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Document 62018CJ0599

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 14 novembre 2019.
Silec Cable et General Cable Corp. contre Commission européenne.
Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques souterrains et sous-marins – Répartition du marché dans le cadre de projets – Preuve de l’infraction – Présomption d’innocence – Dénaturation des éléments de preuve – Distanciation publique – Perception subjective des autres participants à l’entente – Infraction commise par plusieurs entreprises constituant une seule entité économique – Gravité de l’infraction commise par l’une de ces entreprises – Détermination – Acteur “marginal” ou “moyen” d’une entente – Détermination – Principe d’égalité de traitement.
Affaire C-599/18 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:966

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 novembre 2019 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques souterrains et sous-marins – Répartition du marché dans le cadre de projets – Preuve de l’infraction – Présomption d’innocence – Dénaturation des éléments de preuve – Distanciation publique – Perception subjective des autres participants à l’entente – Infraction commise par plusieurs entreprises constituant une seule entité économique – Gravité de l’infraction commise par l’une de ces entreprises – Détermination – Acteur “marginal” ou “moyen” d’une entente – Détermination – Principe d’égalité de traitement »

Dans l’affaire C‑599/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 septembre 2018,

Silec Cable SAS, établie à Montereau-Fault-Yonne (France),

General Cable Corp., établie à Highland Heights, Kentucky (États-Unis), représentées par M. I. Sinan, barrister, et Me C. Renner, Rechtsanwältin,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et S. Baches Opi ainsi que par Mme F. Castilla Contreras, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Silec Cable SAS (ci-après « Silec ») et General Cable Corp. demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Silec Cable et General Cable/Commission (T‑438/14, non publié, ci-après « l’arrêt attaqué », EU:T:2018:447), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci‑après la « décision litigieuse »), pour autant qu’elle les concerne, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1/2003

2        Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit, à son article 23, paragraphes 2 et 3 :

« 2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE] [...]

[...]

3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

 Les lignes directrices de 2006

3        Le point 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») précise :

« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

[...]

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ; le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ; 

[...] »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

4        Les antécédents du litige, exposés aux points 1 à 20 de l’arrêt attaqué, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

5        Du 20 mai 1998 au 11 mai 2005, Sagem SA était active sur le marché des câbles électriques souterrains, par l’intermédiaire de son unité opérationnelle Sagem Communications. Le 11 mai 2005, Sagem a fusionné avec Snecma Group afin de former Safran SA. Depuis cette date, ces activités ont été confiées à Safran Communications SA, une filiale de Safran. Le 30 novembre 2005, lesdites activités ont été transférées à une filiale de Safran nouvellement créée, à savoir Silec. Le 22 décembre 2005, Safran a cédé Silec à General Cable.

6        À l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes et 24 autres sociétés, y compris Nexans France SAS, Brugg Kabel AG et LS Cable & System Ltd (ci-après « LS Cable »), avaient participé à une entente (ci-après l’« entente »), constitutive d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins (ci-après l’« infraction en cause »).

7        La responsabilité de Silec a été retenue en raison de sa participation directe à l’infraction en cause au cours de la période allant du 30 novembre 2005 au 16 novembre 2006. La Commission a également retenu la responsabilité « conjointe et solidaire » de Safran et de General Cable, en leur qualité de sociétés mères de Silec.

8        En tenant compte du rôle joué par les différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes, à savoir, premièrement, les entreprises qui formaient le noyau dur de l’entente, deuxièmement, les entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente, et troisièmement, les acteurs marginaux de l’entente. Selon la Commission, l’entité constituée par Sagem, Safran et Silec appartenait au deuxième de ces trois groupes.

9        Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 2006.

10      En premier lieu, la Commission a calculé le montant de base des amendes, qui s’élevait, concernant les requérantes, à 2 080 000 euros.

11      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission a décidé de réduire ce montant de 5 % en ce qui concerne les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne, y compris l’entité constituée par Sagem, Safran et Silec. Pour ce qui est des acteurs marginaux, la réduction était de 10 %.

12      Aux termes de l’article 2, sous i) et j), de la décision litigieuse, la Commission a infligé à Silec une amende de 123 500 euros, au paiement de laquelle elle était conjointement et solidairement tenue avec Safran (pour la période comprise entre le 30 novembre 2005 et le 21 décembre 2005) ainsi qu’une amende de 1 852 500 euros, au paiement de laquelle elle était conjointement et solidairement tenue avec General Cable (pour la période comprise entre le 22 décembre 2005 et le 16 novembre 2006).

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2014, les requérantes ont introduit le recours visé au point 1 du présent arrêt.

14      Au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé devant le Tribunal cinq moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que la Commission ne se serait pas acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait en ce qui concerne la participation de Silec à l’entente après son rachat par General Cable, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une violation des principes relatifs à la charge de la preuve ainsi qu’à la présomption d’innocence en ce que la Commission aurait prétendu que Silec avait une obligation positive de se distancier publiquement de l’entente, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission aurait considéré que Silec avait participé directement à l’entente à compter du 30 novembre 2005, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission aurait traité Silec différemment et de façon non cohérente par rapport à d’autres destinataires de la décision litigieuse et, le cinquième, d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la gravité de l’infraction en cause et d’une violation des principes d’égalité de traitement ainsi que de proportionnalité en ce que la Commission n’a pas qualifié Silec d’acteur marginal de l’entente.

15      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours.

16      À cette fin, le Tribunal, en premier lieu, a considéré que c’était à bon droit que la Commission avait retenu la responsabilité de Silec pour sa participation à l’entente pour la période allant du 30 novembre au 21 décembre 2005. En deuxième lieu, le Tribunal a considéré, après avoir rappelé les exigences jurisprudentielles relatives à l’administration de la preuve, que, au vu des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’était fondée pour adopter la décision litigieuse, d’une part, les arguments des requérantes selon lesquels le comportement de Silec avait été substantiellement modifié après son acquisition par General Cable ne sauraient prospérer et, d’autre part, la Commission avait établi à suffisance de droit que Silec avait continué à participer à l’entente du 22 décembre 2005 au 16 novembre 2006. En troisième lieu, le Tribunal a décidé que la Commission n’avait pas commis d’erreur dans l’interprétation et l’application de la notion de distanciation publique de l’entente, étant donné que cette institution ne s’était pas fondée uniquement sur l’absence d’une telle distanciation en l’espèce. En quatrième lieu, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas violé le principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la durée de la participation de Silec à l’entente, étant donné que la situation de LS Cable, à laquelle les requérantes avaient fait référence, n’était pas comparable à celle de Silec. En dernier lieu, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur en ne traitant pas Silec comme un acteur marginal de l’entente.

 Les conclusions des parties devant la Cour

17      Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler l’article 1er de la décision litigieuse dans la mesure où il les concerne ;

–        à titre subsidiaire, de modifier l’article 2 de la décision litigieuse et de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée conformément aux arguments développés dans leur pourvoi ;

–        à titre encore plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de condamner la Commission à l’ensemble des dépens de la procédure.

18      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

19      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent deux moyens, divisés chacun en trois branches et tirés, le premier, d’une violation des règles en matière de preuve, d’une dénaturation des éléments de preuve, d’une violation de l’obligation de secret professionnel et d’un défaut de motivation en ce qui concerne la participation de Silec à l’entente, et le second, d’une erreur de droit, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation en ce qui concerne le refus du Tribunal de considérer Silec comme un acteur marginal de l’entente.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

20      Par la première branche de son premier moyen, visant le point 153 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé les règles en matière de preuve en considérant qu’une distanciation explicite et publique de Silec était requise pour démontrer que cette entreprise n’avait pas participé à l’entente. Il ressortirait toutefois de la jurisprudence qu’une telle distanciation ne serait nécessaire que dans le contexte de la participation d’une entreprise à des réunions anticoncurrentielles. Or, Silec n’aurait participé à aucune réunion anticoncurrentielle au cours de toute la durée de l’entente.

21      L’affirmation du Tribunal, au point 153 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission ne se serait pas uniquement fondée sur l’absence de distanciation publique de Silec pour conclure à la participation de cette dernière à l’entente, mais se serait également fondée sur d’autres éléments de preuve, serait manifestement incorrecte. En effet, lors de l’examen de la valeur probante de chacun de ces autres éléments de preuve, le Tribunal aurait systématiquement considéré qu’un certain courrier électronique ou échange déterminé n’équivalait pas à une distanciation de la part de Silec. Ce faisant, le Tribunal se serait livré à un raisonnement circulaire, qui équivaudrait à renverser la charge de la preuve et à dénier à Silec la présomption d’innocence ou, à tout le moins, le bénéfice du doute dont elle devrait profiter au regard de l’ensemble des éléments de preuve fournis par la Commission.

22      Par la deuxième branche du premier moyen, visant les points 87 à 146 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir, en premier lieu, que le Tribunal a méconnu les règles en matière de preuve en confirmant le bien-fondé de l’analyse de la Commission concernant la participation directe de Silec à l’entente sur le fondement de la seule perception subjective des autres participants. En effet, et à l’exception d’un courrier électronique envoyé par un employé de Silec le 16 novembre 2006, la Commission se serait fondée exclusivement sur des courriers électroniques échangés par d’autres participants à l’entente. Or, aucun de ces derniers courriers électroniques ne prouverait que Silec avait participé à l’entente, et il n’y aurait pas d’autres éléments de preuve factuels qui corroboreraient la perception subjective d’autres participants à l’entente selon laquelle Silec participait à celle-ci.

23      En outre, en décidant, au point 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas inversé la charge de la preuve en l’espèce, étant donné que la répartition de cette dernière est susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée, le Tribunal aurait interprété de façon erronée la jurisprudence pertinente. La Commission aurait été tenue de démontrer la présence de Silec à une réunion déterminée pour que la charge de la preuve puisse être transférée à Silec. Or, il serait constant que Silec n’a participé à aucune réunion au cours de toute la durée de sa prétendue participation à l’entente.

24      En second lieu, en ce qui concerne l’examen auquel s’est livré le Tribunal d’un document du 10 juillet 2006, trouvé dans les locaux de Nexans France et présenté par la Commission comme la note relative à une supposée réunion entre Silec et une autre entreprise, la Commission aurait décidé, à la suite d’une demande de traitement confidentiel de ce document introduite par les requérantes, de supprimer toute référence à ce document de la version non confidentielle de la décision litigieuse. La publication de détails concernant ledit document dans l’arrêt attaqué aurait donc violé le droit fondamental des requérantes à la protection de leurs informations confidentielles, consacré à l’article 339 TFUE, à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

25      En tout état de cause, le Tribunal aurait erronément jugé, en dénaturant grossièrement son contenu et en s’appuyant sur un raisonnement contradictoire, que le même document constituait un élément de preuve de la participation de Silec à l’entente.

26      Par la troisième branche du premier moyen, visant les points 87 et 88 ainsi que 123 à 142 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a appliqué erronément les règles en matière de preuve, qu’il a violé son obligation de motivation en s’appuyant sur un raisonnement contradictoire et qu’il a dénaturé les éléments de preuve en considérant que les courriers électroniques des 21 et 22 décembre 2005 ainsi que du 16 novembre 2006 constituaient une preuve de la participation de Silec à l’entente.

27      En ce qui concerne les courriers électroniques des 21 et 22 décembre 2005 échangés entre un employé de Nexans France et M. V., un employé de Silec, les requérantes font valoir, premièrement, que cet échange a eu lieu avant l’acquisition de Silec par General Cable, de sorte qu’il serait antérieur à la période d’enquête relative à Silec. En s’appuyant sur ces courriers électroniques, le Tribunal aurait donc violé les principes mêmes qui régissent l’administration de la preuve, étant donné qu’il incomberait à la Commission de prouver la participation individuelle de l’entreprise concernée à l’entente. Deuxièmement, l’utilisation de ces courriers électroniques serait en contradiction avec la considération du Tribunal, au point 203 de l’arrêt attaqué, selon laquelle General Cable ne porterait pas la responsabilité d’événements antérieurs à son acquisition de Silec. Troisièmement, le Tribunal aurait, à tort, renversé la charge de la preuve en considérant que lesdits courriers électroniques démontreraient la participation directe de Silec à l’entente, au seul motif que celle-ci n’avait pas informé le coordinateur des membres européens de l’entente, dans ce même échange de courriers électroniques, qu’elle n’était plus intéressée par celle-ci.  En effet, il n’appartiendrait pas aux requérantes de prouver qu’elles s’étaient distanciées publiquement de l’entente. Quatrièmement, en considérant que les courriers électroniques des 21 et 22 décembre 2005 constituaient une preuve de la participation de Silec à l’entente, le Tribunal aurait dénaturé le contenu de ces documents.

28      En ce qui concerne les courriers électroniques échangés entre un employé de Brugg Kabel et M. V. le 16 novembre 2006, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé leur contenu en considérant que celui-ci constituait une preuve suffisante de la participation de Silec à l’entente. Premièrement, cet échange aurait eu un contenu très vague. Deuxièmement, M. V. aurait répondu de manière évasive et neutre et la Commission n’aurait fourni aucune preuve permettant de démontrer qu’une suite a été réservée à ce courrier électronique. Troisièmement, au vu du fait qu’il se serait agi du seul contact direct entre Silec et des membres de l’entente, approximativement onze mois après son acquisition par General Cable, le Tribunal n’aurait pu déduire du courrier électronique de Brugg Kabel qu’il « s’inscrivait dans une continuité » et qu’il faisait suite à des contacts antérieurs entre cette dernière et Silec. Quatrièmement, l’affirmation du Tribunal selon laquelle il ressortirait du courrier électronique de Brugg Kabel que M. V. avait déjà connaissance de son objet relèverait de la pure spéculation. Cinquièmement, l’échange de courriers électroniques en cause n’aurait pas eu lieu à l’initiative de Silec. Sixièmement, la réponse donnée par M. V. pourrait être considérée comme parfaitement neutre. À tout le moins, cette réponse serait tout aussi neutre qu’une réponse donnée par LS Cable qui aurait été considérée comme telle par la Commission et le Tribunal.

29      En outre, le Tribunal n’aurait pu s’appuyer sur ces courriers électroniques pour décider que Silec avait participé à l’entente qu’en l’absence d’une autre explication cohérente concernant ces éléments de preuve. Or, le Tribunal aurait lui-même relevé qu’une certaine méfiance se serait installée entre Silec et les autres membres de l’entente et qu’il y aurait des preuves attestant que Silec avait fait l’objet de plaintes concernant son attitude déloyale à plusieurs occasions. Dans ce contexte, un document neutre comme le courrier électronique de M. V. du 16 novembre 2006 ne saurait être regardé comme un élément de preuve incriminant, et tout doute à cet égard devrait profiter aux requérantes. De surcroît, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 140 de l’arrêt attaqué, il serait sans pertinence que ce courrier électronique n’indique pas que Silec a quitté l’entente. À cet égard, les requérantes rappellent qu’il appartiendrait à la Commission de démontrer positivement leur participation à l’entente et non pas à elles de prouver qu’elles n’y ont pas participé.

30      Selon Silec, il n’y a donc pas de preuves suffisantes pour démontrer qu’elle a participé à l’entente.

31      La Commission excipe de l’irrecevabilité du premier moyen, au motif qu’il viserait à obtenir un réexamen des éléments de preuve pris en compte par le Tribunal, sans démontrer l’existence d’une dénaturation de ces éléments de preuve ou de toute autre erreur de droit. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que ce moyen est non fondé.

 Appréciation de la Cour

32      En ce qui concerne la troisième branche du premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, il y a lieu de relever que, dans la mesure où les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir appliqué erronément les règles en matière de preuve, cette branche soulève une question de droit et est donc recevable (arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission, C‑411/15 P, EU:C:2017:11, point 58 et jurisprudence citée). Cette branche du premier moyen est également recevable dans la mesure où les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé son obligation de motivation.

33      Les arguments soulevés par les requérantes à cet égard ne permettent toutefois pas d’identifier une erreur de droit commise par le Tribunal.

34      À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, dans la décision litigieuse, la participation directe de Silec à l’entente a été retenue pour la période allant du 30 novembre 2005 au 16 novembre 2006. Contrairement à ce que les requérantes soutiennent, les courriers électroniques échangés les 21 et 22 décembre 2005 ne sont donc pas antérieurs à la période de l’enquête relative à Silec.

35      Deuxièmement, dans la mesure où les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir permis à la Commission d’utiliser, à l’encontre de General Cable, des preuves antérieures à son acquisition de Silec, il y a lieu de rappeler, d’une part, que les documents en cause ont été utilisés par la Commission comme preuve de la participation directe non pas de General Cable, mais de Silec à l’entente et que, d’autre part, la responsabilité de General Cable n’a été retenue qu’en sa qualité de société mère de Silec, et cela seulement à partir du moment où elle a acquis cette dernière société.

36      Troisièmement, étant donné que, ainsi qu’il résulte du point précédent, le Tribunal a pu valablement se fonder sur les courriers électroniques échangés les 21 et 22 décembre 2005 pour prouver la participation de Silec à l’entente, il a également pu décider, sans se contredire, au point 203 de l’arrêt attaqué, que General Cable ne portait pas la responsabilité d’évènements antérieurs à l’acquisition de Silec. Partant, il ne saurait non plus être reproché au Tribunal un défaut de motivation de l’arrêt attaqué à cet égard.

37      Quatrièmement, l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve en considérant, au point 87 de l’arrêt attaqué, que, dans les courriers électroniques échangés les 21 et 22 décembre 2005, ni Silec ni General Cable n’auraient indiqué à M. J., le coordinateur des membres européens de l’entente, que Silec « n’était plus intéressée par l’entente » n’est pas fondée. Il convient de relever à cet égard que ce constat du Tribunal figure dans la partie de l’arrêt attaqué constituée des points 69 à 90 de celui-ci, intitulée « Sur la modification alléguée du comportement de Silec après son acquisition par General Cable le 22 décembre 2005 », dans laquelle le Tribunal répond à l’allégation des requérantes en première instance selon laquelle le comportement de Silec aurait été profondément modifié après cette acquisition. Contrairement à ce que les requérantes font valoir, il ne ressort pas de ce constat que le Tribunal aurait considéré que Silec avait continué à participer à l’entente après son acquisition par General Cable au seul motif que, dans l’échange de courriers électroniques des 21 et 22 décembre 2005, elle n’avait pas indiqué qu’elle n’était plus intéressée par cette entente.

38      En ce qui concerne les arguments des requérantes critiquant l’appréciation, par le Tribunal, des courriers électroniques des mois de décembre 2005 et de novembre 2006, il importe de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour (arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission, C‑411/15 P, EU:C:2017:11, point 153 et jurisprudence citée).

39      Il y a également lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Toutefois, cette dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Par ailleurs, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (arrêt du 26 janvier 2017, Masco e.a./Commission, C‑614/13 P, EU:C:2017:63, point 36 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, et en ce qui concerne, en premier lieu, les courriers électroniques des 21 et 22 décembre 2005, il convient de relever que leur dénaturation est seulement alléguée, mais aucunement expliquée ou étayée par les requérantes.

41      En ce qui concerne, en deuxième lieu, le courrier électronique envoyé par M. K., un employé de Brugg Kabel, à M. V. le 16 novembre 2006 et la réponse de ce dernier du même jour, il convient de rappeler qu’il ressort du point 123 de l’arrêt attaqué que le courrier électronique de M. K. contenait un objet intitulé « Quote » (« Devis ») et le texte « Cher [M. V.], veuillez noter que nous avons besoin de recevoir vos instructions aujourd’hui » et « En l’absence de réponse, nous soumissionnerons à notre meilleure convenance ». Il en ressort en outre que M. V. a répondu à ce courrier électronique en ces termes : « Cher [M. K.], comme suite à notre conversation téléphonique, j’ai pris bonne note de votre accord de recevoir des instructions le lundi 20 novembre ».

42      Au point 131 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que cette réponse constituait une preuve que Silec continuait de participer volontairement à l’entente.

43      Il y a lieu de constater que l’argumentation invoquée par les requérantes ne comporte aucun élément susceptible de révéler que, en parvenant à cette conclusion, le Tribunal aurait dénaturé le contenu de ces deux courriers électroniques du 16 novembre 2006.

44      En effet, il ressort de ces éléments de preuve que M. K. s’est adressé à M. V., un employé de Silec et, partant, d’un concurrent de Brugg Kabel, afin d’obtenir des « instructions » relatives à un devis et que, à la suite d’une conversation téléphonique entre ces deux personnes, M. V. a répondu à M. K. en annonçant de telles instructions pour le lundi 20 novembre 2006. Contrairement à ce que les requérantes soutiennent, le contenu de ces courriers électroniques est donc clair et aucunement neutre du point de vue de l’application des règles de droit de l’Union en matière de concurrence. En particulier, et comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 129 de l’arrêt attaqué, M. V. n’avait aucune raison commerciale légitime de mettre M. J., le coordinateur des membres européens de l’entente, en copie de son courrier électronique.

45      En outre, c’est sans dénaturer lesdits éléments de preuve que le Tribunal a pu déduire du libellé et du ton informel du courrier électronique de M. K. du 16 novembre 2006 que cet échange s’inscrivait dans une continuité, que l’absence de précision sur le devis concerné dans ce courrier électronique suggérait que M. V. savait de quoi il s’agissait et que ledit échange faisait suite à des contacts entre Silec et Brugg Kabel concernant ce devis.

46      Dans ces circonstances, ni le fait que cet échange de courriers électroniques n’ait pas été engagé par Silec ni le fait que la Commission n’ait pas pu prouver qu’une suite avait été réservée au courrier électronique de M. V ne revêtent une quelconque importance à cet égard. Il convient d’ailleurs de rappeler, dans ce contexte, que la Commission a considéré que la participation de Silec à l’entente a pris fin le 16 novembre 2006, jour de l’envoi de ce courrier électronique.

47      En ce qui concerne l’argument des requérantes visant une autre preuve, concernant LS Cable, il suffit de constater que la requérante n’a pas établi que le libellé de ce document et l’interprétation qu’en a faite le Tribunal démontreraient que l’appréciation, par ce dernier, de l’échange de courriers électroniques qui a eu lieu le 16 novembre 2006 aurait été manifestement erronée. En tout état de cause, il convient de relever que le Tribunal a indiqué, aux points 178 à 182 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés par les requérantes, que cette autre preuve n’était pas comparable aux courriers électroniques échangés entre M. K. et M. V. le 16 novembre 2006.

48      Enfin, le fait que, ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 85 de l’arrêt attaqué, d’une part, une certaine méfiance se soit installée entre Silec et les autres membres européens de l’entente après l’acquisition de Silec par General Cable et, d’autre part, des preuves attestaient que Silec avait fait l’objet de plaintes pour son attitude déloyale à plusieurs occasions ne saurait avoir pour conséquence que le courrier électronique de M. V. du 16 novembre 2006 devrait être regardé comme un document neutre du point de vue du droit de l’Union de la concurrence, comme les requérantes le soutiennent. Par conséquent, en permettant à la Commission de s’appuyer sur ce document afin de prouver que Silec avait continué de participer à l’entente jusqu’au 16 novembre 2006, le Tribunal n’a pas renversé la charge de la preuve.

49      L’argumentation des requérantes remettant en cause l’appréciation des courriers électroniques des mois de décembre 2005 et de novembre 2006 doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable.

50      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen, en partie, comme irrecevable et, en partie, comme non fondée.

51      En ce qui concerne la première branche du premier moyen, selon laquelle le Tribunal aurait violé les règles en matière de preuve en considérant à tort qu’une distanciation explicite et publique de Silec par rapport à l’entente était nécessaire pour démontrer qu’elle n’avait pas participé à l’ententer, il y a lieu de relever qu’il s’agit d’une question de droit qui peut être soulevée dans le cadre d’un pourvoi et que, en cette branche, le moyen est donc recevable.

52      Pour ce qui est du fond, il y a lieu de rappeler, comme le Tribunal l’a relevé aux points 150 à 152 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en ce qui concerne la distanciation publique d’une entente, il convient de distinguer deux cas de figure. D’une part, la distanciation publique est indispensable afin qu’une entreprise qui a participé à des réunions collusoires puisse établir que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel. D’autre part, en ce qui concerne la participation non pas à des réunions anticoncurrentielles individuelles, mais à une entente s’étendant sur plusieurs années, l’absence de distanciation publique ne constitue qu’un des éléments parmi d’autres à prendre en considération en vue d’établir si une entreprise a effectivement continué à participer à une entente ou, au contraire, a cessé de le faire (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 20 à 23).

53      En ce qui concerne le cas d’espèce, il y a lieu de rappeler que, au point 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, dans la décision litigieuse, la Commission ne s’était pas uniquement fondée sur l’absence de distanciation publique de Silec après son rachat par General Cable pour décider que Silec n’avait pas mis un terme à sa participation à l’entente avant le 16 novembre 2006, mais que, au contraire, elle avait démontré la participation directe et continue de Silec à l’entente jusqu’au 16 novembre 2006 et n’avait invoqué le fait de l’absence de distanciation publique de Silec qu’en combinaison avec d’autres éléments de preuve.

54      Il s’ensuit que, implicitement mais certainement, le Tribunal a considéré que, pour prouver la participation de Silec à l’entente, la Commission ne pouvait pas se contenter de l’absence de distanciation publique de Silec, mais devait s’appuyer à cet effet sur d’autres éléments de preuve. Il ressort, en outre, du point 154 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, figuraient notamment parmi ces autres éléments de preuve les courriers électroniques échangés respectivement les 21 et 22 décembre 2005 ainsi que le 16 novembre 2006.

55      Dès lors qu’il est constant que Silec n’a participé à aucune des réunions ayant eu lieu dans le cadre de l’entente pendant la période couvrant l’infraction en cause, il y a lieu, d’abord, de constater que l’approche du Tribunal est conforme à la jurisprudence de la Cour visée au point 52 du présent arrêt.

56      Ensuite, l’argument des requérantes selon lequel la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 153 de l’arrêt attaqué est manifestement incorrecte, au motif que ce dernier aurait examiné, en ce qui concerne chacun des autres éléments de preuve pris en compte par la Commission à cet égard, s’ils révélaient une distanciation publique de Silec par rapport à l’entente, n’est pas fondé. En effet, les requérantes se limitent à cet égard à citer des constats opérés par le Tribunal, aux points 95, 105 et 113 de l’arrêt attaqué, portant sur certains de ces autres éléments de preuve. Or, il ne ressort pas de ces constats, eu égard au contexte de l’arrêt attaqué dans lequel ils s’inscrivent, que le Tribunal a considéré qu’une distanciation publique de Silec était indispensable afin de démontrer que cette dernière n’avait pas participé à l’entente. En particulier, en ce qui concerne la considération du Tribunal, au point 95 de l’arrêt attaqué, et visant un courrier électronique du 17 janvier 2006, selon laquelle les requérantes n’avaient pas démontré que Silec s’était clairement et notablement opposée à la mise en œuvre de l’entente à cette date, le fait que ce passage soit introduit par les termes « [e]n outre » démontre qu’il ne s’agit que d’un motif surabondant de l’arrêt attaqué.

57      Enfin, n’est pas non plus fondé l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal a erronément appliqué les règles en matière de charge et d’administration de la preuve en faisant supporter à Silec la charge de la preuve qu’elle n’avait pas participé à l’entente, au motif que les autres participants à celle-ci avaient une perception subjective contraire de cet état de fait, bien que la Commission n’avait pas établi la date de début et de fin de sa participation à l’entente et, plus précisément, sa présence à une réunion déterminée au cours de cette période. D’une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la répartition de la charge de la preuve est susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 79). Dans ce contexte, dans une affaire telle que celle qui a donné lieu à l’arrêt attaqué, la possibilité, pour le Tribunal, de faire participer une entreprise à l’administration de la preuve ne saurait être subordonnée au fait qu’il a été préalablement établi que cette entreprise a participé à une réunion collusoire dans le cadre de l’entente. D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 153 et 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne s’est, de toute façon, pas fondé sur cette jurisprudence de la Cour, qu’il rappelle, par ailleurs, à titre surabondant, au point 164 de cet arrêt, pour fonder sa décision selon laquelle la Commission avait établi la participation de Silec à l’entente.

58      Dans ces circonstances, l’allégation des requérantes, selon laquelle le Tribunal aurait, par un raisonnement circulaire, renversé la charge de la preuve et refusé de reconnaître à Silec le bénéfice de la présomption d’innocence ou celui du doute, n’est pas fondée.

59      Il y a lieu, dès lors, de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

60      En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, il y a lieu de relever que, dans la mesure où les requérantes allèguent que le Tribunal a méconnu les règles en matière de charge et d’administration de la preuve en avalisant, sur la base de la seule perception des autres participants à l’entente, la décision de la Commission selon laquelle Silec avait participé à l’entente, cette branche soulève une question de droit et est donc recevable. Il y a lieu, toutefois, de rejeter cette allégation comme non fondée, étant donné que, d’une part, pour établir la participation de Silec à l’entente, le Tribunal ne s’est pas appuyé exclusivement sur des éléments de preuve émanant d’autres participants qui, selon les requérantes, reflétaient la perception subjective de ces derniers. En effet, il ressort du point 154 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé également sur les courriers électroniques de M. V. des 22 décembre 2005 et 16 novembre 2006, ce que les requérantes ne contestent d’ailleurs pas. D’autre part, et en tout état de cause, c’est à tort que les requérantes allèguent que les documents établis par d’autres participants à l’entente se limitaient à refléter la perception subjective de ces participants. À cet égard, il convient de relever, notamment, que le Tribunal a constaté, au point 99 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas critiqué par les requérantes, qu’il ressortait de l’un de ces documents, à savoir du procès-verbal de la réunion du 17 février 2006, que Silec et une autre société étaient simplement « excusées ».

61      En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, en publiant des détails du document du 10 juillet 2006 dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé leur droit fondamental à la protection de leurs informations confidentielles, une telle violation, à la supposer établie, serait tout au plus susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Dans le cadre d’un pourvoi dirigé contre un arrêt rejetant un recours en annulation, un tel argument n’est cependant susceptible de prospérer que si les requérantes venaient à établir que la violation alléguée par elles, à savoir la divulgation d’informations prétendument confidentielles dans l’arrêt attaqué, a eu une incidence sur la solution du litige dont le Tribunal était saisi. Or, les requérantes n’ont pas expliqué, ni encore moins établi, en quoi cette prétendue violation aurait eu une telle incidence.

62      En ce qui concerne le document du 10 juillet 2006, visé aux points 114 et suivants de l’arrêt attaqué, à savoir une pièce trouvée dans les locaux de Nexans France et présentée par la Commission comme une note établie à l’occasion d’une réunion entre Silec et une autre entreprise, les requérantes soutiennent que le Tribunal a dénaturé ce document en déduisant de celui-ci qu’il établissait la participation de Silec à l’entente. Cet argument repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Il ressort en effet des points 120 à 121 de cet arrêt que le Tribunal a considéré qu’une interprétation plausible dudit document était qu’un collaborateur de Nexans France avait rédigé une note d’information sur le marché résumant les connaissances de cette entreprise concernant un certain nombre de pays en référence à Silec, de telle sorte qu’il était permis de douter de l’interprétation de la Commission selon laquelle ce même document constituait la note d’une réunion à laquelle Silec avait participé et que ce doute devait profiter aux requérantes. Au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a néanmoins considéré que la présence, sur le document du 10 juillet 2006, de la mention « SIL » suggérait à tout le moins que, dans l’esprit d’un collaborateur de Nexans France, Silec était encore l’un des membres de l’entente à prendre en considération pour l’attribution d’un marché.

63      Une telle interprétation de ce document n’est pas constitutive d’une dénaturation de son contenu par le Tribunal. En effet, le Tribunal a pu, sans se contredire, considérer, d’une part, que ledit document ne pouvait être considéré comme la preuve d’une participation de Silec à une réunion dans le cadre de l’entente et, d’autre part, qu’il ressortait néanmoins d’une indication portée sur ce même document par son auteur que ce dernier considérait que Silec faisait partie, à ce moment‑là, de cette entente.

64      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, à supposer même qu’une telle dénaturation du contenu du document visé au point 62 du présent arrêt serait établie, celle-ci ne saurait, à elle seule, aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué, étant donné que la décision du Tribunal selon laquelle la Commission avait établi la participation de Silec à l’entente est également fondée sur d’autres éléments de preuve, qui n’ont pas été critiqués par les requérantes ou qui l’ont été vainement dans le cadre du présent pourvoi.

65      Dès lors, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

66      Par la première branche de ce moyen, visant, tout comme les deux autres branches de ce moyen, les points 201 à 205 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a appliqué de façon erronée le principe de responsabilité personnelle, de sorte que les requérantes ont subi une discrimination. En effet, le Tribunal aurait, à tort, refusé à Silec la réduction de l’amende accordée par la Commission aux acteurs marginaux de l’entente, en raison du seul fait que, selon le Tribunal, le comportement passé de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications devait lui être attribué.

67      Dans leur mémoire en réplique, les requérantes font valoir que, en refusant de tenir compte du degré de leur participation individuelle à l’entente, la Commission a agi en contradiction avec sa propre pratique, telle que mise en œuvre dans la décision litigieuse elle‑même. En outre, il ne serait ni pertinent ni approprié de refuser à Silec le statut d’acteur marginal au motif qu’il n’y aurait pas eu de modification substantielle de son comportement à la suite de son acquisition par General Cable.

68      Par la deuxième branche du second moyen, les requérantes soutiennent que la motivation du Tribunal, relative à l’existence d’une discrimination à leur encontre en ce qui concerne la détermination de la gravité de l’infraction commise par Silec, est contradictoire. Bien que, au point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ait jugé que General Cable ne porte pas la responsabilité d’événements antérieurs à l’acquisition de Silec et que les requérantes « ne sont pas tenues pour responsables de la gravité et de l’étendue de l’infraction commise avant le 22 décembre 2005 », ce serait seulement en se fondant sur la participation antérieure à l’entente non pas de Silec elle-même, mais de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications que le Tribunal aurait décidé que Silec ne pouvait pas être qualifiée d’acteur marginal.

69      Par la troisième branche du second moyen, les requérantes soutiennent que la décision du Tribunal relative à l’absence d’une telle discrimination est en outre erronée, dès lors que le Tribunal n’aurait pas comparé les bonnes situations factuelles. En effet, si le Tribunal, au lieu d’examiner la gravité et l’ampleur de l’infraction commise par l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications, avait examiné les actions de Silec elle-même, il aurait constaté que cette dernière n’avait participé ni à la création de l’entente ni à des réunions, mais qu’elle s’était bornée à adopter des comportements qui auraient dû mener la Commission à la qualifier d’acteur marginal de cette entente.

70      Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en reconnaissant la pertinence de la courte durée de la participation de LS Cable à l’entente, par opposition à la prétendue longue durée de la participation de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications, afin d’accorder à LS Cable une réduction de l’amende en raison de sa qualification d’acteur marginal, contrairement à ce que prévoirait le point 29 des lignes directrices de 2006.

71      La Commission soutient que l’argumentation des requérantes tirée de sa pratique, soumise dans le mémoire en réplique, est irrecevable et que, pour le surplus, le second moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

72      Par les trois branches de ce moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître à Silec le statut d’acteur marginal de l’entente, ce qui aurait abouti à une discrimination à son égard.

73      En ce qui concerne, premièrement, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en attribuant le comportement passé de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications à Silec, il convient de relever que, au point 201 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que Silec avait participé à l’entente « en tant que successeur » des activités détenues par « l’unité économique “Sagem/Safran” », que l’unité économique que la Commission avait dénommée « Sagem/Safran/Silec » constituait l’entreprise qui, selon la Commission, avait participé à l’entente du 12 novembre 2001 au 16 novembre 2006 et que, dès lors, c’était à bon droit que la Commission avait évalué la gravité de l’infraction commise par l’entreprise concernée.

74      À cet égard, il est vrai que la notion d’« entreprise », au sens du droit de la concurrence de l’Union désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 103 et jurisprudence citée). Une telle définition n’implique pas pour autant que, pour fixer les sanctions à infliger à l’une des sociétés impliquées dans une infraction, la Commission puisse tenir compte du comportement de l’unité économique constituée de ces sociétés, prise dans son ensemble, lorsque, comme en l’espèce, la responsabilité de la société en cause n’a été retenue que pour ce qui concerne sa propre participation à l’entente.

75      Toutefois, il y a lieu de relever que, au point 201 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’argument des requérantes selon lequel seul le comportement de Silec après son acquisition par General Cable, le 22 décembre 2005, aurait dû être pris en compte par la Commission aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction qu’elle avait commise. Or, la responsabilité de Silec pour sa participation à l’entente ayant été retenue pour la période allant du 30 novembre 2005 au 16 novembre 2006, il est évident que son comportement pendant la période allant du 30 novembre 2005 au 21 décembre 2005 devait être pris en compte afin de déterminer si elle pouvait être considérée comme un acteur marginal de l’entente.

76      En outre, il y a lieu de relever que, au point 202 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le courrier électronique de M. V. du 21 décembre 2005 contenant une « déclaration d’intérêt » de Silec s’inscrivait dans la ligne de l’implication dans l’entente de l’entreprise dénommée « Sagem/Safran/Silec » par la Commission et qu’une telle implication contribuait à faire de cette entreprise un « acteur moyen » plutôt qu’un « acteur marginal ». Il s’ensuit que c’est également au vu du comportement de Silec elle-même, et non seulement en lui attribuant le comportement passé de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications, que le Tribunal a décidé que Silec ne pouvait être qualifiée d’« acteur marginal » de l’entente.

77      En tout état de cause, il convient de relever que, au point 204 de l’arrêt attaqué, et en se fondant notamment sur les échanges de courriers électroniques intervenus les 21 et 22 décembre 2005 ainsi que le 16 novembre 2006, le Tribunal a constaté, à titre surabondant, que les requérantes n’avaient apporté aucune preuve à l’appui de leur allégation selon laquelle le comportement de Silec avait radicalement changé à compter du 22 décembre 2005. Au point 205 de cet arrêt, le Tribunal a déduit de ce constat que, « [p]ar conséquent, même s’il était pertinent d’évaluer la gravité d’une infraction en se fondant sur le degré de participation individuelle de chaque personne morale en tenant compte des évolutions dans le contrôle de celle-ci, il demeure que les éléments présentés au point 204 ci-dessus n’indiquent pas que la participation de Silec ait été plus limitée depuis son acquisition par General Cable ». Il y a lieu d’ajouter à cet égard que, au point 90 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté par les requérantes, le Tribunal a, au terme d’un examen détaillé, rejeté les arguments des requérantes selon lesquels le comportement de Silec aurait été substantiellement modifié après son acquisition par General Cable.

78      Or, les motifs figurant aux points 204 et 205 de l’arrêt attaqué, qui n’ont pas été contestés par les requérantes, suffisent pour étayer la décision du Tribunal selon laquelle Silec ne pouvait pas être considérée comme un acteur marginal de l’entente.

79      Dans ces circonstances, l’argument des requérantes, selon lequel la Commission aurait agi en contradiction avec sa propre pratique en ne tenant pas compte de la participation individuelle de Silec à l’entente, ne saurait pas non plus prospérer, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si cet argument pouvait encore valablement être soumis à la Cour par les requérantes dans le cadre de leur mémoire en réplique.

80      En ce qui concerne, deuxièmement, l’argument des requérantes selon lequel, si le Tribunal avait tenu compte du comportement individuel de Silec, il aurait constaté que cette dernière n’avait participé ni à la création de l’entente ni à des réunions, mais s’était comportée de manière non conforme à l’entente, il y a lieu considérer que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour citée au point 38 du présent arrêt, cet argument doit être rejeté comme irrecevable, étant donné que, par celui-ci, les requérantes cherchent à obtenir un réexamen des éléments de preuve qui ont été soumis à l’appréciation du Tribunal, sans alléguer une dénaturation de ceux-ci.

81      En ce qui concerne, troisièmement, l’allégation des requérantes selon laquelle le Tribunal s’est fondé sur un raisonnement contradictoire à cet égard, il y a lieu de relever que, au point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a en effet considéré que les requérantes « n[’avaient] pas [été] tenues pour responsables de la gravité et de l’étendue de l’infraction commise avant le 22 décembre 2005. En revanche, les requérantes [avaient été] tenues pour responsables de l’infraction commise par l’entreprise après cette date ». Force est de constater que cette lecture de la décision litigieuse est erronée, étant donné que la responsabilité de Silec a été retenue par la Commission pour la période allant du 30 novembre 2005 au 16 novembre 2006 et donc également pour une brève période avant le 22 décembre 2005.

82      Il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort des points 74 à 76 du présent arrêt, et contrairement à ce que les requérantes soutiennent, ce n’est pas seulement en se fondant sur la participation antérieure de l’entité composée de Safran, de Sagem et de Sagem Communications à l’entente que le Tribunal a décidé que Silec ne pouvait être qualifiée d’acteur marginal de l’entente. Une telle lecture erronée de la décision litigieuse n’affecte donc pas cette décision du Tribunal, qui demeure justifiée sur la base des autres éléments de faits retenus par le Tribunal, visés à ces points du présent arrêt.

83      Enfin, en ce qui concerne l’argument des requérantes tiré de la prétendue violation du point 29 des lignes directrices de 2006, il y a lieu de relever que cet argument repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, il ne ressort pas de cet arrêt que le Tribunal aurait considéré que LS Cable devait être considérée comme un acteur marginal de l’entente compte tenu de la durée limitée de sa participation à celle-ci. En tout état de cause, et comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 188 de l’arrêt attaqué, une entreprise qui s’est vu infliger une amende du fait de sa participation à une entente, en violation des règles de concurrence, ne peut demander l’annulation ou la réduction de cette amende, au motif qu’un autre participant à la même entente n’aurait pas été sanctionné pour une partie, ou pour l’intégralité, de sa participation à ladite entente [arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 38 et jurisprudence citée].

84      Dès lors, il y a lieu de rejeter le second moyen invoqué par les requérantes à l’appui de leur pourvoi.

85      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Silec Cable SAS et General Cable Corp. sont condamnées aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.

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