurait dû déduire ce montant des montants de pertes de ressources propres traditionnelles visés au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour les années 2015 à 2017.

509

Dans le mémoire en duplique, le Royaume-Uni fait valoir que, selon les données actualisées, devraient être déduits des pertes de ressources propres traditionnelles les montants réclamés dans les avis C 18 Breach déjà notifiés à 34 opérateurs pour un montant total de 44296285,04 GBP.

510

En annexe de ses réponses aux questions posées par la Cour, le Royaume-Uni a de nouveau actualisé ce montant total en faisant figurer en pièces jointes l’ensemble des avis C 18 Breach déjà notifiés ainsi que le détail des calculs qui y étaient afférents. Selon le tableau récapitulatif figurant dans cette annexe, il s’agit, selon les dernières données disponibles, de 64 avis pour un montant total de droits de douane supplémentaires réclamés de 50559159,89 GBP (environ 59391845 euros).

511

Il ressort également de ces calculs et des explications fournies par le Royaume-Uni en réponse à des questions posées par la Cour que ces droits ont été calculés sur la base de prix minimaux considérés comme étant légitimes et fixés selon la méthodologie dite de la « pointe », c’est‑à-dire une méthodologie de nature essentiellement statistique, comparable à celle utilisée dans le cadre de la méthode du HMRC pour déterminer les seuils de conformité aux fins de calculer le niveau des pertes de ressources propres traditionnelles, la différence essentielle entre ces méthodes résidant dans le fait que la période de référence utilisée est différente.

512

Selon le Royaume-Uni, le recouvrement des dettes réclamées dans les avis C 18 Breach demeure possible et, contrairement aux avis C 18 Snake, ceux-ci n’ont pas été annulés.

513

Si la Commission ne conteste pas que les avis C 18 Breach pourraient concerner des importations sous-évaluées effectuées pendant la période d’infraction, elle soutient que, dès lors que le Royaume-Uni a toujours refusé de lui communiquer le détail des calculs afférents à ces avis, à savoir, notamment, les déclarations en douane concernées, les volumes en cause et les valeurs de remplacement utilisées, elle n’était pas en mesure de distinguer les importations concernées par ces avis du volume total des importations pour lesquelles elle avait calculé le montant des pertes de ressources propres traditionnelles sur le fondement des données agrégées quotidiennes de la base de données Surveillance 2.

514

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a itérativement jugé qu’il ressort des termes de l’article 258, second alinéa, TFUE que, si un État membre ne s’est pas conformé à l’avis motivé dans le délai imparti dans ce dernier, la Commission peut saisir la Cour d’un recours en manquement au titre de cet article et que, partant, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné telle qu’elle se présentait au terme de ce délai [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 54 ainsi que jurisprudence citée].

515

En l’espèce, le délai imparti au Royaume-Uni pour se conformer à l’avis motivé a expiré le 24 novembre 2018.

516

La Commission ne conteste pas qu’elle avait connaissance, avant la communication de l’avis motivé au Royaume-Uni, de l’existence de huit avis C 18 Breach, émis au mois de mai 2018 et portant sur des importations de produits concernés en provenance de Chine effectuées pendant la période d’infraction, dès lors que les dettes réclamées dans ces avis avaient été communiquées à leurs débiteurs et avaient été inscrites dans la comptabilité B au mois de mai 2018. Il est également constant que ces dettes demeuraient inscrites dans cette comptabilité au terme du délai imparti dans l’avis motivé et au moment de l’introduction de la requête.

517

Or, force est de constater que, dans le cadre de la requête, en particulier dans le cadre du calcul des montants des pertes de ressources propres traditionnelles réclamés au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions de celle-ci pour les années 2015 à 2017, la Commission a omis de prendre en compte les dettes réclamées dans les avis C 18 Breach qui lui étaient connues avant l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé.

518

En outre, à ce jour, le Royaume-Uni n’a pas pris de décision constatant l’impossibilité de recouvrer ces dettes et n’a pas non plus déclenché la procédure prévue à l’article 13, paragraphes 3 et 4, du règlement no 609/2014 afin d’être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant auxdites dettes pour l’un des motifs visés à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement. Les mêmes dettes n’ont pas été annulées et demeurent inscrites dans la comptabilité B. Il ne ressort pas non plus du dossier soumis à la Cour et il n’a pas non plus été allégué qu’il s’agirait de créances prescrites, au sens de l’article 103 du code des douanes de l’Union.

519

Partant, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, ces créances ne pouvaient pas encore être considérées comme constituant des pertes de ressources propres de l’Union.

520

Cela n’est pas remis en cause par l’argumentation de la Commission selon laquelle il apparaît peu probable que les dettes réclamées dans les avis C 18 Breach concernés et même une fraction de celles-ci puissent effectivement être recouvrées dès lors que leurs débiteurs sont, pour la plupart, des entreprises dites « phénix », qui sont insolvables et qui ont été mises en liquidation à la suite de la notification de ces avis, comme l’a d’ailleurs confirmé le Royaume-Uni qui a, d’ores et déjà, invoqué cette circonstance en tant que raison qui justifierait que cet État soit dispensé de mettre à la disposition de la Commission les ressources correspondantes en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014.

521

Par conséquent, dans la requête, la Commission était tenue de déduire des ressources propres traditionnelles demandées au titre du troisième alinéa du premier chef de conclusions, pour la période allant du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2017 inclus, les dettes réclamées dans les avis C 18 Breach portant sur des importations sous-évaluées de produits concernés en provenance de Chine effectuées pendant cette période qui avaient été inscrites dans la comptabilité B avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et qui étaient dès lors connues de cette institution.

522

Dès lors que, dans la requête, la Commission a omis d’effectuer une telle déduction, la demande de mise à disposition des montants de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête pour les années 2015 à 2017 ne saurait prospérer.

523

Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen en tant que celui-ci porte sur la demande de la Commission tendant à ce que la Cour constate que le Royaume-Uni a omis, en violation du droit de l’Union, de mettre à la disposition cette institution les montants de ressources propres traditionnelles figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête.

524

Dans ce contexte, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 312 de ses conclusions, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il n’appartient pas à la Cour de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts de ressources propres traditionnelles qui sont dues par le Royaume-Uni.

525

En effet, si, dans le cadre d’une telle procédure, la Cour peut soit accueillir, soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête, il n’appartient toutefois pas à celle-ci de modifier la portée de ces demandes.

526

Cela étant, il y a lieu de préciser que, dans le cadre du nouveau calcul du montant des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni que la Commission sera appelée à effectuer dans le respect du présent arrêt, cette institution, ainsi qu’il découle du point 505 du présent arrêt, pourra appliquer, pour tout ou partie de la période d’infraction, la méthode OLAF-JRC pour estimer ce montant. Il lui incombera toutefois, notamment, comme il a été exposé aux points 475 à 478 du présent arrêt, de prendre pour base de calcul le « volume commun » des importations qui sont à considérer comme étant sous-évaluées indépendamment de l’application de la méthode OLAF-JRC ou de la méthode du HMRC. En outre, eu égard à ce qui a été exposé aux points 517 à 519 du présent arrêt, la Commission devra tenir compte, d’abord, des dettes réclamées par le Royaume-Uni dans les avis C 18 Breach qui étaient connues de la Commission avant l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 24 novembre 2018, et qui ne pouvaient encore être considérées comme constituant des pertes de ressources propres de l’Union à cette date. Ensuite, elle devra également tenir compte d’éventuelles autres dettes réclamées par cet État dans des ordres de recouvrement a posteriori portant sur les importations concernées et effectuées au cours de la période d’infraction qui ne peuvent pas non plus être considérées comme constituant des pertes de ressources propres de l’Union au moment du nouveau calcul de celles-ci que la Commission sera appelée à effectuer dans le respect du présent arrêt. Enfin, devront être prises en compte lors de ce nouveau calcul les dettes relatives aux importations concernées effectuées au cours de la période d’infraction au sujet desquelles le Royaume-Uni a pris la décision constatant l’impossibilité de les recouvrer et pour lesquelles cet État est dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondants, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 609/2014.

527

Il importe de rappeler dans ce contexte que l’obligation de coopération loyale avec la Commission telle que cette obligation est prescrite à l’article 4, paragraphe 3, TUE, implique que tout État membre est tenu de faciliter à cette institution l’accomplissement de sa mission consistant, conformément à l’article 17 TUE, à veiller, en tant que gardienne des traités, à l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour. En particulier, dès lors que, afin de veiller à la bonne exécution, par les États membres, de leurs obligations en matière de ressources propres de l’Union, la Commission est largement tributaire des éléments fournis par les États membres, ceux-ci sont tenus de mettre les pièces justificatives et autres documents utiles à la disposition de la Commission, dans des conditions raisonnables, afin que cette dernière puisse vérifier si et, le cas échéant, dans quelle mesure certains montants reviennent au budget de l’Union en tant que ressources propres (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Commission/Italie, C‑10/00, EU:C:2002:146, points 88 et 91, et du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 65).

528

Il convient encore d’ajouter que, compte tenu également des dispositions de l’accord de retrait rappelées aux points 119 à 121 du présent arrêt, le résultat du nouveau calcul visé au point 526 du présent arrêt pourrait donner lieu à une procédure en manquement au terme de laquelle la Cour pourrait être appelée à déterminer si le Royaume-Uni a manqué à ses obligations découlant du droit de l’Union en n’ayant pas mis à la disposition du budget de celle-ci un montant de ressources propres et les intérêts de retard y afférents correspondant à tout ou partie du montant issu dudit calcul et dont le paiement est exigé par la Commission.

8) Sur le taux de change devant être appliqué pour calculer le montant des pertes de ressources propres

529

S’agissant, enfin, du taux de change devant être appliqué pour calculer le montant des pertes de ressources propres, le Royaume-Uni soutient que, dès lors qu’il rend compte des ressources propres à l’Union en GBP, le seul montant qui peut lui être réclamé est un montant, exprimé en GBP, qui aurait été payé au moment où les sommes étaient dues à la Commission. Seul serait pertinent le taux de change GBP-euro applicable à la date où ont eu lieu les transactions constituant la créance de cette institution et non celui applicable à la date où le Royaume-Uni serait tenu pour responsable par la Cour des pertes de ressources propres. Il en découlerait que, dans la requête, la Commission ne pouvait réclamer un montant de ressources propres exprimé en euros, mais aurait dû exprimer celui-ci en GBP.

530

La Commission soutient que, dès lors que son calcul du montant des pertes de ressources propres est fondé sur les données transmises par les États membres, puis consignées dans la base de données Surveillance 2, les montants ainsi transmis sont automatiquement convertis en euros en utilisant le taux de change le plus récent fixé par la BCE avant l’avant-dernier jour du mois concerné, conformément à l’article 53, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union et à l’article 48, paragraphe 1, du règlement d’exécution.

531

La Commission s’accorde par conséquent avec le Royaume-Uni pour considérer que le taux de change pertinent n’est pas celui applicable à la date du présent arrêt, mais celui qui prévalait au moment où les différentes importations concernées ont été effectuées, lesquelles ont donné lieu, pendant la période d’infraction, à des pertes de ressources propres.

532

Il doit en être conclu que la Commission ne saurait être critiquée pour avoir appliqué, en phase avec l’article 53, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union et l’article 48, paragraphe 1, du règlement d’exécution, le taux de change applicable au moment où les importations concernées ont eu lieu, de manière à convertir en euros les montants de droits exprimés en GBP. En effet, en agissant de la sorte, elle n’a pas surestimé les montants réclamés dans la requête au titre des pertes de ressources propres traditionnelles par rapport aux montants qui auraient été réclamés s’ils avaient été exprimés en GBP. Partant, rien ne s’opposait à ce que la Commission exprime dans la requête ces montants en euros plutôt qu’en GBP. En outre, lorsqu’elle procédera au nouveau calcul du montant des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni, il sera loisible à la Commission d’appliquer cette méthode de conversion.

9) Conclusion

533

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen, en tant que celui-ci vise la demande figurant au premier alinéa du premier chef de conclusions de la requête et, dès lors, de constater que, en n’ayant pas mis à disposition le montant correct de ressources propres traditionnelles relatives aux importations concernées, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000 ainsi que des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014. En revanche, il y a lieu d’écarter ce moyen en tant que celui-ci vise la demande figurant au troisième alinéa du premier chef de conclusions de la requête, tendant à ce que la Cour constate que les montants des pertes de ressources propres traditionnelles correspondantes à mettre à la disposition de la Commission, diminués des frais de perception, sont les suivants :

496025324,30 euros en 2017 (jusqu’au 11 octobre 2017 inclus) ;

646809443,80 euros en 2016 ;

535290329,16 euros en 2015 ;

480098912,45 euros en 2014 ;

325230822,55 euros en 2013 ;

173404943,81 euros en 2012 ;

22777312,79 euros en 2011.

3.   Sur le manquement aux obligations en vertu de la réglementation relative à la TVA et aux obligations de mettre à disposition les ressources propres correspondantes

a)   Argumentation des parties

534

Par le troisième moyen, qui vise certains des griefs figurant aux premier et deuxième alinéas du premier chef de conclusions de la requête, la Commission reproche au Royaume-Uni de ne pas avoir mis à la disposition de celle-ci le montant correct des ressources propres provenant de la TVA relative aux importations concernées effectuées pendant la période d’infraction, en violation des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000, des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014 ainsi que de l’article 2 du règlement no 1553/89, en conséquence de sa méconnaissance des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 325 TFUE, de l’article 2, paragraphe 1, sous b) et d), des articles 83 et 85 à 87 ainsi que de l’article 143, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la directive 2006/112.

535

S’agissant, en premier lieu, des produits concernés qui ont été importés au Royaume-Uni pendant la période d’infraction dans le cadre du régime douanier 40, la Commission rappelle que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous d), et aux articles 85 à 87 de la directive 2006/112, dans le cadre de ce régime, la TVA est perçue par l’État membre d’importation et que la base d’imposition de cette taxe comprend la valeur en douane ainsi que les droits de douane et les frais accessoires.

536

La Commission soutient que, dès lors que les autorités douanières du Royaume‑Uni n’ont pas assuré, en violation de l’article 325 TFUE et de la réglementation douanière de l’Union, que la valeur en douane des importations concernées effectuées pendant la période d’infraction avait été correctement déterminée, compte tenu, essentiellement, de l’absence de mise en œuvre de mesures de contrôles douaniers effectives avant le dédouanement de ces produits, la base d’imposition de la TVA n’a pas non plus été correctement déterminée par ces autorités.

537

Partant, l’intégralité de la TVA due n’aurait pas été perçue, ce qui aurait eu pour conséquence que, en violation des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000, des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014 ainsi que de l’article 2 du règlement no 1553/89, les montants correspondants n’ont pas non plus été pris en considération dans la détermination de la base des ressources propres provenant de la TVA et que l’intégralité de ces ressources n’aurait pas été mise à disposition de la Commission.

538

S’agissant, en second lieu, du régime douanier 42, la Commission rappelle que, selon le rapport de l’OLAF, en 2016, 87 % des marchandises concernées ont été importées au Royaume-Uni dans le cadre de ce régime douanier et que ce dernier est caractérisé par le fait que les droits de douane sont dus dans l’État membre d’importation alors que la TVA doit être acquittée dans l’État membre de destination.

539

La Commission fait valoir que, dès lors que, s’agissant de ces importations, la base d’imposition de la TVA est constituée, conformément à l’article 83 de la directive 2006/112, par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient déterminé au moment de la livraison, la détermination incorrecte de la valeur en douane des marchandises concernées en raison des contrôles douaniers inappropriés effectués par les autorités du Royaume-Uni a eu pour conséquence que le calcul de la TVA à prélever sur ces marchandises par l’État membre de destination a également été erroné, de telle sorte que l’intégralité de la TVA n’a pas été perçue, privant ainsi l’Union d’une partie des ressources propres provenant de cette taxe.

540

Selon la Commission, en n’ayant pas pris les mesures appropriées pour assurer le recouvrement de la TVA due dans le cadre du régime douanier 42, le Royaume‑Uni a compromis la capacité des autorités des autres États membres de percevoir cette taxe et a fait obstacle à ce que ceux-ci mettent à la disposition de la Commission les ressources propres correspondantes provenant de ladite taxe.

541

Le Royaume-Uni soutient que, dès lors que les ressources propres provenant de la TVA sont calculées, conformément au règlement no 1553/89, sur la base des recettes nettes de cette taxe, le montant de la TVA à l’importation ou à l’acquisition ne donne pas lieu à une modification des recettes nettes de ladite taxe dès lors que cette dernière est récupérable par le contribuable importateur ou acquéreur lors de la revente des produits concernés.

542

S’agissant des importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 42 pendant la période d’infraction, il ne pourrait y avoir de pertes de TVA dès lors que, dans l’État membre de destination finale des biens, le détaillant déclare à l’administration fiscale de cet État membre l’intégralité de la contrepartie effectivement payée par le consommateur final.

543

Ainsi que le rapport de l’OLAF le confirmerait, la fraude à la sous-évaluation en cause est due non pas au fait que le montant de TVA payé et déduit dans l’État membre dans lequel les marchandises concernées sont introduites au titre du régime douanier 42 est erroné, mais au fait que cette taxe n’est pas payée dans l’État membre de destination de ces marchandises en raison du fait que celles-ci ont disparu et font l’objet d’un commerce illicite et clandestin.

544

De plus, s’agissant des importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 42 pendant la période d’infraction, le Royaume-Uni fait valoir qu’il n’existe aucune base juridique permettant de tenir pour responsable un État membre des pertes de ressources propres provenant de la TVA qui serait subie dans un autre État membre.

545

En outre, le Royaume-Uni soutient que l’allégation de sa prétendue responsabilité pour des pertes de ressources propres provenant de la TVA ne repose sur aucune base factuelle. Manquerait ainsi en fait l’allégation de la Commission selon laquelle le Royaume‑Uni aurait empêché d’autres États membres de percevoir cette taxe. En effet, outre les mesures générales prises par le Royaume‑Uni pour lutter contre la fraude à la sous-évaluation en cause, cet État aurait également pris des mesures spécifiques de lutte contre le recours abusif au régime douanier 42, seul et en collaboration avec d’autres États membres. À cet égard, le Royaume‑Uni soutient avoir pris, dans le cadre des opérations Badminton, Octopus, Samurai et Breach, des mesures visant à prévenir la perte, dans d’autres États membres, de ressources propres provenant de la TVA.

b)   Appréciation de la Cour

546

Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, l’allégation de la Commission selon laquelle, en raison des contrôles douaniers inefficaces au Royaume-Uni, en violation de l’article 325 TFUE et de la réglementation douanière de l’Union, les autorités de cet État n’ont pas déterminé correctement la base d’imposition aux fins de la TVA des importations concernées pendant la période d’infraction, de telle sorte que cette taxe n’a pas été intégralement perçue dans cet État.

547

À cet égard, s’agissant, premièrement, des importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 40, impliquant que devaient être prélevés au Royaume-Uni tant les droits de douane que la TVA, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que des articles 85 à 87 de la directive 2006/112, lorsque la TVA est due à l’importation, la base d’imposition aux fins de cette taxe est définie comme étant la valeur en douane à laquelle doivent être ajoutés les droits de douane et les autres taxes ainsi que les frais accessoires.

548

Il s’ensuit qu’une valeur en douane déclarée à un niveau inférieur à sa valeur réelle implique nécessairement, si elle n’est pas contestée par les autorités douanières et déterminée à son niveau correct, que la base d’imposition aux fins de la TVA n’est pas non plus correctement déterminée, de telle sorte que l’intégralité de cette taxe peut ne pas être perçue, en violation des dispositions mentionnées au point précédent.

549

Partant, le caractère inapproprié des contrôles douaniers effectués par les autorités douanières du Royaume-Uni a conduit à une détermination incorrecte tant de la valeur en douane des marchandises concernées que de la base d’imposition des importations concernées aux fins de la TVA, dont cet État doit être tenu pour responsable.

550

Par conséquent, s’agissant des importations concernées effectuées pendant la période d’infraction dans le cadre du régime douanier 40, le manquement à l’article 2, paragraphe 1, sous d), et aux articles 85 à 87 de la directive 2006/112, allégué par la Commission, doit être constaté.

551

S’agissant, deuxièmement, des importations concernées effectuées pendant la période d’infraction dans le cadre du régime douanier 42, impliquant que, selon le mécanisme d’exonération prévu à l’article 138, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), et à l’article 143, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la directive 2006/112, seuls les droits de douane étaient payés au Royaume-Uni et que la TVA devait être payée dans l’État membre de destination des marchandises concernées, il y a lieu de rappeler que la très grande majorité des produits concernés ont été importés dans le cadre de ce régime, à savoir 87 % du volume total en 2016 selon le rapport de l’OLAF, et que l’une des caractéristiques essentielles de la fraude à la sous-évaluation en cause consistait dans le fait que ces produits étaient, en règle générale, destinés à un commerce illicite et clandestin, de telle sorte qu’aucune TVA n’était facturée dans l’État membre de destination au consommateur final et que, partant, cette taxe est, de manière générale, restée impayée.

552

Dans le cadre du régime douanier 42, la base d’imposition aux fins de la TVA n’est pas fondée sur la valeur en douane des marchandises concernées, comme c’est le cas dans le cadre du régime douanier 40, mais, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), à l’article 83, à l’article 138, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), et à l’article 143, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la directive 2006/112, sur le prix d’achat de ces marchandises, tel que ce dernier est facturé dans l’État membre de destination finale de celles-ci.

553

En l’espèce, il incombait par conséquent aux autorités des États membres de destination des marchandises concernées, et non à celles du Royaume-Uni, en tant qu’État membre d’importation, d’assurer que la base d’imposition aux fins de la TVA soit correctement déterminée afin que l’intégralité de la TVA due sur les acquisitions intracommunautaires en cause soit payée.

554

Dès lors que, dans le cadre du régime douanier 42, il n’y a pas de lien entre la valeur en douane des marchandises concernées et la base d’imposition des importations concernées aux fins de la TVA, la responsabilité éventuelle du Royaume-Uni, État membre d’importation, pour l’absence de prélèvement effectif et intégral des droits de douane résultant du caractère inapproprié des contrôles effectués par ses autorités douanières en ce qui concerne l’exactitude de la valeur en douane déclarée de ces marchandises ne saurait en principe être étendue au titre de l’absence de prélèvement effectif et intégral de la TVA sur le territoire d’un autre État membre, à savoir celui de destination.

555

La Commission n’a en outre pas spécifiquement allégué ni, partant, démontré que les autorités douanières du Royaume-Uni n’avaient pas contrôlé de manière appropriée le respect des obligations d’information auxquelles l’application de l’exonération prévue à l’article 138, paragraphe 1, de la directive 2006/112 est subordonnée, en vertu de l’article 138, paragraphe 2, de cette dernière.

556

Dans le cadre du régime douanier 42, une éventuelle insuffisance des contrôles visant à assurer la détermination correcte de la base d’imposition des importations concernées aux fins de la TVA, si elle était avérée, devrait par conséquent être reprochée en tout premier lieu aux autorités douanières de l’État membre de destination finale desdites marchandises.

557

Doit également être écartée l’argumentation de la Commission selon laquelle, en n’ayant pas pris les mesures appropriées pour assurer le recouvrement de la TVA due dans le cadre du régime douanier 42 selon le mécanisme d’exonération prévu à l’article 143, paragraphe 1, de la directive 2006/112, le Royaume-Uni a empêché les autorités des autres États membres de déterminer correctement la base d’imposition des importations concernées aux fins de la TVA et, partant, de percevoir le paiement de l’intégralité de cette taxe.

558

En effet, à supposer même que, ainsi que la Commission le soutient, les différentes mesures prises par le Royaume-Uni au cours des opérations Badminton, Octopus, Samurai et Breach pour prévenir les pertes, dans d’autres États membres, de ressources propres provenant de la TVA, n’aient finalement eu que des effets limités sur la prévention de ces pertes, il n’en découle pas, et la Commission ne le démontre en tout état de cause pas non plus, que cet État aurait empêché les autorités des États membres de destination de calculer correctement la TVA due et de percevoir l’intégralité de cette taxe.

559

Si, ainsi qu’il ressort notamment du rapport de l’OLAF, les organisations criminelles concernées se sont livrées à une utilisation frauduleuse du régime douanier 42 pour éluder, à grande échelle, dans les États membres de destination des marchandises concernées, le paiement de la TVA et que cela a sans aucun doute donné lieu à des pertes financières conséquentes tant pour les États membres que pour l’Union elle-même, le Royaume-Uni ne peut être tenu pour seul responsable de l’insuffisance des contrôles ayant rendu possible une telle fraude et les pertes de TVA qui en sont résultées.

560

Ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 351 de ses conclusions, une telle fraude et les pertes financières qui en découlent doivent être appréciées dans le contexte de la problématique bien connue des insuffisances des contrôles de ce régime douanier, tels qu’ils ont été appliqués par les États membres, insuffisances que les fraudeurs ont pleinement exploitées et que la Cour des comptes a dénoncées à plusieurs reprises, notamment dans son rapport spécial no 24/2015.

561

Par conséquent, s’agissant des importations concernées effectuées au cours de la période d’infraction dans le cadre du régime douanier 42, l’allégation de la Commission, selon laquelle le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de l’article 83, de l’article 138, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), ainsi que de l’article 143, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, de la directive 2006/112, doit être écartée.

562

En second lieu, il y a lieu d’examiner l’allégation de la Commission selon laquelle, dès lors que, en raison des insuffisances des contrôles douaniers effectués au Royaume-Uni sur les importations concernées pendant la période d’infraction, les autorités douanières de cet État n’ont, pour les marchandises concernées, pas déterminé correctement la base d’imposition de ces importations aux fins de la TVA et n’ont ainsi pas perçu l’intégralité de la taxe due, ledit État n’a pas mis à la disposition de cette institution le montant correct des ressources propres provenant de la TVA en violation des articles 2 et 8 des décisions 2007/436 et 2014/335, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000, des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014 ainsi que de l’article 2 du règlement no 1553/89.

563

Dès lors que ce grief est fondé sur la prémisse selon laquelle le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient, en vertu du droit de l’Union en matière de TVA, de déterminer correctement la base d’imposition desdites importations aux fins de cette taxe et de percevoir l’intégralité de la TVA due, il ne doit être examiné que pour les importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 40, dès lors qu’il découle de ce qui précède que cette prémisse n’est vérifiée que pour ces importations et non pour celles effectuées dans le cadre du régime douanier 42.

564

À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, certaines caractéristiques du système des ressources propres de l’Union s’agissant spécifiquement des ressources provenant de la TVA.

565

Conformément à l’article 2, paragraphe 1, des décisions 2007/436 et 2014/335, applicables en l’espèce, les ressources propres de l’Union comprennent, outre les ressources propres traditionnelles, les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme à l’assiette harmonisée de la TVA déterminée selon les règles de l’Union.

566

Il ressort en outre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1553/89 que la base des ressources propres provenant de la TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l’article 2 de la directive 2006/112.

567

Sans préjudice de divers ajustements prévus par les dispositions de ce règlement, l’article 3 de celui-ci prévoit que la base des ressources provenant de la TVA est obtenue en divisant le total des recettes nettes de TVA encaissées par l’État membre au cours de l’année par le taux auquel cette taxe est perçue pendant cette même année, un taux moyen pondéré de TVA étant retenu aux fins d’une telle division lorsque plusieurs taux de TVA sont appliqués dans un État membre (arrêt du 15 novembre 2011, Commission/Allemagne, C‑539/09, EU:C:2011:733, point 67).

568

Le système de ressources propres de l’Union vise, s’agissant des ressources provenant de la TVA, à créer, à la charge des États membres, une obligation de mettre à la disposition de la Commission, en tant que ressources propres, une part des montants qu’ils perçoivent au titre de cette taxe (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission/Allemagne, C‑539/09, EU:C:2011:733, point 71).

569

Un lien direct existe ainsi entre, d’une part, la perception des recettes de TVA dans le respect du droit de l’Union applicable et, d’autre part, la mise à la disposition de la Commission des ressources provenant de la TVA correspondantes, dès lors que toute lacune dans la perception de ces recettes se trouve potentiellement à l’origine d’une réduction de ces ressources (arrêts du 15 novembre 2011, Commission/Allemagne, C‑539/09, EU:C:2011:733, point 72).

570

La Cour a également jugé qu’il incombe aux États membres de garantir un prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union dont celles provenant de la TVA et que, à ce titre, ceux-ci sont tenus de procéder au recouvrement des sommes correspondant aux ressources propres qui, en raison de fraudes, ont été soustraites au budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 32).

571

En l’espèce, s’agissant des importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 40 pendant la période d’infraction, il est constaté au point 550 du présent arrêt que, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni ont omis d’effectuer les contrôles nécessaires pour déterminer la valeur en douane correcte des produits concernés et, partant, n’ont pas assuré un prélèvement effectif et intégral des droits de douane dus, l’intégralité de la TVA relative à ces importations n’a pas non plus été effectivement prélevée, dès lors que la base d’imposition desdites importations au titre de la TVA a été déterminée sur la base de valeurs en douane incorrectes, car inférieures à la valeur réelle des produits concernés.

572

Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé au point 344 de ses conclusions, force est de constater que la Commission ne démontre pas à suffisance de droit qu’une telle omission des autorités douanières du Royaume-Uni d’assurer le prélèvement effectif et intégral de la TVA lors des mêmes importations a effectivement engendré des pertes de ressources propres provenant de cette taxe.

573

En effet, ainsi qu’il est relevé au point 567 du présent arrêt, l’article 3 du règlement no 1553/89 prévoit que la base des ressources provenant de la TVA est, en substance, obtenue en divisant le total des recettes nettes de cette taxe encaissées par l’État membre au cours de l’année par le taux auquel ladite taxe est perçue pendant cette même année.

574

Or, même si, s’agissant des importations concernées effectuées dans le cadre du régime douanier 40, les importateurs n’ont pas payé l’intégralité de la TVA dès lors que la base d’imposition de ces importations aux fins de la TVA était trop peu élevée, cela n’a pas eu nécessairement pour conséquence que les recettes nettes de la TVA ont été affectées.

575

En effet, l’importateur comme les autres opérateurs intervenant en aval dans la vente des produits concernés, avant que ceux-ci ne soient facturés au consommateur final, peuvent récupérer la TVA qu’ils ont payée. La question de savoir si les recettes nettes de la TVA sont affectées par la sous-évaluation qui a eu lieu lors desdites importations dépend dès lors du prix facturé au consommateur final.

576

Partant, la seule constatation de la sous-évaluation de la valeur en douane des produits concernés n’emporte pas nécessairement une réduction de l’assiette à partir de laquelle les ressources propres provenant de la TVA sont calculées.

577

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, en tant qu’il est tiré d’un manquement à l’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi qu’aux articles 85 à 87 de la directive 2006/112, et de l’écarter pour le surplus.

4.   Sur le manquement à l’obligation de coopération loyale consacrée à l’article 4, paragraphe 3, TUE

a)   Argumentation des parties

578

Par le grief soulevé dans le second chef de conclusions de la requête, la Commission fait valoir que, en ne lui communiquant pas toutes les informations nécessaires pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, le contenu de l’avis du service juridique du HMRC ou les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de l’article 2, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous d), du règlement no 608/2014.

579

À cet égard, en premier lieu, la Commission fait grief au Royaume-Uni d’avoir refusé de fournir une copie de l’avis du service juridique du HMRC ou toute autre indication concernant le contenu de l’évaluation juridique qui a conduit à l’annulation des dettes douanières constatées lors de l’ODC Snake, au motif qu’une telle évaluation juridique était confidentielle et relevait de la protection des communications entre un avocat et son client.

580

En deuxième lieu, la Commission soutient que les autorités douanières du Royaume-Uni n’ont pas fourni les informations requises par ses services pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles dues.

581

Le Royaume-Uni rétorque que, ainsi qu’il l’aurait déjà indiqué au cours de la procédure précontentieuse, l’annulation des dettes constatées dans les avis C 18 Snake est intervenue non pas à la suite d’un quelconque avis juridique, qui n’existerait pas, mais sur le fondement de décisions prises par le service indépendant du HMRC compétent en matière d’examens et de recours en matière douanière. Ce service aurait annulé ces avis pour les motifs indiqués dans ces décisions, lesquelles auraient été communiquées à la Commission.

582

Par ailleurs, outre cette allégation relative à l’absence de communication à la Commission de cet avis juridique inexistant, cette institution n’aurait pu faire valoir, de manière générale, aucun autre reproche à l’égard du Royaume-Uni en ce qui concerne son obligation de coopération loyale, au motif que cet État n’aurait pas communiqué à ladite institution toutes les informations nécessaires pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles.

b)   Appréciation de la Cour

583

À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, si, dans le second chef de conclusions de la requête, la Commission invoque, outre une violation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, une violation de l’article 2, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous d), du règlement no 608/2014, cette institution n’a pas exposé dans les motifs de celle-ci en quoi le Royaume-Uni aurait manqué à cette dernière disposition, de telle sorte que le grief figurant dans ce chef de conclusions ne doit être examiné qu’au regard de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

584

Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte du principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, que les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union (arrêt du 31 octobre 2019, Commission/Royaume-Uni, C‑391/17, EU:C:2019:919, point 93 et jurisprudence citée).

585

En outre, la Cour a jugé que, conformément au rôle de gardienne des traités dévolu à la Commission en vertu de l’article 17, paragraphe 1, TUE, il incombe à cette institution de veiller à la bonne exécution, par les États membres, de leurs obligations en matière de ressources propres de l’Union (arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 65) et que, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus de faciliter à la Commission l’accomplissement de cette mission de surveillance (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2002, Commission/Italie, C‑10/00, EU:C:2002:146, point 88).

586

Par ailleurs, lorsque, comme c’est le cas s’agissant de la surveillance par la Commission de la bonne exécution, par les États membres, de leurs obligations en matière de ressources propres de l’Union, cette institution est largement tributaire des éléments fournis par les États membres, ceux-ci sont tenus de mettre les pièces justificatives et autres documents utiles à la disposition de ladite institution, dans des conditions raisonnables, afin que cette dernière puisse vérifier si les ressources propres de l’Union ont été correctement mises à disposition dans le respect de ces obligations (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2002, Commission/Italie, C‑10/00, EU:C:2002:146, points 88 et 91).

587

En l’espèce, la Commission reproche au Royaume-Uni d’avoir manqué à l’obligation de coopération loyale telle que cette dernière est prescrite à l’article 4, paragraphe 3, TUE, dès lors que cet État ne lui aurait pas fourni en temps utile, d’une part, tous les éléments de calcul afférents aux dettes réclamées dans les avis C 18 Snake qu’elle lui aurait demandé à plusieurs reprises de communiquer et qui seraient nécessaires pour calculer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et, d’autre part, l’avis du service juridique du HMRC ou les motifs des décisions annulant les avis C 18 Snake.

588

À cet égard, il est constant que, tout au long de la procédure précontentieuse, le Royaume-Uni a refusé de fournir un document, qualifié, à plusieurs reprises, par ses propres autorités d’« avis juridique », au motif que ce document était protégé par le secret professionnel.

589

La Commission explique avoir demandé la fourniture de ce document dès lors qu’elle avait pu comprendre que celui-ci comportait une analyse juridique des raisons ayant amené le Royaume-Uni à annuler les avis C 18 Snake.

590

Toutefois, ultérieurement et, en particulier, au cours de la mission d’inspection 18‑11-1 menée au mois d’avril 2018 comme dans sa réponse du 22 juin 2018 à la lettre de mise en demeure, le Royaume-Uni a affirmé qu’un tel « avis juridique » n’existait pas et que les raisons l’ayant amené à annuler les avis C 18 Snake étaient celles mentionnées dans les décisions annulant ces derniers, lesquelles auraient été prises par une instance indépendante, à savoir le service d’examens et de recours en matière douanière du HMRC, dans le cadre des procédures relatives aux recours dirigés contre ces avis. Selon le Royaume-Uni, il ressort de ces décisions que lesdits avis ont été annulés essentiellement au motif qu’aucune méthode de réévaluation satisfaisante ne pouvait être étayée s’agissant des importations concernées.

591

La Commission soutient que les copies de 6 des 24 décisions d’annulation des avis C18 Snake, obtenues lors de l’inspection 18-11-1, ne lui ont pas permis de comprendre les raisons de l’annulation de ces avis.

592

Dans le mémoire en défense, le Royaume-Uni a ajouté qu’il existait un avis du service juridique du HMRC, mais que celui-ci portait non pas sur les raisons l’ayant conduit à annuler les avis C18 Snake, mais uniquement sur les procédures de liquidation engagées contre certains opérateurs. Cet avis serait toutefois protégé par le secret professionnel.

593

Il y a également lieu de relever que, lors de la procédure précontentieuse, les autorités douanières du Royaume-Uni ont indiqué que la validité des avis C 18 Snake pouvait être mise en cause dès lors que, dans ces avis, le PMC avait été utilisé pour déterminer la valeur en douane des produits concernés et que lesdits avis, tels qu’ils avaient été notifiés aux entreprises concernées, ne permettaient pas d’établir un lien direct entre les droits réclamés et les déclarations en douane individuelles concernées.

594

Il ressort également du dossier soumis à la Cour que la Commission a demandé à plusieurs reprises au Royaume-Uni de lui communiquer le détail des calculs afférents aux dettes réclamées dans les avis C 18 Snake dès lors que de telles données étaient nécessaires pour vérifier si ces dettes reflétaient dûment les montants des pertes de ressources propres relatives aux importations concernées par ces avis.

595

La Commission explique que, à défaut de disposer de ces données, elle avait présumé, sans avoir été corrigée sur ce point par le Royaume-Uni au cours de la procédure précontentieuse, que les droits réclamés dans les avis C 18 Snake avaient été calculés sur la base du PMA et avaient dès lors été déterminés à un niveau manifestement trop bas. Cela l’aurait conduite à réclamer dans la requête, s’agissant de la période allant du mois de novembre 2011 au mois de novembre 2014, des montants correspondant à des pertes de ressources propres traditionnelles calculés non pas à partir de ces avis, mais selon la méthode OLAF-JRC, prenant en compte ainsi toutes les importations effectuées à des prix inférieurs au PMA et imputant à celles-ci une valeur égale au PMC.

596

Elle expose que le détail des calculs des dettes réclamées dans les avis C 18 Snake a finalement été fourni par le Royaume-Uni en annexe du mémoire en duplique, ce qui a permis de constater que les importations concernées avaient été réévaluées sur la base non pas du PMA, mais du PMC et d’établir un lien direct entre les droits réclamés et les déclarations en douane individuelles concernées.

597

Interrogé à cet égard par la Cour, le Royaume-Uni a expliqué que ses autorités n’avaient pas refusé de communiquer le détail de ces calculs à la Commission à la suite de la visite d’inspection du mois de novembre 2017, mais n’avaient pu y avoir accès à cette occasion. Ces calculs auraient été « redécouverts » peu avant le dépôt du mémoire en défense, au mois de juin 2019. Il aurait fallu ensuite beaucoup de temps et de ressources pour analyser et traiter les très grandes quantités d’informations ainsi obtenues au cours de l’exercice de collecte, de sorte que le Royaume-Uni n’aurait pu les fournir avant le dépôt du mémoire en duplique.

598

Eu égard à l’ensemble de ces éléments factuels et compte tenu des principes consacrés par la jurisprudence rappelée aux points 584 à 586 du présent arrêt, il y a lieu de constater que le Royaume-Uni a manqué à l’obligation de coopération loyale telle que cette dernière est prescrite à l’article 4, paragraphe 3, TUE, dès lors que cet État a omis de fournir en temps utile, d’une part, tous les éléments de calcul afférents aux dettes réclamées dans les avis C 18 Snake que la Commission lui a demandé à plusieurs reprises de communiquer et qui étaient nécessaires pour calculer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et, d’autre part, les motifs des décisions annulant les avis C 18 Snake que la Commission lui a également demandé à plusieurs reprises de communiquer.

599

En revanche, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le Royaume-Uni a enfreint l’obligation de coopération loyale en refusant de fournir l’avis juridique du HMRC. En effet, il suffit de constater que, par l’emploi de la conjonction de coordination « ou » dans la seconde partie du second chef de conclusions de la requête, le Royaume-Uni a, en tout état de cause, manqué à cette obligation en s’abstenant de fournir en temps utile les motifs des décisions annulant les avis C 18 Snake.

600

Partant, il y a lieu, sous réserve de ce qui est relevé au point 599 du présent arrêt, de faire droit au grief soulevé dans le second chef de conclusions de la requête en tant que celui-ci est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

601

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater ce qui suit :

en n’ayant pas pris en compte les montants corrects des droits de douane et en n’ayant pas mis à disposition le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives aux importations concernées, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 8 de la décision 2014/335, des articles 2 et 8 de la décision 2007/436, des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement no 609/2014, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement no 1150/2000, ainsi que de l’article 105, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union et de l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, en conséquence de sa méconnaissance des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 325 TFUE, de l’article 46 du code des douanes de l’Union, de l’article 13 du code des douanes communautaire, de l’article 248, paragraphe 1, du règlement d’application, de l’article 244 du règlement d’exécution, ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous d), et des articles 85 à 87 de la directive 2006/112 ;

et en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

602

Le recours est rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

603

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement de procédure, lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens, à moins que, au vu des circonstances de l’espèce, la Cour estime qu’il est justifié qu’une partie supporte, outre ses propres dépens, une fraction des dépens de l’autre partie.

604

En l’espèce, la Commission concluant à la condamnation du Royaume-Uni aux dépens et ce dernier ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu, au vu des circonstances de l’espèce, de condamner le Royaume-Uni à supporter, outre ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission. Cette dernière supportera un cinquième de ses propres dépens.

605

En application de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, le Royaume de Belgique, la République d’Estonie, la République hellénique, la République de Lettonie, la République portugaise et la République slovaque supportent leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

 

1)

En n’ayant pas pris en compte les montants corrects des droits de douane et en n’ayant pas mis à disposition le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 8 de la décision 2014/335/UE, Euratom du Conseil, du 26 mai 2014, relative au système des ressources propres de l’Union européenne, des articles 2 et 8 de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes, des articles 2, 6, 9, 10, 12 et 13 du règlement (UE, Euratom) no 609/2014 du Conseil, du 26 mai 2014, relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres traditionnelles, de la ressource propre fondée sur la TVA et de la ressource propre fondée sur le RNB et aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2016/804 du Conseil, du 17 mai 2016, des articles 2, 6, 9, 10, 11 et 17 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés, ainsi que de l’article 105, paragraphe 3, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union, et de l’article 220, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, en conséquence de sa méconnaissance des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 325 TFUE, de l’article 46 du règlement no 952/2013, de l’article 13 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, de l’article 248, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement (CE) no 3254/1994 de la Commission, du 19 décembre 1994, de l’article 244 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 952/2013, ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous d), et des articles 85 à 87 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2009/69/CE du Conseil, du 25 juin 2009 ;

et en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission européenne pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné aux quatre cinquièmes des dépens exposés par la Commission européenne et supporte ses propres dépens.

 

4)

La Commission européenne supporte le cinquième de ses propres dépens.

 

5)

Le Royaume de Belgique, la République d’Estonie, la République hellénique, la République de Lettonie, la République portugaise et la République slovaque supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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