Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62016CO0512

    Ordonnance du vice-président de la Cour du 1er mars 2017.
    Agence européenne des médicaments (EMA) contre MSD Animal Health Innovation GmbH et Intervet international BV.
    Pourvoi – Ordonnance de référé – Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Directive 2001/82/CE – Règlement (CE) no 726/2004 – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) soumis dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament vétérinaire – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Sursis à l’exécution de cette décision – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts.
    Affaire C-512/16 P(R).

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:149

    Édition provisoire

    ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

    1er mars 2017 (*)

    « Pourvoi – Ordonnance de référé – Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Directive 2001/82/CE – Règlement (CE) no 726/2004 – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) soumis dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament vétérinaire – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Sursis à l’exécution de cette décision – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts »

    Dans l’affaire C‑512/16 P(R),

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 septembre 2016,

    Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par MM. S. Marino, A. Spina, T. Jabłoński et A. Rusanov ainsi que par Mme N. Rampal Olmedo, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant :

    MSD Animal Health Innovation GmbH, établie à Schwabenheim (Allemagne),

    Intervet international BV, établie à Boxmeer (Pays-Bas),

    représentées par Mme J. Stratford, QC, Mme C. Thomas, barrister, Me P. Bogaert, advocaat, ainsi que par M. B. Kelly et Mme H. Billson, solicitors,

    parties demanderesses en première instance,

    LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

    l’avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, l’Agence européenne des médicaments (EMA) demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 20 juillet 2016, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA (T‑729/15 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2016:435), par laquelle celui-ci a ordonné le sursis à l’exécution de la décision EMA/785809/2015 de l’EMA, du 25 novembre 2015, accordant à un tiers, en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès à certains documents soumis dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament vétérinaire Bravecto (ci-après la « décision litigieuse »).

     Les antécédents du litige et l’ordonnance attaquée

    2        L’article 5 de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2001, L 311, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 596/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009(JO 2009, L 188, p. 14) (ci-après la « directive 2001/82 »), dispose qu’aucun médicament vétérinaire ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») n’ait été accordée par les autorités compétentes de cet État membre conformément à cette directive ou par la Commission européenne selon la procédure centralisée prévue par le règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1027/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 316, p. 38) (ci-après le « règlement no 726/2004 »).

    3        Cette dernière procédure implique la présentation, par la société pharmaceutique intéressée, d’une demande d’AMM, qui donne lieu à un avis de l’EMA, puis à une décision de la Commission.

    4        Conformément aux dispositions combinées de l’article 31 du règlement no 726/2004 et de l’article 12 de la directive 2001/82, cette demande doit comporter, notamment, un dossier qualitatif comprenant des précisions sur les composants du médicament et une description du mode de fabrication, ainsi que les résultats des essais non cliniques, des essais d’innocuité – y compris des essais toxicologiques –, des essais sur les résidus, des essais cliniques et des essais précliniques à l’appui de l’usage thérapeutique auquel le médicament est destiné.

    5        En vertu de l’article 38, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, l’EMA, après avoir examiné la demande d’AMM, publie le rapport européen public d’évaluation du médicament à usage vétérinaire (ci-après l’« EPAR »), contenant un résumé compréhensible pour le public des caractéristiques du médicament, avec les motifs de son avis, après suppression de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale.

    6        Selon l’article 73, premier alinéa, du règlement no 726/2004, le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA. L’article 80 de ce premier règlement prévoit par ailleurs que cette agence adopte des règles concernant la mise à la disposition du public d’informations réglementaires, scientifiques ou techniques relatives à l’autorisation et à la surveillance des médicaments qui ne présentent pas de caractère confidentiel. Ainsi, au mois de décembre 2006, l’EMA a adopté des règles de mise en œuvre du règlement no 1049/2001.

    7        Au mois de novembre 2010, l’EMA a modifié sa politique relative à l’accès à ses documents afin de renforcer la transparence de son fonctionnement. Cette nouvelle politique prévoit, notamment, que des documents soumis à l’EMA dans le cadre d’une demande d’AMM peuvent être divulgués à partir du moment où le processus décisionnel relatif à cette demande est finalisé.

    8        Intervet international BV (ci-après « Intervet ») est titulaire d’une AMM, délivrée par la Commission le 11 février 2014, pour des comprimés à croquer de Bravecto, médicament vétérinaire utilisé dans le traitement des infestations des chiens par les tiques et les puces. Dans le cadre de sa demande d’AMM, Intervet avait soumis à l’EMA, sous la forme de rapports détaillés d’essais non-cliniques, cinq essais toxicologiques sponsorisés par MSD Animal Health Innovation GmbH (ci-après « MSD »), qui fait partie du même groupe de sociétés qu’Intervet.

    9        Au mois d’août 2015, l’EMA a informé MSD qu’elle avait reçu une demande émanant d’une société pharmaceutique et visant à obtenir l’accès à ces cinq rapports d’essais toxicologiques sur le fondement du règlement no 1049/2001. Dès lors qu’elle envisageait d’en divulguer trois (ci-après les « rapports litigieux »), l’EMA a invité MSD à lui communiquer ses éventuelles propositions d’occultation des documents. En réponse, tout en estimant que chaque rapport litigieux était protégé dans son intégralité par une présomption générale de confidentialité, cette dernière a occulté les passages qu’elle considérait comme confidentiels. L’EMA a informé MSD qu’elle acceptait certaines des propositions d’occultation, tout en en rejetant la grande majorité, au motif que MSD n’avait pas démontré que la divulgation desdits rapports eût nuit à ses intérêts économiques, à sa position concurrentielle ou au processus décisionnel, et qu’il existait donc une présomption générale en faveur de cette divulgation.

    10      Par conséquent, le 25 novembre 2015, l’EMA a, par la décision litigieuse, accordé au tiers demandeur l’accès à l’intégralité des rapports litigieux, en expurgeant certains passages de ceux-ci concernant, notamment, des éléments relatifs aux intervalles de concentration des substances actives et à la norme de référence interne utilisée pour les essais analytiques ainsi que des références aux projets de développement futurs de MSD et d’Intervet.

    11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2015, ces dernières ont introduit un recours en annulation de cette décision.

    12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, elles ont également introduit une demande en référé, dans laquelle elles demandaient, en substance, au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la décision litigieuse et d’ordonner à l’EMA de s’abstenir de toute forme de divulgation des rapports litigieux.

    13      L’EMA a demandé au président du Tribunal de rejeter cette demande.

    14      Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision litigieuse et a enjoint à l’EMA de ne pas divulguer ces rapports.

    15      Le président du Tribunal a en effet considéré, en premier lieu, que le caractère confidentiel des rapports litigieux, pris dans leur intégralité, ne faisait pas manifestement défaut et qu’il y avait, dès lors, lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris en ce qui concerne le moyen fondé sur ce caractère confidentiel, tiré d’une violation de l’article 339 TFUE, de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. En deuxième lieu, il a estimé que la balance des intérêts en présence penchait en faveur de l’octroi des mesures provisoires demandées, l’intérêt du public à la transparence défendu par l’EMA étant suffisamment satisfait, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours au fond, par la publication du résumé des caractéristiques du médicament Bravecto, de la notice destinée à l’utilisateur et de l’EPAR. En troisième lieu, le président du Tribunal a estimé, eu égard au préjudice que la divulgation des rapports litigieux occasionnerait à MSD et à Intervet, que la condition tenant à l’urgence était également remplie.

     La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    16      Par son pourvoi, l’EMA demande, en substance, à la Cour :

    –        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

    –        de rejeter la demande de mesures provisoires visant au sursis à l’exécution de la décision litigieuse, et

    –        de condamner MSD et Intervet aux dépens, y compris ceux afférant à la procédure devant le Tribunal.

    17      MSD et Intervet demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner l’EMA aux dépens.

     Sur le pourvoi

    18      L’EMA soulève deux moyens de pourvoi. Le premier est tiré de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation des faits et, le second, d’erreurs de droit dans l’appréciation de l’existence d’un fumus boni juris, de l’urgence et de la condition tenant à la mise en balance des intérêts.

     Sur le premier moyen

     Argumentation des parties

    19      Malgré la lecture très difficile de la requête en pourvoi, il peut être déduit de celle-ci que l’EMA soulève essentiellement trois arguments au soutien de son premier moyen de pourvoi.

    20      En premier lieu, elle soutient que les points 51 et 52 de l’ordonnance attaquée laissent entendre, à tort, qu’elle a procédé, au cours de l’année 2010, à une modification arbitraire de sa politique d’accès aux documents et que la légalité de la politique actuelle est douteuse.

    21      En deuxième lieu, le point 57 de cette ordonnance ne refléterait pas les arguments avancés par l’EMA devant le président du Tribunal. En effet, contrairement à ce qu’indiquerait ce point, l’EMA n’aurait pas admis qu’une divulgation des rapports litigieux permettrait à des concurrents de MSD et d’Intervet d’étalonner leurs programmes de toxicologie et leurs essais. En réalité, elle aurait uniquement souligné qu’un tel étalonnage, à le supposer établi, ne procurerait aucun avantage compétitif significatif à ces concurrents dès lors que ceux-ci ne pourraient pas utiliser cet étalonnage afin d’accélérer le processus d’approbation réglementaire de leur médicament ou de leurs essais cliniques.

    22      En troisième lieu, l’EMA souligne que les rapports litigieux, qui consistent en des rapports d’essais toxicologiques, contiennent des informations fournies par MSD et Intervet en vue de démontrer l’innocuité et l’efficacité du médicament Bravecto selon des normes scientifiques prédéfinies. Or, d’une part, une partie substantielle de ces informations serait déjà disponible publiquement sur le site Internet de l’EMA ainsi que dans des revues spécialisées. D’autre part, la stratégie suivie par MSD et Intervet pour mener à bien les essais réalisés ne serait pas innovante. En effet, cette stratégie ne ferait que suivre les lignes directrices publiées en la matière par l’EMA elle-même ainsi que par d’autres organismes internationaux et serait fondée sur un savoir-faire en matière d’analyse largement disponible au sein de la communauté scientifique.

    23      L’EMA ajoute, à cet égard, qu’elle a accepté d’expurger les rapports litigieux des références aux projets futurs de développement de MSD et d’Intervet. Or, les autres informations contenues dans ces rapports ne seraient pas relatives à la fabrication du médicament Bravecto, n’apporteraient pas d’élément nouveau sur la stratégie d’évolution à long terme de ces sociétés et ne concerneraient pas les aspects commerciaux du développement de ce médicament sur le marché. Ainsi, lesdits rapports ne contiendraient pas d’informations confidentielles sur le plan commercial.

    24      Dans ces conditions, l’EMA estime, en substance, que c’est à tort, d’une part, que le président du Tribunal a, aux points 60 et 98 de l’ordonnance attaquée, semblé reconnaître la confidentialité des rapports litigieux et qu’il a constaté que les informations contenues dans ces rapports, considérées dans leur ensemble, apportaient une plus-value scientifique aux données publiquement accessibles prises isolément, que ces informations constituaient un bien immatériel susceptible d’être utilisé à des fins compétitives et qu’elles touchaient à l’activité productrice et commerciale de MSD et d’Intervet. D’autre part, serait également erroné le constat, figurant au point 111 de cette ordonnance, selon lequel la divulgation desdites informations risquerait de compromettre la réalisation des projets futurs de développement d’autres indications du médicament Bravecto.

    25      MSD et Intervet contestent les arguments de l’EMA.

    26      À titre liminaire, elles soutiennent, en substance, qu’une grande partie de ces arguments réitèrent ceux avancés devant le président du Tribunal et qu’ils visent à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par ce dernier.

    27      Sur le fond, en ce qui concerne, en premier lieu, l’argument de l’EMA tiré de la légalité de sa politique actuelle d’accès aux documents, MSD et Intervet soulignent que le président du Tribunal n’a pas critiqué cette politique aux points 51 et 52 de l’ordonnance attaquée.

    28      En deuxième lieu, MSD et Intervet font valoir que, contrairement à ce que l’EMA prétend, il ressort des pièces du dossier devant le Tribunal que celle-ci a effectivement admis que les informations contenues dans les rapports litigieux pourraient être utilisées par les concurrents de ces deux sociétés afin d’étalonner leurs programmes de toxicologie et les résultats de leurs essais.

    29      En troisième lieu, MSD et Intervet soutiennent, en substance, que, contrairement à ce que maintient l’EMA, les rapports litigieux contiennent beaucoup plus de détails que les seules informations disponibles publiquement. Ainsi, les informations, publiques et non publiques, contenues dans ces rapports formeraient un ensemble inséparable revêtant une valeur économique propre, différente de celle attachée à chacune de ces informations prise individuellement. En effet, lesdites informations, considérées ensemble, révèleraient en détail la stratégie suivie par MSD et Intervet dans le choix des essais réalisés et l’approche statistique retenue par ces dernières afin d’élaborer des rapports répondant aux exigences de l’EMA pour la délivrance de l’AMM. Cette stratégie et cette approche seraient innovantes dès lors qu’elles ne seraient pas connues de l’industrie et ne refléteraient pas les lignes directrices rédigées par l’EMA ou par d’autres organismes internationaux. Or, ladite stratégie pourrait être utilisée par des entreprises concurrentes afin de préparer leurs propres études toxicologiques, en particulier en vue de s’assurer qu’elles ont envisagé toutes les hypothèses scientifiques pertinentes, ce qui leur permettrait, in fine, d’accélérer le développement de produits concurrents du médicament Bravecto dans un marché hautement concurrentiel. En outre, la compilation, dans ces mêmes rapports, d’informations confidentielles et d’éléments non confidentiels constituerait, en tant que telle, une stratégie innovante. Partant, ce serait à juste titre que le président du Tribunal a, au point 111 de l’ordonnance attaquée, reconnu que la divulgation des rapports litigieux risquerait de compromettre les projets futurs de développement d’autres indications de ce médicament.

     Appréciation de la Cour

    30      Afin de statuer sur le présent moyen de pourvoi, il convient, en premier lieu, de constater que l’argument de l’EMA selon lequel le président du Tribunal aurait, à tort, laissé entendre que la légalité de la nouvelle politique d’accès aux documents adoptée par cette agence au cours de l’année 2010 était douteuse et que ce changement de politique était arbitraire repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée et n’est, dès lors, pas fondé.

    31      En effet, il ressort clairement des points 51 à 53 de cette ordonnance que le président du Tribunal a uniquement constaté que, avant l’adoption de cette politique, l’EMA aurait, elle-même, selon toute probabilité, qualifié les rapports litigieux de confidentiels et refusé leur divulgation à des tiers au titre du règlement no 1049/2001, constat qui n’est d’ailleurs pas infirmé par l’EMA dans le cadre du présent pourvoi. Il a en outre relevé, sans remettre en cause la légalité de ladite politique, que ni celle-ci ni la question de la confidentialité des rapports non cliniques relatifs aux essais toxicologiques soumis à l’EMA dans le cadre d’une demande d’AMM n’avaient encore fait l’objet d’une décision du juge de l’Union, ce qui n’est pas non plus contesté par l’EMA. Au point 54 de l’ordonnance attaquée, il en a donc déduit qu’il n’existait pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions de confidentialité devant être tranchées en l’espèce.

    32      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de l’EMA selon lequel le point 57 de l’ordonnance attaquée ne reflète pas correctement la position qu’elle avait exprimée devant le président du Tribunal, il doit, sans égard à son bien-fondé, être rejeté comme étant inopérant. En effet, la circonstance que, contrairement à ce qu’indique ce point, l’EMA n’aurait pas admis qu’une divulgation des rapports litigieux permettrait à des concurrents de MSD et d’Intervet d’étalonner leurs programmes de toxicologie et les résultats de leurs propres essais n’a, en tout état de cause, aucune incidence sur le constat, effectué à ce même point, selon lequel l’appréciation du caractère confidentiel éventuel de ces rapports soulève des questions complexes qui impliquent des évaluations scientifiques de haute technicité, dont la solution ne s’impose pas d’emblée dans le cadre de la procédure de référé, mais mérite un examen minutieux par les juges du fond.

    33      En ce qui concerne, en troisième lieu, les arguments par lesquels l’EMA critique les constats opérés par le président du Tribunal aux points 60, 98 et 111 de l’ordonnance attaquée, ils doivent être rejetés comme étant non fondés dans la mesure où, par ceux-ci, l’EMA prétend que le président du Tribunal a, à tort, reconnu la confidentialité des rapports litigieux. En effet, ces arguments procèdent d’une lecture erronée de l’ordonnance attaquée. Ainsi, audit point 60, le président du Tribunal n’a pas admis cette confidentialité, mais a uniquement indiqué qu’il ne pouvait être raisonnablement exclu que les juges du fond reconnaissent celle-ci.

    34      Ces arguments doivent par ailleurs être déclarés manifestement irrecevables en tant qu’ils critiquent les constats, figurant aux points 60, 98 et 111 de l’ordonnance attaquée, selon lesquels, premièrement, les informations contenues dans ces rapports, considérées dans leur ensemble, apportent une plus-value scientifique aux données publiquement accessibles prises isolément, deuxièmement, ces informations constituent un bien immatériel susceptible d’être utilisé à des fins compétitives et touchent à l’activité productrice et commerciale de MSD et d’Intervet, et, troisièmement, la divulgation desdites informations risquerait de compromettre la réalisation des projets de développement du médicament Bravecto.

    35      En effet, par lesdits arguments, l’EMA cherche à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le président du Tribunal.

    36      Or, en vertu de l’article 256 TFUE et de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’appliquent également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, du même statut, le pourvoi est limité aux questions de droit. L’appréciation des faits, qui relève de la seule compétence du Tribunal, ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments soumis à ce dernier, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 19 décembre 2013, , C‑426/13 P(R), EU:C:2013:848, point 56 et jurisprudence citée].

    37      À cet égard, il convient de relever que l’EMA n’a pas démontré, ni même invoqué, une quelconque dénaturation des éléments de fait par le président du Tribunal.

    38      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant en partie non fondé, en partie inopérant et en partie irrecevable.

     Sur le second moyen

    39      Le second moyen de pourvoi est divisé en trois branches tirées d’erreurs de droit dans l’appréciation du fumus boni juris, de l’urgence et de la condition tenant à la mise en balance des intérêts.

     Sur la première branche du second moyen de pourvoi tirée d’erreurs de droit dans l’appréciation du fumus boni juris

    –       Argumentation des parties

    40      L’EMA invoque essentiellement trois arguments au soutien de la première branche de son second moyen de pourvoi.

    41      En premier lieu, l’EMA reproche, en substance, au président du Tribunal d’avoir considéré, au point 61 de l’ordonnance attaquée, que la circonstance qu’une partie substantielle des informations contenues dans les rapports litigieux était déjà publiquement accessible était dénuée de pertinence aux fins de l’appréciation de la confidentialité de ces rapports. Or, l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 imposerait à l’EMA de divulguer toute information tombée dans le domaine public.

    42      Ce serait également à tort que, audit point 61, le président du Tribunal a, en revanche, pris en considération, à ces mêmes fins, le fait que la demande d’accès avait été présentée par une entreprise pharmaceutique. En effet, cette position du président du Tribunal serait manifestement contraire à l’article 6 du règlement no 1049/2001 qui dispose que le demandeur n’est pas tenu de justifier sa demande.

    43      En deuxième lieu, l’EMA fait valoir que l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur de droit dans la mesure où elle fonde l’existence d’un fumus boni juris sur la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité des documents soumis par le demandeur d’une AMM à l’EMA, tels que les rapports litigieux.

    44      À cet égard, l’EMA soutient, en substance, d’une part, que, contrairement à ce que les points 64 à 66 de cette ordonnance semblent admettre, le règlement no 726/2004 et la directive 2001/82 n’établissent pas de régime spécifique de transparence et de confidentialité prévalant sur celui institué par le règlement no 1049/2001. En effet, l’article 73 du règlement no 726/2004 prévoirait expressément que le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA.

    45      D’autre part, l’EMA fait valoir que la présomption générale de confidentialité des rapports litigieux, qui sous-tend l’ordonnance attaquée, et notamment les points 67 et 71 de celle-ci, n’a aucun fondement en droit.

    46      Certes, la Cour aurait déjà reconnu l’existence de présomptions générales de confidentialité s’agissant de cinq types de documents, à savoir les documents d’un dossier administratif d’une procédure de contrôle des aides d’État, les mémoires déposés par une institution au cours d’une procédure juridictionnelle, les documents échangés dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises, les documents se rapportant à une procédure précontentieuse en manquement et les documents afférents à une procédure d’application de l’article 101 TFUE. Le Tribunal aurait, en outre, admis l’existence de telles présomptions dans trois cas supplémentaires, à savoir en ce qui concerne les offres des soumissionnaires dans une procédure de marché public, les documents relatifs à une procédure « EU Pilot » et les documents transmis par les autorités nationales de concurrence à la Commission dans le cadre des procédures ouvertes au titre des articles 101 et 102 TFUE.

    47      Toutefois, selon l’EMA, dans chacun de ces cas, était en cause un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours. Ainsi, l’application de présomptions générales de confidentialité aurait été dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct et l’intégrité du déroulement de ces procédures.

    48      Or, la reconnaissance d’une présomption de confidentialité applicable aux documents soumis à l’EMA aux fins de l’obtention d’une AMM, tels que les rapports litigieux, serait fondée sur une comparaison erronée entre ces rapports et les huit catégories de documents mentionnées au point 46 de la présente ordonnance. Les informations contenues dans lesdits rapports ne seraient pas non plus comparables à celles qui étaient en cause dans les ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, [C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558], et du 2 mars 2016, (C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142), ainsi que dans l’ordonnance du président du Tribunal du 11 avril 2014, (T‑189/14, non publiée, EU:T:2014:225), citées à de nombreuses reprises dans l’ordonnance attaquée. En particulier, contrairement à ces documents et à ces informations, les données contenues dans les rapports litigieux ne concerneraient ni l’identité des clients de MSD et d’Intervet ni la description des produits fabriqués ou commercialisés par celles-ci, la part de leur activité, les prix, le procédé de fabrication du médicament Bravecto ou encore la qualité et la sécurité chimique de celui-ci.

    49      En outre, l’institution d’une telle présomption ne connaîtrait pas de précédent dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal et cette présomption ne serait prévue ni par le règlement no 726/2004 ni par la directive 2001/82, qui n’établiraient aucune confidentialité des documents tels que les rapports litigieux.

    50      Par ailleurs, la reconnaissance de ladite présomption méconnaîtrait l’exigence d’interprétation et d’application strictes des présomptions générales de confidentialité admises par la Cour et le Tribunal.

    51      Enfin, l’EMA estime que l’argument invoqué par le président du Tribunal au soutien de l’existence d’une présomption de confidentialité couvrant les rapports litigieux, tenant au risque que ces rapports soient utilisés en dehors de l’Union européenne, doit être rejeté dès lors qu’il est vague et hypothétique.

    52      En troisième lieu, l’EMA soutient, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 69 de l’ordonnance attaquée, qu’il ne saurait être exclu que, au lieu de reconnaître une présomption générale de confidentialité, les juges du fond autorisent la divulgation des rapports litigieux aux seuls demandeurs relevant du domaine académique qui justifieraient d’un intérêt strictement scientifique et souscriraient un accord de confidentialité leur interdisant d’utiliser lesdits rapports à des fins commerciales. En effet, une telle possibilité serait en contradiction flagrante avec la lettre et l’esprit du règlement no 1049/2001.

    53      MSD et Intervet rétorquent que c’est à juste titre que le président du Tribunal a reconnu l’existence d’un fumus boni juris dès lors que le caractère confidentiel des rapports litigieux ne fait pas manifestement défaut.

    54      En effet, en premier lieu, tous les documents soumis dans le cadre d’une demande d’AMM et, en particulier, les études cliniques et non cliniques, telles que les rapports litigieux, devraient bénéficier d’une présomption générale de confidentialité conformément au règlement no 1049/2001.

    55      L’existence d’une telle présomption résulterait du système mis en place par la législation sectorielle applicable à l’AMM de médicaments vétérinaires, en particulier par l’article 36, l’article 37, paragraphe 3, l’article 38, paragraphe 3, les articles 57, 76 et 80 du règlement no 726/2004 ainsi que par les articles 13 et 76 de la directive 2001/82. En effet, ce système préserverait la protection de la confidentialité des informations soumises dans le cadre d’une demande d’AMM et le respect du secret professionnel tout en garantissant l’accès du public, notamment, au résumé des caractéristiques du produit, à la notice d’information de l’utilisateur ainsi qu’à l’EPAR, expurgés des informations couvertes par le secret industriel et commercial.

    56      Certes, l’article 73 du règlement no 726/2004 prévoirait que le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA. Il en résulterait que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de ce second règlement, l’EMA devrait faire droit aux demandes d’accès à des documents couverts par le secret industriel et commercial lorsqu’un intérêt public supérieur le justifierait. Toutefois, ce second règlement devrait être interprété de manière à préserver l’effet utile du premier ainsi que l’équilibre que le législateur de l’Union aurait entendu établir entre, d’une part, l’impératif de transparence et de protection de la santé publique ainsi que la nécessité d’éviter la duplication des essais et, d’autre part, l’objectif de protection de la confidentialité des informations industrielles et commerciales.

    57      Par ailleurs, MSD et Intervet font valoir que, comme pour les huit catégories de documents mentionnées au point 46 de la présente ordonnance, la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité serait, en l’occurrence, nécessaire à la préservation de l’efficacité de la procédure administrative devant l’EMA. En outre, à l’instar des documents présentés par les entreprises lors des procédures de contrôle des aides d’État et des concentrations, les rapports soumis dans le cadre d’une procédure d’AMM d’un médicament seraient susceptibles de contenir des informations commercialement sensibles.

    58      En second lieu, bien que les rapports litigieux comportent certaines données déjà connues du public, il serait, en tout état de cause, raisonnablement prévisible, eu égard notamment aux considérations exposées au point 29 de la présente ordonnance, que la divulgation de ces rapports, dans leur intégralité, affecterait sérieusement les intérêts commerciaux de MSD et d’Intervet et porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’EMA. Par conséquent, lesdits rapports seraient couverts par les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, et à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Or, l’EMA n’aurait pas démontré que, en l’occurrence, un intérêt public supérieur justifiait néanmoins la divulgation des rapports litigieux.

    –       Appréciation de la Cour

    59      Afin de statuer sur la première branche du second moyen de pourvoi, il convient de rappeler, à titre liminaire, que la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties révèle l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée (ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, , C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 22 et jurisprudence citée).

    60      S’agissant du contentieux relatif à la protection provisoire d’informations prétendument confidentielles, le juge des référés, sous peine de méconnaître la nature intrinsèquement accessoire et provisoire de la procédure de référé, ne saurait, en principe, conclure à l’absence de fumus boni juris que dans l’hypothèse où le caractère confidentiel des informations en cause ferait manifestement défaut (ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, , C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 29 et jurisprudence citée).

    61      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les trois séries d’arguments avancés par l’EMA au soutien de la première branche de son second moyen de pourvoi.

    62      S’agissant, en premier lieu, des éléments que le président du Tribunal devait prendre en compte aux fins de l’appréciation prima facie du caractère prétendument confidentiel des rapports litigieux, l’EMA soutient, en substance, que celui-ci a commis une erreur de droit en considérant qu’était dénuée de pertinence la circonstance qu’une partie substantielle des données contenues dans ces rapports était déjà publiquement accessible, alors que cette agence serait tenue de divulguer toute information déjà tombée dans le domaine public.

    63      Toutefois, il y a lieu de relever, d’une part, que cet argument est fondé sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée.

    64      En effet, comme l’EMA l’a d’ailleurs reconnu dans la partie introductive de sa requête en pourvoi, le président du Tribunal a expressément pris en considération cette circonstance aux points 59 et 60 de cette ordonnance. Ainsi, il a souligné que la question se posait de savoir si le fait que MSD et Intervet ont compilé des données scientifiques connues du public et y ont ajouté des données scientifiques secrètes pour en produire un ensemble d’informations complexe qui, en tant que tel et dans cette configuration, n’était pas aisément accessible, pouvait justifier que cet ensemble reçoive un traitement confidentiel.

    65      D’autre part, c’est sans commettre d’erreur de droit que le président du Tribunal a estimé que cette question soulevait des problèmes dont la solution ne s’imposait pas d’emblée.

    66      Certes, comme le fait valoir l’EMA, une information ou un document qui est déjà disponible publiquement ne saurait, en principe, être qualifié de confidentiel. Toutefois, au point 59 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a souligné que, en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une information ou d’un document particulier déjà tombé dans le domaine public – constat qui n’est pas, en tant que tel, contesté par l’EMA –, mais d’un ensemble d’informations complexe consolidant des données publiques et d’autres non connues du public.

    67      Or, c’est à juste titre que, au point 60 de cette ordonnance, le président du Tribunal a considéré qu’il ne saurait être manifestement exclu que les juges du fond reconnaissent la confidentialité du mode d’utilisation spécifique, par MSD et Intervet, d’informations tant confidentielles que non confidentielles pour les besoins de leur demande d’AMM, en ce qu’une telle stratégie inventive apporte une plus-value scientifique aux éléments non confidentiels pris isolément.

    68      En effet, il n’existe pas de jurisprudence de la Cour permettant de répondre aisément à la question de la confidentialité de telles informations, laquelle fait l’objet d’un débat juridique important entre les parties. En outre, la résolution de cette question implique l’examen de faits complexes et hautement controversés. Or, la procédure en référé n’est pas conçue pour établir la réalité de tels faits, le juge des référés ne disposant pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 24 avril 2008, , C‑76/08 R, non publiée, EU:C:2008:252, point 36).

    69      Il résulte de ce qui précède que l’argument de l’EMA tiré de ce que le président du Tribunal n’aurait, à tort, pas tenu compte de la circonstance qu’une partie substantielle des informations contenues dans les rapports litigieux était déjà publiquement accessible est non fondé.

    70      Dans la mesure où l’EMA reproche par ailleurs au président du Tribunal d’avoir, au point 61 de l’ordonnance attaquée, pris en considération la qualité de la personne ayant sollicité l’accès aux rapports litigieux aux fins de l’appréciation du caractère confidentiel de ces rapports, il suffit de constater que ce point est surabondant, de sorte que l’argument de l’EMA est, en tout état de cause, inopérant.

    71      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de l’EMA selon lequel l’ordonnance attaquée serait entachée d’une erreur de droit dans la mesure où elle fonde l’existence d’un fumus boni juris sur la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité couvrant les rapports litigieux, il convient de souligner, d’emblée, que le président du Tribunal n’a pas admis l’existence d’une telle présomption. Ainsi, il s’est borné à considérer qu’il ne saurait être manifestement exclu que les juges du fond reconnaissent celle-ci.

    72      Or, ce faisant, le président du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

    73      Certes, comme le souligne l’EMA, ni le règlement no 726/2004 ni la directive 2001/82 n’instituent de présomption de confidentialité de certaines catégories d’informations ni ne prévoient expressément la confidentialité de documents tels que les rapports litigieux. En outre, l’article 73 de ce règlement dispose que le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA.

    74      Toutefois, ne saurait pour autant être qualifié de manifestement erroné l’argument avancé par MSD et Intervet en première instance selon lequel le règlement no 726/2004 et la directive 2001/82 établissent un régime spécifique de transparence et de confidentialité en vertu duquel les pièces principales d’un dossier d’AMM à divulguer seraient le résumé des caractéristiques du médicament vétérinaire, la notice destinée à l’utilisateur et l’EPAR, à l’exclusion de toute information relevant du secret commercial.

    75      En effet, d’une part, alors que, notamment, l’article 36, l’article 38, paragraphe 3, et l’article 57 du règlement no 726/2004 prévoient la publication par l’EMA de ces trois documents, ces dispositions précisent que doit être supprimée de l’EPAR toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale. En outre, l’article 76 de ce règlement dispose que les agents de l’EMA sont tenus de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Par ailleurs, les dispositions combinées de l’article 39, paragraphe 10, du règlement no 726/2004 et des articles 13 et 13 bis de la directive 2001/82 garantissent aux documents tels que les rapports litigieux une protection contre toute utilisation au profit d’autres demandeurs d’AMM pendant une période de huit à treize ans.

    76      D’autre part, dès lors que ni le règlement no 726/2004 ni le règlement no 1049/2001 ne comportent de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre, il ne saurait, à première vue, être manifestement exclu que les juges du fond considèrent qu’il y a lieu de reconnaître l’existence d’une présomption générale de confidentialité des documents d’un dossier d’AMM, tels que les rapports litigieux, afin de garantir une application cohérente desdits règlements ainsi que de préserver un équilibre entre, d’un côté, la nécessité de protéger les intérêts commerciaux des demandeurs d’une AMM et, de l’autre, les impératifs de transparence et de protection de la santé publique.

    77      À cet égard, n’apparaît pas non plus dénué de toute pertinence l’argument, considéré par le président du Tribunal au point 67 de l’ordonnance attaquée, selon lequel la protection conférée par les dispositions combinées de l’article 39, paragraphe 10, du règlement no 726/2004 et des articles 13 et 13 bis de la directive 2001/82 ne saurait remplacer celle qui serait offerte par une présomption générale de confidentialité, en particulier contre l’exploitation de ces rapports dans des pays tiers. En effet, la période de protection des données prévue par ces dispositions ne s’applique pas en dehors de l’Union.

    78      Il s’ensuit que le président du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que l’argument de MSD et d’Intervet tiré de l’existence d’une présomption générale de confidentialité couvrant les rapports litigieux n’apparaissait pas manifestement dépourvu de tout fondement sérieux.

    79      Cette conclusion ne saurait être remise en cause au motif que la procédure de délivrance de l’AMM est, en l’occurrence, terminée. En effet, il ne peut être exclu d’emblée que la divulgation de documents tels que les rapports litigieux soit susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux des demandeurs d’une AMM, y compris après la clôture de la procédure d’octroi de celle-ci, compte tenu notamment de la nature des informations contenues dans ces documents. D’ailleurs, aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, les exceptions à la divulgation concernant les intérêts commerciaux peuvent s’appliquer pendant une période de 30 ans, voire au-delà si nécessaire (voir, par analogie, arrêts du 28 juin 2012, , C‑404/10 P, EU:C:2012:393, points 124 et 125, ainsi que du 28 juin 2012, , C‑477/10 P, EU:C:2012:394, points 66 et 67).

    80      Au demeurant, c’est précisément le fait de disposer d’une AMM, qui s’accompagne d’une période d’exclusivité et de protection des données, qui pourrait justifier que les informations sur la base desquelles cette AMM a été octroyée, telles que celles incluses dans les rapports litigieux, restent confidentielles même après la clôture de la procédure ayant conduit la Commission à délivrer l’AMM en question.

    81      Ladite conclusion ne saurait non plus être infirmée aux motifs que ni la Cour ni le Tribunal n’ont, jusqu’à présent, reconnu l’existence d’une présomption générale de confidentialité de documents tels que les rapports litigieux et que les cas de présomption générale de confidentialité doivent être interprétés et appliqués strictement. En effet, ni une telle circonstance ni une telle exigence n’ont empêché la Cour de reconnaître les cinq catégories de présomption générale de confidentialité mentionnées au point 46 de la présente ordonnance.

    82      En ce qui concerne, en troisième lieu, l’argument de l’EMA, selon lequel le président du Tribunal aurait violé le règlement no 1049/2001 en envisageant l’hypothèse d’une divulgation des rapports litigieux aux seuls demandeurs relevant du domaine académique qui justifieraient d’un intérêt strictement scientifique et souscriraient un accord de confidentialité, il convient de relever que cette constatation du président du Tribunal présente un caractère surabondant.

    83      En effet, il ressort du point 69 de l’ordonnance attaquée que ce dernier n’a envisagé cette possibilité que dans l’hypothèse où les juges du fond décideraient de ne pas admettre l’existence d’une présomption générale de confidentialité. Or, il résulte des points 71 à 81 de la présente ordonnance que le président du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en admettant l’existence d’un fumus boni juris fondé sur la reconnaissance d’une telle présomption.

    84      Dans ces conditions, il y a lieu, sans égard à son bien-fondé, de rejeter l’argument soulevé par l’EMA comme étant inopérant.

    85      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du second moyen de pourvoi doit être rejetée comme étant en partie non fondée et en partie inopérante.

     Sur la deuxième branche du second moyen de pourvoi tirée d’erreurs de droit dans l’appréciation de la condition tenant à l’urgence

    –       Argumentation des parties

    86      Dans le cadre de la deuxième branche de son second moyen de pourvoi, l’EMA soutient, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la condition relative à l’urgence était satisfaite alors que MSD et Intervet n’avaient apporté aucune preuve concrète du type de préjudice qu’elles risqueraient d’encourir en cas de divulgation des rapports litigieux. Le président du Tribunal aurait ainsi admis que cette condition était remplie sans vérifier, en examinant un par un les arguments et les éléments de preuve présentés par les parties, que la divulgation des différents documents et informations contenus dans ces rapports ferait, avec un degré de probabilité suffisant, courir à MSD et à Intervet le risque de subir un préjudice grave et irréparable. Le président du Tribunal aurait, dans ces conditions, méconnu notamment l’ordonnance du vice-président de la Cour du 28 novembre 2013, [C‑389/13 P(R), non publiée, EU:C:2013:794].

    87      En particulier, le président du Tribunal n’aurait pas apprécié concrètement la valeur commerciale réelle des informations contenues dans les rapports litigieux, mais aurait présumé que celle-ci était importante et qu’elle serait perdue en cas de divulgation de ces rapports, comme en témoigneraient notamment les points 57, 59 et 60 de l’ordonnance attaquée. Or, il serait erroné de considérer que lesdits rapports contiendraient des informations révélant une stratégie inventive développée par MSD et Intervet et que cette divulgation risquerait de porter atteinte à la position concurrentielle de celles-ci ainsi que de mettre en péril leurs projets de développement futurs.

    88      En outre, l’EMA fait, en substance, valoir que, aux points 99, 114 et 116 à 121 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a également présumé le caractère grave du préjudice et a écarté la condition tenant au caractère irréparable de celui-ci, en violation de la jurisprudence constante de la Cour.

    89      La position ainsi adoptée par le président du Tribunal impliquerait que, dans chaque affaire dans laquelle une entreprise alléguerait que la divulgation de documents prétendument confidentiels lui causerait un préjudice financier prétendument non quantifiable, le juge des référés présumerait que, par définition, ce préjudice est grave et irréparable. Or, une telle position irait à l’encontre de la jurisprudence constante selon laquelle la violation alléguée du droit fondamental d’une entreprise à la protection de ses secrets professionnels ne suffit pas, en elle-même, à établir le risque d’un préjudice grave et irréparable.

    90      Par ailleurs, l’EMA soutient que le président du Tribunal a, au point 113 de l’ordonnance attaquée, également méconnu la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle un préjudice résultant de la perte alléguée d’un avantage concurrentiel a un caractère exclusivement financier et ne justifie, dès lors, l’octroi de mesures provisoires que si les personnes ou les sociétés concernées se trouvent dans une situation susceptible de mettre en péril leur survie économique ou si leurs parts de marché risquent d’être gravement et irrémédiablement affectées dans l’hypothèse où ces mesures provisoires ne seraient pas accordées.

    91      MSD et Intervet contestent le bien-fondé de ces arguments.

    92      En particulier, elles soutiennent, d’une part, que c’est à juste titre que le président du Tribunal, qui a conclu à l’existence d’un fumus boni juris dans la mesure où il ne pouvait être exclu que les rapports litigieux soient confidentiels, en a déduit qu’il pouvait être présumé que la divulgation de ces rapports leur occasionnerait nécessairement un préjudice important. Par ailleurs, et en tout état de cause, comme le président du Tribunal l’aurait exposé au point 98 de l’ordonnance attaquée, le préjudice qu’elles risqueraient de subir du fait de la divulgation desdits rapports serait effectivement grave.

    93      D’autre part, ce préjudice serait irréparable. En effet, la divulgation des rapports litigieux priverait de son effet utile la décision à rendre par les juges du fond. En outre, au préjudice financier subi, qui serait non quantifiable, s’ajouterait un risque d’atteinte à la réputation de MSD et d’Intervet. Or, bien que le président du Tribunal ait, au point 121 de l’ordonnance attaquée, estimé qu’il lui incombait de laisser inappliquée la condition tenant au caractère irréparable du préjudice invoqué, il n’en aurait pas moins vérifié si celle-ci était remplie aux points 102 à 112 de cette ordonnance.

    –       Appréciation de la Cour

    94      À titre liminaire, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature [ordonnances du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, , C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 36, ainsi que du 7 juillet 2016, , C‑691/15 P‑R, non publiée, EU:C:2016:597, point 40].

    95      S’il est exact que, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, , C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 37 ainsi que jurisprudence citée].

    96      Par ailleurs, il convient de relever que, en l’occurrence, MSD et Intervet ont allégué, devant le président du Tribunal, que, bien que comportant certaines informations publiques, les rapports litigieux étaient, dans leur ensemble, confidentiels et que leur divulgation serait susceptible de leur porter préjudice dans la mesure où ces rapports révéleraient la stratégie inventive suivie par ces sociétés afin de réaliser leurs essais et seraient dès lors susceptibles d’être exploités par leurs concurrents aux fins de leurs propres demandes d’AMM, ce qui risquerait de compromettre les projets de développement futurs du médicament Bravecto.

    97      En outre, il résulte des points 62 à 81 de la présente ordonnance que le président du Tribunal a, sans commettre d’erreur de droit, considéré qu’un examen prima facie des arguments soulevés par lesdites sociétés ne permettait pas de conclure que le caractère confidentiel des rapports litigieux, en tant qu’ensemble d’informations complexe compilant, sous une forme consolidée, des données publiques et non publiques, faisait manifestement défaut.

    98      Par conséquent, le président du Tribunal devait, aux fins de l’appréciation de l’urgence, nécessairement partir de la prémisse selon laquelle ces rapports constituaient effectivement un ensemble d’informations complexe qui, en tant que tel, était confidentiel au sens de l’article 339 TFUE, de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 ainsi que de l’article 7 de la Charte, conformément aux allégations formulées par MSD et Intervet (voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, , C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, points 83 à 85).

    99      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de statuer sur la deuxième branche du second moyen de pourvoi.

    100    Malgré la lecture très difficile de la requête en pourvoi, il ressort de celle-ci que l’EMA soulève essentiellement deux séries d’arguments au soutien de cette branche. Premièrement, elle fait, en substance, valoir que le président du Tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour en concluant que la condition relative à l’urgence était remplie sans examiner, pour chacune des données ou chacun des documents contenus dans les rapports litigieux, un par un les arguments des parties et les éléments de preuve présentés par celles-ci. Deuxièmement, l’EMA prétend que le président du Tribunal a présumé le risque de la survenance d’un préjudice grave, sans procéder à une appréciation concrète de la valeur de ces rapports et de ce risque, et qu’il a commis divers erreurs dans l’appréciation du caractère irréparable de ce préjudice.

    101    Il y a lieu d’examiner successivement ces deux groupes d’arguments.

    102    À cette fin, il importe, en premier lieu, de souligner que la célérité requise en matière de référé n’exempte certes pas le juge des référés de l’obligation d’examiner, un par un, les arguments invoqués par les parties ainsi que les éléments de preuve présentés par celles-ci et qui tendent à établir le caractère nécessaire du maintien de la confidentialité des documents concernés afin d’éviter que la partie ayant sollicité l’octroi des mesures provisoires n’encoure un préjudice grave et irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 novembre 2013, , C‑389/13 P(R), EU:C:2013:794, point 53].

    103    Toutefois, il n’en résulte pas que le juge des référés serait tenu de vérifier que la divulgation de chacune des informations figurant dans les documents concernés, prise individuellement, est susceptible de causer à cette dernière partie un tel préjudice si celle-ci n’a pas invoqué un tel argument. Ainsi, lorsque, comme en l’espèce, la partie qui sollicite le sursis à l’exécution invoque la confidentialité de l’ensemble des documents concernés par la divulgation, pris dans leur globalité, le juge des référés est uniquement tenu d’examiner, sur la base d’une analyse globale de ces documents, si les arguments invoqués par les parties – en l’occurrence, par MSD et Intervet, d’une part, et par l’EMA, d’autre part – justifient qu’il soit fait droit à la demande de sursis ou que celle-ci soit rejetée.

    104    En outre, ainsi qu’il ressort des points 96 à 98 de la présente ordonnance, en l’occurrence, le président du Tribunal devait, aux fins de l’appréciation de l’urgence, nécessairement partir de la prémisse selon laquelle les rapports litigieux étaient confidentiels, non pas au motif que chacune des informations ou chacun des documents contenus dans ces rapports était susceptible de l’être, mais dans la mesure où lesdits rapports compilaient, sous une forme consolidée, des données publiques et d’autres non connues du public, constituant un ensemble d’informations complexe qui, en tant que tel, était confidentiel. Dans ces conditions, il incombait uniquement au président du Tribunal d’examiner si, eu égard aux arguments invoqués par les parties, la divulgation de cet ensemble, pris dans sa globalité, aurait été susceptible de causer, avec un degré de probabilité suffisant, un préjudice grave et irréparable à MSD et à Intervet.

    105    Dans ces conditions, l’EMA ne saurait valablement reprocher au président du Tribunal de ne pas avoir examiné si la condition relative à l’urgence était remplie au regard de chacune des informations ou de chacun des documents figurant dans les rapports litigieux, pris individuellement.

    106    S’agissant, en second lieu, du caractère grave et irréparable du préjudice allégué par MSD et Intervet, il convient de relever que le président du Tribunal a, en partant de la prémisse selon laquelle les rapports litigieux constituaient effectivement un ensemble d’informations complexe confidentiel, constaté que la divulgation de ces rapports occasionnerait nécessairement un préjudice important à ces sociétés.

    107    À cet égard, le président du Tribunal a en effet considéré, au point 98 de l’ordonnance attaquée, que les rapports litigieux, qui comportent des évaluations scientifiques de nature pharmaceutique et toxicologique faisant partie du dossier élaboré par MSD et Intervet en vue de l’obtention d’une AMM, touchent à l’activité productrice et commerciale de celles-ci. Il en a déduit que, compte tenu du caractère dynamique des marchés pharmaceutiques, du niveau élevé des investissements réalisés pour développer de nouveaux médicaments et de l’intérêt manifesté par une entreprise pharmaceutique à avoir accès précisément à ces rapports, ces derniers étaient objectivement susceptibles d’être utilisés sur le plan de la concurrence. En effet, selon le président du Tribunal, tout concurrent de MSD et d’Intervet pourrait exploiter lesdits rapports pour ses propres besoins scientifiques et commerciaux en utilisant les données contenues dans ceux-ci comme point de départ pour développer de manière autonome le même médicament ou un médicament analogue au Bravecto et en en retirant de précieuses informations sur la stratégie de développement clinique à long terme de MSD et d’Intervet. Le président du Tribunal en a conclu que les rapports litigieux constituaient un bien immatériel susceptible d’être utilisé à des fins compétitives, dont la valeur risquerait d’être réduite de manière non négligeable, c’est-à-dire grave, s’ils perdaient leur caractère secret.

    108    Ce faisant, le président du Tribunal n’a pas, contrairement à ce que soutient l’EMA, présumé le risque de survenance d’un préjudice grave, mais a établi celui-ci au regard des arguments avancés par les parties, en procédant à une appréciation concrète de la valeur commerciale des rapports litigieux et de ce risque.

    109    Certes, l’EMA conteste les appréciations factuelles effectuées audit point 98. Toutefois, comme exposé aux points 34 à 37 de la présente ordonnance, un tel argument est irrecevable au stade du pourvoi.

    110    En outre, si l’EMA fait valoir que le président du Tribunal a, au point 99 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur de droit en estimant que le juge des référés était tenu de présumer, pour les besoins de l’urgence, le caractère grave du préjudice susceptible d’être causé à MSD et à Intervet, il convient de constater que ce point contient des motifs surabondants dont le caractère éventuellement infondé ne serait, en tout état de cause, pas susceptible d’entraîner l’annulation de cette ordonnance. Partant, sans égard à son bien-fondé, l’argument soulevé par l’EMA doit être rejeté comme étant inopérant.

    111    Contrairement à ce que prétend cette dernière, le président du Tribunal n’a pas non plus présumé le risque d’un préjudice irréparable, mais a établi celui-ci à la lumière des arguments invoqués par les parties.

    112    Ainsi, après avoir souligné, au point 102 de l’ordonnance attaquée, qu’une annulation de la décision litigieuse ne saurait inverser les effets de la divulgation des rapports litigieux, le président du Tribunal a, aux points 103 à 113 de cette ordonnance, exposé, d’une part, que cette divulgation permettrait au tiers demandeur de prendre immédiatement connaissance de ces rapports et de les exploiter aussitôt à toutes les fins lui paraissant utiles. D’autre part, selon le président du Tribunal, ladite divulgation aurait un effet erga omnes, de sorte que lesdits rapports tomberaient dans le domaine public et pourraient être consultés par un nombre illimité de tiers. Partant, cette divulgation aurait un effet comparable à celui d’une publication de ces mêmes rapports. Or, le président du Tribunal a jugé que, une fois les rapports litigieux divulgués, il serait fortement probable que des concurrents, actuels ou potentiels, de MSD et d’Intervet ayant un intérêt réel à les exploiter essayeraient de se les procurer afin de les utiliser pour leurs propres besoins scientifiques et commerciaux dans et en dehors de l’Union. Cette exploitation pourrait objectivement amener ces concurrents à lancer des projets analogues à ceux de MSD et d’Intervet et ainsi à gêner les projets de développement futurs du médicament Bravecto.

    113    Enfin, le président du Tribunal a exposé que le préjudice financier que MSD et Intervet risqueraient de subir en cas de divulgation des rapports litigieux ne pourrait être chiffré. En effet, compte tenu de l’effet erga omnes qu’aurait la divulgation de ces rapports, un nombre indéterminé de concurrents de MSD et d’Intervet pourrait se les procurer, sans même que ces sociétés en soient informées. En outre, les effets préjudiciables de l’utilisation desdits rapports par ces concurrents pourraient se faire sentir à plus ou moins long terme en fonction de l’utilisation précise qui en serait faite par ces derniers.

    114    Or, force est de constater, tout d’abord, que l’EMA ne remet pas en cause les constatations du président du Tribunal, tenant à la possibilité pour le tiers demandeur d’exploiter les rapports litigieux divulgués à toutes fins utiles et à l’effet erga omnes de cette divulgation, qui fondent l’appréciation du caractère irréparable du préjudice invoqué. Au contraire, elle admet explicitement l’existence d’un tel effet erga omnes.

    115    Ensuite, si l’EMA conteste que la divulgation des rapports litigieux risquerait de compromettre les projets de développement futurs du médicament Bravecto, il convient de rappeler qu’un tel argument, qui vise à remettre en cause les appréciations factuelles effectuées par le président du Tribunal, est irrecevable au stade du pourvoi, ainsi qu’il a été exposé aux points 34 à 37 de la présente ordonnance.

    116    Par ailleurs, l’EMA soutient certes, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 114 à 121 de l’ordonnance attaquée, qu’il convenait de reconnaître l’urgence même si le préjudice invoqué par MSD et Intervet ne pouvait être qualifié d’irréparable. Toutefois, force est de constater, sans égard au bien-fondé d’une telle considération, que ces points n’ont été développés qu’à titre subsidiaire et surabondant et qu’ils ne remettent pas en cause le constat opéré par le président du Tribunal aux points 103 à 113 de l’ordonnance attaquée selon lequel le préjudice invoqué a effectivement un caractère irréparable. Partant, l’argument de l’EMA est inopérant.

    117    Enfin, dans la mesure où l’EMA reproche au président du Tribunal d’avoir considéré qu’un préjudice résultant de la perte alléguée d’un avantage concurrentiel pouvait être qualifié d’irréparable, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un préjudice financier peut être considéré comme tel s’il apparaît clairement que, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, il ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, , C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 54].

    118    Or, en l’occurrence, le président du Tribunal a, aux points 110 à 112 de l’ordonnance attaquée, établi que, compte tenu de sa nature et de son mode de survenance, le préjudice financier invoqué par MSD et Intervet ne pourrait pas être chiffré, constat qui n’est pas, en tant que tel, critiqué par l’EMA dans le cadre du présent pourvoi.

    119    Partant, l’argument de l’EMA, selon lequel le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que, eu égard aux particularités du contentieux de la protection d’informations prétendument confidentielles, MSD et Intervet n’étaient pas tenues d’établir, de surcroît, qu’elles se trouvaient dans une situation susceptible de mettre en péril leur survie économique ou que leurs parts de marché seraient gravement et irrémédiablement affectées si les mesures provisoires demandées n’étaient pas accordées, n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée. Dans ces conditions, sans égard à son bien-fondé, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant inopérant.

    120    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’aucun des arguments soulevés par l’EMA au soutien de la deuxième branche de son second moyen de pourvoi ne permet de démontrer que le président du Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant que la divulgation des rapports litigieux risquerait, avec un degré de probabilité suffisant, de causer à MSD et à Intervet un préjudice grave et irréparable.

    121    Dans ces conditions, cette branche doit être écartée comme étant en partie irrecevable, en partie infondée et en partie inopérante.

     Sur la troisième branche du second moyen de pourvoi tirée d’erreurs de droit dans la mise en balance des intérêts

    –       Argumentation des parties

    122    Dans le cadre de la troisième branche de son second moyen de pourvoi, l’EMA soutient, en substance, que, lors de la mise en balance des intérêts, le président du Tribunal n’a pas accordé une importance suffisante à l’intérêt du public à avoir accès aux rapports litigieux immédiatement, sans attendre le prononcé du jugement au fond, et que cette mise en balance aurait dû jouer en sa faveur.

    123    Or, si le président du Tribunal a souligné que l’octroi du sursis à l’exécution ne reviendrait qu’à maintenir le statu quo pour une période limitée dans l’attente du jugement au fond, la non-divulgation des documents contenus dans les dossiers de demande d’AMM, tels que les rapports litigieux, pendant une telle période serait précisément l’objectif poursuivi par les sociétés pharmaceutiques qui n’introduiraient des demandes en référé que dans un but dilatoire. Ainsi, l’ordonnance attaquée encouragerait de telles manœuvres dilatoires.

    124    Par ailleurs, en exigeant, au point 78 de l’ordonnance attaquée, que l’EMA prouve qu’une divulgation des rapports litigieux répondait à un besoin impérieux de protéger la santé publique au regard d’une possible dangerosité du médicament Bravecto, le président du Tribunal aurait imposé à cette agence une obligation non prévue par le règlement no 1049/2001. En effet, la divulgation d’un document ne saurait être subordonnée à l’existence d’un intérêt public spécifique justifiant celle-ci. En outre, ce faisant, le président du Tribunal aurait opéré un renversement injustifié de la charge de la preuve. En effet, il appartiendrait à la partie qui sollicite les mesures provisoires d’apporter la preuve d’un préjudice grave et irréparable et non à l’EMA de prouver un intérêt particulier à divulguer les documents en cause.

    125    Enfin, contrairement à ce que le président du Tribunal aurait estimé, le fait que le public dispose éventuellement d’autres moyens lui permettant d’accéder aux documents demandés ne serait pas pertinent aux fins de l’application dudit règlement et serait sans incidence sur l’obligation de l’EMA de faire droit à ces demandes.

    126    MSD et Intervet répondent, en substance, que l’atteinte à l’intérêt du public à la transparence n’est que temporaire. En outre, les informations contenues dans les rapports litigieux ne seraient pas pertinentes pour l’évaluation par le public de l’innocuité du médicament Bravecto. Ainsi, les données nécessaires à la bonne information du public seraient déjà publiées dans l’EPAR. En revanche, le rejet de la demande en référé aurait privé le recours au fond de toute utilité.

    –       Appréciation de la Cour

    127    Afin de statuer sur la troisième branche du second moyen de pourvoi, il importe de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours au principal serait rejeté (ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, , C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 103). 

    128    En l’espèce, le Tribunal sera appelé à statuer sur le point de savoir si la décision litigieuse doit être annulée notamment pour violation de l’article 339 TFUE, de l’article 7 de la Charte ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

    129    Dans ces conditions, le rejet de la demande en référé par le président du Tribunal et la divulgation subséquente des rapports litigieux par l’EMA auraient manifestement privé d’effet utile un éventuel arrêt d’annulation. En effet, du fait même de cette divulgation, ces rapports auraient perdu, de manière irréversible, la protection accordée par la confidentialité des informations industrielles et commerciales, de sorte qu’un rejet de la demande en référé aurait préjugé de facto de la future décision au fond.

    130    Or, les arguments avancés par l’EMA ne permettent pas de conclure que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’intérêt de MSD et d’Intervet à obtenir le sursis qu’elles sollicitaient primait celui de l’EMA à voir rejeter la demande en référé.

    131    En effet, l’EMA se limite essentiellement à invoquer l’intérêt du public à obtenir un accès immédiat aux rapports litigieux. Ainsi, en particulier, comme le président du Tribunal l’a souligné au point 78 de l’ordonnance attaquée, l’EMA n’a pas soutenu que la nécessité de divulguer immédiatement ces rapports, sans attendre la décision au fond, répondait à un besoin impérieux de protéger la santé publique. À cet égard, il convient de préciser que, contrairement à ce que soutient cette agence, rien n’empêche qu’un tel intérêt soit pris en considération par le juge des référés dans le cadre de la mise en balance des intérêts en présence.

    132    Or, c’est sans commettre d’erreur de droit que, au point 83 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a estimé que l’intérêt du public à la transparence était suffisamment satisfait, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours au fond, par la publication du résumé des caractéristiques du médicament Bravecto, de la notice destinée à l’utilisateur et de l’EPAR. En effet, si, comme le fait valoir l’EMA, une demande d’accès à des documents sur le fondement du règlement no 1049/2001 ne saurait, en principe, être rejetée au seul motif que le tiers demandeur dispose d’autres moyens d’obtenir l’information recherchée, cette dernière circonstance peut être prise en compte dans le cadre de la mise en balance des intérêts.

    133    Dans ces conditions, le président du Tribunal a pu estimer à bon droit que l’intérêt de MSD et d’Intervet à obtenir le sursis à l’exécution de la décision litigieuse prévalait sur celui de l’EMA à obtenir l’exécution immédiate de cette décision.

    134    Au demeurant, il convient de souligner que, contrairement à ce que prétend l’EMA, une telle solution n’est pas susceptible d’encourager les manœuvres éventuellement dilatoires des sociétés pharmaceutiques ni n’implique que le juge des référés devrait toujours faire droit aux demandes de sursis à l’exécution des décisions de divulgation rendues par cette agence. En effet, l’octroi d’un tel sursis présuppose, outre que la balance des intérêts penche en faveur de la partie ayant sollicité ce sursis, que celle-ci établisse l’existence d’un fumus boni juris et l’urgence à obtenir ledit sursis (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 14 janvier 2016, , C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

    135    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du second moyen de pourvoi doit être écartée comme étant non fondée et que, partant, ce moyen doit être rejeté dans son intégralité.

    136    Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

     Sur les dépens

    137    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. MSD et Intervet ayant conclu à la condamnation de l’EMA et cette dernière ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure de pourvoi.

    Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      L’Agence européenne des médicaments (EMA) est condamnée aux dépens de la procédure de pourvoi.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

    Top