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Document 62008CJ0458

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 novembre 2010.
    Commission européenne contre République portugaise.
    Manquement d’État - Violation de l’article 49 CE - Secteur du bâtiment - Exigence d’une autorisation pour l’exercice d’une activité dans ce secteur - Justification.
    Affaire C-458/08.

    Recueil de jurisprudence 2010 I-11599

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:692

    Affaire C-458/08

    Commission européenne

    contre

    République portugaise

    «Manquement d’État — Violation de l’article 49 CE — Secteur du bâtiment — Exigence d’une autorisation pour l’exercice d’une activité dans ce secteur — Justification»

    Sommaire de l'arrêt

    1.        Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Précision dans la requête introductive d'instance des griefs initiaux — Admissibilité

    (Art. 226 CE)

    2.        Libre prestation des services — Restrictions — Secteur du bâtiment

    (Art. 49 CE)

    1.        Le fait que la Commission, dans sa requête, détaille les arguments soutenant sa conclusion relative au manquement allégué, lesquels ont déjà été mis en avant de manière plus générale dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé, en explicitant simplement davantage les raisons pour lesquelles elle considère qu’un régime est incompatible avec la libre prestation de services, ne modifie pas l’objet dudit manquement et n’a donc aucune incidence sur la portée du litige.

    (cf. point 47)

    2.        Un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE en exigeant des prestataires de services de construction établis dans un autre État membre la satisfaction de l’ensemble des conditions que le régime national de l’État membre en cause impose pour l’obtention de l’autorisation d’exercer une activité dans le secteur du bâtiment et en excluant ainsi qu’il soit dûment tenu compte des obligations équivalentes auxquelles ces prestataires sont soumis dans l’État membre dans lequel ils sont établis ainsi que des vérifications déjà effectuées à cet égard par les autorités de ce dernier État.

    Une restriction à l'article 49 CE peut être justifiée uniquement dans la mesure où l’intérêt général que la législation nationale cherche à protéger n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre d’établissement.

    (cf. points 100, 108 et disp.)







    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    18 novembre 2010 (*)

    «Manquement d’État – Violation de l’article 49 CE – Secteur du bâtiment – Exigence d’une autorisation pour l’exercice d’une activité dans ce secteur – Justification»

    Dans l’affaire C‑458/08,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 21 octobre 2008,

    Commission européenne, représentée par MM. E. Traversa et P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    soutenue par:

    République de Pologne, représentée par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

    partie intervenante,

    contre

    République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et F. Nunes dos Santos, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger, juges,

    avocat général: M. J. Mazák,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2010,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en imposant, pour la prestation de services de construction au Portugal, les mêmes conditions que pour l’établissement, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

    2        La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22), établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.

    3        Les quatrième, sixième et vingt-septième considérants de cette directive sont libellés comme suit:

    «(4)      Afin de faciliter la libre prestation de services, il convient de prévoir des règles spécifiques en vue d’étendre la possibilité d’exercer des activités professionnelles sous le titre professionnel d’origine. […]

    […]

    (6)      La promotion de la prestation de services doit s’accompagner d’un respect strict de la santé et de la sécurité publiques ainsi que de la protection des consommateurs. C’est pourquoi des dispositions spécifiques devraient être envisagées pour les professions réglementées ayant des implications en matière de santé ou de sécurité publiques, qui consistent à fournir des prestations transfrontalières de manière temporaire ou occasionnelle.

    […]

    (27)      La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels et urbains ainsi que du patrimoine collectif et privé sont d’intérêt public. Dès lors, la reconnaissance mutuelle des titres de formation devrait se fonder sur des critères qualitatifs et quantitatifs garantissant que les titulaires des titres de formation reconnus sont en mesure de comprendre et de traduire les besoins des individus, des groupes sociaux et des collectivités en matière d’aménagement de l’espace, de conception, d’organisation et de réalisation des constructions, de conservation et de mise en valeur du patrimoine bâti et de protection des équilibres naturels.»

    4        Sous son titre II, ladite directive contient des dispositions relatives à la libre prestation de services. L’article 5, paragraphe 1, de la même directive énonce à cet égard:

    «Sans préjudice de dispositions spécifiques du droit communautaire ni des articles 6 et 7 de la présente directive, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services dans un autre État membre:

    a)      si le prestataire est légalement établi dans un État membre pour y exercer la même profession (ci-après dénommé «État membre d’établissement»), et

    b)      en cas de déplacement du prestataire, s’il a exercé cette profession dans l’État membre d’établissement pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation lorsque la profession n’y est pas réglementée. La condition exigeant l’exercice de la profession pendant deux ans n’est pas d’application si soit la profession soit la formation conduisant à la profession est réglementée.»

    5        L’article 7 de la directive 2005/36, concernant la déclaration préalable en cas de déplacement du prestataire de services, dispose:

    «1.      Les États membres peuvent exiger que, lorsque le prestataire se déplace d’un État membre à l’autre pour la première fois pour fournir des services, il en informe préalablement l’autorité compétente de l’État membre d’accueil par une déclaration écrite comprenant les informations relatives aux couvertures d’assurance ou autres moyens de protection personnelle ou collective concernant la responsabilité professionnelle. Une telle déclaration est renouvelée une fois par an si le prestataire compte fournir des services d’une manière temporaire ou occasionnelle dans cet État membre au cours de l’année concernée. Le prestataire peut fournir cette déclaration par tout moyen.

    2.      En outre, lors de la première prestation de service ou en cas de changement matériel relatif à la situation établie par les documents, les États membres peuvent exiger que la déclaration soit accompagnée des documents suivants:

    a)      une preuve de la nationalité du prestataire;

    b)      une attestation certifiant que le détenteur est légalement établi dans un État membre pour y exercer les activités en question, et qu’il n’encourt, lorsque l’attestation est délivrée, aucune interdiction même temporaire d’exercer;

    c)      une preuve des qualifications professionnelles;

    d)      pour les cas visés à l’article 5, paragraphe 1, point b), la preuve par tout moyen que le prestataire a exercé les activités en question pendant au moins deux années au cours des dix années précédentes;

    e)      en ce qui concerne les professions dans le domaine de la sécurité, si l’État membre l’exige de ses ressortissants, la preuve de l’absence de condamnations pénales.

    3.      La prestation est effectuée sous le titre professionnel de l’État membre d’établissement lorsqu’un tel titre existe dans ledit État membre pour l’activité professionnelle concernée. […]

    4.      Lors de la première prestation de services, dans le cas de professions réglementées qui ont des implications en matière de santé ou de sécurité publiques et qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance automatique en vertu du titre III, chapitre III, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut procéder à une vérification des qualifications professionnelles du prestataire avant la première prestation de services. Une telle vérification préalable n’est possible que si son objectif est d’éviter des dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service, du fait du manque de qualification professionnelle du prestataire, et dans la mesure où elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cette fin.

    […]

    En cas de différence substantielle entre les qualifications professionnelles du prestataire et la formation exigée dans l’État membre d’accueil, dans la mesure où cette différence est de nature à nuire à la santé ou à la sécurité publique, l’État membre d’accueil offre au prestataire la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances et compétences manquantes, notamment par une épreuve d’aptitude. […]

    […]

    Dans les cas où les qualifications ont été vérifiées au titre du présent paragraphe, la prestation de services est effectuée sous le titre professionnel de l’État membre d’accueil.»

    6        Selon l’article 8 de cette directive, relatif à la coopération administrative, les autorités compétentes de l’État membre d’accueil peuvent demander aux autorités compétentes de l’État membre d’établissement, pour chaque prestation de services, toute information pertinente concernant la légalité de l’établissement et la bonne conduite du prestataire ainsi que l’absence de sanction disciplinaire ou pénale à caractère professionnel. En vertu de ce même article, les autorités compétentes assurent l’échange des informations nécessaires pour que la plainte d’un destinataire d’un service à l’encontre d’un prestataire de services soit correctement traitée.

    7        L’article 9 de ladite directive, intitulé «Information des destinataires du service», dispose:

    «Dans les cas où la prestation est effectuée sous le titre professionnel de l’État membre d’établissement ou sous le titre de formation du prestataire, outre les autres exigences en matière d’information prévues par le droit communautaire, les autorités compétentes de l’État membre d’accueil peuvent exiger du prestataire qu’il fournisse au destinataire du service tout ou partie des informations suivantes:

    a)      dans le cas où le prestataire est inscrit dans un registre du commerce ou dans un autre registre public similaire, le registre dans lequel il est inscrit et son numéro d’immatriculation, ou des moyens équivalents d’identification figurant dans ce registre;

    b)      dans le cas où l’activité est soumise à un régime d’autorisation dans l’État membre d’établissement, les coordonnées de l’autorité de surveillance compétente;

    c)      toute organisation professionnelle ou tout organisme similaire auprès duquel le prestataire est inscrit;

    d)      le titre professionnel ou, lorsqu’un tel titre n’existe pas, le titre de formation du prestataire et l’État membre dans lequel il a été octroyé;

    e)      dans le cas où le prestataire exerce une activité soumise à la TVA, le numéro d’identification […];

    f)      des informations relatives aux couvertures d’assurance ou autres moyens de protection personnelle ou collective concernant la responsabilité professionnelle.»

    8        Sous son titre III relatif à la liberté d’établissement, la directive 2005/36 prévoit des règles pour la reconnaissance des titres de formation et de l’expérience professionnelle. Les activités industrielles, artisanales et commerciales énumérées dans l’annexe IV de cette directive font l’objet d’une reconnaissance automatique des qualifications attestées par l’expérience professionnelle dans les conditions visées au titre III, chapitre II, de ladite directive. L’article 16 de celle-ci dispose notamment que lorsqu’un État membre subordonne l’accès à une telle activité ou son exercice à la possession de connaissances et d’aptitudes générales, commerciales ou professionnelles, il doit reconnaître comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l’exercice préalable de l’activité considérée dans un autre État membre. À cet égard, les activités énumérées dans la liste I de l’annexe IV de la directive 2005/36, parmi lesquelles figurent sous la classe 40 les activités dans le secteur du bâtiment et du génie civil, notamment démolition, construction d’immeubles d’habitation et autres, construction de routes, de ponts, de voies ferrées, doivent avoir été exercées conformément à l’article 17 de cette directive. Le chapitre III dudit titre établit des règles pour la reconnaissance automatique des titres de formation pour certaines professions, comme les médecins, les pharmaciens et les architectes, sur la base d’une coordination des conditions minimales de formation.

    9        La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36), dont le délai de transposition a expiré le 28 décembre 2009 et laquelle ne s’applique pas à la présente procédure en manquement, établit les dispositions générales visant à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services.

    10      L’article 16 de cette directive, intitulé «Libre prestation des services», dispose:

    «1.      Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

    L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

    Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants:

    a)      la non-discrimination: l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies;

    b)      la nécessité: l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement;

    c)      la proportionnalité: l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

    2.      Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes:

    a)      l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire;

    b)      l’obligation pour le prestataire d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d’un ordre ou d’une association professionnels existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d’autres instruments de la législation communautaire;

    […]

    3.      Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. […]

    […]»

    11      Selon l’article 17, point 6), de ladite directive, l’article 16 de celle-ci ne s’applique pas aux matières couvertes par le titre II de la directive 2005/36 ainsi qu’aux exigences en vigueur dans l’État membre où le service est fourni, qui réservent une activité à une profession particulière.

     Le droit national

    12      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du décret-loi n° 12/2004, du 9 janvier 2004 (Diário da República I, série A, nº 7, du 9 janvier 2004), l’exercice de l’activité de construction est subordonné à la délivrance d’un permis par l’Institut des marchés de travaux publics et privés et de l’immobilier, qui fait partie de l’administration étatique et auquel a succédé, en vertu du décret-loi n° 144/2007, du 27 avril 2007 (Diário da República I, série A, nº 82, du 27 avril 2007), l’Institut de la construction et de l’immobilier.

    13      Selon l’article 6 du décret-loi n° 12/2004, pour certains travaux mineurs dont la valeur ne dépasse pas une certaine limite, ce permis est remplacé par un titre d’enregistrement.

    14      Le permis et le titre d’enregistrement sont des autorisations constitutives en ce sens que, avant la délivrance d’une telle autorisation, il n’est pas possible d’exercer l’activité de construction. Le permis et le titre d’enregistrement donnent l’autorisation de réaliser les travaux qui correspondent aux habilitations de l’entreprise concernée.

    15      En vertu des articles 4, paragraphe 3, et 6, paragraphe 3, du décret-loi n° 12/2004, tout entrepreneur individuel et toute société commerciale soumis à la loi personnelle portugaise ou dont le siège se trouve dans un des États de l’Espace économique européen peut demander un permis ou un titre d’enregistrement.

    16      Cependant, il résulte de l’article 4, paragraphe 3, du décret-loi n° 12/2004, lu en combinaison avec l’article 3, sous a), de ce décret-loi, qu’aucune entreprise ne peut réaliser au Portugal des travaux de construction, de reconstruction, d’agrandissement, de transformation, de réparation, de préservation, de réhabilitation, de nettoyage, de restauration, de démolition et, en général, tous travaux liés à la construction sans que ladite entreprise ait fait préalablement l’objet d’une classification par l’administration portugaise.

    17      La classification de l’entreprise, à savoir la vérification par l’administration portugaise de ses habilitations aux fins de son accès à une sous-catégorie, à une catégorie et à une classe, s’effectue selon la procédure définie au chapitre III du décret-loi n° 12/2004 et dans l’arrêté n° 18/2004 du ministre des Travaux publics, des Transports et de l’Habitation, du 10 janvier 2004 (Diário da República I, série B, nº 8, du 10 janvier 2004).

    18      Selon l’article 3, sous c), d) et g), du décret-loi n° 12/2004, la sous-catégorie désigne un ouvrage ou des travaux spécialisés à l’intérieur d’une catégorie et la classe est le niveau de valeur des ouvrages que, dans chaque type de travaux, les entreprises sont autorisées à réaliser.

    19      En vertu de l’article 22 de ce décret-loi, après le dépôt d’une demande de permis ou de titre d’enregistrement, l’administration peut, dans un délai de 30 jours, inviter le demandeur à lui fournir des informations ou à présenter des éléments de preuve, le demandeur concerné disposant lui-même d’un délai de 22 jours pour produire ces informations ou éléments. Lorsque l’administration considère que le dossier est complet, elle notifie au demandeur le projet de décision dans un délai de 66 jours. Elle prend la décision finale dans un délai de 10 jours.

    20      Il résulte des articles 7 et 11 du décret-loi n° 12/2004 que, pour être classées et obtenir le permis, les entreprises doivent prouver à l’administration qu’elles remplissent les conditions d’aptitude commerciale, de capacité technique et de capacité économique et financière. En vertu de l’article 1er de l’arrêté n° 14/2004 du ministre des Travaux publics, des Transports et de l’Habitation, du 10 janvier 2004 (Diário da República I, série B, nº 8, du 10 janvier 2004), pour obtenir le titre d’enregistrement, elles doivent démontrer leur aptitude commerciale et leur adéquation aux travaux envisagés.

    21      Selon l’article 8 du décret-loi n° 12/2004 et l’article 1er, paragraphe 2, de l’arrêté n° 18/2004, l’aptitude commerciale englobe l’aptitude commerciale de l’entreprise et celle de l’entrepreneur ou des représentants légaux de cette entreprise. Elle est notamment démontrée par des extraits du casier judiciaire.

    22      Conformément à l’article 9 du décret-loi n° 12/2004 et à l’article 1er de l’arrêté n° 16/2004 du ministre des Travaux publics, des Transports et de l’Habitation, du 10 janvier 2004 (Diário da República I, série B, nº 8, du 10 janvier 2004), la capacité technique est estimée en fonction de la structure organisationnelle de l’entreprise, à savoir l’organigramme et l’expérience de l’exécution de travaux, en fonction de l’évaluation de ses ressources humaines, à savoir le nombre de techniciens, de professionnels, de conducteurs de travaux et d’ouvriers ainsi que les niveaux de connaissance, de spécialisation et d’expérience professionnelle de ceux-ci, en fonction de l’évaluation de ses moyens techniques, à savoir les matériels, et en fonction de son expérience effective de l’activité, à savoir les travaux réalisés et les travaux en cours.

    23      Aux termes de l’article 10 du décret-loi n° 12/2004, la capacité économique et financière est estimée en évaluant les capitaux propres, le chiffre d’affaires total ainsi que le chiffre d’affaires correspondant à des travaux et en appréciant l’équilibre financier en fonction des indicateurs de liquidité générale et d’autonomie financière.

    24      En vertu de l’article 5 du décret-loi n° 12/2004, la durée de validité du permis est au maximum d’un an et, en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de ce décret-loi, la durée de validité du titre d’enregistrement est de cinq ans.

    25      Il résulte des articles 18, paragraphe 1, et 19, paragraphe 1, du décret-loi n° 12/2004 que, pour obtenir le renouvellement du permis, les entreprises titulaires doivent remplir des «conditions minimales de permanence», à savoir maintenir l’effectif technique, maintenir la valeur des charges de personnel à au moins 7 % de la valeur limite de la classe antérieure, maintenir la valeur des capitaux propres à au moins 10 % de la valeur limite de la classe principale, maintenir un chiffre d’affaires en travaux au moins égal à 50 % de la valeur limite de la classe antérieure et maintenir certaines valeurs de liquidité générale et d’autonomie financière.

    26      En application de l’article 19, paragraphes 8, 9 et 11, du décret-loi n° 12/2004, si une entreprise ne remplit pas ces conditions, ses habilitations sont annulées. Dans ce cas, une nouvelle demande de classification ne pourra être introduite avant le 1er août de l’année suivante. L’annulation totale ou partielle des habilitations a pour conséquence qu’il est interdit à l’entreprise concernée de terminer les travaux en cours, impliquant la résolution immédiate de tout contrat relatif à de tels travaux pour impossibilité fautive de cette entreprise.

    27      Aux termes des articles 37, 38 et 48 du décret-loi n° 12/2004, les infractions aux règles applicables en vertu de ce décret-loi sont passibles d’une amende. Toute activité de construction exercée sans permis ou titre d’enregistrement est considérée comme une infraction très grave passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 44 800 euros. En outre, des sanctions accessoires s’appliquent selon la gravité de l’infraction. Parmi ces sanctions figurent l’interdiction d’exercer l’activité, la suspension du titre d’enregistrement ou du permis ainsi que la privation du droit de participer à des négociations ou à des appels d’offres pour l’attribution de marchés de travaux et de services publics. Le non-respect d’une sanction accessoire entraîne la responsabilité pénale.

     La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

    28      Par lettre de mise en demeure du 18 octobre 2006, la Commission a informé la République portugaise qu’elle considérait comme incompatibles avec l’article 49 CE les règles de cet État membre relatives à l’accès à l’activité de construction et à son exercice au Portugal, en ce que ces règles imposent les mêmes exigences pour la prestation de services de nature temporaire que pour l’établissement de prestataires de services de construction. La Commission a notamment souligné à cet égard que le fait que l’examen de l’aptitude professionnelle, dont dépend l’obtention du permis ou du titre d’enregistrement, ne fasse pas de distinction entre des prestataires de services dont les compétences et les qualités professionnelles, techniques et économiques ont fait l’objet d’un contrôle dans l’État membre d’établissement et des prestataires de services qui n’ont pas été soumis à ce contrôle, entrave la liberté de prestation de services des prestataires établis dans d’autres États membres, dans lesquels ils remplissent déjà les conditions d’établissement et où ils fournissent des services identiques ou analogues.

    29      La République portugaise a répondu par lettre du 24 janvier 2007 que l’activité de construction est, au Portugal, une activité expressément réservée à des entreprises et à des personnes qui remplissent certaines conditions. L’activité de construction ne pourrait ni ne devrait être exercée librement, car cela constituerait un risque pour la qualité du patrimoine bâti et pour la sécurité des utilisateurs. Les conditions d’accès à cette activité prévues par la loi portugaise viseraient ainsi la protection de l’intérêt public, et notamment la défense des consommateurs, la sécurité, la lutte contre la fraude et la protection de l’environnement. En conséquence, les restrictions à la libre prestation de services résultant desdites conditions seraient justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général.

    30      Ne partageant pas cette conclusion, la Commission a, par lettre du 29 juin 2007, adressé un avis motivé à la République portugaise, en l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celui-ci dans un délai de deux mois.

    31      Par lettres des 17 août et 10 octobre 2007, la République portugaise a répondu audit avis en expliquant davantage les raisons pour lesquelles elle estimait que les dispositions en cause de sa réglementation nationale sont compatibles avec l’article 49 CE.

    32      N’étant pas satisfaite par cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.

    33      Par ordonnance du 23 avril 2009, le président de la Cour a admis la République de Pologne à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

     Sur le recours

     Sur la recevabilité

     Argumentation des parties

    34      La République portugaise soulève trois exceptions d’irrecevabilité.

    35      Premièrement, elle fait valoir que la quasi-totalité des moyens invoqués dans la requête sont nouveaux et n’ont été exposés ni dans l’avis motivé ni à un stade antérieur de la procédure en manquement. Ces moyens ne pourraient pas non plus être déduits de l’analyse de cet avis. En outre, ils ne se rapporteraient pas d’une manière non ambiguë et appropriée à des éléments de la réponse donnée par la République portugaise audit avis.

    36      Deuxièmement, la Commission n’expliquerait pas clairement, par les moyens qu’elle invoque, quelles sont les conditions et les dispositions concrètes, prévues par le décret-loi n° 12/2004, qui affectent la libre prestation de services et ne spécifierait pas pourquoi celle-ci est affectée. De plus, elle n’indiquerait pas quelles sont les normes qui devraient être modifiées ou le sens des modifications réclamées. La requête contiendrait ainsi une motivation insuffisante pour les conclusions auxquelles elle prétend aboutir. En outre, la Commission ne joindrait à la requête aucun texte légal.

    37      Troisièmement, la Commission n’apporterait aucune preuve tendant à étayer ses conclusions en ce qui concerne tant le prétendu effet restrictif des conditions prévues par le décret-loi n° 12/2004 que l’absence de justification desdites conditions. Or, selon une jurisprudence constante, il incomberait à la Commission de prouver les faits et les situations qu’elle allègue dans un recours en manquement.

    38      La Commission conclut au rejet de l’ensemble de ces allégations.

    39      Elle soutient, notamment, ne pas avoir modifié le motif de son recours, qui est le même que celui exposé dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé, à savoir une violation de l’article 49 CE résultant du fait que le système créé par le décret-loi nº 12/2004 exige pour la prestation de services de construction le respect des conditions d’établissement. De plus, elle se serait tout au long de la procédure basée sur un seul argument avec différentes articulations, consistant à démontrer que l’ensemble dudit système est incompatible avec la libre prestation de services.

    40      La Commission explique qu’elle reproche à la République portugaise non pas un élément particulier de ce système, mais le résultat auquel aboutit celui-ci. Dans ces conditions, il ne serait pas nécessaire d’apprécier séparément chaque élément débattu. Ainsi, il s’agirait non pas de savoir quelles sont, concrètement, les dispositions de la réglementation nationale qui violent le droit de l’Union, mais plutôt de savoir si la République portugaise garantit ou non, sur son territoire, la libre prestation de services de construction. La Commission estime que la requête énumère de façon parfaitement claire les exigences qui entravent la libre prestation de services. En effet, cette entrave résulterait de toutes les conditions d’habilitation, c’est-à-dire de toutes les conditions de classification, de reclassification et de permanence de l’activité, et donc de l’ensemble du système en cause.

    41      Enfin, la Commission considère que, étant donné l’objet de la procédure en manquement, il n’est pas exigé que le recours se réfère aux éléments de la réponse de l’État membre concerné à l’avis motivé. En outre, dans la mesure où le décret-loi nº 12/2004 est facilement accessible, il ne serait, en application du principe jura novit curia, pas nécessaire de le présenter à la Cour. De toute façon, elle aurait cité dans la requête toutes les dispositions nationales qui sont, selon elle, incompatibles avec l’article 49 CE.

     Appréciation de la Cour

    42      En ce qui concerne la première exception d’irrecevabilité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité CE, non seulement pour la protection des droits de l’État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini (voir, notamment, arrêt du 11 septembre 2008, Commission/Lituanie, C‑274/07, Rec. p. I-7117, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

    43      Il s’ensuit que l’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l’avis motivé (voir arrêts du 20 juin 2002, Commission/Allemagne, C-287/00, Rec. p. I-5811, point 18; du 9 février 2006, Commission/Royaume-Uni, C-305/03, Rec. p. I-1213, point 22, et Commission/Lituanie, précité, point 22).

    44      Toutefois, cette exigence ne saurait aller jusqu’à imposer, en toute hypothèse, une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que l’objet du litige, tel que défini dans l’avis motivé, n’a pas été étendu ou modifié (voir arrêts du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne, C‑433/03, Rec. p. I-6985, point 28; du 7 septembre 2006, Commission/Royaume-Uni, C-484/04, Rec. p. I-7471, point 25, et du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C-171/08, non encore publié au Recueil, point 26).

    45      Or, il convient de constater que, en l’espèce, la Commission n’a ni étendu ni modifié l’objet du litige tel que défini dans l’avis motivé.

    46      En effet, ainsi que le confirme d’ailleurs la République portugaise elle-même au point 46 de son mémoire en défense, la Commission a clairement indiqué tant dans le dispositif de l’avis motivé que dans les conclusions de la requête qu’elle reprochait à la République portugaise d’avoir manqué aux obligations découlant de l’article 49 CE au motif que celle-ci impose, notamment par le régime établi sur la base du décret-loi nº 12/2004, pour la prestation de services de construction au Portugal les mêmes conditions que pour l’établissement.

    47      Ainsi, le fait que la Commission a, dans sa requête, détaillé les arguments soutenant sa conclusion relative au manquement allégué, lesquels ont déjà été mis en avant de manière plus générale dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé, en explicitant simplement davantage les raisons pour lesquelles elle considère que ledit régime est incompatible avec la libre prestation de services, n’a pas modifié l’objet dudit manquement et n’a donc eu aucune incidence sur la portée du litige (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2003, Commission/Finlande, C-185/00, Rec. p. I-14189, points 84 à 87, et Commission/Portugal, précité, point 29).

    48      Dans ces conditions, et dans la mesure où il n’est, contrairement à ce que semble suggérer la République portugaise, aucunement requis que l’argumentation de la Commission au stade du recours se rapporte spécifiquement aux éléments de réponses donnés par cet État membre lors de la phase précontentieuse, lesquels ont, en outre, été largement reproduits par la Commission dans sa requête, la première exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

    49      S’agissant de la deuxième exception d’irrecevabilité, il y a lieu de rappeler que l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour prévoit que toute requête introductive d’instance doit contenir, notamment, l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Par conséquent, il incombe à la Commission, dans toute requête déposée au titre de l’article 226 CE, d’indiquer de manière suffisamment précise et cohérente les griefs invoqués, afin de permettre à l’État membre de préparer sa défense et à la Cour de vérifier l’existence du manquement allégué (voir, notamment, arrêts du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C-98/04, Rec. p. I-4003, point 18, et du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I‑10983, point 17).

    50      En l’espèce, il ressort de manière suffisamment claire et précise de la motivation ainsi que des conclusions du recours de la Commission que celui-ci porte sur la compatibilité avec le principe de libre prestation de services du régime établi sur la base du décret-loi nº 12/2004 dans son ensemble. Il est, par ailleurs, manifeste que la République portugaise a effectivement compris que la Commission lui fait grief de ne pas respecter ledit principe en soumettant sur son territoire tout exercice d’une activité de construction aux conditions prévues par ce régime, en contraignant notamment les entreprises de construction déjà établies dans un autre État membre à obtenir au préalable auprès de l’administration portugaise une autorisation selon les mêmes exigences que celles prévues pour les entreprises qui veulent s’établir au Portugal. Dans ces conditions, la République portugaise a été parfaitement en mesure de faire valoir utilement ses moyens de défense.

    51      Pour autant que la République portugaise critique la Commission pour ne pas avoir signalé comment ledit régime devrait à son avis être modifié, il suffit de relever que, selon une jurisprudence constante, la Commission ne saurait être tenue d’indiquer dans l’avis motivé ou la requête introduite devant la Cour les mesures qui permettraient d’éliminer le manquement reproché (voir arrêts du 11 juillet 1991, Commission/Portugal, C-247/89, Rec. p. I-3659, point 22, et du 26 mars 2009, Commission/Grèce, C-559/07, point 23).

    52      Enfin, s’il est vrai que la Commission n’a pas annexé à sa requête le texte complet de la réglementation nationale pertinente, il n’en reste pas moins que, tant dans la requête que dans l’avis motivé annexé à celle-ci, la Commission a reproduit et expliqué le contenu des dispositions de cette réglementation sur lesquelles elle a fondé son recours en manquement. En outre, la République portugaise n’a pas contesté l’existence de ces dispositions, mais s’est limitée à récuser l’interprétation conceptuelle de celles-ci par la Commission et à apporter des précisions qu’elle estime nécessaire afin que la Cour puisse pleinement apprécier le contenu desdites dispositions. Au demeurant, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où ladite réglementation est publiée au Diário da República et donc publiquement accessible, la Cour est en mesure de vérifier la véridicité des allégations de la Commission quant au contenu des dispositions en cause.

    53      Par conséquent, la deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par la République portugaise doit elle aussi être écartée.

    54      Quant à la troisième exception d’irrecevabilité, il convient de rappeler que dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission, qui a la charge d’établir l’existence du manquement allégué, d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence dudit manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêts du 6 novembre 2003, Commission/Royaume-Uni, C-434/01, Rec. p. I-13239, point 21, et du 14 juin 2007, Commission/Finlande, C-342/05, Rec. p. I-4713, point 23).

    55      À cet égard, force est de constater que, en l’occurrence, la Commission ne s’est nullement fondée sur de simples présomptions sans fournir d’éléments de preuve nécessaires afin de permettre à la Cour d’apprécier le manquement reproché à la République portugaise. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 52 du présent arrêt, dans son recours elle a reproduit et expliqué le contenu des dispositions nationales de l’application desquelles résulte selon elle le manquement allégué. Elle a en outre développé une argumentation juridique circonstanciée pour exposer que le régime établi sur la base du décret-loi nº 12/2004 entraîne un restriction à la libre prestation de services et que cette restriction n’est pas justifiée par les raisons d’intérêt général invoquées par la République portugaise. Du reste, elle a expliqué lors de l’audience qu’elle a initié la présente procédure à la suite de plaintes de la part d’entreprises de construction établies dans d’autres États membres, qui se seraient vu refuser l’autorisation de fournir des services de construction au Portugal.

    56      Pour ce qui est de la question de savoir si la Commission a, par ces éléments, effectivement démontré à suffisance de droit l’existence du manquement allégué, celle-ci relève non pas de la recevabilité, mais du fond du recours.

    57      Dès lors que la troisième exception d’irrecevabilité soulevée par la République portugaise doit donc également être rejetée, il convient de déclarer recevable le recours de la Commission.

     Sur le fond

     Argumentation des parties

    58      La Commission relève que le système portugais, et notamment le décret-loi n° 12/2004, repose sur la règle selon laquelle, pour pouvoir fournir des services de construction au Portugal, toute entreprise de construction doit au préalable accéder à l’activité de construction au Portugal, accès qui doit lui être accordé par l’administration portugaise. Or, une telle règle serait incompatible avec l’article 49 CE. Les entreprises de construction établies dans d’autres États membres auraient déjà accédé à cette activité et leurs habilitations auraient déjà fait l’objet d’un contrôle dans l’État membre d’établissement. Dans ces conditions, la République portugaise ne pourrait s’arroger le droit d’autoriser une seconde fois l’accès à l’activité de construction d’une entreprise établie dans un autre État membre en substituant ses propres règles aux règles de ce dernier État membre.

    59      La Commission souligne qu’elle reproche concrètement à la République portugaise de ne pas tenir compte des contrôles et des garanties auxquels les entreprises prestataires de services sont déjà soumises dans l’État membre d’établissement. Elle soutient dans ce contexte que la République portugaise ne vérifie pas si le niveau de protection dans l’État membre d’établissement est analogue à celui au Portugal, ni si l’activité que le prestataire exerce dans d’autres États membres est équivalente à celle qu’il entend exercer au Portugal.

    60      La Commission affirme que les conditions d’accès à l’activité de construction prévues par le système portugais sont des conditions d’établissement. Ledit système ne ferait notamment pas de distinction entre l’établissement et la prestation de services à caractère temporaire. La Commission considère que l’obligation, faite aux entreprises déjà établies dans un autre État membre, de prouver à l’administration portugaise le respect de toutes les conditions d’établissement prévues par la loi portugaise pour pouvoir accéder à l’activité de construction exclut du marché portugais toute prestation de services de construction par des entreprises établies dans d’autres États membres et non établies au Portugal. Elle se réfère à cet égard, notamment, à l’arrêt du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 13), duquel il découlerait qu’un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation de services.

    61      La Commission soutient par ailleurs qu’il existe dans le secteur de la construction au Portugal un déficit considérable de sécurité juridique. Elle explique que pour pouvoir accéder à l’activité de construction au Portugal, l’entreprise intéressée doit prouver que ses gestionnaires et administrateurs ont déjà réalisé des travaux de la valeur et de l’importance de ceux que l’entreprise entend exécuter ainsi que démontrer qu’elle a déjà réalisé des ouvrages correspondant au type de travaux auxquels elle souhaite accéder. Ces exigences seraient contradictoires, car si l’entreprise a déjà réalisé des ouvrages correspondant à ce type de travaux, ce serait parce qu’elle a déjà accédé à l’activité de construction. De plus, le droit portugais n’établirait pas de critères pour l’évaluation de l’expérience effective. Dans ces conditions, il serait très difficile pour des entreprises prestataires de services établies dans d’autres États membres de fournir des services de construction au Portugal.

    62      La Commission considère en outre incompatible avec l’article 49 CE la circonstance que, en application de l’article 19 du décret-loi n° 12/2004, les entreprises de prestation de services de construction sont obligées non seulement d’accéder à l’activité, mais aussi de remplir les conditions requises pour pouvoir continuer à l’exercer. Elle souligne, dans ce contexte, que l’autorisation d’exercer l’activité de construction est donnée à l’entreprise concernée pour une période très courte et que celle-ci doit donc régulièrement revalider son autorisation si elle veut continuer à fournir des services de construction, ce qui impliquerait qu’elle doit en permanence remplir les conditions d’accès à l’activité de construction. Or, la prestation de services à caractère temporaire impliquerait, par définition, précisément la non-continuité de l’activité.

    63      La Commission accepte que la République portugaise puisse réguler l’activité de construction. Elle observe cependant que, d’une part, le système en cause constitue non pas une régulation de l’activité de construction, mais une régulation de l’accès à cette activité. D’autre part, elle estime que ce système pourrait être remplacé par d’autres formes de régulation moins restrictives et notamment un meilleur contrôle de l’exercice de l’activité de construction. Elle soutient dans ce contexte que le respect des règles techniques et juridiques auxquelles doit obéir la construction de bâtiments, invoquées par la République portugaise, pourrait être garanti par le droit de l’urbanisme et le droit privé de la construction. De même, la protection ainsi que la mise en valeur du patrimoine historique bâti pourraient être garanties par le droit de l’urbanisme et l’amélioration de l’environnement construit ainsi que la qualité des bâtiments pourraient être garanties par le droit de l’environnement. En tout état de cause, la République portugaise ne pourrait ni habiliter ni qualifier une entreprise conformément à son droit national en ignorant entièrement les qualifications et les aptitudes acquises par cette entreprise dans l’État membre où elle est établie.

    64      La Commission se réfère, enfin, à la directive 2005/36, laquelle aurait introduit, sous son titre II, un régime spécifique pour la prestation de services. Dans ce contexte, la République portugaise conserverait la possibilité de subordonner la prestation de services de construction à une simple déclaration préalable annuelle, en cas de déplacement du prestataire de services sur son territoire, à l’exclusion de toute autre condition. Par conséquent, toute autre obligation supplémentaire à la déclaration préalable annuelle prévue dans ladite directive constituerait une restriction injustifiée de la libre prestation de services. Dans son mémoire en réplique, la Commission précise que, dans sa requête, elle n’a pas affirmé que les mesures à prendre par la République portugaise passaient par la prévision d’une simple déclaration annuelle préalable, mais qu’elle s’est limitée à attirer l’attention de cet État membre sur les dispositions de la directive 2005/36. Si cette directive aurait pour objet les professions réglementées et non pas les activités économiques réglementées, les conditions d’accès à l’activité de construction prévues par la réglementation portugaise en cause, et notamment la condition de capacité technique, engloberaient des exigences qui concernent non seulement l’entreprise, mais aussi ses gestionnaires, administrateurs, techniciens, professionnels, conducteurs de travaux et ouvriers. En outre, l’entreprise individuelle serait concernée par les règles de la directive 2005/36 chaque fois que l’activité économiquement pertinente peut être attribuée à une personne dont elle constitue la profession.

    65      La République portugaise explique que le décret-loi n° 12/2004 établit le régime juridique de l’exercice de l’activité de construction lequel, en prévoyant que l’accès à cette activité est soumis à l’octroi d’une licence, correspond au régime juridique d’une activité économique réglementée. Elle affirme que ce régime ne saurait toutefois être considéré comme une entrave à la libre prestation de services, les dispositions en cause étant justifiées par des raisons d’ordre public, notamment l’exigence de garantir la solidité et la sécurité des constructions, ainsi que par la nécessité de protéger, d’une part, l’environnement et le patrimoine urbain, et, d’autre part, les droits des consommateurs et des utilisateurs des immeubles en général, auxquels il serait, sinon, porté atteinte de manière irréparable.

    66      La République portugaise estime, en particulier, que les conditions établies par ledit régime sont justifiées par la situation particulière de l’activité de construction caractérisée par des pratiques nuisibles apparaissant dans l’action habituelle des entreprises de ce secteur. À cet égard, elle se réfère, notamment, au fait que l’activité de construction et son exercice correct sont essentiels pour assurer la sécurité et la qualité de vie des populations, qu’il s’agit d’une activité particulièrement complexe, présentant un degré élevé de danger et caractérisée par une utilisation massive de main d’œuvre peu qualifiée et que cette activité est marquée par des phénomènes endémiques de violation des obligations légales et par des comportements frauduleux. La facilité de création des entreprises de construction conduirait à la pratique généralisée selon laquelle les entreprises retireraient les bénéfices des affaires conclues et disparaîtraient ensuite, sans payer les rémunérations des travailleurs ni les factures des fournisseurs et en se soustrayant à l’obligation de garantir les travaux effectués.

    67      La République portugaise considère que, compte tenu desdites caractéristiques de l’activité de construction au Portugal et eu égard au fait que les voies purement répressives sont insuffisantes pour prévenir des dommages et des préjudices irréparables, il est impératif de réglementer cette activité. En effet, les biens immeubles étant des biens de longue durée, ayant un impact significatif sur l’aménagement du territoire et sur la vie des citoyens, l’activité de construction ne pourrait ni ne devrait être exercée librement, car cela pourrait constituer un risque pour la qualité du patrimoine bâti et, par conséquent, pour la sécurité de ses utilisateurs. Il serait donc nécessaire de prévoir des exigences minimales pour l’accès à ladite activité afin d’assurer que toutes les entreprises de construction possèdent les qualifications et les capacités suffisantes. La République portugaise serait par ailleurs tenue par sa Constitution de veiller à un degré de protection adéquate des droits et des garanties que celle-ci prévoit pour les citoyens et les consommateurs.

    68      La République portugaise fait valoir qu’il convient d’assurer un minimum de cohérence entre les obligations imposées aux États membres en vertu de l’article 49 CE et les autres dispositions du droit de l’Union. Elle se réfère dans ce contexte notamment aux directives 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO L 134, p. 1), et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), lesquelles partageraient essentiellement le même régime d’accès aux activités concernées que celui prévu par la réglementation en cause. En outre, dans le contexte des ouvrages privés, le consommateur final se trouverait dans une position plus faible qu’une entité publique. Le système en cause viserait justement à protéger les consommateurs et les entités privées agissant en tant que maîtres d’ouvrage et se trouvant dans une situation de fragilité. Or, la défense des consommateurs constituerait une politique fondamentale de l’Union qui trouverait son expression, notamment, à l’article 153 CE.

    69      La République portugaise estime que les intérêts que le décret-loi n° 12/2004 cherche à protéger relèvent, en partie, de l’ordre public et constituent, pour le surplus, des raisons impérieuses d’intérêt général. Les conditions prévues par ledit décret-loi pour l’obtention d’une autorisation d’exercer l’activité de construction répondraient à toutes les exigences établies par la Cour afin de pouvoir être considérées comme justifiées. Elles s’appliqueraient notamment de manière non discriminatoire et seraient nécessaires et proportionnées par rapport aux objectifs poursuivis.

    70      Dans ce contexte, la République portugaise explique que l’exigence d’aptitude commerciale vise en particulier à garantir la probité de l’entreprise et la préparation de celle-ci à l’exercice de l’activité de construction, eu égard aux multiples normes légales, contractuelles et éthiques qu’elle comporte, et à assurer le maintien d’un comportement licite et commercialement honnête. L’exigence de capacité technique viserait à garantir que les entreprises de construction soient dotées de moyens humains, en particulier au niveau du cadre technique et du personnel, ayant les qualifications adéquates pour les travaux qu’elles se proposent de réaliser. L’exigence de capacité économique et financière viserait notamment à assurer la solvabilité des entreprises, leur capacité à respecter les engagements pris et une gestion correcte et honnête par ces entreprises des biens et des intérêts qui leur sont confiés, ainsi qu’à éviter l’abandon d’ouvrages et des actions criminelles susceptibles de survenir dans l’exercice de l’activité.

    71      La République portugaise soutient que, eu égard aux raisons qui sont sous-jacentes aux normes prévues par le décret-loi n° 12/2004 et au fait que la construction est une activité économique de nature durable et prolongée, il n’est pas possible de concevoir qu’une entreprise soit exonérée du respect de ces normes, sous peine de détruire le système établi par ledit décret-loi et de porter atteinte aux objectifs que celui-ci cherche à atteindre. Il serait notamment indispensable pour la protection du consommateur que les entreprises soient soumises à un régime uniforme, quelle que soit l’intensité de l’activité exercée par les opérateurs économiques, nationaux ou d’un autre État membre, car autrement serait transférée au consommateur la charge d’être confronté à une pluralité d’ordres juridiques dont il ne saurait connaître la réglementation.

    72      Il ne saurait par ailleurs être considéré que le décret-loi n° 12/2004 viole l’article 49 CE en raison du simple fait qu’il ne fait pas de distinction entre prestation de services et établissement. Une interprétation en ce sens serait en contradiction flagrante avec l’article 50, paragraphe 2, CE et ne saurait être déduite de la jurisprudence de la Cour et notamment de l’arrêt Säger, précité, invoqué par la Commission.

    73      La République portugaise conteste que sa législation nationale ne fasse pas de distinction entre l’établissement d’une entreprise de construction et la prestation de services par une telle entreprise. Elle explique à cet égard que conformément au code portugais des sociétés commerciales, une société commerciale qui souhaite exercer une activité de construction pour une durée supérieure à un an doit constituer une représentation et désigner son représentant. Les entreprises de construction qui fournissent des services occasionnels pour une période ne dépassant pas un an ne seraient pas obligées d’avoir une représentation, mais devraient seulement obtenir l’autorisation d’exercer l’activité de construction. Des efforts auraient ainsi été accomplis dans la réglementation nationale afin de prévoir des mécanismes pour adapter et faciliter le respect des conditions d’accès à l’activité de construction par des entreprises ayant leur siège dans un autre État membre.

    74      En outre, dans la mesure où un prestataire de services a la possibilité de décider de ne pas faire revalider son autorisation d’exercer l’activité de construction ou même de la faire annuler, ce qui aurait pour conséquence que ce prestataire n’est plus tenu de respecter les exigences imposées par le décret-loi n° 12/2004, il existerait bien une différenciation effective entre la prestation de services et l’établissement.

    75      Par ailleurs, si un prestataire de services est soumis dans l’État membre où il est établi aux mêmes conditions que celles prévues par la réglementation portugaise, il pourrait en apporter la preuve aux fins d’obtenir l’autorisation d’exercer l’activité de construction au Portugal. Dans un tel cas, il obtiendrait cette autorisation d’une manière quasi automatique étant donné qu’il remplit toutes les conditions requises.

    76      Cependant, vu l’hétérogénéité des ordres juridiques dans l’Union, il ne saurait être considéré que la simple existence d’une autorisation dans un État membre suffit pour permettre la prestation de services de manière inconditionnelle dans d’autres États membres. De même, eu égard à la multiplicité de ces ordres juridiques, il ne saurait être exigé de l’administration portugaise de vérifier le niveau de protection accordé dans un autre État membre, une telle vérification étant extrêmement difficile à effectuer. Par ailleurs, certains États membres n’auraient pas de réglementation concernant l’accès à l’activité de construction pour des travaux privés.

    77      La République portugaise considère comme dépourvue de pertinence la référence faite par la Commission à la directive 2005/36. En effet, cette directive ne s’appliquerait pas à la présente procédure, celle-ci mettant en cause l’exercice d’une activité économique réglementée, soumise à un régime légal d’accès pour des raisons d’intérêt général, et non pas une «profession» au sens de ladite directive. La qualification professionnelle ne constituerait qu’un aspect parmi beaucoup d’autres des conditions auxquelles les entreprises de construction sont soumises.

    78      Dans ce même contexte, la République portugaise soutient que la réglementation de l’exercice de l’activité de construction ne faisait, jusqu’à l’adoption de la directive 2006/123, pas l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union. Elle estime que, eu égard aux obligations créées par cette directive, dont le délai de transposition a expiré seulement le 28 décembre 2009, il ne saurait être affirmé que ces mêmes obligations découlent directement du traité. Enfin, en raison de la transposition de ladite directive, toute la réglementation pertinente portugaise concernant près d’une centaine d’activités économiques réglementées, y compris l’activité de construction, serait en ce moment en cours d’appréciation. Dans la mesure où tout le panorama réglementaire portugais serait donc prochainement modifié, la présente procédure en manquement aurait peu d’effet pratique et devrait être suspendue.

    79      La République de Pologne fait valoir qu’un système d’autorisation préalable à la prestation de services par les prestataires d’autres États membres ne peut être justifié qu’exceptionnellement, lorsqu’il est démontré que le contrôle pratiqué lorsque l’activité est en cours ou le contrôle a posteriori ne sont pas suffisamment efficaces. Or, la République portugaise n’aurait ni établi que son système d’autorisation contribue effectivement à accroître la sécurité dans le secteur de la construction ni démontré que ce système est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis. En effet, la réalisation de ces objectifs pourrait être assurée par des mesures visant plutôt à soumettre à autorisation une construction concrète que l’activité de construction elle-même. De telles mesures, accompagnées du contrôle du processus de construction, seraient nettement plus efficaces afin d’assurer la qualité, la durabilité et la sécurité des constructions, ainsi que le respect des normes juridiques et techniques nationales.

    80      Selon la République de Pologne, il résulte, en outre, de la jurisprudence de la Cour que les autorités de l’État membre d’accueil doivent tenir compte des exigences que les opérateurs économiques ou leur personnel remplissent déjà dans leur État membre d’origine. Cependant, en appliquant des dispositions identiques à l’égard des entreprises nationales et de celles établies dans d’autres États membres, la République portugaise ne tiendrait pas compte des conditions déjà remplies par les prestataires dans l’État membre d’établissement. Par ailleurs, la République portugaise ne saurait se prévaloir de l’ignorance des dispositions des autres États membres et de l’hétérogénéité des réglementations en vigueur pour justifier la restriction à la libre circulation des services.

     Appréciation de la Cour

    81      À titre liminaire, il y lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient ainsi être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne, précité, point 32, et du 26 novembre 2009, Commission/Italie, C-13/09, point 9). En outre, selon une jurisprudence également constante, la Commission est seule compétente pour décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement et en raison de quel agissement ou omission imputable à l’État membre concerné cette procédure doit être introduite (voir, notamment, arrêts du 5 novembre 2002, Commission/Belgique, C‑471/98, Rec. p. I-9681, point 39, et du 12 novembre 2009, Commission/Grèce, C-199/07, Rec. p. I‑10669, point 23).

    82      Il en résulte que doit être rejeté l’argument de la République portugaise selon lequel la présente procédure en manquement aurait peu d’utilité pratique et devrait être suspendue en raison du fait que le panorama réglementaire portugais serait prochainement modifié pour transposer la directive 2006/123.

    83      Quant à la compatibilité du régime national en cause avec l’article 49 CE, il est de jurisprudence constante que ce dernier exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, notamment, arrêt du 5 mars 2009, Kattner Stahlbau, C-350/07, Rec. p. I‑1513, point 78 et jurisprudence citée).

    84      La Cour a ainsi itérativement jugé qu’une réglementation nationale qui subordonne l’exercice de certaines prestations de services sur le territoire national par une entreprise établie dans un autre État membre à la délivrance d’une autorisation administrative constitue une restriction à la libre prestation de services (voir, notamment, arrêts Säger, précité, point 14; du 9 août 1994, Vander Elst, C-43/93, Rec. p. I-3803, point 15; du 9 mars 2000, Commission/Belgique, C-355/98, Rec. p. I-1221, point 35, et du 29 avril 2004, Commission/Portugal, C-171/02, Rec. p. I-5645, point 60).

    85      Par ailleurs, le fait, mis en avant par la République portugaise, que l’achèvement des prestations de services de construction nécessite généralement un certain temps et qu’il peut, en raison de ce fait, s’avérer difficile de faire la distinction entre ces prestations et la situation dans laquelle le prestataire est effectivement établi dans l’État membre d’accueil n’a nullement pour conséquence d’exclure d’office lesdites prestations du champ d’application de l’article 49 CE. Ainsi, la Cour a déjà constaté que celui-ci comprend également des services dont la prestation s’étend sur une période prolongée, voire sur plusieurs années, en donnant notamment pour exemple des services fournis dans le cadre de la construction d’un grand bâtiment (voir arrêt du 11 décembre 2003, Schnitzer, C-215/01, Rec. p. I-14847, point 30).

    86      Il découle sans équivoque de la jurisprudence susmentionnée que le régime établi par le décret-loi n° 12/2004, en application duquel même les entreprises qui sont déjà légalement établies dans un autre État membre doivent, avant de pouvoir fournir de façon temporaire au Portugal des services de construction, obtenir auprès de l’administration portugaise une autorisation attestant leur habilitation pour le type de services qu’elles souhaitent effectuer, constitue une restriction à la libre prestation de services.

    87      S’agissant de l’argument invoqué par la République portugaise et tiré du fait que les dispositions relatives à la libre prestation de services prévues par la directive 2006/123 ne s’appliquent pas encore à la présente procédure, il suffit de relever que selon une jurisprudence constante, même en l’absence de mesures d’harmonisation, une restriction à l’article 49 CE ne peut être justifiée que par des réglementations qui trouvent leur fondement dans des raisons impérieuses d’intérêt général et s’appliquent à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi et pour autant que ces réglementations sont propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2000, Corsten, C‑58/98, Rec. p. I‑7919, point 35; du 9 novembre 2006, Commission/Belgique, C-433/04, Rec. p. I-10653, point 33, et du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne, C-490/04, Rec. p. I-6095, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

    88      En outre, il y a lieu de relever que notamment l’obligation générale, énoncée à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, en vertu de laquelle les États membres garantissent l’accès à une activité de service et son exercice sur leur territoire en subordonnant cet accès ou exercice uniquement à des exigences non discriminatoires et objectivement justifiées, découle directement de l’article 49 CE.

    89      Quant à la question de savoir si la restriction à la libre prestation de services résultant du régime national en cause, lequel s’applique indistinctement à toute entreprise de construction active sur le territoire portugais, est objectivement justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, il importe tout d’abord de constater que les motifs invoqués à cet égard par la République portugaise, à savoir notamment l’exigence de garantir la solidité et la sécurité des constructions et de protéger l’environnement, le patrimoine urbain ainsi que les consommateurs et les utilisateurs des immeubles, constituent effectivement de telles raisons (voir, également, arrêts précités Corsten, point 38, et Schnitzer, point 35), sans qu’il soit nécessaire de déterminer pour les besoins de la présente affaire si certains de ces motifs relèvent, ainsi que le soutient la République portugaise, de la notion d’ordre public.

    90      Toutefois, comme il ressort notamment des sixième et vingt-septième considérants de la directive 2005/36, le législateur de l’Union, en adoptant celle-ci, a déjà tenu compte desdites exigences, lesquelles sont ainsi reflétées par les dispositions de cette directive.

    91      Or, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services, si le prestataire est légalement établi dans un État membre dans lequel la profession est réglementée. Un tel prestataire peut donc fournir ses services dans un autre État membre sous son titre professionnel d’origine, sans devoir demander la reconnaissance de ses qualifications. Lorsque la profession en cause n’est pas réglementée dans l’État membre d’établissement, le prestataire doit justifier de deux années d’expérience professionnelle.

    92      Selon l’article 7, paragraphes 1 et 2, de ladite directive, l’État membre d’accueil peut exiger de la part du prestataire qu’il effectue une déclaration préalable à la première prestation de services sur son territoire en y joignant notamment des informations relatives aux couvertures d’assurance pour la responsabilité professionnelle et d’autres documents tels que la preuve de sa nationalité, de son établissement légal et de ses qualifications professionnelles. Cependant, la preuve de l’absence de condamnations pénales peut être exigée uniquement pour les professions dans le domaine de la sécurité et dans la mesure où celle-ci est demandée aux ressortissants de l’État membre d’accueil.

    93      Le paragraphe 4 dudit article 7 prévoit une exception limitée à ces principes pour les professions réglementées qui ont des implications en matière de santé ou de sécurité publiques et qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance automatique en vertu du titre III, chapitre III, de la directive 2005/36. Seulement pour ces professions, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut procéder à une vérification des qualifications professionnelles du prestataire si l’objectif de cette vérification est d’éviter des dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service et dans la mesure où elle est proportionnée à cette fin.

    94      En outre, la directive 2005/36 a instauré à son article 8 une coopération administrative, en vertu de laquelle les autorités compétentes de l’État membre d’accueil peuvent demander aux autorités compétentes de l’État membre d’établissement, pour chaque prestation de services, toute information pertinente concernant la légalité de l’établissement et la bonne conduite du prestataire ainsi que l’absence de sanction disciplinaire ou pénale à caractère professionnel. Enfin, pour protéger davantage les intérêts des destinataires du service, l’article 9 de cette directive permet à l’État membre d’accueil d’exiger du prestataire qu’il fournisse au destinataire certaines informations dont, notamment, celles relatives aux couvertures d’assurance pour la responsabilité professionnelle.

    95      La République portugaise ne conteste pas que les exigences résultant du régime établi par le décret-loi n° 12/2004 dépassent ce qui est prévu par le titre II de la directive 2005/36. Cependant, cet État membre met en cause l’applicabilité de cette directive audit régime en raison du fait que celui-ci concernerait non pas une profession réglementée, mais une activité économique réglementée.

    96      À cet égard, il convient d’abord de constater qu’il existe une relation directe, voire un certain chevauchement, entre l’exercice d’une activité dans le secteur du bâtiment et l’exercice des professions afférentes à ce secteur et que la réglementation de ces professions peut être considérée comme faisant partie de la réglementation de ladite activité.

    97      Ensuite, il y a lieu de relever que, en vertu du régime national en cause, une entreprise de construction souhaitant fournir ses services au Portugal doit, afin d’être classée et de recevoir un permis, répondre à des conditions qui se réfèrent non seulement à l’entreprise elle-même, mais également à ses gestionnaires et à son personnel en général. Ainsi, la capacité technique d’une entreprise est non seulement évaluée sur la base de sa structure organisationnelle, du nombre de personnel, de la possession des moyens techniques nécessaires et de sa propre expérience effective, mais également en fonction du niveau de connaissances, de la spécialisation et de l’expérience de son personnel. En outre, l’aptitude commerciale de l’entreprise doit notamment être démontrée par des extraits du casier judiciaire de l’entrepreneur et des représentants légaux de la société.

    98      Enfin, il importe d’observer que les articles 16 et 17 de la directive 2005/36, lus en combinaison avec la liste I de son annexe IV et notamment la classe 40 figurant sur cette liste, se réfèrent aux «activités» dans le secteur du bâtiment du génie civil.

    99      Cependant, sans qu’il soit besoin aux fins de la présente procédure en manquement de déterminer dans quelle mesure la directive 2005/36 s’applique au régime national en cause et si celui-ci est compatible avec ladite directive, une incompatibilité à cet égard n’ayant pas été invoquée par la Commission, force est de constater que ce régime dépasse, en tout état de cause, ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés.

    100    En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 87 du présent arrêt, une restriction à l’article 49 CE peut être justifiée uniquement dans la mesure où l’intérêt général que la législation nationale cherche à protéger n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre d’établissement. La Cour a ainsi notamment jugé qu’un régime national d’autorisation irait au-delà de ce qui est nécessaire au cas où les exigences auxquelles la délivrance de l’autorisation se trouve subordonnée feraient double emploi avec les justifications et les garanties équivalentes exigées dans l’État membre d’établissement, en en déduisant notamment l’obligation pour l’État membre d’accueil de tenir compte des contrôles et des vérifications déjà effectués dans l’État membre d’établissement (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1981, Webb, 279/80, Rec. p. 3305, point 20; du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205/84, Rec. p. 3755, point 47; du 9 mars 2000, Commission/Belgique, précité, point 38, ainsi que du 29 avril 2004, Commission/Portugal, précité, points 60 et 66).

    101    Or, en exigeant des entreprises de construction établies dans un autre État membre de satisfaire à l’ensemble des conditions que le régime national, et notamment le décret-loi n° 12/2004, impose pour l’obtention de l’autorisation d’exercer au Portugal une activité dans le secteur du bâtiment, ce régime exclut qu’il soit tenu dûment compte des obligations équivalentes auxquelles une telle entreprise est soumise dans l’État membre d’établissement et des vérifications déjà effectuées à cet égard par les autorités dudit État membre.

    102    Cette constatation n’est pas infirmée par le fait que le code portugais des sociétés commerciales impose l’obligation de constituer une représentation et de désigner un représentant uniquement aux sociétés commerciales qui souhaitent exercer leurs activités au Portugal pour une durée supérieure à un an. En effet, une telle obligation s’ajoute simplement à celle d’obtenir une autorisation préalable selon l’ensemble des conditions édictées par le décret-loi n° 12/2004 et l’exemption de ladite obligation n’a donc nullement pour effet que, aux fins de l’attribution de cette autorisation, il soit tenu compte des obligations équivalentes exigées et vérifiées par l’État membre d’établissement.

    103    De même, est sans incidence le fait, également mis en avant par la République portugaise, qu’un prestataire de services a la possibilité de ne pas faire revalider ou de faire annuler le permis ou le titre d’enregistrement et de se libérer ainsi de l’obligation de respecter les exigences imposées par ledit décret-loi. S’il est de toute évidence toujours possible pour un prestataire de services de cesser ses activités sur le territoire portugais, interpréter l’article 49 CE dans le sens que la seule existence de cette option est suffisante pour considérer comme proportionnée une entrave à la libre prestation de services priverait cette disposition de tout effet utile.

    104    Pour autant que la République portugaise fait valoir qu’elle évalue dans la pratique de façon limitée les habilitations qu’une entreprise a obtenues dans d’autres États membres, il convient, tout d’abord, de constater qu’il ressort des explications données à ce sujet par la République portugaise dans ses mémoires écrits et lors de l’audience qu’elle accepte comme preuve des éléments déjà vérifiés par l’État membre d’établissement uniquement dans la mesure où les autorités portugaises arrivent, à la suite d’un contrôle au fond complet de ces éléments, à la conclusion que ladite entreprise répond pleinement aux conditions imposées par le décret-loi n° 12/2004. Or, en procédant ainsi, la République portugaise ne tient pas compte des justifications et des garanties équivalentes exigées dans l’État membre d’établissement et vérifiées par celui-ci, mais se limite à concéder aux entreprises la possibilité de présenter à nouveau lors de la demande d’obtention du permis ou du titre d’enregistrement les éléments déjà présentés aux autorités de l’État membre d’établissement.

    105    Ensuite, il importe de relever que lors de l’audience la République portugaise, en se référant aux difficultés pour ses autorités administratives à vérifier les caractéristiques des titres et des autorisations émis par d’autres États membres, lesquelles résulteraient de la multiplicité et de la variété des régimes existant dans les différents États membres, a déclaré expressément d’accepter seulement les éléments pouvant démontrer l’expérience et les capacités techniques dans des travaux spécifiques. Il résulte cependant de la jurisprudence rappelée au point 100 du présent arrêt que ces difficultés, qui existent dans un certain degré pour tous les secteurs d’activités pour lesquels les conditions d’accès n’ont pas été harmonisées au niveau de l’Union, ne sauraient exempter un État membre de l’obligation d’éviter que la délivrance d’une autorisation pour un prestataire déjà établi dans un autre État membre soit soumise à des exigences qui feraient double emploi avec les justifications et les garanties équivalentes exigées dans l’État membre d’établissement.

    106    Enfin, en réponse à la demande de la Cour lors de l’audience relative au point de savoir si la pratique d’une évaluation limitée des titres et des habilitations acquis dans d’autres États membres telle qu’effectuée par les autorités portugaises est inscrite dans une réglementation, la République portugaise a expliqué que le décret-loi n° 12/2004 ne contient pas de dispositions spécifiques à cet égard, mais que le code de procédure administrative national prévoit des règles obligeant l’administration à passer par un certain nombre d’étapes et à évaluer tous les éléments et les justificatifs présentés par un demandeur.

    107    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour qu’un régime d’autorisation administrative préalable soit justifié alors même qu’il déroge à une liberté fondamentale, il doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui assurent qu’il soit propre à encadrer suffisamment l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (voir, notamment, arrêt du 10 mars 2009, Hartlauer, C-169/07, Rec. p. I-1721, point 64 et jurisprudence citée). Or, dans le contexte particulier de la procédure de délivrance d’un permis ou d’un titre d’enregistrement, laquelle dépend de l’évaluation d’un nombre de critères très spécifiques impliquant des jugements de valeur et pour laquelle le décret-loi n° 12/2004 prévoit en outre des dispositions spéciales, une règle si générale que celle à laquelle se réfère la République portugaise n’est pas de nature à encadrer suffisamment l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales.

    108    Compte tenu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en exigeant des prestataires de services de construction établis dans un autre État membre la satisfaction de l’ensemble des conditions que le régime national en cause, et notamment le décret-loi n° 12/2004, impose pour l’obtention de l’autorisation d’exercer au Portugal une activité dans le secteur du bâtiment et en excluant ainsi qu’il soit dûment tenu compte des obligations équivalentes auxquelles ces prestataires sont soumis dans l’État membre dans lequel ils sont établis ainsi que des vérifications déjà effectuées à cet égard par les autorités dudit État membre, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

     Sur les dépens

    109    En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    110    Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République de Pologne supporte ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

    1)      En exigeant des prestataires de services de construction établis dans un autre État membre la satisfaction de l’ensemble des conditions que le régime national en cause, et notamment le décret-loi n° 12/2004, du 9 janvier 2004, impose pour l’obtention de l’autorisation d’exercer au Portugal une activité dans le secteur du bâtiment et en excluant ainsi qu’il soit dûment tenu compte des obligations équivalentes auxquelles ces prestataires sont soumis dans l’État membre dans lequel ils sont établis ainsi que des vérifications déjà effectuées à cet égard par les autorités dudit État membre, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

    2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

    3)      La République de Pologne supporte ses propres dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: le portugais.

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