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Document 61998CC0381

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 11 mai 2000.
Ingmar GB Ltd contre Eaton Leonard Technologies Inc.
Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) - Royaume-Uni.
Directive 86/653/CEE - Agent commercial indépendant exerçant son activité dans un Etat membre - Commettant établi dans un pays tiers - Clause soumettant le contrat d'agence à la loi du pays d'établissement du commettant.
Affaire C-381/98.

Recueil de jurisprudence 2000 I-09305

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:230

61998C0381

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 11 mai 2000. - Ingmar GB Ltd contre Eaton Leonard Technologies Inc. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) - Royaume-Uni. - Directive 86/653/CEE - Agent commercial indépendant exerçant son activité dans un Etat membre - Commettant établi dans un pays tiers - Clause soumettant le contrat d'agence à la loi du pays d'établissement du commettant. - Affaire C-381/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-09305


Conclusions de l'avocat général


1 Depuis 1989, la société de droit anglais, Ingmar GB Ltd (ci-après «Ingmar») était l'agent commercial d'Eaton Leonard Technologies Inc., société de droit californien (ci-après «Eaton»), sur les territoires britannique et irlandais.

2 Après la fin du contrat d'agence commerciale, intervenue en 1996, Ingmar a introduit une action en justice en vue d'obtenir le paiement d'une commission ainsi que la réparation du préjudice causé par la cessation des relations entre les deux sociétés.

3 Aux prétentions formulées par Ingmar, fondées sur la législation britannique transposant la directive 86/653/CEE (1), Eaton oppose le fait que le droit applicable ne saurait être celui invoqué par le requérant, puisque le contrat liant les deux sociétés comporte une clause stipulant qu'il est régi par la loi de l'État de Californie (États-Unis).

4 Saisie du litige au principal, la Court of Appeal (England & Wales) (Royaume-Uni) estime nécessaire de vous interroger sur l'applicabilité de la directive au contrat litigieux, dans les circonstances de l'espèce, où les parties avaient expressément choisi de soumettre ce contrat à la loi d'un État tiers, plutôt qu'à la loi nationale transposant la législation communautaire pertinente.

I - La réglementation applicable

La directive

5 La directive, qui vise à la coordination des droits des États membres relatifs aux agents commerciaux, trouve sa justification dans le fait que «... les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l'intérieur de la Communauté, les conditions de concurrence et l'exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu'à la sécurité des opérations commerciales...» (2).

6 Selon le même considérant, «... ces différences sont de nature à gêner sensiblement l'établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents».

7 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive prévoit que «Les mesures d'harmonisation prescrites par la présente directive s'appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants».

8 Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, de la directive, «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3». Les paragraphes 2 à 5 précisent les conditions auxquelles le paiement de l'indemnité et de la réparation est soumis, ainsi que leur mode de fixation.

9 L'article 18 énumère certains cas dans lesquels l'indemnité ou la réparation n'est pas due: cessation du contrat à l'initiative du commettant, pour un manquement imputable à l'agent commercial, ou cessation à l'initiative de l'agent commercial, sauf justifications spécifiques, ou encore, selon un accord avec le commettant, cession par l'agent commercial à un tiers des droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

10 Selon l'article 19 de la directive, «Les parties ne peuvent pas, avant l'échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l'agent commercial».

Le droit national

11 Au Royaume-Uni, la directive a été transposée par les Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993 (législation relative aux agents commerciaux portant transposition de la directive du Conseil (3)), entrées en vigueur le 1er janvier 1994, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, desdites Regulations.

12 L'article 1er, paragraphe 2, des Regulations indique que celles-ci «... régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants et, sous réserve du paragraphe 3, s'appliquent aux activités des agents commerciaux en Grande-Bretagne».

13 Selon l'article 1er, paragraphe 3, «Les articles 3 à 22 ne s'appliquent pas lorsque les parties sont convenues que le contrat d'agence sera régi par la loi d'un autre État membre».

II - Procédure au principal et question préjudicielle

14 Saisie par Ingmar du litige au principal, la High Court of Justice (Royaume-Uni) a rendu son jugement le 23 octobre 1997. Elle a jugé que les Regulations ne s'appliquaient pas, le contrat litigieux étant soumis à la loi de l'État de Californie.

15 Ingmar a interjeté appel du jugement devant la Court of Appeal. Estimant que la solution du litige au principal dépend de l'interprétation de la directive, cette dernière a sursis à statuer et vous a posé la question suivante:

«Selon les règles du droit anglais, il y a lieu de faire application de la loi choisie par les parties comme loi applicable sauf si un motif d'ordre public, tel qu'une disposition impérative, s'y oppose. Dans ces conditions, les dispositions de la directive 86/653/CEE du Conseil, telles que transposées dans les législations des États membres, et en particulier celles relatives au paiement d'une réparation aux agents, à l'expiration de leur contrat avec leur commettant, sont-elles applicables lorsque:

i) un commettant désigne un agent exclusif au Royaume-Uni et en Irlande pour y assurer la vente de ses produits, et que

ii) s'agissant de la vente de ces produits au Royaume-Uni, l'agent exerce ses activités au Royaume-Uni, et que

iii) le commettant est une société constituée dans un État tiers, et plus précisément dans l'État de Californie, États-Unis, dans lequel elle est également établie, et que

iv) la loi expressément choisie par les parties comme loi applicable au contrat est celle de l'État de Californie, États-Unis?»

III - Sur la question préjudicielle

16 Par la question posée, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les dispositions de la directive imposant, après la cessation d'un contrat d'agence commerciale, le paiement par le commettant d'une indemnité à son agent ou la réparation du préjudice causé à ce dernier s'appliquent au contrat par lequel le commettant a chargé un agent installé sur le territoire d'un État membre de la Communauté de vendre ses produits, à titre exclusif, sur le territoire communautaire, alors que, d'une part, le commettant est une entité établie sur le territoire d'un État tiers et, d'autre part, les cocontractants ont expressément choisi la loi de ce dernier État comme loi applicable au contrat.

17 Ainsi que cela ressort de son libellé, la question formulée par la Court of Appeal comporte en réalité deux interrogations.

18 En premier lieu, les parties ont débattu de la capacité de la directive à régir un contrat dont l'une des parties est installée dans un État tiers. À cette occasion, Eaton a notamment fait valoir que la courtoisie internationale s'opposait à l'application extraterritoriale des règles de fonds édictées par le droit interne (4).

Cet argument n'apparaît pas lié au choix de la loi par les parties au contrat. Il mérite qu'on lui consacre des développements indépendants de cette question, afin d'apprécier l'incidence que peut avoir, sur le droit applicable, la circonstance que les cocontractants ne sont pas tous deux établis sur le territoire communautaire. Il y a donc lieu de préciser le champ d'application territorial de la directive, puisque tel est, en définitive, le problème soulevé à cet égard.

19 En second lieu, dans l'hypothèse où la directive serait territorialement applicable, il convient de déterminer si ses dispositions relatives aux sommes dues par le commettant à l'agent à la suite de la cessation du contrat d'agence commerciale sont matériellement applicables, bien que le contrat soit expressément soumis, par la volonté des parties, à la loi d'un État tiers.

Sur le champ d'application territorial de la directive

20 À titre liminaire, rappelons qu'il est constant que le litige au principal relève du champ d'application matériel et temporel de la directive.

Le litige oppose, on le sait, un agent commercial à son commettant (5). Ainsi qu'il ressort de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive, celle-ci vise à harmoniser le droit des États membres en ce qui concerne les rapports juridiques entre ce type d'opérateurs économiques (6).

Il résulte, en outre, de la lecture combinée des paragraphes 1 et 3 de l'article 22 de la directive que, contrairement aux autres États membres, tenus à une transposition de la directive avant le 1er janvier 1990, l'Irlande et le Royaume-Uni devaient adopter les mesures de transposition avant le 1er janvier 1994. Comme pour les autres États membres, en revanche, ces mesures s'appliquaient, au plus tard, aux contrats qui étaient en cours à cette dernière date, ce qui couvre le contrat litigieux, conclu en 1989 et interrompu en 1996.

21 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que la High Court of Justice, premier juge à statuer dans l'affaire au principal, a estimé que les Regulations ne s'appliquaient que lorsque les deux parties au contrat étaient ressortissantes d'États membres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Selon elle, aucun élément dans les Regulations ou la directive ne l'autorise à conclure que celles-ci doivent produire un effet extraterritorial (7).

22 En d'autres termes, l'application d'une norme de droit communautaire à un opérateur économique établi dans un État tiers constituerait, en l'absence de disposition légale contraire, une extension inadmissible de ce droit à des sujets qui, par principe, n'y sont pas soumis, en raison de leur localisation géographique.

23 Tout en examinant, parmi les dispositions de la directive, celles qui sont susceptibles de nous aider à délimiter son champ d'application territorial, en présence d'un contrat liant des parties dont l'une est établie sur le territoire d'un État membre et l'autre dans un État tiers, il convient de rappeler quelques données relatives au domaine d'application dans l'espace du droit communautaire en général.

24 En vertu de son article 227 (devenu, après modification, article 299 CE), le traité s'applique aux États membres de la Communauté, ce qui, en substance, fait dépendre son assise géographique du territoire de ces États (8). Cette disposition pose un principe de coïncidence entre le champ d'application dans l'espace du droit communautaire et celui du droit des États membres (9).

25 Plus précisément, l'application du droit communautaire dépend de la localisation géographique de certains éléments à l'intérieur du territoire des États membres (10).

26 L'idée d'une localisation des acteurs économiques ou de leurs comportements au sein du territoire de la Communauté tient, dans plusieurs articles du traité, une place qui ne peut être ignorée, en vue de leur interprétation et de leur application.

27 L'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE), par exemple, se réfère aux accords susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui portent atteinte au jeu de la concurrence «à l'intérieur du marché commun». Vous avez été amenés, dans votre arrêt Ahlström e.a./Commission, à préciser le champ d'application territorial de ce texte (11).

28 Dans cette affaire, la Commission avait constaté des pratiques concertées entre des producteurs de pâte de bois sur les prix annoncés périodiquement aux clients établis dans la Communauté et sur les prix de transaction pratiqués effectivement à leur égard. Par sa décision, la Commission avait infligé des amendes aux entreprises concernées, au motif que les comportements relevés étaient constitutifs d'infractions à l'article 85 du traité.

29 Ayant saisi votre Cour d'un recours en annulation de la décision prise par la Commission, les producteurs prétendaient que la Communauté n'était pas compétente pour appliquer ses règles de concurrence à leur égard, leurs sièges sociaux étant tous situés en dehors des limites de son territoire.

Outre le moyen tiré d'une méconnaissance du domaine d'application territorial de l'article 85, les requérants invoquaient l'existence d'une contradiction entre la décision litigieuse et le droit international public. Ils faisaient valoir que celui-ci s'oppose à ce que la Communauté régisse des comportements restrictifs de concurrence adoptés en dehors de son territoire, en raison des seules répercussions économiques qu'ils y ont produites.

30 Vous avez rejeté ces arguments. En effet, la concertation sur les prix reprochée aux requérants, dont l'activité consistait à vendre directement leurs produits à des acheteurs établis dans la Communauté, avait sans conteste restreint le jeu de la concurrence l'intérieur du marché commun (12). Vous avez relevé que ce qui était déterminant était le lieu où l'accord incriminé avait été mis en oeuvre et non le lieu de formation de l'entente (13). Exprimant clairement le fondement juridique et, par là même, le critère de référence sur lequel reposait votre arrêt, vous avez ajouté que: «Dans ces conditions, la compétence de la Communauté pour appliquer ses règles de concurrence à l'égard de tels comportements est couverte par le principe de territorialité qui est universellement reconnu en droit international public» (14).

31 Se prononçant sur un autre argument avancé par les parties, tiré du non-respect de la courtoisie internationale, vous avez simplement relevé que cet argument revenait à mettre en cause la compétence de la Communauté pour appliquer ses règles de concurrence à des comportements tels que ceux qui avaient été constatés en l'espèce et que, en tant que tel, cet argument avait déjà été rejeté (15).

32 Par l'arrêt Ahlström e.a./Commission, précité, votre Cour reconnaît dans le principe de territorialité un fondement à certaines règles essentielles de concurrence prévues par le traité. Mais son principal intérêt, au regard de la présente affaire, vient de ce que ce principe paraît de nature à légitimer la compétence de la Communauté dans les cas où les opérateurs économiques ont, avec le territoire communautaire, un lien tel que leur comportement est susceptible d'avoir une incidence sur les intérêts de la Communauté. En l'occurrence, le territoire communautaire était le lieu où l'entente avait été mise en oeuvre et y avait produit des effets.

33 Relevons que, en l'espèce, l'un des objectifs poursuivis par la directive est d'assurer l'égalisation des conditions de concurrence entre opérateurs économiques liés par un contrat d'agence commerciale, «à l'intérieur de la Communauté» (16).

Si le fondement juridique de la norme à interpréter n'est pas formellement identique dans la présente affaire et dans l'arrêt Ahlström e.a./Commission, précité, la directive n'étant pas directement basée sur les dispositions du traité relatives à la concurrence, l'intérêt communautaire en cause, fondé sur l'exercice d'une concurrence loyale [article 3, sous g) du traité CE, devenu, après modification, article 3, sous g), CE], est bien le même.

34 Dès lors qu'il s'agit de défendre ce principe sur le territoire communautaire, la présence d'un opérateur économique ou l'exercice de son activité professionnelle sur le territoire d'un État membre ne peut pas être sans conséquences sur la solution à apporter au litige.

35 Les principes de la liberté d'établissement et de la liberté de prestation de services, énoncés à l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et aux articles suivants, et à l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et aux articles suivants, sont également au nombre des règles du traité qui se réfèrent à la notion de territorialité.

36 La référence faite par ces textes au territoire d'un État membre de la Communauté traduit, dans l'un et l'autre régime, la volonté du législateur communautaire de réserver le bénéfice des libertés en cause aux seuls opérateurs économiques déjà établis sur ce territoire, favorisant ainsi leur mobilité, ainsi que celle des services qu'ils fournissent, sur l'ensemble du marché commun. La territorialité du droit communautaire constitue, dans ce domaine, un mode objectif de rattachement des sujets de droit leur ouvrant droit au bénéfice d'un exercice de leur activité économique libre de toute restriction injustifiée.

37 L'existence d'un lien territorial - soit par la présence effective de l'un des opérateurs sur le territoire d'un État membre, soit par l'exercice d'une activité économique sur ce territoire - impose donc une compétence communautaire sur le rapport juridique en cause. Dans cette hypothèse, en effet, la logique de suppression des restrictions à l'exercice des activités économiques d'un État membre à l'autre, postulée par le régime des libertés communautaires fondamentales, doit pouvoir être invoquée par l'opérateur économique concerné, quelles que soient ses relations à l'extérieur de la Communauté.

38 Précisément, dans l'affaire au principal, Ingmar est non seulement établi sur le territoire britannique, mais y exerce, ainsi que sur le territoire irlandais, son activité d'agent commercial d'Eaton, ce dernier étant installé en dehors de la Communauté.

On le sait, l'activité d'Ingmar répond à la définition qui est donnée par la directive des agents commerciaux. Celle-ci coordonne les droits nationaux qui réglementent leur profession dans la Communauté. Or, la directive a été adoptée sur le fondement de l'article 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE), applicable, en vertu de l'article 66 du traité CE (devenu article 55 CE), tant en matière d'établissement que de services.

39 Ainsi, l'assise géographique qui caractérise le droit communautaire, selon les termes mêmes du traité, nous conduit à penser que l'existence d'un élément de rattachement au territoire communautaire dans un rapport juridique, fût-il contractuel, est de nature à justifier l'application de la norme de droit communautaire en cause.

40 Cette analyse ne revient nullement à reconnaître un effet extraterritorial aux dispositions de la directive, contrairement à ce que soutient Eaton.

41 Selon nous, une norme juridique produirait un tel effet si elle modifiait la situation juridique d'un opérateur à raison de faits sans liens directs avec le territoire des autorités qui l'ont fixée.

42 Or, nous avons vu que l'affectation de la concurrence sur le territoire de la Communauté par des entreprises qui n'y résident pas rend légitime l'application de sanctions à leur encontre, en raison précisément de la localisation territoriale du comportement incriminé. Rien ne s'oppose donc à ce que l'exercice effectif d'une activité économique, dès lors qu'il se déroule sur ce territoire, soit régi par le droit communautaire matériellement applicable.

43 Eaton a également relevé que la référence expresse, dans le deuxième considérant de la directive, à l'établissement du commettant et de l'agent commercial «dans des États membres différents» constitue un indice en défaveur d'une application impérative de la directive aux rapports juridiques noués avec un opérateur établi hors de la Communauté.

44 Le défendeur au principal soutient, en substance, que la coordination des législations nationales recherchée par la directive est destinée à favoriser la liberté d'établissement et la libre circulation des services entre États membres de la Communauté. Lorsqu'elles sont établies dans des États membres différents, les deux parties intéressées à la conclusion d'un contrat d'agence commerciale pourraient être dissuadées d'y procéder en raison des différences existant entre les réglementations applicables. Dans la mesure cependant où le commettant ne se trouve pas sur le territoire de la Communauté, ses relations avec son agent commercial ne sauraient être traitées au regard des principes de la libre circulation des personnes et des services.

45 De fait, l'idée exprimée par le deuxième considérant de la directive implique que, grâce à un rapprochement des législations applicables dans les différents États membres, les commettants et les agents commerciaux installés dans des États membres différents pourront contracter plus aisément.

46 Toutefois, il n'en résulte pas nécessairement que le champ d'application territorial de la directive ne couvre pas un contrat dont l'une des parties n'est pas établie sur le territoire communautaire.

47 L'oeuvre d'harmonisation entreprise est destinée à favoriser la liberté d'établissement, dans d'autres États membres de la Communauté, des agents commerciaux établis sur le territoire communautaire, fussent-ils déjà liés à des commettants établis dans un État tiers, ou la libre prestation de services de ceux-ci à l'égard d'autres commettants de la Communauté.

48 Dès lors que l'une des parties au contrat est installée sur le territoire de la Communauté, elle bénéficie donc potentiellement des effets d'harmonisation de la directive, dans le cas où elle entendrait invoquer ses dispositions pour développer son activité sur ce territoire. Il n'est pas nécessaire de subordonner l'application territoriale de la directive à la présence de toutes les parties au contrat dans la Communauté. La mention, dans le deuxième considérant, de la localisation du commettant sur le territoire d'un État membre ne saurait, dans ces conditions, être considérée comme fixant une condition générale à une telle application.

49 Rappelons aussi que l'accroissement des relations d'affaires entre commettants et agents commerciaux établis dans des États membres différents ne constitue que l'un des objectifs poursuivis par la directive.

50 L'harmonisation vise également à réduire les différences affectant, on le sait, les conditions de concurrence et à assurer un niveau minimal de protection sociale des agents commerciaux (17).

51 Dans ces domaines aussi, bien sûr, la coordination des droits nationaux est de nature à favoriser la mobilité de ces opérateurs ou des services qu'ils fournissent. Le rapprochement des législations nationales a pour objet de supprimer les obstacles susceptibles de les dissuader d'exercer leur activité dans d'autres États membres ou pour des commettants établis dans ces États, au motif que les avantages sociaux ne garantiraient pas un niveau de protection suffisant ou que ces contraintes injustifiées d'exercice de leur activité les défavoriseraient par rapport à leurs concurrents.

52 Mais l'exercice d'une concurrence loyale et la nécessité d'une protection sociale minimale ne constituent pas seulement des moyens au service des libertés communautaires. Ils constituent des objectifs à part entière, qui justifient que la directive s'applique à des situations dans lesquelles la circulation des opérateurs économiques à l'intérieur de la Communauté n'est pas directement et immédiatement en cause.

53 Nous avons vu que le respect d'une concurrence égale, principe auquel la directive se réfère explicitement, ne peut pas se limiter aux seules relations entre opérateurs établis sur le territoire communautaire (18). C'est aussi ce qui ressort, s'agissant de la protection des agents commerciaux, du cinquième considérant de la directive, aux termes duquel «... il y a lieu de s'inspirer des principes de l'article 117 du traité en procédant à une harmonisation dans le progrès de la législation des États membres concernant les agents commerciaux» (19).

54 Le deuxième considérant de la directive confirme cette lecture. Celui-ci distingue deux catégories d'intérêts en cause. La seconde partie du considérant, par la référence expresse qu'elle opère au lieu d'établissement des cocontractants et à la gêne qui en résulte pour l'exercice de l'activité d'agent commercial, se rattache clairement à la logique de libre circulation qui inspire la directive. Au contraire, la première partie, relative aux différences entre les législations nationales, traite des conditions de concurrence et du niveau de protection des agents commerciaux. Elle ne se réfère nullement à la localisation des cocontractants, ce qui accrédite l'idée d'une prise en considération de ces questions qui n'est pas strictement dépendante des principes de la liberté d'établissement et de prestations de services. La seconde partie, au demeurant, se distingue de la première non seulement par son contenu, mais par sa formulation, ainsi qu'il ressort de l'utilisation des termes «par ailleurs».

55 En conséquence de ce qui précède, nous concluons que la directive doit être interprétée en ce sens qu'elle est, en principe, territorialement applicable à un contrat d'agence commerciale lorsque, comme dans l'espèce au principal, l'agent commercial est installé sur le territoire d'un État membre et exerce son activité sur le territoire d'un ou de plusieurs États membres.

56 Nous n'entendons cependant pas attribuer un caractère absolu au principe de territorialité de la directive. Il nous faut déterminer quelle conséquence tirer d'une clause contractuelle par laquelle les cocontractants auraient, comme dans l'affaire au principal, manifesté leur intention commune d'échapper à la législation nationale adoptée en application de la directive.

Sur l'incidence de la désignation de la loi d'un État tiers sur le régime juridique applicable en cas de cessation de contrat

57 Comme l'ensemble des parties intervenantes, nous considérons qu'il doit être tenu compte du principe de la liberté contractuelle et de la faculté qui en résulte pour les parties de se soustraire au régime juridique applicable.

58 En introduisant dans le contrat une clause stipulant que celui-ci relève de la loi de l'État de Californie, les parties ont clairement manifesté leur volonté de ne pas soumettre leurs relations contractuelles au régime de la directive.

59 La question posée par la Court of Appeal tend à voir préciser la portée exacte de cet engagement au regard des exigences de la législation communautaire pertinente.

60 Dans sa question, la juridiction de renvoi fait référence aux règles de droit anglais selon lesquelles il y aurait lieu de faire application de la loi choisie par les parties comme loi applicable, sauf si un motif d'ordre public s'y oppose.

61 Nous suivrons, pour interpréter la directive, une méthode comparable. Cette démarche suppose que l'on détermine la force contraignante que la directive impose aux textes nationaux de transposition d'avoir à l'égard des cocontractants. Il convient ainsi de distinguer, parmi les dispositions de la directive, celles qui, le cas échéant, ne souffrent pas de dérogations.

62 Avant de procéder à son interprétation en fonction des critères traditionnels (20), il convient de préciser les raisons pour lesquelles il ne nous apparaît pas qu'un texte comme la convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (21), invoquée à différents titres par les parties intervenantes, puisse être considéré comme déterminant.

63 La convention de Rome est applicable, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles (22). Elle est entrée en vigueur, y compris à l'égard du Royaume-Uni, le 1er avril 1991. Cependant, aux termes de son article 17, la convention de Rome s'applique aux contrats conclus après son entrée en vigueur, de sorte que le contrat passé en 1989 entre Ingmar et Eaton n'est pas soumis au régime qu'elle édicte.

64 Dans ces conditions, on ne peut envisager de recourir à cette convention en tant que source de droit positif. Nous y ferons référence, cependant, à titre purement indicatif, dans la mesure où elle compléterait utilement l'interprétation de la directive qui pourrait être tirée de son propre contenu.

65 Revenons sur les objectifs poursuivis par le législateur au moyen de la directive. Celui-ci a entendu, en harmonisant les réglementations nationales qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants, créer des conditions d'exercice de la profession d'agent commercial indépendant équivalentes pour tous ceux qui l'exercent sur le territoire de la Communauté. De la même manière, le rapprochement des différents cadres juridiques nationaux vise à garantir un niveau minimal de protection des agents commerciaux, ce qui, nous l'avons dit, revient aussi à favoriser l'exercice de la concurrence et la libre circulation des personnes et des services, les opérateurs économiques étant alors soumis aux mêmes contraintes sociales (23).

66 Ces objectifs assignés à la directive se traduisent par un rapprochement des législations nationales quant aux conditions d'exercice de l'activité des agents commerciaux. En particulier, les États membres, conformément à l'article 17 de la directive, sont tenus de mettre en place un mécanisme d'indemnisation de l'agent commercial, pour le cas où le contrat viendrait à cesser. Cette disposition constitue à la fois une garantie pour l'agent et une charge pour son commettant.

67 Il est clair qu'une clause contractuelle par laquelle des parties entendent soustraire leurs relations au domaine d'une réglementation visant à établir un cadre juridique uniforme pour le même type d'accord que celui qui les unit rompt l'harmonisation recherchée. Dans son principe, l'idée d'une faculté générale de choix de la loi applicable heurte de front tout processus de coordination normative.

68 Le choix, par les parties, d'une loi qui omettrait l'obligation d'indemnisation ou qui la négligerait en instituant un régime moins favorable, diminuerait la protection de l'agent. Ce faisant, elle le défavoriserait à l'égard de ses concurrents tout en avantageant son commettant par rapport aux autres commettants. La rupture des conditions d'harmonisation de la réglementation applicable provoquerait ipso facto un déséquilibre concurrentiel entre les opérateurs économiques exerçant leur activité sur le territoire de la Communauté, ce qui irait à l'encontre des objectifs de la directive.

69 Vous prononçant sur le champ d'application de l'article 85 du traité, dans l'arrêt Ahlström e.a./Commission, précité, vous avez formulé le raisonnement suivant: «Faire dépendre l'applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation de l'entente aboutirait à l'évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions» (24). Le raisonnement suivi par votre Cour est transposable, mutatis mutandis, à la présente affaire.

Il ne s'agit pas, en l'espèce, d'un régime d'interdiction, mais d'un régime d'indemnisation contractuelle. Dans les deux cas, cependant, il est question de déterminer le régime juridique pertinent en veillant à ce que la finalité du régime juridique territorialement applicable ne soit pas compromise. Or, la faculté accordée aux cocontractants d'opter pour une loi moins protectrice des intérêts de l'agent commercial traduirait une méconnaissance des motifs qui sont à l'origine de la législation communautaire.

70 L'avantage concurrentiel résultant du choix d'une législation différente inciterait en effet tout commettant, pour peu qu'il soit en position de supériorité économique vis-à-vis du futur cocontractant, à insérer dans le contrat une clause de désignation de la loi d'un État tiers afin d'en préserver le bénéfice.

71 La nécessité de ne pas entraver l'oeuvre d'harmonisation du droit communautaire ne doit toutefois pas conduire à condamner par avance toute intention de déroger au régime juridique de droit commun applicable sur le territoire de la Communauté.

72 Le principe d'autonomie, qui, selon la convention de Rome, précitée (25), prévaut en matière contractuelle, serait compromis si le processus d'harmonisation communautaire devait systématiquement prévaloir, dans ce domaine, sur la liberté reconnue aux opérateurs économiques de décider de la loi applicable à leurs rapports juridiques.

73 La validité d'une clause contractuelle dérogatoire dépend d'abord de la force contraignante de la norme qu'elle vise à remplacer. La mesure du caractère impératif de cette règle doit être réalisée en fonction de son libellé et de l'économie générale de la directive.

74 L'article 19 de la directive prévoit que les parties ne peuvent pas, avant l'échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l'agent commercial.

75 Ce texte doit être entendu en ce sens qu'il ne permet pas aux parties contractantes, même d'un commun accord, d'écarter l'application des dispositions de la directive relatives à l'indemnité de fin de contrat ou à la réparation du préjudice subi, de telle manière que la situation patrimoniale de l'agent commercial en serait affectée.

Il en résulte que les articles 17 et 18 ne peuvent pas être écartés au profit de règles moins avantageuses pour l'agent commercial. En revanche, toute autre disposition étrangère à la directive pourrait prévaloir sur cette dernière s'il était démontré qu'elle profite à l'agent commercial (26).

76 Une difficulté d'interprétation subsiste cependant, qui mérite d'être résolue si l'on entend conférer un sens exact à l'article 19.

77 L'impossibilité pour les parties de déroger aux articles 17 et 18, «avant l'échéance du contrat», nous conduit à nous interroger sur la pertinence d'une interprétation a contrario de cette disposition. Il semble résulter d'une lecture en ce sens de l'article 19 que les règles énoncées par ces articles pourraient être ignorées une fois le contrat arrivé à terme.

Ainsi entendu, l'article 19 prohiberait toute dérogation au dispositif indemnitaire de la directive qui interviendrait au cours du contrat d'agence. En revanche, une fois le contrat expiré, les parties seraient en droit de convenir d'un régime moins favorable pour l'agent commercial, voire de dispenser le commettant de toute indemnisation.

Une telle interprétation ne nous paraît pas vraisemblable. On voit mal en effet ce qui pourrait conduire un agent commercial à abdiquer son droit à indemnisation, dans une situation où il est, par hypothèse, délié de toute obligation à l'égard de son commettant, le contrat ayant pris fin. Inversement, dans le cas où, à l'échéance du contrat, une négociation serait entreprise en vue de sa reconduction, la reconnaissance d'un droit à déroger au régime indemnitaire de la directive reviendrait à vider purement et simplement l'article 19 de sa substance (27).

78 En conséquence, l'article 19 doit être lu comme s'opposant à ce que les parties contractantes substituent au régime indemnitaire défini par les articles 17 et 18 de la directive des modalités d'indemnisation moins favorables que celles qu'elle édicte. Il en va ainsi quelle que soit l'origine des règles choisies par les cocontractants, le texte de l'article 19 n'opérant, à cet égard, pas de distinction entre les normes juridiques provenant d'un État tiers ou simplement élaborées, ab initio, par les parties elles-mêmes.

79 L'économie générale de la directive confirme la nature impérative de cette disposition.

80 Rappelons que, bien qu'elles laissent aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens, les directives lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre [article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE)]. La force contraignante de leur contenu peut toutefois comporter des degrés.

81 La lecture de la directive nous enseigne que deux types de dispositions peuvent être distinguées à cet égard.

82 Une première catégorie comprend des règles assorties d'une faculté de dérogation. Elles peuvent être énoncées à défaut d'accord entre les parties et sans préjudice des normes obligatoires prévues par les droits nationaux.

Tel est le cas, par exemple, des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la directive, qui fixent des critères d'évaluation des rémunérations de l'agent commercial par référence «... aux usages pratiqués là où il exerce son activité et pour la représentation des marchandises faisant l'objet du contrat d'agence». Il en est de même de l'article 13, dont il résulte, ainsi que votre Cour l'a relevé, que le contrat d'agence n'est soumis à aucune forme, tout en laissant aux États membres la faculté d'exiger la forme écrite (28). Un même droit est reconnu à chaque partie, sur demande, d'obtenir de l'autre partie un écrit signé.

Ces règles accordent parfois aux États membres une faculté de dérogation dont ne disposent pas simultanément les parties contractantes. Ainsi, l'article 2, paragraphe 2, de la directive réserve-t-il à «Chacun des États membres ... la faculté de prévoir que la directive ne s'applique pas aux personnes qui exercent les activités d'agent commercial considérées comme accessoires selon la loi de cet État membre».

83 Ce type de normes correspond à celles que le législateur communautaire a délibérément choisi de laisser à la libre appréciation des autorités nationales. Elles relèvent du pouvoir souverain reconnu aux États membres dans l'exercice de leur mission de transposition. En tant que telles, ces règles reflètent la liberté des États membres de choisir les moyens d'atteindre les objectifs fixés par la directive.

84 Il y a lieu de relever que, selon votre Cour, chaque fois que la directive laisse aux États membres la faculté de déroger à ses dispositions, celle-ci le mentionne expressément (29). Les États membres sont donc en droit de s'écarter de certaines dispositions de la directive ou de les compléter comme ils l'entendent.

85 On peut donc considérer que ce premier ensemble de normes relève d'une même logique, que l'on pourrait qualifier de «supplétive de volonté», étant entendu qu'il s'agit de la volonté soit des parties, soit des États membres et que l'une et l'autre ne répondent évidemment pas aux mêmes motivations.

86 Un second ensemble nous paraît devoir être cerné, qui comprend des règles à caractère impératif. Celles-ci ne mentionnent pas de faculté de dérogation. Au contraire, elles précisent clairement qu'elles ne souffrent aucune exception de la part des parties.

87 L'article 19 de la directive appartient à cette catégorie des normes impératives, ainsi que le révèle de manière non équivoque l'interdiction qu'il fixe de déroger aux articles 17 et 18.

88 Ajoutons que, comme l'a justement souligné le Royaume-Uni, une telle qualification va dans le sens de ce qui est prescrit par l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome, précitée, aux termes duquel «Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat».

89 Il apparaît en effet que l'article 19 de la directive peut être comparé à la catégorie des lois qui, en droit international, sont qualifiées de «lois de police», cette expression désignant «... le mécanisme d'application d'une règle interne à une situation internationale en fonction de sa volonté d'application et indépendamment de sa désignation par une règle de conflit» (30).

90 L'article 19 de la directive impose l'application de dispositions impératives nonobstant tout choix contraire, quand bien même ce choix porterait, comme en l'espèce, sur la désignation d'une loi émanant d'un État tiers.

91 Les intérêts que les dispositions en cause visent à protéger, à savoir la concurrence sur le territoire de la Communauté et la protection des agents commerciaux qui y exercent leur activité, sont à l'origine de la volonté fermement exprimée par le législateur communautaire de faire prévaloir leur contenu sur toute manifestation contraire des parties contractantes. Il y a donc lieu de conclure en ce sens.

Conclusion

92 Au regard de ces considérations, nous vous proposons de répondre de la façon suivante à la question préjudicielle posée par la Court of Appeal:

«La directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprétée en ce sens que, en vertu de l'article 19 de la même directive, ses articles 17 et 18 sont applicables au contrat par lequel un commettant a chargé un agent commercial installé sur le territoire d'un État membre de la Communauté de vendre ses produits à titre exclusif sur le territoire communautaire même si, d'une part, le commettant est une entité établie sur le territoire d'un État tiers et, d'autre part, les contractants ont expressément choisi la loi de ce dernier État comme loi applicable au contrat».

(1) - Directive du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO L 382, p. 17, ci-après la «directive»).

(2) - Deuxième considérant.

(3) - Ci-après les «Regulations».

(4) - Point 2.3 des observations écrites du défendeur au principal. Par courtoisie, «... il faut entendre des règles de bienséance, de convenance ou de politesse internationale qui guident le plus souvent la conduite des États. Il ne s'agit pas là de règles de droit obligatoires», Carreau, D., Droit international, Pedone, Paris, 1997, 5e éd., paragraphe 684.

(5) - L'article 1er, paragraphe 2, de la directive indique que, «Aux fins de la présente directive, l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée `commettant', soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant».

(6) - Arrêt du 30 avril 1998, Bellone (C-215/97, Rec. p. I-2191, point 10).

(7) - Page 9 de la traduction en français de l'ordonnance de renvoi.

(8) - Voir Stathopoulos, A., selon lequel «... le champ d'application dans l'espace de l'ordre juridique communautaire est en principe celui du `territoire', au sens géographique et constitutionnel, des États membres avec ses prolongements naturels du sous-sol et de l'espace maritime (mer territoriale) et aérien», «Commentaire du TCE, article 299», Commentaire article par article des traités UE et CE, Helbing & Lichtenhahn, Dalloz, Bruylant, 1999, p. 1887, n_ 3.

(9) - Ibidem, n_ 7.

(10) - Voir Groux, J., «`Territorialité' et droit communautaire», RTDE, n_ 1 janvier-mars 1987, p. 5.

(11) - Arrêt du 27 septembre 1988 (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193).

(12) - Ibidem, points 12 et 13.

(13) - Ibidem, points 16 et 17.

(14) - Ibidem, point 18, souligné par nous. Voir également les conclusions de l'avocat général Darmon dans l'affaire Ahlström e.a./Commission, précitée, et, plus particulièrement, la partie II, consacrée au droit international.

(15) - Ibidem, point 22.

(16) - Deuxième considérant.

(17) - Deuxième considérant de la directive. Dans l'arrêt Bellone, précité, vous avez rappelé que «... la directive vise la protection des personnes qui, aux termes de ses dispositions, possèdent la qualité d'agent commercial» (point 13).

(18) - Point 33 des présentes conclusions.

(19) - Souligné par nous. Les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE. L'objectif poursuivi par l'article 117, premier alinéa, est clair: «Les États membres conviennent de la nécessité de promouvoir l'amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d'oeuvre permettant leur égalisation dans le progrès». Bien que les objectifs sociaux énoncés possèdent un «caractère essentiellement programmatique», vous avez dit pour droit qu'ils ne sont pas dépourvus de tout effet juridique et qu'ils constituent des éléments importants, notamment pour l'interprétation d'autres dispositions du traité et du droit communautaire dérivé dans le domaine social (arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C-72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887, point 26). En l'occurrence, la directive poursuit un tel objectif à l'occasion d'une action d'harmonisation engagée en vertu de l'article 100 du traité CE (devenu article 94 CE). L'article 117, second alinéa, se réfère d'ailleurs explicitement à ce type d'action. Il prévoit en effet que l'amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d'oeuvre doit résulter tant du fonctionnement du marché commun que des procédures prévues par le traité et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres. En d'autres termes, l'harmonisation des réglementations nationales, mêmes fondées sur des considérations spécifiques liées à la poursuite d'objectifs communautaires précis, peut être l'occasion pour le législateur communautaire d'améliorer le niveau de protection des conditions de travail des opérateurs économiques. L'absence de conditions restrictives autres que de pure procédure mentionnées dans cet article et l'affirmation explicite par le législateur de son intention d'améliorer le niveau général de protection sociale assuré par les États membres dans le domaine concerné nous conduisent ainsi à penser que des mesures d'ordre social telles que celles figurant dans la directive doivent être interprétées de manière autonome, sans tenir compte du fait qu'elles font partie d'une réglementation communautaire visant aussi à atteindre l'objectif de libre circulation des personnes et des services [pour un exemple de directive fondée exclusivement sur l'article 100 du traité et se référant à l'article 117, voir, par exemple, la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 225, p. 16)].

(20) - Voir, par exemple, s'agissant de l'interprétation en fonction du libellé, du contexte et de l'objectif de la directive, arrêt du 12 décembre 1996, Kontogeorgas (C-104/95, Rec. p. I-6643, points 16 et 25).

(21) - JO 1998, C 27, p. 34.

(22) - Article 1er, paragraphe 1.

(23) - Voir arrêt du 13 mai 1997, Allemagne/Parlement et Conseil (C-233/94, Rec. p. I-2405, points 17 à 19).

(24) - Point 16.

(25) - Aux termes de son article 3, paragraphe 1, première phrase, «Le contrat est régi par la loi choisie par les parties.»

(26) - À l'audience, Eaton a développé la thèse selon laquelle la mission qui incombe au juge, lorsqu'il est chargé d'apprécier les mérites comparés d'une loi par rapport à une autre, en vue de déterminer celle qui offre le plus d'avantages pour l'agent commercial, se heurterait à des difficultés pratiques majeures. L'obligation de procéder à une analyse économique complexe de l'ensemble de la relation entre les cocontractants déboucherait sur des résultats imprévisibles, générateurs d'une réelle insécurité juridique. De fait, l'évaluation des avantages respectifs d'une législation par rapport à une autre est sans aucun doute un exercice compliqué. Cette exigence résulte cependant de la lettre même de l'article 19, comme, au demeurant, de celle d'autres articles de la directive (articles 10, paragraphe 4, 11, paragraphe 3, 12, paragraphe 3). Elle ne peut donc être ignorée. L'intention clairement affichée du législateur communautaire peut d'autant moins être écartée qu'elle traduit la philosophie générale de la directive visant à la préservation de l'équilibre des intérêts de l'agent commercial par rapport à ceux de son commettant. De plus, la difficulté de l'exercice de comparaison auquel doit se soumettre le juge n'apparaît pas telle qu'elle ne puisse être résolue, le cas échéant, au moyen d'une expertise.

(27) - Une explication de cette rédaction incertaine peut être trouvée dans les propositions initiales de directives présentées par la Commission (JO 1977, C 13, p. 2, et JO 1979, C 56, p. 5). L'article 30, paragraphe 5, de ces propositions prévoyait en effet que «Le droit à l'indemnité de clientèle ne peut être exclu ou limité d'avance. Il ne peut s'exercer que dans les trois mois qui suivent la cessation du contrat». Les paragraphes précédents de cet article fixaient les modalités de calcul de l'indemnité de clientèle. Une distinction était faite, au paragraphe 4, entre l'indemnité due en cas de résiliation ordinaire, avec respect du préavis, et de résiliation pour motifs exceptionnels (comportement du commettant ou motif légitime propre à l'agent) donnant lieu à des indemnités d'un montant différent, le plafond maximal de la première étant réduit par rapport à celui de la seconde. Cette différence dans les modalités de fixation de l'indemnité justifie la référence faite par cet article à une limitation du droit à l'indemnité. Elle peut expliquer que, dans la version initiale comme dans la version finale de la directive, le législateur ait renvoyé à l'échéance du contrat l'exercice de la faculté de limiter l'indemnité, à cette réserve que, dans la version finale de la directive, l'hypothèse d'une limitation de l'indemnité ou de la réparation a disparu.

(28) - Arrêt Bellone, précité, point 14.

(29) - Ibidem, point 15.

(30) - Audit, B., Droit international privé, Economica, Paris, 1997, 2e éd., p. 97.

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