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Document 62014TO0640

    Ordonnance du Tribunal (neuvième chambre) du 23 novembre 2015.
    Carsten René Beul contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.
    Recours en annulation - Fonctionnement des marchés financiers - Règlement (UE) nº 537/2014 - Acte législatif - Défaut d'affectation individuelle - Irrecevabilité.
    Affaire T-640/14.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:907

    ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

    23 novembre 2015 ( *1 )

    «Recours en annulation — Fonctionnement des marchés financiers — Règlement (UE) no 537/2014 — Acte législatif — Défaut d’affectation individuelle — Irrecevabilité»

    Dans l’affaire T‑640/14,

    Carsten René Beul, demeurant à Neuwied (Allemagne), représenté initialement par Me K.‑G. Stümper, puis par Mes H.‑M. Pott et T. Eckhold, avocats,

    partie requérante,

    contre

    Parlement européen, représenté par MM. P. Schonard et D. Warin, en qualité d’agents,

    et

    Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes R. Wiemann et N. Rouam, en qualité d’agents,

    parties défenderesses,

    ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) no 537/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission (JO L 158, p. 77),

    LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

    composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

    greffier : M. E. Coulon,

    rend la présente

    Ordonnance

    Faits, procédure et conclusions des parties

    1

    Le requérant, M. Carsten René Beul, est un expert-comptable agréé au titre du Gesetz über eine Berufsordnung der Wirtschaftsprüfer (Wirtschaftsprüferordnung, loi allemande sur les experts-comptables). De ce fait, selon la réglementation allemande, il est habilité à réaliser le contrôle légal des comptes des entreprises, y compris des entreprises d’intérêt public.

    2

    Le 16 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) no 537/2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission (JO L 158, p. 77, ci-après le « règlement attaqué »).

    3

    Selon l’article 1er du règlement attaqué, définissant l’objet dudit règlement, ce dernier établit les exigences applicables au contrôle légal des états financiers annuels et consolidés des entités d’intérêt public, les règles applicables à l’organisation des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit et à leur sélection par les entités d’intérêt public afin de promouvoir leur indépendance et la lutte contre les conflits d’intérêts, ainsi que les règles applicables au contrôle du respect de ces exigences par les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit.

    4

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2014, le requérant a introduit le présent recours.

    5

    Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 27 et le 28 novembre 2014, le Parlement et le Conseil ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Le requérant a déposé ses observations sur lesdites exceptions le 12 janvier 2015.

    6

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

    7

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2014, le Parlement a indiqué qu’il ne s’opposait pas à la demande d’intervention de la Commission. Le requérant et le Conseil n’ont pas soumis d’observations quant à ladite demande.

    8

    Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement attaqué.

    9

    Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours comme irrecevable ;

    à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il rejetterait l’exception ou déciderait de joindre sa décision sur la recevabilité au fond, lui accorder un nouveau délai pour présenter ses observations, y compris sur la question du bien-fondé ;

    condamner le requérant aux dépens.

    10

    Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours comme irrecevable ;

    condamner le requérant aux dépens.

    En droit

    11

    En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

    12

    En l’espèce, le Parlement et le Conseil font valoir que le règlement attaqué est un acte législatif et que, dès lors, il ne constitue pas un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En outre, ils considèrent que le requérant n’est ni directement, ni individuellement concerné par le règlement attaqué. Ainsi, le recours ne saurait être recevable en vertu de l’article 263 TFUE.

    13

    Le requérant s’estime directement et individuellement concerné par le règlement attaqué, dès lors que celui-ci apporterait un changement dans la structure de l’organisme compétent pour superviser son activité professionnelle.

    14

    À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

    15

    Il convient de souligner que le requérant n’est pas le destinataire du règlement attaqué. Dès lors, il ne dispose pas d’un droit de recours en vertu de la première hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    16

    En outre, il ressort du préambule du règlement attaqué que celui-ci a pour base juridique l’article 114 TFUE portant sur le rapprochement des législations et qu’il a été adopté conjointement par le Parlement et le Conseil selon la procédure législative ordinaire.

    17

    À cet égard, il ressort de l’article 289, paragraphes 1 et 3, TFUE que les actes juridiques adoptés selon la procédure définie à l’article 294 TFUE, dénommée « procédure législative ordinaire », constituent des actes législatifs.

    18

    Il s’ensuit que le règlement attaqué est un acte législatif.

    19

    Or, selon la jurisprudence, l’expression « acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne comprend pas les actes législatifs [arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, point 61, et du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 21].

    20

    Il s’ensuit que le requérant ne dispose pas davantage d’un droit de recours en vertu de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    21

    Ainsi, le présent recours n’est recevable que dans la mesure où le requérant est directement et individuellement concerné par le règlement attaqué, en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    22

    Le Tribunal estime utile de commencer l’examen de la recevabilité du recours par l’examen de la question de l’affectation individuelle du requérant.

    Sur l’affectation individuelle du requérant par le règlement attaqué

    23

    Il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué contient des règles visant à assurer l’indépendance des autorités compétentes en matière de surveillance des activités des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit qui effectuent le contrôle légal des comptes d’entités d’intérêt public. L’article 21 dudit règlement dispose ce qui suit :

    « Les autorités compétentes sont indépendantes des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit.

    […]

    Une personne ne peut faire partie de l’organe de direction ou être chargée de la prise des décisions de ces autorités si, au cours de son intervention ou au cours des trois années précédentes :

    a)

    elle a effectué des contrôles légaux des comptes ;

    b)

    elle a détenu des droits de vote dans un cabinet d’audit ;

    c)

    elle a été membre de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’un cabinet d’audit ;

    d)

    elle a été associée à un cabinet d’audit, employée d’un cabinet d’audit ou a été liée par contrat d’une autre manière à un cabinet d’audit.

    […] »

    24

    Dans leurs exceptions d’irrecevabilité, le Parlement et le Conseil font valoir que le requérant n’est pas individuellement concerné par le règlement attaqué. Ils considèrent qu’il n’appartient pas à un cercle restreint d’opérateurs économiques et qu’il n’évoque aucune circonstance particulière qui pourrait l’individualiser au regard des règles dégagées par la jurisprudence.

    25

    Le requérant fait valoir qu’il est individuellement concerné par le règlement attaqué et que l’adoption de celui-ci l’atteint en raison du changement de l’organisme compétent pour surveiller son activité professionnelle.

    26

    Il déduit de l’article 21 du règlement attaqué que celui-ci apporte un changement dans sa situation juridique. En effet, selon le requérant, avant l’entrée en vigueur du règlement attaqué, l’organisme compétent pour surveiller et contrôler son activité, y compris celle relative à la certification des comptes des entreprises d’intérêt public, était la Wirtschaftsprüferkammer (chambre des experts-comptables, ci-après la « WPK »). Or, selon le requérant, la WPK s’administrait en pleine autonomie et était composée de membres démocratiquement élus issus de la profession des experts-comptables.

    27

    En revanche, l’article 21 du règlement attaqué prévoirait expressément que les membres de la profession des experts-comptables ne peuvent exercer aucune fonction dans la surveillance du contrôle légal des entreprises d’intérêt public.

    28

    Ainsi, selon le requérant, en causant nécessairement un changement dans la composition de l’autorité compétente en matière de surveillance de l’activité de contrôle légal des comptes d’entités d’intérêt public, le règlement attaqué modifie le cadre juridique dans lequel il exerce ladite activité. Ce changement constituerait un empiètement sur son droit fondamental relatif à la liberté professionnelle, consacré à l’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dès lors qu’il affecte l’autonomie du régime de la surveillance professionnelle.

    29

    Le requérant ajoute que, pour exercer son activité, il doit solliciter la mission de contrôle à chaque organe compétent au sein des sociétés et autres entreprises à contrôler. Compte tenu du règlement attaqué, lesdits organes ne peuvent lui confier une mission que s’il leur atteste qu’il est soumis à la surveillance par l’autorité compétente, dont la composition sera alors modifiée à la suite de l’entrée en vigueur du règlement attaqué. Ainsi, le règlement attaqué le contraindrait à se soumettre à la surveillance de la nouvelle autorité compétente. Si, après la constitution de cette nouvelle autorité, le requérant est confronté dans l’exercice de sa profession à des questions portant sur le contrôle des entreprises d’intérêt public, il devrait s’adresser à cette nouvelle autorité et la WPK ne serait en mesure de lui donner aucune réponse. Seule la nouvelle autorité serait compétente pour la surveillance générale, la répression des infractions et le conseil officiel aux membres de la profession des experts-comptables.

    30

    Plus particulièrement, le requérant estime qu’il est individuellement concerné par le règlement attaqué, dans la mesure où son droit d’exercer son activité professionnelle sous la surveillance d’un organisme autonome administrativement est réduit à néant. Il renvoie à cet égard à l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, Rec, EU:C:1994:197, points 21 et 22), et en déduit que, en ce qui concerne l’affectation individuelle, il suffit que l’acte attaqué porte atteinte à un statut établi dont bénéficie la partie qui poursuit l’annulation de cet acte.

    31

    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’une personne physique ou morale n’est individuellement concernée par un acte dont elle n’est pas destinataire que si ledit acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec, EU:C:2002:462, point 36).

    32

    Selon la jurisprudence, un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, point 63).

    33

    Tel est le cas en l’espèce. En effet, selon l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, le règlement a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.

    34

    S’agissant des critères établis par la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, il convient de constater que le règlement attaqué fixe les exigences spécifiques quant au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public avec une portée générale, dans le but d’assurer le rapprochement des législations et des pratiques administratives des États membres dans ce domaine. Il en va de même en ce qui concerne l’article 21 dudit règlement, critiqué par le requérant, qui fixe les conditions visant à assurer l’indépendance des autorités compétentes pour la surveillance des activités des contrôleurs légaux des comptes en ce qui concerne le contrôle légal des comptes d’entités d’intérêt public. L’ensemble des règles contenues dans le règlement attaqué s’applique directement dans tous les États membres.

    35

    En outre, les situations et les personnes auxquelles le règlement attaqué s’applique sont déterminées objectivement, dès lors qu’il est précisé à l’article 2 du règlement attaqué que celui-ci vise, d’une part, les contrôleurs légaux des comptes et les cabinets d’audit qui procèdent au contrôle légal des comptes d’entités d’intérêt public et, d’autre part, les entités d’intérêt public. Il en va de même pour son article 21 qui fixe les exigences relatives à la composition des autorités de surveillance, exigences qui doivent être respectées par les États membres lors de la constitution de telles autorités.

    36

    Il ressort de ce qui précède que les catégories de personnes auxquelles le règlement attaqué s’applique sont également envisagées de manière générale et abstraite.

    37

    Il s’ensuit que le règlement attaqué et, en particulier, son article 21 ont une portée générale.

    38

    Cependant, il y a lieu de rappeler que le fait qu’une disposition a, par sa nature et sa portée, un caractère général en ce qu’elle s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas pour autant qu’elle puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 58, et du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec, EU:C:2009:243, point 29).

    39

    En premier lieu, à cet égard, il y a lieu de rappeler que le fait que l’acte attaqué s’applique à des situations déterminées objectivement par ses propres dispositions et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite démontre l’absence de l’affectation individuelle (arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 38 supra, EU:C:2009:243, point 31 ; voir, en ce sens, ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 32 supra, EU:T:2011:419, point 89).

    40

    Or, en l’espèce, le requérant est concerné par le règlement attaqué uniquement en sa qualité de contrôleur légal qui exerce l’activité d’examen des comptes d’entités d’intérêt public, une situation qui est visée objectivement par le règlement attaqué, sans que le législateur ait pris en compte la situation individuelle des membres de cette profession d’une quelconque manière. En outre, les exigences concernant la composition des organismes chargés de la surveillance des contrôleurs légaux exerçant une telle activité sont formulées de façon générale et s’appliquent indifféremment à tout opérateur économique et à toute autorité qui entrent dans le champ d’application du règlement attaqué.

    41

    En deuxième lieu, selon la jurisprudence, lorsque l’acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et il peut en être notamment ainsi lorsque la décision modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, Rec, EU:C:2014:100, point 59).

    42

    Cependant, en l’espèce, les personnes affectées par les exigences décrites à l’article 21 du règlement attaqué n’étaient ni identifiées, ni identifiables au moment de l’adoption du règlement attaqué.

    43

    En effet, selon l’article 44 du règlement attaqué, celui-ci est applicable à partir du 17 juin 2016. Ainsi, c’est avant ce délai que les États membres doivent, le cas échéant, réorganiser les autorités compétentes en cause afin de remplir les exigences décrites à l’article 21 du règlement attaqué.

    44

    À cet égard, le requérant explique lui-même que, au moment de l’introduction du recours, la WPK était toujours compétente pour surveiller les contrôleurs légaux en matière d’examen des comptes des entités d’intérêt public et que cette situation subsistera jusqu’au transfert de la compétence de surveillance de la WPK à un organisme remplissant les critères définis à l’article 21 du règlement attaqué. Dès lors, tout contrôleur légal allemand qui a commencé ou commencera des activités concernant l’examen des comptes des entités d’intérêt public après l’adoption du règlement attaqué, mais avant le transfert de la compétence de surveillance est ou sera exactement dans la même situation que le requérant : la surveillance de son activité passerait de la WPK, composée de membres exerçant la profession d’expert-comptable, à un autre organisme qui remplit les exigences décrites à l’article 21 du règlement attaqué, c’est-à-dire un organisme qui ne peut pas inclure, en particulier, de contrôleurs légaux de comptes exerçant ou ayant exercé cette profession dans les trois années précédentes parmi les membres de l’organe de direction ou parmi les collaborateurs chargés de la prise des décisions.

    45

    Ainsi, un nombre inconnu d’opérateurs économiques peut s’ajouter à la catégorie des personnes à laquelle le requérant appartenait au moment de l’adoption du règlement attaqué, de sorte que cette catégorie ne peut pas être qualifiée de cercle restreint. Au contraire, il s’agit ainsi d’un ensemble indéterminé et indéterminable d’opérateurs économiques, dont le cercle peut s’agrandir après l’adoption du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec, EU:C:1984:345, point 16, et ordonnance du 3 avril 2014, CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, T‑2/13, EU:T:2014:226, point 51).

    46

    Or, les opérateurs économiques appartenant à une telle catégorie ouverte ne sont pas individuellement concernés par l’acte en cause (voir, en ce sens, ordonnance CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, point 45 supra, EU:T:2014:226, point 52).

    47

    En troisième lieu, il y a lieu de souligner que le requérant n’invoque aucun facteur reconnu par la jurisprudence qui serait susceptible de l’individualiser. Il fait référence à un prétendu droit acquis d’être surveillé par un organisme professionnel autonome composé de membres de sa profession. Même à supposer qu’un tel droit existe et puisse être pris en compte aux fins de l’appréciation de l’affectation individuelle, il y a lieu de souligner que tout autre contrôleur légal allemand possède un tel droit et que ce droit, en ce qui concerne l’examen des comptes des entités d’intérêt public, sera supprimé à l’égard de l’ensemble desdits contrôleurs de manière indifférenciée avec le transfert de compétence en matière de surveillance à un autre organisme remplissant les critères prévus à l’article 21 du règlement attaqué.

    48

    Dès lors, le contexte factuel de la présente espèce diffère de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorniu/Conseil, point 30 supra (EU:C:1994:197). En effet, dans ladite affaire, la partie requérante était individualisée par le fait qu’elle était titulaire de la marque « Grand Crémant de Codorniu » et le règlement en cause l’empêchait d’utiliser cette dernière, dès lors qu’il réservait le droit d’utiliser la mention « crémant » aux seuls producteurs français et luxembourgeois. La Cour a souligné que cette circonstance individualisait la partie requérante par rapport à tout autre opérateur (arrêt Codorniu/Conseil, point 30 supra, EU:C:1994:197, points 21 et 22). Or, en l’espèce, il ne s’agit pas de l’usage d’une marque, nécessairement individuelle de par sa nature, mais d’un prétendu droit d’être surveillé par un organisme professionnel comportant des membres exerçant la profession d’expert-comptable. Un tel droit, même à le supposer établi, n’individualise nullement le requérant par rapport à l’ensemble indéterminé et indéterminable des opérateurs exerçant ladite profession qui examinent les comptes des entités d’intérêt public.

    49

    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que le requérant n’est individuellement concerné ni par le règlement attaqué en général, ni par l’article 21 dudit règlement, qu’il critique dans sa requête.

    50

    Par conséquent, les critères d’affectation directe et individuelle étant des critères cumulatifs de la recevabilité lorsque celle-ci est examinée au regard de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il est superflu d’examiner l’affectation directe du requérant par le règlement attaqué.

    51

    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le requérant ne dispose pas de la qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    Sur le droit du requérant à une voie de recours effectif

    52

    Le requérant invoque l’article 19 TUE ainsi que l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux et en déduit que, au regard de ces dispositions, son droit à un recours effectif implique que le présent recours soit recevable.

    53

    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union européenne est assuré, ainsi que cela ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, par la Cour et les juridictions des États membres (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 90).

    54

    Selon la jurisprudence, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 31 supra, EU:C:2002:462, point 40, et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 92).

    55

    Ainsi, les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale sont protégées contre l’application à leur égard de tels actes. Lorsque la mise en œuvre desdits actes appartient aux institutions de l’Union, ces personnes peuvent introduire un recours direct devant la juridiction de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer, en vertu de l’article 277 TFUE, à l’appui de ce recours, l’illégalité de l’acte général en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, elles peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, en vertu de l’article 267 TFUE, à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 93).

    56

    À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité dudit acte (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 94).

    57

    Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 95).

    58

    En revanche, quant à la protection conférée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, il convient de relever que cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités et, notamment, les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 19 supra, EU:C:2013:625, point 97).

    59

    Il s’ensuit que le requérant ne saurait valablement prétendre que le présent recours en annulation devrait être recevable sur la base de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, alors qu’il ne dispose pas de la qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

    60

    Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent grief.

    61

    À la lumière de l’ensemble de ce qui précède, il convient d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et par le Conseil et, partant, de rejeter le recours comme étant irrecevable.

    62

    Il en découle également qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention introduite par la Commission.

    Sur les dépens

    63

    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    64

    Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement et le Conseil, conformément aux conclusions de ces derniers.

    65

    Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la Commission et le Parlement supporteront leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention. Ainsi que cela ressort du point 7 ci-dessus, le requérant et le Conseil n’ont pas encouru de dépens à cet égard.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

    ordonne :

     

    1)

    Le recours est rejeté comme irrecevable.

     

    2)

    Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission européenne.

     

    3)

    M. Carsten René Beul supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

     

    4)

    La Commission et le Parlement supporteront leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

     

    Fait à Luxembourg, le 23 novembre 2015.

     

    Le greffier

    E. Coulon

    Le président

    G. Berardis


    ( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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