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Document 62004CJ0418

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 13 décembre 2007.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Manquement d’État - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Articles 4 et 10 - Transposition et application - IBA 2000 - Valeur - Qualité des données - Critères - Marge d’appréciation - Directive 92/43/CEE - Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages - Article 6 - Transposition et application.
Affaire C-418/04.

Recueil de jurisprudence 2007 I-10947

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:780

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C-418/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 29 septembre 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Doherty et M. van Beek, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M me E. Cogan, barrister, et de M. G. Hogan, SC,

partie défenderesse,

soutenue par:

République hellénique, représentée par M me E. Skandalou, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume d’Espagne, représenté par M me N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, R. Schintgen, M me R. Silva de Lapuerta et M. P. Kūris (rapporteur), juges,

avocat général: M me J. Kokott,

greffier: M me L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en omettant:

– de classer, depuis 1981, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/49/CE de la Commission, du 29 juillet 1997 (JO L 223, p. 9, ci-après la «directive ‘oiseaux’»), l’ensemble des territoires les plus appropriés en nombre et en superficie pour les espèces visées à l’annexe I de ladite directive (ci-après l’«annexe I»), ainsi que pour les espèces migratrices dont la venue est régulière;

– de mettre en place, depuis 1981, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux», le statut juridique de protection nécessaire pour ces territoires;

– d’assurer, depuis 1981, l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» aux zones devant être classées en zones de protection spéciale (ci-après les «ZPS») en vertu de ladite directive;

– de transposer et d’appliquer intégralement et correctement les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux»;

– pour ce qui concerne les ZPS classées en vertu de la directive «oiseaux», de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive ‘habitats’»), et, pour ce qui concerne l’usage à des fins récréatives de tous les sites devant relever de l’article 6, paragraphe 2, de cette dernière directive, de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions dudit article 6, paragraphe 2, et

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 10 de la directive «oiseaux»,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles susmentionnés desdites directives.

2. Par ordonnance du président de la Cour du 17 mars 2005, la République hellénique et le Royaume d’Espagne ont été admis à intervenir à l’appui des conclusions de l’Irlande, laquelle demande à la Cour de rejeter le recours ou, le cas échéant, de limiter la portée de tout arrêt rendu aux questions spécifiques sur lesquelles elle estime que l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives concernées.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

La directive «oiseaux»

3. Le neuvième considérant de la directive «oiseaux» énonce que «la préservation, le maintien ou le rétablissement d’une diversité et d’une superficie suffisantes d’habitats sont indispensables à la conservation de toutes les espèces d’oiseaux; que certaines espèces d’oiseaux doivent faire l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution; que ces mesures doivent également tenir compte des espèces migratrices et être coordonnées en vue de la constitution d’un réseau cohérent».

4. Aux termes de l’article 4 de la directive «oiseaux»:

«1. Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte:

a) des espèces menacées de disparition;

b) des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats;

c) des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte;

d) d’autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat.

Il sera tenu compte, pour procéder aux évaluations, des tendances et des variations des niveaux de population.

Les États membres classent notamment en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces dernières dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive.

2. Les États membres prennent des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. À cette fin, les États membres attachent une importance particulière à la protection des zones humides et tout particulièrement de celles d’importance internationale.

[…]

4. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2 la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. En dehors de ces zones de protection, les États membres s’efforcent également d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats.»

5. L’article 10 de la directive «oiseaux» dispose:

«1. Les États membres encouragent les recherches et les travaux nécessaires aux fins de la protection, de la gestion et de l’exploitation de la population de toutes les espèces d ’oiseaux visées à l’article 1 er .

2. Une attention particulière sera accordée aux recherches et aux travaux portant sur les sujets énumérés à l’annexe V. Les États membres adressent à la Commission toutes les informations nécessaires de manière à ce qu’elle puisse prendre les mesures appropriées en vue de la coordination des recherches et travaux visés au présent article.»

6. Les sujets des recherches et des travaux énumérés à l’annexe V de la directive «oiseaux» sont les suivants:

«a) Établissement de la liste nationale des espèces menacées d’extinction ou particulièrement en danger en tenant compte de leur aire de répartition géographique;

b) recensement et description écologique des zones d’importance particulière pour les espèces migratrices au cours de leur migration, de leur hivernage et de leur nidification;

c) recensement des données sur le niveau de population des oiseaux migrateurs en utilisant les résultats du baguage;

d) détermination de l’influence des modes de prélèvement sur le niveau des populations;

e) mise au point et développement de méthodes écologiques pour prévenir les dommages causés par les oiseaux;

f) détermination du rôle de certaines espèces comme indicateur de pollution;

g) étude des effets dommageables de la pollution chimique sur le niveau de population des espèces d’oiseaux.»

La directive «habitats»

7. L’article 6 de la directive «habitats» est libellé comme suit:

«[…]

2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4. Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

La réglementation nationale

L’European Communities Act

8. La loi de 1972 relative aux Communautés européennes (European Communities Act 1972, ci-après l’«European Communities Act») habilite les ministres à légiférer indépendamment du Parlement national lorsque des obligations de droit communautaire l’exigent.

La Wildlife Act

9. L’article 11, paragraphes 1 et 3, de la loi de 1976 sur la faune et la flore sauvages (Wildlife Act 1976), dans sa version résultant de la loi modificative de 2000 [Wildlife (Amendment) Act 2000, ci-après la «Wildlife Act»], dispose:

«1. Il appartient au ministre de garantir la conservation de la vie sauvage et de promouvoir la conservation de la diversité biologique.

[…]

3. Le ministre peut, soit directement, soit en association avec un tiers ou par son intermédiaire:

a) effectuer ou faire effectuer les travaux de recherche qu’il considère utiles pour l’exercice de ses fonctions en vertu de la présente loi;

[…]»

10. Les articles 15 à 17 de la Wildlife Act accordent au ministre compétent le pouvoir de créer par arrêté des réserves naturelles sur des terrains faisant partie du domaine public. Cette loi habilite également le ministre à reconnaître des réserves naturelles établies sur d’autres terrains et à désigner des terrains en tant que refuges faunistiques.

Le règlement «oiseaux»

11. Le règlement de 1985 relatif à la conservation des oiseaux sauvages des Communautés européennes [European Communities (Conservation of Wild Birds) Regulations 1985, ci-après le «règlement ‘oiseaux’»] interdit le dépôt de nourriture, de déchets et de substances nocives dans les ZPS concernées.

Le règlement «habitats»

12. Le préambule du règlement de 1997 relatif aux habitats naturels des Communautés européennes [European Communities (Natural Habitats) Regulations 1997, tel que modifié par la loi modificative de 2000 [Wildlife (Amendment) Act 2000, ci-après le «règlement ‘habitats’»], indique que celui-ci a été adopté en vue de donner effet, en droit interne, à la directive «habitats».

13. L’article 2 du règlement «habitats» désigne en tant que site européen: a) un site notifié aux fins de l’article 4 […] de ce règlement; b) un site adopté par la Commission comme site d’importance communautaire aux fins de l’article 4, paragraphe 2, de la directive «habitats», selon la procédure prévue à l’article 21 de la même directive; c) une zone de conservation spéciale, et d) une zone classée au titre de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux».

14. L’article 4 de ce règlement dispose:

«1. Le ministre communique un exemplaire de la liste des sites européens candidats ou une liste modifiée conformément à l’article 3, paragraphe 3, au ministre de l’Environnement, au ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts, au ministre des Affaires maritimes, au ministre du Transport, de l’Énergie et des Communications, aux Commissioners of Public Works in Ireland (Office irlandais des travaux publics), à l’Environmental Protection Agency (Agence de protection de l’environnement) et à toute autorité compétente en matière d’aménagement dans le ressort de laquelle est situé le terrain ou toute partie du terrain visé dans la liste, et consulte, le cas échéant, l’ensemble ou certaines de ces instances.

2. a) Le ministre notifie à chaque propriétaire et occupant de tout terrain figurant dans la liste des sites européens candidats et à chaque titulaire d’une licence valide de prospection ou d’exploration dûment délivrée par un acte officiel concernant ledit terrain la proposition d’inclure ce dernier dans ladite liste et de transmettre la liste à la Commission en application des dispositions de la directive habitats;

b) lorsqu’il n’est pas possible de déterminer, après recherche normale, l’adresse d’une personne à laquelle s’applique le point a) du présent paragraphe, des avis et des cartes faisant apparaître le site concerné seront affichés à un emplacement bien visible:

i) d’un ou de plusieurs des postes de la Garda Siochana, des bureaux des administrations locales, des bureaux locaux du ministère de la Sécurité sociale, des bureaux locaux du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts et des bureaux de Teagasc situés dans ou le long du site concerné, ou

ii) si aucun poste ou bureau de ce type [n’est situé] à cet endroit, dans un ou plusieurs postes ou bureaux situés à proximité ou dans les environs du site, et

des avertissements seront diffusés sur au moins une des stations de radio émettant dans la zone du site concerné et publiés dans au moins un des journaux circulant dans cette zone, ces avertissements invitant toute personne affectée par la liste des sites proposés comme sites européens à prendre contact avec le ministère des Arts, de la Culture et du Gaeltacht.

[…]

3. Pour chacun des sites, la liste des sites proposés comme sites européens envoyée par le ministre au titre du paragraphe 1 et la notification émise par le ministre au titre du paragraphe 2:

a) seront accompagnées d’une carte d’état-major d’une échelle appropriée aux circonstances sur laquelle le site sera délimité de manière à permettre l’identification des propriétés comprises dans le site auquel se rapporte l’avis ainsi que ses limites;

b) indiquera les opérations ou les activités dont le ministre considère qu’elles sont susceptibles d’altérer, d’endommager, de détruire ou d’interférer avec l’intégrité du site;

c) indiquera le ou les types d’habitats ou les espèces que le site abrite et pour lesquels sa reconnaissance comme site d’importance communautaire a été proposée;

d) indiquera les procédures de recours ouvertes aux personnes.

[…]»

15. L’article 5 dudit règlement confère à chaque destinataire d’une notification, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du même règlement, le droit de contester l’inscription du site sur la liste des sites européens candidats et définit la procédure à suivre pour statuer sur ces objections.

16. L’article 7 du règlement «habitats» prévoit que le ministre peut nommer des «agents autorisés» pour pénétrer sur les terrains et les inspecter.

17. L’article 9 de ce règlement dispose:

«1. Au plus tard six ans après la date d’adoption d’un site par la Commission conformément à la procédure établie à l’article 4, paragraphe 2, de la directive habitats, le ministre désigne ce site comme zone spéciale de conservation et publie ou fait publier dans l’ Iris Oifigiúil une copie de chacune de ces désignations.

[…]»

18. L’article 13 dudit règlement est rédigé comme suit:

«1. Le ministre arrête les mesures de conservation qu’il juge appropriées au sujet des zones spéciales de conservation désignées en vertu de l’article 9 et notamment, le cas échéant, des plans de gestion soit expressément conçus pour les sites soit intégrés dans des plans appropriés.

2. Le ministre arrête les mesures administratives ou contractuelles qui correspondent aux besoins écologiques des types d’habitats naturels visés à l’annexe I de la directive habitats et des espèces visées à l’annexe II de ladite directive qui sont présents sur les sites concernés.

3. Le ministre prend les dispositions utiles pour éviter, dans les zones spéciales de conservation désignées en vertu de l’article 9, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles ces zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la directive habitats.»

19. Aux termes de l’article 14 du règlement «habitats»:

«1. Il est interdit d’effectuer, de faire effectuer ou de poursuivre, sur toute propriété appartenant à une zone spéciale de conservation ou à un site figurant sur une liste conformément au chapitre I de la présente partie, une opération ou une activité mentionnée dans un avis émis au titre de l’article 4, paragraphe 2, à moins que l’opération ou l’activité ne soit effectuée, demandée, autorisée ou poursuivie par le propriétaire, l’occupant ou l’utilisateur du lieu et que:

a) l’un d’eux a adressé au ministre une proposition écrite quant à l’opération ou l’activité à effectuer en précisant leur nature et la propriété sur laquelle il est proposé de l’effectuer, et

b) l’une des conditions précisées au paragraphe 2 est remplie.

2. Les conditions visées au paragraphe 1 sont les suivantes:

a) l’opération ou l’activité est effectuée avec le consentement écrit du ministre, ou

b) l’opération ou l’activité est effectuée conformément à l’accord de gestion prévu à l’article 12.

3. Toute personne qui, sans cause d’excuse raisonnable, contrevient aux dispositions du paragraphe 1 commettra un délit.

4. Les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux opérations ou activités visées à l’article 15, paragraphe 2.»

20. L’article 15 de ce règlement dispose, à son paragraphe 1, que si elles sont saisies d’une demande d’autorisation au titre de l’article 14 du même règlement et que l’activité envisagée est susceptible d’avoir des incidences considérables sur le site, les autorités irlandaises doivent en évaluer les implications pour le site eu égard aux objectifs de conservation le concernant. Cet article 15 prévoit en outre, à son paragraphe 2, que si l’activité envisagée a déjà fait l’objet d’une autorisation en vertu d’une autre législation, le ministre compétent sous l’autorité duquel l’autorisation a été délivrée doit évaluer cette activité et, le cas échéant, modifier ou annuler ladite autorisation.

21. L’article 16 dudit règlement prévoit que, si l’évaluation visée à l’article 15 de celui-ci établit que l’activité envisagée aurait un effet néfaste sur le site, celle-ci ne doit pas être autorisée. Une exception est cependant prévue pour «des raisons impératives d’intérêt public majeur».

22. L’article 17 du règlement «habitats» prévoit:

«1. Si le ministre estime qu’est effectuée ou est susceptible d’être effectuée sur:

a) un site figurant sur une liste conformément au chapitre I de la présente partie, ou

b) un site où une consultation a été organisée conformément à l’article 5 de la directive habitats, ou

c) un site européen,

une opération ou activité, qui n’est pas directement liée à la gestion de ces sites ou nécessaire à celle-ci, mais qui est susceptible d’avoir sur ceux-ci un effet significatif, que ce soit isolément ou en combinaison avec d’autres opérations ou activités, le ministre s’assurera que soit entreprise une évaluation appropriée des implications pour le site de cette opération ou de cette activité, compte tenu des objectifs de conservation de ce site.

2. Aux fins du présent article, une étude d’impact environnemental sera considérée comme une évaluation appropriée.

3. Si le ministre, tenant compte des conclusions de l’évaluation effectuée conformément au paragraphe 1, estime que l’opération ou l’activité est de nature à nuire à l’intégrité du site concerné, il introduira un recours devant la juridiction compétente en vue d’empêcher la poursuite de l’opération ou de l’activité.

4. Le recours introduit devant la juridiction compétente le sera en référé et la juridiction saisie de l’affaire pourra (le cas échéant) rendre une décision provisoire ou avant-dire-droit si elle l’estime approprié compte tenu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats ainsi que de la nécessité en général de préserver l’intégrité du site concerné et d’assurer la cohérence globale du réseau Natura 2000.

5. Aux fins de la présente section, on entend par ‘juridiction compétente’ soit un Judge de la Circuit Court dans le ressort de laquelle sont situées les propriétés ou parties de propriétés concernées, soit la High Court.»

23. L’article 18 de ce règlement est rédigé comme suit:

«1. Si est effectuée ou proposée sur une propriété qui n’est pas comprise dans:

a) un site figurant sur une liste conformément au chapitre I de la présente partie, ou

b) un site où une consultation a été organisée conformément à l’article 5 de la directive habitats, ou

c) un site européen,

une opération ou une activité susceptible de nuire à l’intégrité du site concerné, que ce soit isolément ou en combinaison avec d’autres opérations ou activités, le ministre s’assurera que soit entreprise une évaluation appropriée des implications pour le site de cette opération ou de cette activité, compte tenu des objectifs de conservation de ce site.

2. Les dispositions de l’article 17, paragraphes 2 à 5, s’appliqueront en tenant compte des conclusions de l’évaluation entreprise au titre du paragraphe 1.»

24. L’article 34 dudit règlement dispose:

«Le cas échéant, les dispositions des articles 4, 5, 7, 13, 14, 15 et 16 s’appliquent mutatis mutandis aux zones classées en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive oiseaux.»

25. L’article 35 de ce même règlement est libellé comme suit:

«Le ministre:

a) encourage l’éducation et l’information générale quant au besoin de protéger les espèces de flore et de faune sauvages et de préserver leurs habitats et les habitats naturels;

b) encourage la recherche et les travaux scientifiques nécessaires pour respecter les dispositions de l’article 11 de la directive habitats en accordant une attention particulière aux travaux scientifiques nécessaires à l’application des articles 4 et 10 de cette directive;

c) fournit, le cas échéant, aux autres États membres et à la Commission les informations utiles à une coordination correcte des activités de recherche menées au plan national et communautaire.»

La procédure précontentieuse et la procédure écrite devant la Cour

26. Après avoir été saisie de plaintes, la Commission a engagé deux procédures d’infraction contre l’Irlande et lui a adressé, entre le 11 novembre 1998 et le 18 avril 2002, quatre lettres de mise en demeure relatives, d’une part, au défaut de transposition intégrale et d’application correcte des directives «oiseaux» et «habitats» et, d’autre part, à des infractions spécifiques concernant la détérioration des habitats par l’exercice d’activités récréatives.

27. Les explications fournies dans les réponses des autorités irlandaises n’ayant pas été considérées comme satisfaisantes et à la suite des réunions bilatérales entre l’Irlande et la Commission, cette dernière a notifié à l’Irlande, le 24 octobre 2001, un avis motivé ainsi que, le 11 juillet 2003, un avis motivé complémentaire et un avis motivé concernant les activités récréatives.

28. Considérant que les arguments exposés dans les réponses de l’Irlande aux avis motivés n’étaient pas tous convaincants et, par conséquent, considérant qu’un manquement de cette dernière à certaines obligations résultant des directives «oiseaux» et «habitats» persistait, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

29. Compte tenu de la connexité des affaires, la Commission a décidé de joindre ces deux infractions en une seule procédure devant la Cour.

Sur le recours

30. À l’appui de son recours, la Commission invoque six griefs concernant le manquement de l’Irlande à certaines obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphes 1, 2 et 4, et 10 de la directive «oiseaux» ainsi que de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats».

Observations liminaires

31. L’article 18, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» prévoit que les États membres doivent se conformer à cette directive dans un délai de deux ans à compter de sa notification. Par suite, le délai de transposition de la directive «oiseaux» a expiré en ce qui concerne cet État membre le 6 avril 1981.

32. L’article 23, paragraphe 1, de la directive «habitats» prévoit que les États membres doivent se conformer à cette directive dans un délai de deux ans à compter de sa notification. Par suite, le délai de transposition de la directive «habitats» a expiré en ce qui concerne cet État membre le 10 juin 1994.

33. Il n’est pas contesté que, dans la présente affaire, la date d’expiration du délai imparti dans les avis motivés doit être fixée au 11 septembre 2003.

Sur le premier grief, tiré du classement en ZPS de territoires insuffisants en nombre et en superficie en méconnaissance de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux»

34. La Commission fait valoir que, depuis 1981, l’Irlande a omis de classer, en méconnaissance de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux», l’ensemble des territoires les plus appropriés, en nombre et en superficie, à la conservation des espèces mentionnées à l’annexe I ainsi que des espèces migratrices non visées dans cette annexe dont la venue est régulière. Ce premier grief comporte deux aspects. La Commission affirme que, d’une part, certains sites n’ont fait l’objet d’aucun classement et que, d’autre part, d’autres sites n’ont pas fait l’objet d’un classement complet.

35. L’Irlande conteste le manquement allégué. Elle affirme que, lorsqu’elle informe la Commission de ses intentions à propos du classement en ZPS, elle le fait dans le cadre de la coopération et de la consultation entre États membres, comme le prévoient les directives «oiseaux» et «habitats». En outre, lorsqu’elle informe la Commission que des recherches sont effectuées, il ne peut en être déduit que le réseau de ZPS actuel est insuffisant ou que l’Irlande n’a pas rempli ses obligations au titre de la directive «oiseaux».

Observations liminaires

36. À titre liminaire, il convient de rappeler que, en premier lieu, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» impose aux États membres de classer en ZPS les territoires obéissant aux critères ornithologiques déterminés par ces dispositions (arrêt du 20 mars 2003, Commission/Italie, C‑378/01, Rec. p. I‑2857, point 14 et jurisprudence citée).

37. En deuxième lieu, les États membres sont tenus de classer en ZPS tous les sites qui, en application des critères ornithologiques, apparaissent comme étant les plus appropriés au regard de la conservation des espèces en cause (arrêt du 19 mai 1998, Commission/Pays-Bas, C‑3/96, Rec. p. I‑3031, point 62).

38. En troisième lieu, l’obligation imposée aux États membres de classer des sites en ZPS ne saurait être remise en cause par l’adoption d’autres mesures de conservation spéciale (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 55).

39. Enfin, en quatrième lieu, s’il est vrai que les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation en ce qui concerne le choix des ZPS, il n’en demeure pas moins que le classement de ces zones obéit exclusivement aux critères ornithologiques déterminés par la directive «oiseaux» (voir, en ce sens, arrêt du 2 août 1993, Commission/Espagne, C‑355/90, Rec. p. I‑4221, point 26). Les exigences économiques énoncées à l’article 2 de cette directive ne sauraient donc être prises en compte lors du choix et de la délimitation d’une ZPS (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 59 et jurisprudence citée).

Sur l’IBA 2000

40. Au soutien de son grief, la Commission fait référence notamment à l’arrêt Commission/Pays-Bas, précité, dans lequel la Cour a tenu compte de l’ Inventory of Important Bird Areas in the European Community (Inventaire des aires importantes pour l’avifaune dans la Communauté européenne) publié en 1989 (ci-après l’«IBA 89») en considérant que ce dernier, bien que n’étant pas juridiquement contraignant pour les États membres concernés, peut en l’occurrence, en raison de sa valeur scientifique, être utilisé par elle comme base de référence pour apprécier dans quelle mesure un État membre a respecté son obligation de désigner des ZPS. Selon la Commission, dans la présente affaire, un inventaire similaire est examiné.

41. L’Irlande est en désaccord avec la Commission sur certains aspects du Review of Ireland’s Important Bird Areas (Inventaire des aires importantes pour l’avifaune de l’Irlande), établi en 1999 dans le cadre d’un recensement européen et publié en 2000 (ci-après l’«IBA 2000»). Selon elle, ni l’existence de ce seul inventaire ni l’existence de ce désaccord ne constituent la preuve d’un manquement de la part de l’Irlande à ses obligations au titre de la directive «oiseaux».

42. La République hellénique ainsi que le Royaume d’Espagne font valoir que l’IBA 2000 présente des lacunes et qu’il n’y a pas lieu dès lors de lui attribuer la même valeur qu’à l’IBA 89.

43. En effet, les gouvernements grec et espagnol considèrent que l’IBA 2000 se distingue en plusieurs points de l’IBA 89. Selon eux, l’IBA 2000 contient des données scientifiques qui peuvent certes constituer une référence attestant de l’existence des espèces dans chaque territoire, mais qui ne revêtent qu’un caractère indicatif et général en ce qui concerne l’importance de la population des diverses espèces ainsi que la délimitation et, partant, la superficie des territoires devant être classés en ZPS. Par contre, l’IBA 2000 ne contient pas de données scientifiques permettant une délimitation certaine des zones importantes pour la conservation des oiseaux, il inclut des superficies excessivement grandes ne présentant qu’un intérêt ornithologique réduit et la liste de ces zones doit être actualisée conformément aux analyses scientifiques plus récentes. Dès lors, le contenu de l’inventaire en question ne peut être exploité en l’état pour tirer des conclusions certaines sur les populations et les limites exactes des ZPS.

44. Ainsi, la République hellénique et le Royaume d’Espagne en déduisent que l’IBA 2000 ne constitue une base ni suffisante ni unique permettant de fonder le manquement dont la Commission fait grief à l’Irlande.

45. Étant donné que le bien-fondé du premier grief dépend, pour une grande partie, de la question de savoir si la discordance entre l’IBA 2000 et les ZPS effectivement désignées par l’Irlande établit que cet État membre ne s’est pas suffisamment acquitté de son obligation de classer des sites en ZPS, il convient d’examiner si l’IBA 2000 présente une valeur scientifique comparable à celle de l’IBA 89 et si, par conséquent, il peut être utilisé comme un élément de référence permettant d’apprécier le manquement allégué.

46. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 4 de la directive «oiseaux» prévoit un régime spécifiquement ciblé et renforcé tant pour les espèces mentionnées à l’annexe I que pour les espèces migratrices qui trouve sa justification dans le fait qu’il s’agit respectivement des espèces les plus menacées et des espèces constituant un patrimoine commun de la Communauté (arrêt du 13 juillet 2006, Commission/Portugal, C‑191/05, Rec. p. I‑6853, point 9 et jurisprudence citée). Il résulte d’ailleurs du neuvième considérant de cette directive que la préservation, le maintien ou le rétablissement d’une diversité et d’une superficie suffisantes d’habitats sont indispensables à la conservation de toutes les espèces d’oiseaux. Les États membres ont donc l’obligation d’adopter les mesures nécessaires à la conservation desdites espèces (arrêt du 28 juin 2007, Commission/Espagne, C‑235/04, non encore publié au Recueil, point 23).

47. À cette fin, l’actualisation des données scientifiques est nécessaire pour déterminer la situation des espèces les plus menacées ainsi que celle des espèces constituant un patrimoine commun de la Communauté afin de classer en ZPS les territoires les plus appropriés. Il importe donc d’utiliser les données scientifiques les plus actualisées disponibles au terme du délai fixé dans l’avis motivé (arrêt du 28 juin 2007, Commission/Espagne, précité, point 24).

48. À cet égard, il convient de rappeler que les inventaires nationaux, dont l’IBA 2000 élaboré par BirdLife International, ont révisé la première étude paneuropéenne réalisée dans l’IBA 89 en présentant des données scientifiques plus précises et actualisées. En effet, il ressort de l’IBA 2000 que cet inventaire recense, s’agissant de l’Irlande, 48 sites nouveaux par rapport à l’IBA 89.

49. Ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 20 de ses conclusions, les sites recensés dans les deux inventaires résultent de l’application de certains critères aux informations sur la présence d’oiseaux. Les critères utilisés dans l’IBA 2000 correspondent pour la plupart à ceux utilisés dans l’IBA 89. Il s’ensuit que l’augmentation en nombre et en superficie des sites recensés est due en substance à l’acquisition de meilleures connaissances sur la présence des oiseaux.

50. L’Irlande soutient que c’est à tort que la Commission considère que l’IBA 2000 n’est pas exhaustif. À cet égard, il convient de préciser que l’IBA 2000 ne constitue qu’une référence pour l’établissement correct d’un réseau des zones importantes pour la conservation des oiseaux et que d’autres études ornithologiques peuvent fonder le classement des territoires les plus appropriés à la conservation de certaines espèces d’oiseaux.

51. Or, ces lacunes, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 25 de ses conclusions, ne remettent pas en cause la valeur probante de l’IBA 2000. Il en irait différemment si l’Irlande avait produit des éléments de preuve scientifiques, tendant notamment à démontrer qu’il pouvait être satisfait aux obligations découlant de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» en classant en ZPS des sites autres que ceux résultant dudit inventaire et couvrant une superficie totale inférieure à celle de ces derniers (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 18).

52. Compte tenu du caractère scientifique de l’IBA 89 et de l’absence de tout élément de preuve scientifique produit par un État membre, tendant notamment à démontrer qu’il pouvait être satisfait aux obligations découlant de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» en classant en ZPS des sites autres que ceux résultant dudit inventaire et couvrant une superficie totale inférieure à celle de ces derniers, la Cour a jugé que cet inventaire, bien que n’étant pas juridiquement contraignant, pouvait être utilisé par elle comme élément de référence permettant d’apprécier si un État membre avait classé un nombre et une superficie suffisants de territoires en ZPS au sens des dispositions susmentionnées de la directive (arrêt du 28 juin 2007, Commission/Espagne, précité, point 26 et jurisprudence citée).

53. En l’occurrence, il est constant que l’Irlande n’a pas présenté d’autres critères ornithologiques qui soient objectivement vérifiables, face à ceux utilisés dans l’IBA 2000, pour servir de base à un classement différent. L’Irlande n’a pas davantage opposé à l’IBA 2000 d’inventaire national complet, constitué selon des méthodes scientifiques, qui désignerait l’ensemble des territoires les plus appropriés en vue d’un classement en ZPS.

54. Il y a donc lieu de constater que l’IBA 2000 dresse un inventaire actualisé des zones importantes pour la conservation des oiseaux en Irlande qui, en l’absence de preuves scientifiques contraires, constitue un élément de référence permettant d’apprécier si cet État membre a classé en ZPS des territoires suffisants en nombre et en superficie pour offrir une protection à toutes les espèces d’oiseaux énumérées à l’annexe I ainsi qu’aux espèces migratrices non visées à cette annexe.

55. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du gouvernement espagnol selon lequel les diverses organisations non gouvernementales vouées à la conservation des oiseaux ont choisi de modifier unilatéralement le précédent inventaire concernant les différents États membres, sans qu’aucune administration publique compétente en matière d’environnement n’ait supervisé son élaboration ni garanti la précision et la correction des données qu’il contient.

56. À cet égard, il convient de constater que, premièrement, l’IBA 2000 a été publié par BirdLife International, un organisme regroupant des organisations nationales de protection des oiseaux qui avait déjà participé à l’élaboration de l’IBA 89 sous la dénomination de Conseil international de la préservation des oiseaux. Le Groupe européen pour la conservation des oiseaux et des habitats, qui y participait également, était à l’époque un groupe d’experts ad hoc de ce Conseil. BirdLife International garantit donc, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 22 de ses conclusions, la continuité du recensement des territoires.

57. Deuxièmement, il est constant que le chapitre que l’IBA 2000 consacre à l’Irlande a été élaboré en consultation avec Dúchas, le service du patrimoine du ministère des Arts, du Patrimoine, de la Région de la langue gaélique et des Îles [entre-temps devenu le National Parks and Wildlife (service des parcs nationaux ainsi que de la faune et de la flore sauvages) du ministère de l’Environnement, du Patrimoine et des Administrations locales, ci-après le «National Parks and Wildlife»]. Cette partie de l’inventaire a été rédigée avec l’aide d’experts irlandais de haut niveau dans le domaine de l’ornithologie et s’est largement fondée sur les données disponibles en matière d’effectifs et de répartition des oiseaux ainsi que sur des études réalisées avec le soutien financier des autorités compétentes. Il ressort également de la liste des références scientifiques que les experts ont recouru à une large utilisation d’études publiées et réalisées avec la participation de scientifiques relevant des autorités compétentes en matière de conservation.

58. L’Irlande a maintenu, lors de l’audience, la position selon laquelle la nature de l’obligation d’un État membre au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» ainsi que de ses considérants doit être appréciée au niveau européen et non pas au regard du territoire du seul État membre concerné. Il se pourrait donc qu’un territoire spécifique soit éligible, mais ne soit pas le plus approprié pour le classement en ZPS.

59. Or, même si, comme le soutient à bon droit l’Irlande, l’obligation des États membres au titre de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive ne porte que sur le classement des territoires les plus appropriés à la conservation des oiseaux et qu’il se peut que des territoires qui, eu égard aux exigences de protection des espèces, seraient en fait appropriés à cette conservation ne soient jamais classés en ZPS, il ressort toutefois de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» tel qu’interprété par la Cour que, dès lors que le territoire d’un État membre abrite des espèces mentionnées à l’annexe I, ce dernier est notamment tenu de définir, pour celles-ci, des ZPS (voir arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 56 et jurisprudence citée).

60. Ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 32 de ses conclusions, dans les États membres où ces espèces sont assez fréquentes, les ZPS garantissent avant tout la conservation de grandes parties de la population globale. Les ZPS sont toutefois également nécessaires là où ces espèces sont p lutôt rares. Les ZPS servent là, en effet, à la distribution géographique des espèces.

61. En effet, si chaque État membre pouvait échapper à l’obligation de désigner des ZPS pour assurer la protection d’espèces mentionnées à l’annexe I et présentes sur son territoire au seul motif qu’il existerait dans d’autres États membres de très nombreux autres sites bien plus appropriés à la conservation de ces mêmes espèces, l’objectif de constitution d’un réseau cohérent de ZPS, tel que visé à l’article 4, paragraphe 3, de la directive «oiseaux», risquerait de ne pas être atteint (voir, par analogie, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 58).

62. Le gouvernement grec soutient que l’engagement pris par l’Irlande dans le cadre de la coopération avec les services compétents de la Commission ainsi que l’échéancier des nouvelles délimitations et extensions des ZPS fixé par l’Irlande doivent être pris en considération, car cet État membre doit vérifier le contenu de l’IBA 2000, en vue de pouvoir délimiter les zones importantes pour la conservation des oiseaux et les classer en ZPS.

63. À cet égard, il y a lieu de constater que, s’il est vrai que tout classement suppose que les autorités compétentes aient acquis la conviction, en se fondant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, que le site concerné fait partie des territoires les plus appropriés à la protection des oiseaux (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2006, WWF Italia e.a., C‑60/05, Rec. p. I‑5083, point 27), cela ne signifie cependant pas que l’obligation de classement reste, en général, inopérante tant que ces autorités n’ont pas complètement évalué et vérifié les nouvelles connaissances scientifiques.

64. Au contraire, comme la Cour l’a déjà jugé, l’exactitude de la transposition revêt une importance particulière s’agissant de la directive «oiseaux», dans la mesure où la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire, aux États membres respectifs (voir arrêts du 8 juillet 1987, Commission/Italie, 262/85, Rec. p. 3073, point 9, et du 7 décembre 2000, Commission/France, C‑38/99, Rec. p. I‑10941, point 53).

65. Considérant que l’obligation de classement en ZPS des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces existe pour l’Irlande depuis le 6 avril 1981, la demande de cet État membre tendant à obtenir un délai supplémentaire pour évaluer la meilleure source scientifique disponible ne saurait prospérer, car cette demande n’est pas compatible avec les objectifs poursuivis par la directive «oiseaux» ni avec la responsabilité des États membres qui y est établie en ce qui concerne la gestion, sur leur territoire, du patrimoine commun.

66. De plus, comme cela vient d’être constaté au point 47 du présent arrêt, il importe d’utiliser les données scientifiques les plus actualisées disponibles au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

67. Il résulte de tout ce qui précède que, en l’absence de présentation d’études scientifiques susceptibles de contredire les résultats de l’IBA 2000, cet inventaire constitue la référence la plus actualisée et la plus précise pour l’identification des sites les mieux appropriés en nombre et en superficie à la conservation des espèces mentionnées à l’annexe I ainsi que des espèces migratrices non visées à cette annexe dont la venue est régulière.

Sur la première branche du premier grief

– Argumentation des parties

68. La Commission reconnaît, dans la procédure précontentieuse, que l’Irlande a classé en ZPS un nombre de sites relativement élevé. Cependant, elle estime que d’autres zones auraient dû également faire l’objet d’un classement. Après avoir souligné que l’IBA 2000 a dénombré au total 140 zones importantes pour la conservation des oiseaux couvrant une superficie de 4 309 km², soit environ 6 % de la surface terrestre de cet État membre (approximativement 60 % de ces zones sont côtières, ce qui est en rapport avec les 7 100 km de littoral que possède l’Irlande; les eaux intérieures représentent un autre cinquième), la Commission soutient que 42 de ces zones n’avaient pas été classées en ZPS. Selon elle, à supposer même que toutes ces zones soient classées en ZPS, le réseau irlandais de ZPS conserverait ses lacunes pour un certain nombre d’espèces d’oiseaux mentionnées à l’annexe I et d’espèces d’oiseaux migratrices dont la venue est régulière, car elles ne sont pas entièrement couvertes par le classement effectué dans l’IBA 2000.

69. Par ailleurs, elle note que, en termes de couverture territoriale, le réseau irlandais de ZPS se situe à l’avant-dernière place dans le groupe des quinze États membres antérieur à l’élargissement de 2004. Le niveau de couverture territoriale du réseau irlandais de ZPS a en effet été déjà dépassé par plusieurs des dix nouveaux États membres.

70. Enfin, la Commission rappelle que, durant la procédure précontentieuse, les autorités irlandaises ont proposé un calendrier pour la désignation, la «redésignation» et l’extension d’un certain nombre de sites. En réalité, ce calendrier n’a pas été respecté et l’Irlande n’a effectué ni communiqué aucun classement.

71. Après avoir souligné qu’elle a bien conscience que l’obligation qui lui est faite de classer en ZPS les zones appropriées à la conservation des espèces découle de la directive «oiseaux» et non de l’IBA 2000, l’Irlande réplique que le travail d’enquête globale en vue d’étendre le réseau irlandais de ZPS, le cas échéant, est en cours de réalisation et que l’achèvement de ce travail est imminent.

72. Cependant, l’Irlande considère que le martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) est l’espèce répandue la moins appropriée à une tentative de conservation au moyen du classement en ZPS et qu’il y a une bonne raison de ne pas désigner d’autres ZPS pour le râle des genêts (Crex crex). Cet État membre fait encore remarquer qu’il peut, en toute légalité, estimer que le site de Cross Lough (Killadoon) (ci-après le site de «Cross Lough») n’est pas l’un des territoires les plus appropriés au classement en ZPS compte tenu des informations dont il dispose.

– Appréciation de la Cour

A – En ce qui concerne les sites identifiés dans l’IBA 2000

73. À titre liminaire, il y a lieu de constater que la Commission a admis, dans son avis motivé complémentaire, qu’une erreur s’était glissée dans le tableau 1 figurant dans son avis motivé notifié le 24 octobre 2001 à propos du site de Bull and Cow Rocks, déjà classé en ZPS, et que, par conséquent, ledit site ne fait plus partie de l’objet du présent recours.

74. Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et des changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Irlande, C‑282/02, Rec. p. I‑4653, point 40).

75. Or, dans la présente affaire, il ressort des indications données en ce qui concerne les motifs de manquement susvisés que l’Irlande ne conteste pas que, dans le délai imparti dans l’avis motivé complémentaire notifié le 11 juillet 2003, elle n’avait pas classé en ZPS 42 des 140 sites identifiés dans l’IBA 2000.

76. Compte tenu de ce qui a été dit au point 67 du présent arrêt, le seul fait que l’Irlande se soit engagée dans un vaste programme de classement et de reclassement des ZPS ne saurait justifier l’absence de classement en ZPS des sites identifiés dans l’IBA 2000.

77. En revanche, l’intérêt de classer le site de Cross Lough ainsi que les trois sites appropriés à la conservation du râle des genêts, à savoir ceux de Falcarragh to Min an Chladaigh, de Malin Head et de la presqu’île de Fanad Head, fait l’objet d’une contestation circonstanciée de la part de l’Irlande.

78. Il y a donc lieu de faire droit au recours de la Commission en tant qu’il concerne 38 des 42 sites qui sont identifiés dans l’IBA 2000 et d’examiner le bien-fondé du recours en ce qui concerne les quatre sites dont l’intérêt ornithologique est spécifiquement contesté par l’Irlande.

1. En ce qui concerne le site de Cross Lough

a) Argumentation des parties

79. La Commission a mis le site de Cross Lough en exergue pour deux raisons. Premièrement, l’Irlande a spécifiquement contesté la nécessité de classer ce site en ZPS, alors même qu’il était, récemment encore, une importante aire de reproduction de la sterne caugek (Sterna sandvicensis). Deuxièmement, l’absence de classement en temps utile de ce site est susceptible d’avoir eu des conséquences négatives sur sa protection.

80. En effet, selon les informations dont elle dispose, la Commission fait valoir que la disparition de la colonie de sternes caugek, présente, d’après l’IBA 89, sur ce site depuis 1937, est liée à l’activité prédatrice du vison d’Amérique (Mustela vison) et qu’aucune mesure n’a jamais été mise en place pour protéger cette colonie. Selon la Commission, avec une gestion adaptée, les sternes caugek pourraient recoloniser cet ancien site de reproduction important. L’Irlande ne devrait pas tirer avantage du fait qu’elle n’a pas assuré à temps le classement et la protection du site de Cross Lough.

81. L’Irlande fait valoir que la Commission a omis de fonder scientifiquement son allégation selon laquelle cet État membre serait tenu de classer en ZPS un site qui ne présente plus d’intérêt pour l’espèce concernée et qui n’est plus une zone importante pour la conservation des oiseaux, mais où les oiseaux, après s’y être reproduits et bien qu’ils se soient déplacés, pourraient revenir. Quand bien même la Commission aurait raison de croire que, selon ses informations, le site de Cross Lough (ou tout autre en l’occurrence) pourrait être recolonisé par les sternes caugek et bénéficier effectivement d’un classement en ZPS, elle n’en a pas pour autant établi que ledit site serait l’un des plus appropriés à la conservation de l’espèce en cause. L’Irlande ajoute que la Commission n’a pas prouvé que la disparition de la colonie de sternes caugek a été provoquée par l’activité prédatrice du vison d’Amérique dans cette zone.

b) Appréciation de la Cour

82. Il est constant que ledit site a été identifié tant dans l’IBA 89 que dans l’IBA 2000 comme étant l’un des territoires les plus appropriés à la conservation de la sterne caugek, une espèce mentionnée à l’annexe I, selon les critères ornithologiques établis, respectivement, en 1984 et en 1995. Force est donc de constater que ce site appartenait aux territoires les plus appropriés à la conservation de ladite espèce depuis le 6 avril 1981. Par conséquent, en application de la jurisprudence résultant de l’arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 62, l’Irlande devait classer ce site en ZPS.

83. Cette obligation de classement, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 58 de ses conclusions, ne devient pas nécessairement caduque alors même que le site n’est plus maintenant le plus approprié.

84. En effet, selon une jurisprudence constante, les zones qui n’ont pas été classées en ZPS alors qu’elles auraient dû l’être continuent de relever du régime propre à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» car autrement les objectifs de protection formulés par cette directive, tels qu’ils se trouvent explicités dans son neuvième considérant, ne pourraient être atteints (voir arrêts du 2 août 1993, Commission/Espagne, précité, point 22, ainsi que du 7 décembre 2000, Commission/France, C‑374/98, Rec. p. I‑10799, points 47 et 57).

85. Il s’ensuit que l’Irlande aurait dû adopter, à tout le moins, les mesures appropriées au titre de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» pour éviter, dans le site de Cross Lough, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant la sterne caugek, pour autant que ces perturbations aient un effet significatif eu égard aux objectifs de cet article.

86. Dans la présente affaire, à défaut d’avoir pris de telles mesures pour ce site, cet État membre n’a pas apporté la preuve que ledit site aurait perdu sa vocation même si des mesures de protection avaient été prises (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Commission/Portugal, précité, points 13 et 14).

87. En outre, il convient de constater que, selon les résultats d’études scientifiques et d’observations présentés par la Commission au cours de la procédure et qui n’ont pas été contestés par l’Irlande, des mesures de protection étaient envisageables. En effet, en s’appuyant sur deux articles d’un naturaliste irlandais, la Commission a expliqué l’effet prédateur du vison d’Amérique sur les nids des sternes caugek qui nichent à même le sol et, en se référant aux récentes observations effectuées dans un site du comté de Donegal, a démontré qu’une activité de gestion (le piégeage des visons) a atténué le problème de la prédation et que la majorité de la population locale de sternes caugek nidifie toujours dans la même zone.

88. En outre, en s’appuyant sur les observations susmentionnées, non contestées par l’Irlande, qui confirment le potentiel de recolonisation de sites par les sternes caugek, la Commission indique que la recolonisation de ce territoire par la sterne caugek est possible. Elle ajoute que cette espèce doit disposer, dans une même région, de plusieurs sites de nidification, lesquels ne sont pas forcément tous utilisés au cours d’une saison de reproduction donnée.

89. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le recours est fondé en ce qui concerne le site de Cross Lough.

2. En ce qui concerne les trois sites appropriés à la conservation du râle des genêts

a) Argumentation des parties

90. La Commission fait valoir que le râle des genêts est la seule espèce d’oiseau sauvage menacée à l’échelle mondiale qui soit présente en Irlande. Sa population a très fortement décliné au cours des dernières décennies et cet oiseau ne se rencontre plus que dans quelques poches géographiques. Seule une population très réduite survit actuellement en Irlande, ce qui justifie un niveau de protection élevé des sites.

91. À son avis, un État membre ne peut valablement invoquer la faible taille et la vulnérabilité d’une population de râles des genêts pour justifier un défaut de classement des territoires les plus appropriés à la conservation de cette espèce. Dans sa réplique, la Commission ajoute qu’une conservation et une gestion réussies des aires principales sont essentielles pour que le râle des genêts puisse se rétablir et s’étendre à nouveau, sur la base de sa population précaire actuelle.

92. L’Irlande, pour sa part, fait valoir que la désignation éventuelle d’autres ZPS doit être examinée à la lumière des informations disponibles sur l’espèce (qui sont nombreuses) et des mesures positives prises en vue de sa conservation par le National Parks and Wildlife. L’application au râle des genêts de l’expression «menacé à l’échelle mondiale» n’est plus valable à la lumière des informations disponibles sur l’espèce et il est donc trompeur de la décrire comme telle. L’utilisation des terrains concernés change sensiblement. Elle estime que l’insistance de la Commission à affirmer que d’autres territoires appropriés à la conservation du râle des genêts doivent être classés en ZPS est inopportune et en tout cas non justifiée par des éléments de preuve pertinents.

93. Après avoir remarqué que les râles des genêts sont effectivement répartis de façon faible et imprévisible en dehors des ZPS existantes, cet État membre précise que c’est le caractère imprévisible et non la précarité de l’occupation d’un site par les râles des genêts qui présente une difficulté. En d’autres termes, le classement d’un site en ZPS doit reposer non pas sur la spéculation, mais plutôt sur des critères ornithologiques adéquats.

b) Appréciation de la Cour

94. À cet égard, s’il est exact que de nouvelles études sur la présence du râle des genêts en Europe ont modifié sa catégorie de classement, il n’en demeure pas moins que la catégorie «presque menacée» dans laquelle il est actuellement classé répond tout autant que la catégorie «vulnérable» dans laquelle il était classé auparavant aux conditions d’identification des zones importantes pour la conservation des oiseaux selon le critère C.1 utilisé dans l’IBA 2000. Cela ne change rien non plus à l’application du critère C.6 utilisé dans ce même inventaire. Les sites identifiés dans l’IBA 2000 ne sauraient donc être remis en cause.

95. Cette constatation ne saurait être contredite par l’argument de l’Irlande selon lequel les exigences de la directive «oiseaux» ont été satisfaites en tenant compte des besoins du râle des genêts, par le classement en ZPS des territoires utilisés par une partie importante de la population de râles des genêts au moyen du financement public du programme de subventions en faveur du râle des genêts (Corncrake Grant Scheme) qui couvre l’emploi de trois ouvriers agricoles, des frais administratifs et des subventions aux agriculteurs ainsi que le financement et la facilitation de la recherche et l’introduction d’un chapitre consacré au râle des genêts dans le dernier programme de protection environnementale des campagnes (Rural Environment Protection Scheme).

96. En effet, comme il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 37 à 39 du présent arrêt, de telles mesures de conservation ne peuvent être considérées comme suffisantes.

97. Doit également être écarté l’argument de l’Irlande selon lequel les râles des genêts sont répartis en faible quantité et de manière imprévisible en dehors des ZPS existantes.

98. Force est de souligner que la Commission a présenté, sans être contredite par l’Irlande sur ce point, des publications ornithologiques qui indiquent que, entre 1999 et 2001, en moyenne 39 % de la population de râles des genêts présente sur le territoire irlandais se trouvait en dehors des ZPS et que, entre 2002 et 2004, ce chiffre était plus proche de 50 %.

99. Doit encore être écarté l’argument de l’Irlande selon lequel d’importants changements ont affecté la répartition de cette espèce sur de courtes périodes (moins de 10 ans) et qu’il serait, tant que cette situation n’est pas stabilisée, prématuré de recommander le classement en ZPS d’autres sites.

100. À cet égard, force est de constater la présence suffisamment stable du râle des genêts dans les sites en question pendant de courtes périodes. En effet, il n’est pas contesté par l’Irlande que, selon les résultats d’une étude de BirdWatch Ireland présentés par la Commission, au cours de la période allant de l’année 1993 jusqu’à l’année 2001, la présence réduite du râle des genêts à Falcarragh to Min an Chladaigh représentait 8 % de sa population nationale, à Malin Head, 4 % de sa population nationale, et dans la presqu’île de Fanad Head, 3 % de sa population nationale. Selon la même source, des chiffres similaires peuvent être observés pour les années 2002 à 2004.

101. S’agissant de l’argument invoqué par l’Irlande selon lequel la bonne volonté et la coopération des propriétaires fonciers seraient déterminantes pour le succès de futurs projets de conservation et pour l’application d’instruments de protection, il suffit d’indiquer que, même si cela pouvait être le cas, une telle circonstance ne décharge pas un État membre de ses obligations en vertu de l’article 4 de la directive «oiseaux».

102. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le recours est également fondé en ce qui concerne les sites de Falcarragh to Min an Chladaigh, de Malin Head et de la presqu’île de Fanad Head.

B – En ce qui concerne les oiseaux à protéger dans d’autres sites

103. La Commission fait valoir que pour le plongeon catmarin (Gavia stellata), le busard Saint-Martin (Circus cyaneus), le faucon émerillon (Falco columbarius), le faucon pèlerin (Falco peregrinus), le pluvier doré (Pluvialis apricaria), le râle des genêts, le martin-pêcheur d’Europe, l’oie rieuse du Groenland (Anser albifrons flavirostris) et le hibou des marais (Asio flammeus), espèces protégées mentionnées à l’annexe I, ainsi que pour le vanneau huppé (Vanellus vanellus), le chevalier gambette (Tringa totanus), la bécassine des marais (Gallinago gallinago), le courlis cendré (Numenius arquata) et le bécasseau variable (Calidris alpina), espèces migratrices dont la venue est régulière, les zones importantes pour la conservation des oiseaux identifiées dans l’IBA 2000 n’offrent manifestement pas un ensemble de sites suffisant en nombre ou en superficie pour satisfaire les besoins de conservation de ces espèces.

104. L’Irlande soutient que des études ont été réalisées sur six des neuf espèces susmentionnées figurant dans l’annexe I ainsi que sur le bécasseau variable, espèce migratrice dont la venue est régulière. L’achèvement de ce travail permet désormais d’identifier les sites pouvant être classés en ZPS pour la conservation du plongeon catmarin, du busard Saint-Martin, du faucon émerillon, du pluvier doré et du bécasseau variable. Au cours de la procédure précontentieuse, l’Irlande a indiqué que les ZPS qui seront proposées pour la conservation du busard Saint-Martin permettraient également la conservation du hibou des marais. De plus, actuellement, le pluvier doré représente déjà un «intérêt éligible» dans trois ZPS désignées et le faucon émerillon dans quatre sites présentant un intérêt multiespèces. Le faucon pèlerin est susceptible d’être une espèce éligible dans la plupart des ZPS concernant le crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax).

105. S’il est vrai que l’Irlande fait état de certaines initiatives partielles, ces dernières n’avaient pas abouti au terme du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire notifié le 11 juillet 2003. Or, l’existence du manquement devant être appréciée seulement en fonction de la situation d’un État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, il y a lieu de constater, à la vue des informations mentionnées au point précédent, que l’Irlande a manqué à ses obligations en ce qui concerne la désignation des ZPS pour assurer la conservation du plongeon catmarin, du busard Saint-Martin, du faucon émerillon, du faucon pèlerin, du pluvier doré et du hibou des marais, espèces mentionnées à l’annexe I, ainsi que la protection du bécasseau variable, espèce migratrice dont la venue est régulière non visée à l’annexe I. Le grief est également fondé sur ce point.

106. Pour le surplus, il n’apparaît pas que la Commission, qui a la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure en manquement (arrêt du 21 octobre 2004, Commission/Grèce, C-288/02, Rec. p. I-10071, point 35 et jurisprudence citée), ait démontré à suffisance de droit que l’Irlande a manqué à ses obligations en ce qui concerne la désignation des ZPS pour assurer la conservation de l’oie rieuse du Groenland, espèce mentionnée à l’annexe I, ainsi que la protection du vanneau huppé, du chevalier gambette, de la bécassine des marais et du courlis cendré, espèces migratrices dont la venue est régulière non visées à l’annexe I. Par suite, le grief n’est pas fondé sur ce point.

107. En ce qui concerne le martin-pêcheur d’Europe et le râle des genêts, l’Irlande conteste la nécessité de classer en ZPS d’autres sites pour leur conservation.

1. En ce qui concerne les sites appropriés à la conservation du martin-pêcheur d’Europe

108. La Commission considère que le réseau irlandais de ZPS devrait comprendre un ensemble représentatif de parcours de rivières susceptibles d’être utilisés par le martin-pêcheur d’Europe. Or, l’Irlande n’a pris aucune mesure visant à classer les territoires les plus appropriés à la conservation du martin-pêcheur d’Europe et ne connaît même pas la population actuelle de l’espèce.

109. L’Irlande considère qu’une espèce aussi largement répandue que le martin-pêcheur d’Europe est l’espèce répandue la moins appropriée à une tentative de conservation au moyen du classement de territoires en ZPS. C’est la conclusion qu’imposent les informations disponibles comprenant deux Atlas de reproduction réalisés entre 1988 et 1991. Bien que la population actuelle de martins-pêcheurs d’Europe ne soit pas connue, il semble que BirdWatch Ireland ait l’intention de réaliser une enquête. Si cette enquête devait révéler une population de martins-pêcheurs d’Europe plus importante, les autorités irlandaises reconsidéreraient la question de la création de ZPS aux fins de leur conservation à l’avenir.

110. Or, comme cela vient d’être rappelé au point 59 du présent arrêt, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» tel qu’interprété par la Cour que, dès lors que le territoire d’un État membre abrite des espèces mentionnées à l’annexe I, ce dernier est notamment tenu de définir, pour celles-ci, des ZPS. Il s’ensuit que l’Irlande aurait dû identifier les territoires les plus appropriés à la conservation du martin-pêcheur d’Europe et les classer en ZPS.

111. Il s’ensuit que, l’Irlande, qui admet la présence du martin-pêcheur d’Europe sur son territoire, n’a pas satisfait à cette obligation au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire notifié le 11 juillet 2003. Le recours est donc également fondé en ce qui concerne les sites appropriés à la conservation du martin-pêcheur d’Europe.

2. En ce qui concerne les sites appropriés à la conservation du râle des genêts

112. La Commission fait valoir que le réseau actuel de ZPS pour la protection du râle des genêts est faible. Elle indique que l’IBA 2000 identifie encore cinq sites supplémentaires, à savoir ceux de Falcarragh to Min an Chladaigh, de Malin Head, de la presqu’île de Fanad Head, de la presqu’île de Mullet et de Moy valley.

113. Pour ce qui concerne les cinq sites additionnels énumérés au point précédent, il y a lieu de constater, d’une part, qu’ils constituent des zones importantes pour la conservation des oiseaux et, d’autre part, que pour trois d’entre eux, à savoir pour les sites de Falcarragh to Min an Chladaigh, de Malin Head et de la presqu’île de Fanad Head, le manquement a été constaté au point 102 du présent arrêt.

114. Quant au site de la presqu’île de Mullet, la Commission précise, dans sa réplique, qu’une partie dudit site est soumise au classement en ZPS à d’autres fins. Par conséquent, il y a lieu de constater d’emblée que ce site est un exemple de classement partiel.

115. Ensuite, le critère C.6 est applicable au site de la presqu’île de Mullet. Or, ce critère désigne une zone constituant l’une des cinq zones les plus importantes dans chaque région européenne pour une espèce ou une sous-espèce mentionnée à l’annexe I. Il s’ensuit donc, ainsi qu’il résulte des critères utilisés dans l’IBA 2000, qu’il suffit que le site concerné héberge un nombre appréciable d’individus d’une telle espèce ou d’une telle sous-espèce (au moins 1 % de la population reproductrice nationale d’une espèce mentionnée à l’annexe I ou 0,1 % de la population biogéographique) pour qu’il doive être classé en ZPS.

116. À cet égard, force est de constater que, dans la présente affaire, la Commission a présenté, dans sa réplique, les résultats non contestés par l’Irlande d’une étude de BirdWatch Ireland selon lesquels, au cours de la période allant de 1993 à 2001, la présence réduite du râle des genêts dans cette zone représentait 4 % de la population nationale. Selon la même source, des chiffres similaires peuvent être observés pour les années 2002 à 2004.

117. Par suite, il convient de faire droit au recours de la Commission en ce qui concerne le site de la presqu’île de Mullet.

118. Quant au site de Moy valley, la Commission admet que les données du recensement révèlent une absence du râle des genêts pendant plusieurs années. Or, les chiffres de BirdWatch Ireland montrent que ce site comptait de nombreux râles des genêts dans les années 80 et jusqu’au milieu des années 90. En particulier, jusqu’en 1993, cette zone comportait la deuxième concentration importante de râles des genêts après la ZPS de la River Shannon callows et aurait donc été éligible sans réserve au classement en ZPS sur la base de toute application raisonnable des critères ornithologiques. Il existait donc des éléments qui auraient justifié le classement du site de Moy valley en ZPS pendant une longue période après l’entrée en vigueur de la directive «oiseaux». La disparition du râle des genêts y a été provoquée par des modifications des pratiques agricoles et l’Irlande n’a pas tenté d’y remédier. La Commission soutient que l’Irlande ne devrait pas tirer avantage du fait qu’elle n’a ni classé ni protégé ce site. L’Irlande n’a pas démontré qu’il était impossible d’y rétablir la présence du râle des genêts.

119. À cet égard, force est de constater que les chiffres de BirdWatch Ireland, présentés par la Commission dans sa réplique et montrant que le site de Moy valley comptait de nombreux râles des genêts dans les années 80 et jusqu’au milieu des années 90, ne sont pas contestés par l’Irlande. Il s’ensuit que ce site constituait l’un des territoires les plus appropriés à la conservation du râle des genêts et, en application de la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, l’Irlande aurait dû le classer en ZPS.

120. Selon une jurisprudence constante rappelée au point 84 du présent arrêt, les zones qui n’ont pas été classées en ZPS alors qu’elles auraient dû l’être continuent de relever du régime propre à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», car sans cela les objectifs de protection formulés par cette directive, tels qu’ils se trouvent explicités dans son neuvième considérant, ne pourraient être atteints. Il s’ensuit que l’Irlande aurait dû adopter, à tout le moins, les mesures appropriées au titre de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» pour éviter, dans le site de Moy valley, la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant le râle des genêts, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs de cet article.

121. Or, il ressort du dossier que, dans le site de Moy valley, qui aurait dû être classé en ZPS, la disparition du râle des genêts a été provoquée par des modifications des pratiques agricoles et que l’Irlande n’a pas tenté d’y remédier.

122. Par ailleurs, l’Irlande n’a pas apporté la preuve que le rétablissement de la présence du râle des genêts dans ce site serait impossible. Par suite, il y a lieu de faire droit au recours de la Commission sur ce point.

123. Il s’ensuit que le recours est également fondé en ce qui concerne les sites de la presqu’île de Mullet et de Moy valley.

Sur la seconde branche du premier grief

– Argumentation des parties

124. La Commission fait valoir que l’Irlande a manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» parce qu’elle n’a classé certains sites en ZPS que partiellement. À son avis, dans de nombreux cas, le tracé des limites des ZPS exclut des zones adjacentes équivalentes présentant un intérêt ornithologique et recensées dans l’IBA 2000. Ses critiques concernent au total 37 sites.

125. Après avoir fait valoir que les limites des ZPS devaient être définies en fonction de considérations ornithologiques et non économiques, la Commission note que, à l’inverse, les autorités irlandaises ont, dans bien des cas, circonscrit les ZPS à des sites du domaine public et omis de classer des sites lorsque des intérêts économiques s’y opposaient nettement.

126. La Commission ajoute que, au cours de la procédure, les autorités irlandaises ont déclaré avoir l’intention d’étendre et de redésigner un nombre important de sites avant la fin du mois de juin 2004, mais ne semblent pas avoir donné suite à cette intention.

127. L’Irlande indique que le travail de recherche correspondant est en cours et qu’il est prévu que de nouvelles ZPS soient désignées aux fins de la conservation des espèces concernées. Tous les reclassements et nouveaux classements seront effectués conformément aux exigences du règlement «habitats». Néanmoins, elle conteste la prétendue lacune du classement ayant trait à la superficie de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary.

– Appréciation de la Cour

128. En admettant que certaines ZPS doivent être étendues, l’Irlande reconnaît avoir méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux». Il convient donc de faire droit au recours de la Commission en ce qui concerne 36 des 37 sites.

129. Il convient, ensuite, d’examiner la situation de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary.

130. La Commission soutient que le tracé de la limite de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary n’a pas pris correctement en compte les intérêts ornithologiques, contrairement aux dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux».

131. Selon elle, des éléments de preuve indiquent que l’approche adoptée par les autorités irlandaises pour la délimitation de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary, site constituant une vaste zone humide d’importance internationale pour les oiseaux aquatiques, située dans la baie de Dublin et accueillant régulièrement plus de 20 000 individus hivernants, conduit à l’exclusion de deux zones destinées à être aménagées dans le contexte de grands travaux publics, cette exclusion ayant été décidée sur la base d’un examen isolé de la valeur ornithologique de ces zones alors qu’il aurait fallu délimiter la ZPS en prenant en compte les limites naturelles de l’écosystème humide.

132. Quant à la première zone de 4,5 ha, dont l’inclusion dans la ZPS avait été précédemment proposée elle a, selon la Commission, été exclue du projet initial d’extension de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary à la suite de l’intervention de la Dublin Port Company (autorité du port de Dublin), qui souhaitait la remblayer pour agrandir le port.

133. L’Irlande, pour sa part, soutient que cette zone n’aurait pas dû être incluse dans l’aire d’extension proposée au départ et que cette inclusion était dépourvue de fondement scientifique. L’ajustement du projet d’extension de la ZPS a été examiné de près et il a été admis que l’inclusion de la zone n’était pas scientifiquement justifiée, car seule une petite partie était exposée brièvement à des marées basses de vive-eau.

134. Cet État membre note en particulier que les espèces adaptables communes d’échassiers ne peuvent utiliser la zone que lorsqu’elle est exposée à marée basse. Ces espèces trouvent ailleurs l’essentiel de leur nourriture. En outre, la zone pouvait ne pas avoir de lien avec les habitats importants situés dans les environs, qui fournissaient de meilleures conditions pour les espèces concernées. Selon ledit État, la Commission n’a pas réellement tenté de contester le fondement scientifique de ce point de vue.

135. Pour ce qui est de la première zone, il convient, à titre liminaire, de constater que les griefs que la Commission émet dans sa réplique à l’égard d’autres superficies dans cette zone sont irrecevables au stade de la procédure devant la Cour en ce qu’ils ne faisaient pas l’objet du recours.

136. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’objet d’un recours en manquement en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition, de sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l’avis motivé (voir arrêt du 16 juin 2005, Commission/Italie, C‑456/03, Rec. p. I‑5335, point 35 et jurisprudence citée).

137. Ensuite, comme cela ressort du dossier, la Commission a produit une expertise ornithologique réalisée en novembre 2002 par Dublin Bay Watch qui préconisait, sur la base des résultats d’une évaluation des incidences ornithologiques du projet de remblaiement, l’inclusion de ces territoires dans la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary. En effet, cette étude, que les autorités irlandaises n’ont pas contestée, indique, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 72 de ses conclusions, que différentes espèces utilisent nettement au-delà de la moyenne le terrain qui est exposé à des moments exceptionnels. De plus, certaines parties de ces superficies sont exposées même quand les marées sont moins extrêmes et peuvent être utilisées par des oiseaux. Enfin, les superficies en cause sont utilisées non pas uniquement par les oiseaux limicoles, mais aussi, par exemple, par des sternes caugek qui ne sont pas tributaires des reflux de la mer.

138. Il y a lieu de constater que la première zone en question fait partie intégrante de l’ensemble de l’écosystème humide et qu’elle aurait dû être classée en ZPS. Il s’ensuit que le recours est fondé en ce qui concerne la première zone exclue du projet initial d’extension de la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary.

139. Quant à la seconde zone, elle se composait de 2,2 ha de barres de sable et de gravier à l’entrée de l’estuaire de la Tolka détruits, selon la Commission, lors de la construction du tunnel du port de Dublin dont le promoteur est la Dublin Corporation [entre-temps devenue le Dublin City Council (municipalité de Dublin)]. La Commission soutient que, bien que réduite, la zone exclue présentait des caractéristiques similaires à celles d’un écosystème complet, à savoir celles des replats boueux, et était utilisée régulièrement par des oiseaux dépendant de l’écosystème global, c’est-à-dire par l’huîtrier pie (Hæmatopus ostralegus) et le chevalier gambette. Ces exclusions parcellaires de certains éléments d’un écosystème humide intégré portent atteinte aux objectifs de la directive «oiseaux».

140. L’Irlande soutient que seul un très faible nombre d’huîtriers pies et de chevaliers gambettes se trouve dans la zone boueuse intertidale de 2,2 ha qui est exposée, en tant qu’aire d’alimentation uniquement et pour de très courtes périodes, à marée basse. La zone n’est donc pas considérée comme susceptible d’être incluse dans la ZPS correspondante. Les critères appliqués, lorsque cette décision a été prise, étaient des critères ornithologiques scientifiquement adaptés. L’Irlande considère que le point de vue de la Commission selon lequel la disparition de la zone de 2,2 ha constituerait une détérioration notable des habitats des oiseaux ainsi qu’une source de perturbations n’est pas acceptable et que celle-ci n’a pu établir aucun élément de preuve scientifique ou objectivement vérifiable à l’appui de son point de vue.

141. Pour ce qui est de la seconde zone, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence indiquée au point 39 du présent arrêt, le classement de territoires en ZPS obéit exclusivement aux critères ornithologiques déterminés par la directive «oiseaux».

142. C’est donc à juste titre que la Commission soutient que, d’une part, le classement en ZPS ne peut pas résulter d’un examen isolé de la valeur ornithologique de chacune des superficies en cause, mais doit se faire sur la base d’une prise en compte des limites naturelles de l’écosystème humide et que, d’autre part, les critères ornithologiques, sur lesquels doit reposer exclusivement le classement, doivent être scientifiquement fondés. En effet, l’utilisation de critères défectueux, prétendument ornithologiques, pourrait aboutir à une définition erronée des limites des ZPS.

143. En l’espèce, il est constant que la superficie en cause est séparée du reste de l’estuaire classé par une route qui croise le fleuve et que, en tant que replat boueux, elle présente les mêmes caractéristiques que l’ensemble du site de la baie de Dublin.

144. En outre, il ressort de l’évaluation des incidences sur l’environnement publiée en juillet 1998, sur laquelle les deux parties se sont fondées au cours de la procédure, que cette superficie est utilisée comme aire de nourriture par une partie des oiseaux sauvages présents dans la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary.

145. Il y a donc lieu de constater que la seconde zone est utilisée comme aire de nourriture par trois des neuf espèces d’oiseaux qui sont déterminantes pour qualifier la baie de Dublin de zone ornithologique importante. Cette zone est utilisée par ces espèces dans les limites moyennes auxquelles on pouvait s’attendre, si ce n’est davantage. Par conséquent, ladite zone fait partie intégrante de l’ensemble de l’écosystème humide et, dès lors, elle aurait dû également être classée en ZPS.

146. Il s’ensuit que le recours est également fondé en ce qui concerne la seconde zone non incluse dans la ZPS de Sandymount Strand and Tolka Estuary.

147. En conséquence, il y a lieu de considérer la seconde branche du premier grief comme fondée.

148. Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le premier grief est fondé, à l’exception du point relatif à la désignation des ZPS pour assurer la conservation de l’oie rieuse du Groenland, espèce mentionnée à l’annexe I, ainsi que la protection du vanneau huppé, du chevalier gambette, de la bécassine des marais et du courlis cendré, espèces migratrices dont la venue est régulière non visées à l’annexe I.

Sur le deuxième grief, tiré du défaut de mise en place du statut juridique de protection nécessaire conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux»

Argumentation des parties

149. La Commission estime que, depuis 1981, la législation irlandaise n’a pas mis suffisamment en œuvre les dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» et que, de surcroît, l’Irlande n’a pas appliqué ces dispositions dans la pratique par la création d’un statut juridique de protection propre aux ZPS de nature à assurer la survie et la reproduction des espèces d’oiseaux concernées.

150. Selon elle, premièrement, le fait de veiller à la survie et à la reproduction des espèces d’oiseaux présentes dans les ZPS peut nécessiter non seulement des mesures préventives, mais également des mesures actives ou positives qui, à une exception près, n’ont pas été prises par l’Irlande. Deuxièmement, il existe un doute quant à la question de savoir si la législation irlandaise pertinente constitue réellement une base juridique permettant d’arrêter de telles mesures.

151. L’Irlande conteste le manquement reproché. Pour ce qui est de l’obligation d’adopter un statut juridique de protection efficace des ZPS, tout en admettant que l’approche préventive ne suffit pas à protéger les oiseaux dans tous les cas de figure, elle soutient que cet objectif a justifié la mise en place du programme de subventions en faveur du râle des genêts de nature volontaire. À cela s’ajoute une liste de plans, sous la forme de projets, de gestion de la conservation des oiseaux dans un certain nombre de ZPS.

152. Pour ce qui est de la portée de la législation irlandaise transposant l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux», cet État membre conteste le fait que l’unique objectif du règlement «habitats» serait d’appliquer la directive «habitats» et soutient que ledit règlement fournit une base juridique adéquate en droit national pour la création et l’exécution des plans de gestion concernant les ZPS. Selon l’Irlande, le règlement «habitats» applique expressément aux ZPS un certain nombre de mesures clés de protection et d’exécution, notamment l’article 13 de celui-ci qui est expressément mentionné à l’article 34 du même règlement en tant que disposition s’appliquant aux zones classées en vertu de la directive «oiseaux».

Appréciation de la Cour

153. Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» impose aux États membres de conférer aux ZPS un statut juridique de protection susceptible d’assurer, notamment, la survie et la reproduction des espèces d’oiseaux mentionnées à l’annexe I ainsi que la reproduction, la mue et l’hivernage des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière (arrêt du 18 mars 1999, Commission/France, C‑166/97, Rec. p. I‑1719, point 21 et jurisprudence citée).

154. Ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 77 de ses conclusions, la protection des ZPS ne doit pas se limiter à des mesures destinées à obvier aux atteintes et aux perturbations externes causées par l’homme, mais doit aussi, selon la situation qui se présente, comporter des mesures positives visant à conserver et à améliorer l’état du site.

155. Il est constant que l’article 13 du règlement «habitats» aurait transposé à suffisance l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» si cette disposition avait été applicable aux ZPS. Cependant, contrairement à la position de l’Irlande selon laquelle cet article 13 s’applique également aux ZPS essentiellement en vertu de l’article 34 du même règlement, la Commission soutient que ledit règlement est destiné à mettre en œuvre uniquement la directive «habitats».

156. L’article 34 du règlement «habitats» prévoit que, «[l]e cas échéant, les dispositions des articles 4, 5, 7, 13, 14, 15 et 16 s’appliquent mutatis mutandis aux zones classées en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive oiseaux».

157. Selon les termes de l’article 249, troisième alinéa, CE, la directive, en liant tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Il s’ensuit que l’Irlande, tout comme n’importe quel autre État membre, bénéficie du choix de la forme et des moyens de mise en œuvre de la directive «oiseaux» (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2003, Commission/France, C‑296/01, Rec. p. I‑13909, point 55).

158. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, la transposition en droit interne d’une directive doit assurer effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 1991, Commission/Allemagne, C‑361/88, Rec. p. I‑2567, point 15).

159. La Cour a également jugé, comme cela vient d’être rappelé au point 64 du présent arrêt, que l’exactitude de la transposition revêt une importance particulière s’agissant de la directive «oiseaux», dans la mesure où la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire, aux États membres respectifs.

160. Il convient donc de vérifier si l’article 34 du règlement «habitats» ne garantit pas, comme le soutient la Commission, l’application de l’article 13 de ce règlement aux zones classées en ZPS en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux».

161. Or, la lecture littérale dudit article 34 permet de conclure que, en elle-même, cette disposition n’exclut pas du champ d’application du règlement «habitats» l’application de l’article 13 de ce règlement aux zones classées en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux».

162. Par conséquent, ne saurait être accueilli l’argument de la Commission selon lequel, en raison du défaut de mention dans le règlement «habitats» d’un objectif distinct consistant à donner également effet à la directive «oiseaux» et compte tenu des limitations imposées par l’European Communities Act, ledit règlement ne peut constituer une base juridique permettant l’adoption des plans de gestion de la conservation des oiseaux dans les ZPS.

163. Pour la même raison, ne saurait être accueilli l’argument de la Commission selon lequel le règlement «habitats» ne permet pas l’application aux ZPS des mesures de gestion prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la directive «habitats», car ce règlement a uniquement pour objectif déclaré la mise en œuvre de ladite directive. En effet, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 82 de ses conclusions, si des mesures analogues à celles prévues audit article 6, paragraphe 1, doivent être appliquées aux ZPS au titre de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux», rien n’empêche le législateur national de créer une disposition unique pour transposer les règles des deux directives.

164. Ne saurait être accueilli non plus l’argument de la Commission relatif aux limitations imposées par l’European Communities Act. En effet, l’Irlande soutient, dans son mémoire en défense et sans être contredite sur ce point par la Commission, que le règlement «habitats» n’est pas une loi, mais qu’il est, dans son intégralité et de manière incontestable, pleinement en vigueur et qu’il produit tous ses effets juridiques tant qu’il n’a pas été contesté avec succès devant une juridiction compétente.

165. Enfin, pour le même motif que celui retenu au point 161 du présent arrêt, doit être écarté l’argument de la Commission selon lequel l’application aux ZPS de l’article 13 du règlement «habitats», qui porte sur les mesures de conservation à prendre par le ministre en ce qui concerne les zones spéciales de conservation, n’est pas automatique, car, selon la formulation de l’article 34 de ce règlement, certaines dispositions dudit règlement s’appliquent «le cas échéant» et «mutatis mutandis» aux zones classées en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux».

166. En outre, selon la jurisprudence constante de la Cour, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (arrêt du 29 mai 1997, Commission/Royaume-Uni, C‑300/95, Rec. p. I‑2649, point 37 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, la Commission n’a invoqué à l’appui de son recours aucune décision judiciaire nationale qui aurait interprété la disposition interne litigieuse de façon non conforme à la directive.

167. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la Commission, qui a la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure en manquement (arrêt Commission/Grèce, précité, point 35 et jurisprudence citée), ait démontré à suffisance de droit que, à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire notifié le 11 juillet 2003, le règlement «habitats» avait la portée que lui prête la Commission.

168. Le deuxième grief doit, dès lors, être écarté.

Sur le troisième grief, tiré du défaut d’application de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» aux zones qui auraient dû être classées en ZPS

Argumentation des parties

169. La Commission fait valoir que l’Irlande omet, depuis 1981, d’assurer l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» aux sites qui auraient dû être classés en ZPS en vertu de ladite directive, mais qui ne l’ont pas été. Elle considère que, vu l’ampleur de l’insuffisance de désignation de ZPS par les autorités irlandaises, cette lacune est susceptible d’avoir des répercussions importantes sur la conservation des espèces d’oiseaux concernées.

170. Selon elle, bien que l’Irlande possède une législation relative à la protection des habitats en dehors des zones classées en ZPS, cette législation n’a pas la spécificité ornithologique requise par la disposition communautaire mentionnée au point précédent. La législation nationale n’impose, notamment, pas d’obligations particulières à l’égard des habitats des espèces d’oiseaux sauvages qui devraient bénéficier de la protection résultant des ZPS, dans les zones qui ne font pas partie du réseau de ZPS existant en Irlande. La Commission cite l’exemple spécifique des difficultés que rencontre le busard Saint-Martin et ajoute que, en outre, les zones non classées en ZPS mais nécessitant un tel classement ne bénéficient pas en Irlande de la protection requise par l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», même à l’égard des actions des autorités publiques.

171. L’Irlande répond, en substance, qu’un important travail d’enquête sur le busard Saint-Martin est en voie d’achèvement et qu’un projet d’orientations relatives au développement de l’énergie éolienne doit être finalisé prochainement.

Appréciation de la Cour

172. Il convient de souligner que, comme cela vient d’être rappelé au point 84 du présent arrêt, les objectifs de protection formulés par la directive «oiseaux», tels qu’ils se trouvent explicités dans son neuvième considérant, ne pourraient être atteints si les États membres devaient respecter les obligations qui découlent de l’article 4, paragraphe 4, de ladite directive dans les seuls cas où une ZPS a été préalablement désignée.

173. Comme il ressort également de la jurisprudence de la Cour, le texte de l’article 7 de la directive «habitats» précise que l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette directive se substitue à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» à partir de la date de mise en application de la directive «habitats» ou de la date du classement par un État membre en vertu de la directive «oiseaux» si cette dernière date est postérieure. Il appert donc que les zones qui n’ont pas été classées en ZPS alors qu’elles auraient dû l’être continuent de relever du régime propre à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» (arrêt du 7 décembre 2000, Commission/France, C‑374/98, précité, points 46 et 47).

174. Or, en l’espèce, l’Irlande n’a même pas soutenu avoir assuré l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» aux zones devant être classées en ZPS en vertu de ladite directive.

175. Par suite et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les exemples concrets apportés par la Commission, il y a lieu de considérer le troisième grief comme fondé.

Sur le quatrième grief, tiré du défaut de transposition et d’application de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux»

Argumentation des parties

176. La Commission reproche à l’Irlande de ne pas avoir transposé ni appliqué intégralement et correctement la seconde phrase de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux» relative aux mesures appropriées que les États membres doivent prendre pour éviter la pollution ou la détérioration des habitats en dehors des ZPS.

177. Au soutien de son grief, la Commission fait valoir que les divers instruments juridiques internes, en particulier les licences relatives à la prévention intégrée de la pollution, le système de gestion du fumier d’étable, la législation en matière d’aménagement du territoire et les dispositions relatives à l’évaluation des incidences sur l’environnement, qui sont censés transposer l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux», ne présentent aucun contenu spécifiquement ornithologique figurant à cet article. Or, en l’absence de référence à toute considération ornithologique spécifique, il ne saurait être considéré que les entités jouant un rôle dans le cadre des mesures environnementales tiendront compte des intérêts ornithologiques. Selon la Commission, plusieurs règles internes transposant ledit article 4, paragraphe 4, seconde phrase, sont partielles et de nombreuses lacunes subsistent. Leur caractère incomplet est démontré par le déclin des habitats et, malgré les dénégations de l’Irlande, il ne saurait être valablement contesté, en l’espèce, que l’intervention humaine a entraîné un déclin des habitats.

178. L’Irlande répond en indiquant que l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux» est, en pratique, transposé par un certain nombre de programmes et de mesures réglementaires. Elle soutient encore que les exigences de la seconde phrase dudit paragraphe 4 sont mises en œuvre dans la Wildlife Act qui prévoit une assise juridique solide pour la protection des espèces d’oiseaux dans la campagne profonde.

Appréciation de la Cour

179. S’il est vrai que l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux» n’impose pas obligatoirement l’obtention de certains résultats, il n’en demeure pas moins que les États membres doivent se donner sérieusement pour objectif de protéger les habitats en dehors des ZPS. Force est donc de constater que, en l’espèce, l’Irlande doit s’efforcer de prendre les mesures appropriées afin d’éviter la pollution ou la perturbation des habitats (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 1999, Commission/France, précité, point 48).

180. Premièrement, il y a lieu d’examiner si l’Irlande a transposé intégralement et correctement ladite disposition en prenant les mesures appropriées afin d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats en dehors des ZPS.

181. Eu égard aux différents éléments de preuve, appréciés dans leur ensemble, force est de constater que, dans la présente affaire, tel n’est pas le cas.

182. Ainsi, pour ce qui concerne les licences délivrées dans le cadre du système de réduction intégrée de la pollution par l’Environmental Protection Agency, il n’est pas contesté, ainsi que l’a indiqué la Commission, que ce système ne porte que sur une gamme limitée d’activités polluantes et ne contient aucune référence spécifique aux considérations ornithologiques prévues à l’article 4 de la directive «oiseaux». De plus, il apparaît que l’Irlande se réfère à la transposition de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26), laquelle a d’autres objectifs. Dès lors, la réglementation nationale relative auxdites licences ne peut être considérée comme une transposition suffisante de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux».

183. S’agissant de la conditionnalité du paiement unique dans le cadre de la politique agricole commune, l’Irlande fait valoir que les différentes exigences réglementaires en matière de gestion, premier élément clé de cette conditionnalité, visées à l’article 4 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) nº 2019/93, (CE) nº 1452/2001, (CE) nº 1453/2001, (CE) nº 1454/2001, (CE) nº 1868/94, (CE) nº 1251/1999, (CE) nº 1254/1999, (CE) nº 1673/2000, (CEE) nº 2358/71 et (CE) nº 2529/2001 (JO L 270, p. 1), et dont la liste figure à l’annexe III de ce règlement, seront introduites progressivement sur trois ans, à compter du 1 er janvier 2005. Cet État membre précise que la liste de ces exigences réglementaires comprend une référence à la directive «oiseaux». Or, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 74 du présent arrêt, l’introduction progressive en droit interne desdites exigences ne peut être prise en compte.

184. Il en va de même pour ce qui concerne le second élément clé de cette conditionnalité du paiement unique lié aux bonnes conditions agricoles et environnementales visées à l’article 5 du règlement nº 1782/2003 et dont les exigences minimales doivent être définies sur la base du cadre fixé à l’annexe IV de ce règlement, l’entrée en vigueur des mesures de transposition de cet article ne devant intervenir qu’à compter du 1 er janvier 2005.

185. S’agissant des mesures prises dans le cadre du programme de protection environnementale des campagnes, destiné à récompenser les agriculteurs qui exercent de façon écologique leurs activités agricoles afin de susciter des améliorations en matière d’environnement dans les exploitations existantes, la Commission admet qu’elles présentent des avantages pour les oiseaux sauvages dans la mesure où elles permettent d’éviter la pollution et la détérioration des habitats. Cependant, il est constant que ce système n’est pas applicable de manière globale à l’ensemble des terres agricoles ou aux territoires non classés en ZPS. Dès lors, lesdites mesures ne peuvent davantage être considérées comme transposant l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux».

186. Les arguments concernant le programme de gestion des déchets agricoles (Farm Waste Management Scheme) ainsi que la législation en matière d’aménagement du territoire, y compris les dispositions relatives à l’évaluation des incidences sur l’environnement, doivent être également rejetés. En effet, l’Irlande n’a introduit, dans lesdits textes, aucune considération ornithologique au titre de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux».

187. Pour ce qui est, enfin, de la Wildlife Act, force est de constater que la seule disposition de cette loi, pertinente dans ce contexte et citée par l’Irlande au cours de la procédure, est l’article 11, paragraphe 1. Toutefois, cette disposition n’est pas suffisamment précise pour pouvoir être considérée comme garantissant la transposition de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux».

188. Deuxièmement, il y a lieu d’examiner si la Commission a démontré que l’Irlande ne s’est pas suffisamment efforcée, en pratique, d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats en dehors des ZPS.

189. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission avance, à titre d’exemple, les habitats du coucou gris (Cuculus canorus), de l’alouette des champs (Alauda arvensis), de l’hirondelle de cheminée (Hirundo rustica) et de l’hirondelle de rivage (Riparia riparia), espèces d’oiseaux dispersées qui figurent sur la «liste orange» de l’inventaire Birds of Conservation Concern in Ireland publié en 1999 par BirdWatch Ireland et la Royal Society for the Protection of Birds. Cet inventaire indique que lesdites espèces souffrent beaucoup de l’évolution des pratiques agricoles. De surcroît, la Commission se réfère au rapport Ireland’s Environment 2004 établi par l’Environmental Protection Agency qui explique la détérioration générale des habitats en Irlande par un ensemble de développements.

190. De plus, force est de constater que le seul fait qu’un certain nombre de programmes et de mesures réglementaires aient été prises, comme cela est soutenu par l’Irlande, n’établit pas que cet État membre s’est suffisamment efforcé d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats. En effet, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 111 de ses conclusions, un effort sérieux, l’adoption de toutes les mesures raisonnables pour atteindre le résultat recherché, requiert une action ciblée.

191. En l’espèce, il y a lieu de constater que les mesures prises par l’Irlande sont des mesures partielles et dispersées dont quelques-unes seulement favorisent la conservation des populations d’oiseaux concernés, mais ne constituent pas un ensemble cohérent.

192. Cette conclusion est corroborée par le fait que l’Irlande n’a pas récusé le contenu de l’inventaire Birds of Conservation Concern in Ireland publié en 1999 ni celui du rapport Ireland’s Environment 2004, deux études ornithologiques susmentionnées, présentées par la Commission.

193. Dès lors, eu égard à l’ensemble des éléments de preuve apportés par la Commission, il y a lieu de conclure que l’Irlande n’a pas transposé ni appliqué intégralement et correctement les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux». Par suite, le manquement est constitué sur ce grief.

Sur le cinquième grief, tiré de la transposition et de l’application insuffisantes de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats»

194. Le cinquième grief concerne, s’agissant des ZPS désignées en vertu de la directive «oiseaux», le fait que l’Irlande n’a pas adopté toutes les mesures requises pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats». Ce grief porte également sur la transposition insuffisante de l’article 6, paragraphe 2, de cette directive en ce qui concerne l’utilisation à des fins récréatives de tous les sites visés par cette disposition.

Observations liminaires

195. L’article 7 de la directive «habitats» prévoit que les obligations découlant de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive à partir de la date de mise en application de la directive «habitats» ou de la date de classification ou de la reconnaissance en vertu de la directive «oiseaux» si cette dernière date est postérieure.

196. Il s’ensuit que l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats» trouve à s’appliquer aux ZPS en Irlande depuis le 10 juin 1994, date d’expiration du délai de transposition de cette directive dans cet État membre, ou depuis la date de leur classification ou de leur reconnaissance en vertu de la directive «oiseaux» si cette dernière date est postérieure.

En ce qui concerne la transposition et l’application insuffisantes de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats»

– Argumentation des parties

197. La Commission estime que l’Irlande n’a pas transposé ni appliqué correctement, à la date du 10 juin 1994 ou après cette date, l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» à toutes les zones classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» ou reconnues en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la même directive.

198. Elle soutient que, aux termes du règlement «habitats», qui, selon l’affirmation de l’Irlande, met en œuvre l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», la capacité de combattre les activités potentiellement néfastes des propriétaires fonciers dépend, dans une large mesure, des avis qui leur sont notifiés au moment où il est proposé de classer une zone comme site relevant de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats». L’article 14 dudit règlement confère au ministre compétent le pouvoir d’émettre des avis et d’imposer des conditions concernant l’utilisation des sols. Ce pouvoir connaît cependant deux limitations.

199. La première de ces limitations est une limitation de jure en ce que l’article 14 du règlement «habitats» est libellé de manière à ne s’appliquer qu’aux ZPS désignées après l’entrée en vigueur de ce règlement, de sorte qu’il ne s’applique pas aux ZPS désignées avant cette date. Dans le cas de ZPS existantes, il n’est pas prévu de notifier aux propriétaires fonciers des avis leur indiquant expressément les activités qui nécessitent une autorisation en vertu de la législation de transposition, de sorte que ces zones ne bénéficient pas du système de lutte contre les activités néfastes.

200. La seconde est une limitation de facto dans la mesure où ledit règlement n’a pas été appliqué à toutes les ZPS.

201. Selon la Commission, en l’absence de tout recours à des avis restrictifs, il n’existe pas dans la législation irlandaise de dispositif permettant de donner pleinement effet aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» pour les terrains du domaine public situés à l’intérieur d’une ZPS. Elle estime également que, dans la mesure où ces activités ont lieu sur des terrains qui appartiennent au domaine public ou sur lesquels l’État exerce un contrôle, la législation nationale ne prévoit pas d’obligation légale expresse imposant aux autorités chargées de réglementer ces activités de prendre des mesures d’exécution pour assurer le respect des dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive.

202. La Commission cite comme exemple d’activité qui enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» le ramassage mécanique de coques non autorisé dans la ZPS de Bannow Bay et invoque également l’aménagement préjudiciable de la ZPS de Glen Lough.

203. L’Irlande rejette l’ensemble des allégations de la Commission. Elle fait remarquer que, outre la disposition contenue à l’article 14 du règlement «habitats», l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement, qui s’applique à la fois aux zones spéciales de conservation et aux ZPS, transpose l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats». L’Irlande se réfère également, aux mêmes fins, aux dispositions des articles 17 et 18 du règlement «habitats» et maintient la position selon laquelle les lois sur les plages (Foreshore Acts) permettent d’assurer la protection des ZPS.

– Appréciation de la Cour

204. Il y a lieu de rappeler d’emblée que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», tout comme l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», impose aux États membres de prendre des mesures appropriées pour éviter, dans les zones classées conformément au paragraphe 1 dudit article 4 ou reconnues conformément au paragraphe 2 de ce même article, la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant de manière significative les espèces pour lesquelles les ZPS ont été désignées ou reconnues (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Commission/Irlande, C‑117/00, Rec. p. I‑5335, point 26).

205. S’agissant de l’argument de l’Irlande selon lequel l’article 13, paragraphe 3, du règlement «habitats» transpose l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», force est de constater que ledit article 13, paragraphe 3, a pour seul objet d’imposer au ministre compétent l’obligation de prendre les dispositions utiles pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles ces zones ont été désignées, de sorte que cette disposition n’a d’effet que lorsque ce ministre exerce une responsabilité directe sur les ZPS concernées. Or, dans le régime du règlement «habitats», l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement s’ajoute aux dispositions des articles 4 et 14 du même règlement qui prévoient un système de responsabilité du propriétaire foncier fondé sur des avis. Dans la présente affaire, étant constant que ces avis n’ont pas été émis pour toutes les ZPS, l’article 13, paragraphe 3, du règlement «habitats» ne peut être considéré comme assurant une transposition suffisante de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

206. S’agissant de l’argument selon lequel l’article 14 du règlement «habitats» prévoit le contrôle des opérations ainsi que des activités dont la liste figure dans un avis notifié par le ministre compétent conformément à l’article 4 de ce règlement et selon lequel les activités répertoriées ne peuvent s’effectuer qu’avec l’autorisation du ministre ou en vertu d’un accord de gestion prévu à l’article 12 du même règlement, il suffit de constater que ledit article 14 s’appuie aussi sur l’existence d’un avis. Dès lors, pour la même raison que celle relevée au point précédent, cette dernière disposition ne peut pas être considérée comme assurant la transposition suffisante de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

207. Quant à l’argument selon lequel l’article 17 du règlement «habitats» autorise le ministre compétent à saisir la justice en lui demandant d’interdire les opérations ou les activités qui semblent, au regard de l’évaluation réalisée, néfastes à un site européen, y compris une ZPS, et selon lequel l’article 18 dudit règlement accorde un pouvoir analogue au ministre compétent au cas où une opération ou une activité néfaste à une ZPS s’effectuerait dans une zone située en dehors de cette ZPS, il y a lieu de constater que, comme le soutient à juste titre la Commission et ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 127 de ses conclusions, ces dispositions ne permettent pas d’éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces pour lesquelles les zones concernées ont été désignées.

208. En effet, même si l’Irlande indique, dans son mémoire en duplique, que les pouvoirs du ministre compétent, tels qu’ils sont précisés au point précédent, peuvent être utilisés dans le cadre d’une demande immédiate de mesures de redressement par voie d’injonction, à titre provisoire, force est de constater que ces dispositions ne peuvent nécessairement jouer qu’après que les activités en question ont déjà commencé et donc après que les éventuelles détériorations se sont déjà produites. En outre, le ministre compétent n’est pas en droit d’interdire unilatéralement une activité néfaste et les pouvoirs susmentionnés présupposent qu’une évaluation appropriée des incidences de cette activité sur l’environnement ait été effectuée avant que ne soit sollicitée une interdiction judiciaire. La protection réactive des ZPS peut être considérablement retardée par ces étapes de procédure. Ces dispositions n’assurent pas davantage la protection des ZPS contre les activités des particuliers, car une telle protection exige que ceux-ci soient préventivement empêchés de se livrer à des activités éventuellement nuisibles.

209. Dès lors, les articles 17 et 18 dudit règlement ne peuvent pas davantage êt re considérés comme constituant une transposition suffisante de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

210. L’argument de l’Irlande selon lequel les lois sur les plages permettent d’assurer la protection des ZPS ne saurait non plus être accueilli. À cet égard, il suffit de constater que lesdites lois ne permettent d’assurer que la protection des zones côtières et qu’elles ne s’appliquent donc pas aux ZPS situées en dehors de ces zones.

211. Enfin, en ce qui concerne le ramassage mécanique de coques non autorisé dans la ZPS de Bannow Bay, cité par la Commission comme une activité qui enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», il y a lieu de considérer, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 140 de ses conclusions, qu’il s’agit d’une simple illustration qui ne fait pas l’objet du recours. En tout état de cause, la Commission n’a présenté aucun élément de preuve de nature à établir le manquement sur ce point.

212. Il s’ensuit que l’Irlande n’a pas transposé correctement, à la date du 10 juin 1994 ou après cette date, l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» à toutes les zones classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» ou reconnues en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la même directive.

213. Par suite, il y a lieu de considérer le grief fondé sur ce point.

En ce qui concerne la transposition insuffisante de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» dans le domaine des activités récréatives

– Argumentation des parties

214. La Commission estime que l’Irlande n’a pas transposé suffisamment l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en ce qui concerne l’utilisation à des fins récréatives de tous les sites visés par cette disposition. Elle considère que la législation irlandaise ne couvre que les activités des propriétaires fonciers et que cette législation est lacunaire à plusieurs égards en ce qui concerne la prévention des dommages causés aux habitats par des usagers des terrains à des fins récréatives. L’application des articles 14 et 17 du règlement «habitats» n’a pas donné lieu à l’établissement de listes exhaustives d’activités interdites. En outre, les mécanismes de l’article 17 dudit règlement sont de nature réactive et aucune autre disposition législative citée par l’Irlande ne semble protéger les ZPS contre les activités récréatives déployées par des usagers.

215. Nonobstant les indications concernant les propositions de modifications législatives utiles, y compris le projet de loi de 2004 concernant la sécurité maritime (Maritime Safety Bill 2004), l’Irlande conteste l’argument selon lequel la législation actuelle serait insuffisante en termes de mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» dans le cadre de l’utilisation à des fins récréatives de terrains situés dans les ZPS. Cet État membre explique que les autorités nationales ont le pouvoir de contrôler les activités récréatives ainsi que les autres activités réalisées dans des sites européens par des personnes autres que le propriétaire foncier et d’infliger des peines. Dans ce contexte, cet État se réfère aux dispositions de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement «habitats» ainsi qu’à celles des articles 14, 17 et 18 de ce règlement, à la Wildlife Act et à la loi de 1994 concernant la justice pénale (ordre public) [Criminal Justice (Public Order) Act 1994].

– Appréciation de la Cour

216. S’agissant de l’argument de l’Irlande selon lequel les dispositions de l’article 14 du règlement «habitats», limitant la réalisation d’opérations ou d’activités, ne sont pas réservées aux propriétaires, aux occupants ou aux titulaires d’une licence, mais s’appliquent à toutes les personnes dès lors que l’opération ou l’activité a été mentionnée dans un avis émis au titre de l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement, il suffit de constater que l’article 14, paragraphe 3, du même règlement ne permet pas de poursuivre des personnes tierces qui n’ont pas eu connaissance dudit avis. En effet, ces dernières peuvent invoquer la cause d’«excuse raisonnable» figurant dans cette dernière disposition. Dès lors, la transposition de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» n’est pas, à tout le moins, suffisamment précise.

217. Quant à l’argument de l’Irlande selon lequel la procédure prévue aux articles 17 et 18 du règlement «habitats» est une procédure séparée et distincte qui peut être engagée à l’encontre de toute personne et ne dépend pas du contenu d’un quelconque «avis» donné, force est de constater qu’il n’est pas garanti qu’elle puisse être appliquée aux personnes qui n’ont pas reçu l’avis prévu à l’article 4 dudit règlement. De plus, comme cela vient d’être constaté aux points 208 et 209 du présent arrêt, ladite procédure ne constitue qu’une mesure réactive et, par suite, les articles 17 et 18 du règlement «habitats» ne peuvent être considérés comme assurant la transposition suffisante de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

218. Pour ce qui est de l’argument selon lequel la Wildlife Act prévoit, à ses articles 22, 23 et 76, la possibilité d’agir lorsqu’il existe une perturbation manifeste et délibérée des lieux de reproduction ou de repos d’un animal sauvage protégé ou en cas de perturbation des oiseaux protégés en période de nidification et selon lequel les pouvoirs conférés par cette loi comprennent la faculté de saisir le matériel et les véhicules utilisés par les contrevenants, il suffit de constater qu’il est constant que ladite loi ne couvre pas l’ensemble des préjudices susceptibles d’être causés par des usagers à des fins récréatives.

219. Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel la violation de la propriété privée a été requalifiée en infraction pénale dans le droit interne par l’article 19 A de la loi de 1994 concernant la justice pénale (ordre public) et que les peines prononcées en cas de condamnation peuvent prendre la forme d’amendes et de saisies des véhicules et du matériel, il convient de rappeler que, dans le cadre de la directive «habitats», laquelle pose des règles complexes et techniques dans le domaine du droit de l’environnement, les États membres sont spécialement tenus de veiller à ce que leur législation destinée à assurer la transposition de cette directive soit claire et précise (voir arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C‑6/04, Rec. p. I‑9017, point 26).

220. Or, il ressort de l’examen des dispositions pénales sur la violation de propriété invoquées par l’Irlande que celles-ci ne sont pas expressément liées à la protection des habitats naturels et des habitats d’espèces contre la détérioration ainsi que contre les perturbations touchant les espèces et qu’elles ne sont donc pas conçues pour éviter les dommages causés aux habitats par un usage des ZPS à des fins récréatives. Par conséquent, elles ne constituent pas une mise en œuvre claire et précise des dispositions de la directive «habitats» de nature à satisfaire pleinement à l’exigence de sécurité juridique.

221. Par suite, il y a lieu de considérer le grief également fondé sur ce point.

En ce qui concerne la transposition et l’application insuffisantes de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats»

– Argumentation des parties

222. La Commission fait valoir que l’Irlande n’a pas correctement transposé ni appliqué l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats».

223. En ce qui concerne la transposition, la Commission soutient que la législation interne ne contient pas de dispositions visant à garantir que les plans, par opposition à des projets, soient évalués conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats». Par ailleurs, la législation nationale ne prévoit pas l’application adéquate de ces dispositions communautaires à des projets situés en dehors de ZPS mais qui ont des effets notables à l’intérieur de ces ZPS.

224. En ce qui concerne l’application, la Commission considère que l’Irlande ne s’assure pas de façon systématique que les plans et les projets susceptibles d’affecter des ZPS de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fassent l’objet d’une évaluation préalable appropriée.

225. L’Irlande soutient qu’aucune mesure ni aucun projet en vertu d’aucun plan ne peut avoir d’effet ni en droit ni en fait sans avoir fait l’objet d’une évaluation. Bien que les plans puissent encourager certaines activités, ils ne dispensent ni ne font obstacle aux contrôles applicables à des sites soumis aux régimes réglementaires correspondants. Ils n’ont pas d’incidence sur l’acceptation ou non d’un projet pouvant avoir un effet sur un site. Avant qu’un plan ou un projet puisse s’appliquer à un site, il fait d’abord l’objet d’une procédure d’évaluation complète dans le cadre du régime réglementaire prévu par le règlement «habitats», du règlement d’aménagement ou d’un autre régime réglementaire, conformément aux dispositions de la directive «habitats». Par conséquent, aucun plan ni projet ne peut s’appliquer à un site sans avoir fait l’objet d’une évaluation.

– Appréciation de la Cour

226. Quant à la transposition de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», il y a lieu de rappeler d’emblée que la Cour a déjà jugé que l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive subordonne l’exigence d’une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet à la condition qu’il y ait une probabilité ou un risque que ce plan ou projet affecte le site concerné de manière significative. Compte tenu, en particulier, du principe de précaution, un tel risque existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative (arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, précité, point 54 et jurisprudence citée).

227. Il s’ensuit que la directive «habitats» exige que tout plan ou projet fasse l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative.

228. À cet égard, l’Irlande soutient que les plans sont soumis à une évaluation appropriée de leurs incidences sur un site en vertu des articles 27 à 33 du règlement «habitats» qui prévoient une évaluation de différents projets de développement («various development proposals»). Cependant, l’Irlande n’a pas démontré que de tels projets constituent des plans au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats».

229. Ensuite, l’Irlande fait valoir que la loi de 2000 sur l’aménagement et le développement (Planning and Development Act 2000), a introduit des exigences relatives à la prise en compte de certains plans, notamment les orientations relatives à l’aménagement régional, les plans de développement et les plans locaux susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Depuis le 1 er janvier 2001, chacun desdits plans doit comporter des informations relatives aux incidences susceptibles d’être notables sur l’environnement, du fait de leur mise en œuvre. Cette exigence a été incluse par anticipation des termes de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO L 197, p. 30). Or, malgré l’existence d’une telle législation, il ne peut être admis que l’Irlande a satisfait à ses obligations résultant de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats». En effet, l’obligation, figurant dans ladite loi sur l’aménagement et le développement, ne concerne que des informations relatives aux incidences susceptibles d’être notables sur l’environnement alors que l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» exige une évaluation préalable des incidences des plans d’aménagement.

230. Par ailleurs, l’Irlande fait également valoir qu’elle applique les évaluations au titre de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), ainsi qu’au titre de la directive 2001/42, transposée également par le règlement de 2004 concernant l’évaluation environnementale de certains plans et programmes des Communautés européennes [European Communities (Environmental Assessment of certain Plans and Programmes) Regulations 2004], et par le règlement de 2004 concernant l’évaluation environnementale stratégique de l’aménagement et du développement (Planning and Development Strategic Environmental Assessment Regulations 2004).

231. Or, ces deux directives comportent des dispositions relatives à la procédure de délibération sans lier les États membres quant à la décision et ne concernent que certains projets et plans. En revanche, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive «habitats», un plan ou un projet ne peut être autorisé que lorsque les autorités nationales compétentes se sont assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site. Les évaluations au titre de la directive 85/337 ou au titre de la directive 2001/42 ne sauraient dès lors remplacer la procédure prévue à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats».

232. Enfin, s’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle la législation irlandaise ne prévoit pas l’application adéquate des dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» à des projets situés en dehors des ZPS mais qui ont des effets notables à l’intérieur de ces ZPS, il suffit de constater qu’il est constant que le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, qui doit être commandé par les personnes privées concernées qui en supportent le coût d’un montant minimal de 15 000 euros, n’est requis que pour les plantations de plus de 50 ha, alors que la superficie moyenne des plantations en Irlande est d’environ 8 ha.

233. Il résulte donc de ce qui précède que, la législation irlandaise ne soumettant pas les plans à une évaluation appropriée de leurs incidences sur les ZPS, l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» n’a pas fait l’objet d’une transposition suffisante dans l’ordre juridique interne de l’Irlande.

234. Partant, le recours doit être considéré comme fondé sur ce point.

235. Quant à l’application de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», la Commission s’appuie sur les exemples des projets d’aquaculture et des travaux de drainage à l’intérieur de la ZPS de Glen Lough. Dès lors, il convient de les examiner successivement.

236. Premièrement, s’agissant des projets d’aquaculture, la Commission s’appuie, en substance, sur l’étude Review of the Aquaculture Licensing System in Ireland effectuée en 2000 par BirdWatch Ireland pour considérer que l’Irlande a systématiquement omis d’évaluer correctement ces projets situés dans les ZPS ou susceptibles d’avoir des incidences sur une ZPS, en méconnaissance de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats». Dans ce contexte, elle souligne l’importance d’une expertise préalable aux fins de l’évaluation des incidences d’un projet sur les objectifs de conservation fixés pour la ZPS concernée.

237. Il convient de préciser que cette étude examine 271 autorisations de projet d’aquaculture délivrées par le ministère des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles pendant la période allant de juin 1998 à décembre 1999 et 46 demandes sur lesquelles il n’avait pas encore été statué. En outre, 72 autorisations et 9 demandes en attente d’une décision concernent des projets d’aquaculture situés dans une ZPS ou à proximité. Les autorisations délivrées concernent, dans 84 % des activités autorisées dans les ZPS, des fermes élevant des huîtres et des coques.

238. Il y a lieu de rappeler également que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats», tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur celui-ci au regard des objectifs de conservation de ce site, lorsqu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, qu’il affecte ledit site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets (arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, Rec. p. I‑7405, point 45).

239. Or, ladite étude effectuée par BirdWatch Ireland expose plusieurs des effets néfastes potentiels de la conchyliculture, dont la perte de zones de nourrissage ainsi que les perturbations causées par l’intensification de l’activité humaine, et indique que, même lorsque le projet d’aquaculture se situe à l’intérieur d’une ZPS, les habitats des oiseaux sont très peu protégés. L’Irlande, pour sa part, ne prétend pas que tous les projets d’aquaculture sont sans incidence pour les ZPS.

240. Il s’ensuit que la procédure d’autorisation aurait dû comporter une évaluation appropriée des incidences de chaque projet particulier. À cet égard, force est de constater que l’Irlande s’est contentée d’affirmer, sans avoir apporté des explications précises, que la procédure irlandaise d’autorisation des élevages aquacoles, y compris ses dispositions en matière de consultation, prévoit, en réalité, la prise en considération détaillée de tous les aspects d’un projet de développement d’aquaculture avant de décider s’il doit ou non être autorisé.

241. Partant, il y a lieu de considérer que l’Irlande ne s’assure pas de façon systématique que les projets d’aquaculture susceptibles d’affecter des ZPS de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres projets, fassent l’objet d’une évaluation préalable appropriée.

242. Cette conclusion est corroborée par le fait que l’Irlande n’a pas présenté, pour contester le manquement soulevé par la Commission, d’évaluations scientifiques écrites concrètes indiquant qu’un examen ornithologique préalable détaillé des projets d’aquaculture a été effectué.

243. Or, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», une évaluation appropriée des incidences sur le site concerné du plan ou du projet implique que, avant l’approbation de celui-ci, doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site. Les autorités nationales compétentes n’autorisent une activité sur le site protégé qu’à la condition qu’elles aient acquis la certitude qu’elle est dépourvue d’effets préjudiciables pour l’intégrité dudit site. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets (voir arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, point 61).

244. Quant à l’argument de l’Irlande selon lequel aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’avait été exigée pour les élevages de coquillages, parce qu’ils sont de taille modeste et n’ont qu’un effet limité sur l’environnement, c’est à bon droit que la Commission soutient que cela ne constitue pas une raison suffisante pour ne pas évaluer les effets d’un tel plan ou d’un tel projet. En effet, l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats» exige, comme cela vient d’être rappelé au point 238 du présent arrêt, une évaluation appropriée de tout plan ou projet en conjugaison avec d’autres plans et projets.

245. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif des projets a pour résultat pratique que la totalité des projets d’un certain type peut être soustraite à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (voir, par analogie, arrêt du 21 septembre 1999, Commission/Irlande, C‑392/96, Rec. p. I‑5901, point 76).

246. Enfin, quant à l’argument de l’Irlande selon lequel une autorisation de maintien pour les projets de développement ayant été exécutés sans autorisation préalable est compatible avec la directive «habitats», il suffit de constater que l’évaluation d’un aménagement déjà accompli ne saurait être considérée comme équivalente à l’évaluation d’un plan ou d’un projet au sens de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats».

247. Dès lors, le grief doit être considéré comme fondé sur ce point.

248. Deuxièmement, s’agissant des travaux de drainage dans la ZPS de Glen Lough, la Commission fait valoir que l’Irlande a, contrairement aux dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», mis en œuvre, en 1992 et en 1997, un projet de drainage susceptible d’affecter de manière significative la ZPS de Glen Lough sans avoir effectué au préalable une évaluation appropriée de ce projet ni appliqué une procédure décisionnelle adéquate, ce qui a causé une détérioration des habitats, en violation de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive. En outre, l’Irlande n’a pas produit d’éléments montrant qu’il avait été remédié à cette détérioration.

249. À titre liminaire, force est de constater que, au moment des travaux de drainage que l’Office of Public Works (Office des travaux publics) a entrepris en 1992, la directive «habitats» n’était pas encore applicable. Par conséquent, lesdits travaux ne font pas partie de l’objet du présent recours.

250. En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le fait qu’un plan ou un projet a été autorisé selon la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» rend superflue, s’agissant de l’intervention sur le site protégé visée par ledit plan ou projet, une application concomitante de la norme de protection générale visée au paragraphe 2 du même article (arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, point 35).

251. Dès lors, pour ce qui concerne le grief relatif aux travaux de drainage entrepris en 1997, il convient de vérifier si de telles activités peuvent enfreindre l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats».

252. La violation de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de ladite directive présuppose que les travaux de drainage en cause constituent un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site, mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans ou projets.

253. À cet égard, il est constant que ces travaux constituent un projet et qu’ils ne sont pas directement liés ou nécessaires à la gestion du site. Il s’ensuit que, en application de la jurisprudence rappelée au point 226 du présent arrêt, ils devaient être soumis à une évaluation de leurs incidences sur les objectifs de conservation fixés pour la ZPS de Glen Lough s’il ne pouvait être exclu, sur la base d’éléments objectifs, qu’ils affectent ledit site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans ou projets.

254. Compte tenu, en particulier, du principe de précaution, qui est l’un des fondements de la politique de protection d’un niveau élevé poursuivie par la Communauté dans le domaine de l’environnement, conformément à l’article 174, paragraphe 2, premier alinéa, CE et à la lumière duquel doit être interprétée la directive «habitats», en cas de doute quant à l’absence d’effets significatifs, il y a lieu de procéder à une telle évaluation (voir arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, point 44).

255. Il ressort du dossier que la ZPS de Glen Lough, dont la superficie est d’environ 80 ha et qui a été classée en 1995, est un site d’hivernage important pour des espèces d’oiseaux migrateurs dans la région centrale de l’Irlande. Cette zone abritait, notamment, un nombre important à l’échelle mondiale de cygnes sauvages (Cygnus cygnus) et présente un intérêt tout particulier pour les oiseaux en raison de son eau.

256. Or, dans la présente affaire, l’Irlande, après avoir souligné que les travaux en question n’étaient que des travaux d’entretien de canaux de drainage existants, dans le cadre d’un régime de drainage antérieur au classement du site de Glen Lough en ZPS, et qu’ils n’avaient pas eu d’incidence significative sur les habitats des oiseaux sauvages dans cette ZPS, reconnaît, dans son mémoire en défense, que l’entretien du drainage de la Silver River par l’Office of Public Works en 1997 semble avoir réduit les délais de réponse hydrologique et dès lors l’utilisation du site par les cygnes sauvages.

257. Partant, il y a lieu de considérer que l’Irlande, en n’évaluant pas les incidences des travaux d’entretien de canaux de drainage sur les objectifs de conservation de la ZPS de Glen Lough avant leur réalisation, a violé l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats».

258. Ensuite, il résulte de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive «habitats» que, dans un cas tel que celui de la présente affaire, les autorités nationales compétentes, compte tenu des conclusions de l’évaluation appropriée des incidences desdits travaux sur le site concerné au regard des objectifs de conservation de ce dernier, n’auraient pu autoriser cette activité qu’à la condition qu’elles aient acquis la certitude qu’elle était dépourvue d’effets préjudiciables pour l’intégrité de ce site et qu’il en aurait été ainsi s’il n’avait subsisté aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets (voir arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, point 67).

259. En raison de la seule absence d’évaluation des incidences sur le site des travaux d’entretien de canaux de drainage entrepris en 1997, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 182 de ses conclusions, une autorisation aurait été illégale en vertu de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive «habitats». L’exposé de l’Irlande montre de surcroît, comme cela vient d’être indiqué au point 256 du présent arrêt, qu’une autorisation n’était pas possible car les travaux en cause étaient susceptibles d’affecter la ZPS de Glen Lough de manière significative. La conservation de zones d’hivernage des cygnes sauvages étant l’objectif essentiel de cette ZPS, l’intégrité de ladite zone a effectivement été affectée au sens de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive «habitats».

260. Il en résulte également que, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site, une autorisation au titre de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» n’aurait été possible qu’en l’absence de solutions alternatives et dans l’hypothèse où ce projet aurait dû être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur et à la condition que l’État membre prenne toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 soit protégée.

261. À cet égard et à supposer même, ainsi que M me l’avocat général l’a relevé au point 183 de ses conclusions, que le drainage soit d’intérêt public, il suffit de constater qu’un tel intérêt ne peut justifier une détérioration de la ZPS aux termes de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» qu’en l’absence de solutions alternatives.

262. Or, l’Irlande indique elle-même que le National Parks and Wildlife, après avoir installé en 1998 sur le long du parcours de la Silver River dans la ZPS une digue qui retient l’eau du lac tout en permettant à cette rivière de remplir son rôle de drainage par réseau hydrographique pour les terrains situés en amont, a conclu un contrat pour faire réparer, au début de l’année 2005, cette digue et installer une glissoire hydraulique ainsi qu’un déversoir pour le tuyau de trop-plein. Cela permettra, selon cet État membre, une stricte régulation du niveau du lac et le statut hydrologique sera établi pour optimiser l’utilisation du lac par le cygne sauvage. Néanmoins, l’Irlande n’a pas avancé d’arguments démontrant que de telles solutions alternatives ne pouvaient être mises en œuvre avant la réalisation des travaux d’entretien des canaux de drainage en 1997.

263. Il s’ensuit que l’Irlande a, contrairement aux dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», mis en œuvre en 1997 un projet de travaux d’entretien de canaux de drainage susceptible d’affecter de manière significative la ZPS de Glen Lough sans avoir effectué au préalable une évaluation appropriée de ses incidences sur le site ni appliqué une procédure décisionnelle adéquate, ce qui a causé une détérioration des habitats, en violation de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive.

264. Partant, le grief est également fondé sur ce point.

265. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le cinquième grief comme fondé.

Sur le sixième grief, tiré du défaut de transposition de l’article 10 de la directive «oiseaux»

Argumentation des parties

266. La Commission fait valoir que l’emploi du présent à l’article 10 de la directive «oiseaux» impose aux États membres l’obligation d’encourager les recherches nécessaires aux fins de la protection, de la gestion et de l’exploitation de la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1 er de ladite directive. Or, les dispositions réglementaires nationales pertinentes ne traduiraient pas cette obligation. La position du droit interne serait pour le moins ambiguë.

267. Selon elle, le libellé de la Wildlife Act fait de la promotion des recherches une activité facultative pour le ministre compétent.

268. L’Irlande, à l’inverse, considère qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’encourager les recherches. Elle affirme que sa législation n’est pas lacunaire, que l’article 11, paragraphe 3, de la Wildlife Act constitue une transposition suffisante dudit article 10 en droit national et reflète pleinement, voire dépasse, le degré d’obligation imposé par cette disposition communautaire.

Appréciation de la Cour

269. Force est de constater d’emblée qu’une lecture littérale de l’article 11, paragraphe 3, de la Wildlife Act permet d’affirmer que cette disposition prévoit la possibilité pour le ministre compétent d’effectuer ou de faire effectuer les travaux de recherche qu’il considère utiles pour l’exercice de ses fonctions en vertu de ladite loi. Par contre, ladite disposition ne définit aucune obligation pour le ministre compétent d’encourager de telles activités.

270. Or, comme le soutient à juste titre la Commission, l’article 10 de la directive «oiseaux» crée une obligation pour les États membres d’encourager les recherches et les travaux nécessaires aux fins de la protection, de la gestion et de l’exploitation de la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1 er de ladite directive.

271. Il s’ensuit que l’Irlande ne peut être considérée comme ayant transposé l’article 10 de la directive «oiseaux» dans son ordre juridique interne.

272. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de l’Irlande selon lequel le rôle du ministre compétent est encore étendu en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la Wildlife Act. En effet, cette disposition ne fait que déclarer qu’il appartient à celui-ci de garantir la conservation de la vie sauvage et de promouvoir la conservation de la diversité biologique.

273. Doit encore être écarté l’argument de l’Irlande selon lequel l’utilisation du terme «may» (peut), en ce qui concerne l’interprétation du droit national, ne signifie pas nécessairement que le ministre compétent peut, à son entière discrétion, décider d’effectuer ou non des travaux de recherche.

274. À cet égard, il suffit de constater que la jurisprudence nationale à laquelle se réfère ledit État membre n’indique pas qu’une telle interprétation du droit national soit systématique et elle ne se réfère pas non plus spécifiquement à la disposition nationale en cause.

275. Par suite, il y a lieu de considérer le sixième grief comme fondé.

276. À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il convient de constater que, en omettant:

– de classer, depuis le 6 avril 1981, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux», l’ensemble des territoires les plus appropriés, en nombre et en superficie, pour les espèces mentionnées à l’annexe I, à l’exception de ceux destinés à assurer la conservation de l’oie rieuse du Groenland, ainsi que pour les espèces migratrices dont la venue est régulière non visées à l’annexe I, à l’exception de ceux destinés à assurer la protection du vanneau huppé, du chevalier gambette, de la bécassine des marais et du courlis cendré;

– d’assurer, depuis le 6 avril 1981, l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», aux zones devant être classées en ZPS en vertu de ladite directive;

– de transposer et d’appliquer intégralement et correctement les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive «oiseaux»;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en ce qui concerne toutes les ZPS classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» ou reconnues en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la même directive;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», pour ce qui concerne l’usage à des fins récréatives de tous les sites devant relever dudit article;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», pour ce qui concerne les plans;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», pour ce qui concerne l’autorisation des projets d’aquaculture;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats», pour ce qui concerne des travaux d’entretien de canaux de drainage dans la ZPS de Glen Lough, et

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 10 de la directive «oiseaux»,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphes 1, 2 et 4, et 10 de la directive «oiseaux» ainsi que de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats».

Sur les dépens

277. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

278. En application du paragraphe 4, premier alinéa, du même article du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il y a donc lieu de décider que la République hellénique et le Royaume d’Espagne supportent leurs propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1) En omettant:

– de classer, depuis le 6 avril 1981, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, telle que modifiée par la directive 97/49/CE de la Commission, du 29 juillet 1997, l’ensemble des territoires les plus appropriés, en nombre et en superficie, pour les espèces mentionnées à l’annexe I de ladite directive, à l’exception de ceux destinés à assurer la conservation de l’oie rieuse du Groenland (Anser albifrons flavirostris), ainsi que pour les espèces migratrices dont la venue est régulière non visées à ladite annexe I, à l’exception de ceux destinés à assurer la protection du vanneau huppé (Vanellus vanellus), du chevalier gambette (Tringa totanus), de la bécassine des marais (Gallinago gallinago) et du courlis cendré (Numenius arquata);

– d’assurer, depuis le 6 avril 1981, l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive 79/409, telle que modifiée par la directive 97/49, aux zones devant être classées en zones de protection spéciale en vertu de ladite directive;

– de transposer et d’appliquer intégralement et correctement les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, seconde phrase, de la directive 79/409, telle que modifiée par la directive 97/49;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, en ce qui concerne toutes les zones de protection spéciales classées en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/409, telle que modifiée par la directive 97/49, ou reconnues en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la même directive;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, pour ce qui concerne l’usage à des fins récréatives de tous les sites devant relever dudit article;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43, pour ce qui concerne les plans;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, pour ce qui concerne l’autorisation des projets d’aquaculture;

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43, pour ce qui concerne des travaux d’entretien de canaux de drainage dans la zone de protection spéciale de Glen Lough, et

– de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de l’article 10 de la directive 79/409, telle que modifiée par la directive 97/49,

l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphes 1, 2 et 4, et 10 de la directive 79/409, telle que modifiée par la directive 97/49, ainsi que de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) L’Irlande est condamnée aux dépens.

4) La République hellénique et le Royaume d’Espagne supportent leurs propres dépens.

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