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Document 62017CJ0573

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 24 juin 2019.
    Daniel Adam Popławski.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Amsterdam.
    Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décisions-cadres – Absence d’effet direct – Primauté du droit de l’Union – Conséquences – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 4, point 6 – Décision-cadre 2008/909/JAI – Article 28, paragraphe 2 – Déclaration d’un État membre lui permettant de continuer à appliquer les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées applicables avant le 5 décembre 2011 – Déclaration tardive – Conséquences.
    Affaire C-573/17.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:530

    ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

    24 juin 2019 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décisions-cadres – Absence d’effet direct – Primauté du droit de l’Union – Conséquences – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 4, point 6 – Décision-cadre 2008/909/JAI – Article 28, paragraphe 2 – Déclaration d’un État membre lui permettant de continuer à appliquer les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées applicables avant le 5 décembre 2011 – Déclaration tardive – Conséquences »

    Dans l’affaire C‑573/17,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas), par décision du 28 septembre 2017, parvenue à la Cour le 28 septembre 2017, dans la procédure relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de

    Daniel Adam Popławski,

    en présence de :

    Openbaar Ministerie

    LA COUR (grande chambre),

    composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, M. Vilaras et C. Lycourgos (rapporteur), présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er octobre 2018,

    considérant les observations présentées :

    pour l’Openbaar Ministerie, par M. K. van der Schaft et Mme U. E. A. Weitzel, en qualité d’agents,

    pour M. Popławski, par Mes P. J. Verbeek et T. O. M. Dieben, advocaten,

    pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

    pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

    pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

    pour la Commission européenne, par MM. R. Troosters et H. Krämer ainsi que par Mme S. Grünheid, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 novembre 2018,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de primauté du droit de l’Union et de l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen (ci-après le « MAE ») émis par le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań, Pologne) à l’encontre de M. Daniel Adam Popławski, aux fins de l’exécution, en Pologne, d’une peine privative de liberté.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    La décision-cadre 2002/584/JAI

    3

    Les considérants 5, 7 et 11 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), énoncent :

    « (5)

    L’objectif assigné à l’Union [européenne] de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

    [...]

    (7)

    Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition [signée à Paris le 13 décembre 1957] ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil [de l’Union européenne] peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 du [traité UE] et à l’article 5 du [traité CE]. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

    [...]

    (11)

    Le mandat d’arrêt européen devrait remplacer, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition, y compris les dispositions du titre III de la [convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19)] ayant trait à cette matière. »

    4

    L’article 1er de cette décision-cadre prévoit :

    « 1.   Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

    2.   Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

    [...] »

    5

    L’article 4 de ladite décision-cadre dispose :

    « L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

    [...]

    6)

    si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ;

    [...] »

    La décision-cadre 2008/909

    6

    L’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 dispose :

    « La présente décision-cadre vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation. »

    7

    L’article 4, paragraphes 5 et 7, de cette décision-cadre énonce :

    « 5.   L’État d’exécution peut, de sa propre initiative, demander à l’État d’émission de transmettre le jugement accompagné du certificat. La personne condamnée peut également demander aux autorités compétentes de l’État d’émission ou de l’État d’exécution d’engager une procédure de transmission du jugement et du certificat au titre de la présente décision-cadre. Les demandes formulées en vertu du présent paragraphe ne créent pas pour l’État d’émission l’obligation de transmettre le jugement accompagné du certificat.

    [...]

    7.   Chaque État membre peut, soit lors de l’adoption de la présente décision-cadre, soit ultérieurement, notifier au secrétariat général du Conseil que, dans ses relations avec les autres États membres ayant procédé à la même notification, son consentement préalable conformément au paragraphe 1, point c), n’est pas requis pour la transmission du jugement et du certificat :

    a)

    si la personne condamnée vit et réside légalement de manière continue depuis au moins cinq ans sur le territoire de l’État d’exécution et conservera un droit de résidence permanent dans cet État, et/ou

    b)

    si la personne condamnée est ressortissante de l’État d’exécution dans les cas autres que ceux visés au paragraphe 1, points a) et b).

    [...] »

    8

    L’article 7, paragraphe 4, de ladite décision-cadre prévoit :

    « Chaque État membre peut, lors de l’adoption de la décision-cadre ou ultérieurement, indiquer, par le biais d’une déclaration notifiée au secrétariat général du Conseil, qu’il n’appliquera pas le paragraphe 1. Cette déclaration peut être retirée à tout moment. Les déclarations ou retraits de déclaration sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne. »

    9

    L’article 25 de la même décision-cadre dispose :

    « Sans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6, de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. »

    10

    Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 :

    « Sans préjudice de leur application entre États membres et États tiers ni de leur application transitoire en vertu de l’article 28, la présente décision-cadre remplace, à partir du 5 décembre 2011, les dispositions correspondantes des conventions ci-après, applicables dans les relations entre les États membres :

    la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 et son protocole additionnel du 18 décembre 1997,

    la convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970,

    le titre III, chapitre 5, de la convention d’application du 19 juin 1990 de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes,

    la convention entre les États membres des Communautés européennes sur l’exécution des condamnations pénales étrangères du 13 novembre 1991. »

    11

    L’article 28 de cette décision-cadre énonce :

    « 1.   Les demandes reçues avant le 5 décembre 2011 continuent d’être régies conformément aux instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées. Les demandes reçues après cette date sont régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre.

    2.   Cependant, tout État membre peut faire, lors de l’adoption de la présente décision-cadre, une déclaration indiquant que, dans les cas où le jugement définitif a été prononcé avant la date qu’il indique, il continuera, en tant qu’État d’émission et d’exécution, à appliquer les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées applicables avant le 5 décembre 2011. Si une telle déclaration est faite, ces instruments s’appliquent dans de tels cas à tous les autres États membres, que ceux-ci aient fait ou non la même déclaration. La date indiquée ne peut être postérieure au 5 décembre 2011. Ladite déclaration est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Elle peut être retirée à tout moment. »

    Le droit néerlandais

    12

    L’Overleveringswet (loi relative à la remise), du 29 avril 2004 (Stb. 2004, no 195, ci-après l'« OLW »), qui transpose dans le droit néerlandais la décision-cadre 2002/584, prévoit, à son article 6 :

    « 1.   La remise d’un ressortissant néerlandais peut être autorisée pour autant qu’elle est demandée aux fins d’une enquête pénale dirigée contre lui et que, selon l’autorité judiciaire d’exécution, il est garanti que, s’il est condamné à une peine privative de liberté inconditionnelle dans l’État membre d’émission en raison des faits pour lesquels la remise peut être autorisée, il pourra purger cette condamnation aux Pays-Bas.

    2.   La remise d’un citoyen néerlandais n’est pas autorisée si celle-ci est réclamée aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce dernier par une décision de justice définitive.

    [...]

    4.   Le ministère public informe immédiatement notre ministre de [...] tout refus de remise communiqué avec la déclaration, visée au paragraphe 3, selon laquelle le Royaume des Pays-Bas est disposé à reprendre l’exécution du jugement étranger.

    5.   Les paragraphes 1 à 4 sont également applicables à un ressortissant étranger qui dispose d’un permis de séjour à durée indéterminée, dans la mesure où il peut être poursuivi aux Pays-Bas pour les faits qui sont à la base du MAE et dans la mesure où l’on s’attend à ce qu’il ne perde pas son droit de séjour aux Pays-Bas en conséquence d’une peine ou d’une mesure prononcée contre lui à la suite de sa remise. »

    13

    L’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la Wet wederzijdse erkenning en tenuitvoerlegging vrijheidsbenemende en voorwaardelijke sancties (loi sur la reconnaissance et l’exécution mutuelles de condamnations à des sanctions privatives de liberté assorties ou non d’un sursis), du 12 juillet 2012 (Stb. 2012, no 333, ci-après la « WETS »), laquelle met en œuvre la décision-cadre 2008/909, prévoyait :

    « En cas de refus de remise exclusivement fondé sur les dispositions de l’article 6, paragraphe 2 [...], le ministère public fait savoir à l’autorité judiciaire d’émission qu’il est disposé à prendre en charge l’exécution du jugement, en conformité avec la procédure prévue à l’article 11 de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signée à Strasbourg le 21 mars 1983, ou sur la base d’une autre convention applicable. »

    14

    Depuis l’entrée en vigueur de la WETS, l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW est libellé comme suit :

    « En cas de refus de remise exclusivement fondé sur les dispositions de l’article 6, paragraphe 2 [...], le ministère public fait savoir à l’autorité judiciaire d’émission qu’il est disposé à prendre en charge l’exécution du jugement. »

    15

    L’article 5:2 de la WETS prévoit :

    « 1.   La [WETS] se substitue à [la Wet overdracht tenuitvoerlegging strafvonnissen (loi sur le transfert de l’exécution de jugements en matière pénale)] dans les relations avec les États membres de l’Union [...].

    [...]

    3.   La [WETS] ne s’applique pas aux décisions judiciaires [...] qui sont devenues définitives avant le 5 décembre 2011.

    [...] »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    16

    Par jugement du 5 février 2007, devenu définitif le 13 juillet 2007, le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań) a prononcé contre M. Popławski, qui est ressortissant polonais, une peine privative de liberté d’un an assortie d’un sursis. Par une décision du 15 avril 2010, ce tribunal a ordonné la mise à exécution de cette peine.

    17

    Le 7 octobre 2013, ledit tribunal a émis un MAE à l’encontre de M. Popławski aux fins de l’exécution de ladite peine.

    18

    Dans le cadre de la procédure au principal, relative à l’exécution de ce MAE, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) s’est demandé s’il devait appliquer l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW, qui prévoit un motif de non-exécution automatique d’un MAE au profit, notamment, des personnes qui résident aux Pays-Bas, ce qui est le cas de M. Popławski.

    19

    Par décision du 30 octobre 2015, la juridiction de renvoi a adressé à la Cour une première demande de décision préjudicielle, dans le cadre de laquelle elle faisait observer que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, le Royaume des Pays-Bas, lorsqu’il refuse, au titre de l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW, l’exécution d’un MAE, doit faire savoir qu’il est « disposé » à prendre en charge l’exécution de la peine sur le fondement d’une convention le liant à l’État membre d’émission. Elle précisait que, conformément aux dispositions conventionnelles applicables dans les relations entre la République de Pologne et le Royaume des Pays-Bas, la prise en charge de l’exécution de la peine aux Pays-Bas devait être précédée d’une demande formulée en ce sens par la République de Pologne et que la législation polonaise s’opposait à ce qu’une telle demande soit formulée s’agissant de ressortissants polonais.

    20

    Dans cette décision, la juridiction de renvoi soulignait que, dans une telle situation, un refus de remise pourrait aboutir à l’impunité de la personne visée par le MAE. En effet, après le prononcé du jugement refusant la remise, la prise en charge de l’exécution de la peine pourrait s’avérer impossible, en raison de l’absence de demande en ce sens de la part des autorités polonaises.

    21

    La juridiction de renvoi exprimait ainsi des doutes relatifs à la conformité de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de l’OLW à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, qui ne permet de refuser la remise que si l’État membre d’exécution « s’engage » à exécuter la peine conformément à son droit interne.

    22

    Par son arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), la Cour a dit pour droit que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre mettant en œuvre cette disposition, qui, dans le cas où la remise d’un ressortissant étranger disposant d’un permis de séjour à durée indéterminée sur le territoire de cet État membre est réclamée par un autre État membre aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce ressortissant par une décision de justice devenue définitive, d’une part, n’autorise pas une telle remise et, d’autre part, se borne à prévoir l’obligation pour les autorités judiciaires du premier État membre de faire savoir aux autorités judiciaires du second État membre qu’elles sont disposées à prendre en charge l’exécution de ce jugement, sans que, à la date du refus de la remise, la prise en charge effective de l’exécution soit assurée et sans que, de surcroît, dans l’hypothèse où cette prise en charge s’avérerait par la suite impossible, un tel refus puisse être remis en cause.

    23

    Par le même arrêt, la Cour a également dit pour droit que les dispositions de la décision-cadre 2002/584 ne sont pas dotées d’effet direct. Elle a, toutefois, rappelé que la juridiction nationale compétente est tenue, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter les dispositions nationales concernées, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre, ce qui implique, en l’espèce, que, en cas de refus d’exécuter un MAE émis en vue de la remise d’une personne ayant fait l’objet, dans l’État membre d’émission, d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, les autorités judiciaires de l’État membre d’exécution ont l’obligation de garantir elles-mêmes l’exécution effective de la peine prononcée contre cette personne (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503).

    24

    Dans la décision de renvoi, la juridiction de renvoi relève qu’il ressort dudit arrêt que l’article 6, paragraphes 2, 3 et 5, de l’OLW est contraire à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584.

    25

    Selon la juridiction de renvoi, il résulte également de l’arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, selon laquelle l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 constitue la base juridique conventionnelle exigée par cette disposition nationale pour la prise en charge de l’exécution de la peine, étant entendu que cet article 4, point 6, n’exige pas, à la différence des conventions internationales applicables dans les relations avec la République de Pologne, une demande de prise en charge de la part des autorités d’émission du MAE, en l’occurrence les autorités polonaises, et que, partant, une telle interprétation de cet article 6, paragraphe 3, de l’OLW permettrait de garantir l’exécution effective de la peine privative de liberté aux Pays-Bas.

    26

    Toutefois, le Minister van Veiligheid en Justitie (ministre de la Sécurité et de la Justice, Pays-Bas) (ci-après le « ministre »), qui est l’organe compétent, en vertu du droit néerlandais, pour la prise en charge de l’exécution de la peine, a estimé que la décision-cadre 2002/584 ne constituait pas une convention, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS.

    27

    La juridiction de renvoi considère que, indépendamment du point de savoir si l’interprétation du ministre est correcte, elle ne peut, dans ces conditions, conclure que cette interprétation garantit l’exécution effective aux Pays-Bas de la peine prononcée contre M. Popławski.

    28

    La juridiction de renvoi s’interroge dès lors sur la possibilité, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, de laisser inappliquées les dispositions du droit néerlandais incompatibles avec les dispositions d’une décision-cadre, même si ces dernières sont dépourvues d’effet direct. Elle souligne que, en laissant inappliqué l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW, il n’existerait plus de motif pour refuser la remise de M. Popławski aux autorités polonaises.

    29

    La juridiction de renvoi se demande par ailleurs si l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, tel qu’il a été modifié par la WETS, peut être appliqué au litige au principal, étant entendu que, depuis cette modification, cette disposition ne renvoie plus à un fondement conventionnel pour la prise en charge effective de la peine aux Pays-Bas.

    30

    Ladite juridiction relève certes que, en vertu de l’article 5:2, paragraphe 3, de la WETS, les dispositions de celle-ci, qui transposent la décision-cadre 2008/909, ne s’appliquent pas aux décisions judiciaires qui sont devenues définitives avant le 5 décembre 2011, comme c’est le cas de la décision ayant condamné M. Popławski à une peine privative de liberté. La juridiction de renvoi souligne toutefois que l’article 5:2, paragraphe 3, de la WETS constitue la mise en œuvre de la déclaration faite par le Royaume des Pays-Bas au titre de l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 et que la Cour ne s’est pas prononcée sur la validité de cette déclaration, en particulier sur son éventuel caractère tardif, cette déclaration ayant été effectuée postérieurement à l’adoption de cette décision-cadre.

    31

    Cette juridiction souligne que, si ladite déclaration était jugée invalide, les dispositions nationales transposant la décision-cadre 2008/909, y compris l’article 6 de l’OLW, tel que modifié par la WETS, auraient vocation à s’appliquer, conformément à l’article 26 de ladite décision-cadre, à l’exécution du MAE émis à l’encontre de M. Popławski.

    32

    Toutefois, l’application de ces dispositions nationales au litige au principal supposerait que l’article 5:2, paragraphe 3, de la WETS puisse être interprété conformément à la décision-cadre 2008/909 et, dans le cas contraire, que cette juridiction puisse écarter l’application de cette disposition en vertu du principe de primauté du droit de l’Union. En outre, il conviendrait de vérifier que, dans le cas d’un refus de remise, fondé sur l’article 6 de l’OLW, tel que modifié par la WETS, l’exécution effective de la peine aux Pays-Bas serait assurée.

    33

    Dans l’affirmative, la remise de M. Popławski pourrait être refusée et la peine pourrait être exécutée aux Pays-Bas, conformément à l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW et à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584.

    34

    Dans ces conditions, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    Si l’autorité judiciaire d’exécution ne peut interpréter les dispositions nationales adoptées en exécution d’une décision-cadre de sorte que leur application aboutisse à un résultat conforme à la décision-cadre, est-elle tenue, en vertu du principe de primauté, de laisser inappliquées les dispositions nationales incompatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre ?

    2)

    La déclaration d’un État membre visée à l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 est-elle valable si elle n’a pas été présentée “lors de l’adoption de la présente décision-cadre”, mais à une date ultérieure ? »

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la seconde question

    35

    Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 doit être interprété en ce sens qu’une déclaration faite, au titre de cette disposition, par un État membre, postérieurement à la date d’adoption de ladite décision-cadre, peut produire des effets juridiques.

    36

    Selon son article 3, paragraphe 1, la décision-cadre 2008/909 vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation prononcée par une juridiction d’un autre État membre. Il découle de l’article 25 de cette décision-cadre que celle-ci s’applique, mutatis mutandis dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles de la décision-cadre 2002/584, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6, de cette dernière décision-cadre.

    37

    Conformément à son article 26, la décision-cadre 2008/909 remplace, à partir du 5 décembre 2011, les dispositions des conventions relatives au transfèrement des personnes condamnées, qui sont visées par cet article, applicables dans les relations entre les États membres. Il ressort encore de l’article 28, paragraphe 1, de ladite décision-cadre que les demandes de reconnaissance et d’exécution d’un jugement de condamnation reçues à partir du 5 décembre 2011 sont régies, non plus par les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées, mais par les règles adoptées par les États membres en exécution de la même décision-cadre.

    38

    L’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 permet toutefois à tout État membre de faire, lors de l’adoption de cette décision-cadre, une déclaration par laquelle il indique qu’il continuera à appliquer, en tant qu’État d’émission et d’exécution, les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées, applicables avant le 5 décembre 2011, dans les cas où le jugement définitif de condamnation a été prononcé avant la date que cet État membre fixe, pour autant que cette date n’est pas postérieure au 5 décembre 2011. Lorsqu’un État membre procède à une telle déclaration, lesdits instruments s’appliquent dans les cas visés par cette déclaration à tous les autres États membres, que ceux-ci aient fait ou non la même déclaration.

    39

    La décision-cadre 2008/909 a été adoptée le 27 novembre 2008. Le 24 mars 2009, le Royaume des Pays-Bas a communiqué au Conseil une déclaration , au titre de l’article 28, paragraphe 2, de cette décision-cadre (JO 2009, L 265, p. 41), par laquelle cet État membre a indiqué qu’il appliquerait les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées, applicables avant le 5 décembre 2011, pour tous les cas où le jugement définitif de condamnation serait prononcé avant cette date.

    40

    Il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi que, après le dépôt de la demande de décision préjudicielle examinée dans le cadre de la présente affaire, cette déclaration fut retirée par le Royaume des Pays-Bas avec effet au 1er juin 2018. Néanmoins, la juridiction de renvoi a estimé qu’il était nécessaire de maintenir sa seconde question, au motif notamment que la République de Pologne avait, elle-même, fait une déclaration au titre de l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 postérieurement à la date d’adoption de cette décision-cadre, si bien que ladite déclaration pourrait également présenter un caractère tardif.

    41

    À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

    42

    Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

    43

    Or, en l’occurrence, malgré le retrait de la déclaration faite, au titre de l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909, par le Royaume des Pays-Bas, les conditions pouvant conduire la Cour à refuser de statuer sur la question posée ne sont pas remplies.

    44

    En effet, il suffit de relever que la question de savoir si la déclaration faite par la République de Pologne produit des effets juridiques peut revêtir une importance dans le cadre du litige en cause au principal dès lors que, conformément à l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909, une telle déclaration oblige les autres États membres, dans leurs relations avec la République de Pologne, à continuer à appliquer, dans les cas fixés par ladite déclaration, les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées applicables avant le 5 décembre 2011.

    45

    Quant au fond, il convient de souligner que l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 déroge au régime général consacré à l’article 28, paragraphe 1, de cette décision-cadre, et que la mise en œuvre de cette dérogation est, de surcroît, confiée unilatéralement à chaque État membre. Il s’ensuit que cette disposition doit recevoir une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, van Vemde, C‑582/15, EU:C:2017:37, point 30).

    46

    Or, il ressort du libellé même de cette disposition que la déclaration qu’elle vise doit être introduite par l’État membre à la date de l’adoption de ladite décision-cadre. Il s’ensuit qu’une déclaration faite postérieurement à cette date ne respecte pas les conditions expressément prévues par le législateur de l’Union pour que cette déclaration produise des effets juridiques.

    47

    Une telle interprétation est corroborée par l’économie générale de la décision-cadre 2008/909. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, lorsque le législateur de l’Union a souhaité permettre qu’une déclaration puisse être faite, non seulement lors de l’adoption de cette décision-cadre, mais aussi ultérieurement, une telle faculté a été prévue de manière expresse par ladite décision-cadre, comme l’illustrent l’article 4, paragraphe 7, ainsi que l’article 7, paragraphe 4, de celle-ci.

    48

    Il convient encore de relever que, contrairement à ce que soutient le gouvernement néerlandais dans ses observations écrites, la simple manifestation, par un État membre, à la date d’adoption de la décision-cadre 2008/909 ou à un stade antérieur de l’élaboration de celle-ci, de son intention de faire une déclaration conformément à l’article 28, paragraphe 2, de cette décision-cadre, n’équivaut pas à une déclaration au sens de cette disposition. En effet, une telle déclaration, contrairement à la simple déclaration d’intention, doit faire apparaître, sans ambiguïté, la date de prononcé des jugements définitifs de condamnation que l’État membre concerné entend faire échapper à l’application de ladite décision-cadre.

    49

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909 doit être interprété en ce sens qu’une déclaration faite, au titre de cette disposition, par un État membre, postérieurement à la date d’adoption de cette décision-cadre, ne peut produire d’effets juridiques.

    Sur la première question

    50

    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction d’un État membre de laisser inappliquée une disposition du droit de cet État incompatible avec des dispositions d’une décision-cadre.

    51

    Il ressort du dossier soumis à la Cour que la juridiction de renvoi s’interroge, plus particulièrement, sur la possibilité d’écarter l’application de dispositions nationales qu’elle juge contraires aux décisions-cadres 2002/584 et 2008/909.

    52

    Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler, en premier lieu, que le droit de l’Union se caractérise par le fait d’être issu d’une source autonome, constituée par les traités, par sa primauté par rapport aux droits des États membres ainsi que par l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes. Ces caractéristiques essentielles du droit de l’Union ont donné lieu à un réseau structuré de principes, de règles et de relations juridiques mutuellement interdépendantes liant, réciproquement, l’Union elle-même et ses États membres ainsi que ceux-ci entre eux (voir, notamment, avis 2/13, du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, points 166 et 167 ; arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 45, et avis 1/17, du 30 avril 2019, EU:C:2019:341, point 109).

    53

    Le principe de primauté du droit de l’Union consacre la prééminence du droit de l’Union sur le droit des États membres (arrêt du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, EU:C:1964:66, p. 1159 et 1160).

    54

    Ce principe impose dès lors à toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux différentes normes de l’Union, le droit des États membres ne pouvant affecter l’effet reconnu à ces différentes normes sur le territoire desdits États (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 59, et du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 39).

    55

    À cet égard, il y a lieu de relever que le principe d’interprétation conforme du droit interne, en vertu duquel la juridiction nationale est tenue de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, est inhérent au système des traités, en ce qu’il permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie (arrêts du 19 décembre 2013, Koushkaki, C‑84/12, EU:C:2013:862, points 75 et 76 ; du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 59, et du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 31).

    56

    De même, la pleine efficacité des normesdu droit de l’Union serait mise en cause et la protection des droits qu’elles reconnaissent serait affaiblie si les particuliers n’avaient pas la possibilité d’obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du droit de l’Union imputable à un État membre (arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 33).

    57

    Il résulte de ce qui précède que, afin de garantir l’effectivité de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, le principe de primauté impose, notamment, aux juridictions nationales d’interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l’Union et de reconnaître aux particuliers la possibilité d’obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du droit de l’Union imputable à un État membre.

    58

    C’est également en vertu du principe de primauté que, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

    59

    Cela étant, il convient encore de tenir compte des autres caractéristiques essentielles du droit de l’Union et, plus particulièrement, de la reconnaissance d’un effet direct à une partie seulement des dispositions de ce droit.

    60

    Le principe de primauté du droit de l’Union ne saurait dès lors aboutir à remettre en cause la distinction essentielle entre les dispositions du droit de l’Union disposant d’un effet direct et celles qui en sont dépourvues, ni, partant, à instaurer un régime unique d’application de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union par les juridictions nationales.

    61

    À cet égard, il y a lieu de souligner que tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à une disposition de droit de l’Union qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 55 et jurisprudence citée ; du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 41, ainsi que du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth, C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, point 75).

    62

    En revanche, une disposition du droit de l’Union qui est dépourvue d’effet direct ne peut être invoquée, en tant que telle, dans le cadre d’un litige relevant du droit de l’Union, afin d’écarter l’application d’une disposition de droit national qui y serait contraire.

    63

    Ainsi, le juge national n’est pas tenu, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec une disposition de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, comme son article 27, est dépourvue d’effet direct (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, points 46 à 48).

    64

    De même, l’invocation d’une disposition d’une directive qui n’est pas suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour se voir reconnaître un effet direct ne peut aboutir, sur le seul fondement du droit de l’Union, à ce que l’application d’une disposition nationale soit écartée par une juridiction d’un État membre (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 41 ; du 6 mars 2014, Napoli, C‑595/12, EU:C:2014:128, point 50 ; du 25 juin 2015, Indėlių ir investicijų draudimas et Nemaniūnas, C‑671/13, EU:C:2015:418, point 60, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, points 51 et 52).

    65

    En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations à l’égard d’un particulier, et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci devant une juridiction nationale (voir, notamment, arrêts du 26 septembre 1996, Arcaro, C‑168/95, EU:C:1996:363, point 36 et jurisprudence citée ; du 17 juillet 2008, Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, EU:C:2008:426, point 35, ainsi que du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 72 et jurisprudence citée).

    66

    En effet, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, le caractère contraignant d’une directive, sur lequel est fondée la possibilité d’invoquer celle-ci, n’existe qu’à l’égard de « tout État membre destinataire » et que l’Union n’a le pouvoir d’édicter, de manière générale et abstraite, avec effet immédiat des obligations à la charge des particuliers que là où lui est attribué le pouvoir d’adopter des règlements (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2013, Portgás, C‑425/12, EU:C:2013:829, point 22, et du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 72).

    67

    Il découle de ce qui précède que, même claire, précise et inconditionnelle, une disposition d’une directive ne permet pas au juge national d’écarter une disposition de son droit interne qui y est contraire, si, ce faisant, une obligation supplémentaire venait à être imposée à un particulier (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 72 et 73 ; du 17 juillet 2008, Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, EU:C:2008:426, points 35 à 44 ; du 27 février 2014, OSA, C‑351/12, EU:C:2014:110, points 46 et 47 ; du 7 août 2018, Smith, C‑122/17, EU:C:2018:631, point 49, ainsi que du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 73).

    68

    Comme le confirme la jurisprudence rappelée aux points 64 à 67 du présent arrêt, l’obligation, pour une juridiction nationale, de laisser inappliquée une disposition de son droit interne, contraire à une disposition du droit de l’Union, si elle découle de la primauté reconnue à cette dernière disposition, est néanmoins conditionnée par l’effet direct de ladite disposition dans le litige dont cette juridiction est saisie. Partant, une juridiction nationale n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition de son droit national contraire à une disposition du droit de l’Union si cette dernière disposition est dépourvue d’effet direct.

    69

    Il convient de relever, en deuxième lieu, que tant la décision-cadre 2002/584 que la décision-cadre 2008/909 sont dépourvues d’effet direct. En effet, ces décisions-cadres ont été adoptées sur le fondement de l’ancien troisième pilier de l’Union, notamment, en application de l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE. Or, cette disposition prévoyait, d’une part, que les décisions-cadres lient les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens et, d’autre part, que les décisions-cadres ne peuvent entraîner d’effet direct (arrêts du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 56, et du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 26).

    70

    À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, annexé aux traités, les effets juridiques des actes des institutions, des organes et des organismes de l’Union adoptés sur la base du traité UE avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne sont préservés aussi longtemps que ces actes n’auront pas été abrogés, annulés ou modifiés en application des traités. Les décisions-cadres 2002/584 et 2008/909 n’ayant pas fait l’objet d’une telle abrogation, annulation ou modification, celles-ci continuent donc de produire leurs effets juridiques conformément à l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 57).

    71

    Lesdites décisions-cadres étant dépourvues d’effet direct en vertu du traité UE lui-même, il résulte du point 68 du présent arrêt qu’une juridiction d’un État membre n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, d’écarter l’application d’une disposition de son droit national contraire à ces décisions-cadres.

    72

    Il y a lieu de rappeler, en troisième lieu, que, si les décisions-cadres ne peuvent produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne néanmoins dans le chef des autorités nationales une obligation d’interprétation conforme de leur droit interne à partir de la date d’expiration du délai de transposition de ces décisions-cadres (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, points 58 et 61).

    73

    En appliquant le droit national, ces autorités sont donc tenues d’interpréter celui-ci, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, EU:C:2005:386, point 43 ; du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva Jorge, C‑42/11, EU:C:2012:517, point 54 ; du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 59, et du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 31).

    74

    Le principe d’interprétation conforme du droit national connaît toutefois certaines limites.

    75

    Ainsi, les principes généraux du droit, en particulier les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, s’opposent notamment à ce que l’obligation d’interprétation conforme puisse conduire à déterminer ou à aggraver, sur le fondement d’une décision-cadre et indépendamment d’une loi prise pour la mise en œuvre de celle-ci, la responsabilité pénale de ceux qui ont commis une infraction (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, points 63 et 64, ainsi que du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 32).

    76

    De même, le principe d’interprétation conforme ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 33 et jurisprudence citée). En d’autres termes, l’obligation d’interprétation conforme cesse lorsque le droit national ne peut pas recevoir une application telle qu’il aboutit à un résultat compatible avec celui visé par la décision-cadre concernée (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 66).

    77

    Cela étant, le principe d’interprétation conforme requiert de prendre en considération l’ensemble du droit interne et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la décision-cadre concernée et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva Jorge, C‑42/11, EU:C:2012:517, point 56 ; du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 34, et du 12 février 2019, TC, C‑492/18 PPU, EU:C:2019:108, point 68).

    78

    Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que l’obligation d’interprétation conforme impose aux juridictions nationales de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit interne incompatible avec les objectifs d’une décision-cadre et de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute interprétation retenue par une juridiction supérieure qui s’imposerait à elle, en vertu de son droit national, si cette interprétation n’est pas compatible avec la décision-cadre concernée (voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 33, ainsi que du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, points 35 et 36).

    79

    Partant, une juridiction nationale ne saurait valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition nationale en conformité avec le droit de l’Union en raison du seul fait que cette disposition a, de manière constante, été interprétée dans un sens qui n’est pas compatible avec ce droit (arrêts du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 69, et du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C‑684/16, EU:C:2018:874, point 60) ou est appliquée d’une telle manière par les autorités nationales compétentes.

    80

    S’agissant, en l’occurrence, de l’obligation d’interpréter le droit néerlandais et, plus particulièrement, l’OLW de manière conforme à la décision-cadre 2002/584, il convient de relever ce qui suit.

    81

    Au point 37 de son arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), la Cour a constaté que l’obligation pour le juge national d’assurer la pleine effectivité de la décision-cadre 2002/584 entraîne pour le Royaume des Pays-Bas l’obligation d’exécuter le MAE en cause au principal ou, en cas de refus, celle de garantir aux Pays-Bas l’exécution effective de la peine prononcée en Pologne à l’encontre de M. Popławski.

    82

    En effet, il y a lieu de rappeler que l’impunité de la personne recherchée serait incompatible avec l’objectif poursuivi tant par la décision-cadre 2002/584 (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 23, et du 13 décembre 2018, Sut, C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 47) que par l’article 3, paragraphe 2, TUE, selon lequel l’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière, notamment, de contrôle des frontières extérieures, de prévention de la criminalité ou de lutte contre ce phénomène [arrêt du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie), C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589, point 86].

    83

    La Cour a également souligné que l’obligation visée au point 81 du présent arrêt n’ayant aucune incidence sur la détermination de la responsabilité pénale de M. Popławski, qui découle du jugement prononcé le 5 février 2007 contre lui par le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań), elle ne saurait a fortiori être considérée comme entraînant une aggravation de cette responsabilité, au sens du point 75 du présent arrêt (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 37).

    84

    Il ressort du dossier soumis à la Cour que la juridiction de renvoi paraît exclure, sauf à recourir à une interprétation contra legem, que l’OLW puisse être appliquée de telle manière que le MAE en cause au principal soit exécuté et que M. Popławski soit remis aux autorités judiciaires polonaises.

    85

    Partant, si une interprétation du droit national aboutissant à l’exécution du MAE émis à l’encontre de M. Popławski s’avère effectivement impossible, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il incombe encore à cette dernière d’interpréter la réglementation néerlandaise pertinente et, en particulier, l’article 6 de l’OLW, sur le fondement duquel la remise de M. Popławski aux autorités polonaises serait refusée, dans toute la mesure du possible, de manière à ce que l’application de cette réglementation permette, par la prise en charge effective aux Pays-Bas de la peine prononcée à l’encontre de M. Popławski, d’éviter l’impunité de ce dernier et d’aboutir ainsi à une solution compatible avec l’objectif poursuivi par la décision-cadre 2002/584, tel qu’il a été rappelé au point 82 du présent arrêt.

    86

    À cet égard, comme la Cour l’a souligné au point 23 de son arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), une réglementation d’un État membre qui, comme l’article 6 de l’OLW, met en œuvre le motif de non-exécution facultative d’un MAE aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté contenu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, en prévoyant que les autorités judiciaires de cet État sont en tout état de cause tenues de refuser l’exécution d’un MAE dans l’hypothèse où la personne recherchée réside dans ledit État, sans que ces autorités jouissent d’une quelconque marge d’appréciation et sans que ce même État s’engage à faire exécuter effectivement la peine privative de liberté prononcée contre cette personne recherchée, créant ainsi un risque d’impunité de ladite personne, ne saurait être considérée comme étant conforme à cette décision-cadre.

    87

    Dans ces conditions, il y a lieu de rappeler que la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, peut apporter des précisions visant à guider la juridiction de renvoi et lui indiquer quelle interprétation du droit national satisferait à son obligation d’interpréter celui-ci conformément au droit de l’Union (arrêt du 17 octobre 2018, Klohn, C‑167/17, EU:C:2018:833, point 68).

    88

    En l’occurrence, s’agissant, tout d’abord, de l’obligation, imposée par l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 et rappelée au point 86 du présent arrêt, d’assurer, en cas de refus d’exécution du MAE, la prise en charge effective par l’État membre d’exécution de la peine privative de liberté, il convient de relever que cette obligation présuppose un véritable engagement de cet État à exécuter la peine privative de liberté prononcée contre la personne recherchée, si bien que, en tout état de cause, la seule circonstance que cet État se déclare « disposé » à faire exécuter cette peine ne saurait être considérée comme étant de nature à justifier un tel refus. Il s’ensuit que tout refus d’exécuter un MAE doit être précédé de la vérification, par l’autorité judiciaire d’exécution, de la possibilité d’exécuter réellement la peine conformément à son droit interne (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 22).

    89

    Or, il ressort du point 38 de l’arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503), que, selon la juridiction de renvoi, la déclaration par laquelle l’Openbaar Ministerie (ministère public, Pays-Bas) fait savoir à l’autorité judiciaire d’émission qu’il est disposé, en application de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, à prendre en charge l’exécution de la peine à la base du MAE en cause au principal ne saurait être interprétée comme constituant un véritable engagement du Royaume des Pays-Bas à exécuter cette peine, à moins que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 puisse être considéré comme un fondement juridique conventionnel au sens dudit article 6, paragraphe 3, pour l’exécution effective d’une telle peine aux Pays-Bas.

    90

    Bien qu’il appartienne à la seule juridiction de renvoi d’apprécier si le droit néerlandais est susceptible d’être interprété en ce sens que la décision-cadre 2002/584 est assimilable à un tel fondement juridique conventionnel, aux fins de l’application de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, la Cour a déjà jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une telle assimilation.

    91

    En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, selon les considérants 5, 7 et 11 de la décision-cadre 2002/584 ainsi que son article 1er, paragraphes 1 et 2, cette décision-cadre remplace, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition, y compris les conventions ayant existé à cet égard entre les différents États membres. En outre, ladite décision-cadre coexistant, tout en ayant un régime juridique propre défini par le droit de l’Union, avec les conventions d’extradition liant les différents États membres aux États tiers, une assimilation de la décision-cadre 2002/584 à une telle convention ne paraît pas d’emblée exclue [voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 41, et du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 39].

    92

    D’autre part, la Cour a également jugé que la décision-cadre 2002/584 ne contient aucune disposition permettant de conclure qu’elle s’opposerait à ce que les termes « une autre convention applicable », figurant à l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, soient interprétés en ce sens qu’ils couvrent également l’article 4, point 6, de cette décision-cadre, dès lors qu’une telle interprétation permettrait de garantir que la faculté de l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter le MAE ne soit exercée qu’à la condition d’assurer l’exécution effective aux Pays-Bas de la peine prononcée contre M. Popławski et d’aboutir ainsi à une solution conforme à la finalité poursuivie par ladite décision-cadre (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 42).

    93

    Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi confirme qu’une telle assimilation permettrait, selon l’interprétation qu’elle fait du droit néerlandais, de garantir que la peine à laquelle a été condamné M. Popławski soit effectivement exécutée aux Pays-Bas. Elle relève néanmoins que le ministre, appelé à intervenir dans la procédure en cause au principal en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de l’OLW, estime que la décision-cadre 2002/584 ne peut pas constituer une convention au sens de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS.

    94

    À cet égard, il convient, d’une part, de rappeler que, comme il a été souligné au point 72 du présent arrêt, l’obligation d’interpréter le droit national d’une manière conforme à la décision-cadre 2002/584 s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, en l’occurrence, au ministre. Ce dernier est donc tenu, tout comme les autorités juridictionnelles, d’interpréter le droit néerlandais, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre, afin de permettre que, par la prise en charge aux Pays-Bas de la peine prononcée contre M. Popławski, l’effectivité de la décision-cadre 2002/584 soit préservée, ce que garantit l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, rappelée au point 92 du présent arrêt.

    95

    D’autre part, la circonstance qu’une interprétation de la loi nationale incompatible avec le droit de l’Union serait soutenue par le ministre ne fait en aucun cas obstacle à l’obligation d’interprétation conforme qui pèse sur le juge de renvoi.

    96

    Il en va d’autant plus ainsi que la décision-cadre 2002/584 instaure un mécanisme de coopération entre les autorités judiciaires des États membres et que la décision relative à l’exécution d’un MAE doit être prise par une autorité judiciaire qui satisfait aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, dont fait partie la garantie d’indépendance, de sorte que toute la procédure prévue par cette décision-cadre soit exercée sous contrôle judiciaire [voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 56]. Il s’ensuit que, le ministre n’étant pas une autorité judiciaire, au sens de ladite décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Kovalkovas, C‑477/16 PPU, EU:C:2016:861, point 45), la décision relative à l’exécution du MAE délivré à l’encontre de M. Popławski ne saurait dépendre de l’interprétation que le ministre donne de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW.

    97

    Dès lors, la juridiction de renvoi ne saurait, dans l’affaire au principal, valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter ledit article 6, paragraphe 3, en conformité avec le droit de l’Union, en raison du seul fait que cette disposition a été interprétée, par le ministre, dans un sens qui n’est pas compatible avec ce droit (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 69).

    98

    Il résulte de ce qui précède que, si la juridiction de renvoi parvient à la conclusion que la décision-cadre 2002/584 peut être assimilée, conformément aux méthodes d’interprétation reconnues en droit néerlandais, à une convention, aux fins de l’application de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la WETS, elle est tenue d’appliquer cette disposition, ainsi interprétée, au litige en cause au principal, sans avoir égard au fait que le ministre s’oppose à une telle interprétation.

    99

    S’agissant, ensuite, de l’obligation, imposée par l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 et rappelée au point 86 du présent arrêt, d’assurer une marge d’appréciation à l’autorité judiciaire d’exécution dans la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative d’un MAE prévue à cette disposition, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que cette autorité doit pouvoir tenir compte de l’objectif poursuivi par le motif de non-exécution facultative énoncé à cette disposition, qui consiste, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, à permettre à l’autorité judiciaire d’exécution d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée (arrêt du 29 juin 2017, Popławski, C‑579/15, EU:C:2017:503, point 21).

    100

    Il s’ensuit que la faculté conférée à l’autorité judiciaire d’exécution de refuser, sur la base dudit article 4, point 6, la remise de la personne recherchée ne peut être mise en œuvre que si cette autorité, après avoir vérifié, d’une part, que cette personne demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et, d’autre part, que la peine privative de liberté prononcée par l’État membre d’émission contre cette personne peut être effectivement exécutée dans l’État membre d’exécution, estime qu’il existe un intérêt légitime justifiant que la peine infligée dans l’État membre d’émission soit exécutée sur le territoire de l’État membre d’exécution (arrêt du 13 décembre 2018, Sut, C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 37).

    101

    Il incombe dès lors, à titre principal, à la juridiction de renvoi d’interpréter son droit national, dans toute la mesure du possible, d’une manière conforme à l’exigence rappelée au point précédent.

    102

    À tout le moins, cette juridiction devrait retenir une interprétation de son droit national qui lui permette d’aboutir à une solution qui, dans l’affaire au principal, ne soit pas contraire à l’objectif poursuivi par la décision-cadre 2002/584. En effet, l’obligation d’interprétation conforme perdure tant que le droit national peut recevoir une application telle qu’il aboutit à un résultat compatible avec celui visé par cette décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 66).

    103

    À cet égard, il ressort des conditions qui entourent la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative d’un MAE, prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, que le législateur de l’Union a voulu éviter tout risque d’impunité de la personne recherchée (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Sut, C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 47), en adéquation avec l’objectif général de ladite décision-cadre, tel qu’il a été souligné au point 82 du présent arrêt.

    104

    Or, une interprétation de l’article 6 de l’OLW, en vertu de laquelle le juge de renvoi ne peut, en aucun cas, exécuter le MAE délivré à l’encontre de M. Popławski, ne fait pas nécessairement obstacle à ce que tout risque d’impunité dans le chef de M. Popławski soit écarté et à ce que, partant, tant la finalité poursuivie par ladite décision-cadre que l’obligation qu’elle impose, en l’occurrence au Royaume des Pays-Bas, telles qu’elles ont été rappelées aux points 81 et 82 du présent arrêt, soient satisfaites.

    105

    En revanche, exiger, afin que l’interprétation de l’article 6 de l’OLW soit considérée comme conforme au droit de l’Union, que cette disposition donne une marge d’appréciation au juge de renvoi, autorisant celui-ci à exécuter le MAE émis à l’encontre de M. Popławski s’il estime qu’aucun intérêt légitime ne justifie que la peine à laquelle il a été condamné soit exécutée aux Pays-Bas, risquerait, si le droit national ne pouvait être interprété conformément à une telle exigence, de rendre impossible, compte tenu de l’absence d’effet direct de la décision-cadre 2002/584, non seulement la remise de M. Popławski aux autorités judiciaires polonaises, mais aussi l’exécution effective de sa peine aux Pays-Bas.

    106

    Or, un tel résultat consacrerait l’impunité de la personne recherchée et serait en contradiction avec la finalité poursuivie par la décision-cadre 2002/584 et l’obligation qu’elle impose en l’occurrence aux Pays-Bas, telles qu’elles ont été rappelées aux points 81 et 82 du présent arrêt.

    107

    Dans de telles circonstances, il y a lieu de considérer que la juridiction de renvoi retiendrait une interprétation du droit néerlandais conforme aux objectifs poursuivis par la décision-cadre 2002/584 en interprétant ce droit de telle sorte que le refus d’exécuter le MAE en cause au principal, émis par la République de Pologne, soit subordonné à la garantie que la peine privative de liberté à laquelle a été condamné M. Popławski sera effectivement exécutée aux Pays-Bas, et ce même si ledit droit prévoit que ce refus intervient de manière automatique.

    108

    Eu égard aux éléments fournis dans la décision de renvoi, une telle interprétation conforme du droit néerlandais à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 semble possible et, partant, l’exécution aux Pays-Bas de la peine privative de liberté à laquelle M. Popławski a été condamné en Pologne paraît permise, ce qu’il incombe cependant à la juridiction de renvoi de vérifier.

    109

    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec des dispositions d’une décision-cadre, telle que les décisions-cadres en cause au principal, dont les effets juridiques sont préservés conformément à l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, annexé aux traités, ces dispositions étant dépourvues d’effet direct. Les autorités des États membres, en ce compris les juridictions, sont néanmoins tenues de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme de leur droit national qui leur permet d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par la décision-cadre concernée.

    Sur les dépens

    110

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

     

    1)

    L’article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’une déclaration faite, au titre de cette disposition, par un État membre, postérieurement à la date d’adoption de cette décision-cadre, ne peut produire d’effets juridiques.

     

    2)

    Le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec des dispositions d’une décision-cadre, telle que les décisions-cadres en cause au principal, dont les effets juridiques sont préservés conformément à l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, annexé aux traités, ces dispositions étant dépourvues d’effet direct. Les autorités des États membres, en ce compris les juridictions, sont néanmoins tenues de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme de leur droit national qui leur permet d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par la décision-cadre concernée.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

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