Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62008CO0060

    Ordonnance du président de la Cour du 24 mars 2009.
    Cheminova A/S et autres contre Commission des Communautés européennes.
    Pourvoi - Référé - Retrait des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du malathion - Recevabilité - Urgence.
    Affaire C-60/08 P(R).

    Recueil de jurisprudence 2009 I-00043*

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:181

    ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

    24 mars 2009 (*)

    «Pourvoi – Référé – Retrait des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du malathion – Recevabilité – Urgence»

    Dans l’affaire C‑60/08 P(R),

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, introduit le 13 février 2008,

    Cheminova A/S, établie à Lemvig (Danemark),

    Cheminova Agro Italia Srl, établie à Rome (Italie),

    Cheminova Bulgaria EOOD, établie à Sofia (Bulgarie),

    Agrodan SA, établie à Madrid (Espagne),

    Lodi SAS, établie à Grand-Fougeray (France),

    représentées par M. D. Vaughan, QC, Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats, Mme V. Wakefield, barrister, et M. P. Sellar, solicitor,

    parties requérantes,

    soutenues par:

    European Crop Protection Association (ECPA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes D. Waelbroeck et I. Antypas, avocats,

    partie intervenante au pourvoi,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Doherty et L. Parpala, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

    l’avocat général, Mme V. Trstenjak, entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par leur pourvoi, Cheminova A/S, Cheminova Agro Italia Srl, Cheminova Bulgaria EOOD, Agrodan SA et Lodi SAS demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission (T-326/07 R, Rec. p. II‑4877, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle ce dernier a rejeté leur demande en référé ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision 2007/389/CE de la Commission, du 6 juin 2007, concernant la non-inscription du malathion à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 146, p. 19, ci-après la «décision litigieuse»), jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal.

    2        Le cadre juridique, les faits à l’origine du litige ainsi que la procédure devant le Tribunal ont été résumés par le président de ce dernier aux points 1 à 33 de l’ordonnance attaquée.

     L’ordonnance attaquée

    3        Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a reconnu qu’il ne pouvait être exclu à première vue que Cheminova A/S, en tant qu’auteur de la notification de la demande tendant à obtenir l’inscription du malathion à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), soit directement et individuellement concernée par la décision litigieuse, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et que le recours au principal introduit par elle soit recevable.

    4        Il a rappelé, par la suite, la jurisprudence selon laquelle, s’agissant d’un seul et même recours au principal, il n’y a prima facie pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérantes. Il a toutefois souligné que cette jurisprudence, si elle doit, le cas échéant, être prise en considération dans le cadre de la procédure au principal, ne saurait trouver application pour ce qui est de la question de l’appréciation de l’urgence dans le cadre d’une procédure de référé.

    5        Il a donc examiné si les requérantes autres que Cheminova A/S apparaissaient prima facie manifestement irrecevables, en tant que personnes non concernées directement et individuellement par la décision litigieuse, à demander au Tribunal l’annulation au principal de cette décision.

    6        À cet égard, le président du Tribunal a considéré que les requérantes autres que Cheminova A/S n’étaient pas individualisées par des qualités qui leur seraient particulières, mais étaient plutôt affectées au même titre que tous les autres vendeurs et utilisateurs du malathion se trouvant dans la même situation.

    7        Les arguments avancés en sens contraire par les requérantes n’ont pas été jugés comme étant de nature à remettre en cause cette appréciation. Ainsi, le président du Tribunal a rejeté les allégations selon lesquelles les requérantes autres que Cheminova A/S pourraient être individuellement concernées par la décision litigieuse en raison des autorisations nationales de commercialisation du malathion ou des lettres d’accès aux données détenues par Cheminova A/S qu’elles possèdent, ou encore en raison de leur appartenance à un cercle fermé d’entreprises condamnées à perdre leurs autorisations de commercialisation le 6 décembre 2007 au plus tard.

    8        Sur la base de ces éléments, le président du Tribunal a jugé que les requérantes autres que Cheminova A/S ne pouvaient, à première vue, être considérées comme individuellement concernées par la décision litigieuse. Le président du Tribunal a donc estimé que ces requérantes n’étaient pas recevables à arguer de leur propre situation individuelle pour établir l’urgence et qu’elles n’étaient, en conséquence, pas non plus recevables à introduire la demande en référé.

    9        Après avoir exclu l’argumentation relative aux requérantes autres que Cheminova A/S dans son appréciation de l’urgence, le président du Tribunal a examiné l’allégation de Cheminova A/S selon laquelle, si le sursis à l’exécution de la décision litigieuse n’était pas ordonné, elle subirait un préjudice grave et irréparable en raison de la perte irrémédiable de ses parts de marché du malathion.

    10      Il a relevé, à cet égard, qu’il ne suffit pas qu’une part de marché, aussi minime soit-elle, risque d’être irrémédiablement perdue, mais il importe que cette part de marché soit suffisamment importante. Un requérant qui se prévaut de la perte d’une telle part de marché doit démontrer, en outre, que la reconquête d’une fraction appréciable de celle-ci, notamment par des mesures appropriées de publicité, est impossible en raison d’obstacles de nature structurelle ou juridique.

    11      Le président du Tribunal a vérifié, tout d’abord, si le préjudice allégué pouvait être qualifié de grave au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de Cheminova A/S ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient, et il est arrivé à la conclusion que, outre le fait que les éléments chiffrés fournis par les requérantes concernant le préjudice subi sur le marché communautaire n’apparaissaient pas suffisamment précis pour établir l’urgence pour Cheminova A/S, le préjudice annuel causé par la décision litigieuse pouvait être, en tout état de cause, évalué à moins de 1 % du chiffre d’affaires dudit groupe.

    12      Ensuite, le président du Tribunal a rejeté les arguments des requérantes concernant la diminution de leurs ventes dans des États tiers, les teneurs maximales en résidus ainsi que le «projet colza» envisagé par les requérantes pour la fourniture du malathion au secteur du colza.

    13      Le caractère irréparable du préjudice subi par les requérantes a été également écarté. Le président du Tribunal a estimé que les qualités du malathion sont apparemment très appréciées de la clientèle des requérantes et qu’il n’existe pas de parfait produit de substitution, éléments qui plaident en faveur de la possibilité d’un retour sur le marché du malathion. Cette conclusion serait confirmée par les résultats d’une étude réalisée auprès de certains des principaux clients des requérantes.

     La procédure devant la Cour

    14      La Commission des Communautés européennes a présenté ses observations sur le pourvoi le 12 mars 2008.

    15      Par acte déposé au greffe de la Cour le 5 mai 2008, European Crop Protection Association (ECPA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Les arguments invoqués par celle-ci à l’appui de sa demande d’intervention faisant apparaître à première vue un intérêt à la solution du présent pourvoi, il y a eu lieu de faire droit à sa demande, ce qui lui a été signifié par lettre du greffe de la Cour du 6 juin 2008. ECPA a présenté son mémoire en intervention le 16 juin 2008. La Commission a soumis ses observations écrites sur ledit mémoire en intervention le 30 juin 2008.

    16      Dès lors que les observations écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour qu’il soit statué sur le présent pourvoi, il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

     Sur le pourvoi

    17      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent trois moyens tirés, respectivement, des erreurs de droit commises par le président du Tribunal dans l’examen de la recevabilité de la requête et dans l’appréciation de l’urgence ainsi que de l’irrégularité de la procédure de première instance résultant de l’absence d’audience. Les arguments invoqués par la partie intervenante concernent les deux premiers moyens.

     Sur le premier moyen, tiré des erreurs de droit commises par le président du Tribunal dans l’examen de la recevabilité de la requête

     Argumentation des parties

    18      En premier lieu, les requérantes, soutenues par la partie intervenante, font valoir que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en examinant la recevabilité du recours au principal comme s’il avait été introduit par chaque requérante séparément.

    19      Elles expliquent, tout d’abord, que la Commission n’a pas contesté la recevabilité du recours au principal et de la demande en référé en ce qui concerne Cheminova A/S et qu’elle n’a pas soulevé l’irrecevabilité manifeste du recours au principal.

    20      Ensuite, en se référant aux ordonnances du président du Tribunal du 5 juillet 2005, Rodenbröker e.a./Commission (T-117/05 R, Rec. p. II‑2593, point 61), et du du 19 juillet 2007, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission (T-31/07 R, Rec. p. II‑2767, point 113), elles indiquent que, dans le passé, le président du Tribunal a systématiquement jugé que, lorsqu’il s’agit d’établir la recevabilité d’un seul et même recours introduit par plusieurs requérants et que le recours est recevable en ce qui concerne l’un d’entre eux, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérants. Par conséquent, il a considéré comme recevable une demande en référé dès lors que celle-ci avait été jugée, à première vue, recevable à l’égard d’au moins une requérante, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la qualité pour agir en référé des autres requérantes.

    21      Or, le président du Tribunal aurait commis, en l’espèce, une erreur de droit, en ne précisant pas pour quelle raison le raisonnement suivi dans les affaires ayant donné lieu auxdites ordonnances, qui avaient trait à une pluralité de requérantes, ne pouvait pas être transposé en l’espèce.

    22      Les requérantes invoquent, en outre, la violation de l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, puisque chacune d’entre elles, autres que Cheminova A/S, a attaqué la décision litigieuse devant le Tribunal et est partie à la procédure au principal, de sorte que chacune d’entre elles est recevable à introduire une demande en référé.

    23      Les requérantes estiment que le raisonnement du président du Tribunal aurait des conséquences catastrophiques, au plan pratique et juridique, pour les grands groupes qui répartissent leurs différentes activités entre plusieurs entités juridiques spécialisées, avec une société qui s’occupe, par exemple, des aspects administratifs tels que la notification de la demande tendant à obtenir l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414 et la participation à la procédure relative à cette inscription, et une autre société qui s’occupe, par exemple de la fabrication et de la commercialisation des produits. Le raisonnement suivi par le président du Tribunal signifierait qu’une entreprise qui opérerait au travers d’une seule société ou par l’intermédiaire de différentes unités internes serait privilégiée par rapport à une société qui opérerait par l’intermédiaire de filiales nationales ou de distributeurs exclusifs.

    24      Enfin, les requérantes soutiennent que, en tout état de cause, les éléments qui établissent la recevabilité de la requête de première instance à l’égard de Cheminova A/S valent tout autant à l’égard des autres requérantes, puisque les actes accomplis par cette première en tant que fabricant, aux fins de ladite notification et de ladite participation, l’ont été pour le groupe dans son ensemble. Au soutien de cet argument, elles renvoient à l’économie de la directive 91/414, qui serait structurée de façon à ce qu’une demande tendant à obtenir l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414 ne fasse l’objet que d’une notification par groupe de sociétés.

    25      En second lieu, les requérantes, soutenues par la partie intervenante, font valoir que, même à supposer que c’est à bon droit que le président du Tribunal a examiné la recevabilité du recours comme s’il avait été introduit par chaque requérante séparément, il a néanmoins commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement le critère selon lequel le juge des référés ne doit déclarer une demande en référé irrecevable que si la recevabilité du recours au principal peut être totalement exclue. Elles estiment que, pour les raisons évoquées ci-dessous, c’est à tort que le président du Tribunal a jugé que les requérantes autres que Cheminova A/S n’étaient manifestement pas concernées individuellement par la décision litigieuse.

    26      Tout d’abord, Cheminova Agro Italia Srl, Cheminova Bulgaria EOOD et Agrodan SA seraient concernées individuellement par la décision litigieuse en raison de leur appartenance au même groupe économique que l’auteur de la notification de la demande tendant à obtenir l’inscription du malathion à l’annexe I de la directive 91/414, à savoir Cheminova A/S. Cela résulterait de l’arrêt du Tribunal du 22 avril 1999, Monsanto/Commission (T‑112/97, Rec. p. II‑1277). Les requérantes soulignent que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’entité juridique Monsanto Europe SA/NV avait assumé des fonctions analogues à celles de l’auteur d’une notification d’une demande tendant à obtenir l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414 et était également le destinataire nommé de la décision rejetant cette demande. Or, le recours en annulation avait été introduit par la société mère Monsanto Company. Selon les requérantes, cette dernière a été considérée comme individuellement concernée en raison de sa détention du capital de Monsanto Europe SA/NV.

    27      Ensuite, les requérantes font valoir que Lodi SAS est individuellement concernée en tant que titulaire de droits pertinents de propriété intellectuelle, à savoir d’une marque sous laquelle sont commercialisés seize produits insecticides à base de malathion. Elles tirent argument, à cet égard, de l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 21 et 22), dans lequel la Cour a jugé que le titulaire de la marque graphique Gran Cremant de Codorniu a établi l’existence d’une situation qui le caractérisait, au regard d’une disposition de portée générale, par rapport à tout autre opérateur économique. En effet, en réservant le droit d’utiliser la mention «crémant» aux seuls producteurs français et luxembourgeois, la disposition litigieuse aboutissait à empêcher ledit titulaire d’utiliser sa marque graphique.

    28      Enfin, les requérantes autres que Cheminova A/S estiment être individuellement concernées en tant que titulaires des droits spécifiques résultant des autorisations nationales de commercialisation du malathion. Ces droits seraient analogues au droit en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorniu/Conseil, précité. Selon les requérantes, c’est à tort que le président du Tribunal s’est fondé sur l’ordonnance du Tribunal du 28 novembre 2005, EEB e.a./Commission (T‑94/04, Rec. p. II‑4919, points 53 à 55), dès lors que l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance n’avait pas trait à des autorisations de commercialisation. Elles font valoir que leur situation devrait être distinguée de celle d’un opérateur qui commercialise de fait un produit, sans détenir aucun droit spécifique à l’égard de ce produit.

    29      Les requérantes ajoutent qu’elles détiennent des lettres d’accès aux données détenues par Cheminova A/S, lettres qui leur confèrent également des droits spécifiques analogues à celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorniu/Conseil, précité. En conséquence, elles se trouveraient dans une situation différente et plus favorable par rapport à celle d’autres entreprises aux fins de l’obtention d’autorisations futures de commercialisation. Les requérantes se réfèrent, à cet égard, à l’arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil (T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 98).

    30      La Commission conteste l’argumentation des requérantes et de la partie intervenante.

     Appréciation de la Cour

    31      Il convient de relever que, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’a pas soulevé l’irrecevabilité manifeste du recours au principal, ce fait ne suffit pas pour considérer que le raisonnement du président du Tribunal est entaché d’erreur de droit, dans la mesure où la question de l’irrecevabilité pour défaut de qualité d’agir dans le cadre d’un recours tendant au contrôle juridictionnel d’un acte communautaire constitue un moyen d’ordre public qui peut, et même doit, être soulevé d’office par le juge communautaire (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 35).

    32      Pour ce qui est de l’argument tiré de ce que le président du Tribunal n’a pas appliqué la jurisprudence établie, selon laquelle, s’agissant d’un seul et même recours au principal présenté par plusieurs requérants, il n’y a prima facie pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérants lorsque l’un d’entre eux est recevable, il convient d’observer, d’une part, que ce principe permet au juge communautaire d’omettre l’examen de la qualité pour agir des autres requérants, mais ne l’y oblige pas.

    33      D’autre part, le président du Tribunal n’a pas méconnu la jurisprudence susmentionnée, mais il a expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles cette jurisprudence, si elle est, le cas échéant, à prendre en considération dans le cadre de la procédure au principal, elle ne saurait néanmoins trouver application pour ce qui est de la question de l’appréciation de l’urgence dans le cadre d’une procédure de référé.

    34      En effet, le principe énoncé au point 32 de la présente ordonnance a été conçu, pour des raisons d’économie de procédure, dans le cadre de la procédure au principal, sans tenir compte d’une éventuelle demande en référé dont serait assorti le recours au principal.

    35      En revanche, lorsque une demande en référé est effectivement introduite avec le recours au principal, la situation se présente de manière différente en raison des conditions particulières auxquelles est liée la procédure de référé et qui doivent être remplies personnellement par la partie qui sollicite l’octroi de mesures provisoires, notamment la condition de l’urgence. En effet, pour que sa demande en référé soit déclarée fondée, cette partie est tenue d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir personnellement un préjudice qui entraînerait des conséquences graves et irréparables pour elle.

    36      La question de l’urgence étant donc une question spécifique qui doit être examinée séparément pour chaque requérant, le président du Tribunal en a logiquement tiré la conclusion que seule une partie recevable à introduire le recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé doit être admise à établir l’urgence en faisant valoir qu’elle subirait personnellement un préjudice grave et irréparable si la mesure provisoire sollicitée n’était pas accordée. S’il en était autrement, il pourrait en résulter une situation dans laquelle une personne qui ne serait pas concernée individuellement par l’acte litigieux pourrait profiter des mesures provisoires en s’associant au recours introduit par une personne recevable en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

    37      Étant donné donc qu’il s’agit, en l’occurrence, d’un examen de la recevabilité limité aux fins de la procédure de référé, en ce sens que cet examen sera en principe omis dans le cadre de la procédure au principal en raison de la qualité pour agir de Cheminova A/S, le président du Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, examiner en détail les éléments avancés par les requérantes pour établir leur qualité pour agir et ne pas se contenter de constater que, à la lumière de ces éléments, la recevabilité du recours au principal ne pourrait être considérée comme totalement exclue.

    38      Il convient de relever à cet égard que, s’il est certes vrai que, dans le cadre d’une procédure de référé, le juge des référés n’est pas généralement tenu de procéder à un examen aussi approfondi que dans le cadre d’une procédure au fond, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’est pas empêché de procéder, lorsqu’il l’estime opportun, à un tel examen plus détaillé, pourvu que cet examen n’entraîne pas un retard incompatible avec la nature urgente de la procédure de référé et ne soit pas entaché d’erreur de droit [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), point 50].

    39      L’examen auquel a procédé le président du Tribunal n’ayant pas conduit à un retard incompatible avec la nature urgente de la procédure de référé, il convient de vérifier si cet examen est entaché d’erreur de droit.

    40      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le président du Tribunal a écarté l’allégation selon laquelle les requérantes autres que Cheminova a/s sont individuellement concernées par la décision litigieuse, en estimant que, loin d’être individualisées par des qualités qui leur seraient particulières, elles sont affectées au même titre que tous les autres vendeurs et utilisateurs du malathion se trouvant dans la même situation. Il a précisé que la décision litigieuse ne comporte aucun élément concret permettant de conclure qu’elle a été adoptée en tenant compte de la situation particulière des requérantes autres que Cheminova A/S. Le président du Tribunal a donc jugé que c’est uniquement en raison de leur qualité objective d’opérateurs économiques visés par la décision litigieuse que ces requérantes pourraient prétendre être affectées par celle-ci.

    41      L’argument que les requérantes, ainsi que la partie intervenante, tirent de la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, Lilly Industries/Commission, T‑120/96, Rec. p. II‑2571; Monsanto/Commission, précité, et du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T‑125/96 et T‑152/96, Rec. p. II‑3427, ainsi que ordonnance du Tribunal du 26 mars 1999, Biscuiterie-confiserie LOR et Confiserie du Tech/Commission, T‑114/96, Rec. p. II‑913), en ce qui concerne le caractère spécifique des autorisations de commercialisation du malathion, ne saurait suffire pour considérer que l’appréciation du président du Tribunal à cet égard est entachée d’erreur de droit.

    42      D’une part, le fait que l’ordonnance du Tribunal EEB e.a./Commission, précitée, à laquelle s’est référé le président du Tribunal, n’avait pas trait concrètement à des autorisations de commercialisation ne saurait signifier que ce dernier était empêché de l’invoquer et d’en tirer des conclusions pour l’affaire dont il était saisi. Il convient de relever, à cet égard, que la jurisprudence invoquée par les requérantes et la partie intervenante n’a pas non plus trait à de telles autorisations ou n’est pas conclusive en ce qui concerne la nature d’un droit de commercialisation.

    43      D’autre part, il pouvait être valablement soutenu, sur le fondement de l’ordonnance du Tribunal EEB e.a./Commission, précitée, que la seule existence de droits de commercialisation tels que ceux du cas d’espèce n’est pas susceptible d’individualiser le titulaire d’un tel droit, si ce même droit est accordé à des opérateurs déterminés objectivement, en application d’une règle générale et abstraite. Il pouvait être également valablement déduit des listes présentées par la Commission que de nombreuses entreprises autres que les requérantes vendent et utilisent le malathion et disposent donc de droits de commercialisation au même titre que les requérantes.

    44      Une erreur de droit ne saurait non plus être identifiée dans l’appréciation du président du Tribunal concernant la portée des lettres d’accès à des données détenues par Cheminova A/S. Eu égard à leur objectif et à leur contenu, il lui était loisible de conclure que la portée desdites lettres d’accès n’excédait pas celle des autorisations elles-mêmes, lesquelles n’ont pas été considérées comme étant de nature à individualiser les requérantes autres que Cheminova A/S et dont l’examen dans le cadre du pourvoi n’a pas relevé, comme il ressort des points 41 à 43 de la présente ordonnance, d’erreur de droit.

    45      Par ailleurs, le point 105 de l’arrêt du Tribunal Pfizer Animal Health/Conseil, précité, fait expressément état d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière qui caractérisait la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique concerné par cette mesure, de sorte que l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle les requérantes autres que Cheminova a/s ne pouvaient pas invoquer utilement ledit arrêt, afin d’établir qu’elles étaient individuellement concernées par la décision litigieuse en raison desdites lettres d’accès, ne saurait être considérée comme entachée d’erreur de droit.

    46      Pour ce qui est de l’argument que les requérantes tirent de l’arrêt Monsanto/Commission, précité, il y a lieu de relever que, par cet arrêt, le Tribunal a jugé qu’une société mère était individuellement concernée par un acte notifié à sa filiale dont elle était propriétaire à 100 %. Cette qualité caractérisait la première société, au regard de l’acte litigieux, par rapport à toute autre personne et, notamment, par rapport à tout autre opérateur économique sur le marché en cause. À la différence de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, c’est non pas la situation individuelle de la société mère qui est en cause en l’espèce, mais celle des filiales. L’argument des requérantes ne saurait donc, à première vue, infirmer l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle les requérantes autres que Cheminova A/S n’étaient pas individuellement concernées par la décision litigieuse.

    47      L’argument que les requérantes tirent de l’arrêt Codorniu/Conseil, précité, en ce sens que Lodi SAS est individuellement concernée en tant que titulaire d’une marque sous laquelle sont commercialisés seize produits insecticides à base de malathion, ne saurait non plus prospérer. En effet, il n’apparaît pas à première vue que les requérantes ont établi l’existence d’une situation qui caractérise Lodi SAS, au regard de la décision litigieuse, par rapport à tout autre opérateur économique qui est titulaire de marques sous lesquelles sont commercialisés des produits à base de malathion (voir arrêt Codorniu/Conseil, précité, point 22).

    48      Pour ce qui est de la prétendue violation de l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, il convient de souligner que, comme le relève à juste titre la Commission, le respect de la condition formelle d’avoir attaqué l’acte communautaire dans un recours devant le Tribunal ou de posséder la qualité de partie à une affaire dont ce dernier est saisi ne suffit pas pour exempter le recours au principal de tout examen concernant la recevabilité de celui-ci.

    49      L’argument des requérantes relatif aux conséquences négatives du raisonnement suivi par le président du Tribunal pour les grands groupes d’entreprises ne saurait prospérer, dans la mesure où cet argument vise plutôt l’opportunité du résultat auquel aboutit ce raisonnement que ledit raisonnement en tant que tel. En tout état de cause, il convient de rappeler que le principe mentionné au point 32 de la présente ordonnance est dicté par des considérations d’économie de procédure et n’a pas comme objectif de conférer aux particuliers des droits susceptibles d’être invoqués devant les juridictions communautaires.

    50      En ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle les éléments qui établissent la recevabilité de la requête de première instance à l’égard de Cheminova A/S valent tout autant à l’égard des autres requérantes, puisque la notification par cette première de la demande tendant à obtenir l’inscription du malathion à l’annexe I de la directive 91/414 a été faite au nom du groupe dans son ensemble, il y a lieu d’observer que, par cet argument, les requérantes invoquent une situation de fait qui n’a pas été débattue devant le Tribunal, de sorte qu’il ne saurait être soulevé pour la première fois au stade du pourvoi (ordonnance de la Cour du 25 avril 2002, Galileo et Galileo International/Conseil, C‑96/01 P, Rec. p. I‑4025, point 43).

    51      Dans ces conditions, il ne saurait être constaté que l’appréciation du président du Tribunal concernant la question de savoir si les requérantes autres que Cheminova A/S apparaissent prima facie manifestement irrecevables à demander au Tribunal l’annulation au principal de la décision litigieuse est entachée d’erreur de droit.

     Sur le deuxième moyen, tiré des erreurs de droit commises par le président du Tribunal dans l’appréciation de l’urgence

     Argumentation des parties

    52      Les requérantes, qui ont fait valoir une perte irrémédiable de leurs parts de marché, soutiennent que le raisonnement suivi par le président du Tribunal au sujet de l’urgence comprend des erreurs de droit entachant la conclusion selon laquelle elles n’ont pas démontré que Cheminova A/S subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

    53      En premier lieu, elles relèvent que le président du Tribunal a exclu à tort les éléments de preuve concernant les requérantes autres que Cheminova A/S. D’une part, cette erreur résulterait de l’appréciation erronée du président du Tribunal quant à la recevabilité de la requête de première instance concernant les requérantes autres que Cheminova A/S. D’autre part, même dans l’hypothèse où cette dernière aurait introduit seule la demande en référé, les chiffres concernant les autres requérantes devraient être considérés, étant donné que Cheminova A/S détient la totalité ou la majorité du capital de celles-ci.

    54      En second lieu, elles font valoir que le raisonnement suivi par le président du Tribunal est insuffisant et incohérent, dans la mesure où il n’a pas accordé assez d’importance à des considérations pertinentes et où il a accordé une importance excessive à des considérations dépourvues de pertinence. Ce moyen est divisé en quatre branches.

    55      Premièrement, les requérantes soutiennent, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en prenant en compte le chiffre d’affaires réalisé par le groupe de sociétés auquel Cheminova A/S appartient. Elles soulignent qu’elles n’invoquent pas un préjudice financier menaçant leur pérennité ou les exposant à un risque de faillite, préjudice qui pourrait éventuellement être compensé par le soutien financier d’une société mère. Au contraire, le principal chef de préjudice subi par les requérantes consisterait en la perte des parts actuelles de marché. Or, ce préjudice ne constituerait pas un préjudice de nature purement financière et sa compensation temporaire ne dépendrait donc pas du chiffre d’affaires du groupe.

    56      À cet égard, la partie intervenante relève que la gravité du préjudice ne peut pas s’apprécier en se limitant à faire référence au pourcentage du chiffre d’affaires du groupe auquel appartiennent les requérantes, mais doit se fonder sur une appréciation qualitative de l’ensemble des circonstances de fait de l’affaire. Le critère du chiffre d’affaires entraînerait une discrimination des entreprises disposant de plusieurs produits par rapport aux entreprises ne disposant que d’un seul produit, puisque, en pratique, seules les petites sociétés n’appartenant pas à un groupe de sociétés pourraient satisfaire au critère en question.

    57      Par ailleurs, selon la partie intervenante, l’importance de la part de marché perdue n’a jamais été considérée comme un élément révélant la gravité du dommage. La thèse soutenue par le président du Tribunal reviendrait à reconnaître que seules les grandes sociétés peuvent bénéficier de mesures provisoires en vue de préserver leur position sur le marché, mais pas les petites et moyennes entreprises.

    58      Deuxièmement, les requérantes font valoir que, en tout état de cause, le président du Tribunal n’aurait pas tenu dûment compte de l’importance de la part de marché détenue par les requérantes, en se concentrant exclusivement sur le chiffre d’affaires du groupe.

    59      Troisièmement, les requérantes, soutenues par la partie intervenante, reprochent au président du Tribunal d’avoir écarté l’ensemble des circonstances factuelles invoquées par les requérantes, telles que leur présence sur le marché du malathion depuis environ 40 années ou les autorisations de commercialisation de produits phytopharmaceutiques à base de malathion qu’elles détiennent pour de nombreux usages dans dix États membres, au motif qu’il s’agit de considérations historiques dont il ne se dégage aucune donnée économique et financière chiffrée susceptible d’être prise en compte pour évaluer le préjudice. En se référant au point 205 de l’ordonnance du président du Tribunal Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, précitée, les requérantes font valoir qu’il serait erroné de qualifier d’«historiques» des considérations telles que la présence déjà ancienne sur le marché, les droits de propriété intellectuelle détenus ou encore la recherche et le développement, ces considérations étant actuelles et pertinentes dans le cadre de l’appréciation qualitative de l’ensemble des circonstances de fait de l’espèce exigée par la jurisprudence.

    60      Quatrièmement, le président du Tribunal aurait commis des erreurs de droit en analysant l’argumentation des requérantes concernant les teneurs maximales en résidus, le «projet colza» relatif à la fourniture du malathion au secteur du colza ainsi que les pertes subies par les requérantes dans les États tiers.

    61      La Commission conteste l’argumentation des requérantes et de la partie intervenante.

     Appréciation de la Cour

    62      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un dommage grave et irréparable soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire [voir, notamment, ordonnance du président de la Cour du 18 novembre 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, C‑329/99 P(R), Rec. p. I‑8343, point 94].

    63      Un préjudice purement pécuniaire ne saurait, en principe, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure (ordonnance du 3 juillet 1984, de Compte/Parlement, 141/84 R, Rec. p. 2575, point 4).

    64      La Cour a jugé que, lorsque la partie qui sollicite la mesure provisoire se prévaut de la perte de ses parts de marché, elle doit démontrer que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 111].

    65      À cet égard, il y a lieu de relever que, même à supposer que, sur la base des arguments susmentionnés invoqués par les requérantes, le préjudice subi par Cheminova A/S présente un degré de gravité plus élevé que celui reconnu par le président du Tribunal, ces arguments ne sont pas susceptibles d’infirmer la constatation de ce dernier selon laquelle ledit préjudice ne pouvait pas être considéré comme étant irréparable.

    66      La partie intervenante prétend que le président du Tribunal s’est livré à une appréciation erronée en droit du caractère irréparable du préjudice, en exigeant des requérantes d’établir qu’il leur serait impossible de reconquérir les parts de marchés perdues en l’absence d’octroi de la mesure provisoire sollicitée. Les requérantes ne seraient pas tenues d’établir l’impossibilité de reconquérir les parts de marché perdues, mais devraient plutôt faire la preuve de la grande difficulté qu’elles rencontreraient à vouloir les reconquérir.

    67      Or, il convient de constater que, pour autant que le président du Tribunal ne s’écarte pas du critère rappelé au point 64 de la présente ordonnance, tenant à l’existence des obstacles de nature structurelle ou juridique qui empêchent une entreprise de reconquérir une fraction appréciable de ses parts de marché, il ne saurait être considéré que son appréciation du caractère irréparable du préjudice est erronée en droit.

    68      En l’espèce, il n’apparaît pas que le président du Tribunal a appliqué un autre critère ou qu’il a omis de procéder à l’examen des obstacles empêchant éventuellement Cheminova A/S de reconquérir une fraction appréciable de ses parts de marché. En effet, il a pris en considération des éléments tels que le caractère substituable du malathion, son efficacité, la marge bénéficiaire de Cheminova A/S ainsi que la disponibilité des vendeurs à vendre à nouveau le malathion et celle des clients à le réutiliser, même si ce n’est que, ce qui apparaît normal, sous certaines conditions.

    69      Par conséquent, il ne saurait être déduit du seul emploi du terme «impossible» que le président du Tribunal a exigé de Cheminova A/S de prouver davantage que son allégation selon laquelle des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchaient de reconquérir une fraction appréciable de ses parts de marché [voir ordonnance du président de la Cour du 23 janvier 2008, Sumitomo Chemical Agro Europe/Commission, C‑236/07 P(R), point 24].

    70      Il convient d’ajouter que, selon les requérantes, l’appréciation du président du Tribunal est erronée en droit, en ce qu’il n’a pas accordé l’importance appropriée aux obstacles structurels caractérisant le marché en cause, tels qu’ils résultent du rapport de Phillips McDougall qui lui a été soumis. Plus particulièrement, il découlerait de ce rapport, d’une part, que le marché du malathion constitue un marché hautement concurrentiel, sur lequel les concurrents à large surface financière sont en mesure de proposer des produits pour tous les besoins. D’autre part, la gamme des produits de Cheminova A/S serait bien plus limitée que celle des principaux concurrents, de sorte que la dynamisation résultant de ventes d’autres produits de la gamme est bien moins importante, rendant bien plus difficile une récupération éventuelle des ventes de malathion, s’il était ultérieurement à nouveau autorisé.

    71      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 25 janvier 2007, Salzgitter Mannesmann/Commission, C‑411/04 P, Rec. p. I‑959, point 55).

    72      En tout état de cause, les éléments invoqués par les requérantes ne sauraient établir le caractère erroné en droit de l’appréciation du président du Tribunal.

    73      D’une part, la circonstance que le marché du malathion constitue un marché hautement concurrentiel ne peut pas être considérée, à elle seule, comme un obstacle structurel empêchant la reconquête d’une fraction appréciable des parts dudit marché, dans la mesure où elle reflète un élément plus ou moins intrinsèque de chaque marché dans lequel plusieurs concurrents sont actifs.

    74      D’autre part, la circonstance que les concurrents de Cheminova A/S à large surface financière sont en mesure de proposer des produits pour tous les besoins et que les ventes de ces autres produits leur offrent une dynamisation dont Cheminova A/S ne dispose pas en raison de sa gamme limitée de produits pourrait être considérée comme un obstacle de nature structurelle. Toutefois, les autres éléments que le président du Tribunal a pris en compte suffisent à conforter la conclusion à laquelle il est parvenu, à savoir qu’il n’est pas exclu que Cheminova A/S pourra surmonter ces obstacles et reconquérir une fraction appréciable de ses parts de marché.

    75      En effet, la dynamisation dont Cheminova A/S ne bénéficie pas en raison de sa gamme limitée de produits semble pouvoir être compensée, au moins dans une mesure appréciable, par les qualités de ses produits à base de malathion, notamment leur large spectre d’action et leur efficacité, qui lui ont assuré un pourcentage particulièrement élevé des parts de marché de cette substance. En outre, au niveau des prix, le retour sur le marché pourrait être facilité par la marge bénéficiaire relativement élevée sur certains des produits à base de malathion. Ces appréciations sont effectivement corroborées par les réponses fournies dans le cadre de l’étude réalisée auprès de certains clients des requérantes.

    76      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appréciation par le président du Tribunal du caractère irréparable du préjudice subi par Cheminova A/S et, par conséquent, de l’urgence n’est pas entachée d’erreur de droit.

     Sur le troisième moyen, tiré de l’irrégularité de la procédure de première instance résultant de l’absence d’audience

     Argumentation des parties

    77      Les requérantes voient une contradiction dans le fait que le président du Tribunal a estimé, d’une part, qu’il disposait de tous les éléments nécessaires pour statuer et, d’autre part, que les éléments chiffrés fournis par les requérantes concernant le préjudice subi sur le marché communautaire n’apparaissaient pas suffisamment précis pour établir l’urgence pour Cheminova A/S.

    78      Elles font valoir qu’elles ne pouvaient pas raisonnablement prévoir l’issue de l’examen concernant la recevabilité de leur demande en référé et, en conséquence, ne pouvaient pas pressentir le besoin de présenter des données individualisées pour chaque filiale. Une audience leur aurait été d’une grande utilité pour déterminer les données chiffrées requises par suite du changement d’approche juridique suivie par le président du Tribunal aux fins de l’examen de cette recevabilité.

    79      En tout état de cause, elles soutiennent que les données chiffrées que le président du Tribunal estime faire défaut dans le texte même de la demande en référé peuvent bien être trouvées dans les pièces déposées au Tribunal.

    80      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

     Appréciation de la Cour

    81      À cet égard, il suffit de souligner que, le règlement de procédure du Tribunal ne contenant aucune disposition sur la procédure orale dans le cadre d’une demande en référé, il appartient au président du Tribunal d’apprécier la nécessité de tenir une audience et d’entendre les parties en leurs observations orales. Ce dernier doit effectivement jouir, à cet égard, d’une large marge d’appréciation.

    82      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de conclure que le président du Tribunal a outrepassé les limites de cette marge d’appréciation.

    83      Par conséquent, le moyen tiré de ce que le président du Tribunal n’a pas tenu d’audience doit être écarté.

    84      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

     Sur les dépens

    85      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

    86      Par ailleurs, en application de l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 118, European Crop Protection Association (ECPA), qui est intervenue au soutien des requérantes, supportera ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour ordonne:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Cheminova A/S, Cheminova Agro Italia Srl, Cheminova Bulgaria EOOD, Agrodan SA et Lodi SAS sont condamnées aux dépens.

    3)      European Crop Protection Association (ECPA) supporte ses propres dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’anglais.

    Top