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Document 62018CJ0798
Judgment of the Court (Fifth Chamber) of 15 April 2021.#Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) and Others and Athesia Energy Srl and Others v Ministero dello Sviluppo Economico and Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA.#Requests for a preliminary ruling from the Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio.#References for a preliminary ruling – Environment – Articles 16 and 17 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union – Principles of legal certainty and of the protection of legitimate expectations – Energy Charter Treaty – Article 10 – Applicability – Directive 2009/28/EC – Article 3(3)(a) – Promotion of the use of energy from renewable sources – Production of electricity from solar photovoltaic installations – Alteration of a support scheme.#Joined Cases C-798/18 and C-799/18.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 avril 2021.
Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a. et Athesia Energy Srl e.a. contre Ministero dello Sviluppo Economico et Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Traité sur la Charte de l’énergie – Article 10 – Applicabilité – Directive 2009/28/CE – Article 3, paragraphe 3, sous a) – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Production d’énergie électrique à partir d’installations solaires photovoltaïques – Modification d’un régime d’aide.
Affaires jointes C-798/18 et C-799/18.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 avril 2021.
Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a. et Athesia Energy Srl e.a. contre Ministero dello Sviluppo Economico et Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio.
Renvoi préjudiciel – Environnement – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Traité sur la Charte de l’énergie – Article 10 – Applicabilité – Directive 2009/28/CE – Article 3, paragraphe 3, sous a) – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Production d’énergie électrique à partir d’installations solaires photovoltaïques – Modification d’un régime d’aide.
Affaires jointes C-798/18 et C-799/18.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:280
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
15 avril 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Traité sur la Charte de l’énergie – Article 10 – Applicabilité – Directive 2009/28/CE – Article 3, paragraphe 3, sous a) – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Production d’énergie électrique à partir d’installations solaires photovoltaïques – Modification d’un régime d’aide »
Dans les affaires jointes C‑798/18 et C‑799/18,
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), par décisions du 28 septembre 2018, parvenues à la Cour le 17 décembre 2018, dans les procédures
Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a. (C‑798/18),
Athesia Energy Srl e.a. (C‑799/18)
contre
Ministero dello Sviluppo economico,
Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA,
en présence de :
Elettricità Futura Unione delle imprese elettriche italiane,
Confederazione generale dell’agricoltura italiana – Confagricoltura,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Juhász, C. Lycourgos et I. Jarukaitis (rapporteur), juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– |
pour la Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a., par Mes V. Onida, C. Montella et B. Randazzo, avvocati, |
– |
pour l’Elettricità Futura Unione delle imprese elettriche italiane et la Confederazione generale dell’agricoltura italiana – Confagricoltura, par Mes V. Onida et B. Randazzo, avvocati, |
– |
pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme F. Varrone et de M. G. Aiello, avvocati dello Stato, |
– |
pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement allemand, par Mme S. Eisenberg et M. D. Klebs, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits ainsi que par Mmes S. Charitaki et A. Magrippi, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement espagnol, par Mmes S. Centeno Huerta et M. J. Ruiz Sánchez ainsi que par M. A. Rubio González, en qualité d’agents, |
– |
pour la Commission européenne, par Mmes O. Beynet, K. Talabér‑Ritz et Y. Marinova ainsi que par MM. G. Gattinara et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 octobre 2020,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, en liaison avec le traité sur la Charte de l’énergie, approuvé au nom de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, de la Communauté européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique par la décision 98/181/CE, CECA, Euratom du Conseil et de la Commission, du 23 septembre 1997, concernant la conclusion par les Communautés européennes du traité sur la Charte de l’énergie et du protocole de la Charte de l’énergie sur l’efficacité énergétique et les aspects environnementaux connexes (JO 1998, L 69, p. 1, ci-après la « Charte de l’énergie »), des articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») et de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), lue à la lumière des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de coopération loyale et d’effet utile. |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, dans l’affaire C‑798/18, la Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) (Fédération nationale des entreprises électrotechniques et électriques) ainsi que 159 entreprises de production d’énergie électrique à partir d’installations photovoltaïques et, dans l’affaire C‑799/18, Athesia Energy Srl ainsi que 15 autres entreprises opérant dans le même secteur au ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, Italie) et à Gestore dei servizi energetici (GSE) SpA au sujet de l’annulation de décrets portant exécution de dispositions législatives nationales prévoyant une révision des tarifs incitatifs de la production d’électricité par des installations photovoltaïques et des modalités de paiement y afférentes. |
Le cadre juridique
Le droit international
3 |
L’article 10 de la Charte de l’énergie, intitulé « Promotion, protection et traitement des investissements », énonce, à son paragraphe 1 : « Chaque partie contractante encourage et crée, conformément aux dispositions du présent traité, des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour la réalisation d’investissements dans sa zone par les investisseurs des autres parties contractantes. Ces conditions comprennent l’engagement d’accorder, à tout instant, un traitement loyal et équitable aux investissements des investisseurs des autres parties contractantes. Ces investissements bénéficient également d’une protection et d’une sécurité les plus constantes possible, et aucune partie contractante n’entrave, en aucune manière, par des mesures déraisonnables ou discriminatoires, leur gestion, maintien, utilisation, jouissance ou disposition. [...] » |
Le droit de l’Union
4 |
Les considérants 14 et 25 de la directive 2009/28 sont libellés comme suit :
[...]
|
5 |
L’article 1er de la directive 2009/28, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit : « La présente directive définit un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie pour les transports. [...] » |
6 |
L’article 3 de cette directive, intitulé « Objectifs contraignants nationaux globaux et mesures concernant l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables », dispose : « 1. Chaque État membre veille à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables [...] dans sa consommation finale d’énergie en 2020 corresponde au minimum à son objectif national global en ce qui concerne la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables pour l’année 2020, comme le prévoit le tableau figurant dans la partie A de l’annexe I, troisième colonne. [...] 2. Les États membres mettent en place des mesures conçues de manière efficace pour garantir que leur part d’énergie produite à partir de sources renouvelables est au moins égale à celle prévue dans la trajectoire indicative établie dans l’annexe I, partie B. 3. Afin d’atteindre les objectifs fixés aux paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent notamment appliquer les mesures suivantes :
[...] » |
Le droit italien
7 |
L’article 7 du decreto legislativo n. 387 – Attuazione della direttiva 2001/77/CE relativa alla promozione dell’energia elettrica prodotta da fonti energetiche rinnovabili nel mercato interno dell’elettricità (décret législatif no 387, mettant en œuvre la directive 2001/77/CE relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité), du 29 décembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI no 25, du 31 janvier 2004, p. 5, ci-après le « décret législatif no 387/2003 »), disposait : « 1. Dans un délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur du présent décret, le ministro delle Attività produttive [ministre des Activités productives], de concert avec le ministro dell’Ambiente e della Tutela del territorio [ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire], en accord avec la Conferenza unificata [Conférence unifiée], adopte un ou plusieurs décrets par lesquels sont définis les critères pour l’incitation à la production d’énergie électrique à partir de l’énergie solaire. 2. Sans frais pour le budget de l’État et dans le respect de la législation communautaire en vigueur, les critères visés au paragraphe 1 :
[...]
[...] » |
8 |
L’article 24 du decreto legislativo n. 28 – Attuazione della direttiva 2009/28/CE sulla promozione dell’uso dell’energia da fonti rinnovabili, recante modifica e successiva abrogazione delle direttive 2001/77/CE e 2003/30/CE » (décret législatif no 28, portant transposition de la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE), du 3 mars 2011 (supplément ordinaire à la GURI no 71, du 28 mars 2011, p. 1, ci-après le « décret législatif no 28/2011 »), intitulé « Mécanismes d’incitation », prévoyait : « 1. La production d’énergie électrique par des installations alimentées par des sources renouvelables et mises en service après le 31 décembre 2012 bénéficie d’une incitation à travers les instruments et sur la base des critères généraux visés au paragraphe 2 [...] 2. La production d’énergie électrique par les installations visées au paragraphe 1 bénéficie de mesures d’incitation sur la base des critères généraux suivants :
[...] » |
9 |
Aux termes de l’article 25 de ce décret législatif : « 1. La production d’énergie électrique à partir d’installations qui utilisent des sources renouvelables et qui ont été mises en service au plus tard le 31 décembre 2012 est encouragée par les mécanismes existant à la date d’entrée en vigueur du présent décret [...] [...] 10. [...] l’incitation à la production d’énergie électrique à partir d’installations solaires photovoltaïques qui sont mises en service après [le 31 mai 2011] est réglementée par décret du ministre du Développement économique devant être adopté pour le 30 avril 2011 en coopération avec le ministro dell’Ambiente e della Tutela del [territorio e del] Mare [ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la Mer], après consultation de la Conférence unifiée visée à l’article 8 du decreto legislativo n. 281 (décret législatif no 281), du 28 août 1997, sur la base des principes suivants :
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10 |
L’article 26 du decreto-legge n. 91 – Disposizioni urgenti per il settore agricolo, la tutela ambientale e l’efficientamento energetico dell’edilizia scolastica e universitaria, il rilancio e lo sviluppo delle imprese, il contenimento dei costi gravanti sulle tariffe elettriche, nonché per la definizione immediata di adempimenti derivanti dalla normativa europea (décret-loi no 91, portant dispositions urgentes pour le secteur agricole, la protection de l’environnement et l’efficacité énergétique des bâtiments scolaires et universitaires, la relance et le développement des entreprises, la limitation des coûts pesant sur les tarifs électriques, ainsi que pour la définition immédiate des formalités dérivant de la réglementation européenne), du 24 juin 2014 (GURI no 144, du 24 juin 2014), converti en loi, avec modifications, par la loi no 116, du 11 août 2014 (supplément ordinaire à la GURI no 192, du 20 août 2014) (ci-après le « décret-loi no 91/2014 »), dispose : « 1. Afin d’optimiser la gestion des délais de collecte et de versement des incitations et de favoriser une politique plus durable de soutien aux énergies renouvelables, les tarifs incitatifs de l’énergie électrique produite par des installations solaires photovoltaïques, reconnus en vertu de l’article 7 du décret législatif [no 387/2003] et de l’article 25, paragraphe 10, du décret législatif [no 28/2011] sont versés selon les modalités prévues par le présent article. 2. À partir du second semestre [de l’année] 2014, [GSE] verse les tarifs incitatifs visés au paragraphe 1, selon des mensualités constantes, à hauteur de 90 % de la capacité de production annuelle moyenne estimée de chaque installation, pendant l’année civile de production et procède au décompte, en fonction de la production effective, avant le 30 juin de l’année suivante. Les modalités opérationnelles sont définies par GSE dans les quinze jours suivant la publication du présent décret et approuvées par décret du ministre du Développement économique. 3. À compter du 1er janvier 2015, le tarif incitatif pour l’énergie produite par les installations d’une puissance nominale supérieure à 200 kW est réorganisé, selon le choix de l’opérateur, sur la base de l’une des options suivantes à communiquer à GSE au plus tard le 30 novembre 2014 :
En l’absence de communication de la part de l’opérateur, GSE applique l’option visée sous c). [...] 5. Le bénéficiaire du tarif incitatif visé aux paragraphes 3 et 4 a la faculté d’accéder à des financements bancaires d’un montant maximal équivalent à la différence entre l’incitation déjà acquise au 31 décembre 2014 et l’incitation réorganisée au sens des paragraphes 3 et 4. De tels financements peuvent bénéficier, de manière cumulative ou alternative, sur le fondement de conventions ad hoc avec le système bancaire, de provisions spécifiques ou de garanties accordées par la Cassa Depositi e Prestiti SpA [...] » |
Les litiges au principal et la question préjudicielle
11 |
Anie représente les entreprises qui exercent, en Italie, une activité tendant à la production de biens et/ou de services dans le secteur électrotechnique et électronique, ou dans des secteurs liés. Elle est une « fédération de premier niveau », au sein de laquelle sont réunies des associations sectorielles, parmi lesquelles figure l’association Anie Energie Rinnovabili, ayant pour objectif la protection de l’industrie du secteur des énergies renouvelables. Les autres requérants au principal sont des sociétés et des entrepreneurs individuels, propriétaires et responsables d’une ou de plusieurs installations photovoltaïques d’une puissance supérieure à 200 kW, situées dans différentes localités du territoire italien, qui ont conclu avec GSE des conventions d’une durée de 20 ans, qualifiées de contrats de droit privé, au sens du droit italien, afin d’être admises à bénéficier du tarif incitatif pour la production d’énergie électrique issue de la conversion photovoltaïque. Ces requérants bénéficiaient ainsi des mesures incitatives prévues à l’article 7 du décret législatif no 387/2003 et à l’article 25 du décret législatif no 28/2011. GSE est une société publique intégralement contrôlée par le ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) et à laquelle sont attribuées de nombreuses fonctions de nature publique dans le secteur de l’énergie. |
12 |
Le régime italien d’incitation à la production d’énergie électrique à partir d’installations photovoltaïques a été modifié par l’article 26 du décret-loi no 91/2014, mis en œuvre par des décrets ministériels des 16 et 17 octobre 2014, dont les requérants au principal demandent l’annulation devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie). |
13 |
La juridiction de renvoi relève, en substance, que l’article 26 du décret-loi no 91/2014 a prévu une réorganisation des incitations pour les installations d’une puissance supérieure à 200 kW afin d’optimiser la gestion des délais de collecte et de versement des incitations ainsi que de favoriser une politique plus durable de soutien des énergies renouvelables. Elle indique également que, en vertu de cette disposition, le législateur italien a imposé aux opérateurs du secteur concerné le passage à un système tarifaire différent selon l’une des options prévues au paragraphe 3 de ladite disposition. Chacune de ces options affecterait incontestablement de manière négative la situation de ces opérateurs telle qu’établie dans les conventions d’incitation conclues entre ceux-ci et GSE, en introduisant des éléments nouveaux dans ces conventions, pour ce qui concerne la durée ou le montant des tarifs incitatifs. |
14 |
En particulier, la juridiction de renvoi indique que, selon l’article 26 du décret-loi no 91/2014, pour le second semestre de l’année 2014, les tarifs incitatifs devaient être versés sous la forme de mensualités constantes à hauteur de 90 % de la capacité de production moyenne annuelle estimée de chaque installation au cours de l’année civile de production, en faisant ensuite le décompte par rapport à la production effective. Ainsi, cette disposition a modifié les conditions contractuelles en vigueur, en remplaçant le critère de la « production effective » par celui de la « capacité de production moyenne annuelle », sans prendre en considération le fait que les bénéficiaires des incitations en cause ont accédé au régime d’aide sous des conditions différentes. |
15 |
Les requérants au principal font valoir, devant ladite juridiction, que les décrets ministériels des 16 et 17 octobre 2014 ont affecté négativement des relations en cours, déjà soumises aux décisions respectives d’admission au bénéfice des tarifs incitatifs et aux conventions conclues en conséquence avec GSE, et ont porté gravement atteinte à leur confiance légitime. Ils invoquent également une violation du principe de sécurité juridique et de la directive 2009/28, en ce que l’article 26 du décret-loi no 91/2014 a introduit de manière rétroactive des mesures d’incitation moins favorables, susceptibles de bouleverser les conditions initiales d’investissements déjà réalisés, et devrait, partant, rester inappliqué en tant que contraire au droit primaire et dérivé de l’Union. Le ministère du Développement économique conclut au rejet des recours dirigés contre ces décrets ministériels. |
16 |
La juridiction de renvoi relève que les litiges au principal font partie d’un vaste contentieux dans le cadre duquel des entreprises se trouvant dans des situations analogues à celle des requérants au principal ont soulevé les mêmes questions que celles qui se posent dans les affaires au principal. Ainsi, la juridiction de renvoi avait saisi la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) de la question de la constitutionnalité de l’article 26, paragraphe 3, du décret-loi no 91/2014. La Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) a, par un arrêt du 24 janvier 2017, jugé que cette disposition n’était pas contraire à la Constitution italienne. Elle a constaté que ladite disposition constitue une intervention qui, s’agissant de la mise en balance équitable des intérêts opposés en jeu, répond à un intérêt général tendant à concilier le soutien à la production d’énergie à partir de sources renouvelables avec une diminution de la charge représentée par les coûts y afférents pour les usagers finaux de l’énergie électrique. Elle a jugé, en outre, que la modification du régime d’incitation en cause au principal n’a pas été imprévisible ni soudaine, de sorte qu’un opérateur économique prudent et avisé aurait pu tenir compte de la possible évolution législative, eu égard au caractère temporaire et muable des régimes d’aide. |
17 |
La juridiction de renvoi considère, cependant, que ledit arrêt de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) n’a pas tranché certaines questions pertinentes pour la solution des litiges au principal et qu’il convient de poser à la Cour une question préjudicielle afin de déterminer s’il est permis au législateur national, en vertu du droit de l’Union, d’intervenir d’une manière qui affecte défavorablement non seulement le régime général d’incitation, applicable aux entreprises du secteur concerné, mais aussi les conventions qui ont été conclues individuellement par ces entreprises avec une société publique, en l’occurrence GSE, pour la détermination des mesures incitatives concrètes pour une période de 20 ans. |
18 |
Elle se demande, en particulier, si les dispositions nationales concernées sont compatibles avec les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en ce que l’intervention législative en cause au principal a modifié unilatéralement les conditions juridiques sur la base desquelles les requérants au principal avaient engagé leur activité économique, et ce en l’absence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient une telle modification. Pour ces mêmes raisons, elle a également des doutes quant à la compatibilité de ces dispositions avec les articles 16 et 17 de la Charte, visant, respectivement, la liberté d’entreprise et le droit de propriété, ainsi qu’avec l’article 10 de la Charte de l’énergie. |
19 |
En outre, selon la juridiction de renvoi, les dispositions nationales concernées pourraient être contraires à l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28, en ce qu’elles sont susceptibles d’affecter de manière négative les régimes d’aide à la production de l’électricité par les installations photovoltaïques, qui devraient, en vertu de cette directive, être stables et constants. Ces dispositions pourraient également porter préjudice aux objectifs de la politique énergétique, au sens de ladite directive. |
20 |
Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacune des affaires jointes, la question préjudicielle suivante : « Le droit de l’[Union] s’oppose-t-il à l’application d’une disposition nationale telle que l’article 26, paragraphes 2 et 3, du [décret-loi no 91/2014], qui réduit ou retarde de manière significative le versement des mesures incitatives déjà accordées de lege et fixées en vertu de conventions ad hoc conclues par les producteurs d’énergie électrique à partir de la conversion photovoltaïque avec [GSE], société publique chargée de cette fonction ? En particulier, cette disposition nationale est-elle compatible avec les principes généraux du droit de l’[Union] de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, de coopération loyale et d’effet utile, avec les articles 16 et 17 de la [Charte], avec la directive [2009/28] et l’encadrement des régimes d’aide qu’elle prévoit ainsi qu’avec l’article 216, paragraphe 2, TFUE, notamment en relation avec la [Charte de l’énergie] ? » |
21 |
Par décision du président de la Cour du 5 février 2019, les affaires C‑798/18 et C‑799/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt. |
Sur la question préjudicielle
22 |
Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28 et les articles 16 et 17 de la Charte, lus à la lumière des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, ainsi que l’article 10 de la Charte de l’énergie doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit la réduction ou le report de paiement des incitations pour l’énergie produite par les installations solaires photovoltaïques accordées antérieurement par des décisions administratives et confirmées par des conventions ad hoc conclues entre les exploitants de ces installations et une société publique. |
23 |
Cette juridiction relève que l’article 26 du décret-loi no 91/2014 a réorganisé les incitations pour les installations d’une puissance supérieure à 200 kW, octroyées en vertu de l’article 7 du décret législatif no 387/2003 ou de l’article 25 du décret législatif no 28/2011, afin d’optimiser la gestion des délais de collecte et de versement des incitations et de favoriser une politique plus durable de soutien des énergies renouvelables. Cet article 26 a ainsi prévu, à son paragraphe 2, que, à partir du second semestre de l’année 2014, les tarifs incitatifs doivent être versés sous la forme de mensualités constantes dans la mesure de 90 % de la capacité de production moyenne annuelle estimée de chaque installation au cours de l’année civile de production, en faisant ensuite le décompte par rapport à la production effective. Il a établi, en outre, le passage à un système tarifaire différent selon l’une des options indiquées à son paragraphe 3, à savoir l’extension de la durée de l’incitation, qui est portée à 24 ans, avec une réduction proportionnelle des versements annuels d’un pourcentage déterminé, la réduction des montants pour la période allant de l’année 2015 à l’année 2019, compensée par une augmentation pour la période ultérieure, ou une réduction du tarif d’un pourcentage à déterminer par rapport à la puissance nominale des installations. |
24 |
La juridiction de renvoi considère que ledit article 26 pourrait être contraire au droit de l’Union, dès lors qu’il a réduit les tarifs et modifié les modalités de paiement d’incitations déjà octroyées en application de l’article 7 du décret législatif no 387/2003 ainsi que de l’article 25, paragraphe 10, du décret législatif no 28/2011 et confirmées au moyen de conventions conclues individuellement par GSE avec les exploitants des installations photovoltaïques, indiquant les tarifs incitatifs concrets et les modalités spécifiques de leur paiement pour une période de 20 ans. |
25 |
À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de la directive 2009/28 que le régime d’incitation en cause au principal vise à mettre en œuvre, celle‑ci a pour objet, ainsi qu’il ressort de son article 1er, de définir un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables, en fixant, notamment, des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de telles sources dans la consommation finale brute d’énergie. |
26 |
L’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28 prévoit que les États membres peuvent, notamment, appliquer des régimes d’aide afin d’atteindre les objectifs prévus à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive, selon lesquels, d’une part, chaque État membre veille à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans sa consommation finale d’énergie en 2020 corresponde au minimum à son objectif national global, tel que prévu à l’annexe I, partie A, de ladite directive, et, d’autre part, les États membres mettent en place des mesures conçues de manière efficace pour garantir que leur part d’énergie produite à partir de telles sources est au moins égale à celle prévue dans la trajectoire indicative établie dans l’annexe I, partie B, de la même directive. |
27 |
En outre, aux termes du considérant 25 de la directive 2009/28, « [l]es États membres disposent de potentiels différents en matière d’énergies renouvelables » et il est essentiel qu’ils puissent, pour garantir le bon fonctionnement des régimes d’aide nationaux, contrôler les effets et les coûts de leurs régimes d’aide en fonction de leur potentiel. |
28 |
Ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28 et, en particulier, du terme « peuvent », les États membres ne sont nullement obligés, en vue de promouvoir l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, d’adopter des régimes d’aide. Ils disposent en effet d’une marge d’appréciation quant aux mesures qu’ils estiment appropriées pour atteindre les objectifs contraignants nationaux globaux fixés à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci. Une telle marge d’appréciation implique que les États membres sont libres d’adopter, de modifier ou de supprimer des régimes d’aide, pourvu, notamment, que ces objectifs soient atteints (arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 27). |
29 |
Par ailleurs, il convient de souligner que, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante, lorsque les États membres adoptent, de la sorte, des mesures par lesquelles ils mettent en œuvre le droit de l’Union, ils sont tenus de respecter les principes généraux de ce droit, au rang desquels figurent, notamment, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 28 ainsi que jurisprudence citée). |
30 |
Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28 ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que l’article 26, paragraphes 2 et 3, du décret-loi no 91/2014, qui modifie un régime d’aide en réduisant les tarifs et modifie les modalités de paiement d’incitations à la production d’électricité par les installations photovoltaïques, pour autant qu’elle respecte ces principes. |
31 |
En ce qui concerne, en deuxième lieu, les articles 16 et 17 de la Charte, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de leurs intitulés et contenus respectifs, le décret législatif no 387/2003 met en œuvre la directive 2001/77 et le décret législatif no 28/2011 transpose dans le droit italien la directive 2009/28, qui a abrogé cette première directive. Il s’ensuit que les dispositions de ces décrets législatifs mettent en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de sorte que celle-ci est applicable aux litiges au principal. Par conséquent, le niveau de protection des droits fondamentaux prévu par la Charte doit être atteint lors d’une telle transposition, indépendamment de la marge d’appréciation dont disposent les États membres lors de cette transposition (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Pelham e.a., C‑476/17, EU:C:2019:624, point 79). |
32 |
S’agissant, premièrement, de l’article 17 de la Charte, celui-ci dispose, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer et que nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. Par ailleurs, l’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. |
33 |
Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la protection conférée à cet article porte non pas sur de simples intérêts ou chances d’ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l’essence même des activités économiques, mais sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire [arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 34, et du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 69]. |
34 |
Ainsi, il y a lieu d’apprécier, en l’occurrence, si les garanties conférées à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte s’étendent aux incitations à la production de l’énergie photovoltaïque, telles que celles en cause au principal, dont les montants n’ont pas encore été versés, mais qui étaient octroyées dans le cadre d’un régime d’aide existant. |
35 |
À cet égard, s’agissant de la question de savoir s’il peut être considéré que ces incitations ont une valeur patrimoniale, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 1er du protocole no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qu’il convient de prendre en considération en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, que la notion de « biens » évoquée à la première partie de cet article 1er a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété de biens corporels et que certains autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi être considérés comme des « droits patrimoniaux » (Cour EDH, 22 juin 2004, Broniowski c. Pologne, CE:ECHR:2004:0622JUD003144396, § 129). |
36 |
La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi jugé que, dans certaines conditions, la notion de « biens » peut recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris des créances (voir, en ce sens, Cour EDH, 28 septembre 2004, Kopecký c. Slovaquie, CE:ECHR:2004:0928JUD004491298, § 35). |
37 |
En l’occurrence, il ressort des dossiers soumis à la Cour que les conventions conclues par GSE avec les exploitants d’installations photovoltaïques concernés, en application de l’article 7 du décret législatif no 387/2003 ainsi que de l’article 25, paragraphe 10, du décret législatif no 28/2011, l’étaient de manière ad hoc et individuelle et que ces conventions indiquaient les tarifs incitatifs spécifiques et la durée de leur paiement. Il apparaît, dès lors, que les incitations octroyées sur la base de ces dispositions et confirmées par lesdites conventions ne constituaient pas de simples intérêts ou chances d’ordre commercial, mais avaient une valeur patrimoniale. |
38 |
Cependant, au vu de la jurisprudence citée au point 33 du présent arrêt, il convient encore, pour que le droit de percevoir des incitations telles que celles en cause au principal puisse relever de la protection offerte par l’article 17 de la Charte, que soit examinée la question de savoir si ce droit constitue une position juridique acquise, au sens de cette jurisprudence (voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 36). |
39 |
La Cour a rappelé, au point 61 de l’arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (C‑398/13 P, EU:C:2015:535), qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 1er du protocole no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qu’un revenu futur ne peut être considéré comme un « bien » pouvant bénéficier de la protection de l’article 17 de la Charte que s’il a déjà été gagné, s’il a fait l’objet d’une créance certaine ou s’il existe des circonstances spécifiques pouvant fonder, chez l’intéressé, une confiance légitime d’obtenir une valeur patrimoniale. |
40 |
Il convient, dès lors, au regard des points 30 et 39 du présent arrêt, d’examiner la portée des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce qui concerne la réglementation nationale en cause au principal. |
41 |
Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables. En particulier, ledit principe exige qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée). |
42 |
Selon une jurisprudence également constante de la Cour, la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique à l’égard duquel une autorité nationale a fait naître des espérances fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 31 ainsi que jurisprudence citée). |
43 |
C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe d’examiner si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est conforme auxdits principes, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, étant uniquement compétente pour fournir à cette juridiction tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier cette conformité. La juridiction de renvoi peut tenir compte, à cet effet, de tous les éléments pertinents qui ressortent notamment des termes, de la finalité ou de l’économie des législations concernées (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée). |
44 |
En vue de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de relever, en particulier, les éléments suivants, qui ressortent des dossiers dont dispose la Cour. |
45 |
S’agissant, tout d’abord, du décret législatif no 387/2003, qui a instauré le régime d’incitation à la production d’énergie par les installations solaires photovoltaïques en Italie en transposant la directive 2001/77, il ressort de l’article 7, paragraphe 2, de ce décret législatif que, en ce qui concerne l’électricité fabriquée par les installations photovoltaïques, les décrets ministériels portant application dudit décret législatif ont établi un tarif incitatif spécifique d’un montant décroissant et d’une durée permettant de garantir une rémunération équitable des coûts d’investissement. Ces décrets ont également fixé une limite maximale de la puissance électrique cumulée de toutes les installations pouvant bénéficier de l’incitation. |
46 |
Le libellé même de cet article 7 peut donc être considéré, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, comme indiquant à un opérateur économique prudent et avisé, au sens de la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, que les incitations en cause n’étaient pas garanties à tous les opérateurs concernés pendant une période déterminée, compte tenu, en particulier, de la référence à un montant décroissant des tarifs incitatifs ainsi qu’à la durée limitée de l’incitation et de la fixation d’une limite maximale de puissance électrique cumulée éligible au bénéfice de celle-ci. |
47 |
En ce qui concerne, ensuite, le décret législatif no 28/2011, qui a abrogé le décret législatif no 387/2003, la Cour a déjà fait, en substance, la même constatation en jugeant, au point 44 de l’arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due (C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605), que les dispositions du droit national adoptées au titre de ce décret étaient de nature à indiquer d’emblée à des opérateurs économiques prudents et avisés que le régime d’incitation applicable aux installations solaires photovoltaïques était susceptible d’être adapté, voire supprimé, par les autorités nationales, afin de tenir compte de l’évolution de certaines circonstances. |
48 |
En effet, le décret législatif no 28/2011 disposait, à son article 25, que l’incitation à la production d’énergie électrique à partir d’installations photovoltaïques est réglementée par un décret ministériel fixant une limite annuelle de la puissance électrique cumulée de telles installations admissibles au bénéfice des tarifs incitatifs et prévoyant ces tarifs en tenant compte de la baisse du coût des technologies et des installations ainsi que des mesures d’incitation appliquées dans les autres États membres et de la nature du site des installations. |
49 |
S’agissant, enfin, des conventions conclues avec GSE, il ressort des dossiers soumis à la Cour que, d’une part, les conventions conclues avec les propriétaires des installations photovoltaïques concernées mises en service avant le 31 décembre 2012 ne faisaient que prévoir les conditions pratiques du versement des incitations, qui étaient octroyées sous la forme d’une décision administrative antérieure prise par GSE. Selon le gouvernement italien, ces conventions ont été qualifiées de contrats de droit public consécutifs à un acte administratif par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle). |
50 |
D’autre part, en ce qui concerne les incitations pour les installations mises en service après le 31 décembre 2012, ces incitations étaient « octroyées », ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 24, paragraphe 2, sous d), du décret législatif no 28/2011, par l’intermédiaire de contrats de droit privé conclus entre GSE et les entités responsables des installations concernées, sur la base d’un contrat type défini par l’autorité pour l’énergie électrique et le gaz. |
51 |
Il apparaît, par conséquent, ainsi que l’a indiqué le gouvernement italien dans ses observations écrites, que les conventions conclues entre les exploitants d’installations photovoltaïques concernées et GSE étaient signées sur la base de contrats types, qu’elles n’octroyaient pas, en tant que telles, des incitations à ces installations, mais fixaient uniquement les modalités de leur paiement, et que, à tout le moins en ce qui concerne les conventions conclues après le 31 décembre 2012, GSE se réservait le droit de modifier unilatéralement les conditions de ces dernières en raison d’éventuelles évolutions réglementaires, ainsi que cela était indiqué expressément dans ces conventions. Ces éléments constituaient donc une indication suffisamment claire aux opérateurs économiques que les incitations concernées étaient susceptibles d’être modifiées ou supprimées. |
52 |
Par ailleurs, les mesures prévues à l’article 26, paragraphes 2 et 3, du décret-loi no 91/2014 n’affectent pas les incitations déjà versées, mais sont applicables uniquement à compter de l’entrée en vigueur de ce décret-loi et uniquement aux incitations prévues, mais non encore dues. Ces mesures ne sont, par conséquent, pas rétroactives, contrairement à ce que font valoir les requérants au principal. |
53 |
Toutes ces circonstances apparaissent, sous réserve également des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, clairement ressortir de la réglementation nationale en cause au principal, de telle sorte que leur application était, en principe, prévisible. En effet, il ressort des dossiers dont dispose la Cour que les dispositions réglementaires en cause au principal ont été dûment publiées, qu’elles étaient suffisamment précises et que les requérants au principal avaient eu connaissance de leur contenu. Partant, un opérateur économique prudent et avisé ne saurait se prévaloir d’une atteinte portée aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime du fait des modifications apportées à cette réglementation. |
54 |
Par conséquent, il convient de constater que, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, le droit allégué par les exploitants d’installations photovoltaïques concernés de bénéficier des incitations en cause au principal de manière inchangée pour la durée entière des conventions qu’ils ont conclues avec GSE ne constitue pas une position juridique acquise et ne relève pas de la protection prévue à l’article 17 de la Charte et, par suite, la modification des montants de ces incitations ou des modalités de leur paiement effectuée par une disposition nationale telle que l’article 26 du décret-loi no 91/2014 ne saurait être assimilée à une atteinte au droit de propriété tel que reconnu à cet article 17. |
55 |
Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 16 de la Charte, il y a lieu de rappeler que celui-ci consacre la liberté d’entreprise et prévoit qu’elle est reconnue conformément au droit de l’Union ainsi qu’aux législations et aux pratiques nationales. |
56 |
À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la protection conférée par cet article 16 comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre, ainsi qu’il découle des explications afférentes à ce même article, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42 et jurisprudence citée). |
57 |
La liberté contractuelle, au sens de l’article 16 de la Charte, vise, notamment, le libre choix du partenaire économique ainsi que la liberté de déterminer le prix demandé pour une prestation (arrêt du 20 décembre 2017, Polkomtel, C‑277/16, EU:C:2017:989, point 50). |
58 |
En l’occurrence, les requérants au principal soutiennent que l’article 26, paragraphes 2 et 3, du décret-loi no 91/2014 porte atteinte à la liberté contractuelle des bénéficiaires des incitations prévues par les conventions conclues avec GSE ainsi qu’à leur droit de disposer librement de leurs ressources économiques et financières, au motif que ce décret-loi a modifié les conditions d’octroi de ces incitations. |
59 |
Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 49 et 50 du présent arrêt, il ressort des dossiers soumis à la Cour que, d’une part, les conventions conclues avec les propriétaires des installations mises en service avant le 31 décembre 2012 prévoyaient uniquement les conditions pratiques du versement des incitations octroyées par des décisions administratives antérieures et que, d’autre part, les incitations pour les installations mises en service après cette date étaient confirmées par voie de contrats types conclus entre GSE et les exploitants des installations concernés qui fixaient uniquement les modalités de paiement de ces incitations. |
60 |
Par conséquent, il apparaît que les requérants au principal ne disposaient pas du pouvoir de négociation quant au contenu des conventions conclues avec GSE. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, dès lors qu’il s’agit d’un contrat type établi par une partie contractante, la liberté contractuelle de l’autre partie consiste, en substance, à décider si elle accepte ou non les termes d’un tel contrat. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 51 du présent arrêt, à tout le moins en ce qui concerne les conventions conclues après le 31 décembre 2012, GSE se réservait le droit de modifier unilatéralement les conditions de ces dernières. |
61 |
Dès lors, la réglementation nationale en cause au principal ne peut pas, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, être considérée comme constituant une ingérence dans la liberté contractuelle des parties aux conventions en cause au principal, au sens de l’article 16 de la Charte. |
62 |
Par ailleurs, la liberté d’entreprise consacrée à cette dernière disposition comprend également le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement utiliser, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, les ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose (arrêts du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C‑314/12, EU:C:2014:192, point 49, et du 30 juin 2016, Lidl, C‑134/15, EU:C:2016:498, point 27). |
63 |
Constitue, notamment, une restriction de ce droit, l’obligation de prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter, pour un opérateur économique, un coût important, d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C‑314/12, EU:C:2014:192, point 50). |
64 |
Toutefois, en l’occurrence, il n’apparaît pas que l’article 26 du décret-loi no 91/2014 ait restreint, au sens de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 du présent arrêt, le droit des exploitants des installations photovoltaïques concernées d’utiliser librement des ressources dont ils disposent, dès lors que les tarifs incitatifs, tels qu’octroyés par les actes administratifs et fixés dans les conventions conclues entre ces exploitants et GSE, ne peuvent pas être considérés comme de telles ressources, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 51 à 53 du présent arrêt, il ne s’agit que d’incitations prévues, mais non encore dues, et que ces exploitants ne sauraient se prévaloir d’une confiance légitime dans le fait de bénéficier de telles incitations de manière inchangée. |
65 |
Partant, il ne ressort pas des dossiers dont dispose la Cour que l’article 26, paragraphes 2 et 3, du décret-loi no 91/2014 ait soumis les exploitants d’installations photovoltaïques à des contraintes telles que celles mentionnées dans la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt. |
66 |
Par conséquent, il y a lieu de constater qu’une disposition nationale, telle que l’article 26 du décret-loi no 91/2014, ne saurait être considérée comme une atteinte à la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte. |
67 |
En troisième lieu, la juridiction de renvoi s’interrogeant sur la compatibilité de l’article 26, paragraphes 2 et 3, du décret-loi no 91/2014 avec l’article 10 de la Charte de l’énergie, il convient de relever que, au vu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, cette Charte lie les institutions de l’Union européenne et les États membres, ladite Charte étant un accord mixte. |
68 |
Aux termes de l’article 10 de la Charte de l’énergie, chaque partie contractante encourage et crée, conformément aux dispositions de cette Charte, des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour la réalisation d’investissements dans sa zone par les investisseurs « des autres parties contractantes ». |
69 |
Il ressort du libellé de l’article 10 de la Charte de l’énergie que les conditions déterminées à cet article doivent être assurées pour les investisseurs des autres parties contractantes. |
70 |
Or, en l’occurrence, il ne ressort pas des dossiers dont dispose la Cour qu’un ou plusieurs des investisseurs concernés seraient des investisseurs des autres parties contractantes au sens de l’article 10 de la Charte de l’énergie ou qu’ils auraient allégué une violation de cet article en une telle qualité d’investisseur. Par conséquent, l’article 10 de la Charte de l’énergie n’apparaît pas s’appliquer dans les affaires au principal, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la compatibilité de la réglementation nationale avec cette disposition. |
71 |
Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer en tenant compte de tous les éléments pertinents, l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28 et les articles 16 et 17 de la Charte, lus à la lumière des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit la réduction ou le report de paiement des incitations pour l’énergie produite par les installations solaires photovoltaïques accordées antérieurement par des décisions administratives et confirmées par des conventions ad hoc conclues entre les exploitants de ces installations et une société publique, lorsque cette réglementation concerne les incitations déjà prévues, mais non encore dues. |
Sur les dépens
72 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit : |
Sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer en tenant compte de tous les éléments pertinents, l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, et les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus à la lumière des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit la réduction ou le report de paiement des incitations pour l’énergie produite par les installations solaires photovoltaïques accordées antérieurement par des décisions administratives et confirmées par des conventions ad hoc conclues entre les exploitants de ces installations et une société publique, lorsque cette réglementation concerne les incitations déjà prévues, mais non encore dues. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’italien.