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Document 61990CJ0065

    Arrêt de la Cour du 16 juillet 1992.
    Parlement européen contre Conseil des Communautés européennes.
    Admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises par route.
    Affaire C-65/90.

    Recueil de jurisprudence 1992 I-04593

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:325

    61990J0065

    Arrêt de la Cour du 16 juillet 1992. - Parlement européen contre Conseil des Communautés européennes. - Admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises par route. - Affaire C-65/90.

    Recueil de jurisprudence 1992 page I-04593
    édition spéciale suédoise page I-00043
    édition spéciale finnoise page I-00043


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1. Recours en annulation - Droit de recours du Parlement - Conditions de recevabilité

    (Traité CEE, art. 173)

    2. Actes des institutions - Procédure d' élaboration - Consultation du Parlement - Reconsultation en cas de modification substantielle apportée à la proposition initiale

    3. Transports - Transports par route - Admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises - Règlement n 4059/89 - Différences substantielles par rapport à la proposition initiale de la Commission - Absence de reconsultation du Parlement - Violation des formes substantielles - Illégalité

    (Traité CEE, art. 75; règlement du Conseil n 4059/89)

    Sommaire


    1. Le Parlement européen est recevable à saisir la Cour d' un recours en annulation dirigé contre un acte du Conseil ou de la Commission, à la condition que ce recours ne tende qu' à la sauvegarde de ses prérogatives et qu' il ne se fonde que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci, étant entendu qu' au nombre des prérogatives conférées au Parlement figure notamment, dans les cas prévus par les traités, sa participation au processus d' élaboration des actes normatifs.

    2. La consultation régulière du Parlement européen, dans les cas prévus par le traité, est un des moyens qui permettent au Parlement de participer effectivement au processus législatif de la Communauté. L' exigence de cette consultation implique qu' il soit procédé à une nouvelle consultation chaque fois que le texte finalement adopté, considéré dans son ensemble, s' écarte dans sa substance même de celui sur lequel le Parlement a déjà été consulté, à l' exception des cas où les amendements correspondent, pour l' essentiel, au souhait exprimé par le Parlement lui-même.

    3. Il résulte du rapprochement de la proposition initiale de la Commission à l' origine du règlement n 4059/89 et du contenu de celui-ci tel qu' adopté par le Conseil qu' au principe de la liberté pour tout transporteur établi dans un État membre d' exercer une activité de cabotage dans les autres États membres a été substitué le principe d' une admission à titre temporaire, dans le cadre d' un contingent communautaire. Ces modifications substantielles, qui ne correspondent à aucun souhait du Parlement et qui affectent le système du projet dans son ensemble, suffisent en elles-mêmes pour rendre nécessaire une nouvelle consultation du Parlement. Le fait que le Parlement n' ait pas été consulté une seconde fois dans la procédure législative prévue à l' article 75 du traité constitue, par conséquent, une violation des formes substantielles, qui doit entraîner l' annulation du règlement n 4059/89.

    Parties


    Dans l' affaire C-65/90,

    Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, assisté de MM. Roland Bieber, conseiller juridique, et Johann Schoo, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

    partie requérante,

    contre

    Conseil des Communautés européennes, représenté par M. Jean-Claude Piris, jurisconsulte, et Mme Jill Aussant, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Xavier Herlin, directeur adjoint de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet un recours introduit au titre de l' article 173 du traité CEE et tendant à l' annulation du règlement (CEE) n 4059/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, fixant les conditions de l' admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (JO L 390, p. 3),

    LA COUR,

    composée de MM. O. Due, président, R. Joliet, F. A. Schockweiler, F. Grévisse et P. J. G. Kapteyn, présidents de chambre, G. F. Mancini, C. N. Kakouris, J. C. Moitinho de Almeida, G. C. Rodríguez Iglesias, M. Díez de Velasco et M. Zuleeg, juges,

    avocat général: M. M. Darmon

    greffier: M. J. A. Pompe, greffier adjoint

    vu le rapport d' audience,

    ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 8 janvier 1992,

    ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 26 février 1992,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 mars 1990, le Parlement européen a, en vertu de l' article 173 du traité CEE, demandé l' annulation du règlement (CEE) n 4059/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, fixant les conditions de l' admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (JO L 390, p. 3).

    2 Ce règlement, qui est fondé sur l' article 75 du traité CEE, a instauré un contingent communautaire de cabotage comprenant 15 000 autorisations de cabotage d' une durée de deux mois (article 2, paragraphe 1). Ce contingent est réparti entre les différents États membres selon une clé déterminée et augmenté annuellement, à partir du 1er juillet 1991, en fonction de l' évolution moyenne du trafic routier intérieur des États membres (article 2, paragraphes 3 et 4). En cas de perturbation grave du marché des transports intérieurs d' une zone géographique déterminée, due à l' activité de cabotage, des mesures de sauvegarde peuvent être décidées par la Commission après consultation des États membres; ces mesures peuvent aller jusqu' à exclure temporairement la zone concernée du champ d' application du règlement (article 2, paragraphe 5).

    3 Le règlement attaqué prévoit en outre que l' exécution des transports de cabotage est soumise, sous réserve de l' application de la réglementation communautaire, aux dispositions en vigueur dans l' État membre d' accueil, en ce qui concerne les prix et conditions régissant le contrat de transport, le poids et les dimensions des véhicules routiers, les prescriptions relatives au transport de certaines catégories de marchandises, les temps de conduite et de repos, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée sur les services de transport (article 5). Entré en vigueur le 1er juillet 1990, ledit règlement est applicable jusqu' au 31 décembre 1992 (article 9, premier et deuxième alinéas). Le Conseil s' est toutefois engagé à adopter, avant le 1er juillet 1992, un règlement définissant le régime définitif du cabotage, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1993 (article 9, troisième alinéa).

    4 Il ressort du dossier que l' acte attaqué trouve son origine dans une proposition de règlement, présentée par la Commission au Conseil le 5 décembre 1985 (JO C 349, p. 26), sur laquelle le Parlement européen a donné son avis dans une résolution du 12 septembre 1986 (JO C 255, p. 236).

    5 Cette proposition, fondée sur l' article 75 du traité CEE, prévoyait en substance qu' à partir du 1er janvier 1987 tout transporteur de marchandises par route pour compte d' autrui qui est établi dans un État membre et qui y est habilité à effectuer des transports internationaux de marchandises par route serait admis aux transports nationaux de marchandises par route pour compte d' autrui dans un autre État membre; il pourrait exercer ces activités à titre temporaire dans l' État membre concerné sans y créer un siège ou un autre établissement (article 1er).

    6 Ladite proposition prévoyait en outre que tout transporteur, tel que défini dans la proposition, serait admis, à partir du 1er janvier 1987, à effectuer dans un autre État membre, sans restrictions quantitatives ou qualitatives, des transports nationaux consécutifs à un transport de marchandises entre deux États membres, pourvu que le nombre de ces transports soit limité à deux et que les transports soient effectués au cours du voyage de retour, soit vers l' État membre où le transporteur est établi, soit vers celui où se trouve le lieu de départ du transport international précédent (article 5).

    7 Lors de la séance du Conseil qui a abouti, le 21 décembre 1989, à l' adoption du règlement attaqué, la Commission a modifié sa proposition initiale dans le sens d' un texte identique à celui de ce règlement. Le Conseil a adopté le règlement conformément à la proposition ainsi modifiée, à la majorité qualifiée, sans reconsulter le Parlement européen sur la proposition modifiée.

    8 A l' appui de son recours, le Parlement invoque une atteinte à son droit de participer au processus législatif communautaire, résultant de l' omission de le consulter une seconde fois avant d' adopter le règlement litigieux. En effet, de l' avis du Parlement, cette seconde consultation serait nécessaire, dans le cadre de la procédure prévue à l' article 75 du traité, dès lors que le Conseil s' est écarté de façon importante de la proposition initiale de la Commission.

    9 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

    Sur la recevabilité

    10 Le Conseil a soulevé une exception d' irrecevabilité au titre de l' article 91, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, par laquelle il conteste la qualité du Parlement pour agir en annulation.

    11 A l' appui de cette exception, le Conseil s' est prévalu d' abord des principes dégagés dans l' arrêt du 27 septembre 1988, dit "Comitologie", Parlement/Conseil (302/87, Rec. p. 5615). Ayant pris acte entre-temps de l' arrêt interlocutoire du 22 mai 1990, dit "Règlement post-Tchernobyl", Parlement/Conseil (C-70/88, Rec. p. I-2041), il a, dans des observations complémentaires déposées avec l' autorisation de la Cour et à l' audience, invoqué des arguments tirés de ce dernier arrêt.

    12 Selon le Conseil, l' arrêt du 22 mai 1990 fait apparaître que le droit du Parlement d' agir au titre de l' article 173 du traité ne peut être exercé que de manière exceptionnelle, dans les cas où l' équilibre du système du traité risque d' être mis en cause, soit en cas de violation substantielle des prérogatives essentielles du Parlement. Or, ces critères ne seraient pas remplis en l' espèce, étant donné que le présent recours ne mettrait pas en cause la base juridique de l' acte attaqué et, en outre, ne concernerait pas la procédure de coopération, mais une procédure de simple consultation du Parlement.

    13 A cet égard, il suffit de rappeler, ainsi que la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 22 mai 1990, précité, que le Parlement européen est recevable à saisir la Cour d' un recours en annulation dirigé contre un acte du Conseil ou de la Commission, à la condition que ce recours ne tende qu' à la sauvegarde de ses prérogatives et qu' il ne se fonde que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci (point 27), étant entendu qu' au nombre des prérogatives conférées au Parlement figure notamment, dans les cas prévus par les traités, sa participation au processus d' élaboration des actes normatifs (point 28).

    14 En application de ces critères, le recours doit être déclaré recevable. En effet, le Parlement invoque une atteinte à ses prérogatives en faisant valoir que, à défaut d' avoir été consulté une seconde fois au cours de la procédure aboutissant au règlement attaqué, il n' a pas été dûment associé à l' élaboration d' un acte normatif dont l' adoption, conformément à l' article 75 du traité, est subordonnée à l' exigence de la consultation préalable du Parlement. Or, la consultation régulière du Parlement, dans les cas prévus par le traité, est un des moyens qui permettent au Parlement de participer effectivement au processus législatif de la Communauté (voir les arrêts du 29 octobre 1980, dits "Isoglucose", Roquette frères/Conseil, point 33, 138/79, Rec. p. 3333, et Maizena/Conseil, point 34, 139/79, Rec. p. 3393).

    15 L' exception d' irrecevabilité soulevée par le Conseil doit, dès lors, être rejetée.

    Sur le fond

    16 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que l' exigence de consulter le Parlement européen au cours de la procédure législative, dans les cas prévus par le traité, implique l' exigence d' une nouvelle consultation à chaque fois que le texte finalement adopté, considéré dans son ensemble, s' écarte dans sa substance même de celui sur lequel le Parlement a déjà été consulté, à l' exception des cas où les amendements correspondent, pour l' essentiel, au souhait exprimé par le Parlement lui-même (voir arrêts du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, et du 4 février 1982, Buyl/Commission, 817/79, Rec. p. 245).

    17 Il convient de relever que la proposition initiale de la Commission, sur laquelle le Parlement a donné son avis, prévoyait, à son article 1er, l' admission de tout transporteur de marchandises par route pour compte d' autrui, établi dans un État membre et habilité à effectuer des transports internationaux de marchandises par route, aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi. Selon l' article 3 de la proposition initiale, l' exécution des transports nationaux devait être soumise aux règles en vigueur dans l' État membre où ces transports sont effectués, sous réserve que ces règles fussent appliquées aux transporteurs non résidents dans les mêmes conditions que celles que cet État impose à ses propres ressortissants.

    18 En revanche, la réglementation adoptée par le Conseil ne vise que l' admission, à titre temporaire, des transporteurs, établis dans un État membre et habilités à effectuer des transports internationaux de marchandises par route, aux transports nationaux de marchandises par route dans un autre État membre (article 1er). Le cabotage ne peut être effectué que dans le cadre d' un contingent communautaire comprenant 15 000 autorisations de cabotage d' une durée de deux mois (article 2). En outre, le règlement n' est applicable que jusqu' au 31 décembre 1992, le Conseil devant adopter, avant le 1er juillet 1992, un règlement définissant le régime définitif du cabotage (article 9).

    19 Il résulte du rapprochement de la proposition initiale de la Commission et du règlement attaqué qu' au principe de la liberté du cabotage dans les États membres pour les transporteurs établis dans un autre État membre a été substitué le principe d' une admission à titre temporaire, dans le cadre d' un contingent communautaire. Ces modifications touchent le coeur même du dispositif mis en place et doivent donc être qualifiées de substantielles. Elles ne correspondent à aucun souhait du Parlement. En effet, celui-ci, dans son avis du 12 septembre 1986, a au contraire préconisé une libéralisation plus étendue en proposant l' adjonction, à l' article 1er, d' un paragraphe visant à assurer que les États membres dans lesquels l' autorisation d' effectuer des transports nationaux est soumise à des restrictions quantitatives augmentent de façon appropriée le nombre des autorisations, afin de permettre à des transporteurs d' autres États membres, lors de la délivrance d' autorisations supplémentaires, de participer aux transports intérieurs.

    20 Ces modifications, qui affectent le système du projet dans son ensemble, suffisent en elles-mêmes pour exiger une nouvelle consultation du Parlement, sans qu' il soit nécessaire d' examiner les autres moyens du requérant.

    21 Dans ces conditions, le fait que le Parlement n' ait pas été consulté une seconde fois dans la procédure législative prévue à l' article 75 du traité constitue une violation des formes substantielles, qui doit entraîner l' annulation de l' acte litigieux.

    Sur la limitation dans le temps des effets de l' annulation

    22 Il convient de rappeler que le règlement en cause prévoit à son article 9 que le régime instauré est applicable jusqu' au 31 décembre 1992.

    23 Dans l' intérêt de la sécurité juridique et en vue d' éviter une discontinuité dans le régime communautaire de cabotage, il convient de faire application de l' article 174, deuxième alinéa, du traité, aux termes duquel la Cour peut indiquer ceux des effets du règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

    24 Il convient par conséquent de maintenir les effets du règlement annulé jusqu' à ce que le Conseil, après consultation régulière du Parlement, ait adopté une nouvelle réglementation en la matière.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    25 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Conseil ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR

    déclare et arrête:

    1) Le règlement (CEE) n 4059/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, fixant les conditions de l' admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre, est annulé.

    2) Les effets du règlement annulé sont maintenus jusqu' à ce que le Conseil, après consultation régulière du Parlement, ait adopté une nouvelle réglementation en la matière.

    3) Le Conseil est condamné aux dépens.

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