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Document 61988CJ0366

Arrêt de la Cour du 9 octobre 1990.
République française contre Commission des Communautés européennes.
Instructions internes de services - Acte susceptible de recours en vertu de l'article 173 du traité CEE.
Affaire C-366/88.

Recueil de jurisprudence 1990 I-03571

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1990:348

61988J0366

Arrêt de la Cour du 9 octobre 1990. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Instructions internes de services - Acte susceptible de recours en vertu de l'article 173 du traité CEE. - Affaire C-366/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-03571


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes destinés à produire des effets juridiques - Instructions internes visant à définir les compétences des agents d' une institution vis-à-vis des tiers

( Traité CEE, art . 173 )

2 . Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Conformité des dépenses aux règles communautaires - Contrôle - Compétence à titre principal des États membres - Intervention de la Commission à titre complémentaire - Limites

( Règlement du Conseil n 729/70, art . 8, § 1, et 9 )

Sommaire


1 . Le recours en annulation est ouvert à l' égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu' en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets en droit . Tel est le cas d' instructions internes arrêtées par une institution pour définir les compétences de ses agents à l' égard des tiers dans le cadre de contrôles visant à assurer le respect de la réglementation communautaire .

2 . En vertu de l' article 8, paragraphe 1, du règlement n 729/70 du Conseil, relatif au financement de la politique agricole commune, c' est aux États membres qu' il incombe de prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour, entre autres, s' assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, la Commission n' exerçant qu' une fonction complémentaire .

Du système de contrôle instauré par l' article 9 du même règlement il résulte que, si des prises et des analyses d' échantillons s' avèrent nécessaires, celles-ci ne doivent pas être effectuées par la Commission mais par les États membres, soit de leur propre initiative, dans le cadre de leur devoir de contrôle prévu à l' article 8, paragraphe 1, précité, soit à la demande de la Commission, conformément au paragraphe 2, troisième alinéa, dudit article 9 .

En adoptant les instructions internes de service 88/C264/03, conférant à ses agents le pouvoir de prélever, indépendamment des États membres, des échantillons et définissant les modalités de leur intervention, la Commission ne s' est pas bornée à expliciter la réglementation en vigueur; elle a, alors qu' elle n' avait pas compétence à cet effet, prétendu ajouter à celle-ci . Lesdites instructions doivent de ce fait être annulées .

Parties


Dans l' affaire C-366/88,

République française, représentée par Mme Edwige Belliard, sous-directeur du droit économique au ministère des Affaires étrangères, et M . Claude Chavance, attaché principal d' administration centrale auprès du même ministère, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard Prince-Henri,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Peter Oliver, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation des instructions internes de service 88/C 264/03 concernant certaines modalités administratives et techniques à appliquer par les agents mandatés par la Commission en matière de prise d' échantillons et d' analyse des produits prélevés dans le cadre de la gestion et du contrôle du Fonds européen d' orientation de garantie agricole ( JO C 264, p . 3 ),

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, G . F . Mancini, T . F . O' Higgins, J . C . Moitinho de Almeida et M . Díez de Velasco, présidents de chambre, F . A . Schockweiler, F . Grévisse, M . Zuleeg et P . J . G . Kapteyn, juges,

avocat général : M . G . Tesauro

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les représentants des parties en leur plaidoirie à l' audience du 14 juin 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 12 juillet 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 décembre 1988, la République française a, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité CEE, demandé l' annulation d' un acte adopté par la Commission et intitulé "Instructions internes de service 88/C 264/03 concernant certaines modalités administratives et techniques à appliquer par les agents mandatés par la Commission en matière de prise d' échantillons et d' analyse des produits prélevés dans le cadre de la gestion et du contrôle du Fonds européen d' orientation et de garantie agricole" ( JO C 264, p . 3 ).

2 Aux termes de l' article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement ( CEE ) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 94, p . 13 ), "les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du Fonds et prennent toutes les mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d' entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des vérifications sur place ".

3 Le paragraphe 2 de cet article dispose que :

"... les agents mandatés par la Commission pour les vérifications sur place ont accès aux livres et à tous autres documents ayant trait aux dépenses financées par le Fonds . Ils peuvent notamment vérifier :

a ) la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires;

b ) l' existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le Fonds;

c ) les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le Fonds .

La Commission avise en temps utile, avant la vérification, l' État membre auprès duquel s' effectue la vérification ou sur le territoire duquel celle-ci a lieu . Des agents de l' État membre intéressé peuvent participer à ces vérifications .

A la demande de la Commission et avec l' accord de l' État membre, des vérifications ou enquêtes relatives aux opérations visées au présent règlement sont effectuées par les instances compétentes de cet État membre . Des agents de la Commission peuvent y participer ..."

4 En vertu du paragraphe 3 du même article, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête, en tant que de besoin, les règles générales d' application de cet article .

5 La Commission a adopté l' acte attaqué en se référant au règlement n° 729/70, précité, et notamment à son article 9 . Il résulte du quatrième considérant de cet acte qu' il conviendrait, en vue de permettre la prise d' échantillons et leur analyse dans les meilleures conditions, d' établir certaines modalités administratives et techniques à suivre lors des contrôles en question par les agents de la Commission .

6 Pour un plus ample exposé des antécédents et des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la recevabilité du recours

7 La Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité du recours au motif que les instructions internes qui en sont l' objet ne constituent pas un acte attaquable au titre de l' article 173 du traité . Elle soutient que ces instructions sont dépourvues de tout effet juridique et financier pour les opérateurs concernés et pour les États membres et qu' elles sont donc, comme leur nom l' indique, purement internes .

8 Il convient de rappeler, tout d' abord, que, selon une jurisprudence constante, le recours en annulation est ouvert à l' égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu' en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit ( arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec . p . 263 ).

9 Il y a lieu d' observer, ensuite, qu' en principe les instructions internes ne produisent des effets que dans la sphère interne de l' administration et ne créent aucun droit ou obligation dans le chef de tiers . De tels actes ne constituent donc pas des actes faisant grief susceptibles, comme tels, de faire l' objet d' un recours en annulation au titre de l' article 173 du traité ( voir arrêt du 25 février 1988, "Les Verts"/Parlement, point 8, 190/84, Rec . p . 1017 ).

10 Toutefois, l' acte attaqué se distingue d' une simple instruction de service tant par les circonstances dans lesquelles il a été adopté que par les modalités de son élaboration, de sa rédaction et de sa publication . En effet, il ressort du dossier qu' il s' agit, en l' espèce, d' une prise de position de la Commission sur l' étendue du pouvoir de contrôle de ses agents en matière de prise d' échantillons au titre de l' article 9 du règlement n° 729/70, précité . Cette prise de position se fonde sur une interprétation de cette disposition qui avait été contestée auparavant par certains États membres .

11 Pour apprécier si l' acte attaqué vise à produire des effets juridiques nouveaux par rapport à ceux que comporte l' article 9 du règlement n° 729/70, précité, il convient d' examiner son contenu .

12 Il s' ensuit que l' appréciation du bien-fondé de l' exception d' irrecevabilité dépend de celle qui doit être portée sur les griefs invoqués par la République française à l' encontre de l' acte litigieux et que celle-ci doit, dès lors, être examinée avec les questions de fond posées par le litige .

Sur le fond

13 A l' appui de son recours, la République française invoque des moyens tirés de l' incompétence de la Commission et du détournement de pouvoir commis par elle .

14 En ce qui concerne l' incompétence de la Commission, la République française fait valoir que l' acte litigieux ajoute au texte de l' article 9 du règlement n° 729/70, précité, dans la mesure où il établit des règles générales en matière de prélèvement direct d' échantillons de produits dans les entreprises, alors que de telles règles relèvent, selon le paragraphe 3 de cette même disposition, de la compétence exclusive du Conseil .

15 En revanche, la Commission soutient qu' il résulte de l' obligation des États membres de mettre à sa disposition toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du Fonds et de prendre toutes mesures susceptibles de faciliter ses contrôles, y compris les vérifications sur place, prévues au paragraphe 1 de l' article 9, que les vérifications opérées, au titre du paragraphe 2, par les agents mandatés par elle impliquent la prise et l' analyse d' échantillons .

16 Il convient de rappeler, tout d' abord, les termes principaux et pertinents, en l' espèce, de l' acte litigieux .

17 En renvoyant pour une analyse plus détaillée à cet égard aux conclusions de l' avocat général, il suffit de relever que, dans le cadre de la collaboration avec les États membres dans le domaine des contrôles menés en vertu de l' article 9 du règlement n° 729/70, les agents de la Commission "accèdent" aux établissements et installations dont une liste non exhaustive est fournie, en vue de prélever ou de faire prélever des échantillons ( point 1 ), que les services de la Commission "informent" l' État membre concerné de leur intention de prélever des échantillons pour analyse au moins 48 heures avant la prise effective sans être "tenus", toutefois, de lui fournir la liste des établissements qui seront contrôlés ( point 3 ) et que les agents "demandent" aux opérateurs concernés tous les éléments d' appréciation qu' ils jugent nécessaires à la connaissance des produits vérifiés ( point 8 ).

18 Quant aux conséquences financières qui résultent des instructions, il y a lieu d' observer que si les frais de prises d' échantillons, de conditionnement, d' acheminement vers les laboratoires et d' analyse sont à charge de la Commission ( point 2, deuxième alinéa ), le transport et la manutention des marchandises sur les lieux du prélèvement, les opérations de déballage et de reconditionnement sont cependant effectuées sous la responsabilité de leur propriétaire ou de son représentant ( point 2, troisième alinéa ) et que, en outre, les échantillons ayant perdu, du fait de l' examen effectué, tout ou partie de leur valeur marchande, ne donnent pas lieu à indemnisation ( point 7, deuxième alinéa ).

19 Il convient de rappeler, ensuite, que, en vertu du paragraphe 1 de l' article 8 du règlement n° 729/70, précité, c' est aux États membres qu' il incombe de prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour, entre autres, s' assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds .

20 Dans le cadre du système de contrôle prévu par le règlement n° 729/70, la Commission n' exerce, en effet, qu' une fonction complémentaire . Cela est exprimé clairement au huitième considérant du règlement n° 729/70, précité, selon lequel, en complément des contrôles que les États membres effectuent de leur propre initiative et qui demeurent essentiels, il y a lieu de prévoir des vérifications par des agents de la Commission ainsi que la faculté pour celle-ci de faire appel aux États membres .

21 A cet effet, l' article 9, paragraphe 1, du règlement n° 729/70, précité, impose aux États membres l' obligation de donner toutes les informations nécessaires à la Commission et de faciliter les contrôles entrepris par elle, y compris des vérifications sur place .

22 Il ressort du texte du deuxième paragraphe de cet article que les vérifications sur place ont pour but de vérifier l' exactitude des contrôles effectués par les États membres, ce qui correspond aux termes du huitième considérant susmentionné du règlement n° 729/70 .

Il résulte du système de contrôle instauré par cet article que, si des prises et des analyses d' échantillons s' avèrent nécessaires, celles-ci doivent être effectuées par l' État membre, soit de sa propre initiative, dans le cadre des responsabilités qui lui sont dévolues par l' article 8, paragraphe 1, soit à la demande de la Commission, conformément à l' article 9, paragraphe 2, troisième alinéa .

23 Il y a donc lieu de constater que l' acte litigieux ne se borne pas à expliciter les règles posées par l' article 9 du règlement n° 729/70, précité, mais ajoute au texte de cette disposition en conférant à la Commission le pouvoir de prélever, indépendamment des États membres, des échantillons et en définissant les modalités de son intervention .

24 Quant à la compétence de la Commission d' adopter des dispositions qui ajoutent au texte de l' article 9 du règlement n° 729/70, il y a lieu de souligner qu' un tel pouvoir n' est aucunement prévu par ce règlement et que, en tout état de cause, seul le Conseil est habilité, en vertu du paragraphe 3 de cet article, à arrêter des règles générales d' application de cette même disposition .

25 Il résulte des considérations qui précèdent que la mesure attaquée constitue une décision prise par une autorité incompétente . Il convient, par conséquent, sans qu' il y ait lieu de statuer sur l' autre moyen invoqué par la République française, de constater que le recours introduit aux fins d' annulation de cette mesure est tout à la fois recevable et fondé .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

26 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) Les instructions internes de service 88/C 264/03 concernant certaines modalités administratives et techniques à appliquer par les agents mandatés par la Commission en matière de prise d' échantillons et d' analyse des produits prélevés dans le cadre de la gestion et du contrôle du Fonds européen d' orientation et de garantie agricole, arrêtées par la Commission, sont annulées .

2 ) La Commission est condamnée aux dépens .

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