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Document 62007TJ0263

    Arrêt du Tribunal de première instance (septième chambre) du 23 septembre 2009.
    République d’Estonie contre Commission des Communautés européennes.
    Environnement - Directive 2003/87/CE - Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre - Plan national d’allocation de quotas d’émission pour l’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012 - Compétences respectives des États membres et de la Commission - Égalité de traitement - Article 9, paragraphes 1 et 3, et article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87.
    Affaire T-263/07.

    Recueil de jurisprudence 2009 II-03463

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2009:351

    ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

    23 septembre 2009 ( *1 )

    «Environnement — Directive 2003/87/CE — Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre — Plan national d’allocation de quotas d’émission pour l’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012 — Compétences respectives des États membres et de la Commission — Égalité de traitement — Article 9, paragraphes 1 et 3, et article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87»

    Dans l’affaire T-263/07,

    République d’Estonie, représentée par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

    partie requérante,

    soutenue par

    République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas, en qualité d’agent,

    et par

    République slovaque, représentée initialement par M. J. Čorba, puis par Mme B. Ricziová, en qualité d’agents,

    parties intervenantes,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. U. Wölker, en qualité d’agent, assisté de Me T. Tamme, avocat,

    partie défenderesse,

    soutenue par

    Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme Z. Bryanston-Cross, puis par M. L. Seeboruth et enfin par M. S. Ossowski, en qualité d’agents, assistés de Me J. Maurici, barrister,

    partie intervenante,

    ayant pour objet l’annulation de la décision de la Commission du 4 mai 2007 concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République d’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du , établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32),

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

    composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, D. Šváby et E. Moavero Milanesi, juges,

    greffier: Mme K. Pocheć, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 février 2009,

    rend le présent

    Arrêt

    Cadre juridique

    1

    Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32, ci-après la «directive»), telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du (JO L 338, p. 18):

    «La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté […] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.»

    2

    L’article 9, paragraphe 1, de la directive prévoit:

    «Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce plan est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Sans préjudice des dispositions du traité, la Commission élabore des orientations pour la mise en œuvre des critères qui figurent à l’annexe III pour le 31 décembre 2003 au plus tard.

    En ce qui concerne la période visée à l’article 11, paragraphe 1, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004. Pour les périodes ultérieures, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins dix-huit mois avant le début de la période concernée.»

    3

    L’article 9, paragraphe 3, de la directive se lit comme suit:

    «Dans les trois mois qui suivent la notification d’un plan national d’allocation de quotas par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce plan ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée.»

    4

    Selon l’article 11, paragraphe 2, de la directive:

    «Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008 et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son plan national d’allocation de quotas élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.»

    5

    L’annexe III de la directive (ci-après l’«annexe III») énumère douze critères applicables aux plans nationaux d’allocation. Les critères nos 1 à 3, 5 et 6, 10 et 12 de l’annexe III prévoient respectivement ce qui suit:

    «1.

    La quantité totale de quotas à allouer pour la période considérée est compatible avec l’obligation, pour l’État membre, de limiter ses émissions conformément à la décision 2002/358/CE [du Conseil du 25 avril 2002 relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO L 130, p. 1)] et au protocole de Kyoto, en tenant compte, d’une part, de la proportion des émissions globales que ces quotas représentent par rapport aux émissions provenant de sources non couvertes par la présente directive et, d’autre part, de sa politique énergétique nationale, et devrait être compatible avec le programme national en matière de changements climatiques. Elle n’est pas supérieure à celle nécessaire, selon toute vraisemblance, à l’application stricte des critères fixés dans la présente annexe. Elle est compatible, pour la période allant jusqu’à 2008, avec un scénario aboutissant à ce que chaque État membre puisse atteindre voire faire mieux que l’objectif qui [lui] a été assigné en vertu de la décision 2002/358/CE et du protocole de Kyoto.

    2.

    La quantité totale de quotas à allouer est compatible avec les évaluations des progrès réels et prévus dans la réalisation des contributions des États membres aux engagements de la Communauté, effectuées en application de la décision [du Conseil] 93/389/CEE [, du 24 juin 1993, relative à un mécanisme de surveillance des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre dans la Communauté, JO L 167, p. 31].

    3.

    Les quantités de quotas à allouer sont cohérentes avec le potentiel, y compris le potentiel technologique, de réduction des émissions des activités couvertes par le présent système. Les États membres peuvent fonder la répartition des quotas sur la moyenne des émissions de gaz à effet de serre par produit pour chaque activité et sur les progrès réalisables pour chaque activité.

    […]

    5.

    Conformément aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88, le plan n’opère pas de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d’avantager indûment certaines entreprises ou activités.

    6.

    Le plan contient des informations sur les moyens qui permettront aux nouveaux entrants de commencer à participer au système communautaire dans l’État membre en question.

    […]

    10.

    Le plan contient la liste des installations couvertes par la présente directive avec pour chacune d’elles les quotas que l’on souhaite lui allouer.

    […]

    12.

    Le plan fixe la quantité maximale de REC et d’URE que les exploitants peuvent utiliser dans le système communautaire, sous forme de pourcentage des quotas alloués à chaque installation. Ce pourcentage est conforme aux obligations de supplémentarité des États membres découlant du protocole de Kyoto et aux décisions adoptées en vertu de la CCNUCC ou du protocole de Kyoto.»

    Faits et procédure

    6

    La République d’Estonie a notifié à la Commission des Communautés européennes son plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, conformément à la directive. Selon la République d’Estonie, cette notification a eu lieu le 30 juin 2006 tandis que, selon la Commission, elle est intervenue le .

    7

    À la suite d’un échange de correspondance avec la Commission, la République d’Estonie lui a présenté, en février 2007, une nouvelle version de son plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

    8

    Le 4 mai 2007, la Commission a adopté sa décision concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République d’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive (ci-après la «décision attaquée»). Cette décision prévoit une réduction de 47,8% par rapport aux quotas d’émission que la République d’Estonie proposait d’émettre.

    9

    Le dispositif de la décision attaquée énonce ce qui suit:

    «Article premier

    Les aspects suivants du plan national d’allocation de quotas de [la République d’]Estonie pour la première période de cinq ans visée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive sont incompatibles, respectivement, avec:

    1.

    les critères [nos] 1 [à] 3 de l’annexe III de la directive: la fraction de la quantité totale de quotas à allouer, soit 11,657987 millions de tonnes-équivalent CO2 par an, qui est incompatible avec les évaluations effectuées conformément à la décision no 280/2004/CE [du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relative à un mécanisme pour surveiller les émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et mettre en œuvre le protocole de Kyoto (JO L 49, p. 1)] et avec le potentiel, y compris technologique, de réduction des émissions des activités, cette fraction étant réduite pour tenir compte des émissions des activités de projets qui étaient déjà opérationnelles en 2005 et qui ont donné lieu en 2005 à des réductions ou à des limitations des émissions dans les installations tombant dans le champ d’application de la directive, dans la mesure où ces réductions ou limitations ont été justifiées et vérifiées; en outre, la part de la quantité totale de quotas correspondant aux émissions supplémentaires d’une installation de combustion non incluse dans le plan national d’allocation établi pour la première phase, évaluée à 0,313883 million de tonnes par an, qui n’est pas justifiée conformément aux méthodes générales prescrites dans le plan national d’allocation, sur la base de données d’émissions vérifiées et justifiées;

    2.

    le critère [no] 3 de l’annexe III de la directive: la non-inclusion, dans la quantité totale de quotas à allouer prévue au titre du plan national d’allocation, d’une réserve de quotas constituée par [la République d’]Estonie conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780/CE [de la Commission, du 13 novembre 2006, en vue d’éviter le double comptage des réductions des émissions de gaz à effet de serre au titre du système communautaire d’échange de quotas d’émission pour les activités de projets relevant du protocole de Kyoto conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 316, p. 12)] et le fait que la quantité de quotas alloués aux installations menant les activités concernées ne soit pas réduite en proportion;

    3.

    le critère [no] 5 de l’annexe III de la directive: les quotas alloués à certaines installations supérieurs à leurs besoins prévus résultant du cumul d’un bonus pour les mesures adoptées à un stade précoce et des allocations calculées autrement;

    4.

    le critère [no] 6 de l’annexe III de la directive: les informations sur la manière dont les nouveaux entrants pourront commencer à participer au système communautaire.

    Article 2

    Il ne sera pas soulevé d’objections au plan national d’allocation sous réserve que les modifications ci-après y soient apportées de manière non discriminatoire et soient notifiées à la Commission le plus rapidement possible, compte tenu des délais nécessaires à l’exécution des procédures nationales:

    1.

    la quantité totale de quotas à allouer aux fins du système communautaire est réduite de 11,657987 millions de tonnes-équivalent CO2 par an et les quantités allouées à une installation de combustion supplémentaire non incluse dans le plan établi pour la première phase sont fixées conformément aux méthodes générales prescrites dans le plan national d’allocation, sur la base de données d’émissions vérifiées et justifiées, la quantité totale étant encore réduite de l’équivalent de l’écart éventuel entre les quotas alloués à cette installation et les 0,313883 million de tonnes mis en réserve annuellement pour cette installation; par ailleurs, la quantité totale est augmentée pour tenir compte des émissions des activités de projets qui étaient déjà opérationnelles en 2005 et qui ont donné lieu en 2005 à des réductions ou à des limitations des émissions dans les installations relevant du champ d’application de la directive, dans la mesure où ces réductions ou limitations ont été justifiées et vérifiées;

    2.

    la réserve de quotas que [la République d’]Estonie a l’intention de constituer conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780/CE est incluse dans la quantité totale de quotas de 12,717058 millions de tonnes calculée suivant les critères [nos] 1 [à] 3 de l’annexe III de la directive avant l’adoption de la décision nationale finale en matière d’allocation en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, et la quantité de quotas allouée aux installations menant les activités concernées est réduite en proportion;

    3.

    les quotas alloués à certaines installations ne dépassent pas les besoins prévus comme résultat de l’application d’un bonus pour les mesures adoptées à un stade précoce;

    4.

    des informations sont fournies sur la manière dont les nouveaux entrants pourront commencer à participer au système communautaire, d’une façon conforme aux critères de l’annexe III de la directive et aux dispositions de l’article 10 de cette dernière.

    Article 3

    1.   Le total annuel moyen de quotas de 12,717058 millions de tonnes — diminué de la réserve que [la République d’]Estonie a l’intention de constituer conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780/CE, et diminué encore de l’équivalent de l’écart éventuel entre les quotas alloués à une installation de combustion supplémentaire non incluse dans le plan d’allocation établi pour la première phase et les 0,313883 million de tonnes mis en réserve annuellement pour cette installation, qui ne sont pas justifiés conformément aux méthodes générales prescrites dans le plan national d’allocation, sur la base de données d’émissions vérifiées et justifiées, et augmenté pour tenir compte des émissions des activités de projets qui étaient déjà opérationnelles en 2005 et qui ont donné lieu en 2005 à des réductions ou à des limitations des émissions dans les installations tombant dans le champ d’application de la directive, pour autant que ces réductions ou limitations aient été justifiées et vérifiées — à allouer par [la République d’]Estonie, conformément à son plan national d’allocation, aux installations mentionnées dans ce plan et aux nouveaux entrants n’est pas dépassé.

    2.   Le plan national d’allocation de quotas peut être modifié sans accord préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués à certaines installations, dans les limites du total de quotas à allouer aux installations mentionnées dans le plan, par suite d’améliorations de la qualité des données, ou si elle consiste à réduire le pourcentage des quotas à allouer gratuitement dans les limites définies à l’article 10 de la directive.

    3.   Toute modification du plan national d’allocation visant à corriger les incompatibilités indiquées à l’article 1er de la présente décision mais s’écartant des modifications visées à l’article 2 doit être notifiée aussi rapidement que possible, compte tenu des délais nécessaires à l’exécution des procédures nationales, et requiert l’accord préalable de la Commission conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Toute autre modification du plan national d’allocation, à l’exception de celles requises conformément à l’article 2 de la présente décision, est irrecevable.

    Article 4

    La [R]épublique d’Estonie est destinataire de la présente décision.»

    10

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2007, la République d’Estonie a introduit le présent recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

    11

    La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

    12

    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2007, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

    13

    Par actes déposés au greffe du Tribunal les 16 octobre et , respectivement, la République de Lituanie et la République slovaque ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la République d’Estonie.

    14

    Par ordonnance du 29 janvier 2008, le président de la septième chambre du Tribunal a admis ces trois interventions.

    15

    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et a posé des questions aux parties, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure. Les parties ont répondu à ces questions.

    16

    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 11 février 2009.

    Conclusions des parties

    17

    La République d’Estonie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

    annuler la décision attaquée;

    condamner la Commission aux dépens.

    18

    La République de Lituanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

    19

    La République slovaque n’a pas déposé de mémoire en intervention et n’a pas formulé de conclusions.

    20

    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne l’article 1er, paragraphes 3 et 4, l’article 2, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée;

    rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne les autres dispositions de la décision attaquée;

    condamner la République d’Estonie aux dépens.

    21

    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours;

    condamner la République d’Estonie aux dépens.

    Sur la recevabilité

    Arguments des parties

    22

    Dans le mémoire en défense, la Commission soutient que le présent recours est irrecevable en ce qui concerne l’article 1er, paragraphes 3 et 4, l’article 2, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée. Elle fait valoir que les moyens invoqués concernent essentiellement la légalité du plafond fixé pour la quantité totale de quotas prévue à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée ainsi que, partiellement, la non-inclusion des réserves de quotas visée à l’article 1er, paragraphe 2, et à l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci. Ainsi, d’après la Commission, même si le Tribunal devait conclure au bien-fondé des moyens soulevés, cela n’entraînerait pas l’annulation de toute la décision attaquée, dès lors que la République d’Estonie n’aurait présenté aucun moyen de fait ou de droit lié aux autres dispositions de la décision attaquée.

    23

    La Commission rappelle que, selon l’article 21 du statut de la Cour de justice, toute requête présentée devant les juridictions communautaires doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle mentionne que l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure prévoit également que la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que, en l’espèce, la requête n’est pas conforme à ces exigences en ce qui concerne l’article 1er, paragraphes 3 et 4, l’article 2, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée. De plus, les dispositions en question pourraient subsister de manière autonome à supposer même que le reste de la décision attaquée soit annulé. Ainsi, dans la mesure où le présent recours vise à l’annulation de ces dispositions, il devrait être rejeté comme irrecevable.

    24

    La République d’Estonie souligne tout d’abord que, dans la requête, elle a demandé l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité.

    25

    Ensuite, la République d’Estonie fait observer que, selon la jurisprudence, l’annulation partielle d’un acte communautaire n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte.

    26

    En l’espèce, la décision attaquée serait un acte individuel adressé à la République d’Estonie et qui aurait un sens et une structure cohérents, ses considérants et les articles de son dispositif étant tous liés entre eux. La République d’Estonie estime que certains éléments ne sauraient être détachés sans vider la décision attaquée de son contenu ou lui faire perdre sa cohérence.

    27

    Au vu de ce qui précède, la République d’Estonie estime que le moyen de défense présenté par la Commission, tiré de l’irrecevabilité partielle du présent recours, n’est pas fondé et que la décision attaquée doit être annulée dans son intégralité.

    Appréciation du Tribunal

    28

    Il convient de rappeler d’abord que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte communautaire n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte (arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C-29/99, Rec. p. I-11221, point 45, et du , Allemagne/Commission, C-239/01, Rec. p. I-10333, point 33; voir également, en ce sens, arrêt du , Commission/Parlement et Conseil, C-378/00, Rec. p. I-937, point 30). La Cour a, de même, itérativement jugé qu’il n’était pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt de la Cour du , France/Parlement et Conseil, C-244/03, Rec. p. I-4021, point 13; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du , France e.a./Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 257, et Commission/Conseil, précité, point 46).

    29

    En l’espèce, l’article 1er de la décision attaquée commence en ces termes: «Les aspects suivants du plan national d’allocation de quotas de [la République d’]Estonie pour la première période de cinq ans visée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive sont incompatibles, respectivement, avec […]». Ensuite, aux paragraphes 1 à 4 de cet article, la Commission énumère différentes incompatibilités du plan national d’allocation de quotas de la République d’Estonie avec un ou plusieurs des critères de l’annexe III. Compte tenu de la structure de l’article 1er, l’éventuelle annulation de certains de ses paragraphes aurait pour conséquence de réduire le nombre des incompatibilités avec la directive qui ont été constatées dans la décision attaquée.

    30

    Il y a lieu d’observer ensuite que l’article 2 de la décision attaquée commence par le texte qui suit: «Il ne sera pas soulevé d’objections au plan national d’allocation sous réserve que les modifications ci-après y soient apportées de manière non discriminatoire et soient notifiées à la Commission le plus rapidement possible, compte tenu des délais nécessaires à l’exécution des procédures nationales […]» Aux paragraphes 1 à 4 de cet article, la Commission prescrit, à chaque paragraphe, la modification du plan qui est nécessaire pour remédier à l’incompatibilité relevée au paragraphe correspondant de l’article 1er. Ainsi, l’éventuelle annulation de certains de ses paragraphes seulement aurait pour conséquence de maintenir en vigueur l’engagement de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard du plan national, tout en réduisant le nombre des modifications sous réserve desquelles cet engagement a initialement été donné.

    31

    Il résulte de la structure de ces deux articles que leurs paragraphes 1 à 4 ne peuvent être considérés comme détachables au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus. En effet, l’éventuelle annulation de l’un des paragraphes de l’article 1er ainsi que celle du paragraphe correspondant de l’article 2 auraient pour effet de modifier la substance de la décision attaquée.

    32

    Une telle annulation substituerait à la décision attaquée, selon laquelle le plan national d’allocation de quotas de la République d’Estonie peut être adopté sous réserve de quatre modifications spécifiques permettant de remédier à quatre incompatibilités avec les critères de l’annexe III, une décision différente aux termes de laquelle ce plan pourrait être adopté sous réserve d’un nombre moins important de modifications. Il est d’autant plus vrai que la décision susceptible d’être ainsi substituée à la décision attaquée serait substantiellement différente de cette dernière que les moyens avancés par la République d’Estonie remettent en cause l’incompatibilité constatée et la modification correspondante exigée aux paragraphes 1 et 2 des articles 1er et 2 de la décision attaquée. Or, ce sont précisément ces deux incompatibilités qui nécessiteraient les modifications les plus significatives du plan national d’allocation de quotas de la République d’Estonie.

    33

    Quant à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée, il suffit de relever que ces dispositions contiennent des précisions relatives à la mise en œuvre des autres dispositions de la décision attaquée. Ainsi, à supposer que les articles 1er et 2 de la décision attaquée ainsi que l’article 3, paragraphe 1, également visés par les moyens soulevés par la République d’Estonie, soient annulés, l’article 3, paragraphes 2 et 3, n’aurait plus d’objet.

    34

    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, dans l’hypothèse où les moyens soulevés par la République d’Estonie seraient fondés, il y aurait lieu d’annuler la décision attaquée dans son ensemble, car les dispositions qui font l’objet des griefs avancés ne sont pas détachables du reste de cet acte. Dès lors, les arguments de la Commission relatifs à la prétendue irrecevabilité partielle du présent recours doivent être rejetés.

    Sur le fond

    35

    La République d’Estonie soulève cinq moyens tirés, premièrement, d’un excès de pouvoir résultant de violations de l’article 9, paragraphes 1 et 3, et de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, deuxièmement, d’erreurs manifestes d’appréciation, troisièmement, d’une violation de l’article 175 CE, quatrièmement, d’une violation du principe de bonne administration et, cinquièmement, d’un défaut de motivation.

    Sur le premier moyen, tiré d’un excès de pouvoir résultant de violations de l’article 9, paragraphes 1 et 3, et de l’article 11, paragraphe 2, de la directive

    Arguments des parties

    36

    La République d’Estonie, soutenue par la République de Lituanie et la République slovaque, considère que la Commission a excédé ses compétences découlant de l’article 9, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, en adoptant la décision attaquée. Selon elle, il ressort de ces dispositions que l’élaboration d’un plan national d’allocation de quotas relève de la compétence des États membres et que la Commission doit se limiter à contrôler si ce plan est compatible avec les critères énoncés à l’annexe III ainsi qu’à l’article 10 de la directive. Les États membres auraient donc le droit de décider de la méthode qu’ils adoptent pour élaborer leur plan d’allocation de quotas ainsi que des données et des prévisions qu’ils utilisent pour déterminer les émissions autorisées pour les installations pendant la période fixée par ledit plan.

    37

    Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas tenu compte de la méthode par laquelle la République d’Estonie a établi son plan d’allocation de quotas. Il ressortirait des considérants 5 et 6 de la décision attaquée que, en vue de déterminer la quantité totale de quotas admissible, la Commission a utilisé sa propre méthode et qu’elle s’est fondée sur les données de base choisies par elle-même et sur le modèle Primes, élaboré par un expert grec, en ignorant en substance le plan d’allocation de quotas de la République d’Estonie. Ainsi, la Commission aurait, de facto, elle-même fixé la quantité totale de quotas à allouer dans le cadre du plan d’allocation de la République d’Estonie.

    38

    La République d’Estonie ajoute, dans la réplique, que la notion de «plafond», qui constitue, d’après la Commission, la limite externe applicable à la quantité totale de quotas à allouer par un État membre, n’a aucun fondement juridique et ne figure ni dans la directive ni dans la décision attaquée.

    39

    Enfin, dans sa réponse au mémoire en intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République d’Estonie souligne que, «dans un État de droit», les actes administratifs doivent être adoptés conformément à la loi et, partant, dans le respect des compétences attribuées aux différentes instances administratives. Même dans l’hypothèse où l’annulation de la décision attaquée aurait un effet sensible sur le système d’échange de l’Union européenne, cela ne saurait justifier le maintien en vigueur d’une décision illégale. En tout état de cause, la République d’Estonie souligne que la quantité totale de quotas d’émission à allouer prévue dans son plan est marginale dans le contexte plus large du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

    40

    La République de Lituanie souligne que la Commission ne dispose pas d’un pouvoir général d’autorisation du plan national d’allocation, mais uniquement d’un pouvoir de contrôle limité à la question de la compatibilité du plan avec les critères de l’annexe III.

    41

    À titre liminaire, la Commission décrit le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre et, en particulier, fait observer que, pendant la première période d’application du système, allant de 2005 à 2007, il y a eu, dans une mesure significative, une allocation excessive de quotas par rapport aux émissions vérifiées de 2005 et de 2006, de sorte que le bénéfice pour l’environnement du système d’échange a été très limité, voire inexistant. Selon la Commission, cet excédent d’allocation de quotas a été très significatif en Estonie dès lors que ses émissions vérifiées pour l’année 2005 atteignaient 12,62 millions de tonnes-équivalent dioxyde de carbone (CO2), alors que sa quantité moyenne annuelle de quotas pour la première période était de 19 millions de tonnes-équivalent CO2.

    42

    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord fait valoir que, si la Commission succombait dans l’une des affaires relatives aux plans d’allocation nationaux, le prix des quotas durant la deuxième phase risquerait de baisser sensiblement du fait de l’excédent d’offre de quotas qui en résulterait, ce qui réduirait à néant les effets de la directive en tant qu’outil de réduction des émissions. En d’autres termes, les conséquences seraient catastrophiques. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord invite le Tribunal à retenir une interprétation téléologique de la directive qui permette à la Commission de contrôler les plans nationaux d’allocation de manière effective et ainsi d’empêcher les États membres de fixer des plafonds qui n’auraient pu entraîner une augmentation du prix du carbone ni, partant, encourager les réductions d’émissions.

    43

    La Commission et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord soutiennent ensuite que, dans la décision attaquée, la Commission a déterminé, non la quantité totale de quotas à allouer par la République d’Estonie, mais a fixé un plafond pour cette quantité totale. La Commission fait valoir que, aux fins de la fixation de ce plafond, elle devait nécessairement utiliser des données objectives et fiables et appliquer des normes d’évaluation communes fondées sur les mêmes prémisses pour toute l’Union, afin de minimiser les distorsions sur le marché intérieur et éviter toute inégalité de traitement entre les États membres.

    44

    La Commission fait observer également que, pour le bon fonctionnement du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, il est essentiel que la quantité totale de quotas soit insuffisante tant au niveau de l’Union qu’au niveau des États membres. Ce serait pour ces raisons que la Commission a utilisé un modèle unique, à savoir le modèle Primes, ainsi que des données librement accessibles, réunies en consultation avec des experts nationaux, pour fixer le plafond pour la quantité totale de quotas à allouer par chacun des États membres. La Commission considère que seul un contrôle indépendant et cohérent des données utilisées permet d’obtenir les garanties suffisantes attestant que les données reflètent la réalité et que leur utilisation n’entraîne pas dans une mesure significative une allocation excessive de quotas, comme celle qui s’est produite pendant la première période d’échange allant de 2005 à 2007. Selon le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, les articles 87 CE et 88 CE imposent une appréciation indépendante et objective des plans nationaux d’allocation des États membres.

    45

    La Commission estime avoir fourni à la République d’Estonie, en particulier aux considérants 2, 5 et 6 de la décision attaquée ainsi que dans les différentes communications qu’elle a publiées, des explications détaillées concernant les raisons pour lesquelles elle a considéré que les données d’émissions vérifiées de 2005 étaient les meilleures données disponibles. La Commission relève que la communication du 7 janvier 2004 [COM(2003) 830 final], invoquée par la République d’Estonie, a été suivie de deux communications poursuivant le même objectif [COM(2005) 703 final et COM(2006) 725 final], lesquelles ne seraient aucunement en conflit avec l’approche qu’elle a suivie.

    46

    En revanche, la Commission reconnaît, dans la duplique, qu’elle a reçu par courrier électronique, le 1er juillet 2005, des observations de la part de la République d’Estonie, contenues dans un rapport figurant à l’annexe 4 de la requête, dans lesquelles les experts estoniens ont formulé quelques remarques générales sur la manière dont la production d’énergie électrique était prise en considération dans les prévisions de départ de 2005, mais sans préciser ce qu’ils souhaitaient modifier. La Commission fait observer que la prise en compte du rapport en question a amené le modélisateur de l’université technique nationale d’Athènes à modifier les données et les prévisions de départ utilisées de manière significative.

    47

    La Commission considère qu’elle n’a imposé sa propre méthode de calcul ni à la République d’Estonie ni à aucun autre État membre et fait observer que plusieurs États membres ont élaboré leurs plans d’allocation nationaux dans le respect du plafond fixé pour la quantité totale de quotas dans les décisions que la Commission leur a adressées. Il serait inexact d’affirmer que la Commission a privé la République d’Estonie de la marge d’appréciation dont elle est censée disposer pour élaborer son plan national, y compris en ce qui concerne la quantité totale de quotas à allouer. De même, la consultation du public, dans le cadre de l’élaboration du plan national, n’aurait pas été privée de toute son utilité. La Commission relève, à cet égard, que les plans nationaux d’allocation fixent non seulement la quantité totale de quotas à allouer, mais aussi la répartition des quotas entre les différentes installations sur leur territoire.

    48

    Quant à l’argumentation de la République d’Estonie fondée sur l’article 30, paragraphe 2, de la directive, la Commission souligne que cette disposition ne fait pas référence à l’harmonisation de la méthode de détermination de la quantité totale de quotas, mais à la possibilité d’harmoniser davantage cette méthode. En tout état de cause, la Commission n’aurait d’autre choix que d’appliquer la même méthode pour le calcul du plafond de la quantité totale de quotas applicable à chacun des États membres, sous peine de violer le principe d’égalité de traitement.

    Appréciation du Tribunal

    — Sur la répartition des compétences entre les États membres et la Commission

    49

    Tout d’abord, il est constant entre les parties, et il ressort d’ailleurs des considérants et de l’économie générale de la directive, que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en général, et le système d’échange de quotas établi par la directive, en particulier, sont d’une importance primordiale dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, phénomène qui représente l’une des plus grandes menaces sociales, économiques et environnementales auxquelles le monde est confronté à l’heure actuelle.

    50

    C’est néanmoins à juste titre que la République d’Estonie rappelle, en réponse aux arguments du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, que, dans une communauté de droit, les actes administratifs doivent être adoptés dans le respect des compétences attribuées aux différentes instances administratives. Ainsi, à supposer même que la thèse du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, selon laquelle l’annulation de la décision attaquée aurait un impact négatif sur le bon fonctionnement du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, soit fondée, ce constat ne saurait justifier le maintien en vigueur de la décision attaquée dans l’hypothèse où cet acte aurait été adopté en violation des compétences attribuées par la directive, respectivement, aux États membres et à la Commission.

    51

    À cet égard, lorsqu’il s’agit de la transposition ou de la mise en œuvre d’une directive dans le domaine de l’environnement, il y a lieu de rappeler le libellé de l’article 249, troisième alinéa, CE, selon lequel «[l]a directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens». Il en résulte que, lorsque la directive en cause ne prescrit pas la forme et les moyens pour atteindre un résultat particulier, la liberté d’action de l’État membre quant au choix des formes et des moyens appropriés pour l’obtention dudit résultat reste, en principe, complète. Il en découle également que, en l’absence de règle communautaire prescrivant, de manière claire et précise, la forme et les moyens devant être employés par l’État membre, il incombe à la Commission, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de contrôle, en vertu notamment des articles 211 CE et 226 CE, de démontrer, à suffisance de droit, que les instruments utilisés par l’État membre à ce titre sont contraires au droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, T-374/04, Rec. p. II-4431, point 78, et la jurisprudence citée).

    52

    Il y a lieu d’ajouter qu’une application rigoureuse de ces principes est primordiale pour assurer le respect du principe de subsidiarité consacré à l’article 5, deuxième alinéa, CE, principe qui s’impose aux institutions communautaires dans l’exercice de leurs fonctions réglementaires et qui est censé avoir été respecté pour l’adoption de la directive (considérant 30 de la directive). Aux termes de ce principe, la Communauté européenne n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Dès lors, dans un domaine tel que celui de l’environnement, régi par les articles 174 CE à 176 CE, dans lequel les compétences de la Communauté et des États membres sont partagées, la charge de la preuve incombe à la Communauté, c’est-à-dire en l’espèce à la Commission, à laquelle il revient de démontrer dans quelle mesure les compétences de l’État membre et, partant, sa marge de manœuvre, sont limitées au regard de l’article 10 et des critères de l’annexe III de la directive (arrêt du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, précité, point 79).

    53

    S’agissant plus précisément de la mise en œuvre de la directive, il découle de manière univoque de l’article 9, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 11, paragraphe 2, de celle-ci que l’État membre est seul compétent, d’une part, pour élaborer le plan national d’allocation par lequel il propose d’atteindre les objectifs définis par la directive en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, ce qu’il notifie à la Commission, et, d’autre part, pour prendre des décisions finales fixant la quantité totale de quotas qu’il allouera pour chaque période de cinq ans, et la répartition de cette quantité parmi les opérateurs économiques. Dans l’exercice de ces compétences, l’État membre dispose donc d’une certaine marge de manœuvre pour choisir les mesures qu’il considère les mieux adaptées pour atteindre, dans le contexte spécifique du marché énergétique national, le résultat prescrit par ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, précité, point 80).

    54

    En revanche, la Commission est dotée d’un pouvoir de contrôle du plan national d’allocation, au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Ainsi, la Commission est habilitée à vérifier la conformité du plan national d’allocation notifié par l’État membre avec les critères énoncés à l’annexe III et les dispositions de l’article 10 de la directive et de rejeter ce plan pour cause d’incompatibilité avec ces critères et ces dispositions, par décision motivée. Il ressort également de l’article 9, paragraphe 3, de la directive que, en cas de rejet du plan national d’allocation, l’État membre ne peut prendre une décision au titre de son article 11, paragraphe 2, que si les modifications du plan proposées par l’État membre à la suite du refus ont été acceptées par la Commission (voir, à cet égard, point 92 ci-après).

    55

    Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle du plan national d’allocation, la Commission jouit d’une marge d’appréciation dans la mesure où ce contrôle l’amène à opérer ses propres évaluations économiques et écologiques complexes au regard de l’objectif général de réduction des émissions de gaz à effet de serre au moyen d’un système d’échange de quotas économiquement efficace et performant (article 1er et considérant 5 de la directive). Il s’ensuit que, dans le cadre de son contrôle de légalité à cet égard, le juge communautaire exerce un contrôle complet quant à la bonne application par la Commission des règles de droit pertinentes. En revanche, le Tribunal ne saurait se substituer à la Commission lorsque celle-ci doit effectuer, dans ce contexte, des appréciations économiques et écologiques complexes. À ce titre, le Tribunal est tenu de se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation et si les garanties procédurales, qui revêtent une importance d’autant plus fondamentale dans ce contexte, ont été pleinement respectées (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, précité, points 80 et 81; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du , Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99, Rec. p. II-3305, points 166 et 171, et Alpharma/Conseil, T-70/99, Rec. p. II-3495, points 177 et 182, et du , Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T-392/02, Rec. p. II-4555, points 126 et 188).

    — Sur l’exercice par la Commission de ses compétences dans le cas d’espèce

    56

    En l’espèce, la République d’Estonie reproche à la Commission d’avoir excédé ses compétences découlant de l’article 9, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, en adoptant la décision attaquée. Dans la mesure où cette argumentation vise à établir que la Commission a mal appliqué les dispositions pertinentes, le Tribunal doit exercer un contrôle complet en ce qui concerne cette question de droit. Il importe de souligner, à cet égard, que la marge de manœuvre dont dispose la République d’Estonie pour la mise en œuvre de la directive et la marge d’appréciation dont bénéficie la Commission, dans la mesure où son contrôle de légalité du plan national d’allocation implique qu’elle doive effectuer ses propres évaluations économiques et écologiques complexes, ne sont pertinentes qu’aux fins de déterminer la portée du contrôle par le Tribunal de la manière dont chaque autorité a exercé ses propres compétences, mais ne sauraient avoir pour conséquence de modifier la répartition des compétences entre ces autorités.

    57

    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 13 ainsi qu’à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission constate qu’une partie de la quantité totale de quotas que la République d’Estonie propose d’allouer, soit 11,657987 millions de tonnes-équivalent CO2 par an, est incompatible avec les critères nos 1 à 3 de l’annexe III. De plus, la partie de la quantité totale de quotas correspondant aux émissions supplémentaires d’une installation de combustion non incluse dans le plan national d’allocation établi pour la première phase, évaluée à 0,313883 million de tonnes-équivalent CO2 par an, serait également incompatible avec lesdits critères.

    58

    Dans le même temps, la Commission précise, à l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée qu’il ne sera pas soulevé d’objections au plan national d’allocation sous réserve que la quantité totale de quotas à allouer aux fins du système communautaire soit réduite de 11,657987 millions de tonnes-équivalent CO2 par an. Conformément à la même disposition, la quantité totale de quotas ainsi avalisée par la Commission doit encore être réduite de l’équivalent de l’écart éventuel existant entre les quotas alloués à l’installation mentionnée au point précédent et le montant de 0,313883 million de tonnes-équivalent CO2 mis en réserve annuellement pour celle-ci. Enfin, à l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission précise que le montant total annuel moyen de quotas de 12,717058 millions de tonnes-équivalent CO2, diminué de la «réserve» que la République d’Estonie a l’intention de constituer et de l’équivalent de l’écart éventuel existant entre les quotas alloués à l’installation susmentionnée et le montant de 0,313883 million de tonnes-équivalent CO2 mis en réserve annuellement pour cette installation, ne doit pas être dépassé.

    59

    Dans ses écritures, la Commission fait valoir, devant le Tribunal, que l’exclusion des quantités de quotas susmentionnées représente l’imposition à la République d’Estonie d’une limite externe ou d’un «plafond» et non la fixation de la quantité totale de quotas que celle-ci peut allouer.

    60

    Il y a lieu toutefois de constater que, en précisant une quantité spécifique de quotas, dont tout dépassement est considéré incompatible avec les critères établis par la directive, et en rejetant le plan national de la République d’Estonie dans la mesure où la quantité totale de quotas qui y est proposée dépasse ce seuil, la Commission a excédé les limites du pouvoir de contrôle qu’il lui appartient d’exercer au titre de l’article 9, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 11, paragraphe 2, de la directive.

    61

    À cet égard, il est constant que la Commission est compétente, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive, pour contrôler le plan national élaboré par un État membre au titre de l’article 9, paragraphe 1, de la directive et pour le rejeter dans l’hypothèse où elle arrive à la conclusion selon laquelle celui-ci est incompatible avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10 de la directive.

    62

    De plus, en effectuant un tel contrôle et en motivant une telle décision de rejet, la Commission est en droit d’émettre des critiques spécifiques quant aux incompatibilités constatées et, si elle le considère opportun, de formuler des propositions ou des recommandations, non contraignantes, visant à permettre à l’État membre de modifier son plan d’une manière qui, selon la Commission, le rendrait compatible avec lesdits critères et dispositions.

    63

    Dans le cadre de ses appréciations de la question de savoir si les plans nationaux d’allocation des divers États membres sont compatibles avec les critères de l’annexe III, il est loisible à la Commission de choisir un point commun de comparaison. À cette fin, elle peut notamment élaborer son propre modèle économique et écologique. En élaborant et en utilisant un tel modèle, la Commission dispose, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus, d’une marge d’appréciation, de sorte que l’utilisation d’un tel point de référence commun dans une décision de rejet d’un plan national ne pourrait être contestée qu’au motif qu’elle serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

    64

    En revanche, par l’imposition, dans le dispositif d’une décision de rejet d’un plan national d’allocation, d’une limite spécifique, calculée sur la base de son propre modèle économique et de son propre choix de données, pour la quantité totale de quotas qu’un État membre est en droit de fixer, la Commission se substitue, en pratique, à l’État membre aux fins de la fixation de cette quantité totale. En effet, une telle disposition est susceptible d’obliger l’État membre à modifier son plan national d’allocation pour que la quantité totale de quotas corresponde exactement à la limite indiquée par la Commission dans la décision de rejet. Dans un tel cas, l’État membre est tenu de fixer une quantité totale égale ou inférieure à la limite indiquée par la Commission, sous peine de se retrouver dans l’impossibilité d’adopter une décision conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive.

    65

    Une telle décision de rejet prive d’effet utile l’article 11, paragraphe 2, de la directive, dans la mesure où cette disposition prévoit qu’il appartient à l’État membre, et non à la Commission, de décider de la quantité totale de quotas qu’il allouera. Ce constat est particulièrement pertinent dans un cas comme celui de l’espèce où la limite spécifique ainsi imposée par la Commission, à savoir 12,717058 millions de tonnes-équivalent CO2 par an, ne représente que 52,2% de la quantité totale de quotas que la République d’Estonie envisageait d’allouer dans son plan national d’allocation.

    66

    Certes, la République d’Estonie demeure libre, dans le cadre de la décision qu’elle adopte conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive, de fixer la quantité totale de quotas à allouer à un niveau encore plus bas que la quantité totale de quotas que la Commission considère compatible avec la directive. Toutefois, étant donné que la Commission a imposé une réduction drastique de la quantité totale de quotas que la République d’Estonie envisageait d’allouer, il est inconcevable, dans les circonstances de l’espèce, que cette dernière fixe la quantité totale de quotas à allouer à un niveau différent de la limite fixée par la Commission dans la décision attaquée. Ainsi, en réalité, la Commission a indirectement fixé la quantité totale de quotas à allouer à la place de la République d’Estonie.

    67

    En outre, il y a lieu de constater que la motivation développée par la Commission dans la décision attaquée pour expliquer sur quelle base la limite imposée avait été calculée confirme qu’elle ne s’est pas bornée à contrôler la légalité du plan national d’allocation notifié par la République d’Estonie, mais qu’elle a effectivement substitué sa propre analyse à celle effectuée par cette dernière.

    68

    À cet égard, il convient de relever que l’élaboration d’un plan national d’allocation, adapté pour atteindre les objectifs de la directive et respectant les critères énoncés à l’annexe III, en particulier les critères nos 1 à 3, oblige l’État membre à procéder à plusieurs appréciations économiques et écologiques complexes, notamment en ce qui concerne les politiques et les mesures spécifiques à adopter au niveau national en vue d’atteindre lesdits objectifs, mais aussi quant aux mesures qui devraient être appliquées par les opérateurs économiques. De plus, ces appréciations sont essentiellement prospectives dans la mesure où l’État membre doit prévoir l’évolution des émissions sur son territoire sur plusieurs années à l’avance, et ce sur la base des données disponibles au moment de l’adoption de son plan national d’allocation.

    69

    Il participe de la nature même d’un tel exercice que l’État membre est obligé de faire des choix, en premier lieu, s’agissant des politiques et des mesures à adopter et, en second lieu, quant à la méthode à utiliser et aux données à partir desquelles l’analyse est effectuée pour anticiper l’évolution prévisible des émissions en cause. Par hypothèse, de tels choix ne sont ni corrects ni incorrects en termes absolus, un certain nombre de méthodes et de données différentes pouvant valablement être retenues. En contrôlant ces choix de l’État membre, la Commission doit donc respecter la marge de manœuvre reconnue à celui-ci et, dans la mesure où ce dernier se fonde sur des données et des paramètres d’analyse crédibles et suffisants, au regard des critères de l’annexe III, elle ne saurait rejeter son plan national d’allocation. En revanche, il appartient à la Commission, notamment, de vérifier la fiabilité et la cohérence de tous les aspects du plan élaboré par l’État membre ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des facteurs devant être pris en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

    70

    C’est à la lumière de ces observations qu’il y a lieu d’examiner les critiques spécifiques formulées par la Commission dans la décision attaquée à l’encontre du plan national d’allocation de la République d’Estonie.

    — Sur le choix des chiffres relatifs aux émissions devant servir de point de départ aux fins des prévisions pour la période allant de 2008 à 2012

    71

    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au considérant 4 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le critère no 1 de l’annexe III était pertinent dans le présent contexte dans la mesure où il prévoit que la quantité totale de quotas à allouer ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire, selon toute vraisemblance, à l’application stricte des autres critères de cette annexe. Il convient de constater, à cet égard, que la Commission a elle-même défini la notion d’application stricte des critères de l’annexe III, au point 18 de sa communication du 7 janvier 2004 (voir point 45 ci-dessus), en précisant que, pour respecter cette exigence, un État membre ne devrait pas allouer plus de quotas que nécessaire au regard du plus contraignant des critères obligatoires, à savoir les critères nos 1 à 5 de l’annexe III. Il ressort donc de la décision attaquée que, ainsi qu’elle l’a d’ailleurs confirmé à l’audience, la Commission a considéré que le plan national d’allocation estonien était incompatible avec le critère no 1 de l’annexe III, non de manière autonome, mais du fait que la quantité totale de quotas proposée ne se limitait pas à ce qui est nécessaire au regard des critères nos 2 et 3 de l’annexe III.

    72

    Ensuite, il ressort des considérants 5 à 7 de la décision attaquée que la Commission a appliqué le critère no 2 énoncé à l’annexe III en fixant elle-même comme point de départ, au titre des émissions existantes de gaz à effet de serre, les chiffres relatifs aux émissions de l’année 2005, au lieu de prendre comme point de départ les chiffres utilisés par la République d’Estonie dans son plan national d’allocation et d’en contrôler la légalité, en vérifiant notamment si celle-ci avait dépassé sa marge de manœuvre pour la mise en œuvre de la directive.

    73

    Certes, une application correcte du critère no 2 de l’annexe III autorise la Commission à vérifier la compatibilité de la quantité totale de quotas à allouer avec «les évaluations des progrès réels prévus dans la réalisation des contributions des États membres aux engagements de la Communauté, effectuées en application de la décision [no 280/2004/CE]». Cependant, la Commission relève, au considérant 5 de la décision attaquée, que la dernière évaluation réalisée avant l’adoption de la décision attaquée, en application de la décision no 280/2004/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, relative à un mécanisme pour surveiller les émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et mettre en œuvre le protocole de Kyoto (JO L 49, p. 1), a été effectuée à partir des chiffres communiqués par les installations estoniennes pour l’année 2005, au motif que ces données étaient les plus fiables et les plus exactes qu’elle puisse utiliser. De plus, selon le considérant 6 de la décision attaquée, si plusieurs États membres, dont la République d’Estonie, ont choisi d’utiliser comme point de départ de leurs prévisions la moyenne des données d’émissions de 2005 vérifiées de manière indépendante et des estimations des émissions fournies par ces États membres pour d’autres années, afin d’atténuer les effets d’événements particuliers survenus au cours d’une année donnée, la Commission a rejeté cette approche en relevant que les effets de facteurs particuliers, tels que les conditions météorologiques, se compensaient en général sur l’ensemble d’une année et qu’elle ne disposait pas d’éléments indiquant que les données d’émissions vérifiées de 2005 ne pouvaient pas être considérées comme représentatives.

    74

    Or, la compétence de la Commission pour contrôler la compatibilité du plan national d’allocation avec les évaluations susmentionnées ne l’autorisait pas à considérer que l’utilisation, aux fins dudit plan, de chiffres différents de ceux utilisés dans le cadre de ces évaluations rendait le plan incompatible avec le critère no 2 de l’annexe III, à moins que l’État membre ne puisse pas justifier cette utilisation. À cet égard, il y a lieu de relever que, aux considérants 5 à 7 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments avancés par la République d’Estonie au stade de la procédure administrative au soutien des chiffres retenus dans son plan national d’allocation, notamment au motif que ces derniers étaient «moins fiables» que ceux utilisés dans la dernière évaluation et qu’il n’y avait pas de «raisons suffisantes, en ce qui concerne l’Estonie, pour adapter les données d’émissions vérifiées de manière indépendante de 2005». Elle a estimé qu’une surévaluation des émissions par la République d’Estonie ne pouvait être exclue et évoqué le risque que les chiffres communiqués par celle-ci «ne soient pas véritablement représentatifs des émissions réelles».

    75

    En rejetant le plan national d’allocation notifié par la République d’Estonie sur la base d’un tel raisonnement, qui consiste en substance seulement à évoquer l’existence de doutes quant au caractère fiable des données retenues par la République d’Estonie, la Commission a commis une erreur de droit. Ainsi que cela a été relevé aux points 53 à 55 ci-dessus, il lui appartenait de vérifier la légalité du plan national d’allocation en respectant la marge de manœuvre accordée à l’État membre pour mettre en œuvre la directive dans le cadre de l’élaboration dudit plan. En rejetant le plan estonien au motif que les données retenues à cette fin n’étaient pas, selon elle, les meilleures disponibles, qu’il existait donc un risque de surévaluation des émissions par la République d’Estonie et que rien n’indiquait que les données sur lesquelles elle se fondait ne pouvaient pas être considérées comme représentatives, elle a méconnu ladite marge de manœuvre. En effet, l’existence d’une telle marge de manœuvre implique nécessairement que l’État membre pouvait valablement choisir des données différentes comme point de départ de ses prévisions. Or, l’approche de la Commission, revenant à considérer que seules les données retenues par elle-même pouvaient être utilisées aux fins de l’élaboration d’un plan national d’allocation, prive les États membres de toute marge de manœuvre à cet égard. En adoptant une telle approche, la Commission a méconnu le fait qu’il lui appartient de contrôler les choix faits par l’État membre aux fins de l’élaboration de son plan national, plutôt que de faire son propre choix quant aux données à retenir, et de ne se prononcer que sur des contestations éventuelles de ce choix par les États membres.

    76

    En tout état de cause, il ressort du dossier que les chiffres utilisés par la Commission n’étaient pas nécessairement les plus représentatifs, ni donc les plus fiables, en ce qui concerne les émissions de la République d’Estonie. Il y a lieu de relever, à cet égard, que les justifications avancées par la Commission, pour rejeter l’approche de certains États membres qui est visée au considérant 6 de la décision attaquée, ne peuvent être retenues, du moins en ce qui concerne le cas particulier de la République d’Estonie. En premier lieu, il ressort de l’annexe 4 du plan national d’allocation que l’année 2005, retenue par la Commission, n’était pas une année représentative en ce qui concerne la République d’Estonie. En effet, les émissions de cette année sont nettement en dessous de la valeur de référence calculée, en ce qui concerne les centrales électriques et les installations industrielles, sur la base des trois années où les émissions ont été les plus élevées entre 2000 et 2005 et, en ce qui concerne les installations de production de chaleur, sur la base des trois années où les émissions ont été les plus élevées entre 1995 et 2005, et ce malgré une croissance importante du produit intérieur brut (PIB) d’année en année de 2000 à 2005. En second lieu, la Commission, interrogée à ce sujet par le Tribunal à l’audience, n’a avancé aucun élément susceptible de fonder sa propre thèse, selon laquelle les effets des différents facteurs pris en compte, tels que les conditions météorologiques, se compensent, en règle générale, sur l’ensemble d’une année.

    77

    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la Commission dans la décision attaquée, non seulement les chiffres qu’elle a utilisés n’étaient pas nécessairement les plus représentatifs, ni donc les plus fiables, en ce qui concerne les émissions de la République d’Estonie, mais elle disposait d’un certain nombre d’éléments qui impliquaient, du moins dans le cas de la République d’Estonie, que le choix des chiffres de l’année 2005, comme point de départ aux fins de ses calculs, risquait de fausser ceux-ci.

    — Sur le choix des méthodes utilisées aux fins des prévisions de l’évolution des émissions entre la période de référence et la période allant de 2008 à 2012

    78

    Aux considérants 8 et suivants de la décision attaquée, la Commission a examiné la compatibilité du plan national d’allocation avec le critère no 3 de l’annexe III, selon lequel les quantités de quotas à allouer doivent être «cohérentes avec le potentiel, y compris le potentiel technologique de réduction des émissions des activités couvertes par le présent système». À cette fin, la Commission a décidé d’utiliser les données issues du modèle Primes, élaboré par un expert de l’université technique nationale d’Athènes, au motif qu’elles «constitu[ai]ent les estimations les plus exactes et les plus fiables à la fois de la croissance du PIB et des améliorations de l’intensité de carbone», pour évaluer l’évolution des émissions entre la période de référence et la période allant de 2008 à 2012, de même qu’au cours de cette dernière période. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a fondé ses prévisions relatives à cette évolution sur les chiffres vérifiés pour les émissions de 2005, tels qu’adaptés par l’application de deux coefficients reflétant, respectivement, son estimation du taux de croissance du PIB au cours de la période allant de 2005 à 2010 et le taux probable d’amélioration de l’intensité de carbone par unité de PIB au cours de la même période.

    79

    À cet égard, il convient de rappeler, de nouveau, que les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour décider de la méthode qu’ils adoptent pour élaborer leur plan national d’allocation de quotas. En décidant d’utiliser les données issues du modèle Primes en raison de leur prétendue meilleure fiabilité par rapport aux autres données, mais sans établir le caractère insuffisant de la méthode utilisée par la République d’Estonie pour calculer les données retenues aux fins de son plan national d’allocation, la Commission a méconnu cette marge de manœuvre.

    80

    En particulier, la Commission a elle-même explicitement reconnu, à l’audience, qu’elle n’est pas en droit de substituer sa propre évaluation des aspects relatifs aux choix politiques à celle effectuée par un État membre aux fins d’élaborer son plan national d’allocation, ni même d’exercer un contrôle marginal à l’égard d’un tel choix. Toutefois, la Commission a soutenu qu’un tel choix politique ne saurait être pris en compte dans le cadre de son évaluation d’un plan national d’allocation que dans la mesure où il a été consacré dans des instruments législatifs avant 2004 et où il lui a été notifié afin qu’elle puisse les prendre en considération dans l’élaboration de son propre modèle économique.

    81

    Il y a cependant lieu d’observer que la Commission n’a cependant invoqué aucun texte ni règle de droit qui puisse justifier une telle limitation de la prise en compte, par un État membre, de sa politique énergétique nationale aux fins de l’élaboration de son plan national d’allocation. Au contraire, c’est à l’État membre d’élaborer un plan national d’allocation conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive et, ainsi, de déterminer quels sont les aspects de sa politique énergétique nationale qu’il convient de prendre en compte. Or, il ressort du point 3 du plan national d’allocation de la République d’Estonie, annexé à la requête, que cet État membre a souligné le caractère stratégique de ses réserves de schiste bitumineux ainsi que les difficultés en termes de sécurité d’approvisionnement qui pourraient résulter d’une augmentation significative de l’utilisation du gaz naturel, en relevant notamment que ses importations de gaz proviennent d’un seul pays exportateur, à savoir la Russie.

    82

    Par l’application du modèle Primes, fondé essentiellement sur des paramètres économiques et écologiques, la Commission a donc fait abstraction, en l’espèce, de l’éventuelle pertinence de cette considération d’ordre géostratégique que la République d’Estonie avait pourtant intégrée dans son plan national d’allocation de manière explicite et a donc méconnu les limites de son propre pouvoir de contrôle.

    83

    En tout état de cause, en ce qui concerne, en premier lieu, le taux d’évolution du PIB au cours de la période allant de 2005 à 2010, il ressort du dossier que les chiffres relatifs à la croissance du PIB utilisés par la Commission dans la décision attaquée pour déterminer le plafond d’émissions pour l’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012 n’étaient pas les meilleurs disponibles au moment de l’adoption de la décision attaquée. Dans son plan national d’allocation, la République d’Estonie a utilisé une prévision de croissance de 9,6% pour l’année 2006, fondée sur les dernières données dont disposait le ministère des Finances estonien. Elle prévoyait un taux de croissance légèrement moins élevé, de 7,4 à 8,4%, pour chacune des quatre années suivantes.

    84

    Dans la décision attaquée, la Commission expose, à la note de bas de page no 24, que, selon des chiffres publiés en 2005 dans un document intitulé «European Energy and Transport Trends», une croissance annuelle de 5,1839% était prévue pour l’Estonie de 2005 à 2010. Or, il ressort du dossier et plus particulièrement d’une lecture combinée du document intitulé «Tableau Primes Estonie»: faible restriction des émissions de carbone/pas de captage et de stockage du CO2’», annexé à la requête, et de la note de bas de page no 24 de la décision attaquée que ce taux de 5,1839% résulte d’un simple calcul arithmétique effectué sur la base des chiffres relatifs au PIB de la République d’Estonie utilisés également dans le modèle Primes, à savoir 8 milliards d’euros en 2005 et 10,3 milliards d’euros en 2010. Toutefois, la Commission explique, dans la même note de bas de page, que, pour tenir compte des chiffres les plus récents portés à sa connaissance, elle a décidé de remplacer la valeur prévue pour la croissance du PIB dans le document intitulé «European Energy and Transport Trends» par d’autres prévisions économiques, publiées en novembre 2006 dans un document intitulé «Economic Forecasts Autumn 2006», mais uniquement pour les années pour lesquelles ces prévisions plus récentes étaient disponibles. Ainsi, elle a utilisé ces derniers chiffres pour les années 2006 à 2008, mais a continué d’utiliser, pour les années 2009 et 2010, un taux de croissance calculé à partir des chiffres présentés dans le document intitulé «European Energy and Transport Trends» de 2005.

    85

    Force est de constater qu’en agissant ainsi la Commission n’a pas utilisé les meilleures données disponibles en ce qui concerne les prévisions de croissance du PIB de la République d’Estonie pour les années 2009 et 2010 et qu’elle n’a pas non plus suffisamment justifié le rejet des prévisions avancées par la République d’Estonie pour ces deux années. En effet, les prévisions faites par la République d’Estonie dans son plan national d’allocation sont, d’une part, fondées sur des données de base plus récentes que celles utilisées dans le document intitulé «European Energy and Transport Trends» et, d’autre part, plus proches de celles du document intitulé «Economic Forecasts Autumn 2006» que la Commission a elle-même retenues pour les années 2006 à 2008 au motif qu’elles étaient plus fiables. Dans ces circonstances, la position de la Commission, selon laquelle elle a utilisé les meilleures données disponibles pour les années 2009 et 2010 en rejetant les prévisions de la République d’Estonie et en retenant à leur place celles du document intitulé «European Energy and Transport Trends», n’est pas crédible.

    86

    En ce qui concerne, en second lieu, le calcul du taux d’amélioration de l’intensité d’émission de carbone par unité de PIB, il est constant que la Commission s’est fondée directement sur les données qui résultent du modèle Primes, à savoir celle de 1945,3 tonnes d’émissions de CO2 par million d’euros de PIB en 2005 et celle de 1346,3 tonnes d’émissions de CO2 par million d’euros de PIB en 2010. Or, ainsi que la Commission l’a reconnu à l’audience, si l’une des données prises en compte dans les calculs effectués dans le cadre de l’élaboration du modèle Primes s’avère incorrecte, comme c’est le cas en l’espèce en ce qui concerne le taux de croissance du PIB de la République d’Estonie (voir points 84 et 85 ci-dessus), les autres données qui figurent dans la dernière version de ce modèle seront nécessairement faussées. En effet, ces dernières sont fondées sur une prévision de croissance du PIB qui n’était pas la plus exacte disponible au moment de l’élaboration du modèle. Ainsi que la Commission l’a également reconnu à l’audience, dans de telles circonstances, il est nécessaire de calculer à nouveau toutes les prévisions qui résultent du modèle, en utilisant des estimations actualisées du taux de croissance du PIB. À défaut pour la Commission de l’avoir fait, les données qu’elle a utilisées dans la décision attaquée ne peuvent être considérées comme les meilleures disponibles.

    — Sur les autres raisons avancées par la Commission pour justifier son rejet du plan national d’allocation

    87

    Il y a lieu de répondre, ensuite, à l’argument de la Commission selon lequel l’utilisation des données de 2005 et du modèle Primes était justifiée par la nécessité d’apprécier chaque plan national d’allocation par référence aux mêmes chiffres et paramètres d’analyse, afin de respecter les exigences du principe d’égalité de traitement.

    88

    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, l’invocation dudit principe ne saurait modifier la répartition des compétences prévue par la directive entre la Commission et les États membres, aux termes de laquelle ces derniers sont compétents pour élaborer un plan national d’allocation et pour prendre une décision finale sur la quantité totale de quotas à allouer.

    89

    De plus, comme le relève la République d’Estonie à juste titre, la Commission peut assurer l’égalité de traitement des États membres de manière adéquate en examinant le plan présenté par chacun d’eux avec le même degré de diligence. Certes, ainsi que cela a été rappelé au point 63 ci-dessus, la Commission a le droit d’élaborer son propre modèle économique et écologique fondé sur les données qu’elle choisit et de s’en servir comme point de comparaison pour vérifier si le plan national d’allocation de chaque État membre est compatible avec les critères de l’annexe III. Aux fins de l’élaboration d’un tel modèle, la Commission dispose, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus, d’une marge d’appréciation.

    90

    Toutefois, la Commission n’est pas en droit de substituer l’analyse qui résulte de l’application de son propre modèle à l’appréciation effectuée par l’État membre dans son plan national d’allocation, ni de rejeter celui-ci au motif qu’il y aurait une divergence entre cette appréciation et sa propre analyse. En effet, si la Commission avait le pouvoir de faire prévaloir sa propre analyse, l’article 9, paragraphe 1, et l’article 11, paragraphe 2, de la directive, qui attribuent aux États membres les compétences pour élaborer un plan national d’allocation de quotas et ensuite décider de la quantité totale de quotas à allouer, seraient vidés de leur sens.

    91

    En dernier lieu, il convient de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle l’article 9, paragraphe 3, de la directive, qui lui confère un pouvoir de contrôle et de rejet des plans nationaux d’allocation, serait privé d’effet utile si elle ne pouvait adopter une décision fixant un plafond pour la quantité totale de quotas qu’un État membre est en droit d’allouer.

    92

    En effet, il ressort de ce qui précède, et notamment des points 62 et 63 ci-dessus, que la Commission peut utilement contrôler un plan national d’allocation et le rejeter, au besoin, sans devoir fixer un tel plafond. De plus, l’argument, selon lequel les dispositions de la directive peuvent aboutir à une situation de blocage, si l’État membre et la Commission ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une quantité totale de quotas à allouer sur la base des modifications successives du plan national présentées par un État membre, ne saurait prospérer. D’une part, il n’appartient pas au Tribunal de résoudre ce problème potentiel dans le cadre du présent litige, alors qu’il ne se pose pas. D’autre part, si ce problème devait être résolu afin d’éviter une situation de blocage permanent, il serait inconcevable de le résoudre en faisant primer le point de vue de la Commission sur celui de l’État membre, étant donné que, ainsi qu’il ressort du point 54 ci-dessus, la Commission dispose d’un pouvoir de contrôle et de rejet alors que l’État membre est compétent aussi bien pour présenter un plan national que pour décider, au final, de l’allocation des quotas.

    93

    Enfin, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée contient également le constat selon lequel l’inclusion des émissions supplémentaires d’une installation spécifique, d’un montant de 0,313883 million de tonnes-équivalent CO2 par an, est également incompatible avec les critères nos 1 à 3 de l’annexe III. Sur le fondement des considérations exposées ci-dessus, il y a lieu également d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne ce constat, dans la mesure où la Commission ne s’est pas bornée à expliquer les raisons qui l’ont conduite à conclure à cette incompatibilité, mais a prescrit l’exclusion du montant en question de la quantité totale de quotas, notamment à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée.

    94

    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’article 1er, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée doivent être annulés. Partant, il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième, troisième et cinquième moyens soulevés par la République d’Estonie dès lors qu’il sont dirigés contre ces mêmes dispositions.

    Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

    Arguments des parties

    95

    La République d’Estonie fait valoir que, en vertu du principe de bonne administration, les institutions communautaires sont tenues de remplir leurs fonctions avec soin et impartialité. Selon elle, ce principe devrait s’appliquer non seulement à leurs relations avec les particuliers, mais aussi à leurs relations avec les États membres. En l’espèce, la Commission n’aurait pas tenu compte de tous les éléments de fait et des informations qui lui ont été fournies et elle n’aurait donc pas fait preuve d’une diligence suffisante lors de l’adoption de la décision attaquée.

    96

    Plus particulièrement, la République d’Estonie reproche à la Commission d’avoir considéré, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, que son plan national d’allocation de quotas était incompatible avec le critère no 3 de l’annexe III en raison de la non-inclusion, dans la quantité totale de quotas à allouer, d’une «réserve» de quotas, établie par elle conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780/CE de la Commission, du 13 novembre 2006, en vue d’éviter le double comptage des réductions des émissions de gaz à effet de serre au titre du système communautaire d’échange de quotas d’émission pour les activités de projets relevant du protocole de Kyoto conformément à la directive (JO L 316, p. 12). Ce constat de la Commission serait inexact dès lors qu’il ressortirait d’un examen attentif du plan d’allocation de quotas, et en particulier de ses annexes 1 et 3, que la République d’Estonie a effectivement inclus dans la quantité totale de quotas une réserve de quotas fixée conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2006/780.

    97

    La Commission fait observer que l’information présentée par la République d’Estonie dans son plan d’allocation national, notamment aux annexes 1 et 3 de celui-ci, relative à l’inclusion d’une «réserve» dans la quantité totale de quotas d’émission, n’était pas suffisamment claire et qu’elle était même contradictoire. De plus, les services de la Commission auraient additionné toutes les quantités d’émissions des installations envisagées pour la deuxième période d’échange et visées à l’annexe 1 du plan d’allocation de quotas estonien. Ce calcul n’aurait pas permis de considérer que la «réserve» avait été prise en compte lors de la détermination de la quantité totale de quotas conformément à l’article 3, paragraphe 1 ou 3, de la décision 2006/780.

    98

    Pour le surplus, la Commission renvoie aux arguments qu’elle a avancés en réponse au deuxième moyen soulevé par la République d’Estonie.

    Appréciation du Tribunal

    99

    Il convient d’observer que parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 86; du , Asia Motor France e.a./Commission, T-7/92, Rec. p. II-669, point 34, et du , ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31/99, Rec. p. II-1881, point 99).

    100

    Il y a lieu de relever, ensuite, que, dans la mesure où la République d’Estonie soulève, en substance, dans le cadre du présent moyen, les mêmes vices qu’elle a invoqués dans le cadre de son deuxième moyen, elle remet en cause la fixation par la Commission du plafond relatif à la quantité totale de quotas à allouer à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée. Ces trois dispositions ayant déjà été annulées sur la base du premier moyen, il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie du présent moyen.

    101

    En revanche, dans la mesure où la République d’Estonie reproche à la Commission d’avoir considéré, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, que son plan national d’allocation de quotas était incompatible avec le critère no 3 de l’annexe III en raison de la non-inclusion d’une «réserve» de quotas établie par elle conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780 dans la quantité totale de quotas à allouer, cette partie du moyen sera examinée dans les points qui suivent. Étant donné que l’article 3 de la décision 2006/780 prévoit, en réalité, la création de deux réserves distinctes, respectivement à ses paragraphes 1 et 2, les deux parties de la réserve à laquelle la Commission fait référence dans la décision attaquée seront traitées comme deux réserves dans la suite du présent arrêt.

    102

    La Commission a nuancé sa position au sujet de cette dernière partie du présent moyen lors de l’audience. Dans ses écritures, elle soutient non seulement que le plan national d’allocation était vague en ce qui concerne les réserves prévues à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780, mais que, en outre, il résultait de ses propres calculs fondés sur les annexes de ce même plan que ces réserves n’avaient pas été incluses dans la quantité totale de quotas prévue dans ledit plan. À l’audience, en revanche, elle a précisé que, au moment où la décision attaquée a été rédigée, il n’apparaissait pas clairement, à la lecture du plan national d’allocation de la République d’Estonie, et notamment de ses annexes, si les réserves susmentionnées avaient été prises en compte aux fins du calcul de la quantité totale de quotas.

    103

    Il y a lieu de constater que les chiffres présentés par la République d’Estonie dans les annexes de son plan national d’allocation paraissent cohérents et compréhensibles et que les réserves de quotas constituées par la République d’Estonie conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780 ont été incluses dans la quantité totale de quotas à allouer prévue au titre du plan national d’allocation, contrairement à ce que soutient la Commission. En particulier, il résulte d’une lecture combinée de l’annexe 1 du plan national d’allocation et du tableau figurant à la première page de son annexe 3 que le montant de 948531 tonnes-équivalent CO2 représente la totalité des quotas contenus dans la réserve relative aux installations réalisant des activités de projets pour lesquelles une lettre d’agrément avait déjà été délivrée, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2006/780. Il ressort également de ces deux annexes que la quantité de quotas de 795026 tonnes-équivalent CO2 devrait être compensée par le retrait de quotas à certaines installations spécifiques dont les émissions seraient directement réduites grâce aux projets en question. Il résulte d’un simple calcul arithmétique, opéré à partir des données contenues dans ces mêmes annexes, que le solde de la réserve est d’un montant de 153505 tonnes-équivalent CO2. Il découle également de ces annexes que ces quantités de quotas devraient être compensées de manière spécifique par le retrait de quotas à des installations non encore identifiées, mais relevant du secteur de la production de chaleur, dont les émissions seraient indirectement réduites grâce aux projets en question.

    104

    De même, il résulte d’une lecture combinée de l’annexe 1 du plan national d’allocation et du tableau figurant à la seconde page de son annexe 3 que le montant de 9194742 tonnes-équivalent CO2 représente la totalité des quotas contenus dans la réserve relative aux installations réalisant des activités de projets pour lesquelles une lettre d’agrément n’avait pas encore été délivrée, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2006/780. Il ressort des explications fournies à cette même page de l’annexe 3 du plan national d’allocation que les quantités de quotas contenues dans cette réserve devraient également être compensées par des réductions d’émissions dans certaines installations non encore identifiées.

    105

    Il convient de souligner que les quantités de quotas incluses dans les deux réserves susmentionnées sont donc compensées par des réductions d’émissions dans certaines installations dont les émissions réelles sont pourtant prises en compte à l’annexe 1 du plan national d’allocation pour calculer la quantité totale de quotas. L’effet de l’allocation de ces quotas aux réserves est donc parfaitement neutre s’agissant de la quantité totale de quotas à allouer. Cela étant, si les quantités de quotas comprises dans ces réserves ne sont pas déduites de la quantité totale de quotas, il y a lieu de conclure qu’elles y sont nécessairement incluses.

    106

    À cet égard, la somme des valeurs indiquées à l’annexe 1 du plan national d’allocation correspondant aux émissions de chaque installation énumérée est de 112820158 tonnes-équivalent CO2. Or, ce total correspond précisément à celui de 112666653 tonnes-équivalent CO2 retenu dans le calcul final figurant à la dernière page de cette annexe et qui représente le total des quotas prévus pour les installations qui seraient déjà en activité pendant la période allant de 2008 à 2012, sauf dans la mesure où une quantité de quotas de 153505 tonnes-équivalent CO2 en a été déduite. Or, ce dernier montant correspond précisément à la partie de la réserve constituée conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2006/780 qui devait être compensée de manière indirecte dans des installations non identifiées.

    107

    Il ne ressort pas des annexes du plan national d’allocation pour quelles raisons la République d’Estonie a considéré qu’il y avait lieu de déduire ce montant de la quantité totale de quotas. Dans cette mesure, ladite partie de la réserve en question ne semble pas avoir été incluse dans la quantité totale de quotas calculée par la République d’Estonie. À tout le moins, le plan national d’allocation paraît ambigu à cet égard.

    108

    En revanche, dès lors que l’autre partie de la réserve constituée conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2006/780, à savoir une quantité de quotas de 795026 tonnes-équivalent CO2, ainsi que la totalité de la réserve constituée conformément à l’article 3, paragraphe 2, de cette décision n’ont pas été déduites de la quantité totale de quotas, il découle des éléments du dossier que c’est à juste titre qu’elles ont été incluses dans celle-ci.

    109

    Il n’appartient pas au juge communautaire de déterminer de manière précise et définitive, dans le cadre de l’examen du présent moyen, tiré d’une prétendue violation du principe de bonne administration, dans quelle mesure les réserves en cause ont réellement été incluses dans la quantité totale de quotas. Dans ce contexte, le juge communautaire doit vérifier si la Commission a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

    110

    À cet égard, il résulte de ce qui précède que les éléments du dossier ne semblent pas pouvoir être conciliés avec la conclusion retenue par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle les quotas contenus dans les réserves en question n’ont pas été inclus dans la quantité totale de quotas à allouer. De plus, la Commission n’a expliqué ni dans la décision attaquée ni devant le Tribunal sur quelle base elle est arrivée à cette conclusion, celle-ci se bornant à affirmer, dans ses écritures, que ses propres calculs indiquaient que tel n’était pas le cas et, à l’audience, qu’il n’apparaissait pas clairement si les réserves en cause avaient été prises en compte aux fins du calcul de la quantité totale de quotas. Or, à l’audience, la Commission, ayant initialement demandé l’autorisation de déposer un document devant le Tribunal, en expliquant que ses propres calculs y étaient exposés, est ensuite revenue sur cette demande en indiquant que cet élément n’était plus pertinent.

    111

    En l’absence d’explications précises relatives aux lacunes que présenterait le plan national d’allocation estonien ou aux erreurs prétendument commises par la République d’Estonie dans ce plan, la Commission n’a pas établi que les calculs contenus dans le plan national d’allocation estonien étaient entachés d’une erreur.

    112

    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas examiné de manière adéquate le plan national d’allocation présenté par la République d’Estonie, et notamment ses annexes 1 et 3, dans le cadre de son appréciation de la question de savoir si les réserves prévues à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 2006/780 étaient incluses dans la quantité totale de quotas proposée. Par conséquent, elle a violé le principe de bonne administration et, dans cette mesure, le présent moyen est fondé.

    113

    Il y a donc lieu d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée.

    Conclusion

    114

    Ainsi qu’il ressort des points 31 à 34 ci-dessus, il résulte de l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée (voir point 94 ci-dessus) et de celle de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 2, paragraphe 2, de cette décision (voir point 113 ci-dessus) que celle-ci doit être annulée dans son ensemble. En effet, ces dispositions ne sont pas détachables du reste de la décision attaquée, car leur annulation modifie la substance même de celle-ci.

    Sur les dépens

    115

    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République d’Estonie.

    116

    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République de Lituanie, la République slovaque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront donc leurs propres dépens.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (septième chambre)

    déclare et arrête:

     

    1)

    La décision de la Commission, du 4 mai 2007, concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République d’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du , établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, est annulée.

     

    2)

    La Commission supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République d’Estonie.

     

    3)

    La République de Lituanie, la République slovaque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.

     

    Forwood

    Šváby

    Moavero Milanesi

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2009.

    Signatures

    Table des matières

     

    Cadre juridique

     

    Faits et procédure

     

    Conclusions des parties

     

    Sur la recevabilité

     

    Arguments des parties

     

    Appréciation du Tribunal

     

    Sur le fond

     

    Sur le premier moyen, tiré d’un excès de pouvoir résultant de violations de l’article 9, paragraphes 1 et 3, et de l’article 11, paragraphe 2, de la directive

     

    Arguments des parties

     

    Appréciation du Tribunal

     

    — Sur la répartition des compétences entre les États membres et la Commission

     

    — Sur l’exercice par la Commission de ses compétences dans le cas d’espèce

     

    — Sur le choix des chiffres relatifs aux émissions devant servir de point de départ aux fins des prévisions pour la période allant de 2008 à 2012

     

    — Sur le choix des méthodes utilisées aux fins des prévisions de l’évolution des émissions entre la période de référence et la période allant de 2008 à 2012

     

    — Sur les autres raisons avancées par la Commission pour justifier son rejet du plan national d’allocation

     

    Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

     

    Arguments des parties

     

    Appréciation du Tribunal

     

    Conclusion

     

    Sur les dépens


    ( *1 ) Langue de procédure: l’estonien.

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