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Document 62016CO0134(01)

Ordonnance du vice-président de la Cour du 14 juin 2016.
Chemtura Netherlands BV contre Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Pourvoi – Ordonnance de référé – Procédure d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques – Publication de documents concernant cette procédure – Demande de confidentialité de certaines informations contenues dans ces documents – Rejet – Demande visant à la suspension de la décision de rejet et à l’octroi d’autres mesures provisoires – Urgence.
Affaire C-134/16 P(R)-R.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:442

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

14 juin 2016 (*)

« Pourvoi – Ordonnance de référé – Procédure d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques – Publication de documents concernant cette procédure – Demande de confidentialité de certaines informations contenues dans ces documents – Rejet – Demande visant à la suspension de la décision de rejet et à l’octroi d’autres mesures provisoires – Urgence »

Dans l’affaire C‑134/16 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 mars 2016,

Chemtura Netherlands BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), représentée par MM. D. Detkten et S. Gabbi, en qualité d’agents, assistés de Mes R. Van Der Hout et C. Wagner, avocats,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Chemtura Netherlands BV demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 29 février 2016, Chemtura Netherlands/EFSA, (T‑725/15 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2016:128), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande de sursis à exécution de la décision de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 10 décembre 2015 (ci-après la « décision litigieuse ») portant publication de la conclusion de l’évaluation des experts de l’EFSA relative au réexamen de l’approbation de la substance active diflubenzuron au sujet du métabolite 4-chloroaniline (PCA) (ci-après « la conclusion de l’EFSA »), dont Chemtura Netherlands avait demandé le traitement confidentiel partiel.

 Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        Chemtura Netherlands est une société qui développe, produit et vend des produits chimiques dans le domaine de l’agrochimie et de la chimie fine. Elle a notifié, sous le régime de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1), la substance active diflubenzuron, un insecticide utilisé sur diverses cultures, principalement de pommes, de poires et de champignons.

3        La directive 2008/69/CE de la Commission, du 1er juillet 2008, modifiant la directive 91/414 (JO 2008, L 172, p. 9), a inscrit le diflubenzuron à l’annexe I de la directive 91/414 en vue de la mise sur le marché de celui-ci et a, en même temps, imposé à Chemtura Netherlands de présenter des données dites « de confirmation » concernant le risque de la génotoxicité potentielle des impuretés et du métabolite 4-chloroaniline (PCA).

4        À la suite de l’examen de ces données par les différents acteurs de la procédure d’autorisation établie par la directive 91/414, y inclus l’EFSA, la Commission européenne a formellement informé Chemtura Netherlands, au mois de juillet 2013, que l’approbation du diflubenzuron faisait l’objet d’un réexamen en vertu de l’article 21 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 (JO 2009, L 309, p. 1).

5        Au mois de janvier 2014, Chemtura Netherlands a présenté au Royaume de Suède, en tant qu’État membre rapporteur (ci-après l’« EMR ») pour le diflubenzuron, des données visant à répondre aux éventuelles préoccupations au sujet du métabolite. Au mois de juillet 2014, l’EMR a déposé un projet de rapport évaluant les données mises à jour, dans lequel il a conclu que l’exposition potentielle au PCA dans le cadre de l’utilisation représentative du diflubenzuron dans les fruits à pépins ne présentait aucun risque (ci-après le « rapport du mois de juillet 2014 »). Chemtura Netherlands, les autres États membres et l’EFSA ont été mis en mesure de présenter des observations sur ce rapport.

6        Par la suite, l’EMR a complété le rapport du mois de juillet 2014 par un addendum, dans lequel il a considéré qu’il [confidentiel] (ci-après l’« addendum du mois de juillet 2015 »).

7        En vue de répondre au contenu de l’addendum du mois de juillet 2015, Chemtura Netherlands a présenté, au mois d’août 2015, une documentation scientifique à l’EFSA que cette dernière a toutefois refusé de prendre en considération au motif que Chemtura Netherlands avait déjà été mise en mesure de présenter des observations au sujet du rapport du mois de juillet 2014.

8        Selon la conclusion de l’EFSA, du 27 août 2015, cette autorité a considéré qu’il n’était pas possible de conclure que [confidentiel].

9        Chemtura Netherlands a été invitée à identifier d’éventuelles informations confidentielles figurant dans ce document avant sa publication sur le site internet de l’EFSA. En réponse, Chemtura Netherlands a demandé la suppression de certains passages pour des raisons de confidentialité en vertu de l’article 63 du règlement n° 1107/2009 qui dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Toute personne demandant que les informations soumises en application du présent règlement soient traitées de façon confidentielle est tenue d’apporter une preuve vérifiable démontrant que la divulgation de ces informations pourrait porter atteinte à ses intérêts commerciaux ou à la protection de sa vie privée et de son intégrité.

2.      Est en principe considérée comme portant atteinte à la protection des intérêts commerciaux ou de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées la divulgation des informations suivantes :

[...]

g)      le nom et l’adresse des personnes pratiquant des essais sur les vertébrés. »

10      L’EFSA a fait droit aux demandes, d’une part, de traitement confidentiel visant la suppression des noms des auteurs des études et rapports, en conformité avec l’article 63, paragraphe 2, sous g), du règlement n° 1107/2009 et, d’autre part, de correction de certaines erreurs matérielles. En revanche, l’EFSA a rejeté les demandes fondées sur l’article 63, paragraphe 1, dudit règlement et visant la suppression des passages comportant des informations susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux de Chemtura Netherlands, étant donné, notamment, que celle-ci avait été mise en mesure de prendre position sur le rapport du mois de juillet 2014 et aurait l’occasion de s’exprimer sur la décision finale de la Commission. En outre, le simple risque que la plupart des informations en cause portent atteinte à l’image de Chemtura Netherlands n’aurait pas été suffisant pour leur conférer un caractère confidentiel, compte tenu de l’obligation de l’EFSA de publier les informations susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique.

11      Le 12 octobre 2015, Chemtura Netherlands a demandé à l’EFSA de réexaminer la décision rejetant ses demandes de traitement confidentiel. Au soutien de cette demande de réexamen, elle reprochait à l’EFSA, notamment, d’avoir agi en violation du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1). En vertu de ce règlement, la conclusion de l’EFSA devrait en effet revêtir une « grande valeur scientifique », alors que cette autorité aurait élaboré cette conclusion sur la base de l’addendum du mois de juillet 2015, lequel aurait été lui-même fondé sur des éléments scientifiques douteux et des informations tronquées. De plus, Chemtura Netherlands soutenait que, en faisant délibérément abstraction de ses commentaires, l’EFSA avait violé ses droits de la défense et manqué aux obligations lui incombant au titre dudit règlement de fonder ses évaluations sur « toutes les preuves scientifiques disponibles ». Enfin, aucun élément fiable ne prouverait que [confidentiel].

12      Par la décision litigieuse, l’EFSA a rejeté définitivement les demandes de traitement confidentiel de Chemtura Netherlands et a procédé à la publication de la conclusion de l’EFSA.

13      Le 10 décembre 2015, cette décision a été notifiée à Chemtura Netherlands et, le 11 décembre 2015, la conclusion de l’EFSA a fait l’objet d’une publication intégrale sur le site Internet de cette autorité.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2015, Chemtura Netherlands a introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse.

15      Par acte séparé du même jour, Chemtura Netherlands a saisi le président du Tribinal d’une demande en référé.

16      Par ordonnance du 15 décembre 2015 (Chemtura Netherlands/EFSA, T‑725/15 R), le président du Tribunal, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, a provisoirement accordé le sursis à exécution de la décision litigieuse et a ordonné le retrait immédiat de la conclusion de l’EFSA du site Internet de cette autorité. Cette dernière a procédé à ce retrait le jour même.

17      Le 29 février 2016, le président du Tribunal a adopté l’ordonnance attaquée, par laquelle il a décidé que la publication de la conclusion de l’EFSA n’était pas susceptible de causer à Chemtura Netherlands un préjudice grave et irréparable, que ce soit d’ordre moral ou financier, et qu’il n’était donc pas urgent d’octroyer les mesures provisoires demandées. Sur ce fondement, il a rejeté la demande de Chemtura Netherlands, sans examiner les conditions relatives au fumus boni juris et à la mise en balance des intérêts.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

18      Par son pourvoi, Chemtura Netherlands demande, en substance, à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de rétablir l’ordonnance du président du Tribunal du 15 décembre 2015 (Chemtura Netherlands/EFSA, T‑725/15 R) en ce que celle-ci enjoint l’EFSA de suspendre l’exécution de la décision litigieuse et de retirer la conclusion de l’EFSA de son site Internet ;

–        de condamner l’EFSA au paiement d’une astreinte journalière en vue de garantir l’exécution de cette obligation de retrait ;

–        dans le cas où son pourvoi serait accueilli, de statuer définitivement sur sa demande en référé, d’une part, en suspendant la décision litigieuse jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond du litige et, d’autre part, en prononçant les mesures provisoires nécessaires, et

–        de condamner l’EFSA à la totalité des dépens, y compris ceux afférant à la procédure devant le Tribunal.

19      L’EFSA demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Chemtura Netherlands aux dépens.

20      Le 7 mars 2016, Chemtura Netherlands a introduit une demande en référé demandant, en substance, la suspension de l’ordonnance attaquée et de la décision litigieuse ainsi que l’octroi d’autres mesures provisoires.

21      Par ordonnance du 11 mars 2016, Chemtura Netherlands/EFSA [C‑134/16 P(R), EU:C:2016:164], le vice-président de la Cour a, conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, suspendu l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption de la présente ordonnance et a enjoint à l’EFSA de ne pas publier sa conclusion.

 Sur le pourvoi

22      Chemtura Netherlands soulève six moyens de pourvoi tirés d’autant d’erreurs de droit.

 Sur les premier à quatrième moyens, tirés d’erreurs de droit concernant l’examen du caractère grave et irréparable du préjudice moral allégué

 Arguments des parties

23      S’agissant du caractère prétendument irréparable du préjudice moral allégué, par son premier moyen, Chemtura Netherlands reproche au président du Tribunal d’avoir décidé, au point 51 de l’ordonnance attaquée, que, « selon une jurisprudence bien établie, une annulation de la décision [litigieuse] au terme de la procédure principale constituerait une réparation suffisante du préjudice moral invoqué [voir, en ce sens, ordonnances du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), EU:C:1999:176, point 14 ; du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a., T‑271/10 R, EU:T:2010:315, point 36, et du 18 novembre 2011, EMA/Commission, T‑116/11 R, EU:T:2011:681, point 21] ». En effet, non seulement il n’existerait aucune jurisprudence constante sur cette question, mais les décisions sur lesquelles le président du Tribunal s’est appuyé ne permettraient pas de fonder l’affirmation contenue audit point 51. En réalité, le critère pertinent pour apprécier l’existence du préjudice moral serait celui consistant à vérifier si la suspension de la publication demandée permettrait de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Or, en l’occurrence, l’arrêt clôturant la procédure au fond ne permettrait pas de réparer l’ensemble du préjudice porté à la réputation de Chemtura Netheralands en raison de la publication de la conclusion de l’EFSA, de sorte qu’il devrait être sursis à cette publication.

24      Par son deuxième moyen, Chemtura Netherlands soutient que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 52 de l’ordonnance attaquée, que, en cas d’annulation de la décision litigieuse, une campagne publicitaire peut rétablir le préjudice causé à la réputation de produits chimiques, tels que le diflubenzuron. En effet, une telle considération reviendrait à établir une présomption impossible à réfuter selon laquelle une telle campagne est suffisante pour rétablir le préjudice moral lié à la publication de la conclusion de l’EFSA.

25      S’agissant par ailleurs du caractère prétendument grave du préjudice moral allégué, par son troisième moyen, Chemtura Netherlands fait grief au président du Tribunal d’avoir manqué, au point 54 de l’ordonnance attaquée, à son obligation de motivation en considérant que, même si la publication de la conclusion de l’EFSA devait conduire à la cessation totale des ventes du diflubenzuron, le volume de ces ventes ne paraît pas suffisamment élevé pour atteindre le seuil de gravité requis.

26      Par son quatrième moyen, Chemtura Netherlands fait valoir que le président du Tribunal a, aux points 54 et 55 de l’ordonnance attaquée, conclu à l’absence de gravité du préjudice moral en question en se basant sur des considérations personnelles selon lesquelles, d’une part, [confidentiel] n’est pas susceptible de porter atteinte à la réputation de Chemtura Netherlands en tant qu’entreprise et, d’autre part, [confidentiel] n’entraîne pas nécessairement un effet néfaste sur la réputation de l’entreprise concernée. En outre, le président du Tribunal n’aurait pas répondu aux allégations de Chemtura Netherlands portant sur le préjudice causé spécifiquement à la réputation de ses produits contenant le diflubenzuron. Enfin, Chemtura Netherlands soutient que la stigmatisation résulte inévitablement des [confidentiel], de sorte qu’elle peut être présumée sans avoir à être prouvée.

27      L’EFSA conteste l’argumentation de Chemtura Netherlands.

 Appréciation de la Cour

28      Afin de répondre au deuxième moyen de pourvoi, qu’il convient de traiter en premier lieu, il importe de relever que celui-ci repose sur une lecture erronée du point 52 de l’ordonnance attaquée.

29      En effet, audit point 52, le président du Tribunal, afin de répondre aux arguments concernant le caractère prétendument irréparable du préjudice moral allégué par Chemtura Netherlands, a considéré que celle-ci n’avait pas établi, à suffisance de droit, l’existence d’obstacles de nature structurelle ou juridique, l’empêchant de rétablir sa réputation. À ces fins, le président du Tribunal s’est fondé sur les affirmations de Chemtura Netherlands selon lesquelles [confidentiel] et les a qualifiées de pures spéculations qui n’étaient étayées par aucun élément probant.

30      Ce n’est qu’en tirant les conséquences de cette conclusion, non contestée par Chemtura Netherlands, que le président du Tribunal a considéré comme paraissant plausible qu’une éventuelle atteinte à la réputation de Chemtura Netherlands puisse « être rétablie dans l’hypothèse d’une annulation de la décision [litigieuse], le cas échéant grâce à une campagne publicitaire organisée par [Chemtura Netherlands] à l’intention des milieux intéressés ».

31      Par conséquent, contrairement aux allégations de Chemtura Netherlands, le président du Tribunal n’a nullement établi une présomption selon laquelle une campagne publicitaire serait nécessairement apte à réparer le préjudice moral en question ni exigé de Chemtura Netherlands qu’elle prouve le contraire.

32      Il résulte des considérations qui précèdent que le président du Tribunal n’a commis aucune erreur de droit quant au niveau de la charge de la preuve exigé en ce qui concerne le caractère irréparable du préjudice invoqué et que, partant, le deuxième moyen de pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

33      Les motifs retenus par le président du Tribunal au point 52 de l’ordonnance attaquée étaient dès lors suffisants pour considérer que le préjudice moral allégué n’était pas irréparable, de sorte que la prétendue erreur que Chemtura Netherlands reproche au président du Tribunal par son premier moyen ne saurait remettre en question cette conclusion. En effet, même à supposer qu’une annulation de la décision litigieuse ne constitue pas une réparation suffisante dudit préjudice, Chemtura Netherlands reste en défaut de prouver que celui-ci est irréparable en raison d’obstacles de nature structurelle ou juridique.

34      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen de pourvoi comme étant inopérant.

35      Quant aux troisième et quatrième moyens, tirés d’erreurs de droit commises par le Tribunal dans son appréciation de la gravité du préjudice moral allégué, il suffit de constater que, ainsi qu’il résulte des considérations qui précèdent, Chemtura Netherlands n’est pas parvenue à démontrer que c’est à tort que le Tribunal a considéré que le préjudice moral en question n’était pas irréparable.

36      Par conséquent, même si les troisième et quatrième moyens devaient être accueillis, cela n’entraînerait pas pour autant l’annulation de l’ordonnance attaquée, étant donné que ces moyens ne remettraient pas en question le caractère non irréparable du préjudice moral allégué ni, par conséquent, la conclusion, contenue au point 56 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle ce préjudice ne justifie pas l’octroi des mesures provisoires demandées.

37      Dans ces conditions, il y a également lieu d’écarter ces moyens comme étant inopérants.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit concernant l’examen du caractère irréparable du préjudice financier allégué

 Arguments des parties

38      Par son cinquième moyen, Chemtura Netherlands allègue que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 65 de l’ordonnance attaquée, que, en cas d’annulation de la décision litigieuse, elle devrait se contenter d’une compensation financière ultérieure, destinée à réparer le préjudice financier allégué, et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle serait empêchée d’obtenir une telle compensation par la voie d’un éventuel recours en indemnité.

39      En particulier, le président du Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’argumentation qu’elle avait développée dans sa demande en référé, par laquelle elle aurait expliqué les raisons pour lesquelles une compensation financière ultérieure ne remédierait ni au préjudice causé par le maintien de la publication de la conclusion de l’EFSA ni aux effets de celle-ci sur la réputation de Chemtura Netherlands. En outre, celle-ci aurait soutenu dans ladite demande que le préjudice porté à sa réputation était moral et non chiffrable, dès lors que l’octroi d’une compensation, quel qu’en soit le montant, ne changerait pas l’opinion qu’auraient les consommateurs et les clients après la publication de la conclusion de l’EFSA.

40      L’EFSA conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

41      Afin de statuer sur le cinquième moyen de pourvoi, il convient de relever que, bien que celui-ci soit dirigé contre les points 64 et 65 de l’ordonnance attaquée, il vise en réalité à remettre en question l’appréciation du président du Tribunal concernant le préjudice moral subi par Chemtura Netherlands en raison des effets de la publication de la conclusion de l’EFSA sur sa réputation.

42      Or, cette appréciation, qui figure aux points 50 à 56 de l’ordonnance attaquée et à laquelle Chemtura Netherlands ne reproche pas d’être entachée d’un défaut de réponse à ses arguments, a été vainement critiquée par la requérante aux termes de ses premier à quatrième moyens de pourvoi, ainsi que cela résulte des points 28 à 37 de la présente ordonnance.

43      Par conséquent le présent moyen doit également être écarté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Argumentation des parties

44      Par son sixième moyen, Chemtura Netherlands fait valoir que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en ne répondant pas à l’argument, contenu au point 71 de sa demande en référé, par lequel elle avait allégué que la divulgation de la conclusion de l’EFSA compromettrait le résultat du recours au fond et mettrait ainsi en péril son droit à un recours effectif, garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

45      L’EFSA conteste cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

46      Afin de statuer sur le sixième moyen de pourvoi, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 119 du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, EU:C:2012:804, point 27).

47      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que celle-ci n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, et que la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (ordonnance du 13 décembre 2012, Alliance One International/Commission, C‑593/11 P, EU:C:2012:804, point 28).

48      En l’espèce, il ressort du point 71 de sa demande en référé que Chemtura Netherlands, faisant référence à la jurisprudence relevant du contentieux spécifique relatif à la protection provisoire d’informations prétendument confidentielles, avait allégué, en substance, que la publication de la conclusion de l’EFSA affecterait l’issue de la procédure au fond et compromettrait ainsi son droit fondamental à un recours effectif.

49      Toutefois, le président du Tribunal a, aux points 34 et 35 de l’ordonnance attaquée, considéré que Chemtura Netherlands n’avait identifié aucune information susceptible d’être qualifiée de confidentielle, de sorte que l’affaire qui lui était soumise ne revêtait pas les caractéristiques d’une affaire relevant dudit contentieux, ce que Chemtura Netherlands non seulement n’a pas contesté, mais a même confirmé lorsque, dans son pourvoi, elle a précisé que celui-ci ne vise pas les points 29 à 36 de l’ordonnance attaquée.

50      Par conséquent, le sixième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

51      Aucun des moyens soulevés par Chemtura Netherlands n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

52      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de la procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      L’EFSA ayant conclu à la condamnation de Chemtura Netherlands aux dépens et cette dernière ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de condamner celle-ci aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure de pourvoi ainsi que de la procédure en référé dans l’affaire C-134/16 P(R)-R.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Chemtura Netherlands est condamnée aux dépens de la procédure de pourvoi, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire C-134/16 P(R)-R.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.

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