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Document 62018CO0065(01)

Ordonnance du vice-président de la Cour du 12 juin 2018.
Nexans France SAS et Nexans SA contre Commission européenne.
Pourvoi – Référé – Concurrence – Marché européen des câbles électriques – Décision de la Commission européenne constatant une violation de l’article 101 TFUE – Publication – Rejet partiel de la demande de traitement confidentiel de certaines informations figurant dans la décision – Sursis à exécution – Lien entre la condition du fumus boni juris et celle de l’urgence.
Affaire C-65/18 P(R).

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:426

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

12 juin 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Référé – Concurrence – Marché européen des câbles électriques – Décision de la Commission européenne constatant une violation de l’article 101 TFUE – Publication – Rejet partiel de la demande de traitement confidentiel de certaines informations figurant dans la décision – Sursis à exécution – Lien entre la condition du fumus boni juris et celle de l’urgence »

Dans l’affaire C‑65/18 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 31 janvier 2018,

Nexans France SAS, établie à Courbevoie (France),

Nexans SA, établie à Courbevoie,

représentées par M. M. Powell et Mme A. Rogers, solicitors, ainsi que par Me G. Forwood, avocate,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. I. Zaloguin, G. Meessen et H. van Vliet, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1

Par leur pourvoi, Nexans France SAS et Nexans SA demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal du 23 novembre 2017, Nexans France et Nexans/Commission (T‑423/17 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2017:835), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande tendant, d’une part, au sursis à l’exécution de la décision C(2017) 3051 final de la Commission, du 2 mai 2017, relative à une demande de traitement confidentiel (affaire COMP/AT.39610 – Câbles électriques, ci-après la « décision litigieuse »), en tant que cette demande a été rejetée s’agissant des éléments visés aux points 7 et 8 de la décision litigieuse, résultant d’une saisie auprès des requérantes et d’un autre opérateur économique (ci-après les « informations litigieuses »), et, d’autre part, à ordonner à la Commission européenne de s’abstenir de publier une version de sa décision C(2014) 2139 final, du 2 avril 2014 (affaire COMP/AT.39610 – Câbles électriques, ci-après la « décision câbles électriques »), contenant les informations litigieuses.

Les antécédents du litige et la procédure devant le Tribunal

2

Les antécédents du litige et la procédure devant le Tribunal ont été résumés aux points 1 à 16 de l’ordonnance attaquée comme suit :

« 1

Le 28 janvier 2009, la Commission européenne a procédé à une inspection dans les locaux d’une des requérantes, Nexans France, à Paris (France).

2

Selon les requérantes, Nexans et Nexans France, les inspecteurs de la Commission ont décidé de copier “en bloc” un grand nombre de fichiers dans la messagerie électronique des ordinateurs de deux employés de Nexans France et la totalité du disque dur de l’un de ces employés ainsi que de les emporter sous scellés dans leurs locaux à Bruxelles (Belgique) en vue d’un examen ultérieur.

3

Selon les requérantes, la Commission a procédé, du 3 au 11 mars 2009, à l’examen des documents copiés dans ses locaux à Bruxelles en présence de leurs avocats, mais en l’absence d’un représentant de l’autorité nationale de la concurrence compétente. Ce n’est qu’à ce stade que les inspecteurs de la Commission auraient systématiquement examiné le contenu des disques, en sélectionnant les documents jugés pertinents et en les imprimant. Des copies de ces documents auraient été fournies aux avocats des requérantes et le contenu des disques aurait ensuite été effacé.

4

Dans le recours introduit devant le Tribunal le 7 avril 2009, les requérantes ont notamment contesté ce procédé. Dans l’arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), le Tribunal a notamment rejeté comme irrecevables les demandes tendant à annuler la saisie des documents. [...]

5

Dans le pourvoi contre l’arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), introduit au greffe de la Cour le 24 janvier 2013, les requérantes n’ont pas contesté le rejet comme irrecevable du moyen soulevé en première instance en ce qui concerne la prétendue illégalité de la saisie. En tout état de cause, la Cour a rejeté, par l’arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), le pourvoi des requérantes.

6

Le 2 avril 2014, la Commission a adopté la [décision câbles électriques].

7

Par lettre du 8 mai 2014, la direction générale (DG) “Concurrence” de la Commission a informé les requérantes de son intention de publier, conformément à l’article 30 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), une version non confidentielle de la décision câbles électriques sur son site Internet. En outre, la DG “Concurrence” a invité les requérantes à identifier les éventuelles informations confidentielles ou constituant des secrets d’affaires et à motiver leur appréciation à cet égard.

8

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, les requérantes ont formé un recours en annulation, enregistré sous le numéro T‑449/14, contre la décision câbles électriques. Dans le cadre du premier moyen de ce recours, les requérantes ont notamment fait valoir que la Commission avait outrepassé ses compétences en saisissant des informations de manière illégale et en copiant en bloc, sans examen préalable, un important volume de données électroniques en vue d’un examen ultérieur dans ses locaux à Bruxelles.

9

Par lettre du 3 mai 2016, à la suite de divers échanges concernant les demandes de confidentialité, la DG “Concurrence” a informé les requérantes de son intention de publier l’intégralité de la décision câbles électriques, à l’exclusion de certaines informations dont elle estimait qu’elles devaient rester confidentielles.

10

Par lettre du 18 mai 2016, les requérantes ont saisi le conseiller-auditeur d’une demande de traitement confidentiel de certaines informations au titre de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller–auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29).

11

Dans cette demande, les requérantes ont notamment fait valoir que les éléments contenus dans la décision câbles électriques, résultant d’une saisie dans les locaux de Nexans France et d’un autre opérateur économique, devaient être considérés comme confidentiels.

12

Le 2 mai 2017, le conseiller-auditeur a adopté, au nom de la Commission, la [décision litigieuse].

13

Dans la [décision litigieuse], la Commission a accueilli la demande de confidentialité pour certaines informations, telles qu’énumérées à son article 1er, et a rejeté la demande des requérantes pour les [informations litigieuses].

14

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juillet 2017, les requérantes ont demandé au Tribunal d’annuler la [décision litigieuse] en tant que leur demande de traitement confidentiel des informations litigieuses était rejetée.

15

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit une demande en référé, au titre des articles 278 et 279 TFUE, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

surseoir à l’exécution de la décision [litigieuse] en tant que la demande de traitement confidentiel des informations litigieuses est rejetée ;

enjoindre à la Commission de s’abstenir de publier une version de la décision câbles électriques contenant les informations litigieuses avant que la “Cour de justice de l’Union européenne” ait statué sur le premier moyen du recours formé dans l’affaire T‑449/14 ;

condamner la Commission aux dépens.

16

À la suite de la demande des requérantes, le président du Tribunal a adopté, le 12 juillet 2017, sans avoir entendu au préalable la Commission, une ordonnance, sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en vertu de laquelle il a ordonné à la Commission de surseoir à l’exécution de la [décision litigieuse] jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé et de ne pas publier une version de la décision câbles électriques contenant les informations litigieuses avant que le Tribunal ait statué sur le premier moyen du recours formé par les requérantes dans l’affaire T‑449/14. »

L’ordonnance attaquée

3

Après avoir, aux points 18 à 22 de l’ordonnance attaquée, rappelé la jurisprudence de la Cour et du Tribunal concernant les conditions relatives à l’octroi de mesures provisoires, le président du Tribunal a, au point 23 de cette ordonnance, considéré que, en l’espèce, il convenait d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence était remplie.

4

À cet égard, le président du Tribunal a, aux points 24 à 31 de ladite ordonnance, rappelé les principes dégagés en la matière par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. À l’aune de ces principes, il a considéré ce qui suit aux points 32 à 48 de l’ordonnance attaquée :

« 32

En l’espèce, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que les requérantes, en s’appuyant sur le point 38 de l’ordonnance [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], allèguent que, étant donné que la protection provisoire est demandée pour des informations prétendument confidentielles, l’appréciation de l’existence d’un préjudice grave et irréparable doit nécessairement partir de la prémisse selon laquelle les informations prétendument confidentielles l’étaient effectivement.

33

Or, force est de constater que les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], tout comme celles de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance [du vice-président de la Cour] du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), sont nettement différentes de celles en cause dans la présente affaire.

34

En effet, ainsi qu’il ressort en particulier des points 18 et 38 de l’ordonnance [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], dans son recours en annulation, Pilkington Group Ltd avait contesté l’appréciation de la Commission selon laquelle les informations dont la divulgation était envisagée en application de l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ne constituaient pas des secrets d’affaires, au sens notamment de l’article 339 TFUE ainsi que de l’article 28, paragraphe 1, et de l’article 30, paragraphe 2, dudit règlement. Par conséquent, les considérations dont le juge des référés avait tenu compte afin de conclure que la condition de l’urgence était établie en l’espèce partaient de la prémisse, expressément mentionnée au point 47 de ladite ordonnance, selon laquelle les informations en cause dans cette affaire étaient couvertes par le secret professionnel.

35

De même, il résulte du point 84 de l’ordonnance [du vice-président de la Cour] du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), que Evonik Degussa GmbH avait contesté l’appréciation selon laquelle les informations en cause ne constituaient pas des secrets d’affaires et n’étaient pas non plus couvertes par le secret professionnel.

36

Par ailleurs, les parties requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], et du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), avaient allégué, ainsi qu’il résulte respectivement des points 47 et 83 desdites ordonnances, que la publication des informations en cause serait susceptible de leur porter préjudice en raison de la nature même de ces informations.

37

En revanche, pour ce qui concerne la présente affaire, en premier lieu, il importe de relever que les requérantes ne soutiennent pas que les informations litigieuses seraient couvertes par le secret d’affaires.

38

En deuxième lieu, outre l’affirmation selon laquelle les informations litigieuses sont confidentielles, la demande en référé contient peu d’éléments spécifiques quant à la nature et au contenu des éléments pour lesquels les requérantes invoquent la confidentialité.

39

En troisième lieu, les requérantes ne cherchent pas à démontrer que les informations litigieuses revêtent une sensibilité commerciale intrinsèque pouvant être exploitée par leurs concurrents dans le cadre du jeu normal de la concurrence.

40

En quatrième lieu, dans la mesure où les requérantes soutiennent que les informations litigieuses “comportent des preuves de l’infraction [et] révèlent en détail l’infraction, notamment les noms des clients et des projets concernés par le comportement ainsi que des chiffres relatifs aux prix facturés et aux objectifs poursuivis par les participants, [...] ainsi que le lien de causalité entre ce préjudice et l’infraction”, elles renvoient aux considérants 284, 372, sous g), et 436 de la décision câbles électriques, à titre d’“exemples clairs du type d’informations” auquel les requérantes se réfèrent.

41

Toutefois, les considérants 284, 372, sous g), et 436 de la décision câbles électriques ne mentionnent pas les “noms des clients et des projets concernés” et ne contiennent notamment pas de “chiffres relatifs aux prix facturés”.

42

En cinquième lieu, il résulte de la jurisprudence que des informations qui ont été secrètes ou confidentielles, mais qui datent de cinq ans ou plus, doivent, du fait de l’écoulement du temps, être considérées, en principe, comme historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret ou confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés. Ces considérations, qui conduisent à une présomption réfragable, sont valables tant dans le contexte de demandes de traitement confidentiel à l’égard de parties intervenantes dans le cadre de recours devant le juge de l’Union que dans le contexte de demandes de confidentialité en vue de la publication par la Commission d’une décision constatant une infraction au droit de la concurrence (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 64).

43

Or, en l’occurrence, les informations litigieuses ont été recueillies lors de l’inspection en 2009. Toutefois, les requérantes ne cherchent pas à démontrer les raisons pour lesquelles les informations litigieuses, de par leur nature, n’auraient pas perdu leur caractère secret ou confidentiel malgré l’écoulement du temps.

44

En sixième lieu, les requérantes ne cherchent pas à établir la confidentialité des informations litigieuses par rapport à la nature même de ces informations, mais en arguant que leur droit à un recours effectif et le principe de présomption d’innocence requièrent que ces informations ne soient pas divulguées avant que la légalité de l’obtention de ces informations soient établie dans le cadre de l’affaire T‑449/14.

45

En septième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’examen du point de savoir si des informations relèvent du secret professionnel s’effectue, d’une manière générale, par une analyse à trois étapes, à savoir, premièrement, que ces informations ne soient connues que par un nombre restreint de personnes, deuxièmement, que leur divulgation soit susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers et, enfin, troisièmement, que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de telles informations soient objectivement dignes de protection (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2015, Evonik Degussa/Commission, T‑341/12, EU:T:2015:51, point 94 et jurisprudence citée).

46

Ainsi, l’examen de la condition liée à l’urgence se recoupe, dans une certaine mesure, avec l’examen du point de savoir si les informations litigieuses doivent être considérées comme couvertes par le secret professionnel qui relève, dans le cadre d’une procédure de référé, de l’examen du fumus boni juris.

47

Dans ces conditions, la seule allégation, au demeurant aucunement étayée, que les informations dont la divulgation est en cause seraient couvertes par le secret professionnel ne saurait, au risque de fausser l’analyse de la condition liée à l’urgence, suffire à établir la prémisse selon laquelle ces informations sont couvertes par le secret professionnel.

48

Partant, contrairement aux affaires ayant donné lieu aux ordonnances [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], et du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), l’analyse de l’urgence dans la présente affaire ne saurait partir de la prémisse selon laquelle les informations litigieuses sont couvertes par le secret professionnel. »

5

Ainsi, aux points 48 à 81 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a examiné si les requérantes étaient parvenues à établir le caractère urgent de leur demande, justifiant l’octroi de mesures provisoires. À ces fins, il a analysé les trois causes de préjudice que les requérantes prétendaient qu’elles subiraient s’il n’était pas sursis à l’exécution de la décision litigieuse, à savoir les préjudices résultant d’une atteinte à leur réputation et du risque d’être exposées à des recours en indemnité, examinés aux points 54 à 67 de cette ordonnance, ainsi que du risque de compromettre leur droit à un recours effectif, en ce que l’annulation éventuelle de la décision câbles électriques serait privée de son « plein effet », examiné aux points 68 à 81 de ladite ordonnance.

6

Dans le cadre de l’examen de cette troisième cause de préjudice, le président du Tribunal a, aux points 69 à 78 de l’ordonnance attaquée, analysé l’argument des requérantes selon lequel il était nécessaire, afin de respecter leur droit à un recours effectif, d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que la légalité de la saisie des informations litigieuses ait été vérifiée. Ensuite, et à titre surabondant, il a également considéré, aux points 79 à 81 de ladite ordonnance, ce qui suit :

« 79

En tout état de cause, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la thèse selon laquelle un préjudice est, par définition, grave et irréparable, puisqu’il touche à la sphère des droits fondamentaux ne saurait être admise, dès lors qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère grave et irréparable. La protection renforcée des droits fondamentaux qui découlerait du traité de Lisbonne ne remet pas en cause cette jurisprudence, dès lors que ces droits, et notamment le droit à un recours effectif invoqué en l’espèce, étaient déjà protégés dans le droit de l’Union avant l’entrée en vigueur de ce traité [voir, en ce sens, ordonnance [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 40].

80

Certes, la violation de certains droits fondamentaux, tels que l’interdiction de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, consacrée à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, est susceptible, en raison de la nature même du droit violé, de donner lieu par elle-même à un préjudice grave et irréparable. Toutefois, il n’en demeure pas moins [qu’]il appartient toujours à la partie qui sollicite l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un tel préjudice dans son cas particulier [ordonnance [du vice-président de la Cour] du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 41].

81

Or, en l’espèce, les requérantes n’établissent pas que le préjudice qui résulterait concrètement pour elles de la prétendue violation du droit à un recours effectif serait distinct du préjudice qui résulterait du fait d’être exposées à une atteinte à leur réputation et aux recours en indemnité, dont l’examen a abouti à la conclusion, aux points 62 et 67 ci-dessus, que les requérantes n’avaient pas établi le caractère grave des préjudices dont elles allèguent l’existence. »

7

Sur la base de cet examen, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé des requérantes et rapporté son ordonnance du 12 juillet 2017.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

8

Par leur pourvoi, les requérantes demandent en substance à la Cour :

d’annuler l’ordonnance attaquée ;

d’accorder le sursis à l’exécution de la décision litigieuse en ce qui concerne les informations litigeuses ;

d’enjoindre à la Commission de s’abstenir de publier une version de la décision câbles électriques contenant les informations litigieuses aussi longtemps que le Tribunal n’aura pas statué sur le premier moyen du recours formé par les requérantes dans l’affaire T‑449/14 ;

à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

de condamner la Commission aux dépens du pourvoi ainsi que de la procédure de référé devant le Tribunal.

9

Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 31 janvier 2018, les requérantes ont introduit une demande en référé.

10

Conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, par ordonnance du vice-président de la Cour du 2 février 2018, Nexans France et Nexans/Commission [C‑65/18 P(R)‑R, non publiée, EU:C:2018:62], adoptée sans avoir entendu les autres parties à la procédure, il a été sursis à l’exécution de la décision litigieuse et enjoint à la Commission de s’abstenir de publier une version non confidentielle de la décision câbles électriques, contenant les éléments indiqués aux points 7 et 8 de la décision litigieuse, et cela jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la procédure en référé et celle se prononçant sur le présent pourvoi.

11

Dans son mémoire en réponse, déposé au greffe de la Cour le 6 mars 2018, la Commission demande :

de rejeter le pourvoi ;

à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

à titre encore plus subsidiaire, de rejeter la demande en référé, et

de condamner les requérantes aux dépens exposés pour la présente affaire devant le Tribunal et devant la Cour.

Sur le pourvoi

12

Le pourvoi s’appuie sur deux moyens tirés d’autant d’erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal en ce que celui-ci, d’une part, a refusé de partir de la prémisse que les informations litigieuses étaient couvertes par le secret professionnel et, d’autre part, a mal apprécié le droit des requérantes à un recours juridictionnel effectif.

Sur le premier moyen

13

À l’appui de leur premier moyen de pourvoi, les requérantes font valoir que le Tribunal a, aux points 33 à 37 de l’ordonnance attaquée, considéré à tort que la présente affaire se distingue des affaires ayant donné lieu aux ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], et du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), dans lesquelles le juge des référés avait fondé son analyse sur la prémisse que les informations en question dans ces affaires étaient confidentielles. En effet, tout comme les requérantes dans lesdites affaires, les requérantes dans la présente affaire auraient, dans leur recours en annulation, contesté l’appréciation de la Commission selon laquelle les informations litigieuses n’étaient pas couvertes par le secret professionnel et, même si, à ces fins, elles n’auraient pas prétendu que ces informations constituaient des secrets d’affaires, elles auraient néanmoins revendiqué de manière circonstanciée que lesdites informations revêtaient un caractère confidentiel et qui, partant , auraient dû être couvertes par le secret professionnel, et cela en application des critères établis par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Par ailleurs, contrairement à ce qu’aurait jugé le président du Tribunal aux points 46 et 47 de l’ordonnance attaquée, la circonstance que cette question recoupe l’examen de la condition du fumus boni juris n’aurait pas dû l’empêcher de partir d’une telle prémisse.

14

Afin de statuer sur le présent moyen, il convient de rappeler que l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours au fond. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence [voir, notamment, ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 35, ainsi que du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)‑R, non publiée, EU:C:2017:735, points 22 et 23].

15

À cet égard, c’est à juste titre que, au point 46 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, en substance, considéré que, lorsqu’il y a lieu d’apprécier s’il est urgent d’octroyer des mesures provisoires afin d’empêcher la divulgation d’informations prétendument confidentielles, cette appréciation se recoupe, dans une certaine mesure, avec l’examen de l’existence d’un fumus boni juris lié au caractère confidentiel desdites informations, dont se prévaut la partie qui demande lesdites mesures.

16

En effet, comme le font d’ailleurs valoir les requérantes elles-mêmes, au point 38 de l’ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], dans le cadre de laquelle le préjudice qui était invoqué par Pilkington aurait résulté de la publication d’informations prétendument confidentielles, il a été jugé que, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un préjudice grave et irréparable, le président du Tribunal devait nécessairement partir de la prémisse selon laquelle les informations prétendument confidentielles l’étaient effectivement, conformément à ce que Pilkington alléguait à ce propos.

17

Cependant, au même point 38, le vice-président de la Cour a également précisé que la prise en considération d’une telle prémisse était sans préjudice de l’examen du fumus boni juris, lequel examen est lié à l’appréciation de l’existence d’un préjudice grave et irréparable, tout en étant distinct de celle-ci.

18

Or, au point 45 de l’ordonnance du président du Tribunal du 11 mars 2013, Pilkington Group/Commission (T‑462/12 R, EU:T:2013:119), qui faisait l’objet du pourvoi ayant donné lieu à l’ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], le président du Tribunal avait lui-même expressément précisé que c’était sous réserve d’un examen de la condition relative au fumus boni juris que l’existence d’un préjudice grave et irréparable était en l’espèce établie. Ce n’est dès lors qu’après avoir, aux points 67 à 72 de cette première ordonnance, examiné si cette condition relative au fumus boni juris était remplie – examen n’ayant d’ailleurs pas été remis en cause dans le pourvoi – que le président du Tribunal avait effectivement pu partir de la prémisse que les informations en cause étaient confidentielles afin d’octroyer les mesures provisoires demandées.

19

Il en est allé de même dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), dans laquelle le vice-président de la Cour était saisi d’une demande en référé se greffant sur un pourvoi contre un arrêt du Tribunal. Dans cette affaire, le juge des référés, avant de décider, au point 85 de cette ordonnance, que, afin d’apprécier l’urgence en l’espèce, il convenait de partir de la prémisse selon laquelle les informations en cause dans cette affaire étaient couvertes par le secret professionnel, avait, au point 84 de ladite ordonnance, relevé que non seulement la requérante dans cette affaire avait contesté, dans le cadre de son pourvoi, l’appréciation du Tribunal selon laquelle ces informations ne constituaient pas des secrets d’affaires et n’étaient pas non plus couvertes par le secret professionnel, mais également qu’un examen prima facie des arguments soulevés au soutien des moyens de pourvoi pertinents à cet égard ne permettait pas de conclure que le caractère confidentiel de ces informations faisait manifestement défaut.

20

En revanche, dans son ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission (C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21), le vice-président de la Cour, saisi également d’une demande en référé se greffant sur un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal du 15 juillet 2015, AGC Glass Europe e.a./Commission (T‑465/12, EU:T:2015:505), n’a pas pu partir de la même prémisse, ainsi qu’il résulte du point 33 de cette ordonnance, étant donné que, dans l’affaire ayant donné lieu à celle-ci, le Tribunal avait, aux points 22 à 54 de cet arrêt, examiné et rejeté le sixième moyen invoqué par les requérantes à l’appui de leur recours en annulation, dans le cadre duquel elles contestaient l’appréciation du conseiller-auditeur selon laquelle les informations en cause dans cette affaire ne constituaient pas des secrets d’affaires et que le pourvoi introduit par les requérantes n’était pas dirigé contre cette partie dudit arrêt, de telle sorte qu’il devait être considéré qu’il avait été définitivement jugé que ces informations ne constituaient pas des secrets d’affaires.

21

Par conséquent, ce n’est que lorsque, d’une part, le demandeur en référé allègue que les informations dont il vise à empêcher, à titre provisoire, la publication constituent des secrets d’affaires ou sont par ailleurs couvertes par le secret professionnel et que, d’autre part, cette allégation remplit la condition du fumus boni juris, que le juge des référés est, en principe, tenu, dans le cadre de son examen de la condition relative à l’urgence, de partir de la prémisse selon laquelle ces informations sont, respectivement, des secrets d’affaires ou couvertes par le secret professionnel.

22

Ainsi, contrairement à ce que semblent soutenir les requérantes, il n’est pas suffisant, aux fins de se voir octroyer le bénéfice de mesures provisoires, d’avoir allégué que les informations qui viendraient à être divulguées revêtent un caractère confidentiel, lorsqu’une telle allégation ne remplit pas la condition du fumus boni juris. Or, en l’occurrence, il ressort des points 37 à 46 de l’ordonnance attaquée que l’allégation des requérantes selon laquelle les informations litigieuses revêtaient un caractère confidentiel ne remplissait pas la condition du fumus boni juris.

23

À cet égard, il y a lieu de relever que, comme le rappelle le président du Tribunal au point 21 de l’ordonnance attaquée, dans le cadre de l’examen de l’ensemble des conditions cumulatives auxquelles est subordonné l’octroi d’un sursis à exécution et des autres mesures provisoires, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

24

En l’occurrence, le président du Tribunal a indiqué, au point 23 de l’ordonnance attaquée, qu’il entend examiner en premier lieu si la condition relative à l’urgence est remplie. Cependant, dans le cadre de son examen, il s’est en réalité livré, aux points 37 à 46 de cette ordonnance, à l’analyse du bien-fondé des allégations des requérantes concernant la question de savoir si les informations litigieuses étaient couvertes par le secret professionnel, sans en tirer, de manière expresse, de conclusions à l’égard de la question de savoir si ces allégations remplissaient ou pas la condition du fumus boni juris.

25

En dépit d’une structure d’analyse peu cohérente, il ressort néanmoins avec un degré de clarté suffisant de l’ordonnance attaquée que le président du Tribunal a considéré que, en l’occurrence, l’allégation des requérantes selon laquelle lesdites informations étaient confidentielles ne remplissait pas la condition du fumus boni juiris.

26

À cet égard, d’une part, le président du Tribunal a notamment rappelé, au point 42 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence de la Cour selon laquelle des informations qui ont été secrètes ou confidentielles, mais qui datent de cinq ans ou plus, doivent, du fait de l’écoulement du temps, être considérées, en principe, comme historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret ou confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut d’un tel caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés. Ces considérations, qui conduisent à une présomption réfragable, sont valables tant dans le contexte de demandes de traitement confidentiel à l’égard de parties intervenantes dans le cadre de recours devant le juge de l’Union que dans le contexte de demandes de confidentialité en vue de la publication par la Commission d’une décision constatant une infraction au droit de la concurrence (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 64).

27

D’autre part, le président du Tribunal a, au point 43 de l’ordonnance attaquée, considéré que, en l’occurrence, les informations litigieuses avaient été recueillies lors de l’inspection menée par les services de la Commission au cours de l’année 2009 et que les requérantes n’avaient pas cherché à démontrer les raisons pour lesquelles les informations litigieuses, de par leur nature, n’auraient pas, nonobstant le temps écoulé, perdu leur caractère secret ou confidentiel.

28

Même sur ce seul fondement, le président du Tribunal était en droit de considérer comme étant non remplie la condition du fumus boni juris. Par conséquent, les autres motifs de l’ordonnance attaquée, contenus aux points 37 à 41 et 44 à 46 de celle-ci, visant à exclure tout caractère confidentiel desdites informations, sont surabondants.

29

Or, dans le cadre de leur pourvoi, les requérantes se sont limitées à critiquer ces derniers points de l’ordonnance attaquée, sans contester la constatation contenue au point 43 de celle-ci, de sorte que les arguments soulevés contre ces motifs par les requérantes doivent être écartés comme étant inopérants.

30

Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreurs de droit que le président du Tribunal a considéré que la présente affaire se distingue de celles ayant donné lieu aux ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], et du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142).

31

Pour ces raisons, le premier moyen de pourvoi n’est pas fondé.

Sur le second moyen

32

Par leur second moyen de pourvoi, les requérantes contestent l’appréciation du président du Tribunal, figurant aux points 68 à 81 de l’ordonnance attaquée, au terme de laquelle celui-ci a rejeté leur argument selon lequel la décision litigieuse violait leur droit à un recours effectif.

33

À ces fins, le président du Tribunal, d’une part, a, aux points 69 à 78 de cette ordonnance, examiné et rejeté l’argument des requérantes selon lequel il était nécessaire, afin de respecter leur droit à un recours effectif, d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que la légalité de la saisie des informations litigieuses ait été vérifiée. D’autre part, et à titre surabondant, le président du Tribunal a, aux points 79 à 81 de ladite ordonnance, considéré que, en tout état de cause, les requérantes n’avaient pas établi que le préjudice qui résulterait concrètement pour elles de la prétendue violation du droit à un recours effectif serait distinct du préjudice qui résulterait du fait d’être exposées à une atteinte à leur réputation et à des recours en indemnité, alors qu’il avait écarté l’existence de ce second préjudice aux points 62 et 67 de la même ordonnance.

34

Compte tenu de la structure du raisonnement du président du Tribunal, il convient dès lors de vérifier d’emblée si, dans leur pourvoi, les requérantes sont parvenues à établir que celui-ci a commis une erreur de droit dans les points surabondants de sa motivation.

35

Or, tel n’est pas le cas.

36

En effet, dans la mesure, tout d’abord, où les requérantes soutiennent que la prétendue violation de leur droit à un recours effectif serait, en soi, susceptible de leur causer un dommage grave et irréparable, il suffit de relever, à l’instar de la Commission et comme l’a rappelé le président du Tribunal au point 79 de l’ordonnance attaquée – point qui n’a pas été critiqué par les requérantes dans leur pourvoi – que la thèse selon laquelle un préjudice est, par définition, grave et irréparable, puisqu’il touche à la sphère des droits fondamentaux ne saurait être admise, dès lors qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère grave et irréparable [ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 40 et jurisprudence citée].

37

S’agissant, ensuite, de l’argument des requérantes selon lequel la publication des informations litigieuses serait susceptible de causer un préjudice grave et irréparable aux requérantes découlant des recours en indemnité qu’elle déclencherait, il convient de relever que cette cause de préjudice avait été examinée par le président du Tribunal qui, aux points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée, avait estimé que, même à supposer que la décision litigieuse fût la cause déterminante du préjudice allégué et que ce préjudice d’ordre pécuniaire fût irréparable, les requérantes n’avaient pas fourni d’éléments permettant d’établir le caractère grave du préjudice dont elles alléguaient l’existence.

38

Il en va de même en ce qui concerne le prétendu dommage découlant d’une atteinte à la réputation des requérantes. En effet, au point 67 de ladite ordonnance, le président du Tribunal avait également conclu que les requérantes n’avaient fourni aucun élément permettant d’établir si et dans quelle mesure la publication de la décision câbles électriques résultant de la décision litigieuse pourrait aggraver l’atteinte à leur réputation.

39

Dans ces conditions, le président du Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsque, au point 81 de l’ordonnance attaquée, il a fait référence aux conclusions auxquelles il était parvenu aux points 62 et 67 de cette ordonnance afin d’écarter l’argument des requérantes selon lequel la violation de leur droit à un recours effectif leur aurait occasionné un préjudice grave découlant de l’atteinte à leur réputation et au risque d’être exposées à des recours en indemnité.

40

En ce qui concerne, enfin, l’argument des requérantes selon lequel le point 81 de l’ordonnance attaquée repose à tort sur la constatation que la « cause déterminante » de chacune de ces causes de préjudice était non pas la publication des informations litigieuses, mais l’infraction sous-jacente établie dans la décision câbles électriques – étant donné que si celle-ci était annulée, la cause déterminante du préjudice serait non pas ladite décision, mais la publication des informations litigieuses en soi – il suffit de constater que les requérantes n’ont fourni aucun élément permettant de comprendre les raisons pour lesquelles, à supposer que leur argument soit fondé, cela remettrait en cause la décision du président du Tribunal selon laquelle les requérantes n’avaient pas fourni d’éléments suffisants pour établir que le caractère grave des prétendus préjudices découlant de l’atteinte à leur réputation et du risque d’être exposées à des recours en indemnité.

41

Il s’ensuit que, le président du Tribunal n’ayant commis aucune erreur de droit au point 81 de l’ordonnance attaquée, les arguments à l’appui du présent moyen dirigés contre les points 68 à 78 de cette ordonnance doivent être considérés, compte tenu des motifs contenus aux points 33 et 34 de la présente ordonnance, comme étant inopérants.

42

Le second moyen de pourvoi n’étant pas non plus fondé, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

Sur les dépens

43

En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de la procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

44

La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de condamner celles-ci aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure de pourvoi ainsi que de la procédure en référé dans l’affaire C-65/18 P(R)-R.

 

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Nexans France SAS et Nexans SA sont condamnées aux dépens de la présente procédure de pourvoi ainsi que de la procédure en référé dans l’affaire C-65/18 P(R)-R.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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