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Document 62006CC0353

    Conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 24 avril 2008.
    Procédure engagée par Stefan Grunkin et Dorothee Regina Paul.
    Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Flensburg - Allemagne.
    Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres - Droit international privé en matière de nom patronymique - Rattachement, pour la détermination de la loi applicable, à la seule nationalité - Enfant mineur né et résidant dans un État membre et possédant la nationalité d’un autre État membre - Non-reconnaissance dans l’État membre dont il est ressortissant du nom acquis dans l’État membre de naissance et de résidence.
    Affaire C-353/06.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:246

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    MmeELEANOR SHARPSTON

    présentées le 24 avril 2008 ( 1 )

    Affaire C-353/06

    Procédure engagée par

    Stefan Grunkin et Dorothee Regina Paul

    «Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Droit international privé en matière de nom patronymique — Rattachement, pour la détermination de la loi applicable, à la seule nationalité — Enfant mineur né et résidant dans un État membre et possédant la nationalité d’un autre État membre — Non-reconnaissance dans l’État membre dont il est ressortissant du nom acquis dans l’État membre de naissance et de résidence»

    1. 

    La présente demande préjudicielle, qui émane de l’Amtsgericht Flensburg (Allemagne), soulève la question de la compatibilité d’une règle de conflit allemande avec l’interdiction de discrimination et les droits attachés à la citoyenneté par le traité CE. En vertu de cette règle, le nom de famille d’une personne qui n’a que la nationalité allemande est déterminé exclusivement par le droit allemand. En conséquence, même si cette personne est née et réside habituellement dans un autre État membre (en l’occurrence, le Danemark), dont le droit s’applique à elle en vertu de ses propres règles de conflit, son nom de famille, légalement constitué et enregistré dans cet État, ne sera enregistré en Allemagne que s’il est également conforme au droit allemand du fond.

    Le cadre juridique

    Les dispositions du traité

    2.

    D’après l’article 12, premier alinéa, CE:

    «Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»

    3.

    D’après l’article 17 CE:

    «1.   Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

    2.   Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

    4.

    D’après l’article 18, paragraphe 1, CE:

    «Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.»

    5.

    D’après l’article 65 CE [lu aussi en combinaison avec les articles 61, sous c), CE et 67 CE], le législateur communautaire peut arrêter «des mesures dans le domaine de la «coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière», y compris celles qui visent à «b) favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence». De telles mesures n’ont pas encore été arrêtées en matière de détermination des noms ( 2 ).

    Les règles de fond qui régissent la détermination des noms de famille

    6.

    Aux points 5 à 22 de ses conclusions dans l’affaire Garcia Avello ( 3 ), l’avocat général Jacobs a donné un aperçu des règles qui régissent la détermination des noms de famille dans les États membres, telles qu’elles étaient à l’époque (2003). La situation a évolué depuis et, dans plusieurs États membres, les règles de fond permettent désormais un choix plus large. Il suffit cependant de noter à ce stade qu’il existe une variété considérable non seulement dans la manière de déterminer les noms, mais aussi dans l’étendue du choix ouvert par la loi. En particulier, les noms composés (combinant les noms des deux parents) sont interdits dans certains États membres mais admis dans d’autres, alors qu’ils sont la norme dans d’autres États membres encore.

    Règles de conflit régissant la détermination des noms de famille

    7.

    Pour déterminer le droit applicable à la détermination du nom de famille d’une personne lorsque plus d’un ordre juridique est concerné, certains États membres renvoient au droit du lieu où cette personne a sa résidence habituelle ( 4 ), bien qu’il semble plus courant de renvoyer au droit de l’État dont elle a la nationalité ( 5 ). Dans le cas de certains États membres, cette méthode a été consacrée dans des accords internationaux conclus dans le cadre de la CIEC (Commission internationale de l’état civil), organisation intergouvernementale dont les adhérents comprennent treize États membres, trois autres ayant le statut d’observateur. La République fédérale d’Allemagne a adhéré à la CIEC. Le Royaume de Danemark ne figure au nombre ni des adhérents, ni des observateurs.

    8.

    Un certain nombre de conventions de la CIEC ( 6 ) portent sur les noms, mais aucune n’a été ratifiée par plus de sept États membres. En résumé, elles prévoient que, en principe, les noms des personnes sont déterminés par le droit de l’État dont ces personnes ont la nationalité et qu’un État contractant n’autorise pas les changements de noms de famille de ressortissants d’un autre État contractant, à moins qu’ils n’aient aussi la nationalité du premier État, mais délivre des certificats de diversité de noms si nécessaire. Dans une convention plus récente ( 7 ), qui n’est pas encore en vigueur, lorsqu’un enfant a la nationalité de plus d’un État contractant, le nom qui lui est attribué dans l’État de naissance est reconnu dans les autres États contractants, de même qu’est reconnu un nom attribué à la demande des parents dans un autre État contractant dont l’enfant a la nationalité.

    Les instruments relatifs aux droits des enfants

    9.

    Selon l’article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies ( 8 ), «[d]ans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale». On trouve en substance la même disposition à l’article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 9 ).

    10.

    L’article 7, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant dispose, entre autres, que l’enfant «est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom». On trouve en substance la même disposition à l’article 24, paragraphe 2, du pacte international relatif aux droits civils et politiques ( 10 ).

    Le droit national pertinent

    11.

    En application des règles du droit international privé danois, les questions qui concernent la détermination du nom de famille d’une personne sont régies par le droit du lieu où cette personne a son domicile (c’est-à-dire sa résidence habituelle), tel que défini par le droit danois. Donc, celui-ci s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer le nom de famille d’une personne qui réside habituellement au Danemark.

    12.

    À l’époque pertinente, les articles 1er à 9 de la loi no 193 du 29 avril 1981 (loi sur le nom des personnes, lov om personnavne) régissaient la détermination des noms de famille au Danemark ( 11 ).

    13.

    D’après l’article 1er de cette loi, si les parents portaient un nom de famille unique, ce nom était attribué à l’enfant. S’ils ne portaient pas le même nom de famille, on pouvait choisir celui de l’un des parents. Toutefois, l’article 9 autorisait également un changement de nom par la voie administrative afin d’adopter un nom constitué des noms de famille des deux parents reliés par un trait d’union.

    14.

    Selon une autre option (exercée de manière courante), lorsque l’enfant porte le nom d’un des parents, le nom de l’autre parent peut servir de «nom intermédiaire» («mellemnavn»). Les deux noms sont ainsi, en fait, combinés (sans trait d’union). Cependant, en vertu de la loi de 1981, seul le second élément (le nom de famille) du nom composé pouvait passer à la génération suivante.

    15.

    En Allemagne, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la loi introductive au code civil (Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch, ci-après l’«EGBGB»), le nom d’une personne est déterminé par le droit de l’État dont cette personne a la nationalité. D’après le paragraphe 3 du même article 10, le nom de famille d’un enfant ne peut être déterminé par le droit d’un autre pays que si l’un des parents (ou une autre personne conférant le nom) est un ressortissant de ce pays. Toutefois, le droit allemand peut trouver à s’appliquer lorsque aucun des parents n’a la nationalité allemande, mais que l’un d’eux au moins réside en Allemagne.

    16.

    En application de l’article 1616 du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB»), si les parents ont un nom de famille unique ( 12 ), ce nom est attribué à l’enfant, ainsi que c’est le cas au Danemark. Selon l’article 1617:

    «1.

    Si les parents ne portent pas de nom d'époux et que la garde de l'enfant est exercée conjointement, ils déterminent, par une déclaration devant l'officier d'état civil, le nom que le père ou la mère porte au moment de la déclaration comme nom de naissance de l'enfant […] Le choix des parents vaudra aussi pour leurs enfants à venir.

    2.

    Si les parents n'ont pas fait leur déclaration dans le mois qui suit la naissance de l'enfant, le Familiengericht (tribunal de la famille) ( 13 ) transfère le droit de déterminer le nom à un des parents. Le paragraphe 1 s'applique mutatis mutandis. Le tribunal peut fixer au parent un délai pour exercer son droit. Si, à l'expiration du délai, le droit de déterminer le nom n'a pas été exercé, l'enfant reçoit le nom du parent auquel ce droit a été transféré.

    3.

    Lorsqu'un enfant n'est pas né sur le territoire national, le tribunal ne transfère à un parent le droit de déterminer son nom conformément au paragraphe 2 que si un parent ou l'enfant le demande ou s'il est nécessaire d'inscrire le nom de l'enfant sur un acte de l'état civil allemand ou sur un papier d'identité allemand.»

    17.

    L’article 1617, paragraphe 1, exclut donc la possibilité de combiner les noms de famille des deux parents afin de former un nom composé nouveau. Il ne s’oppose cependant pas à la transmission d’un nom composé existant, déjà porté par l’un des parents ( 14 ).

    La jurisprudence de la Cour

    18.

    Le droit communautaire ne suscite pas souvent de questions relatives à la détermination des noms de famille. On trouve cependant deux demandes préjudicielles antérieures dans ce domaine — les affaires Konstantinidis ( 15 ) et Garcia Avello ( 16 ) — ainsi qu’une première demande dans la présente affaire ( 17 ).

    19.

    Dans l’affaire Konstantinidis, la Cour a jugé contraire à l’interdiction de discrimination à raison de la nationalité qu’un ressortissant grec soit contraint d’utiliser, dans le cadre de son activité professionnelle dans un autre État membre, une translittération de son nom qui en affectait la prononciation, dans la mesure où il en résultait un risque que des clients potentiels puissent le confondre avec d’autres personnes.

    20.

    Dans l’affaire Garcia Avello, elle a considéré que les articles 12 CE et 17 CE s’opposaient à ce que les autorités belges rejettent une demande, déposée au nom d’enfants mineurs résidant en Belgique mais ayant la double nationalité belge et espagnole, visant à obtenir que le nom de famille de ces enfants soit transformé dans le nom auquel ils avaient droit conformément à la loi et à la tradition espagnoles.

    Les faits et la procédure

    21.

    Le petit Leonhard Matthias est né au Danemark en 1998 de Stefan Grunkin et Dorothee Paul. Lui et ses parents n’ont que la nationalité allemande (le simple fait de naître au Danemark ne confère pas automatiquement la nationalité danoise). Pendant la plus grande partie de sa vie, il a surtout vécu au Danemark, où, au début, ses parents vivaient ensemble. Pendant quelques mois, en 2001-2002, il a habité chez eux à Niebüll, en Allemagne. Depuis, il vit surtout avec sa mère à Tønder, Danemark, mais séjourne régulièrement chez son père à Niebüll, à quelque 20 kilomètres de là.

    22.

    À sa naissance, Leonhard Matthias a d’abord été enregistré au Danemark sous le nom de famille «Paul», «Grunkin» servant de «mellemnavn». Quelques mois plus tard, à la demande de ses parents, son nom de famille a été transformé en «Grunkin-Paul» en vertu d’un acte administratif («navnebevis»), un acte de naissance étant délivré à ce nom ( 18 ). Cela était possible parce que l’enfant était domicilié au Danemark aux fins du droit international privé danois, de sorte que le droit danois du fond s’appliquait à la détermination de son nom.

    23.

    Les parents ont souhaité l’enregistrer auprès des autorités allemandes de Niebüll sous le nom «Grunkin-Paul» qui lui avait été donné au Danemark. Se fondant sur la législation allemande qui a été exposée ci-dessus ( 19 ), ces autorités ont refusé de reconnaître ce nom, insistant sur le fait que le nom choisi devait être soit «Grunkin», soit «Paul».

    24.

    Les parents ont attaqué ce refus devant les juridictions allemandes mais ont été déboutés en dernier ressort en 2003.

    25.

    Ensuite, en vertu de l’article 1617, paragraphe 2, du BGB, le Standesamt (bureau de l’état civil) compétent a porté l’affaire devant l’Amtsgericht Niebüll. En tant que Familiengericht, cette juridiction était appelée à désigner le parent habilité à choisir le nom de famille de l’enfant ou dont le nom devait être attribué à l’enfant s’il n’exerçait pas ce choix.

    26.

    Elle se demandait toutefois si la règle de conflit de l’article 10 de l’EGBGB était valide à la lumière des articles 12 CE et 18 CE, dans la mesure où la détermination des noms de famille dépendait uniquement de la nationalité. Elle a donc demandé à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du traité à propos de la compatibilité de l’article 10 de l’EGBGB avec celui-ci ( 20 ).

    27.

    Lors de la procédure devant la Cour, des doutes ont été émis quant à la recevabilité du renvoi préjudiciel, la juridiction nationale semblant agir en tant qu’organe administratif plutôt que juridictionnel.

    28.

    Dans ses conclusions du 30 juin 2005, l’avocat général Jacobs a admis ces doutes, tout en considérant que la Cour devait néanmoins répondre à la question posée ( 21 ). Il a estimé que le cas relevait du droit communautaire et que, bien qu’il n’y eût pas discrimination en raison de la nationalité, il était «totalement incompatible avec le statut et les droits d’un citoyen de l’Union européenne […] de devoir porter des noms différents au regard de la législation de différents États membres» ( 22 ).

    29.

    Par arrêt du 27 avril 2006, laCour s’est déclarée incompétente pour répondre à la question posée parce que la juridiction de renvoi ne pouvait être considérée comme exerçant une fonction juridictionnelle.

    30.

    Le 30 avril 2006, les parents ont de nouveau demandé au Standesamt d’enregistrer leur fils sous le nom de famille «Grunkin-Paul», sous lequel il avait été enregistré au Danemark. Le Standesamt a de nouveau refusé cet enregistrement parce que le droit allemand ne le permettait pas.

    31.

    En application des règles de procédure allemandes, le recours des parents contre ce nouveau refus a été porté devant un autre Amtsgericht, à savoir l’Amtsgericht Flensburg. Cette juridiction relève que le droit allemand ne lui permet pas d’enjoindre à l’officier d’état civil d’enregistrer un nom de famille composé, mais elle a des doutes du même ordre que ceux de l’Amtsgericht Niebüll.

    32.

    Elle demande donc une réponse à la question suivante:

    «À la lumière du principe de non-discrimination énoncé à l'article 12 CE et eu égard à la libre circulation garantie à tout citoyen de l'Union par l'article 18 CE, la règle de conflit allemande prévue à l'article 10 de l'EGBGB peut-elle échapper à la censure dans la mesure où elle rattache les règles régissant le nom d'une personne à la seule nationalité?»

    33.

    M. Stefan Grunkin, les gouvernements allemand, belge, espagnol, français, grec, lituanien, néerlandais et polonais, ainsi que la Commission des Communautés européennes ont présenté des observations écrites. La République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République de Lituanie et le Royaume d’Espagne ainsi que la Commission étaient représentés à l’audience.

    La recevabilité

    34.

    La recevabilité de la présente demande préjudicielle n’est pas formellement mise en cause, même si le gouvernement belge demande a) si la juridiction de renvoi est habilitée à ordonner l’enregistrement d’un nom de famille composé, en particulier lorsqu’une procédure précédente a abouti à une conclusion définitive, et b) si la présente procédure a un caractère sérieux.

    35.

    Le gouvernement allemand ne partage toutefois pas ces doutes. Il explique, avec force détails, que, en droit allemand, la présente procédure au principal est tout à la fois recevable et de nature réellement contentieuse. En substance, les parents de Leonhard Matthias ont introduit un recours (qui n’était pas exclu par l’issue finale de leur précédente action en 2003) contre l’officier d’état civil, afin d’obtenir une décision lui enjoignant d’enregistrer l’enfant sous le nom de «Grunkin-Paul». La juridiction de renvoi a besoin d’une interprétation du droit communautaire afin de savoir si elle peut émettre une telle injonction — et, dans ce cas, il est clair qu’elle exerce une fonction juridictionnelle.

    36.

    Dans ces conditions, il ne me semble pas nécessaire que la Cour examine plus avant la recevabilité de la présente demande préjudicielle.

    Le fond

    Remarques introductives

    37.

    Le droit international privé, malgré son nom, n’est pas un droit international. Il s’agit d’une branche du droit national de chaque ordre juridique. Il fournit un mécanisme ou, plus exactement, une série de mécanismes reliés entre eux, tendant à déterminer, lorsque des situations ou des relations juridiques ont des liens avec plusieurs ordres juridiques, quelles sont les juridictions ou les autres autorités qui sont compétentes, quel est le droit du fond qui doit s’appliquer et quels sont les effets ou la reconnaissance à accorder aux décisions prises, ou aux actes juridiques accomplis, en accord avec les autres ordres juridiques.

    38.

    Comme les situations ou les relations en cause concernent par définition des juridictions différentes, les mécanismes de chaque système juridique interagissent forcément avec ceux d’autres systèmes. Ils peuvent interagir de manière coordonnée ou désordonnée. Lorsqu’ils se coordonnent (ce qui vaut mieux), cela peut être parce que les règles des systèmes juridiques concernés étaient compatibles dès le départ, ou parce qu’ils ont coopéré afin de les rendre compatibles dans le cadre d’un organisme tel que la CIEC ou la Conférence de La Haye sur le droit international privé ( 23 ) ou encore (au sein de l’Union européenne), parce que la législation communautaire a œuvré dans le sens de la compatibilité. Il n’en reste pas moins de nombreux domaines dans lesquels la compatibilité ou l’harmonisation reste incomplète.

    39.

    L’impression globale est donc celle d’un ensemble complexe de mécanismes complexes, qui interagissent dans la complexité, mais pas toujours de manière harmonieuse. Toute modification d’un de ces mécanismes peut affecter un grand nombre d’interactions. Une modification des règles d’un système de droit international privé dans le domaine de la détermination des noms pourrait avoir des répercussions non seulement sur la manière dont ces règles interagissent avec les règles correspondantes d’un autre système, mais aussi sur le fonctionnement de ses propres règles de droit international privé dans les domaines connexes du statut des personnes ou du droit de la famille (avec les modifications qui s’ensuivent dans les interactions entre ces règles et celles d’autres systèmes) ou sur ses règles de fond pertinentes.

    40.

    On ne s’étonnera guère dans ces conditions que la plupart des États membres qui présentent des observations aient invité la Cour à s’abstenir de porter atteinte à la règle allemande de conflit en cause. De plus, quelques commentateurs ont critiqué l’arrêt dans l’affaire Garcia Avello, ainsi que les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll, leur reprochant de méconnaître les conséquences de la position adoptée ( 24 ).

    41.

    Il est clair qu’il s’agit d’une matière dans laquelle la Cour doit procéder avec délicatesse et précaution. Mais le seul fait de devoir procéder avec délicatesse ne signifie pas qu’elle doive se garder d’intervenir du tout.

    42.

    Ainsi que plusieurs États membres l’ont souligné, il s’agit d’un domaine dans lequel la Communauté a le pouvoir d’intervenir — de la même manière que, sur la base des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE, elle a déjà réglementé la compétence ainsi que la reconnaissance et l’exécution des jugements dans les questions de responsabilité parentale ( 25 ) et qu’elle envisage de réglementer le droit applicable aux affaires matrimoniales ( 26 ).

    43.

    Dans ces conditions, il est d’autant plus vrai, ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’affaire Garcia Avello ( 27 ), que «[si], en l'état actuel du droit communautaire, les règles régissant le nom d'une personne relèvent de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit communautaire […] et, en particulier, les dispositions du traité relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres».

    44.

    En conséquence, la Cour ne saurait se soustraire à son devoir d’interpréter le droit communautaire d’une manière qui soit utile aux juridictions nationales comme, en l’occurrence, l’Amtsgericht Flensburg, qui ont pour mission de dire si telle ou telle règle nationale est bien conforme à ce droit.

    45.

    Il est indéniablement vrai que les choses seraient plus simples si une législation communautaire avait été adoptée afin de traiter ce cas (ou si tous les États membres étaient membres de la CIEC et en avaient ratifié toutes les conventions). De plus, une solution législative ou conventionnelle serait appropriée dans un tel domaine. Les discussions qui précèdent l’adoption d’une législation communautaire ou d’accords multilatéraux sont nécessairement plus longues, plus approfondies et plus exhaustives que ce qui est permis dans le contexte d’une demande préjudicielle devant la Cour. Et, compte tenu de la mobilité croissante des citoyens sur tout le territoire de l’Union européenne, qui n’est pas seulement un marché unique, mais aussi un espace unique de liberté, de sécurité et de justice, il est clair que des conflits d’intérêts concernant la détermination et l’usage des noms des personnes peuvent se poser (et se poseront probablement) avec une fréquence accrue, à moins qu’une solution adéquate ne soit trouvée et jusqu’à ce qu’elle le soit. Une telle solution devrait être pleinement réfléchie, et de manière systématique, en tenant dûment compte de toutes ses implications pour tous les ordres juridiques concernés.

    46.

    Mais il n’existe pas encore de solution de ce genre. Actuellement, la Cour doit interpréter le droit communautaire existant dans le domaine de la faculté pour les citoyens de se déplacer et de résider librement sur tout le territoire des États membres, sans subir de discrimination en raison de la nationalité. Elle doit le faire en tenant compte de la situation particulière qui sous-tend l’affaire au principal. Elle devrait prendre garde de ne pas s’ingérer inutilement dans la compétence des États membres en matière de droit international privé. En même temps, elle ne doit pas diluer ou affaiblir la notion de citoyenneté de l’Union — le «statut fondamental des ressortissants des États membres» ( 28 ) — ni vider de leur contenu réel les droits qui découlent de ce statut.

    47.

    Il me semble ici que la question à trancher afin de permettre à la juridiction nationale de statuer dans l’affaire au principal est plus étroitement délimitée qu’il pourrait y paraître à première vue.

    48.

    Premièrement, la règle allemande de fond selon laquelle le nom de famille d’un enfant doit être celui d’un des parents, sans possibilité de combiner les noms des deux, n’est pas en cause en soi. Il n’existe pas de règles communautaires de droit matériel qui puissent s’appliquer dans ce domaine (et il ne semble pas qu’il existe de bases juridiques permettant d’adopter de telles règles), et aucune règle de droit national prescrivant ou proscrivant un certain type de nom ne semble susceptible, en soi, de violer les droits d’un citoyen à la non-discrimination et à la liberté de circulation et de résidence. Il ne peut y avoir de problème que lorsque, dans le cas d’une personne donnée, une telle règle se heurte à une règle d’un autre État membre.

    49.

    Deuxièmement, même si la question de la juridiction nationale est formulée en termes de compatibilité avec le droit communautaire de la règle de conflit figurant à l’article 10 de l’EGBGB, il n’est pas nécessaire, à mon avis, d’examiner la validité de cette disposition considérée globalement, mais seulement la validité de son effet qui, en combinaison avec l’article 1617 du BGB, empêche l’enregistrement d’un nom de famille légalement constitué et déjà enregistré au Danemark.

    50.

    Il s’ensuit que les observations présentées à la Cour par certains États membres, qui défendent avec quelque véhémence la supériorité de la nationalité sur la résidence habituelle en tant que critère de rattachement dans les affaires de statut des personnes (en ce que ce critère est plus stable et plus aisément vérifiable) ne sont pas, à mon avis, directement pertinentes, quelle que soit l’appréciation que l’on peut avoir de leur bien-fondé. La Cour n’a pas à choisir entre les deux critères, et elle ne devrait pas le faire — tout comme, dans l’affaire Garcia Avello, elle n’a pas choisi entre les règles belges et les règles espagnoles pour déterminer le nom de famille d’un enfant ( 29 ). Sa mission spécifique, en l’occurrence, est plutôt d’apprécier la non-reconnaissance d’un nom au regard des normes du droit communautaire.

    51.

    Enfin, il me semble significatif que la procédure au principal porte sur une situation dans laquelle le nom de famille a été déterminé et enregistré à la naissance, conformément au droit danois applicable, puis modifié et enregistré de nouveau peu après la naissance, toujours en accord avec le même droit applicable, avant qu’une demande d’enregistrement ne soit présentée aux autorités allemandes. Il ne s’agit donc pas de modifier, dans l’État membre de la résidence habituelle, un nom déterminé en accord avec le droit de l’État membre dont l’enfant a la nationalité. Le fait que le nom de famille enregistré à l’origine était compatible avec les règles allemandes, alors que le nom révisé ne l’était pas, ne veut pas dire que le premier ait été formé en application de ces règles. Tous les deux ont été formés en application des règles danoises, et les parents de Leonhard Matthias avaient le droit d’exercer tout choix qui leur était ouvert par les règles danoises alors qu’ils résidaient habituellement au Danemark. Ce qu’ils veulent maintenant, ce n’est pas l’enregistrement d’un enfant qui n’a pas encore reçu de nom de famille, mais la transcription dans les registres allemands d’un nom que l’enfant porte déjà, conformément au droit du lieu où il est né et où il a une résidence stable. Et si, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention sur les droits de l’enfant, le nom de Leonhard Matthias devait être enregistré aussitôt après sa naissance au Danemark, il me semble clair, à la lecture de l’article 1617, paragraphe 3, du BGB, qu’il n’existait pas de règle qui exigeât que son nom fût immédiatement inscrit sur un registre allemand ou un document d’identité.

    52.

    Je vais donc considérer l’affaire selon cette approche plus limitée, en recherchant, premièrement, si la situation relève du champ d’application du droit communautaire, deuxièmement, si elle comporte une discrimination en raison de la nationalité ou une ingérence dans le droit de libre circulation et résidence et, troisièmement, si une telle discrimination ou ingérence, à supposer qu’elle existe, peut être justifiée.

    L’applicabilité du droit communautaire

    53.

    Dans ses conclusions dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll ( 30 ), l’avocat général Jacobs a relevé que la Cour avait conclu dans l’affaire Garcia Avello qu’il existait un lien avec le droit communautaire dans le cas des enfants concernés, «qui [étaient] des ressortissants d’un État membre séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre» ( 31 ), et il a estimé que cela valait aussi dans le cas de Leonhard Matthias.

    54.

    Il s’est référé également à l’affirmation contenue dans l’arrêt Zhu et Chen ( 32 ) selon laquelle la situation d’un ressortissant d’un État membre qui est né dans un autre État membre mais qui n’a pas encore fait usage de son droit de libre circulation ne saurait être assimilée à une situation purement interne, le privant ainsi du bénéfice des dispositions de droit communautaire relatives à la liberté de circuler et de résider. La Cour continue ( 33 ) en précisant qu’un enfant peut avoir des droits au titre de ces dispositions avant d’avoir atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même lesdits droits.

    55.

    Il me semble que la situation de l’affaire au principal relève du champ d’application du droit communautaire pour des raisons du même ordre, sinon pour des raisons encore plus fortes.

    56.

    Premièrement, Leonhard Matthias est né, et réside habituellement, dans un État membre, alors qu’il possède (seulement) la nationalité d’un autre État membre.

    57.

    Deuxièmement, en tant que citoyen de l’Union, Leonhard Matthias jouit du droit de libre circulation et résidence conféré par l’ordre juridique communautaire. De plus, à la différence des enfants concernés par les affaires Garcia Avello et Zhu et Chen, il a exercé et continue d’exercer ce droit en résidant tour à tour dans les deux États membres en cause et en se rendant fréquemment d’un État dans l’autre — ainsi que l’y oblige une situation familiale dont il n’a pas la maîtrise.

    58.

    Troisièmement, il a été confronté ce faisant à un conflit entre une règle que lui impose le droit de l’un de ces États membres et un choix ouvert à ses parents, et qu’ils ont légalement exercé, en son nom, en vertu du droit de l’autre État membre.

    59.

    Il est clair qu’un tel cas relève — tant ratione personae que ratione materiae — du champ d’application du droit communautaire, et plus spécialement des règles qui régissent l’exercice par un citoyen de son droit de libre circulation et de son droit à ne pas subir de discrimination.

    Y a-t-il discrimination?

    60.

    Dans ses conclusions dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll ( 34 ), l’avocat général Jacobs a remarqué que la règle litigieuse traitait de la même manière tous ceux qui n’avaient que la nationalité allemande et d’une manière différente, mais sans aucune discrimination en raison de leur nationalité, tous ceux qui avaient (ou dont les parents avaient) plus d’une nationalité.

    61.

    Aucune des parties qui ont déposé des observations dans la présente affaire n’a exprimé de désaccord sur cette remarque. Je m’y rallie aussi.

    62.

    Certes, la règle posée par l’article 10 de l’EGBGB distingue entre les personnes selon leur nationalité, mais ces distinctions sont inévitables dès lors que la nationalité sert de point de rattachement à un certain ordre juridique. En revanche, elle ne discrimine pas en raison de la nationalité. L’objet de l’interdiction de cette discrimination n’est pas de supprimer les distinctions (que la deuxième phrase de l’article 17, paragraphe 1, CE maintient clairement) qui découlent nécessairement du fait que l’on est citoyen d’un certain État membre et pas d’un autre, mais d’exclure d'autres différences de traitement fondées sur la nationalité et qui jouent au détriment d’un citoyen de l’Union.

    63.

    La règle allemande traite tout citoyen de l’Union qui n’a qu’une nationalité selon la loi de l’État membre dont il a la nationalité, alors que (en accord avec l’arrêt Garcia Avello ( 35 )) tous ceux qui ont plus d’une nationalité sont traités différemment de ceux qui n’en ont qu’une, mais toujours conformément aux lois des États membres dont ils ont la nationalité. De plus, le droit allemand du fond peut s’appliquer à toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui réside de manière habituelle en Allemagne et qui le souhaite, de sorte que les citoyens d’autres États membres résidant en Allemagne ne se voient pas refuser un quelconque avantage accordé aux citoyens allemands.

    64.

    Toutefois, l’interdiction de discrimination — le principe d’égalité de traitement — du droit communautaire n’est pas limitée aux questions de nationalité. On la considère communément comme une exigence de portée générale selon laquelle des situations comparables ne doivent pas être traitées différemment et des situations différentes ne doivent pas être traitées de la même manière, à moins que la différence de traitement ne soit objectivement justifiée ( 36 ).

    65.

    Même s’il est clair que la règle litigieuse traite de la même façon tous les cas dans lesquels l’élément qui rattache une personne à un ordre juridique est la nationalité, elle n’étend pas cette égalité de traitement à des cas dans lesquels l’élément de rattachement est la résidence habituelle. Dans la Communauté, les divers ordres juridiques se réfèrent à l’un ou l’autre critère ( 37 ). On peut donc se demander si le principe d’égalité de traitement n’exige pas d’accorder un même poids au critère de la résidence habituelle utilisé en droit danois et à celui de la nationalité appliqué en droit allemand.

    66.

    Il me semble que la réponse doit être affirmative. Sinon, il faudrait décider quel critère est le «meilleur» et doit avoir la prépondérance. C’est là, éventuellement, la tâche du législateur communautaire, pas celle de la Cour. Tant qu’il n’existera pas de règle uniforme, il appartiendra aux États membres de décider quel est l’élément de rattachement qu’ils utiliseront pour déterminer le droit applicable au nom d’une personne, pourvu que, dans l’exercice de cette compétence, ils respectent le droit communautaire.

    67.

    Si le simple fait de choisir la nationalité plutôt que la résidence habituelle (ou l’inverse) comme critère de rattachement n’est pas contraire en soi à l’exigence d’égalité de traitement imposée par l’ordre juridique communautaire, il semble bien que le refus de reconnaître les effets de mesures qui sont valides dans un autre ordre juridique qui emploie un autre élément de rattachement le soit.

    68.

    On pourrait en voir un exemple dans le fait que, si Leonhard Matthias n’était pas né au Danemark, mais dans un État membre appliquant le droit du sol sous une forme renforcée ( 38 ), il aurait pu acquérir la nationalité de cet État membre, et le droit allemand aurait reconnu un nom déterminé selon les règles de cet État. Les citoyens allemands nés dans un autre État membre et enregistrés sous un nom constitué conformément au droit de cet État, qui est l’État où ils résident de manière habituelle, sont ainsi traités différemment selon que l’État leur permet ou non d’acquérir aussi sa nationalité, question qui n’est pas nécessairement liée au critère qu’il emploie lorsqu’il détermine le droit applicable en matière de noms.

    69.

    Donc, si la règle de conflit d’un État membre a pour résultat systématique de refuser de reconnaître un nom de famille donné à un ressortissant de cet État membre conformément aux règles de l’État membre où il est né et où il réside habituellement, qui s’applique en vertu de sa propre règle de conflit, ce refus ne constitue pas une discrimination à raison de la nationalité, interdite par l’article 12 CE. Il n’en est pas moins, à mon avis, contraire au principe général d’égalité de traitement. Ce principe exige que, lorsqu’une situation n’est pas purement interne à un État membre mais implique l’exercice d’un droit garanti par le traité, un élément de rattachement au droit d’un autre État membre ne soit pas traité différemment selon qu’il est fondé (d’après le droit de cet autre État membre) sur la nationalité ou sur la résidence habituelle.

    70.

    On pourrait discerner une autre violation de ce principe général dans le fait que la règle allemande traite de la même manière les situations différentes, d’une part, des citoyens allemands dont le nom n’a pas été déjà enregistré dans un autre État membre et, d’autre part, de ceux dont le nom l’a effectivement été.

    71.

    Toutefois, de même que l’interdiction de discrimination à raison de la nationalité, le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas purement et simplement à toute distinction, quelles que soient les circonstances. Il semble donc nécessaire de se demander si les droits de libre circulation ou résidence de Leonhard Matthias sont affectés.

    Y a-t-il ingérence dans la liberté de mouvement et/ou de résidence?

    72.

    Dans l’affaire Garcia Avello, la Cour a remarqué qu’une «diversité de noms de famille est de nature à engendrer pour les intéressés de sérieux inconvénients d'ordre tant professionnel que privé résultant, notamment, des difficultés à bénéficier dans un État membre dont ils ont la nationalité des effets juridiques d'actes ou de documents établis sous le nom reconnu dans un autre État membre dont ils possèdent également la nationalité» ( 39 ).

    73.

    Un tel inconvénient n’est en aucun cas atténué par le fait qu’une personne n’a la nationalité que de l’un des États membres concernés. Il n’est pas en fait la conséquence de la possession de plusieurs nationalités, mais celle du fait de se déplacer, en tant que citoyen de l’Union, entre des États membres, d’habiter, d’étudier, de travailler, de recevoir des prestations, d’accomplir des formalités administratives, d’ouvrir des comptes bancaires et d’effectuer les nombreux autres actes de la vie courante tour à tour dans chacun d’eux.

    74.

    L’avocat général Jacobs a estimé, dans ses conclusions dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll, que ces difficultés pratiques «constitueront clairement un obstacle [au] droit [de Leonhard Matthias] en tant que citoyen de l’Union de circuler et de résider librement sur le territoire des États membres» ( 40 ). C’est aussi mon avis.

    75.

    Plusieurs États membres ont toutefois soutenu que rien dans la règle de conflit en cause ni dans son application au cas d’espèce n’est intrinsèquement de nature à entraver ou à rendre moins attrayant l’exercice du droit de libre circulation ou résidence ( 41 ). Les parents de Leonhard Matthias pouvaient choisir au Danemark un nom qui fût tout à fait admissible en droit allemand et, de fait, l’enfant aurait reçu un tel nom s’ils n’en avaient pas délibérément décidé autrement. Des parents ne peuvent pas être dissuadés de se rendre dans un autre État membre par la certitude qu’ils seront traités de la même manière que s’ils n’avaient pas exercé leur droit de le faire.

    76.

    En soi, ce raisonnement ne saurait être pris en défaut — et il est probablement vrai qu’il n’existe pas d’État membre dans lequel le nom de famille de Leonhard Matthias, s’il y était né, aurait dû être enregistré sous une forme incompatible avec les règles allemandes de fond.

    77.

    Il me semble toutefois que cet argument manque sa cible. La question n’est pas de savoir si des parents peuvent être dissuadés d’exercer leurs droits de circulation et de résidence, ou gênés dans cet exercice, par des règles susceptibles de s’appliquer à la détermination du nom de leurs enfants, nés ou à naître. Il s’agit plutôt de savoir si un enfant dont la naissance a été légalement enregistrée sous un certain nom, selon les règles de l’État membre où il est né — et qui n’a exercé lui-même aucun choix à propos de cet enregistrement — est exposé à des ennuis ou à des désagréments lorsqu’il exerce ses propres droits de citoyen de l’Union ( 42 ), si l’État membre dont il a la nationalité refuse de reconnaître le nom ainsi enregistré.

    78.

    Il convient de répondre qu’il est bel et bien exposé à des inconvénients. À tout le moins, il y aura un désaccord entre son acte de naissance et ses documents de voyage. Pour une personne qui, à l’instar de Leonhard Matthias, continue de vivre principalement dans l’État membre où elle est née tout en maintenant un lien fort avec celui dont elle a la nationalité, les problèmes iront forcément en s’aggravant. Au cours de sa vie, cette personne obtiendra divers documents sous le nom qui figure sur son acte de naissance, mais elle pourra aussi bien en obtenir d’autres sous le nom reconnu par l’État membre dont elle a la nationalité. Elle pourra étudier et obtenir des diplômes dans les deux États. Elle pourra être immatriculée à la sécurité sociale dans les deux États. Il se peut très bien qu’elle se rende dans un État membre tiers et qu’elle y rencontre des difficultés administratives parce qu’elle porte des noms différents dans différents documents. Et l’on ne saurait ignorer que tant les autorités publiques que les organismes privés sont devenus de plus en plus méfiants depuis quelques années à l’égard de toute situation qui leur paraît sortir de l’ordinaire, ce qui se traduit souvent par de graves désagréments pour ceux qui encourent leur suspicion.

    79.

    Partant, il me semble clair qu’un refus, de la part de l’État membre dont une personne a la nationalité, de reconnaître un nom qui lui a été légalement attribué rend obligatoirement beaucoup plus difficile l’exercice de ses droits, en tant que citoyen de l’Union, de se déplacer et de résider librement sur la totalité du territoire des États membres. Le fait que, ainsi que le souligne la République française, Leonhard Matthias n’a pas encore été réellement empêché ou dissuadé de circuler entre le Danemark et l’Allemagne ne veut pas dire que son droit de le faire n’ait pas été restreint.

    Une justification est-elle possible?

    80.

    Si, en principe, la façon dont le droit allemand est appliqué dans un cas tel que celui de Leonhard Matthias — et je souligne de nouveau que ce dont il s’agit, c’est le refus d’enregistrer le nom de famille qui lui a été légalement attribué au Danemark — est à la fois incompatible avec l’exigence d’égalité de traitement et de nature à interférer avec les droits dont il jouit en tant que citoyen de l’Union, le refus en cause peut-il être justifié?

    81.

    Les justifications envisageables peuvent être réparties entre celles qui sont de nature systématique, susceptibles de légitimer un refus automatique de reconnaissance ou de transcription dès lors que certains critères sont remplis, et celles qui, plus étroitement liées à une situation individuelle, sont susceptibles de justifier des refus au cas par cas.

    82.

    Dans la première catégorie, la République fédérale d’Allemagne a souligné les avantages de ne pas permettre des noms de famille composés combinant ceux des deux parents (car, si cette pratique était admise, les générations à venir pourraient se trouver affublées de noms d’une longueur invraisemblable ( 43 ), constitués de noms déjà composés), et de n’user que de la nationalité comme élément de rattachement pour déterminer le droit applicable au nom d’une personne (en ce que ce critère est plus stable et plus aisément vérifiable que celui de la résidence habituelle) .

    83.

    Ainsi que je l’ai déjà dit, je ne juge pas nécessaire ni utile de me prononcer sur les mérites relatifs des règles de fond et des règles de conflit différentes dans ce domaine. Il me semble pourtant que, en tout état de cause, la République fédérale d’Allemagne ne peut pas faire fond sur de tels arguments, étant donné que la loi allemande n’exclut totalement ni les noms de famille composés pour ses propres ressortissants (si, par exemple, en application de l’article 10, paragraphe 3, de l’EGBGB, le nom est déterminé en accord avec le droit national d’un parent qui a une autre nationalité) ni le recours à la résidence habituelle comme critère de rattachement (de nouveau, en application de l’article 10, paragraphe 3, de l’EGBGB, le droit allemand peut s’appliquer, même en l’absence de la nationalité allemande, si l’un des parents réside en Allemagne ( 44 )). Reconnaître le nom de famille composé de Leonhard Matthias, qui lui a été légalement donné dans l’État membre où il est né et où il réside habituellement, ne semble donc heurter aucune règle de principe du droit allemand ( 45 ).

    84.

    Encore dans la catégorie des justifications à caractère systématique, la République de Lituanie (qui, par ailleurs, estime que les conséquences des règles allemandes ne sont pas contraires au droit communautaire) soutient qu’aucun État membre ne devrait être tenu de reconnaître des noms attribués à ses ressortissants conformément à un droit étranger si ces noms sont incompatibles avec la structure de sa langue nationale, élément fondamental de son patrimoine national. Les noms de famille lituaniens prennent des formes différentes selon qu’ils sont portés par un homme ou par une femme et, dans le second cas, si cette femme est mariée ou célibataire. Ces différences sont inhérentes à la structure de la langue et des formes déviantes sont inacceptables pour des raisons d’ordre public.

    85.

    Il ne m’apparaît pas nécessaire de me prononcer sur cet argument dans le présent contexte. Rien ne laisse à penser qu’un nom de famille composé tel que «Grunkin-Paul» heurte les valeurs fondamentales de la langue allemande. Je note, toutefois, que la Cour européenne des droits de l’homme a souligné l’importance des considérations afférentes à la langue nationale en matière de nom des personnes et a admis qu’il pouvait être justifié d’imposer des règles d’ordre linguistique ( 46 ).

    86.

    Pour ce qui est des circonstances de nature à justifier un refus de reconnaissance ou de transcription dans un cas particulier, il y a plusieurs possibilités. Il va de soi qu’il semblerait légitime de refuser d’enregistrer un nom de famille qui fût ridicule ou offensant d’une manière quelconque. Si un droit national excluait totalement la possibilité que les membres d’une fratrie portent des noms différents, on pourrait peut-être justifier le refus d’enregistrer un nom lorsque cela créerait une telle situation. On pourrait aussi justifier le refus de reconnaître un nom donné conformément au droit d’un État membre auquel l’enfant est rattaché par sa naissance mais pas par sa nationalité, s’il apparaît que le lieu de naissance n’a été choisi que pour contourner les règles de l’État membre de la nationalité, sans qu’il existe de rattachement réel avec ce lieu ( 47 ).

    87.

    Toutefois, rien ne laisse à penser que, en l’occurrence, nous nous trouvions dans l’un de ces cas. Il apparaît notamment que le lien de Leonhard Matthias avec le Danemark, où il a passé la plus grande partie de sa vie et où, on peut le supposer, il s’est fait des amis et a trouvé des racines, est réel et stable. À cet égard — et cela vaut pour tout refus dans des circonstances comparables d’enregistrer un nom sur la base d’éléments spécifiques au cas d’espèce —, je rappellerai que, pour les autorités et les juridictions allemandes, de même que pour celles de tous les États membres, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ( 48 ). Il me semble probable, en tout état de cause, qu’il est certainement dans l’intérêt de Leonhard Matthias, qui approche maintenant de son dixième anniversaire, que le nom de famille qu’il a porté pendant presque toute sa vie dans l’État membre où il réside habituellement et de manière stable soit reconnu par les autorités de l’État membre dont il a la nationalité.

    Remarques finales

    88.

    Je suis ainsi parvenue à la conclusion que la Cour devrait interpréter le droit communautaire, dans le contexte du droit pour un citoyen de circuler et de résider librement dans toute l’Union européenne, et de ne pas subir de discrimination dans l’exercice de ce droit, en ce sens que, dans la procédure au principal, le nom de famille de Leonhard Matthias, Grunkin-Paul, légalement enregistré au Danemark il y a plus de neuf ans, doit être enregistré en Allemagne.

    89.

    Il est bien sûr vrai que, dans une procédure préjudicielle, la Cour a pour mission de donner une interprétation du droit communautaire et non d’appliquer ce droit à la situation de fait qui sous-tend la procédure au principal, et que le but de cette procédure est de garantir une interprétation et une application uniformes du droit communautaire dans tous les États membres. Autrement dit, la Cour ne peut trancher elle-même l’affaire particulière dont la juridiction de renvoi est saisie, mais sa décision déterminera tant l’issue de cette affaire que celle d’autres actions similaires éventuellement introduites devant d’autres juridictions nationales.

    90.

    C’est à propos de ce dernier aspect que j’ai souligné qu’il convenait de faire preuve en l’occurrence d’une certaine prudence. Si je suis entièrement d’accord avec l’avocat général Jacobs lorsqu’il déclare qu’il est «totalement incompatible avec le statut et les droits d’un citoyen de l’Union européenne — qui, selon l’expression utilisée par la Cour, ‘a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres’ — de devoir porter des noms différents au regard de la législation de différents États membres» ( 49 ), j’admets aussi la préoccupation, largement exprimée, que l’édifice délicat du droit international privé concernant le statut des personnes au sein de l’Union européenne ne soit frappé de complète confusion.

    91.

    Je souhaite donc souligner que mon approche ne requerrait aucune modification importante des règles de fond et des règles de conflit allemandes en matière de noms, mais exigerait seulement qu’elles admettent plus libéralement la reconnaissance du choix antérieur d’un nom effectué conformément aux lois d’un autre État membre. Dans cette mesure, il ne s’agirait de rien d’autre que d’appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle qui est à la base d’une bonne partie des règles communautaires, non seulement dans le domaine économique, mais aussi en matière civile.

    92.

    De plus, je préconiserais en l’occurrence une décision qui soit non seulement adaptée au type particulier de situation dans lequel se trouve Leonhard Matthias, mais qui admette aussi des exceptions d’ordre public légitimes (même si, en l’occurrence, je ne pense pas que des exceptions valables aient été soulevées en ce qui concerne la manière dont les règles allemandes en cause sont appliquées à l’heure actuelle).

    93.

    Enfin, j’aimerais souligner que, si la détermination du nom d’une personne relève du champ d’application des lois relatives au statut des personnes, il s’agit d’un aspect assez particulier au sein de ce domaine. Il concerne l’identification, qui est une matière distincte du statut ou de la capacité juridiques. En conséquence, je ne pense pas qu’une décision portant sur les noms devrait nécessairement être étendue par extrapolation à ces autres matières.

    Conclusion

    94.

    À la lumière des considérations énoncées ci-dessus, je suggère à la Cour de répondre ainsi aux questions posées par l’Amtsgericht Flensburg:

    «—

    Une règle de conflit selon laquelle le nom d’une personne doit être déterminé conformément au droit de l’État dont cette personne a la nationalité n’est pas incompatible en soi avec les articles 12 CE, 17 CE et 18 CE.

    Cependant, une telle règle doit être appliquée d’une manière qui respecte le droit de tout citoyen de l’Union de circuler et de résider librement sur le territoire des États membres.

    Ce droit n’est pas respecté si ce citoyen a été enregistré sous un nom conformément au droit applicable de son lieu de naissance avant qu’il ne devienne nécessaire de l’enregistrer ailleurs et qu’il est ensuite obligé de faire enregistrer un autre nom dans un autre État membre.

    En conséquence, les autorités d’un État membre n’ont pas le droit, lorsqu’elles enregistrent le nom d’un citoyen de l’Union, de refuser systématiquement de reconnaître un nom sous lequel il a déjà été légalement enregistré, conformément aux règles d’un autre État membre, à moins que la reconnaissance de ce nom ne se heurte à des raisons impératives d’intérêt public qui ne souffrent aucune exception.»


    ( 1 ) Langue originale: l’anglais.

    ( 2 ) Actuellement, l’article 65 CE autorise à arrêter certaines dispositions «dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur». Cette limitation ne figurera plus dans l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui est appelé à remplacer l’article 65 CE et qui comporte une disposition particulière relative aux mesures concernant le droit de la famille qui ont des implications transfrontières.

    ( 3 ) Arrêt du 2 octobre 2003 (C-148/02, Rec. p. I-11613).

    ( 4 ) Parmi les États membres, il apparaît que le Royaume de Danemark, la République de Finlande et la République de Lituanie emploient le critère du domicile (c’est-à-dire la résidence habituelle, qui diffère de la notion de domicile dans les systèmes de «common law»), alors que le droit grec renvoie dans certains cas au droit applicable au lieu de la dernière résidence commune des parents.

    ( 5 ) Il semble que ce soit le cas de la plupart des autres États membres. L’Irlande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, toutefois, n’ont pas de règle de conflit spécifique — en pratique, leur droit interne est suffisamment souple pour admettre des noms constitués en vertu de n’importe quel ordre juridique.

    ( 6 ) Conventions de la CIEC no 4, relative aux changements de noms et de prénoms, du 4 septembre 1958; no 19, sur la loi applicable aux noms et prénoms, du 5 septembre 1980,  et no 21, relative à la délivrance d'un certificat de diversité de noms de famille, du 8 septembre 1982.

    ( 7 ) Convention de la CIEC no 31, sur la reconnaissance des noms, du 16 septembre 2005.

    ( 8 ) Convention du 20 novembre 1989, ratifiée par tous les États membres.

    ( 9 ) JO 2000, C 364, p. 1 (plus récemment, JO 2007, C 303, p. 1).

    ( 10 ) Du 16 décembre 1966, également ratifié par tous les États membres.

    ( 11 ) Depuis, cette loi a été remplacée, avec effet au 1er avril 2006, par la loi no 524 du 24 juin 2005 (loi sur les noms, navnelov), qui élargit les possibilités de choix.

    ( 12 ) D’après l’article 1355, ce nom de famille ne peut être que celui d’un des deux époux, et non une combinaison des deux.

    ( 13 ) Appellation de l’Amtsgericht lorsqu’il siège en tant que tribunal des affaires familiales.

    ( 14 ) Le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle) a dit pour droit que les articles 1616 et 1617 n’étaient pas inconstitutionnels dans la mesure où ils s’opposent à ce qu’un enfant porte un nom de famille composé constitué de ceux de ses deux parents (arrêt du 30 janvier 2002, 1 BvL 23/96, BVerfGE 104, p. 373).

    ( 15 ) Arrêt du 30 mars 1993 (C-168/91, Rec. p. I-1191).

    ( 16 ) Précitée note 3.

    ( 17 ) Arrêt du 27 avril 2006, Standesamt Stadt Niebüll (C-96/04, Rec. p. I-3561) (voir ci-après, points 21 à 29).

    ( 18 ) Selon Stefan Grunkin, les parents avaient déclaré au départ Leonhard Matthias sous le nom de «Grunkin-Paul», et cette modification a été effectuée afin que l’acte de naissance soit conforme à cette intention. En conséquence, les noms des deux parents constitueraient le nom de famille de l’enfant et aucun d’eux ne serait un simple «mellemnavn».  Quoi qu’il en soit, il convient de partir de la prémisse que le droit danois permettait aux parents de choisir le nom «Grunkin-Paul».

    ( 19 ) Points 15 et 16.

    ( 20 ) Arrêt Standesamt Stadt Niebüll, précité à la note 17.

    ( 21 ) Points 30 à 44 de ses conclusions.

    ( 22 ) Points 45 à 56.

    ( 23 ) Dont tous les États membres et la Communauté européenne en tant que telle sont membres (voir décision 2006/719/CE du Conseil, du 5 octobre 2006, JO L 297, p. 1).

    ( 24 ) Voir, par exemple, les commentaires sur l’affaire Garcia Avello de Mathias Audit, au Recueil Dalloz 2004, p. 1476, point 20, et de Thomas Ackermann, dans la Common Market Law Review, 2007, p. 141, et notamment p. 153, et, sur les conclusions dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll, de Dieter Heinrich, dans Praxis des internationale Privat- und Verfahrensrechts, 2005, p. 422.

    ( 25 ) Actuellement, au moyen du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO L 338, p. 1).

    ( 26 ) Proposition de règlement du Conseil [(COM(2006) 399 final)] modifiant le règlement no 2201/2003 en ce qui concerne la compétence et instituant des règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale, dont la motivation évoque «l’accroissement de la mobilité des citoyens au sein de l’Union européenne [qui] a entraîné une augmentation du nombre de couples internationaux, c'est-à-dire de couples dans lesquels les conjoints sont de nationalités différentes ou résident dans des États membres différents ou dans un État membre dont au moins l’un des deux n’est pas ressortissant». C’est le contexte même de la présente affaire.

    ( 27 ) Au point 25.

    ( 28 ) Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31). Cette formulation a été fréquemment reprise depuis et, très récemment, dans l’arrêt du 11 décembre 2007, Eind (C-291/05, Rec. p. I-10719, point 32).

    ( 29 ) Certes, au point 42 de l’arrêt, elle commente la raison d’être des deux systèmes et la façon dont chacun semblait adapté à cette raison d’être, mais elle n’a pas tiré de conclusion sur leurs bien-fondés respectifs.

    ( 30 ) Aux points 48 et 49.

    ( 31 ) Point 27 de l’arrêt.

    ( 32 ) Arrêt du 19 octobre 2004 (C-200/02, Rec. p. I-9925, point 19).

    ( 33 ) Au point 20.

    ( 34 ) Au point 53.

    ( 35 ) Points 32 à 35.

    ( 36 ) Voir point 31 de l’arrêt Garcia Avello et jurisprudence citée. La Cour a été critiquée (voir Ackermann, cité note 24 ci-dessus, p. 149) pour avoir étendu dans l’affaire Garcia Avello la notion générale, «aristotélicienne», d’égalité de traitement à l’interdiction spécifique de discrimination en raison de la nationalité de l’article 12 CE. Sans juger du bien-fondé de cette critique, je me réfère ici au principe général de manière autonome.

    ( 37 ) De fait, le règlement no 2201/2003 (article 3) permet de choisir entre les deux critères lors de la détermination de la compétence en matière de dissolution du mariage, et la proposition modificative de la Commission (précitée note 26, projet de nouvel article 20 bis) ouvrirait un choix lors de la détermination du droit applicable.

    ( 38 ) Par exemple, l’Irlande — voir arrêt Zhu et Chen, précité, point 9.

    ( 39 ) Point 36 de l’arrêt.

    ( 40 ) Point 54 des conclusions.

    ( 41 ) Voir, par analogie, à titre d’exemples, arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32), ou du 9 septembre 2003, Burbaud (C-285/01, Rec. p. I-8219, point 95).

    ( 42 ) Voir affaires Garcia Avello et Zhu et Chen, dans lesquelles la Cour a souligné les droits des enfants.

    ( 43 ) Il semble que le nom le plus long qui ait été enregistré au Royaume-Uni soit Temple-Nugent-Brydges-Chandos-Grenville, nom porté par les ducs de Buckingham et Chandos de 1822 à 1889, date à laquelle le titre s’est éteint — peut-être en raison d’une surabondance de noms. Dans la plupart des familles, toutefois, on s’arrange pour éviter de tels excès.

    ( 44 ) Il est intéressant de noter une affaire signalée par le secrétaire général de la CIEC lors de son assemblée générale d’Édimbourg le 15 septembre 2004. Le 16 février 2004, le tribunal administratif de Luxembourg a annulé une décision des autorités luxembourgeoises refusant que l’enfant d’un couple luxembourgeois résidant en Allemagne soit enregistré à Luxembourg sous le nom de famille de la mère. Le couple avait choisi ce nom comme nom de famille unique (voir point 16 et note 12 ci-dessus) et l’enfant, né en Allemagne, y avait été enregistré sous ce nom, le tout conformément à la loi allemande, qui pouvait s’appliquer, en vertu de ses propres règles de conflit, en tant que loi du lieu de résidence. La juridiction luxembourgeoise a estimé qu’une telle situation ne devait pas être considérée comme contraire à l’ordre public luxembourgeois.

    ( 45 ) On comparera avec le point 44 de l’arrêt Garcia Avello, dans lequel la Cour a souligné que le refus systématique des autorités belges d’accorder un changement d’état civil était manifestement disproportionné, étant donné que des dérogations étaient possibles dans des cas comparables.

    ( 46 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Bulgakov c. Ukraine du 11 septembre 2007, no 59894, point 43), ainsi que la jurisprudence qui y est citée.

    ( 47 ) Je reconnais qu’admettre une telle justification créerait quelque opposition avec l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Zhu et Chen, précitée note 32, points 34 et suiv., où elle écartait l’argument selon lequel il n’était pas possible de se fonder sur la nationalité d’un État membre acquise au titre de la naissance dans un lieu choisi délibérément à cette unique fin. Toutefois, le raisonnement de la Cour dans cette affaire reposait sur le droit de tout État membre à fixer les conditions d'acquisition de la nationalité et ne concernait pas l'utilisation de la nationalité ou de tout autre critère en tant qu'élément de rattachement aux fins du droit international privé. Voir, également, arrêt du 7 juillet 1992, Singh (C-370/90, Rec. p. I-4265, point 24) et jurisprudence citée.

    ( 48 ) Voir point 9 ci-dessus.

    ( 49 ) Conclusions dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll, point 56, citant l’arrêt du 15 mars 2005, Bidar (C-209/03, Rec. p. I-2119, point 31).

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