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Document 62010CO0272

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 18 janvier 2011.
Souzana Berkizi-Nikolakaki contre Anotato Symvoulio epilogis prosopikou (ASEP) et Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis.
Demande de décision préjudicielle: Dioikitiko Efeteio Thessalonikis - Grèce.
Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure - Politique sociale - Article 155, paragraphe 2, TFUE - Directive 1999/70/CE - Clause 8 de l’accord cadre sur le travail à durée déterminée - Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public - Contrats successifs - Abus - Sanctions - Transformation en un contrat de travail à durée indéterminée - Modalités procédurales - Délai de forclusion - Principes d’équivalence et d’effectivité - Régression du niveau général de protection des travailleurs.
Affaire C-272/10.

Recueil de jurisprudence 2011 I-00003*

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:19

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

18 janvier 2011(*)

«Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure – Politique sociale – Article 155, paragraphe 2, TFUE – Directive 1999/70/CE – Clause 8 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée – Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public – Contrats successifs – Abus – Sanctions – Transformation en un contrat de travail à durée indéterminée – Modalités procédurales – Délai de forclusion – Principes d’équivalence et d’effectivité – Régression du niveau général de protection des travailleurs»

Dans l’affaire C‑272/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Dioikitiko Efeteio Thessalonikis (Grèce), par décision du 30 novembre 2009, parvenue à la Cour le 31 mai 2010, dans la procédure

Souzana Berkizi-Nikolakaki

contre

Anotato Symvoulio epilogis prosopikou (ASEP),

Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 155, paragraphe 2, TFUE ainsi que des dispositions de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43) (ci-après l’«accord-cadre»), en particulier de la clause 8, point 3, de celui-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Berkizi-Nikolakaki à l’Anotato Symvoulio epilogis prosopikou (Conseil supérieur de sélection du personnel, ci-après l’«ASEP») et à l’Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis (université Aristote de Thessalonique, ci-après l’«APT»), au sujet du rejet, en raison de son caractère tardif, de la demande introduite par celle-ci en vue de la transformation en un contrat de travail à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée successifs la liant à son employeur.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE (devenu article 155, paragraphe 2, TFUE) et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

4        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci:

«a pour objet:

a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

5        La clause 5 de l’accord-cadre énonce:

«1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a)      sont considérés comme ‘successifs’;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

6        La clause 8 de l’accord-cadre dispose:

«[...]

3.      La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[...]

5.      La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

[...]»

7        Aux termes de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la directive 1999/70:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres peuvent, si nécessaire, et après consultation des partenaires sociaux, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective, disposer au maximum d’une année supplémentaire. Ils informent immédiatement la Commission de ces circonstances.»

8        En vertu de son article 3, cette directive est entrée en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 10 juillet 1999.

 La réglementation nationale

 La réglementation destinée à transposer la directive 1999/70

9        Le gouvernement hellénique a informé la Commission qu’il entendait faire usage de la faculté, prévue à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive 1999/70, aux fins de disposer d’un délai supplémentaire pour les besoins de l’adoption des mesures de mise en œuvre de cette directive, ce délai n’expirant, en raison de cette prorogation, que le 10 juillet 2002.

10      Le décret présidentiel 164/2004, portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public (FEK A’ 134/19.7.2004), a transposé la directive 1999/70 et l’accord-cadre dans la législation hellénique applicable au personnel de l’État et du secteur public au sens large. Ce décret est entré en vigueur le 19 juillet 2004.

11      Les articles 5 et 6 de ce décret présidentiel comportent les dispositions applicables en ce qui concerne les raisons objectives, le renouvellement et la durée maximale des contrats de travail à durée déterminée successifs.

12      L’article 7 dudit décret présidentiel énonce:

«Sanction des infractions

1.      Tout contrat conclu en violation des articles 5 et 6 du présent décret est nul de plein droit.

2.      Lorsque le contrat nul a été exécuté, en partie ou dans sa totalité, le travailleur se voit verser les sommes dues; des sommes éventuellement payées ne peuvent être réclamées. Le travailleur peut prétendre, à titre d’indemnité, au montant que devrait percevoir un travailleur équivalent employé pour une durée indéterminée, en cas de résiliation de son contrat. Lorsqu’il existe plus d’un contrat nul, la période prise en compte pour le calcul de l’indemnité est la durée totale d’emploi fondée sur les contrats nuls. Les sommes versées par l’employeur au travailleur sont imputées au fautif.

3.      Est puni d’emprisonnement [...] quiconque contrevient aux dispositions des articles 5 et 6 du présent décret. Lorsque le délit a été commis par négligence, le responsable est puni d’un emprisonnement limité à un an. Cette infraction constitue par ailleurs une faute disciplinaire grave.»

13      L’article 11 du décret présidentiel 164/2004 contient les dispositions transitoires suivantes:

«1.      À condition d’avoir été conclus avant l’entrée en vigueur du présent décret et d’être encore applicables au moment de cette entrée en vigueur, les contrats successifs au sens de l’article 5, paragraphe 1, sont à partir de maintenant transformés en contrat de travail à durée indéterminée si les conditions cumulatives ci-après sont remplies:

a)      la durée totale des contrats successifs est égale à 24 mois au moins avant l’entrée en vigueur du présent décret, indépendamment du nombre de renouvellements, ou il existe 3 renouvellements au moins après le contrat initial au sens de l’article 5, paragraphe 1, [du présent décret] avec une durée totale d’emploi de 18 mois au moins dans une période de 24 mois à compter du contrat initial;

b)      la durée totale d’emploi visée sous a) doit avoir été accomplie auprès de la même institution, en la même qualité ou en une qualité analogue, et aux mêmes conditions que dans le contrat de travail initial, ou à des conditions analogues à celles inscrites dans le contrat initial; [...]

c)      le contrat doit avoir pour objet des activités se rapportant directement et immédiatement à des besoins permanents et durables de l’institution en cause, tels que ces besoins sont définis par l’intérêt public dont cette institution a la charge;

d)      la durée totale d’emploi telle que mentionnée ci-dessus doit avoir été accomplie en régime de temps complet ou de temps partiel et les tâches effectuées doivent avoir été identiques ou analogues à celles indiquées dans le contrat initial. [...]

2.      Afin de voir constater que sont remplies les conditions fixées au paragraphe précédent, le travailleur adresse à l’organisme compétent, dans un délai impératif de deux mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, une demande énumérant les éléments attestant des conditions précitées. L’avis motivé, appréciant, dans chaque cas, si les conditions fixées au paragraphe précédent sont remplies, appartient au conseil des promotions ou à l’organe équivalent et, à défaut, au conseil d’administration ou à l’organe de direction – ou à l’organe équivalent en vertu des dispositions en vigueur – de la personne morale concernée. S’agissant d’entreprises municipales ou communales, l’organe compétent est nécessairement le conseil municipal ou communal de la collectivité territoriale concernée, lequel statue sur proposition du conseil d’administration ou de l’organe de direction de l’entreprise. L’organe compétent susmentionné apprécie par ailleurs si les contrats d’ouvrage ou autres contrats et rapports dissimulent en fait un rapport de subordination. L’avis dudit organe compétent doit être rendu au plus tard cinq mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret.

3.      Les avis, positifs ou négatifs, rendus conformément au paragraphe 2 par les organes compétents sont immédiatement transmis [à l’ASEP], lequel statue dans les trois mois à compter de leur réception.

4.      Sont soumis aux dispositions du présent article les travailleurs du secteur public [...] ainsi que les travailleurs des entreprises municipales [...].

5.      Sont également soumis aux dispositions du paragraphe 1 du présent article les contrats ayant expiré au cours des trois mois ayant précédé l’entrée en vigueur du présent décret; ces contrats sont réputés être des contrats successifs restés applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du présent décret. La condition visée au paragraphe 1, sous a), du présent article doit être remplie à la date d’expiration du contrat.

[...]»

 Les autres réglementations pertinentes concernant les contrats de travail à durée déterminée

14      L’article 103, paragraphe 8, de la Constitution hellénique, entré en vigueur le 7 avril 2001, interdit, dans le secteur public, de transformer des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.

15      L’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé (FEK B’ 11/18.3.1920) dispose:

«Les dispositions de la présente loi sont aussi applicables aux contrats de travail à durée déterminée, si cette durée n’est pas justifiée par la nature du contrat, mais a été intentionnellement fixée dans le but de contourner les dispositions de la présente loi qui sont relatives à la résiliation obligatoire du contrat de travail.»

16      Selon la décision de renvoi, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, tel qu’interprété par les juridictions helléniques, que lorsque la durée déterminée de contrats de travail successifs n’est pas justifiée par la nature, la forme ou l’objectif du travail à effectuer ou n’est pas dictée par une raison spécifique, la clause fixant une durée déterminée est frappée de nullité et, partant, ces contrats successifs sont considérés comme ayant été conclus à durée indéterminée. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution hellénique, le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) considère, conformément à l’arrêt 20/2007 de l’Areios Pagos (Cour de Cassation), que l’application de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 est exclue en ce qui concerne les relations de travail dans le secteur public.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      La requérante au principal a conclu avec l’APT, personne morale de droit public, cinq contrats de travail à durée déterminée successifs d’une durée globale de 27 mois, en qualité de microbiologiste travaillant à temps plein. Ces contrats ont couru, respectivement, du 1er avril 2002 au 30 avril 2002, du 1er mai 2002 au 30 juillet 2002, du 1er août 2002 au 31 décembre 2002, du 1er janvier 2003 au 30 juin 2003 et du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004.

18      Il est constant que l’activité de l’intéressée couvrait des besoins permanents et durables de l’employeur de cette dernière dans la mesure où elle avait pour objet la recherche scientifique.

19      Le 15 octobre 2004, la requérante au principal a introduit auprès de l’APT une demande au titre de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 en vue d’obtenir la transformation de ses contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée.

20      Par une décision du 14 octobre 2005, l’ASEP a considéré que le conseil de service conjoint représentant le service du personnel de l’APT, le personnel du cercle des étudiants et celui des fonds spéciaux de l’université avaient estimé à juste titre, dans le procès-verbal établi au terme d’une réunion tenue le 2 novembre 2004, que, même si la requérante au principal remplissait les conditions prévues à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 pour la transformation de ses contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée, sa demande devait être rejetée dès lors qu’elle avait été introduite en dehors du délai de deux mois prévu au paragraphe 2 de cette disposition à compter de l’entrée en vigueur dudit décret, délai qui expirait le 20 septembre 2004.

21      Le 24 janvier 2006, la requérante au principal a saisi le Dioikitiko Efeteio Thessalonikis d’un recours tendant à l’annulation de cette décision.

22      Dans la décision de renvoi, cette juridiction expose que l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, qui institue une procédure au terme de laquelle des contrats de travail à durée déterminée successifs abusifs conclus dans le secteur public peuvent être transformés par l’ASEP en un contrat de travail à durée indéterminée, a pour objet, à titre transitoire, de «régulariser» des relations d’emploi établies avant son entrée en vigueur, le 19 juillet 2004, compte tenu de la transposition tardive en droit interne de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, transposition qui aurait dû avoir lieu au plus tard le 10 juillet 2002.

23      Ladite juridiction constate cependant que le délai de deux mois prévu à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 pour l’introduction d’une demande auprès de l’ASEP au titre de cette disposition, dès lors qu’il constitue un délai de forclusion, a pour effet de priver les travailleurs concernés qui n’ont pas introduit leur demande dans ce délai de toute possibilité d’obtenir la transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée. Or, ces travailleurs ne bénéficieraient de l’application d’aucune autre mesure leur apportant des garanties effectives et équivalentes de protection susceptibles de sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs. En effet, l’article 7 du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit de sévères sanctions pénales, disciplinaires et civiles pour l’employeur qui enfreindrait ce décret, ainsi qu’une pleine indemnisation du travailleur, ne s’appliquerait qu’aux contrats à durée déterminée conclus après son entrée en vigueur. En outre, lesdits travailleurs ne pourraient invoquer l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, qui, selon l’interprétation donnée par la jurisprudence nationale, permet la transformation d’une succession de contrats de travail à durée déterminée abusifs en un contrat de travail à durée indéterminée, dès lors que l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution hellénique empêche désormais l’application de cette disposition aux relations de travail avec l’État ou une personne morale de droit public. Par ailleurs, l’ordre juridique hellénique ne comporterait pas d’autre mesure légale équivalente.

24      Or, la même juridiction relève que le délai de deux mois prévu à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 est plus bref que les délais de forclusion prévus par les réglementations nationales antérieures visant à la régularisation des relations d’emploi dans le secteur public, lesquels auraient été systématiquement prorogés afin d’éviter l’exclusion des travailleurs concernés du bénéfice de ces réglementations et de permettre la transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée. En outre, ledit article 11, même s’il a été publié au Journal officiel de la République hellénique, aurait fait l’objet d’une publicité insuffisante pour que le vaste cercle des personnes concernées soit informé. Aussi, un certain nombre de travailleurs employés à durée déterminée n’auraient pas présenté de demande au titre de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, mais auraient saisi les juridictions civiles en invoquant l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

25      La juridiction de renvoi se demande dès lors si le délai de forclusion prévu à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 garantit la pleine efficacité des dispositions de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre. Elle s’interroge en outre sur le point de savoir si ce délai peut être considéré comme une «régression» du niveau de protection sociale des travailleurs à durée déterminée liée à la mise en œuvre de l’accord-cadre, interdite par la clause 8, paragraphe 3, de ce dernier, dès lors que ce décret a pour objectif d’appliquer l’accord-cadre et prévoit des délais plus brefs que ceux prévus par les réglementations nationales antérieures dites de «régularisation».

26      Dans ces conditions, le Dioikitiko Efeteio Thessalonikis a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Peut-on considérer comme compatibles avec l’objectif – au sens de l’article [155], paragraphe 2, [TFUE] – et avec l’effet utile – au sens de l’article [288], troisième alinéa, [TFUE] – de la directive [1999/70], les dispositions de l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, selon lesquelles, pour faire constater la réunion des conditions de transformation des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, le travailleur doit présenter à l’organisme compétent, dans un délai de forclusion de [deux] mois à compter de l’entrée en vigueur du décret, une demande incluant les éléments établissant la réunion de ces conditions, compte tenu du fait que le délai en question étant un délai de forclusion, le travailleur perd le droit à la transformation des contrats s’il ne présente pas sa demande dans un délai de deux mois?

2)       Compte tenu de l’objectif de la directive [1999/70], au sens de l’article [155], paragraphe 2, [TFUE], le délai de deux mois est-il suffisant pour faire face aux besoins de tous les salariés soumis aux dispositions de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 et pour assurer l’effet utile – au sens de l’article [288], troisième alinéa, [TFUE] – des objectifs de la directive par la seule publication des dispositions de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 au Journal officiel [de la République hellénique]?

3)       Compte tenu des prorogations des délais correspondants octroyées par les réglementations analogues antérieures au décret présidentiel 164/2004, l’absence de prorogation du délai de deux mois constitue-t-elle une régression du niveau général de protection des travailleurs contraire à la clause 8, paragraphe 3, de la directive [1999/70]?»

 Sur les questions préjudicielles

27      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel est identique à celle fournie à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, l’avocat général entendu, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire. En effet, celle-ci s’inscrit dans le même cadre juridique et factuel que les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057), et du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, Rec. p. I‑3071), ainsi qu’aux ordonnances du 12 juin 2008, Vassilakis e.a. (C‑364/07), et du 24 avril 2009, Koukou (C‑519/08).

 Sur les première et deuxième questions

29      Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 155, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’accord-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret.

30      Il y a lieu de constater que la réponse à ces questions peut être clairement déduite de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt Angelidaki e.a., précité (points 168 à 176), ainsi que des ordonnances précitées Vassilakis (points 138 à 150) et Koukou (points 73 à 81 et 92 à 102), dans lesquels la Cour a déjà interprété les dispositions de l’accord-cadre au regard de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004.

31      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 prévoit, à titre de disposition transitoire, dès lors que les dispositions de la directive 1999/70, y compris celles de l’accord-cadre, lequel fait partie intégrante de cette dernière, devaient être transposées dans l’ordre juridique hellénique au plus tard le 10 juillet 2002, la possibilité, sous certaines conditions, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée les contrats à durée déterminée qui étaient en cours à la date de l’entrée en vigueur dudit décret, à savoir le 19 juillet 2004, ou qui ont expiré au cours d’une période de trois mois ayant précédé cette date, à savoir le 19 avril 2004 (voir ordonnance Koukou, précitée, point 74).

32      La Cour a déjà jugé, en substance, s’agissant des conditions auxquelles l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 soumet une telle possibilité de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée successifs, que ces conditions, qui portent, notamment, conformément à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, sur la durée maximale des contrats à durée déterminée successifs et le nombre de leur renouvellement, n’étaient pas, en principe, contraires à cet accord dès lors qu’elles sont propres à garantir, ce qu’il incombe aux autorités et juridictions nationales chargées de la mise en œuvre des mesures de transposition de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre de vérifier, que les éventuelles utilisations abusives de contrats de travail à durée déterminée successifs intervenues avant l’entrée en vigueur de ce décret sont dûment sanctionnées et à effacer ainsi les conséquences de la violation du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, points 168 à 171, et ordonnance Koukou, précitée, points 77 et 79 à 81) .

33      En particulier, la Cour a relevé que, dans la mesure où, pour la période comprise entre le 10 juillet 2002, date à laquelle la directive 1999/70 et l’accord-cadre devaient être transposés par la République hellénique, et le 19 juillet 2004, date d’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004 adopté en vue de procéder à cette transposition dans le secteur public, l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne comporterait pas d’autres mesures effectives à cet effet, par exemple, en raison du fait que, comme le relève la juridiction de renvoi dans la présente affaire, les sanctions prévues à l’article 7 dudit décret ne s’appliqueraient pas rationae temporis, la transformation des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée pourrait constituer une telle mesure (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 170, et ordonnance Koukou, précitée, point 79; voir, également, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité, points 98 à 105, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 129 à 137).

34      Par ailleurs, s’agissant de la procédure prévue à cet effet par le droit national, la Cour a rappelé que, en vertu de la clause 8, point 5, de l’accord-cadre, la prévention ainsi que la réglementation des litiges et des plaintes, résultant de l’application dudit accord, sont traitées conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales (arrêt Angelidaki e.a., point 172, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 140, et Koukou, point 95).

35      Conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (arrêts du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 44 et jurisprudence citée, et Angelidaki e.a., précité, point 173, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., point 141 et Koukou, point 96).

36      Les États membres portent toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits (arrêt Impact, précité, point 45 et jurisprudence citée).

37      À ce titre, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence bien établie, les modalités des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts Adeneler e.a., précité, point 95; du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C-53/04, Rec. p. I-7213, point 52; Vassallo, C-180/04, Rec. p. I-7251, point 37, et Angelidaki e.a., précité, points 159 et 174, ainsi que ordonnances Vassilakis e.a., précitée, points 126 et 142; Koukou, précitée, points 65 et 97, et du 1er octobre 2010, Affatato, C-3/10, point 46).

38      La Cour a ainsi déjà jugé qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant qu’une autorité administrative indépendante, telle l’ASEP, est compétente pour requalifier éventuellement des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée semble, à première vue, sous réserve des vérifications à effectuer par les juridictions nationales, satisfaire à ces exigences d’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, points 175 et 176, ainsi que ordonnances précitées Vassilakis e.a., points 144 et 149, et Koukou, points 99 et 101).

39      La juridiction de renvoi se demande toutefois si le délai de forclusion de deux mois prévu à l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 pour l’introduction par les travailleurs concernés d’une demande de transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée est susceptible de mettre en cause la pleine efficacité de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, pour ce qui concerne le respect du principe d’équivalence, ce dernier suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables. Toutefois, ce principe ne saurait être interprété comme obligeant un État membre à étendre son régime interne le plus favorable à l’ensemble des actions introduites dans le domaine du droit du travail. Afin de vérifier si le principe d’équivalence est respecté, il appartient à la juridiction nationale, qui est la seule à avoir une connaissance directe des modalités procédurales des recours dans le domaine du droit interne, de vérifier si les modalités procédurales destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union sont conformes à ce principe et d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne. À ce titre, la juridiction nationale doit vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels (arrêts du 29 octobre 2009, Pontin, C‑63/08, Rec. p. I‑10467, point 45, ainsi que du 8 juillet 2010, Bulicke, C‑246/09, non encore publié au Recueil, points 26 à 28).

41      Il ressort de la jurisprudence que, afin de statuer sur l’équivalence des règles de procédure, la juridiction nationale doit vérifier de manière objective et abstraite la similitude des règles en cause sous l’angle de leur place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles (arrêts précités Pontin, point 46, et Bulicke, point 29).

42      En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique dans sa décision que, dans le cadre des réglementations nationales portant sur la régularisation des relations d’emploi dans le secteur public, antérieures à l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, les délais de forclusion avaient été systématiquement prorogés par le législateur national afin d’éviter l’exclusion des travailleurs concernés du bénéfice de ces réglementations et de faciliter ainsi la transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée. Ainsi, un délai de trois mois prévu par la loi 2738/1999 aurait été prorogé de trois mois supplémentaires par la loi 2768/1999 à compter de la publication de celle-ci et, pour certaines catégories de personnes, de six mois supplémentaires par la loi 3050/2002. Un délai «analogue» prévu par la loi 2839/2000 aurait aussi été prorogé à partir de son expiration par la loi 3051/2002.

43      Toutefois, il apparaît que ces délais ne sont plus actuellement en vigueur. Or, la juridiction de renvoi ne mentionne aucun autre délai de nature interne en vigueur en matière de droit du travail qui concernerait des procédures nationales similaires relatives, par exemple, à la requalification ou à la régularisation de contrats de travail.

44      Dans ces conditions, il convient de constater qu’il ne ressort pas des éléments fournis à la Cour que le délai de forclusion de deux mois prévu à l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 est contraire au principe d’équivalence, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier.

45      À cet égard, il appartient à cette juridiction d’examiner si le droit national comporte des recours de nature interne en matière de droit du travail similaires à celui prévu à l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004. S’il s’avérait qu’un ou plusieurs recours nationaux qui n’ont pas été évoqués devant la Cour sont similaires à la procédure instituée à cette disposition, il appartiendrait encore à la juridiction de renvoi d’apprécier si de tels recours comportent des modalités procédurales, en particulier des délais, plus favorables (voir, en ce sens, arrêts précités Pontin, point 56, et Bulicke, point 34).

46      Dans ses observations écrites soumises à la Cour dans le cadre de la présente procédure, la requérante au principal a également souligné que, au cours de la période concernée, correspondant aux mois d’août et de septembre 2004, elle a souffert d’une incapacité partielle, attestée par un certificat médical, l’empêchant de préparer sa demande en vue de la transformation de ses contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée.

47      Il appartient à la juridiction de vérifier, au regard du principe d’équivalence, si une telle circonstance, dans le cadre des éventuels recours similaires de nature interne en matière de droit du travail, est susceptible de constituer un cas de force majeure ou un autre motif justifiant qu’il soit dérogé, à titre exceptionnel, à un délai de forclusion.

48      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les cas dans lesquels se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union doivent, de même, être analysés en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, s’il y a lieu, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêts précités Pontin, point 47, ainsi que Bulicke, point 35).

49      La Cour a ainsi reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique, de tels délais n’étant pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. En ce qui concerne des délais de forclusion, la Cour a également jugé qu’il appartient aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération (arrêts précités Pontin, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que Bulicke, point 36).

50      En l’occurrence, l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 prévoit un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur de ce décret, le 19 juillet 2004, pour saisir les autorités compétentes d’une demande visant à la transformation des contrats de travail à durée déterminée successifs en vigueur à cette date ou ayant expiré trois mois avant celle-ci, lorsqu’ils revêtent un caractère abusif, en un contrat de travail à durée indéterminée.

51      Il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé que la fixation d’un délai de forclusion d’une durée de deux mois, dans le contexte de l’affaire dont elle était saisie, n’apparaissait pas susceptible de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt Bulicke, précité, point 39).

52      Certes, l’expiration de ce délai de forclusion a pour conséquence, ainsi que le soulignent la juridiction de renvoi et la requérante au principal, de priver les travailleurs concernés de la possibilité d’obtenir la transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs, lorsqu’ils revêtent un caractère abusif, en un contrat de travail à durée indéterminée.

53      Toutefois, une telle conséquence est inhérente à tout délai de forclusion et ne saurait donc en tant que telle démontrer que l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union est rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile.

54      Il est à cet égard sans pertinence que, comme le souligne la requérante au principal, le droit interne ne prévoirait pas, s’agissant des travailleurs se trouvant dans la même situation que la sienne, d’autre mesure de protection contre l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs.

55      En effet, la transformation des contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée prévue à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 constitue, ainsi qu’il ressort déjà des points 32 et 33 de la présente ordonnance, une mesure propre à sanctionner dûment le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs.

56      La juridiction de renvoi suggère cependant que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 a fait l’objet d’une publicité insuffisante. La seule publication de cette disposition au Journal officielde la République hellénique n’aurait pas, en effet, permis d’informer le vaste cercle des personnes concernées.

57      Toutefois, la décision de renvoi n’explicite en rien les raisons pour lesquelles une telle publicité serait insuffisante, s’agissant d’une mesure législative de portée générale telle que le décret présidentiel 164/2004. En outre, le gouvernement hellénique a indiqué dans ses observations écrites que l’article 11 dudit décret avait fait l’objet de diverses mesures de publicité supplémentaires, tant dans les médias nationaux qu’au sein même de l’administration. Par ailleurs, et surtout, il ressort des propres indications fournies par la décision de renvoi que moins de 2 % des demandes introduites au titre de l’article 11 de ce décret ont été rejetées en raison de leur caractère tardif.

58      Dans ces conditions, il convient de constater qu’il ne ressort pas des éléments fournis à la Cour que le délai de forclusion de deux mois prévu à l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 était de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’accord-cadre.

59      Cela étant, selon une jurisprudence constante, c’est à la juridiction de renvoi, et non à la Cour, qu’il incombe de vérifier que l’État membre en cause a pris toutes les dispositions nécessaires lui permettant, d’une part, d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 1999/70 et, d’autre part, de prévoir que les modalités de mise en œuvre des normes prises en application de l’accord‑cadre, qui relèvent de son ordre juridique interne en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, assurent la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect du principe d’effectivité (voir, notamment, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 176, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 149 et jurisprudence citée).

60      Il s’ensuit qu’il appartient à la juridiction de renvoi, dans l’affaire au principal, de déterminer si le délai de deux mois prévu à l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 était suffisant, au regard du principe d’effectivité, pour permettre aux intéressés de faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée leurs contrats de travail à durée déterminée successifs lorsque ceux-ci revêtent un caractère abusif.

61      Il convient dès lors de répondre aux première et deuxième questions que l’article 155, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’accord-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret, sous réserve que ce délai, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ne soit pas moins favorable que celui concernant des recours similaires de droit interne en matière de droit du travail et ne rende pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union.

 Sur la troisième question

62      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret, alors que les délais correspondants prévus par les réglementations nationales analogues antérieures à cette date auraient fait l’objet de prorogations.

63      Il y a lieu de constater que la réponse à ces questions peut être clairement déduite de la jurisprudence, en particulier des arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981, points 44 à 54), Angelidaki e.a., précité (points 122 à 146), et du 24 juin 2010, Sorge (C‑98/09, non encore publié au Recueil, points 27 à 48), ainsi que des ordonnances Koukou, précitée (points 103 à 124) et du 11 novembre 2010, Vino (C‑20/10, points 31 à 48).

64      Il ressort de cette jurisprudence que, selon les termes mêmes de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, la mise en œuvre de cet accord ne saurait constituer un motif valable, pour les États membres, pour opérer une régression du niveau général de la protection des travailleurs précédemment garantie, dans l’ordre juridique interne, dans le domaine des contrats de travail à durée déterminée (voir arrêts précités Mangold, points 50 et 52; Angelidaki e.a., points 111 à 121 et 125, et Sorge, points 30 à 35, ainsi que ordonnances précitées Koukou, point 113, et Vino, point 31).

65      Il en résulte qu’une régression de la protection garantie aux travailleurs dans le domaine des contrats de travail à durée déterminée n’est pas comme telle interdite par l’accord-cadre, mais que, pour relever de l’interdiction édictée par la clause 8, point 3, de celui-ci, cette régression doit, d’une part, être liée à la «mise en œuvre» de l’accord-cadre et, d’autre part, porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée (arrêts Mangold, précité, point 52; Angelidaki e.a., point 126, ainsi que ordonnances précitées Koukou, point 114, et Vino, point 32).

66      En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique, ainsi qu’il ressort du point 42 de la présente ordonnance, que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 constitue une «régression» du niveau de protection sociale des travailleurs employés à durée déterminée au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, en ce qu’il prévoirait un délai nettement plus bref que les délais de forclusion prévus par les réglementations nationales antérieures qui visaient à la régularisation des relations d’emploi dans le secteur public. Ces délais auraient, en effet, été systématiquement prorogés dans le passé afin d’éviter l’exclusion des travailleurs concernés du bénéfice de ces réglementations et de faciliter ainsi la transformation de leurs contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée.

67      Dans ses observations écrites, le gouvernement hellénique a cependant expliqué qu’une des législations évoquées par la juridiction de renvoi ne comportait, en réalité, aucune prorogation de délais, mais prévoyait la simple réouverture d’un délai expiré depuis deux ans. Par ailleurs, ce gouvernement a relevé, à titre indicatif, que, dans le passé, les lois 2266/1994 et 1735/1987, à l’instar de l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, avaient déjà accordé aux travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée un délai de forclusion de deux mois pour demander la transformation de leur contrat en un contrat de travail à durée indéterminée.

68      Dès lors qu’il appartient exclusivement aux juridictions nationales d’interpréter le droit national, c’est toutefois à ces dernières qu’il incombe de déterminer dans quelle mesure la modification susmentionnée, apportée par l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, a entraîné, par rapport au droit national préexistant, une réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée (voir, par analogie, arrêts précités Angelidaki e.a., point 129, et Sorge, point 36, ainsi que ordonnances précitées Koukou, point 109, et Vino, point 34).

69      En revanche, il appartient, le cas échéant, à la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, de fournir des indications à la juridiction de renvoi en vue de guider celle-ci dans son appréciation quant au point de savoir si cette éventuelle réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée constitue une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre. Pour ce faire, il y a lieu, en principe, d’examiner dans quelle mesure les modifications apportées par l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 sont susceptibles, d’une part, d’être considérées comme étant liées à la «mise en œuvre» de cet accord et, d’autre part, de porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs au sens de la clause 8, point 3, de celui-ci (voir arrêts précités Angelidaki e.a., point 130, et Sorge, points 29 et 37, ainsi que ordonnances précitées Koukou, point 111, et Vino, point 35).

70      En ce qui concerne cette dernière condition, il convient de rappeler que celle-ci implique que seule une réduction d’une ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre (arrêts précités Angelidaki e.a., point 140 et Sorge, point 42, ainsi que ordonnance Koukou, précitée, point 119).

71      Dans sa décision, la juridiction de renvoi relève que la procédure instituée à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 a concerné près de 75 000 demandes.

72      Toutefois, il y a lieu de constater que la prétendue modification apportée au droit national antérieur par cette disposition concerne uniquement le délai dans lequel les travailleurs liés par des contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public pouvaient introduire une demande de transformation de leurs contrats en un contrat de travail à durée indéterminée. En tant que telle, cette modification d’une règle procédurale n’affecte pas, en revanche, le niveau matériel de protection sociale conféré à ces travailleurs par le droit national.

73      Or, la Cour a déjà constaté à cet égard que le décret présidentiel 164/2004 mettait en œuvre dans le secteur public, à compter de la date de son entrée en vigueur, l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre à l’égard des travailleurs liés par des contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 152, ainsi que ordonnance Koukou, précitée, points 56 et 105).

74      Force est de constater que lesdites mesures apparaissent, à première vue, de nature à compenser toute réduction éventuelle de la protection des travailleurs à durée déterminée qui serait identifiée par la juridiction de renvoi en ce qui concerne les travailleurs relevant de la procédure instituée à l’article 11 dudit décret (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 143, et ordonnance Koukou, précitée, 122).

75      Par ailleurs, la modification en question affecte non pas tous les travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, mais uniquement ceux qui relèvent du secteur public et qui ont conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs en cours à la date de l’entrée en vigueur de ce décret, le 19 juillet 2004, ou trois mois avant cette date (voir, par analogie, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 141, et ordonnance Koukou, précitée, point 120).

76      Par conséquent, sans même qu’il soit besoin d’examiner la condition selon laquelle la régression doit être liée à la «mise en œuvre» de l’accord-cadre, il apparaît que, pour ces seuls motifs, la prétendue modification apportée au droit national antérieur par l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 ne relève pas de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre.

77      Il convient, dès lors, de répondre à la troisième question que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret, alors que les délais correspondants prévus par les réglementations nationales analogues antérieures à cette date auraient fait l’objet de prorogations, dès lors que cette réglementation n’affecte pas le niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée.

 Sur les dépens

78      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 155, paragraphe 2, TFUE, ainsi que l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret, sous réserve que ce délai, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ne soit pas moins favorable que celui concernant des recours similaires de droit interne en matière de droit du travail et ne rende pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union.

2)      La clause 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que l’article 11, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, qui prévoit que la demande d’un travailleur visant à faire transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être considérés comme abusifs doit être introduite auprès de l’autorité compétente dans un délai de forclusion de deux mois à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret, alors que les délais correspondants prévus par les réglementations nationales analogues antérieures à cette date auraient fait l’objet de prorogations, dès lors que cette réglementation n’affecte pas le niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.

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