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Document 62008CJ0141

Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er octobre 2009.
Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware Co. Ltd contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi - Politique commerciale - Dumping - Importations de planches à repasser originaires de Chine - Règlement (CE) nº 384/96 - Articles 2, paragraphe 7, sous c) et 20, paragraphes 4 et 5 - Statut d'entreprise opérant en économie de marché - Droits de la défense - Enquête antidumping - Délais accordés aux entreprises pour présenter leurs observations.
Affaire C-141/08 P.

Recueil de jurisprudence 2009 I-09147

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:598

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er octobre 2009 ( *1 )

«Pourvoi — Politique commerciale — Dumping — Importations de planches à repasser originaires de Chine — Règlement (CE) no 384/96 — Articles 2, paragraphe 7, sous c) et 20, paragraphes 4 et 5 — Statut d’entreprise opérant en économie de marché — Droits de la défense — Enquête antidumping — Délais accordés aux entreprises pour présenter leurs observations»

Dans l’affaire C-141/08 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 3 avril 2008,

Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware Co. Ltd, établie à Foshan (Chine), représentée par Me J.-F. Bellis, avocat, et M. G. Vallera, barrister,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de M. E. McGovern, barrister, mandaté par M. B. O’Connor, solicitor,

partie défenderesse en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H. van Vliet, T. Scharf et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Vale Mill (Rochdale) Ltd, établie à Rochdale (Royaume-Uni),

Pirola SpA, établie à Mapello (Italie),

Colombo New Scal SpA, établie à Rovagnate (Italie),

représentées par Mes G. Berrisch et G. Wolf, Rechtsanwälte,

République italienne, représentée par M. R. Adam, en qualité d’agent, assisté de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), A. Tizzano, A. Borg Barthet et E. Levits, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mars 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware Co. Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 janvier 2008, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (T-206/07, Rec. p. II-1, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a rejeté le recours formé par la requérante, visant à l’annulation du règlement (CE) no 452/2007 du Conseil, du , instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de planches à repasser originaires de la République populaire de Chine et d’Ukraine (JO L 109, p. 12, ci-après le «règlement litigieux»), dans la mesure où celui-ci institue un droit antidumping sur les importations de planches à repasser produites par la requérante.

Le cadre juridique

2

Aux fins de la détermination de l’existence d’un dumping, l’article 2 du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2117/2005 du Conseil, du (JO L 340, p. 17, ci-après le «règlement de base»), prévoit à ses paragraphes 1 à 6 les règles générales concernant la méthode de détermination du montant dit de la «valeur normale».

3

L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base énonce une règle particulière concernant la méthode de détermination de cette valeur normale pour les importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché.

4

Selon l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, s’appliquent pourtant les règles générales énoncées aux paragraphes 1 à 6 dudit article pour certains pays, dont la République populaire de Chine, s’il est établi, sur la base de requêtes présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs.

5

Les critères et les procédures afin de déterminer si tel est le cas sont précisés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. Cette disposition prévoit:

«La requête présentée au titre du [paragraphe 7, sous] b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si:

[…]

les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

[…]

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de la procédure, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête.»

6

L’article 20 du règlement de base, intitulé «Information des parties», dispose à son paragraphe 2 que les parties peuvent demander une information finale sur les faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives. Les paragraphes 4 et 5 de cet article énoncent:

«4.   L’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être […] dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale conformément à l’article 9. […] L’information ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure qui peut être prise par la Commission ou le Conseil et, lorsque cette décision se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dès que possible.

5.   Les observations faites après que l’information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours.»

Les antécédents du litige

7

La requérante, une société établie à Foshan (Chine), produit et exporte des planches à repasser, notamment à destination de l’Union européenne.

8

À la suite d’une plainte déposée par les sociétés Vale Mill (Rochdale) Ltd, Pirola SpA et Colombo New Scal SpA (ci-après les «sociétés intervenantes»), la Commission a publié, le 4 février 2006, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de planches à repasser originaires de la République populaire de Chine et d’Ukraine (JO C 29, p. 2).

9

Le 23 février 2006, la requérante a présenté une demande au titre de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, en vue de se voir reconnaître le statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Au mois de juin 2006, la Commission a effectué des vérifications au siège de la requérante et d’une société liée à celle-ci, portant sur la question de savoir si la requérante pouvait bénéficier dudit statut et sur la détermination de la valeur normale des produits en cause sur le marché chinois.

10

Par lettre du 11 août 2006, la Commission a informé la requérante qu’elle considérait que celle-ci ne satisfaisait pas au critère visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base et qu’elle ne pouvait pas, dès lors, bénéficier du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. En effet, selon la Commission, les documents comptables de la requérante, ainsi que les rapports d’audit, n’étaient pas conformes aux exigences des normes comptables internationales (International Accounting Standards, ci-après les «normes IAS»). Par lettre du , la Commission a répondu aux observations formulées par la requérante en réponse et a informé cette dernière de sa décision de ne pas lui accorder le statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

11

Le 30 octobre 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) no 1620/2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de planches à repasser originaires de la République populaire de Chine et d’Ukraine (JO L 300, p. 13, ci-après le «règlement provisoire»). Ce règlement a confirmé le rejet de la demande de statut d’entreprise évoluant en économie de marché de la requérante et a imposé un droit provisoire de 18,1 % sur les importations de planches à repasser fabriquées par celle-ci.

12

Les 1er décembre 2006 et , la requérante a présenté des observations écrites sur le règlement provisoire, y compris la question de la détermination du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Elle a également présenté des observations orales au cours d’une audition au siège de la Commission le . Ultérieurement, elle a communiqué à la Commission des statistiques officielles concernant les importations chinoises mensuelles de produits sidérurgiques durant les années 2004 et 2005.

13

Par lettre du 20 février 2007, la Commission a communiqué à la requérante un document d’information finale générale ainsi qu’un document d’information finale particulière (ci-après, ensemble, les «documents d’information finale du »). Dans le premier document, la Commission a fait part de son intention d’accorder à la requérante le statut d’entreprise évoluant en économie de marché et de rabaisser, en conséquence, sa marge de dumping définitive à 0 % au vu du fait que, à la lumière des nouvelles données et explications, sa demande était plausible et justifiée.

14

La Commission a en effet considéré, d’une part, que les défauts dans les pratiques comptables de l’entreprise, relevés au stade des mesures provisoires, étaient dépourvus d’incidence significative sur les résultats financiers retranscrits dans les comptes et, d’autre part, que le caractère incomplet des comptes, premièrement, ne posait pas de problème concernant les informations relatives aux ventes à l’exportation, dans la mesure où la Commission avait déjà accepté ces données quand elle était en mesure de vérifier leur fiabilité, et, deuxièmement, n’était pas déterminant concernant les ventes intérieures, celles-ci n’étant pas suffisamment importantes pour être représentatives. La Commission a ainsi indiqué que, dans ces conditions, la valeur normale devait être établie sur la base des coûts de production et que le coût de l’acier en était un élément essentiel. À cet égard, la Commission a considéré que les données statistiques officielles chinoises concernant les importations d’acier, produites au cours de la procédure administrative, confirmaient la fiabilité des données comptables de l’entreprise au sujet du coût de l’acier et permettaient ainsi le calcul de la valeur normale sur la base de la valeur construite en Chine.

15

Par lettre du 2 mars 2007, les sociétés intervenantes à l’origine de l’ouverture de la procédure antidumping ont communiqué leurs observations sur le document d’information finale générale du . Ils ont fait valoir, d’une part, que la requérante ne satisfaisait pas au critère visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base et, d’autre part, que la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base s’opposait à ce que les institutions modifient la détermination du statut d’entreprise évoluant en économie de marché en cours de procédure.

16

Le 6 mars 2007, le comité consultatif institué conformément à l’article 15 du règlement de base (ci-après le «comité consultatif») a examiné le document de travail que lui avait communiqué la Commission le . Plusieurs membres du comité consultatif ont contesté l’octroi à la requérante du statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

17

Par télécopie du 23 mars 2007, la Commission a communiqué à la requérante un document d’information finale générale révisé et un document d’information particulière révisé (ci-après, ensemble, les «documents d’information finale révisés du »), desquels il ressort que la Commission était revenue sur ses considérations du , concernant l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché à la requérante. En effet, elle a estimé, notamment, que la pratique de la requérante consistant à compenser les recettes et les dépenses et à enregistrer les transactions de vente dans ses livres comptables de manière résumée, contrairement au principe d’engagement, constituait une violation des normes IAS, incompatible avec les exigences posées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

18

La Commission a, le même jour, également transmis aux membres du comité consultatif le document de travail final révisé pour consultation. Ce document a été approuvé par le comité consultatif le 27 mars 2007, au terme d’une procédure écrite.

19

Le 29 mars 2007, la Commission a transmis au Conseil la proposition de mesures définitives fondée sur le document d’information finale générale révisé du .

20

Le délai imparti à la requérante pour présenter ses observations sur les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 a été fixé au . Ce délai a été prorogé par la Commission sur demande de la requérante jusqu’au .

21

Le 2 avril 2007, la requérante a présenté ses observations sur lesdits documents. Dans ce cadre, elle a contesté la conclusion de la Commission selon laquelle elle ne satisfaisait pas aux conditions requises pour l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché et lui a demandé de ne pas adopter la thèse des sociétés intervenantes, selon laquelle la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base interdisait à la Commission de modifier sa décision initiale de ne pas accorder ce statut.

22

Par lettre du 4 avril 2007, la Commission a répondu en confirmant ses conclusions quant à la non-satisfaction des conditions requises pour l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Elle a relevé, par ailleurs, que la jurisprudence concernant l’évaluation des demandes dudit statut ne permettait pas l’évaluation nouvelle de faits anciens.

23

Par lettre du 5 avril 2007, la requérante a demandé à la Commission de proposer au Conseil des mesures définitives fondées sur le document d’information finale générale du , dans la mesure où la conclusion concernant le statut d’entreprise évoluant en économie de marché était, selon la requérante, fondée sur une erreur de droit.

24

Le 23 avril 2007, le Conseil a adopté le règlement litigieux. Celui-ci a institué un droit antidumping définitif de 18,1 % sur les importations de planches à repasser fabriquées par la requérante.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

25

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2007, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux en ce qu’il institue un droit antidumping sur les importations de planches à repasser issues de sa production. Le même jour, elle a introduit une demande de procédure accélérée, à laquelle il a été fait droit. Lors de la procédure devant le Tribunal, sont intervenues, au soutien des conclusions du Conseil, la Commission, les sociétés intervenantes et la République italienne.

26

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de la requérante, lequel avait été fondé sur deux moyens, tirés, respectivement, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et d’une violation des droits de la défense et de l’article 20, paragraphe 5, de ce même règlement.

27

Au soutien de son premier moyen, la requérante avait fait valoir que la seule explication fournie par la Commission pour justifier le changement soudain de sa position quant à l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché serait contenue dans la lettre du 4 avril 2007, dans laquelle la Commission aurait affirmé que la jurisprudence concernant l’examen des demandes d’octroi d’un tel statut ne permettait pas une évaluation nouvelle de faits anciens. Or, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, tel qu’interprété par l’arrêt du Tribunal du , Nanjing Metalink/Conseil (T-138/02, Rec. p. II-4347), n’exclurait nullement que la Commission puisse, dans des conditions telles que celles en l’espèce, modifier sa position initiale. L’interprétation retenue par la Commission, notamment de la dernière phrase de cette disposition, serait en outre contraire au principe de bonne administration. La proposition de mesures définitives serait, par conséquent, fondée sur une violation de ladite disposition, ce qui vicierait également le règlement litigieux.

28

Dans son appréciation du premier moyen, le Tribunal a, aux points 42 à 50 de l’arrêt attaqué, cherché à vérifier si la Commission a révisé sa proposition contenue dans les documents d’information finale du 20 février 2007 au motif qu’il lui était interdit d’apprécier à nouveau des faits anciens. À cet égard, il a d’abord constaté que, dans le règlement litigieux et notamment aux douzième à quatorzième considérants de celui-ci, le refus de modifier la détermination du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, opérée dans le règlement provisoire, n’était pas motivé par l’obstacle à une nouvelle appréciation de faits anciens posé par l’article 2, paragraphe 7, sous c), dernière phrase, du règlement de base, mais par la non-conformité de la comptabilité de la requérante avec les normes IAS et par l’absence de nouveaux éléments susceptibles d’affecter cette appréciation.

29

Le Tribunal a ensuite observé qu’il ne ressort pas davantage des documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 que le refus de la Commission de proposer l’octroi à la requérante du statut d’entreprise évoluant en économie de marché était motivé par l’interdiction d’apprécier à nouveau les faits anciens.

30

Le Tribunal a enfin constaté que l’unique document, dans lequel la Commission expose que la jurisprudence concernant la détermination du statut d’entreprise évoluant en économie de marché n’autorise pas une nouvelle appréciation de faits anciens, est la lettre de la Commission du 4 avril 2007. Il a pourtant estimé, au point 49 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de l’ensemble de cette lettre que l’observation de la Commission relative à l’impossibilité d’apprécier à nouveau des faits anciens est de nature incidente, l’institution ayant fondé son refus de proposer l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché sur une appréciation de la question de savoir si la requérante se conformait aux critères matériels applicables.

31

Le Tribunal en a conclu, au point 50 de l’arrêt attaqué, que l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission se serait fondée, en l’espèce, sur une interdiction d’apprécier à nouveau des faits anciens manque en fait. Il a jugé que le premier moyen ne pouvait, pour cette raison, être accueilli et que le débat concernant l’interprétation de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et de l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, est, par conséquent, dénué de pertinence.

32

Le Tribunal a ajouté, au point 54 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que la motivation du règlement litigieux n’explique pas en quoi les conclusions contenues dans le document d’information générale finale du 20 février 2007 seraient infondées et le fait, à le supposer établi, que la Commission n’ait pas apporté d’explication à cet égard ne sont pas de nature, en eux-mêmes, à emporter l’illégalité du règlement litigieux.

33

Quant au second moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, celui-ci a été rejeté aux points 63 à 76 de l’arrêt attaqué. La requérante avait fait valoir qu’une telle violation résultait de la circonstance que la Commission a transmis au Conseil la proposition de mesures définitives fondées sur le document d’information générale finale révisé du 23 mars 2007 à peine six jours après la communication de cette dernière à la requérante, sans attendre l’expiration du délai de dix jours prescrit à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, et quatre jours avant la date impartie par la Commission à la requérante pour le dépôt de ses observations.

34

Le Tribunal a d’abord décidé, aux points 63 à 70 de l’arrêt attaqué, que la Commission a, par ce fait, effectivement enfreint l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base. Il a notamment jugé que la transmission par la Commission de sa proposition au Conseil ne saurait avoir lieu avant l’expiration du délai de dix jours prévu par cette disposition. Selon le Tribunal, cette interprétation s’impose au vu du libellé de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base et de la nécessité d’interpréter les paragraphes 4 et 5 de cet article de manière cohérente ainsi que pour garantir que les observations éventuelles des parties intéressées soient effectivement prises en compte par la Commission. Ainsi, il a observé que la circonstance même que le Conseil ait d’ores et déjà été saisi d’une proposition de mesures définitives est, en soi, susceptible d’influer sur les conséquences qui pourraient être tirées de ces observations.

35

Le Tribunal a, par ailleurs, constaté dans ce contexte que la Commission était tenue d’informer les parties concernées de sa nouvelle prise de position, telle qu’exposée dans les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007. Le Tribunal a relevé, à cet égard, que, dès lors qu’il fait explicitement référence à «des faits et considérations différents», l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base ne consacre pas la thèse défendue par la Commission, selon laquelle la seule modification de l’appréciation d’éléments factuels qui sont restés inchangés ne nécessite aucune communication aux parties intéressées.

36

Le Tribunal a toutefois conclu, aux points 71 à 76 de l’arrêt attaqué, que la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base n’a pas été de nature à affecter le contenu du règlement litigieux et, partant, les droits de la défense de la requérante et ne saurait, dès lors, emporter l’illégalité et l’annulation de ce règlement. Ainsi, il a rappelé que ladite violation ne saurait conduire à l’annulation du règlement litigieux que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la requérante.

37

Le Tribunal a constaté, à cet égard, que, en ce qui concerne la question de la détermination du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, il ne ressort pas du dossier que les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 aient présenté des éléments factuels nouveaux, qui n’avaient pas encore été portés à la connaissance de la requérante. Il a observé que, dans ces documents, la Commission a uniquement informé la requérante de son intention de réviser sa position antérieure et, ainsi, de maintenir la décision adoptée initialement le et mise en œuvre dans le règlement provisoire. Or, la requérante aurait déjà eu l’occasion, lors d’une phase antérieure de la procédure administrative, de s’exprimer sur la position présentée, à nouveau, dans lesdits documents.

38

S’agissant des observations, présentées par la requérante dans la lettre du 2 avril 2007, relatives à l’application de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et à l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, le Tribunal a jugé, au point 75 de l’arrêt attaqué, que celles-ci n’étaient pas, en tout état de cause, de nature à influer sur le contenu de ce règlement, dans la mesure où, ainsi qu’il l’avait constaté dans le cadre du premier moyen, le refus d’octroyer le statut d’entreprise évoluant en économie de marché était fondé sur l’application des critères matériels.

Sur le pourvoi

39

La requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de faire droit à ses conclusions formulées devant le Tribunal, à savoir d’annuler le règlement litigieux en ce qu’il s’applique à la requérante.

40

Le Conseil, les sociétés intervenantes et la République italienne concluent au rejet du pourvoi. La Commission demande à la Cour de déclarer le recours irrecevable ou bien de le rejeter.

41

Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés respectivement d’une appréciation erronée de l’importance du débat relatif à l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base résultant d’une dénaturation manifeste des pièces du dossier, ainsi que d’une conclusion incorrecte concernant l’effet de la violation de l’article 20, paragraphe 5, de ce règlement.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

42

Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas répondu au premier moyen d’annulation qu’il a rejeté sur le fondement d’une constatation manifestement contraire aux pièces du dossier, à savoir que le débat concernant l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et du point 44 de l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, était dénué de pertinence aux fins de la présente affaire.

43

La première branche de ce moyen est tirée de ce que, dans la mesure où l’inexactitude matérielle de ladite constatation résulterait des pièces du dossier et, notamment, des mémoires du Conseil et de la République italienne, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

44

Ainsi, le Conseil lui-même aurait reconnu que ce serait précisément parce que la Commission a considéré que les conditions nécessaires pour modifier la solution initiale retenue, telles qu’exposées dans l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, n’étaient pas réunies, qu’elle est revenue à celle-ci. La République italienne aurait également confirmé que la question de l’interprétation de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base à la lumière de l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, a effectivement joué un rôle déterminant dans la décision de la Commission de proposer des mesures définitives fondées sur sa position initiale. Dans ces conditions et en l’absence d’éléments factuels nouveaux dans les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007, absence observée par le Tribunal lui-même au point 72 de l’arrêt attaqué, la constatation par le Tribunal selon laquelle ladite question aurait présenté uniquement un caractère «incident» serait manifestement erronée.

45

Par la seconde branche de ce moyen, la requérante soutient que ce serait donc à tort que le Tribunal a refusé de se prononcer sur ladite question.

46

Le Conseil estime que le premier moyen du pourvoi est, en raison de son caractère sélectif, incapable de mettre en doute l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal. Ainsi, les contestations avancées par la requérante à cet égard ne prendraient pas en compte tous les éléments du dossier et omettraient notamment de faire référence aux trois textes sur lesquels s’est appuyé le Tribunal. Le mémoire en défense présenté par le Conseil lors de la procédure devant le Tribunal ne contiendrait, par ailleurs, aucun élément de preuve. Le Conseil conteste, en outre, que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, point c), du règlement de base ait eu d’importantes incidences en l’espèce dès lors que toute interprétation aurait abouti au même résultat. En tout état de cause, que l’interprétation ait ou non eu d’importantes incidences ne permettrait pas de conclure que la Commission a accepté l’argument selon lequel elle était tenue de ne pas modifier sa décision initiale.

47

La Commission s’interroge sur la force probatoire des observations faites par le Conseil et la République italienne dans ce contexte, ceux-ci étant des tiers et par ce fait mal placés pour juger les motifs qui ont amené la Commission à revenir à sa position initiale. En tout état de cause, ces observations ne prouveraient pas que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve. En effet, la Commission aurait, lors de sa décision de revenir à sa position initiale, pris en compte les éléments nouveaux fournis par la requérante, mais aurait conclu, à la lumière de toutes les réactions considérées dans leur ensemble, qu’en dépit de ces éléments, le statut d’entreprise évoluant en économie de marché ne pouvait pas être octroyé au vu des défaillances substantielles dans la comptabilité de la requérante. Ainsi, la proposition de mesures définitives aurait été fondée non pas sur une interdiction de modifier le refus initial de ce statut, mais sur la conclusion que la requérante ne remplissait pas les critères matériels applicables. La Commission fait valoir qu’elle aurait modifié sa décision initiale si elle avait été convaincue que la requérante avait apporté de nouveaux éléments justifiant l’octroi dudit statut.

48

La République italienne soutient que le Tribunal a jugé à bon droit qu’il n’y avait pas de faits nouveaux ou de pièces nouvelles de nature à justifier que la Commission changeât sa décision initiale au sujet de l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Partant, la Commission aurait fondé sa conviction, qui l’a amenée à confirmer cette décision initiale, non pas seulement sur l’interdiction de changer d’avis, mais bien aussi sur le fait prépondérant que les graves irrégularités qui avaient été constatées ne pouvaient être effacées par de nouveaux éléments de preuve. La lettre de la Commission, du 4 avril 2007, rendrait amplement compte des nombreuses raisons ayant amené cette institution à confirmer sa décision initiale. Le fait que, en l’occurrence, les conditions permettant exceptionnellement à la Commission de changer sa position sur l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché ne sont pas réunies, aurait été seulement une de ces raisons.

49

Les sociétés intervenantes font valoir que le premier moyen est manifestement non fondé dans la mesure où la requérante n’aurait pas démontré que le Tribunal a déformé les preuves qui lui ont été présentées. La requérante resterait notamment en défaut de réfuter l’évaluation approfondie par le Tribunal des documents pertinents, ce qui suffirait à rejeter le premier moyen. Par ailleurs, ni les mémoires du Conseil et de la République italienne, présentés devant le Tribunal, ni le point 72 de l’arrêt attaqué, auquel se réfère la requérante, ne soutiendraient les conclusions que celle-ci cherche à en tirer. À titre subsidiaire, les sociétés intervenantes soutiennent que l’interprétation de l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, avancée par la requérante, est erronée.

Appréciation de la Cour

50

Le premier moyen invoqué par la requérante, par lequel celle-ci fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a estimé ne pas devoir trancher la question de l’interprétation de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, repose sur l’assertion selon laquelle le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier pour arriver à la conclusion que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas fondée sur l’interdiction d’apprécier à nouveau des faits anciens et que le débat sur ladite question est, par conséquent, dénué de pertinence.

51

Il convient de constater que le Tribunal s’est fondé, à cet égard, sur les douzième à quatorzième considérants du règlement litigieux, sur les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 ainsi que sur la lettre de la Commission du .

52

S’agissant du règlement litigieux ainsi que des documents d’information finale révisés du 23 mars 2007, le Tribunal a relevé, aux points 43 à 45 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressort pas de ceux-ci que le refus de la Commission de proposer l’octroi à la requérante du statut d’entreprise évoluant en économie de marché était motivé par l’interdiction d’apprécier à nouveau les faits anciens. Le Tribunal a notamment observé, dans ce contexte, que ces documents justifiaient le refus dudit statut par la non-conformité des pratiques comptables de la requérante avec les normes IAS et s’appuyaient donc sur un critère matériel. Ces constatations n’ont pas été mises en cause par la requérante.

53

En ce qui concerne la lettre de la Commission du 4 avril 2007, le Tribunal a constaté, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, que celle-ci fait effectivement référence à la jurisprudence du Tribunal interdisant une nouvelle appréciation des faits anciens. Le Tribunal a pourtant également relevé, au point 48 dudit arrêt, que, dans cette lettre, la Commission a fondé son refus de reconnaissance du statut d’entreprise évoluant en économie de marché sur ce que, d’un côté, les comptes de la requérante ne respectaient pas les normes IAS et que, de l’autre côté, les informations concernant le prix de l’acier ne permettaient pas une nouvelle appréciation des lacunes constatées dans ces comptes.

54

La requérante ne conteste pas ces constatations, mais désapprouve l’appréciation effectuée sur le fondement de celles-ci par le Tribunal, au point 49 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ressort de l’ensemble de ladite lettre que l’observation de la Commission relative à l’impossibilité d’apprécier à nouveau des faits anciens est de nature incidente, l’institution ayant fondé son refus de proposer l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché sur une appréciation de la question de savoir si la requérante se conformait aux critères matériels applicables.

55

Ce faisant, elle invite la Cour à substituer sa propre appréciation à celle effectuée par le Tribunal.

56

Or, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve qui lui ont été soumis, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêts du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I-769, point 29; du , Dorsch Consult/Conseil et Commission, C-237/98 P, Rec. p. I-4549, point 35, ainsi que du , AEPI/Commission, C-425/07 P, Rec. p. I-3205, point 44).

57

Dans la mesure où la requérante allègue une dénaturation de la lettre de la Commission du 4 avril 2007, il convient de relever qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé le contenu de celle-ci. En effet, ainsi que le souligne Mme l’avocat général aux points 77 et 78 de ses conclusions, s’il serait loisible d’interpréter ladite lettre dans le sens proposé par la requérante, force est toutefois de constater qu’une telle interprétation n’est pas la seule conclusion qui puisse être tirée du texte de celle-ci.

58

Par ailleurs, la Cour ne saurait se ranger à la thèse défendue par la requérante, selon laquelle la seule explication possible pour le changement de position de la Commission est que cette institution s’est laissé convaincre par l’argumentation développée par les sociétés intervenantes et certains États membres au sein du comité antidumping, lesquels avaient fait valoir que la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ne permettrait pas à la Commission de modifier sa décision initiale de ne pas attribuer à la requérante le statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

59

Ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 14 de l’arrêt attaqué, les sociétés intervenantes se sont fondées dans leurs observations concernant le document d’information finale générale du 20 février 2007, soumises par lettre du , surtout sur l’argument selon lequel la requérante ne satisferait pas au critère matériel visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base.

60

Il ressort en fait de ladite lettre que les sociétés intervenantes ont notamment invoqué que ce critère doit être interprété strictement et que, pour l’évaluation de celui-ci, il est sans pertinence de savoir si les failles dans les comptes de la requérante, qui n’auraient pas été contestées par celle-ci et qui constitueraient à plusieurs égards une violation des normes IAS, ont effectivement eu une incidence sur le résultat des comptes. Ils ont en outre fait valoir que les explications de la requérante à ce sujet sont de toute façon incorrectes et que la Commission n’a pas fourni d’explication quant à la raison pour laquelle elle les accepte. Enfin, ils ont soutenu que la preuve des prix des importations chinoises d’acier est dénuée de pertinence en ce qui concerne la question de savoir si les comptes de la requérante étaient en accord avec les normes IAS et que, de toute façon, celle-ci utilisait principalement et exclusivement de l’acier domestique.

61

La Commission a expliqué dans son mémoire en intervention présenté devant le Tribunal que, à la suite des observations des sociétés intervenantes et des hésitations exprimées par certains États membres concernant l’idée d’octroyer à la requérante le statut d’entreprise évoluant en économie de marché sur la base des chiffres fournis par celle-ci sur les prix de l’acier importé de Chine, elle a poursuivi sa réflexion. À la lumière de ces réactions, elle serait arrivée à la conclusion que, au vu des défaillances constatées dans la comptabilité de la requérante, lesdits chiffres ne pouvaient pas la conduire à estimer que le critère visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base était rempli et que, dès lors, il était inévitable de refuser ledit statut à la requérante. La Commission a également souligné, dans ce contexte, qu’elle ne se considérait nullement contrainte de proposer au Conseil des mesures qu’elle savait erronées et qu’elle estimait que l’arrêt Nanjing Metalink/Conseil, précité, ne pouvait être lu comme imposant une telle restriction.

62

Dans ces conditions, le Tribunal pouvait conclure sur la base des pièces du dossier que, contrairement à ce que suggère la requérante, le changement de position de la Commission entre, d’une part, les documents d’information finale du 20 février 2007 et, d’autre part, les documents d’information finale révisés du , était motivé non pas par l’interdiction de changer la décision initiale de refuser à la requérante ledit statut, mais par des considérations tenant à l’interprétation du critère matériel visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base.

63

Par ailleurs, cette constatation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel la teneur des observations exposées en première instance par le Conseil et le gouvernement italien démontrerait que ledit changement de position était motivé par l’interdiction de changer la décision initiale. En effet, ainsi que le relève Mme l’avocat général aux points 79 et 80 de ses conclusions, à supposer même que ces observations puissent être qualifiées d’«éléments de preuve», il n’en reste pas moins que d’autres éléments du dossier, et notamment le mémoire en intervention présenté par la Commission devant le Tribunal, indiquent le contraire de ce qui résulterait, selon la requérante, desdites observations. Eu égard au fait que les observations du Conseil et de la République italienne n’ont pas de force probante absolue et que le Tribunal doit se livrer à une appréciation globale de tous les éléments du dossier, il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir dénaturé ces éléments en ayant retenu, en substance, l’explication que la Commission elle-même a donnée concernant son changement de position, au lieu de celle prétendument suggérée par des parties qui sont tiers au processus de décision interne de la Commission.

64

Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission se serait fondée en l’espèce sur une interdiction d’apprécier à nouveau des faits anciens manque en fait.

65

Il résulte de ce qui précède que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

66

Par son second moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a conclu à tort que la violation de ses droits de la défense, constatée par celui-ci, ne saurait entraîner l’annulation du règlement litigieux au motif qu’il n’existerait de toute façon aucune possibilité que la procédure administrative eût pu aboutir à un résultat différent. En effet, dans la mesure où la question de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base aurait présenté un caractère non pas incident, mais fondamental, ladite violation aurait privé la requérante de la possibilité de démontrer à la Commission que ladite interprétation par celle-ci était erronée et que la Commission était parfaitement en droit de proposer au Conseil des mesures définitives basées sur les conclusions du document d’information finale générale du 20 février 2007. La situation de la requérante aurait ainsi été concrètement affectée dans la mesure où elle aurait été privée de la possibilité que la procédure administrative aboutisse à un résultat radicalement différent.

67

Le Conseil, soutenu par la Commission, les sociétés intervenantes et la République italienne, approuve la conclusion du Tribunal selon laquelle une violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base ne devait pas conduire à l’annulation du règlement litigieux étant donné que, en l’occurrence, les droits de la défense de la requérante n’auraient pas été méconnus.

68

Selon ces parties, le second moyen du pourvoi repose sur des prémisses incorrectes, notamment sur le fait que la requérante aurait pu présenter des arguments nouveaux qui auraient pu faire changer la Commission d’avis, que la décision de la Commission de revenir à sa position initiale était motivée par l’interdiction de modifier cette position, et que le Tribunal a constaté une violation des droits de la défense de la requérante. La Commission en tire la conclusion que le second moyen est irrecevable ou inopérant. Les sociétés intervenantes soutiennent que ce moyen est manifestement irrecevable ou non fondé en invoquant, par ailleurs, que la requérante n’identifie pas la détermination qu’elle conteste dans l’arrêt attaqué et ne précise pas clairement l’erreur de droit qu’elle reproche au Tribunal.

69

Le Conseil, la Commission et, à titre subsidiaire, les sociétés intervenantes contestent cependant l’interprétation donnée par le Tribunal à l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base, selon laquelle celui-ci imposerait dans tous les cas un délai de dix jours pour la présentation des observations lorsque la Commission fonde sa décision sur des faits et des considérations qui diffèrent de ceux mentionnés dans l’information finale. Une telle interprétation ne découlerait notamment pas du libellé de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, serait disproportionnée et engendrerait des difficultés pratiques considérables pour la Commission vis-à-vis des délais formels imposés par ce règlement.

70

La Commission soutient, notamment, que les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 constituent, en substance, une «communication» au sens de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base et non une «information finale» au sens du paragraphe 5 dudit article, ce qui a pour conséquence que le délai imposé par cet article 20 n’est pas applicable.

71

Le Conseil soutient, par ailleurs, que le droit général de la défense continue à s’appliquer indépendamment de l’interprétation à donner à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base et que le délai imposé par ce droit dépend des circonstances de l’affaire. Or, un délai de dix jours à compter de la notification par la Commission des faits et considérations qui diffèrent de ceux mentionnés dans l’information finale ne serait pas toujours nécessaire pour garantir le respect des droits de la défense.

Appréciation de la Cour

72

Le second moyen du pourvoi est dirigé contre la conclusion du Tribunal, au point 76 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la violation par la Commission de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base n’a pas été de nature à affecter le contenu du règlement litigieux et, partant, les droits de la défense de la requérante.

73

À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que font valoir notamment le Conseil et la Commission, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 70 de l’arrêt attaqué, que cette dernière avait effectivement méconnu l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base en transmettant au Conseil sa proposition de mesures définitives seulement six jours après avoir communiqué à la requérante les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 et donc avant l’expiration du délai de dix jours imparti par cette disposition.

74

En effet, c’est à bon droit que le Tribunal a relevé que la Commission était en l’occurrence tenue d’informer la requérante de sa nouvelle position, telle qu’exposée dans les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007, et que, en transmettant ces documents, elle devait respecter le délai prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

75

À cet égard, force est d’abord de constater que, contrairement à ce que tendent à suggérer la Commission et le Conseil, en l’espèce, il ne se pose pas la question de savoir si toute adaptation d’ordre mineur d’une information finale doit également être qualifiée d’«information» au sens de ladite disposition, nécessitant le respect du délai imparti par celle-ci.

76

Dans ce contexte, il suffit de constater que, en l’occurrence, il s’agit non pas d’une telle adaptation d’ordre mineur, mais d’un changement de position fondamental de la Commission entre la communication des documents d’information finale du 20 février 2007 et la communication de ceux du 23 mars de la même année, lequel changement avait des conséquences importantes pour la requérante entraînant, notamment, la proposition d’un droit antidumping définitif de 18,1 % au lieu de 0 %, tel qu’envisagé par la première information finale.

77

Ensuite, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que, dans la mesure où l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base trouve à s’appliquer, la Commission ne saurait transmettre sa proposition finale au Conseil avant l’expiration du délai prévu par cette disposition.

78

Ainsi que le souligne le Tribunal, cette interprétation non seulement résulte du contexte systématique dans lequel s’insère ladite disposition, mais s’impose également afin de garantir que les observations éventuelles des parties intéressées soient prises en compte de manière effective et sans préjugé. En effet, la circonstance même que le Conseil ait déjà été saisi d’une proposition de mesures définitives est, en soi, susceptible d’influer sur les conséquences qui pourraient être tirées de ces observations.

79

Enfin, les difficultés éventuelles rencontrées par les institutions pour respecter les délais impartis par le règlement de base ne sauraient avoir pour conséquence que soient violés les délais prévus par ce règlement pour protéger les droits de la défense des entreprises concernées. Au contraire, il incombe à ces institutions et, notamment, à la Commission de tenir compte des contraintes de délai imposées par ledit règlement, tout en respectant les droits de la défense de ces entreprises.

80

Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, en l’occurrence, la Commission elle-même avait imparti un délai de dix jours à la requérante, auquel elle ne saurait contrevenir sans violer le principe de bonne administration.

81

S’agissant des arguments invoqués par la requérante au soutien de son second moyen, il convient d’emblée de constater que c’est à bon droit que le Tribunal, au point 71 de l’arrêt attaqué, a jugé que le non-respect du délai de dix jours prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base ne saurait conduire à l’annulation du règlement litigieux que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la requérante (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, point 26; du , Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 48, et du , Thyssen Stahl/Commission, C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 31).

82

Dans la mesure où la requérante soutient toutefois que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de cette jurisprudence, il y a lieu d’examiner si celui-ci pouvait, sur la base de la motivation contenue aux points 72 à 75 de l’arrêt attaqué, arriver à la conclusion que, en l’espèce, les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés.

83

Il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21; du , Mediocurso/Commission, C-462/98 P, Rec. p. I-7183, point 36, ainsi que du , Espagne/Commission, C-287/02, Rec. p. I-5093, point 37).

84

Ainsi qu’il résulte des constatations du Tribunal, la requérante a avancé dans sa lettre du 2 avril 2007, par laquelle elle a présenté ses observations sur les documents d’information finale révisés du , des arguments tant sur la question de savoir si elle satisfait au critère matériel énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base, que sur celle de savoir si la Commission est légalement liée, au vu de la dernière phrase de cet article 2, paragraphe 7, sous c), par son refus initial d’accorder le statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

85

Il est par ailleurs constant que, en dépit du fait que ladite lettre a été communiquée à la Commission endéans le délai imparti à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, celle-ci, en raison du non-respect de ce délai, n’avait pas connaissance du contenu de cette lettre au moment où elle a transmis la proposition de mesures définitives au Conseil.

86

S’agissant, premièrement, des arguments invoqués dans ladite lettre relatifs au critère matériel énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base, le Tribunal a jugé, aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué, que ces arguments n’étaient pas de nature à affecter le contenu du règlement litigieux pour trois raisons.

87

D’abord, il ne ressortirait pas du dossier que les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 aient présenté des éléments factuels nouveaux qui n’avaient pas encore été portés à la connaissance de la requérante. Ensuite, la requérante aurait eu l’occasion, lors d’une phase antérieure de la procédure administrative, de s’exprimer sur la position présentée, à nouveau, dans lesdits documents. Enfin, il ne ressortirait pas de la lettre du que la requérante ait présenté des arguments nouveaux en réponse à la prise de position de la Commission.

88

Or, force est de constater que ces raisons à elles seules ne suffisent pas à exclure la possibilité que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si la Commission avait pris connaissance de la lettre du 2 avril 2007 avant la transmission au Conseil de sa proposition de mesures définitives.

89

À cet égard, il y a notamment lieu d’observer que, ainsi qu’il a été relevé au point 61 du présent arrêt, la Commission a elle-même expliqué dans son mémoire en intervention présenté devant le Tribunal que c’est uniquement à la suite des observations des sociétés intervenantes et de certains États membres qu’elle a révisé sa décision d’attribuer à la requérante le statut d’entreprise évoluant en économie de marché, envisagée dans les documents d’information finale du 20 février 2007.

90

Il est donc constant que la Commission a révisé cette décision non pas pour les motifs ayant déjà soutenu son refus initial d’accorder ledit statut à la requérante, mais à la lumière des arguments qui lui ont été soumis par les sociétés intervenantes et certains États membres. Il est également constant que ces arguments visaient notamment à démontrer que les observations et les documents soumis par la requérante n’auraient pas dû conduire la Commission à modifier son refus initial d’accorder ledit statut.

91

Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu sur la base de la motivation contenue aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué qu’il n’a pas été porté concrètement atteinte aux droits de la défense de la requérante par le fait que celle-ci n’a pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les questions soulevées par lesdits arguments et notamment sur celle de savoir si, nonobstant certaines défaillances dans la comptabilité de la requérante, le statut d’entreprise évoluant en économie de marché pouvait lui être attribué sur la base des chiffres sur les prix de l’acier importé en Chine, qu’elle avait fournis lors de la procédure administrative.

92

En particulier, eu égard au déroulement de cette procédure et au fait que la Commission avait déjà à deux reprises changé sa position du fait des observations qui lui ont été soumises par les parties intéressées, il ne peut pas être exclu que celle-ci aurait modifié sa position encore une fois en raison des arguments avancés par la requérante dans sa lettre du 2 avril 2007, arguments qui portaient, selon les constatations faites au point 74 de l’arrêt attaqué, sur l’importance qu’il convenait d’attacher aux irrégularités comptables constatées ainsi qu’aux conséquences qui devaient être tirées des informations relatives au prix des importations d’acier.

93

À cet égard, il y a lieu de souligner que le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures telles que celles en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, points 15 à 17, et, par analogie, du , Technische Unie/Commission, C-113/04 P, Rec. p. I-8831, point 55).

94

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il ne saurait être imposé à la requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que la requérante aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, précité, point 31 et jurisprudence citée).

95

En ce qui concerne, deuxièmement, les arguments invoqués par la requérante, dans la même lettre du 2 avril 2007, relatifs à la question de savoir si la Commission est légalement liée, au vu de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, par son refus initial d’accorder le statut d’entreprise évoluant en économie de marché, le Tribunal a estimé, au point 75 de l’arrêt attaqué, que ces arguments n’étaient pas, en tout état de cause, de nature à influer sur le contenu du règlement litigieux, dans la mesure où le refus d’octroyer ce statut était fondé sur l’application du critère matériel.

96

Or, le seul fait que la Commission s’est fondée sur le critère matériel de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base pour refuser ledit statut dans les documents d’information finale révisés du 23 mars 2007 ne suffit pas à écarter la possibilité que les arguments relatifs à l’interprétation de la dernière phrase de cet article 2, paragraphe 7, sous c), arguments que la requérante a eu l’occasion d’invoquer pour la première fois dans ladite lettre, auraient pu influer sur le contenu de la proposition de mesures définitives.

97

En effet, dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 92 du présent arrêt, il ne peut pas être exclu que la Commission aurait modifié sa position encore une fois du fait des observations relatives au critère matériel présentées par la requérante dans sa lettre du 2 avril 2007, la question de savoir si cette institution pouvait encore modifier sa décision initiale de refus, nonobstant le libellé de la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, revêtait une importance particulière.

98

Ainsi, même si la Commission avait été finalement convaincue que la requérante satisfaisait audit critère matériel, elle aurait pu proposer de lui attribuer le statut d’entreprise évoluant en économie de marché uniquement dans l’hypothèse où elle aurait été persuadée que, contrairement à ce que faisaient valoir certains État membres et les sociétés intervenantes, elle n’était pas légalement liée par son refus initial d’accorder ledit statut.

99

Par ailleurs, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 75 de l’arrêt attaqué, la pertinence de ladite question n’est aucunement infirmée par la constatation faite aux points 48 et 49 du même arrêt, selon laquelle l’observation de la Commission dans sa lettre du 4 avril 2007 sur la prétendue impossibilité de modifier sa décision initiale refusant à la requérante l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché était seulement de nature incidente.

100

Certes, ainsi que le Tribunal a pu conclure au point 50 de l’arrêt attaqué, ladite constatation permettait de réfuter le premier moyen du recours, qui était fondé sur la prémisse que la Commission était revenue à sa décision initiale de refus dudit statut au motif qu’il lui était interdit de modifier celle-ci.

101

En revanche, ladite constatation n’était pas suffisante pour démontrer, dans le cadre de l’examen du second moyen, que les droits de la défense de la requérante n’avaient pas été affectés par la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

102

En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 78 du présent arrêt, la circonstance que la Commission ait saisi le Conseil d’une proposition de mesures définitives avant d’avoir reçu les observations de la requérante dans sa lettre du 2 avril 2007 est susceptible d’influer sur les conséquences qu’elle pouvait encore tirer de ces observations. Si la Commission avait eu connaissance de ces observations avant de faire sa proposition de mesures définitives, sa marge de manœuvre dans l’évaluation de celles-ci aurait été plus large et elle aurait pu arriver à d’autres conclusions, y compris en ce qui concerne la question de savoir s’il lui était permis ou non de modifier sa décision initiale de refuser à la requérante l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

103

Force est de constater que, dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait se limiter, ainsi qu’il l’a fait au point 75 de l’arrêt attaqué, à renvoyer aux points 48 et 49 de celui-ci et ainsi au contenu de la lettre de la Commission du 4 avril 2007. En effet, cette lettre ayant été rédigée seulement après que la Commission eut déjà transmis au Conseil sa proposition de mesures définitives et donc après qu’elle eut violé l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, le Tribunal aurait dû examiner si le contenu de cette proposition et de cette lettre aurait pu être différent en l’absence de la violation de cette disposition.

104

Il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal n’a pas pu exclure, en se fondant sur les points 72 à 75 de l’arrêt attaqué, que la violation par la Commission de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base a été de nature à affecter le contenu du règlement litigieux et, partant, les droits de la défense de la requérante. Dès lors que le Tribunal a donc commis une erreur de droit, le second moyen du pourvoi doit être accueilli.

105

En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où le Tribunal a jugé que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés par la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

Sur le recours devant le Tribunal

106

Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice, celle-ci, en cas d’annulation de l’arrêt du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

107

Ainsi qu’il a été relevé au point 81 du présent arrêt, le non-respect du délai de dix jours prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base ne saurait conduire à l’annulation du règlement litigieux que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la requérante.

108

Dès lors, il y a lieu d’examiner si l’existence d’une telle possibilité peut être exclue en l’espèce.

109

Tel serait le cas si, même dans l’hypothèse où la Commission avait été convaincue par la lettre du 2 avril 2007 que la requérante satisfaisait au critère matériel énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, deuxième tiret, du règlement de base, il lui aurait été interdit, en vertu de la dernière phrase de cet article 2, paragraphe 7, sous c), de modifier sa décision initiale de refuser à la requérante l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

110

L’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base dispose dans ses deux dernières phrases que la question de savoir si le producteur remplit les critères matériels établis par cette disposition doit être tranchée dans les trois mois qui suivent l’ouverture de la procédure et que la solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête.

111

Or, à la lumière des principes de légalité et de bonne administration, cette disposition ne saurait recevoir une interprétation qui obligerait la Commission à proposer au Conseil des mesures définitives, lesquelles perpétueraient au détriment de l’entreprise concernée une erreur commise dans l’appréciation initiale desdits critères matériels.

112

Ainsi, dans le cas où la Commission s’apercevrait au cours de l’enquête que, contrairement à son appréciation initiale, une entreprise satisfait aux critères établis à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base, il lui incomberait d’en tirer les conséquences appropriées, tout en assurant le respect des garanties procédurales prévues par le règlement de base.

113

Il en résulte que la Commission aurait pu encore modifier sa position à la suite de la lettre de la requérante du 2 avril 2007.

114

Dans la mesure où il ne saurait donc être exclu que la Commission aurait proposé au Conseil des mesures définitives plus favorables pour la requérante si elle avait eu connaissance du contenu de ladite lettre et que, dans ce cas, le Conseil aurait suivi cette proposition, force est de constater que les droits de la défense de la requérante ont été concrètement affectés par le non-respect du délai de dix jours prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, à cause duquel la Commission n’a pas pris connaissance de ce contenu en temps utile.

115

Dès lors, le règlement litigieux doit être annulé dans la mesure où il institue un droit antidumping sur les importations de planches à repasser produites par la requérante.

Sur les dépens

116

Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

117

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant conclu à la condamnation du Conseil et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens des deux instances.

118

L’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, prévoit à son premier alinéa que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Conformément à cette disposition, il y a lieu de décider que la République italienne et la Commission supportent leurs propres dépens. En vertu du troisième alinéa du même paragraphe, la Cour peut décider qu’une partie intervenante, autre qu’un État ou une institution, supportera ses propres dépens. En application de cette disposition, il convient de décider que les sociétés intervenantes supportent leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 janvier 2008, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (T-206/07), est annulé dans la mesure où le Tribunal a jugé que les droits de la défense de Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware Co. Ltd n’ont pas été affectés par la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du , relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne.

 

2)

Le règlement (CE) no 452/2007 du Conseil, du 23 avril 2007, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de planches à repasser originaires de la République populaire de Chine et d’Ukraine, est annulé dans la mesure où il institue un droit antidumping sur les importations de planches à repasser produites par Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware Co. Ltd.

 

3)

Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens des deux instances.

 

4)

La Commission des Communautés européennes, Vale Mill (Rochdale) Ltd, Pirola SpA, Colombo New Scal SpA et la République italienne supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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