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Document 62018CJ0321

Arrêt de la Cour (première chambre) du 12 juin 2019.
Terre wallonne ASBL contre Région wallonne.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (Belgique).
Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences environnementales de certains plans et programmes – Arrêté – Fixation des objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000, conformément à la directive 92/43/CEE – Notion de “plans et programmes” – Obligation de procéder à une évaluation environnementale.
Affaire C-321/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:484

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 juin 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences environnementales de certains plans et programmes – Arrêté – Fixation des objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000, conformément à la directive 92/43/CEE – Notion de “plans et programmes” – Obligation de procéder à une évaluation environnementale »

Dans l’affaire C‑321/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 2 mai 2018, parvenue à la Cour le 9 mai 2018, dans la procédure

Terre wallonne ASBL

contre

Région wallonne,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteure), MM. A. Rosas, L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2018,

considérant les observations présentées :

pour Terre wallonne ASBL, par M e A. Lebrun, avocat,

pour la Région wallonne, Me P. C. Moërynck, avocat,

pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et C. Pochet ainsi que par M. P. Cottin, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Moërynck, G. Shaiko et J. Bouckaert, avocats,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

pour l’Irlande, par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. C. Toland, SC, et de Mme M. Gray, BL,

pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes, M. Noll-Ehlers et F. Thiran, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 24 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30, ci-après la « directive EIPP »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Terre Wallonne ASBL à la Région wallonne (Belgique) au sujet de la validité de l’arrêté du gouvernement de cette région du 1er décembre 2016, fixant les objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000 (Moniteur belge du 22 décembre 2016, p. 88148, ci-après l’« arrêté du 1er décembre 2016 »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive EIPP

3

Aux termes du considérant 4 de la directive EIPP :

« L’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les États membres, parce qu’elle assure que ces incidences de la mise en œuvre des plans et des programmes sont prises en compte durant l’élaboration et avant l’adoption de ces derniers. »

4

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectifs », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

5

L’article 2 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par [l’Union] européenne, ainsi que leurs modifications :

élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

b)

“évaluation environnementale” : l’élaboration d’un rapport sur les incidences environnementales, la réalisation de consultations, la prise en compte dudit rapport et des résultats des consultations lors de la prise de décision, ainsi que la communication d’informations sur la décision, conformément aux articles 4 à 9 ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 3 de la directive EIPP, intitulé « Champ d’application » :

« 1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)

qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011 (JO 2012, L 26, p. 1] pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)

pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)].

[...]

4.   Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

5.   Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive.

[...] »

La directive « habitats »

7

L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 (ci-après la « directive “habitats” ») énonce :

« Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. »

Le droit belge

8

La loi du 12 juillet 1973, sur la conservation de la nature (Moniteur belge du 11 septembre1973, p. 10306), telle que modifiée, en dernier lieu, par le décret du 22 décembre 2010 (Moniteur belge du 13 janvier 2011, p. 1257) (ci-après la « loi du 12 juillet 1973 »), énonce, à son article 25 bis :

« § 1er.   Le Gouvernement fixe, à l’échelle de la Région wallonne, des objectifs de conservation pour chaque type d’habitat naturel et pour chaque type d’espèce pour lesquels des sites doivent être désignés.

Les objectifs de conservation sont déterminés sur la base de l’état de conservation, à l’échelle de la Région wallonne, des types d’habitats naturels et des espèces pour lesquels des sites doivent être désignés et ont pour objet de maintenir ou, le cas échéant, de rétablir les types d’habitats naturels et les espèces pour lesquels des sites doivent être désignés dans un état de conservation favorable.

Ces objectifs de conservation ont valeur indicative.

§ 2.   Sur la base des objectifs de conservation visés au § 1er, le Gouvernement fixe des objectifs de conservation applicables à l’échelle des sites Natura 2000.

Ces objectifs de conservation ont valeur réglementaire. Ils s’interprètent au regard des données visées à l’article 26, § 1er, alinéa 2, 2° et 3. »

9

La directive EIPP a été transposée en droit de la Région wallonne par les articles D. 52 et suivants du livre Ier du code de l’environnement (Moniteur belge du 9 juillet 2004, p. 54654). Ces dispositions ne prévoient pas que les objectifs de conservation adoptés en application de l’article 25 bis de la loi du 12 juillet 1973 doivent être soumis à une évaluation environnementale au titre des « plans et programmes ».

10

Aux termes des sixième à neuvième, seizième et dix-huitième considérants de l’arrêté du 1er décembre 2016 :

« Considérant que la fixation des objectifs de conservation à l’échelle de la Région wallonne et à l’échelle des sites est indispensable à la mise en œuvre du régime de conservation des sites Natura 2000, en tant que références normatives pour la prise de décision dans le cadre de l’adoption des plans et la délivrance des permis ainsi que, le cas échéant, pour la gestion active des sites ;

[...] que les objectifs de conservation sont fixés en vue de maintenir ou, le cas échéant, de rétablir dans un état de conservation favorable les types d’habitat naturel et les espèces pour lesquels des sites doivent être désignés ;

[...] que, conformément à l’article 1erbis, 21 bis, et à l’article 25 bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi [du 12 juillet 1973], des objectifs de conservation doivent être fixés à l’échelle de l’ensemble du territoire wallon (et non uniquement pour le réseau Natura 2000), de manière à avoir une vue d’ensemble de ce qui doit être préservé ou le cas échéant, ce qui doit être rétabli en Région wallonne pour maintenir ou rétablir dans un état de conservation favorable des habitats et espèces pour lesquels le réseau Natura 2000 est mis en place ; que ces objectifs ont valeur indicative ;

[...] que les objectifs de conservation à l’échelle des sites doivent être fixés sur la base des objectifs de conservation fixés à l’échelle du territoire wallon ; que ces objectifs ont valeur réglementaire ;

[...]

que ces objectifs ne s’appliquent dans un site Natura 2000 déterminé que lorsque ce site est désigné pour cette espèce ou cet habitat ; que l’examen de la compatibilité d’un projet avec ces objectifs de conservation se fera au cas par cas, en fonction de l’unité de gestion susceptible d’être impactée et des résultats de l’évaluation appropriée si elle a lieu ;

[...]

que les objectifs de conservation du site constituent, à l’échelle du site, le cadre de référence qui doit être respecté, sauf dérogation, par les autorités compétentes notamment pour délivrer les permis, qu’ils relèvent de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature ou d’autres législations ».

11

Conformément à l’article 2 de l’arrêté du 1er décembre 2016, l’annexe de celui-ci définit « les objectifs de conservation quantitatifs et qualitatifs applicables à l’échelle de la Région wallonne ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Le 8 novembre 2012, le ministre de la Nature a déposé au gouvernement wallon une note ayant pour objet l’adoption d’un avant-projet fixant les objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000. Du 10 décembre 2012 au 8 février 2013, une enquête publique s’est déroulée dans les 218 communes concernées par ce réseau.

13

Aux mois d’octobre et de novembre 2016, un deuxième, puis un troisième projet d’arrêté ont été présentés au gouvernement wallon.

14

Le 1er décembre 2016, ce gouvernement a adopté l’arrêté contesté.

15

Par requête introduite le 9 février 2017, Terre wallonne a demandé l’annulation de cet arrêté devant le Conseil d’État.

16

Au soutien de sa requête, cette association a fait notamment valoir que les dispositions de l’arrêté du 1er décembre 2016 relèvent de la notion de « plans et programmes », au sens soit de la directive « habitats », soit de la directive EIPP. Selon elle, cette notion ne s’applique pas seulement aux plans et aux programmes susceptibles de nuire à l’environnement, mais également à ceux qui pourraient lui être favorables. Elle considère, en outre, que l’enquête publique aurait dû être organisée sur l’ensemble du territoire de la région wallonne et non pas uniquement dans les communes concernées par les sites Natura 2000.

17

En réponse, le gouvernement de la Région wallonne soutient, d’une part, que l’arrêté du 1er décembre 2016 est « directement lié ou nécessaire » à la gestion des sites, de telle sorte qu’il ne relève pas des hypothèses visées à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ». D’autre part, cet arrêté étant exonéré de l’évaluation appropriée, au sens de cette directive, il serait également dispensé de l’évaluation des incidences, au sens de la directive EIPP, dont l’article 3, paragraphe 2, sous b), opère un renvoi aux articles 6 et 7 de la directive « habitats ». Ce gouvernement ajoute que ledit arrêté ne constitue pas un plan ou un programme, au sens de la directive EIPP et est, en toute hypothèse, exclu du champ d’application de cette directive par l’effet de son article 3.

18

La juridiction de renvoi se demande si l’arrêté du 1er décembre 2016 relève du champ d’application de la directive EIPP et, dans l’affirmative, si la directive « habitats » a ou non pour effet d’écarter l’obligation d’une évaluation préalable de ses incidences sur l’environnement, au sens de la directive EIPP.

19

Selon cette juridiction, si l’arrêté du 1er décembre 2016 ne relève pas de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive EIPP, il demeure qu’un tel acte pourrait néanmoins constituer un plan ou un programme, au sens soit de l’article 3, paragraphe 2, sous a), soit de l’article 3, paragraphe 4, de la directive EIPP.

20

Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’arrêté par lequel un organe d’un État membre fixe les objectifs de conservation pour le réseau Natura 2000, conformément à la directive [“habitats”], constitue-t-il un plan ou un programme au sens de la directive [EIPP], et plus spécialement au sens de l’article 3, [paragraphe] 2, [sous] a), [de cette directive] ou au sens de l’article 3, [paragraphe] 4, de ladite directive ?

2)

Dans l’affirmative, un tel arrêté doit-il faire l’objet d’une évaluation environnementale conformément à la directive [EIPP] alors qu’une telle évaluation n’est pas requise en vertu de la directive [“habitats”] sur la base de laquelle l’arrêté a été adopté ? »

Sur les questions préjudicielles

21

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive EIPP doit être interprété en ce sens qu’un arrêté, tel que celui en cause au principal, par lequel un organe d’un État membre fixe, à l’échelle régionale pour son réseau Natura 2000, des objectifs de conservation, est au nombre des « plans et programmes » pour lesquels une évaluation des incidences environnementales est obligatoire.

22

À titre liminaire, il importe, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 4 de la directive EIPP, l’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes.

23

Ensuite, aux termes de l’article 1er de cette directive, celle-ci a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à ladite directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale.

24

Enfin, compte tenu de la finalité de la directive EIPP consistant à garantir un tel niveau élevé de protection de l’environnement, les dispositions qui délimitent son champ d’application, et notamment celles énonçant les définitions des actes envisagés par celle-ci, doivent être interprétées d’une manière large (arrêt du 27 octobre 2016, D'Oultremont e.a., C‑290/15, EU:C:2016:816, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

25

C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux questions posées.

26

Il y a tout d’abord lieu d’écarter les argumentations selon lesquelles les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive EIPP et de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive « habitats » excluraient en toute hypothèse une obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement dans un cas tel que celui en cause au principal.

27

À cet égard, d’une part, le gouvernement belge et l’Irlande arguent que, dans la mesure où l’arrêté du 1er décembre 2016 définit des objectifs de conservation, il n’aurait que des effets bénéfiques et, par conséquent, ne nécessiterait pas d’évaluation environnementale de ses incidences.

28

Il importe, toutefois, de rappeler que, s’agissant de la directive 85/337, la Cour a déjà dit pour droit que la circonstance que des projets devraient entraîner des effets bénéfiques sur l’environnement n’est pas pertinente dans le cadre de l’appréciation de la nécessité de soumettre lesdits projets à une évaluation de leurs incidences environnementales (arrêt du 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA, C‑142/07, EU:C:2008:445, point 41).

29

D’autre part, selon le gouvernement belge et l’Irlande, en raison de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive EIPP et de l’exception qui s’applique aux mesures de gestion du site prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », l’évaluation stratégique des incidences sur l’environnement réalisée en application de la directive EIPP serait cantonnée, pour ce qui concerne les sites Natura 2000, à l’évaluation des plans et des projets qui sont également soumis à une évaluation des incidences sur le site au titre de la directive « habitats ». Selon cette analyse, une évaluation environnementale ne serait jamais requise pour les mesures de gestion de ces sites.

30

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’arrêté du 1er décembre 2016 est directement lié à la gestion de l’ensemble des sites de la région wallonne. Dans ces conditions, il ne concerne pas un site particulier, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » et, par conséquent, ne requiert pas non plus une évaluation environnementale au titre de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive EIPP.

31

Cela étant dit, la circonstance qu’un acte, tel que celui en cause au principal, ne doit pas être obligatoirement précédé d’une évaluation environnementale sur le fondement des dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » et de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive EIPP ne signifie pas qu’il est soustrait à toute obligation en la matière, dès lors qu’il n’est pas exclu qu’il puisse édicter des règles conduisant à l’assimiler à un plan ou à un programme, au sens de cette dernière directive, pour lesquels une évaluation des incidences environnementales est susceptible d’être obligatoire.

32

À cet égard, comme l’a fait valoir Mme l’avocate générale aux points 64 et 65 de ses conclusions, la circonstance que, dans le contexte de la directive « habitats », le législateur de l’Union n’a pas jugé nécessaire d’adopter des dispositions sur l’évaluation environnementale et la participation du public pour ce qui concerne la gestion des sites Natura 2000 ne signifie pas pour autant qu’il a voulu exclure cette gestion lors de l’adoption ultérieure de règles générales d’évaluation environnementale. En effet, les évaluations effectuées au nom d’autres instruments de protection de l’environnement coexistent et complètent utilement les règles de la directive « habitats » s’agissant de l’évaluation d’éventuelles incidences sur l’environnement ainsi que de la participation du public.

33

S’agissant, en premier lieu, de l’assimilation de l’arrêté en cause au principal à un plan ou à un programme, au sens de la directive EIPP, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 2, sous a), de la directive EIPP que constituent des plans ou des programmes ceux qui satisfont à deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, au moyen d’une procédure législative, et, d’autre part, être exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives.

34

La Cour a interprété cette disposition en ce sens que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de la directive EIPP, et, dès lors, soumis à l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement dans les conditions fixées par cette directive, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration (arrêts du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑567/10, EU:C:2012:159, point 31, ainsi que du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 43).

35

En l’occurrence, l’arrêté du 1er décembre 2016 a été élaboré et adopté par une autorité régionale, à savoir le gouvernement de la Région wallonne, et cet arrêté est exigé par l’article 25 bis de la loi du 12 juillet 1973.

36

S’agissant, en second lieu, du point de savoir si un plan ou un programme tel que celui en cause au principal doit être précédé d’une évaluation environnementale, il y a lieu de rappeler que les plans et les programmes répondant aux exigences de l’article 2, sous a), de la directive EIPP sont susceptibles de faire l’objet d’une évaluation environnementale, à la condition qu’ils constituent un de ceux visés à l’article 3 de la directive EIPP. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de la directive EIPP prévoit qu’une évaluation environnementale est effectuée pour les plans et les programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ».

37

Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive EIPP, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et les programmes élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir.

38

À cet égard, les gouvernements belge et tchèque, l’Irlande ainsi que la Commission ont exprimé des doutes sur le point de savoir si la fixation d’objectifs de conservation pour les sites Natura 2000 d’une région d’un État membre peut relever de l’un de ces secteurs.

39

Comme Mme l’avocate générale l’a relevé au point 44 de ses conclusions, dans la mesure où, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la directive EIPP, les États membres déterminent si des plans et des programmes, autres que ceux visés à cet article 3, paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre d’autres projets pourra être autorisée à l’avenir, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, il importe de déterminer si un acte, tel que celui en cause au principal, définit un tel cadre.

40

En effet, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 69 de ses conclusions, l’obligation de procéder à une évaluation environnementale prévue à l’article 3, paragraphe 4, de la directive EIPP, de même que l’obligation d’évaluation prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, dépend de la question de savoir si le plan ou le programme en cause définit le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir.

41

À cet égard, la Cour a dit pour droit que la notion de « plans et programmes » se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement [arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a., C‑290/15, EU:C:2016:816, point 49 ainsi que jurisprudence citée, ainsi que du 8 mai 2019,  Verdi Ambiente e Società (VAS) - Aps Onlus  e.a., C‑305/18, EU:C:2019:384, point 50 ainsi que jurisprudence citée].

42

En l’occurrence, l’arrêté du 1er décembre 2016 n’énonce pas les objectifs de conservation pour des sites déterminés, mais les résume pour l’ensemble de la région wallonne. En outre, il ressort de l’article 25 bis, paragraphe 1er, troisième alinéa, de la loi du 12 juillet 1973 que les objectifs de conservation à l’échelle de la région wallonne ont seulement une valeur indicative, alors que cet article 25 bis, paragraphe 2, second alinéa, dispose que les objectifs de conservation applicables à l’échelle des sites Natura 2000 ont une valeur réglementaire.

43

Eu égard à ces éléments, il convient de considérer qu’un acte, tel que celui en cause au principal, ne remplit pas la condition rappelée au point 41 du présent arrêt en ce qu’il ne définit pas le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, de sorte qu’il ne relève ni de l’article 3, paragraphe 2, sous a), ni de l’article 3, paragraphe 4, de la directive EIPP.

44

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive EIPP doit être interprété en ce sens qu’un arrêté, tel que celui en cause au principal, par lequel un organe d’un État membre fixe, à l’échelle régionale pour son réseau Natura 2000, des objectifs de conservation ayant une valeur indicative, alors que les objectifs de conservation à l’échelle des sites ont une valeur réglementaire, n’est pas au nombre des « plans et programmes », au sens de cette directive, pour lesquels une évaluation des incidences environnementales est obligatoire.

Sur les dépens

45

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doit être interprété en ce sens qu’un arrêté, tel que celui en cause au principal, par lequel un organe d’un État membre fixe, à l’échelle régionale pour son réseau Natura 2000, des objectifs de conservation ayant une valeur indicative, alors que les objectifs de conservation à l’échelle des sites ont une valeur réglementaire, n’est pas au nombre des « plans et programmes », au sens de cette directive, pour lesquels une évaluation des incidences environnementales est obligatoire.

 

Bonichot

Toader

Rosas

Bay Larsen

Safjan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2019.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la Ière chambre

J.-C. Bonichot


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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