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Document 52018PC0096

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances

COM/2018/096 final - 2018/044 (COD)

Bruxelles, le 12.3.2018

COM(2018) 96 final

2018/0044(COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances

{SWD(2018) 52 final}
{SWD(2018) 53 final}


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Justification et objectifs de la proposition

La priorité de la Commission est de continuer à renforcer l’économie européenne et de stimuler l’investissement pour créer des emplois et soutenir la croissance. La réalisation de cet objectif passe par un renforcement, un approfondissement et une plus grande intégration des marchés des capitaux. Des infrastructures post-marché efficaces et sûres sont essentielles pour garantir le bon fonctionnement des marchés des capitaux. Dans le droit fil du plan d’action pour l’union des marchés des capitaux (UMC) de 2015, l'examen à mi-parcours de la Commission a détaillé, en mai 2017, les mesures qui devraient encore être prises pour mettre en place les éléments constitutifs de l’UMC d’ici à 2019, dans le but de supprimer les obstacles aux investissements transfrontières et de réduire le coût du financement. L’achèvement de l’union des marchés des capitaux constitue une priorité urgente.

Dans le cadre du plan d’action pour l’UMC et de l’examen à mi-parcours, la Commission a annoncé des mesures ciblées concernant les règles relatives à la propriété de titres et à l’opposabilité des cessions de créances afin de réduire l’insécurité juridique pour les transactions transfrontières sur titres et créances. La présente proposition et la communication sur la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres 1 , présentées en parallèle, mettent en œuvre cet engagement. La communication précise la position de la Commission sur les aspects importants de l’acquis existant de l’Union en ce qui concerne la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres et accompagne la présente proposition législative sur l’opposabilité des cessions de créances. La présente proposition législative est sans effet sur les matières régies par la directive sur les contrats de garantie financière 2 , la directive sur le caractère définitif du règlement 3 , la directive «liquidation» 4 et le règlement sur le registre 5   6 .

L’objectif général de la présente proposition est, conformément aux objectifs du plan d’action pour l’UMC, de favoriser les investissements transfrontières dans l’UE, et partant de faciliter l’accès au financement pour les entreprises, notamment les PME, et les consommateurs. Son objectif spécifique est d’aider à augmenter le nombre de transactions transfrontières sur titres en assurant la sécurité juridique grâce à l’adoption de règles de conflit de lois uniformes au niveau de l’Union.

En effet, pour accroître le nombre de transactions transfrontières sur titres et créances, la clarté et la prévisibilité quant à la législation nationale applicable pour déterminer qui possède une créance ou un titre après une transaction transfrontière sont essentielles. L’insécurité juridique quant à la législation nationale qui détermine qui possède un actif à la suite d’une transaction transfrontière signifie qu’en fonction des juridictions ou des autorités de l’État membre qui examinent un litige concernant la propriété d’une créance ou d’un titre, la transaction transfrontière peut ou non conférer le titre de propriété attendu. En cas d’insolvabilité, lorsque les questions de propriété et d’opposabilité des droits résultant de transactions transfrontières font l’objet d’un contrôle juridictionnel, les risques juridiques découlant de l’insécurité juridique peuvent entraîner des pertes imprévues.

Les règles uniformes prévues dans la présente proposition désigneront la législation nationale appelée à déterminer la propriété d’une créance après que celle-ci a été cédée dans le cadre d’une transaction transfrontière et élimineront ainsi le risque juridique et les conséquences systémiques potentielles. L’instauration de la sécurité juridique encouragera les investissements transfrontières, l’accès au crédit à moindre coût et l’intégration des marchés.

La cession de créances est un mécanisme utilisé par les entreprises pour obtenir des liquidités et disposer d’un accès au crédit, comme dans l’affacturage et la constitution de garanties, et par les banques et les entreprises afin d’optimiser l’utilisation de leurs capitaux, comme dans la titrisation.

L’affacturage est une source essentielle de liquidités pour de nombreuses entreprises. Dans le cas de l’affacturage, une entreprise (le cédant, le plus souvent une PME) cède (vend) ses créances à un affactureur (le cessionnaire, souvent une banque) à un prix réduit, ce qui lui permet, en tant que cédant, d’obtenir immédiatement des espèces. L’affactureur percevra les sommes dues pour les factures et acceptera le risque de créances douteuses. L’affacturage est majoritairement utilisé par les PME (petites entreprises: 76 %, entreprises moyennes: 11 %, et grandes entreprises: 13 %). L’affacturage proposé aux PME est donc considéré par le secteur comme un fondement de la croissance économique, étant donné qu’il peut s’avérer plus difficile, pour les PME, de se financer au moyen de prêts traditionnels 7 . L’Europe, en tant que région, est le plus grand marché de l’affacturage au monde, représentant 66 % du marché mondial 8 .

Exemple d’affacturage

Une PME C a immédiatement besoin d’espèces pour payer ses fournisseurs. Les factures adressées à ses clients ne sont exigibles que dans trois mois. La PME C (le cédant) décide de céder (vendre) ses factures à un affactureur (le cessionnaire), la banque B, à un prix réduit afin d’obtenir immédiatement des espèces de B. Le prix réduit auquel la PME C vend ses factures à B correspond aux frais et aux commissions de cette dernière.

Dans le cas de la constitution de garanties, les créances telles que des espèces portées au crédit d’un compte bancaire (lorsque le client est le créancier et la banque, le débiteur) ou des créances privées (c’est-à-dire des prêts bancaires) peuvent être utilisées comme garanties financières pour garantir un contrat de prêt (par exemple, un consommateur peut utiliser les espèces portées au crédit d’un compte bancaire à titre de garantie pour obtenir un crédit, et une banque peut utiliser un prêt à titre de garantie pour obtenir un crédit). La constitution de garanties portant sur des créances privées pour le secteur financier est très importante. Environ 22 % des opérations de refinancement de l’Eurosystème 9 sont garanties par des créances privées utilisées comme garanties 10 .

Exemple de constitution de garanties

Une PME C (le cédant) souhaite obtenir un prêt auprès de la banque A (le cessionnaire) afin de construire un plus grand entrepôt, en utilisant les créances qu’elle détient sur ses clients comme garantie (ou sûreté). Si la PME C fait faillite et ne peut rembourser le prêt, la banque A (le preneur de la garantie) sera en mesure de recouvrer sa dette en exigeant le remboursement des créances que la PME C détenait sur ses clients.

La titrisation permet au cédant, appelé «initiateur» (une entreprise ou une banque, par exemple) de refinancer une partie de ses créances (loyers de véhicules à moteur, créances sur cartes de crédit, remboursements de prêt hypothécaire, par exemple) en les cédant à une entité ad hoc (special purpose vehicle). L’entité ad hoc (le cessionnaire) émet ensuite des titres de créance (des obligations, par exemple) sur les marchés des capitaux, lesquels reflètent le produit de ces créances. À mesure que les créances sous-jacentes sont réglées, l’entité ad hoc utilise le produit qu’elle reçoit pour rémunérer les titres en faveur des investisseurs. La titrisation peut faire baisser le coût du financement car l’entité ad hoc est structurée de façon à le mettre à l’abri de l’insolvabilité. Pour les entreprises, elle peut fournir un accès au crédit à un coût inférieur à celui des prêts bancaires. Pour les banques, la titrisation est un moyen de réserver une partie de leurs actifs à un meilleur usage et d’alléger leur bilan pour leur permettre de prêter davantage à l’économie 11 . Dans le cadre du plan d’action pour l’union des marchés des capitaux, l’Union a adopté des dispositions visant à promouvoir un marché de la titrisation sûr et liquide. Ces règles visent à rétablir un marché de la titrisation sûr dans l’UE en distinguant les produits de titrisation simples, transparents et standardisés des produits plus opaques et coûteux. Pour tous les types de titrisation, la sécurité juridique quant à la question de savoir qui détient la créance cédée est cruciale.

Exemple de titrisation

Une grande chaîne de magasins C (le cédant) cède à une entité ad hoc A (le cessionnaire) ses créances découlant de l'utilisation par ses clients des cartes de crédit «maison» qu'elle émet 12 . A émet ensuite des titres de créance au profit des investisseurs sur les marchés des capitaux. Ces titres sont garantis par le flux des revenus provenant des créances sur cartes de crédit qui ont été cédées à A. À mesure que les créances sont réglées, A utilise le produit qu'elle reçoit pour rémunérer les titres de créance.

Pourquoi la sécurité juridique est-elle importante ?

Garantir l’acquisition du titre de propriété sur la créance cédée est important pour le cessionnaire (par exemple, un affactureur, un preneur de garantie ou un initiateur), étant donné que des tiers pourraient réclamer le titre de propriété de la même créance. Cela donnerait lieu à un conflit de priorité, c’est-à-dire une situation dans laquelle il conviendrait de déterminer lequel des deux droits, le droit du cessionnaire ou le droit du réclamant concurrent, devrait prévaloir. Un conflit de priorité entre le cessionnaire de la (des) créance(s) et une tierce partie peut survenir essentiellement dans deux situations:

-    si une créance a été cédée à deux reprises (accidentellement ou non) par le cédant à différents cessionnaires, un second cessionnaire pourrait réclamer le titre de propriété de la même créance. La loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances résoudra le conflit de priorité entre les deux cessionnaires de la même créance;

-    si le cédant devient insolvable, ses créanciers voudront savoir si la créance cédée fait ou non toujours partie de la masse de l’insolvabilité, ou, en d’autres termes, si la cession était ou non effective, et partant si le cessionnaire a acquis le titre de propriété de la créance. La loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances résoudra le conflit de priorité entre le cessionnaire et les créanciers du cédant.

Dans le cas des cessions de créances purement nationales, il est évident que le droit matériel national déterminera les modalités de l’opposabilité ou les effets patrimoniaux de la cession de créances, à savoir quelles exigences doivent être respectées par le cessionnaire afin de garantir qu’il acquiert le titre de propriété des créances cédées en cas de conflit de priorité. Toutefois, dans une situation transfrontière, plusieurs législations nationales sont susceptibles de s’appliquer et les cessionnaires ont besoin de clarté quant à laquelle de ces dernières ils doivent se conformer pour acquérir le titre de propriété des créances cédées.

Risque juridique

La loi applicable, c’est-à-dire la loi nationale qui s’applique à une situation donnée comportant un élément transfrontière, est déterminée par les règles de conflit de lois. En l’absence de règles uniformes de l’Union en matière de conflit de lois, la loi applicable est déterminée par les règles nationales de conflit de lois.

Les règles de conflit de lois concernant l’opposabilité des cessions de créances sont actuellement établies au niveau des États membres. Les règles de conflit de lois des États membres ne concordent pas entre elles, étant donné qu’elles reposent sur des critères de rattachement différents pour déterminer la loi applicable: par exemple, les règles de conflit de lois de l’Espagne et de la Pologne sont fondées sur la loi régissant la créance cédée, les règles de conflits de lois de la Belgique et de la France sont fondées sur la loi de la résidence habituelle du cédant et les règles de conflit de lois des Pays-Bas se fondent sur la loi du contrat de cession. Les règles nationales de conflit de lois manquent aussi de clarté, en particulier lorsqu’elles ne sont pas fixées par la loi.

Le manque de cohérence entre les règles de conflit de lois des différents États membres signifie que ces derniers peuvent désigner la loi de différents pays comme loi appelée à régir l’opposabilité de la cession de créances. Ce manque de sécurité juridique quant à la loi nationale qui s’applique à l’opposabilité crée, pour les cessions transfrontières, un risque juridique qui n’existe pas dans le cas des cessions internes. Face à ce risque juridique, un cessionnaire peut réagir de trois façons différentes:

i)    si le cessionnaire n’a pas conscience du risque juridique ou l’ignore sciemment, il peut se retrouver confronté à des pertes financières imprévues en cas de conflit de priorité et s'il perd le titre de propriété des créances cédées. Le risque juridique découlant de l’insécurité juridique quant à la question de savoir qui détient une créance à la suite d’une cession transfrontière est apparu au cours de la crise financière de 2008, par exemple lors de la faillite de Lehman Brothers International (Europe), pour laquelle l’enquête sur la propriété légale des actifs est toujours en cours aujourd’hui 13 . L’insécurité en matière de propriété des créances peut donc avoir des effets d’entraînement et aggraver et prolonger l’impact d’une crise financière;

ii)    si le cessionnaire décide d’atténuer le risque juridique en sollicitant un avis juridique spécifique concernant les lois nationales qui sont susceptibles de s’appliquer à l’opposabilité de la cession transfrontière et de respecter les exigences prévues par toutes ces lois pour garantir le titre de propriété des créances cédées, il devra supporter des coûts de transaction plus élevés oscillant entre 25 % et 60 % 14 , qui ne sont pas requis pour les cessions internes;

iii)    si le cessionnaire est dissuadé par le risque juridique et choisit de l’éviter, il peut laisser passer des débouchés commerciaux et l’intégration du marché peut s’en trouver réduite. Étant donné l’absence actuelle de règles communes de conflit de lois concernant l’opposabilité des cessions de créances, ces cessions sont principalement effectuées à l’échelle nationale plutôt que sur une base transfrontière: ainsi, par exemple, l’affacturage s’effectue le plus souvent sur le marché national et, en 2016, ce type d'affacturage représentait près de 78 % du chiffre d’affaires total 15 .

Si le cessionnaire décide de procéder à la cession, le manque de cohérence entre les règles de conflit de lois des différents États membres implique que l’issue d’un conflit de priorité quant à la question de savoir qui détient une créance à la suite d’une cession transfrontière variera en fonction de la loi nationale appliquée par la juridiction ou l’autorité de l’État membre examinant le litige. Selon la loi nationale appliquée, la cession transfrontière peut ou non conférer le titre de propriété attendu aux réclamants.

Valeur ajoutée de règles uniformes

Actuellement, les règles uniformes de l’Union en matière de conflit de lois déterminent la loi applicable aux obligations contractuelles liées aux transactions sur titres et créances. En particulier, le règlement Rome I 16 détermine la loi applicable aux relations contractuelles entre les parties à une cession de créances (entre le cédant et le cessionnaire et entre le cessionnaire et le débiteur) et entre le créancier/cédant et le débiteur. Le règlement Rome I détermine aussi la loi applicable aux relations contractuelles entre le vendeur et l’acheteur dans le cadre de transactions sur titres.

Les règles uniformes de l’Union en matière de conflit de lois déterminent aussi la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur instruments financiers transmissibles par inscription et sur instruments dont l’existence ou le transfert suppose l’inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d’un système de dépôt centralisé, et ce dans trois directives, à savoir la directive sur les contrats de garantie financière, la directive sur le caractère définitif du règlement et la directive «liquidation». Toutefois, aucune réglementation uniforme de l’Union en matière de conflit de lois n’a été adoptée en ce qui concerne la loi applicable aux effets patrimoniaux des cessions de créances. La présente proposition de règlement vise à combler cette lacune.

Les règles communes de conflit de lois prévues dans la proposition de règlement disposent que, en règle générale, c’est la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle qui régira l’opposabilité des cessions de créances. Toutefois, la proposition de règlement prévoit également des exceptions qui soumettent certaines cessions à la loi de la créance cédée dans les cas où la règle générale ne serait pas appropriée, ainsi que la possibilité de choisir la loi pour les titrisations visant à développer le marché de la titrisation.

L’adoption de règles de conflit de lois uniformes au niveau de l’Union en ce qui concerne l’opposabilité des cessions de créances apportera une valeur ajoutée significative aux marchés financiers.

Premièrement, la sécurité juridique introduite par les règles uniformes permettra aux cessionnaires de satisfaire aux exigences d’une seule loi nationale pour garantir l’acquisition du titre de propriété des créances cédées. Cette sécurité juridique permettra d’éliminer le risque juridique actuellement lié aux cessions transfrontières de créances, qui se traduit par des pertes imprévues et des effets d’entraînement possibles, une augmentation des coûts de transaction, des débouchés commerciaux manqués et l’intégration réduite des marchés. Les règles de conflit de lois uniformes fixées, en particulier, pour la titrisation reconnaissent la pratique des grands opérateurs qui consiste à appliquer la loi de la créance cédée à l’opposabilité des cessions de créances, tout en visant à permettre aux petits opérateurs d’entrer sur le marché de la titrisation ou d’y renforcer leur présence en soumettant l’opposabilité de leurs cessions à la loi de la résidence habituelle du cédant. La flexibilité prévue dans les règles de conflit de lois applicables à la titrisation facilitera l’expansion du marché de la titrisation grâce à l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché et à la création de nouveaux débouchés commerciaux.

Deuxièmement, l’uniformité des règles de conflits de lois entre les États membres garantira l’application de la même loi nationale pour résoudre tout conflit de priorité opposant le cessionnaire et un réclamant concurrent, quelle que soit la juridiction ou l’autorité de l’État membre qui examine le litige.

L’instauration de la sécurité juridique stimulera ainsi les investissements transfrontières, ce qui est l’objectif ultime de la présente proposition de règlement, ainsi que le prévoit le plan d’action pour l’union des marchés des capitaux.

Qu’est-ce qu’une créance?

Une créance est le droit qu’un créancier a d'exiger d’un débiteur le paiement d’une somme d’argent (des créances clients, par exemple) ou l’exécution d’une obligation (l’obligation de livraison des actifs sous-jacents en vertu de contrats sur produits dérivés, par exemple).

Les créances peuvent être classées en trois catégories:

i)    La première catégorie comprendrait les «créances traditionnelles», telles que les sommes d’argent à recevoir pour des transactions non dénouées (de l’argent qu’une entreprise doit recevoir d’un client pour des factures impayées, par exemple);

ii)    parmi les instruments financiers au sens de la directive MiFID II 17 figurent notamment les titres et les produits dérivés négociés sur les marchés financiers. Alors que les titres sont des actifs, les produits dérivés sont des contrats qui comprennent à la fois des droits (ou créances) et des obligations pour les parties au contrat. La deuxième catégorie de créances comprendrait les créances découlant d’instruments financiers (parfois appelées «créances financières»), comme les créances découlant de contrats dérivés (par exemple, la somme due après le calcul des coûts de liquidation dans le cadre d’un contrat dérivé);

iii)    la troisième catégorie de créances comprendrait les espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit (une banque, par exemple), où le titulaire du compte (un consommateur, par exemple) est le créancier et l’établissement de crédit, le débiteur.

La présente proposition concerne l’opposabilité ou les effets patrimoniaux de la cession des créances mentionnées ci-dessus. Elle ne couvre pas le transfert des contrats (tels que les contrats dérivés) contenant à la fois des droits (ou créances) et des obligations, ni la novation de contrats contenant de tels droits et obligations. Dès lors que la présente proposition ne couvre pas le transfert ni la novation de contrats, la négociation d’instruments financiers ainsi que la compensation et le règlement de ces instruments continueront d’être régis par la loi applicable aux obligations contractuelles telle qu’établie dans le règlement Rome I. Cette loi est normalement choisie par les parties au contrat ou désignée par les règles non discrétionnaires applicables aux marchés financiers.

Les créances découlant d’instruments financiers tels que définis dans la directive MiFID II, comme les créances découlant de contrats dérivés, sont importantes pour le bon fonctionnement des marchés financiers. Comme pour les titres, la négociation d’instruments financiers tels que les produits dérivés génère d’importants volumes de transactions transfrontières. Les instruments financiers tels que les produits dérivés sont souvent inscrits en compte.

La forme d’enregistrement de l’existence ou du transfert d’instruments financiers tels que les produits dérivés, que ce soit par inscription en compte ou sous une autre forme, est régie par la législation des États membres. Dans certains États membres, certains types de produits dérivés sont inscrits en compte et sont considérés comme des titres, tandis que dans d’autres, ils ne le sont pas. Selon qu’en droit national, un instrument financier tel qu’un contrat dérivé est ou non inscrit en compte et considéré comme un titre, l’autorité ou la juridiction saisie d’un litige quant à la question de savoir qui possède le titre de propriété de l’instrument financier ou de la créance découlant de ce dernier appliquera la règle de conflit de lois concernant les effets patrimoniaux du transfert d’instruments financiers transmissibles par inscription ou la règle de conflit de lois concernant les effets patrimoniaux de la cession de créances.

La présente proposition concerne les règles de conflit de lois concernant l’opposabilité de la cession de «créances traditionnelles», de «créances financières» (c’est-à-dire les créances découlant d’instruments financiers tels que les produits dérivés non inscrits en compte et qui ne sont pas considérés comme des titres en vertu de la législation nationale) et d'«espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit», toutes étant désignées par le terme «créances».

L’opposabilité des transactions portant sur des instruments financiers tels que les produits dérivés inscrits en compte et considérés comme des titres en vertu de la législation nationale sont régis par les règles de conflit de lois applicables aux effets patrimoniaux des transactions sur instruments financiers transmissibles par inscription et sur instruments dont l’existence ou le transfert suppose l’inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d’un système de dépôt centralisé fixées en particulier par la directive sur les contrats de garantie financière, la directive sur le caractère définitif du règlement et la directive «liquidation». Le champ d’application des règles de conflit de lois prévu par la présente proposition et celui des règles de conflits de lois fixé par ces trois directives ne se chevauchent donc pas, étant donné que les premières s’appliquent aux créances tandis que les secondes s’appliquent aux instruments financiers transmissibles par inscription et aux instruments dont l’existence ou le transfert suppose l’inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d’un système de dépôt centralisé 18 . Les trois directives sont explicitées par la communication sur la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres adoptée aujourd’hui.

Qu’est-ce qu'une cession de créance?

Dans une cession de créance, un créancier (le «cédant») transfère à une autre personne (le «cessionnaire») son droit à une créance à l’égard d’un débiteur.

La clarté quant à la question de savoir qui détient une créance à la suite de sa cession transfrontière est importante pour les acteurs des marchés financiers ainsi que pour l’économie réelle. En effet, la cession de créances est souvent utilisée par les entreprises comme un moyen d’obtenir des espèces ou de disposer d’un accès au crédit.

Dans l’affacturage, par exemple, une entreprise (le cédant) vend ses créances à un prix réduit à un affactureur (le cessionnaire), souvent une banque, en échange d’un versement immédiat en espèces. L’affacturage est principalement utilisé par les PME (87 %) 19 .

La cession de créances est également utilisée par les consommateurs, les entreprises et les banques pour accéder au crédit, par exemple dans le cadre de la constitution de garanties. Dans le cas de la constitution de garanties, les créances telles que des espèces portées au crédit d’un compte bancaire ou des créances privées (c’est-à-dire des prêts bancaires) peuvent être utilisées comme garanties financières pour garantir un contrat de prêt (par exemple, un consommateur peut utiliser les espèces portées au crédit d’un compte bancaire comme garantie pour obtenir un crédit, et une banque peut utiliser un prêt comme garantie pour obtenir un crédit).

Enfin, la cession de créances est aussi utilisée par les entreprises et les banques pour emprunter de l’argent sur les marchés des capitaux en cédant des créances similaires multiples à une entité ad hoc, ces créances étant ensuite titrisées sous forme de titres de créance (par exemple, des obligations).

Les parties prenantes directement touchées par le risque juridique inhérent aux transactions transfrontières sur créances sont les emprunteurs (clients de détail et entreprises, y compris les PME), les établissements financiers (tels que les banques exerçant des activités de prêt, d’affacturage, de constitution de garanties et de titrisation), les intermédiaires financiers qui effectuent des transactions sur créances et les investisseurs finaux (fonds, investisseurs de détail).

Développement des règles de conflits de lois en matière de cessions de créances

Les marchés nationaux étant de plus en plus interconnectés, les cessions de créances comportent souvent un élément transfrontière (par exemple, le cédant et le cessionnaire, ou le cessionnaire et le débiteur, sont situés dans des pays différents). Les lois de plusieurs pays sont donc susceptibles de s’appliquer à la cession. Les règles de conflit de lois établies au niveau de l’Union ou des États membres doivent déterminer quelle législation nationale s’applique aux différents éléments d’une cession transfrontière de créances.

Les règles de conflit de lois concernant les cessions transfrontières de créances concernent deux éléments: 1) l’élément contractuel, qui se réfère aux obligations des parties l’une envers l’autre; et 2) l’élément patrimonial, qui renvoie au transfert de droits de propriété sur la créance et qui peut donc concerner des tiers.

Le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles a harmonisé les règles de conflit de lois au niveau de l’Union en ce qui concerne les éléments contractuels de la cession de créances. Le règlement contient donc des règles uniformes en matière de conflit de lois en ce qui concerne i) les relations entre les parties au contrat de cession - le cédant et le cessionnaire 20 , et ii) les relations entre le cessionnaire et le débiteur 21 . Les règles de conflit de lois fixées par le règlement Rome I s’appliquent également aux relations entre le créancier initial (le cédant) et le débiteur 22 .

Par contre, il n’existe pas de règles de conflit de lois au niveau de l’Union en ce qui concerne les éléments patrimoniaux de la cession de créances. Les éléments patrimoniaux ou l’opposabilité d’une cession de créances permettent, de manière générale, de déterminer qui possède des droits de propriété sur une créance et, en particulier: i) quelles exigences doivent être respectées par le cessionnaire pour lui donner la garantie d’acquérir un titre de propriété de la créance après la cession (par exemple, enregistrement de la cession dans un registre public, notification écrite de la cession au débiteur), et ii) comment résoudre les conflits de priorité, c’est-à-dire les conflits entre plusieurs réclamants concurrents quant à la question de savoir qui détient la créance après une cession transfrontière (par exemple, entre deux cessionnaires lorsque la même créance a été cédée à deux reprises, ou entre un cessionnaire et un créancier du cédant).

La question de savoir quelle loi devrait régir l’opposabilité des cessions de créances a été examinée pour la première fois au moment où la convention de Rome de 1980 a fait place au règlement Rome I et 23 , ensuite, dans le cadre des négociations législatives qui ont conduit à l’adoption du règlement Rome I. Dans sa proposition de règlement Rome I, la Commission a opté pour la loi de la résidence habituelle du cédant comme loi appelée à s’appliquer à l’opposabilité de la cession de créances 24 . En fin de compte, aucune règle de conflit de lois concernant l’opposabilité des cessions n’a été intégrée dans le règlement 25 en raison de la complexité du sujet et du manque de temps pour traiter ce dernier avec le niveau de détail requis.

Toutefois, l’article 27, paragraphe 2, du règlement Rome I, a reconnu l’importance de cette question non résolue en demandant à la Commission de présenter un rapport sur la question de l’opposabilité des cessions de créances, accompagné, le cas échéant, d’une proposition de modification du règlement 26 . À cette fin, la Commission a commandé une étude externe 27 et a adopté, en 2016, un rapport présentant différentes approches possibles de cette question 28 . Dans son rapport, la Commission a souligné que l’absence de règles de conflit de lois uniformes déterminant quelle loi régit l’opposabilité d’une cession de créance et les questions de priorité entre réclamants concurrents portait atteinte à la sécurité juridique, créait des problèmes pratiques et engendrait une augmentation des frais juridiques 29 .

Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action

La présente proposition répond à l’exigence fixée à l’article 27, paragraphe 2, du règlement Rome I, selon laquelle la Commission devait publier un rapport et, le cas échéant, une proposition sur l’opposabilité d’une cession de créance et sur le rang du cessionnaire par rapport aux droits détenus par d’autres personnes. La proposition harmonise les règles de conflit de lois sur ces questions ainsi que le champ de la loi applicable, c’est-à-dire les matières qui devraient être régies par la loi nationale désignée comme applicable par la proposition.

La proposition est cohérente avec les instruments existants de l’Union concernant la loi applicable en matière civile et commerciale, en particulier avec le règlement Rome I en ce qui concerne les créances relevant du champ d’application de ces deux instruments.

La proposition est également cohérente avec le règlement sur l’insolvabilité 30 en ce qui concerne le critère de rattachement qui désigne la loi applicable aux procédures d’insolvabilité. La loi de la résidence habituelle du cédant retenue par la proposition comme loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances coïncide avec la loi applicable à l’insolvabilité du cédant, étant donné qu’en vertu du règlement sur l’insolvabilité, la procédure d’insolvabilité principale doit être ouverte dans l’État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux. La plupart des questions relatives à l’opposabilité des cessions de créances effectuées par le cédant se posent en cas d’insolvabilité de ce dernier. La masse de l’insolvabilité du cédant variera selon que le titre de propriété des créances cédées a été transféré ou non au cessionnaire, et partant que la cession de créances effectuée par le cédant peut être considérée ou non comme opposable (par exemple, à l’égard de ses créanciers). En soumettant les questions de priorité et l’opposabilité des cessions de créances aux tiers, tels que les créanciers du cédant, à la même loi que celle qui régit l’insolvabilité du cédant, on vise à faciliter le règlement de l’insolvabilité du cédant.

Cohérence avec les autres politiques de l’Union

Les objectifs de l’initiative sont cohérents avec les politiques de l’Union en matière de réglementation des marchés financiers.

Pour faciliter les investissements transfrontières, le plan d’action pour l’union des marchés des capitaux prévoit des mesures ciblées concernant les règles de propriété des titres et l’opposabilité des cessions de créances. Par ailleurs, le plan d’action précise que la Commission doit proposer une initiative législative pour déterminer avec toute la sécurité juridique requise quelle législation nationale devrait s’appliquer à la propriété des titres et à l’opposabilité de la cession de créances.

En réduisant l’insécurité juridique qui risque de décourager les cessions transfrontières de créances ou d’entraîner des coûts supplémentaires pour ces transactions, la présente proposition contribuera à l’objectif consistant à encourager les investissements transfrontières. En réduisant les pertes susceptibles de se produire lorsque les acteurs du marché n’ont pas conscience du risque juridique découlant de l’insécurité juridique, la proposition est totalement cohérente avec l’objectif de protection des investisseurs énoncé dans un certain nombre de règlements de l’Union relatifs aux marchés financiers. Enfin, en harmonisant les règles de conflit de lois concernant l’opposabilité des cessions de créances, la proposition procurera une sécurité juridique aux parties effectuant des opérations d’affacturage, de constitutions de garanties et de titrisation, et partant facilitera l’accès au financement à moindre coût pour les PME et les consommateurs.

Conformément au plan d’action pour l’union des marchés des capitaux, la présente proposition relative aux créances est complétée par une initiative non législative sur la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres. Actuellement, les règles de conflit de lois concernant les effets patrimoniaux des transactions transfrontières sur titres sont définies dans la directive sur les contrats de garantie financière, la directive sur le caractère définitif du règlement et la directive «liquidation». Comme indiqué plus haut, le champ d’application des règles de conflit de lois prévu par la présente proposition et celui des règles de conflits de lois fixé par ces trois directives ne se chevauchent pas, étant donné que les premières s’appliquent aux créances tandis que les secondes s’appliquent aux instruments financiers transmissibles par inscription et aux instruments dont l’existence ou le transfert suppose l’inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d’un système de dépôt centralisé 31 .

Bien que des règles de conflit de lois uniformes aient été adoptées pour les titres dans les trois directives susmentionnées, ces règles ne sont pas formulées de la même manière et sont interprétées et appliquées différemment dans les États membres.

L’analyse d’impact portant tant sur les créances que sur les titres a montré que l’absence totale de règles de conflit de lois communes pour ce qui est des effets patrimoniaux des cessions de créances était l’un des facteurs expliquant que les cessions de créances sont effectuées au niveau national plutôt qu’au niveau transfrontière. En revanche, pour ce qui est des transactions sur titres, l’insécurité juridique résiduelle résultant des différentes interprétations des directives existantes ne semble pas faire obstacle au développement de vastes marchés transfrontières. Cet état de fait, conjugué au peu d’indices tangibles de risques significatifs concernant les titres, a justifié le choix d’une initiative non législative comme option privilégiée pour ces derniers.

En résumé, la principale différence pour ce qui est des créances et des titres réside dans le fait qu’à côté de l’absence totale de règles de conflit de lois de l’UE concernant les effets patrimoniaux des cessions de créances impliquant la nécessité d’une mesure législative pour éliminer le risque juridique découlant de cessions transfrontières de créances, trois directives contiennent déjà des règles de conflit de lois concernant les effets patrimoniaux des transactions sur titres qui, même si elles ne sont pas formulées de manière uniforme, ne nécessitent que l’adoption de mesures non contraignantes.

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

La base juridique de la proposition est l’article 81, paragraphe 2, point c), du TFUE, qui, en matière de coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, habilite plus particulièrement le Parlement et le Conseil à adopter des mesures visant à assurer «la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflit de lois (…).»

Conformément au protocole n° 22 du TFUE, les mesures juridiques adoptées dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice, telles que les règles de conflit de lois, ne lient pas le Danemark ou ne sont pas applicables à son égard. Conformément au protocole n° 21 du TFUE, le Royaume-Uni et l’Irlande ne sont pas non plus liés par les mesures en question. Toutefois, dès qu’une proposition a été présentée dans ce domaine, ces États membres peuvent notifier leur souhait de participer à l’adoption et à l’application de la mesure et, lorsque la mesure a été adoptée, ils peuvent notifier leur souhait d’accepter cette mesure.

Subsidiarité

L’insécurité juridique actuelle et les risques juridiques qui en découlent sont causés par les divergences entre les règles matérielles des États membres qui régissent l’opposabilité des cessions de créances. Les États membres agissant individuellement ne pourraient pas supprimer de manière satisfaisante le risque juridique et les obstacles aux cessions transfrontières de créances, étant donné que les règles et procédures nationales devraient être les mêmes ou à tout le moins compatibles pour pouvoir s’appliquer dans un contexte transfrontière. Une action au niveau de l’Union est nécessaire pour faire en sorte que la même loi soit désignée, dans l’ensemble de l’Union, comme la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances, quelle que soit la juridiction ou l’autorité de l’État membre qui examine un litige concernant la propriété d’une créance cédée.

Proportionnalité

Actuellement, chaque État membre a i) ses propres règles matérielles régissant l’opposabilité des cessions de créances, et ii) ses propres règles de conflit de lois qui précisent quel droit matériel national régit cette opposabilité. Tant les règles matérielles que les règles de conflit de lois des États membres sont différentes et, dans un certain nombre de cas, les règles de conflit de lois ne sont pas claires ou ne sont pas inscrites dans la législation. Ces divergences font naître une insécurité juridique qui entraîne un risque juridique, étant donné que les lois matérielles des différents pays sont susceptibles de s’appliquer à une cession transfrontière.

Pour garantir la sécurité juridique, l’UE pourrait proposer i) d’harmoniser les règles matérielles de l’ensemble des États membres qui régissent l’opposabilité des cessions de créances, ou ii) d’harmoniser les règles de conflit de lois applicables à l’opposabilité des cessions de créances. La solution proposée consiste à garantir la sécurité juridique en harmonisant les règles de conflit de lois. Il s’agit là d’une solution plus proportionnée, conforme au principe de subsidiarité, étant donné qu’elle n’interfère pas avec le droit matériel national et ne s’applique qu’aux cessions de créances comportant un élément transfrontière.

Une telle mesure concernant l’opposabilité des cessions de créances est de nature à garantir la réalisation de l’objectif consistant à assurer la sécurité juridique et à éliminer le risque juridique résultant des cessions transfrontières de créances, facilitant ainsi l’investissement transfrontière, l’accès au crédit à moindre coût et l’intégration des marchés, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Choix de l’instrument

L’uniformité recherchée des règles de conflit de lois ne peut être réalisée qu’au moyen d’un règlement, car seul un règlement assure une interprétation et une application totalement cohérentes des règles. Comme ce fut le cas pour les instruments antérieurs de l’Union concernant les règles de conflit de lois, l’instrument juridique privilégié est donc un règlement.

3.RÉSULTATS DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DE L’ANALYSE D’IMPACT

Consultation des parties intéressées et obtention et utilisation d’expertise

La Commission a associé activement les parties intéressées et procédé à des consultations approfondies tout au long du processus d’analyse d’impact. La stratégie de consultation a consisté en plusieurs actions menées par la Commission, notamment une consultation publique en ligne; deux réunions avec des experts des États membres, une réunion avec des experts en conflits de lois et une autre avec des experts des marchés financiers; et un groupe d’experts de haut niveau composé d’universitaires, de praticiens du droit et de membres du secteur ayant une expertise dans le domaine des règles de conflit de lois et des marchés financiers. La stratégie de consultation comportait également une étude commandée par la Commission et menée par le British Institute of International and Comparative Law (BIICL) sur la question de l’opposabilité des cessions de créances et des conflits de priorité entre réclamants concurrents. L’analyse d’impact initiale, publiée le 28 février 2017, n’a suscité aucune réaction de la part des parties intéressées.

L’étude commandée par la Commission a montré que les lois les plus souvent appliquées aujourd’hui pour résoudre les conflits de lois concernant l’opposabilité des cessions de créances sont la loi de la résidence habituelle du cédant (par exemple, en Belgique, en France, au Luxembourg en ce qui concerne la titrisation), la loi régissant la créance cédée (par exemple en Espagne et en Pologne) et la loi du contrat entre le cédant et le cessionnaire (par exemple, aux Pays-Bas).

La consultation publique en ligne a été lancée le 7 avril 2017 et s’est terminée le 30 juin 2017, ce qui est conforme à la norme de 12 semaines minimum pour les consultations publiques de la Commission. La consultation publique avait pour objectif de recueillir les contributions de toutes les parties intéressées, notamment celles concernées par l’affacturage, la titrisation, la constitution de garanties et la négociation d’instruments financiers, ainsi que des praticiens du droit et des experts en règles de conflit de lois concernant l’opposabilité des cessions de créances.

La Commission a reçu 39 réponses à la consultation publique. Parmi les répondants figuraient 5 pouvoirs publics, 15 associations sectorielles, 4 entreprises, 2 cabinets juridiques, 2 groupes de réflexion et 5 particuliers. Dans le secteur financier, les intérêts des banques, des gestionnaires de fonds, des marchés réglementés, des contreparties centrales, des dépositaires centraux de titres, des émetteurs de titres et des investisseurs ont été représentés. Aucune organisation de consommateurs n’a répondu.

En ce qui concerne la couverture géographique, les réponses provenaient de différents États membres: 13 de parties intéressées du Royaume-Uni, 9 de France et de Belgique, 3 d’Allemagne et des Pays-Bas, 2 d’Espagne, 1 de Finlande, 1 de République tchèque et 1 de Suède.

En général, à la question de savoir s’ils avaient, au cours des cinq dernières années, eu des difficultés à garantir l’opposabilité des cessions transfrontières de créances à l’égard de tiers autres que le débiteur, plus de deux tiers des répondants ont répondu par l’affirmative. À la question de savoir si une action de l’Union apporterait une valeur ajoutée pour remédier aux difficultés rencontrées, 59 % des parties intéressées ont répondu par l’affirmative et 22 % par la négative.

En ce qui concerne la loi qu’il conviendrait de choisir dans une initiative législative de l’Union, il a été demandé aux parties intéressées d’indiquer leurs préférences au moyen de trois questions distinctes. Parmi les parties intéressées ayant répondu à chacune des trois questions, 57 % ont opté pour la loi de la résidence habituelle du cédant, 43 % pour la loi de la créance cédée et 30 % pour la loi du contrat de cession. Certains répondants ont fondé leurs réponses sur les règles de conflit de lois applicables dans leur État membre, tandis que d’autres ont basé leurs réponses sur la loi appliquée dans le cadre de leurs pratiques actuelles.

À l’appui de l’option de la résidence habituelle du cédant, les parties intéressées ont fait valoir que cette loi pouvait être déterminée facilement, fournirait une plus grande sécurité juridique et respecterait plus que toute autre solution la logique économique des pratiques commerciales importantes. Les parties intéressées qui soutenaient la loi de la créance cédée ont affirmé que cette loi respecterait le principe de l’autonomie des parties et était susceptible d’entraîner une diminution des coûts de transaction.

Analyse d’impact

Les options étudiées dans l’analyse d’impact sont les suivantes:

✓ Option nº 1: loi applicable au contrat de cession

Selon ce critère de rattachement, la loi qui régit le contrat de cession entre le cédant et le cessionnaire régirait également les effets patrimoniaux de la cession de créances. Le cédant et le cessionnaire peuvent choisir la loi qu’ils veulent pour régir leur contrat de cession.

✓ Option nº 2: loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle

Selon ce critère de rattachement, l’opposabilité de la cession de créances serait régie par la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle.

✓ Option nº 3: loi régissant la créance cédée

Selon ce critère de rattachement, l’opposabilité de la cession de créances serait régie par la loi régissant la créance cédée, à savoir la créance dans le contrat initial entre le créancier et le débiteur qui est ensuite cédée par le créancier (cédant) au nouveau créancier (cessionnaire). Les parties au contrat initial peuvent choisir la loi qu’elles veulent pour régir le contrat qui inclut la créance cédée ultérieurement.

✓ Option nº 4: approche mixte combinant la loi de la résidence habituelle du cédant et la loi de la créance cédée

Cette option mixte combine l’application de la loi de la résidence habituelle du cédant en règle générale et l’application de la loi de la créance cédée dans certains cas exceptionnels, à savoir i) la cession d’espèces créditées sur un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit (par exemple une banque, où le consommateur est le créancier et l’établissement de crédit, le débiteur), et ii) la cession de créances découlant d’instruments financiers. Cette option mixte prévoit également la possibilité pour le cédant et le cessionnaire de décider que la loi de la créance cédée s’applique à l’opposabilité des créances dans le cadre d’une titrisation. La possibilité pour les parties à une titrisation de rester soumises à la règle générale fondée sur la loi de la résidence habituelle du cédant ou de choisir la loi de la créance cédée vise à répondre aux besoins des opérateurs de titrisation, grands et petits.

✓ Option nº 5: approche mixte combinant la loi de la créance cédée et la loi de la résidence habituelle du cédant.

Cette option mixte combine l’application de la loi de la créance cédée en règle générale et l’application, à titre exceptionnel, de la loi de la résidence habituelle du cédant pour la cession des créances multiples et futures. Dans le cadre de cette option, l’opposabilité de la cession des créances clients par une société non financière (par exemple une PME) dans le contexte de l’affacturage resterait soumise à la loi de la résidence habituelle du cédant. L’opposabilité de la cession de créances multiples par une société financière (par exemple une banque) dans le contexte d’une titrisation resterait également soumise à la loi de la résidence habituelle du cédant.

La présente proposition se fonde sur l’option 4, selon laquelle la loi de la résidence habituelle du cédant est la règle générale, mais certaines cessions sont soumises, à titre d’exceptions, à la loi de la créance cédée, le choix de la loi étant possible pour la titrisation. Comme la proposition ne traite pas des relations entre les parties à un contrat, mais des droits des tiers, l’application de la loi de la résidence habituelle du cédant en tant que règle générale est l’option la plus adéquate pour les raisons suivantes:

-    c’est la seule loi prévisible et qui peut être facilement trouvée par les tiers concernés par la cession, comme les créanciers du cédant. À l’inverse, les tiers ne peuvent prédire quelle loi régissant la créance cédée et quelle loi régissant le contrat de cession sont concernées, puisque ces lois sont le plus souvent choisies par les parties au contrat;

-    en ce qui concerne les cessions de créances groupées, c’est la seule loi qui répond aux besoins des affactureurs et des petits opérateurs de titrisation, qui ne possèdent pas toujours les moyens nécessaires pour vérifier les exigences de propriété sur la base des lois des différents pays qui régissent les diverses créances cédées en bloc;

-    c’est la seule loi qui permet la détermination de la loi applicable lorsque des créances futures sont cédées, une pratique courante dans l’affacturage;

-    c’est la seule loi qui est conforme à l’acquis de l’Union en matière d’insolvabilité, à savoir le règlement sur l’insolvabilité. L’application de la même loi à l’opposabilité des cessions de créances et à l’insolvabilité facilite le règlement de l’insolvabilité du cédant 32 ;

-    c’est la seule loi qui correspond à la solution internationale consacrée dans la convention des Nations unies de 2001 sur la cession de créances dans le commerce international. Cela peut créer des synergies et permettre d’épargner les frais juridiques liés à la diligence raisonnable et aux contentieux pour les participants au marché qui sont actifs au niveau mondial.

En outre, même lorsque les parties choisissent actuellement d’appliquer la loi de la créance cédée à l’opposabilité de leur cession transfrontière, le plus souvent, elles examinent également la loi de la résidence habituelle du cédant afin de garantir que l’acquisition du titre de propriété des créances cédées n’est pas entravée par les lois de police du pays de résidence habituelle du cédant, en particulier les règles établissant les obligations de publicité comme l’obligation d’enregistrer la cession de créances dans un registre public pour les faire connaître et les rendre opposables aux tiers 33 .

D’autre part, la nature mixte de cette option permet une exception basée sur l’application de la loi de la créance cédée pour certaines cessions spécifiques, à savoir la cession d’espèces créditées sur un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit et la cession de créances découlant d’instruments financiers, qui répond aux besoins des participants au marché dans ces domaines spécifiques. Cette option mixte offre une souplesse supplémentaire en prévoyant la possibilité pour le cédant et le cessionnaire, lors de la cession des créances dans le cadre d’une titrisation, de choisir la loi applicable à l’opposabilité de la cession, permettant ainsi aux opérateurs, petits et grands, de prendre part à des titrisations transfrontières.

Un rapport conjoint d’analyse d’impact portant à la fois sur la loi applicable à la propriété des titres et sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances a été présenté au comité d’examen de la réglementation (CER) le 8 novembre 2017. Ce dernier a émis un avis négatif sur l’analyse d’impact et a fait plusieurs recommandations communes d’amélioration. En ce qui concerne les créances, le CER a demandé des informations plus détaillées sur les options envisagées quant à la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances. L’analyse d’impact a été révisée et soumise une nouvelle fois au CER le 18 janvier 2018. Le 1er février 2018, ce dernier a émis un avis positif assorti de réserves. En ce qui concerne les créances, le CER a recommandé de fournir davantage d’informations sur les coûts ponctuels que certains participants au marché devraient supporter à la suite de l’adoption de règles de conflit de lois uniformes. Les recommandations d’amélioration ont été, dans la mesure du possible, prises en compte dans l’analyse d’impact.

Droits fondamentaux

Les objectifs de la présente initiative soutiennent pleinement le droit à la propriété établi à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 34 . En précisant quelle loi régit les effets patrimoniaux des cessions de créances, la présente proposition contribuerait à défendre le droit de propriété, étant donné qu’elle diminuerait le risque d’entrave à la propriété pour les investisseurs ou les preneurs de garantie sur les créances.

En réduisant les retombées et les pertes financières dues à l’absence de dispositions uniformes sur la loi applicable aux effets patrimoniaux des cessions de créances, la présente proposition aurait des effets positifs sur la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la charte.

En harmonisant les règles de conflit de lois sur les effets patrimoniaux des cessions de créances, la présente proposition découragerait la recherche de la loi la plus favorable (forum shopping), étant donné que tout État membre baserait son jugement sur la même loi matérielle nationale. Cela favoriserait le droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la charte.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

La proposition n’aura aucune incidence sur le budget de l’Union.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information

La Commission suivra l’incidence de l’initiative proposée en adressant un questionnaire aux principales parties intéressées. Ce questionnaire visera à recueillir des informations sur l’évolution du nombre de cessions transfrontières, l’évolution des coûts de diligence raisonnable à la suite de l’adoption d’une règle uniforme en matière de conflits de lois et les coûts ponctuels liés à la modification de la documentation juridique. L’incidence de la solution proposée sera évaluée dans un rapport établi par la Commission cinq ans après la date d’entrée en vigueur de l’instrument proposé.

Le suivi de l’incidence de l’adoption d’une règle uniforme en matière de conflits de lois couvrira les domaines de l’affacturage, de la constitution de garanties, de la titrisation et des cessions spécifiques d’espèces créditées sur un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit, ainsi que la cession de créances découlant d’instruments financiers comme des contrats dérivés.

L’analyse tiendra compte du fait que le volume des cessions, les coûts de transaction et la nature des risques cachés dans les cessions transfrontières de créances sont influencés par plusieurs facteurs économiques, juridiques ou réglementaires qui ne sont pas liés à la sécurité juridique de la loi applicable à l’opposabilité de ces cessions.

Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

Article premier:    champ d’application

Cet article définit le champ d’application du règlement proposé, compte tenu de la législation de l’Union en vigueur et, en particulier, du champ d’application du règlement Rome I.

L’article 1er, paragraphe 2, contient une liste des éléments exclus du champ d’application du règlement proposé. Ces éléments seront régis soit par la législation de l’Union existante, soit par les règles nationales en matière de conflits de lois.

Article 2:    définitions

Cet article définit d’abord les principales notions sur lesquelles se fonde le règlement, à savoir la «cession», la «créance» et l’«opposabilité». La définition de «cession» est alignée sur celle figurant dans le règlement Rome I. Elle ne fait référence qu’à un transfert volontaire d’une créance, y compris la subrogation conventionnelle. Elle concerne les transferts de créances purs et simples, ainsi que le transfert de créances à titre de sûreté ou de garantie.

La définition de «créance» dans le règlement proposé codifie la notion générale à laquelle renvoie la créance sur la base du règlement Rome I, à savoir un concept vaste désignant une créance de quelque nature que ce soit, monétaire ou non monétaire et découlant d’une obligation contractuelle régie par le règlement Rome I ou d’une obligation non contractuelle régie par le règlement Rome II. La définition d’ «opposabilité» est déterminée par le champ d’application matériel du règlement proposé.

L’article définit la «résidence habituelle» conformément à la définition figurant à l’article 19, paragraphe 1, du règlement Rome I, à savoir le lieu où l’entreprise a établi son administration centrale ou le lieu où une personne physique agissant dans l’exercice de son activité professionnelle a son lieu d’activité principal. Le règlement proposé ne comprend pas de définition de la résidence habituelle au sens de la définition qui figure à l’article 19, paragraphe 2, du règlement Rome I, à savoir le lieu où se trouve une succursale, en raison de l’incertitude qu’une telle règle susciterait si la même créance était cédée par la direction centrale du cédant et par la direction d’une succursale située dans un autre pays.

La notion de «résidence habituelle» coïncidera généralement avec le centre des intérêts principaux utilisé dans le règlement sur l’insolvabilité.

L’article définit l’«établissement de crédit» conformément à la législation de l’Union régissant les établissements de crédits; les «espèces» conformément à la directive sur les garanties financières; et l’«instrument financier» conformément à la directive MiFID II.

Article 3:    application universelle

Cet article établit le caractère universel du règlement proposé en prévoyant que la loi nationale désignée comme applicable peut être la loi d’un État membre ou la loi d’un pays tiers.

Article 4:    loi applicable

Cet article prévoit des règles uniformes en matière de conflits de lois sur l’opposabilité de la cession de créances. À son paragraphe 1, il établit une règle générale fondée sur la loi de la résidence habituelle du cédant; à son paragraphe 2, il prévoit deux exceptions fondées sur la loi de la créance cédée; et à son paragraphe 3, il prévoit la possibilité pour le cédant et le cessionnaire, dans le cadre d’une titrisation, de choisir la loi de la créance cédée comme loi applicable à l’opposabilité de la cession. Une règle applicable aux conflits de priorité entre cessionnaires découlant de l’application de la loi de la résidence habituelle du cédant et de la loi de la créance cédée à l’opposabilité de deux cessions de la même créance est établie au paragraphe 4.

Selon la règle générale, la loi régissant l’opposabilité des cessions de créances est la loi du pays où le cédant a sa résidence habituelle au moment considéré.

L’article porte également, au deuxième alinéa du paragraphe 1, sur le «conflit mobile», à savoir la situation, rare, dans laquelle le cédant change de résidence habituelle entre deux cessions de la même créance; dans de tels cas, des cessions concurrentes pourraient être soumises à différentes lois nationales. La règle sur les conflits mobiles prévoit que la loi applicable sera celle de la résidence habituelle du cédant au moment où une des deux cessions devient opposable pour la première fois; en d’autres termes, au moment où un des cessionnaires remplit pour la première fois les exigences rendant la cession opposable.

Lorsque, comme dans le cas d’un prêt syndiqué (prêt fourni par un groupe de prêteurs - appelé syndicat - à un emprunteur unique pour des projets de grande envergure), chaque créancier au sein du groupe de créanciers possède une partie de la même créance, la loi de la résidence habituelle du cédant régira l’opposabilité d’une cession, par un créancier, de sa part de la créance.

L’article prévoit, à son paragraphe 2, que l’opposabilité de certaines cessions est, à titre exceptionnel, régie par la loi de la créance cédée. La loi de la créance cédée désigne la loi régissant le contrat entre le créancier/cédant initial et le débiteur dont la créance découle. Avec cette exception, le règlement proposé établit une règle en matière de conflits de lois qui s’adapte aux besoins des participants au marché concernés par ces cessions spécifiques. Les cessions dont l’opposabilité est soumise à la loi de la créance cédée sont: i) la cession d’espèces portées au crédit d’un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit; et ii) la cession de créances découlant d’instruments financiers.

En ce qui concerne la première exception: lorsqu’un titulaire de compte (par exemple, un consommateur) place des espèces sur un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit (par exemple, une banque), il y a un contrat initial entre le titulaire de compte (le créancier) et l’établissement de crédit (le débiteur). Le titulaire de compte est le créancier d’une créance à l’égard de l’établissement de crédit, le débiteur, pour le paiement des espèces créditées sur le compte ouvert dans l’établissement de crédit. Un titulaire de compte peut vouloir céder les espèces créditées sur son compte ouvert auprès d’un établissement de crédit à un autre établissement de crédit comme garantie en vue d’obtenir un crédit. Dans de tels cas, la loi permettant de déterminer qui possède le titre de propriété sur la créance une fois que les espèces ont été cédées en garantie ne sera pas la loi de la résidence habituelle du titulaire du compte (le cédant), mais celle qui régit la créance cédée, à savoir la loi régissant le contrat entre le titulaire de compte et le premier établissement de crédit duquel découle la créance. Pour les tiers comme les créditeurs du cédant et les cessionnaires concurrents, une plus grande prévisibilité est offerte si la loi applicable à l’opposabilité de la cession des espèces portées au crédit d’un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit est la loi applicable à la créance en espèces. En effet, il est généralement admis que la créance détenue par un titulaire de compte sur les espèces portées au crédit d’un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit est régie par la loi du pays où cet établissement est établi. Cette loi est normalement choisie dans le contrat de compte conclu entre le titulaire du compte et l’établissement de crédit.

En ce qui concerne la seconde exception: il y a également lieu que l’opposabilité de la cession de créances découlant d’instruments financiers tels que des contrats dérivés soit soumise à la loi qui régit la créance cédée, c’est-à-dire la loi qui régit l’instrument financier, tel qu’un contrat dérivé. Une créance découlant d’un instrument financier pourrait, par exemple, être le montant dû après le calcul de la liquidation d’un contrat dérivé. Il est essentiel, pour préserver la stabilité et le bon fonctionnement des marchés financiers, ainsi que pour répondre aux attentes des participants au marché, de soumettre l’opposabilité des cessions de créances découlant d’instruments financiers à la loi de la créance cédée plutôt qu’à la loi de la résidence habituelle du cédant. Cette stabilité et ce bon fonctionnement sont préservés si la loi régissant l’instrument financier dont la créance découle, comme un contrat dérivé, est la loi choisie par les parties ou la loi déterminée conformément aux règles non discrétionnaires applicables aux marchés financiers.

Le paragraphe 3 de l’article porte sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances à la suite d’une titrisation. La titrisation permet au cédant, appelé «initiateur» (une banque ou une entreprise, par exemple) de refinancer une partie de ses créances (loyers de véhicules à moteur, créances sur cartes de crédit, remboursements de prêt hypothécaire, par exemple) en les cédant à une entité ad hoc (special purpose vehicle). L’entité ad hoc (le cessionnaire) émet ensuite des titres de créance (des obligations, par exemple) sur les marchés de capitaux, lesquels reflètent le produit de ces créances. À mesure que les créances sous-jacentes sont réglées, l’entité ad hoc utilise le produit qu’elle reçoit pour rémunérer les titres en faveur des investisseurs. La titrisation peut faire baisser le coût du financement car l’entité ad hoc est structurée de façon à le mettre à l’abri de l’insolvabilité. Pour les entreprises, elle peut fournir un accès au crédit à un coût inférieur à celui des prêts bancaires. Pour les banques, la titrisation est un moyen de réserver une partie de leurs actifs à un meilleur usage et d’alléger leur bilan pour leur permettre de prêter davantage à l’économie.

Actuellement, les grands cédants et cessionnaires (par exemple, les grandes banques) participant à des titrisations appliquent la loi de la créance cédée à l’opposabilité de la cession. Cela signifie que le cessionnaire (l’entité ad hoc) devra respecter les exigences établies dans la loi régissant les créances cédées (à savoir, le contrat entre le créancier/cédant initial et le débiteur) pour avoir la garantie qu’il acquiert le titre de propriété sur les créances cédées. Cela réduit les coûts pour les opérateurs qui sont en mesure de structurer leurs titrisations de telle manière que toutes les créances incluses dans le paquet à céder à l’entité ad hoc soient soumises à la loi d’un seul et même pays. L’entité ad hoc doit ensuite respecter les exigences établies dans la loi d’un seul et unique pays pour avoir la garantie qu’elle acquiert le droit de propriété sur l’ensemble des créances cédées. Vu que les grands opérateurs effectuent souvent des titrisations sur une base transfrontière, à savoir que les initiateurs sont situés dans différents États membres, l’application de la loi de la résidence habituelle du cédant à l’opposabilité des cessions de créances dans ces cas serait plus compliquée pour le cessionnaire puisqu’il devrait respecter les exigences fixées dans les lois de différents pays, à savoir celles des différents pays dans lesquels sont situés les différents initiateurs.

À l’inverse, les petits opérateurs (par exemple, des petites banques et entreprises) doivent le plus souvent appliquer la loi de la résidence habituelle du cédant à l’opposabilité des cessions de créances dans le cadre d’une titrisation parce que les créances incluses dans le paquet à céder à une entité ad hoc sont régies par les lois de différents pays. Dans de tels cas, les petits cessionnaires ne pourraient pas appliquer la loi de la créance cédée à l’opposabilité de la cession, étant donné qu’ils n’auraient pas les moyens de se conformer aux exigences nécessaires pour obtenir le titre de propriété sur les créances cédées au titre de chacune des lois régissant chacune des créances incluses dans le paquet. Au contraire, il est plus facile pour les petits cessionnaires de se conformer aux exigences d’une seule loi, à savoir la loi de la résidence habituelle du cédant.

En bref, en permettant le choix de la loi, le paragraphe 3 de cet article vise à ne pas affecter la pratique actuelle des grandes banques, qui appliquent la loi de la créance cédée à l’opposabilité des cessions dans le cadre des titrisations lorsque les créances cédées sont toutes soumises à la loi d’un même pays, mais que les cédants (initiateurs) sont situés dans divers États membres. Dans le même temps, le paragraphe 3 vise à permettre aux petites banques et aux petites entreprises d’entrer sur le marché de la titrisation ou d’y renforcer leur position en pouvant devenir les cessionnaires de créances multiples régies par les lois de différents pays.

En tout état de cause, la souplesse offerte par le paragraphe 3 permet aux opérateurs de titrisation de décider, pour chaque titrisation, s’ils choisissent la loi de la créance cédée ou s’ils restent soumis à la règle générale fondée sur la loi de la résidence habituelle du cédant, en fonction de la structure de leur titrisation, et, en particulier, de décider si les créances cédées sont soumises à la loi d’un ou de plusieurs pays, s’il y a un ou plusieurs initiateurs et s’ils sont situés dans un ou plusieurs pays. Le paragraphe 4 de cet article établit une règle de conflits de lois pour résoudre les conflits de priorité entre cessionnaires de la même créance lorsque l’opposabilité de la cession de la créance est soumise à la loi de la créance cédée dans une cession et à la loi de la résidence habituelle du cédant dans une autre cession. Cette situation peut se produire (habituellement, par accident et sans ordre particulier) si une créance a été cédée en premier lieu dans le cadre d’un affacturage, d’une constitution de garanties ou d’une (première) titrisation où aucune loi n’a été choisie et, ensuite, dans le cadre d’une (deuxième) titrisation dans laquelle les parties ont choisi la loi de la créance cédée comme loi applicable à l’opposabilité de la cession. L’opposabilité des cessions de créances dans le cadre de l’affacturage, de la constitution de garanties ou d’une (première) titrisation où aucune loi n’a été choisie serait, dans tous les cas, soumise à la loi de la résidence habituelle du cédant. À l’inverse, l’opposabilité des cessions de créances lors d’une (seconde) titrisation où les parties ont choisi la loi de la créance cédée serait soumise à la loi de la créance cédée. Le règlement proposé prévoit un élément objectif pour déterminer quelle loi devrait s’appliquer pour résoudre le conflit de priorité entre cessionnaires: la loi qu’il convient d’appliquer serait la loi applicable à l’opposabilité de la première cession de créances devenue opposable au titre de cette loi applicable. Cette règle est conforme à la règle applicable au conflit mobile mentionnée au paragraphe 1 de cet article et, tout comme cette dernière, est fondée sur le moment auquel la cession de créances devient opposable, puisque le règlement proposé porte sur l’opposabilité.

Article 5:    champ d’application de la loi applicable

Cet article harmonise une liste non exhaustive de questions qui devraient être régies par la loi matérielle nationale désignée comme loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances. Cet article définit donc le contenu de la notion d’«opposabilité» (ou d’effets patrimoniaux) de la cession de créances. En règle générale, la loi applicable déterminera qui a acquis le droit de propriété sur la créance cédée. En particulier, la loi applicable devrait régir deux questions essentielles afin de déterminer si une personne a acquis un titre de propriété sur la créance cédée:

i)    l’opposabilité de la cession de la créance, c’est-à-dire les mesures que doit prendre le cessionnaire pour pouvoir faire valoir son titre de propriété sur la créance cédée auprès de tiers - par exemple, l’enregistrement de la cession auprès d’une autorité publique ou dans un registre public ou une notification écrite au débiteur l’informant de la cession; et

ii)    les questions de priorité, c’est-à-dire la détermination du droit prioritaire en cas de conflit entre des réclamants concurrents - par exemple entre des cessionnaires concurrents lorsque la même créance a été cédée plus d’une fois, ou entre un cessionnaire et un autre détenteur de droit, par exemple un créancier du cédant ou du cessionnaire dans les cas d’insolvabilité.

Le terme «tiers» désigne les tiers autres que le débiteur, étant donné que tous les éléments concernant le débiteur sont, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I, régis par la loi de la créance cédée (à savoir la loi qui régit le contrat initial duquel découle la créance cédée). 

Les modalités de création des droits et du transfert des droits peuvent varier dans les ordres juridiques des États membres. Vu que le règlement proposé a un caractère universel et peut donc désigner comme loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances la loi de n’importe quel pays, il vise à couvrir divers conflits de priorité possibles entre des réclamants concurrents. Le règlement proposé englobe non seulement les conflits de priorité découlant des cessions de créances (par exemple, entre deux cessionnaires de la même créance), mais aussi ceux découlant de mécanismes équivalents sur le plan juridique ou fonctionnel, notamment le transfert et la novation d’un contrat, qui peuvent être utilisés pour transmettre un contrat et donc à la fois les droits (la créance) et les obligations découlant de ce contrat. La loi désignée par le règlement proposé comme loi applicable devrait dès lors régir non seulement les conflits de priorité entre cessionnaires concurrents, mais aussi les conflits de priorité entre un cessionnaire et un réclamant concurrent qui est devenu le bénéficiaire d’une créance à la suite du transfert d’un contrat ou de la novation d’un contrat. Il convient de souligner que la proposition ne désigne pas la loi applicable au transfert ou à la novation de contrats (par exemple, la loi applicable à la novation des contrats dérivés), mais uniquement la loi applicable aux potentiels conflits de priorité sur une créance d’abord cédée, puis retransférée (la même créance ou la créance économiquement équivalente) au moyen d’un transfert de contrat ou d’une novation de contrat. Si le règlement proposé ne couvrait pas les conflits de priorité entre un cessionnaire et un bénéficiaire d’une créance à la suite d’un transfert de contrat ou d’une novation de contrat, une situation d’incertitude juridique pourrait survenir dans laquelle tant un cessionnaire que le bénéficiaire concurrent à la suite du transfert ou de la novation de contrat exigeraient le paiement du débiteur, et où aucune règle commune en matière de conflits de lois ne pourrait s’appliquer pour résoudre ce conflit.

Article 6:    lois de police / Article 7: ordre public

Ces articles prévoient des possibilités d’appliquer la loi du for au lieu de la loi désignée comme loi applicable par l’article 4. Les lois de police pourraient renvoyer, par exemple, à l’obligation d’enregistrer la cession de créances dans un registre public.

Articles 8 à 12.    questions générales d’application des règles de conflit de lois

Ces articles portent sur des questions générales d’application des règles de conflit de lois, dans le respect des autres instruments de l’Union sur la loi applicable, en particulier le règlement Rome I.

Article 10:    relations avec d’autres dispositions du droit de l’Union

Cet article vise à préserver l’application de la lex specialis, établissant des règles sur les conflits de lois en ce qui concerne l’opposabilité des cessions de créances dans des matières particulières.

2018/0044 (COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 81, paragraphe 2,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,

vu l’avis du Comité économique et social européen 35 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)L’Union s’est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice. En vue de l’établissement progressif de cet espace, l’Union doit adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.

(2)Conformément à l’article 81 du traité, ces mesures doivent viser, entre autres, à assurer la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflit de lois.

(3)Le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements, que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent comme loi applicable la même loi nationale, quel que soit l’État membre dans lequel l’action est introduite.

(4)Le règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) ne régit pas les questions d’opposabilité de la cession de créances. L’article 27, paragraphe 2, dudit règlement exigeait cependant que la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport relatif à la question de l’opposabilité d’une cession ou subrogation aux tiers, ainsi que du rang de la créance faisant l’objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d’autres personnes, lequel rapport devant être accompagné, le cas échéant, d’une proposition de modification du règlement et d’une évaluation de l’impact des dispositions à introduire.

(5)Le 18 février 2015, la Commission a adopté un livre vert intitulé «Construire l’union des marchés des capitaux» 36 , dans lequel elle indiquait qu’il importait, afin de créer un marché paneuropéen pour la titrisation et les contrats de garantie financière, ainsi que pour d’autres activités telles que l’affacturage, d’assurer une plus grande sécurité juridique dans les cas de transfert transfrontière de créances et concernant l’ordre de priorité de ces transferts, notamment dans les cas d’insolvabilité.

(6)Le 30 septembre 2015, la Commission a adopté une communication intitulée «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» 37 . Dans ce plan d’action, elle relevait que les différences de traitement national de l’opposabilité des cessions de créances faisaient qu’il était compliqué d’utiliser ces instruments en tant que sûreté transfrontière et en concluait que cette insécurité juridique faisait obstacle à des opérations financières importantes sur le plan économique, comme les opérations de titrisation. Il y était annoncé que la Commission proposerait des règles uniformes pour déterminer avec toute la sécurité juridique requise quel droit national devrait régir l’opposabilité de la cession de créances.

(7)Le 29 juin 2016, la Commission a adopté un rapport sur l’adéquation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière 38 , visant à déterminer si cette directive fonctionnait de manière efficace et efficiente en ce qui concerne les actes formels requis pour la constitution en garantie de créances privées. La conclusion de ce rapport était qu’une proposition de règles uniformes concernant l’opposabilité de la cession de créances permettrait de déterminer avec toute la sécurité juridique requise quel droit national devrait régir l’opposabilité de la cession de créances, ce qui contribuerait à assurer une plus grande sécurité juridique dans les cas de mobilisation transfrontière de créances privées à titre de garantie.

(8)Le 29 septembre 2016, la Commission a adopté un rapport sur la question de l’opposabilité d’une cession ou subrogation, ainsi que du rang de la créance faisant l’objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d’autres personnes, dont la conclusion était que l’adoption de règles de conflit de lois uniformes pour régir l’opposabilité de la cession ainsi que les questions de rang entre cessionnaires concurrents ou entre cessionnaires et autres titulaires de droits renforcerait la sécurité juridique et réduirait les problèmes pratiques et les frais juridiques liés à la diversité actuelle des approches suivies dans les États membres.

(9)Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) nº 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) 39 , au règlement (CE) nº 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) 40 , au règlement (UE) nº 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte) 41 et au règlement (UE) 2015/848 relatif aux procédures d’insolvabilité 42 . L’interprétation du présent règlement devrait, autant que possible, combler les lacunes réglementaires entre ces instruments.

(10)Le présent règlement met en œuvre le plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux. Il répond également à l’exigence fixée à l’article 27, paragraphe 2, du règlement Rome I, selon laquelle la Commission devait publier un rapport et, le cas échéant, une proposition sur l’opposabilité d’une cession de créance et sur le rang du cessionnaire par rapport aux droits détenus par d’autres personnes.

(11)Aucune règle de conflit de lois régissant l’opposabilité (ou les effets patrimoniaux) des cessions de créances n’existe actuellement au niveau de l’Union. Ces règles de conflit de lois sont fixées au niveau des États membres, mais elles ne sont pas cohérentes et manquent souvent de clarté. Dans le cas des cessions transfrontières de créances, l’incohérence des règles nationales de conflit de lois conduit à une insécurité juridique quant à la loi applicable à l’opposabilité des cessions. L’absence de sécurité juridique crée, pour les cessions transfrontières de créances, un risque juridique qui n’existe pas pour les cessions internes, car des règles matérielles nationales différentes peuvent être appliquées en fonction de l’État membre dont les juridictions ou les autorités examinent un litige concernant le titre de propriété sur les créances.

(12)S’ils n’ont pas conscience de ce risque juridique ou s’ils l’ignorent sciemment, les cessionnaires s’exposent à des pertes financières imprévues. L’incertitude quant à savoir qui possède le titre de propriété sur les créances cédées sur une base transfrontière peut avoir des effets d’entraînement et aggraver et prolonger l’impact d’une crise financière. S’ils décident d’atténuer le risque juridique en sollicitant un avis juridique spécifique, les cessionnaires devront supporter des coûts de transaction plus élevés, non requis pour les cessions internes. S’ils sont dissuadés par le risque juridique et choisissent de l’éviter, ils peuvent laisser passer des débouchés commerciaux et l’intégration du marché peut s’en trouver réduite.

(13)L’objectif du présent règlement est de garantir la sécurité juridique en établissant des règles de conflit de lois communes désignant le droit national qui s’applique à l’opposabilité des cessions de créances.

(14)Une créance confère au créancier un droit au paiement d’une somme d’argent ou à l’exécution d’une obligation par le débiteur. La cession d’une créance permet au créancier (le cédant) de transférer à une autre personne (le cessionnaire) son droit de faire valoir la créance à l’égard d’un débiteur. Les lois qui régissent la relation contractuelle entre le créancier et le débiteur, entre le cédant et le cessionnaire et entre le cessionnaire et le débiteur sont désignées par les règles de conflit de lois fixées dans le règlement Rome I 43 .

(15)Les règles de conflit de lois établies dans le présent règlement devraient régir les effets patrimoniaux des cessions de créances entre toutes les parties concernées par la cession (c’est-à-dire entre le cédant et le cessionnaire et entre le cessionnaire et le débiteur), ainsi qu’à l’égard des tiers (par exemple, un créancier du cédant).

(16)Les créances couvertes par le présent règlement sont les créances clients, les créances découlant d’instruments financiers au sens de la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers 44 et les espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit. Parmi les instruments financiers au sens de la directive 2014/65/UE figurent notamment les titres et les produits dérivés négociés sur les marchés financiers. Alors que les titres sont des actifs, les produits dérivés sont des contrats qui comprennent des droits (ou créances) et des obligations pour les parties au contrat.

(17)Le présent règlement concerne l’opposabilité des cessions de créances. Il ne couvre pas le transfert des contrats (tels que les contrats dérivés) contenant des droits (ou créances) et des obligations, ni la novation de contrats contenant de tels droits et obligations. Dès lors que le présent règlement ne couvre pas le transfert ni la novation de contrats, la négociation d’instruments financiers ainsi que la compensation et le règlement de ces instruments continueront d’être régis par la loi applicable aux obligations contractuelles telle qu’établie dans le règlement Rome I. Cette loi est normalement choisie par les parties au contrat ou désignée par des règles non discrétionnaires applicables aux marchés financiers.

(18)Le présent règlement devrait être sans effet sur les matières régies par la directive sur les contrats de garantie financière 45 , par la directive sur le caractère définitif du règlement 46 , par la directive «liquidation» 47 et par le règlement sur le registre 48 .

(19)Le présent règlement devrait avoir un caractère universel: la loi désignée par le présent règlement devrait s’appliquer même si cette loi n’est pas celle d’un État membre.

(20)La prévisibilité est essentielle pour les tiers intéressés par l’acquisition d’un titre de propriété sur la créance cédée. L’application, à l’opposabilité des cessions de créances, de la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle permet aux tiers concernés de savoir facilement à l’avance quelle loi nationale régira leurs droits. C’est donc la loi de la résidence habituelle du cédant qui devrait, en règle générale, s’appliquer à l’opposabilité des cessions de créances. Cette règle devrait s’appliquer, plus particulièrement, à l’opposabilité des cessions de créances effectuées dans le cadre d’un affacturage, de la constitution de garanties et, lorsque les parties n’ont pas choisi la loi de la créance cédée, d’une titrisation.

(21)La loi choisie en règle générale pour s’appliquer à l’opposabilité des cessions de créances devrait permettre de déterminer la loi applicable lorsque des créances futures sont cédées, une pratique commune lors de la cession de créances multiples, comme dans le cas de l’affacturage. L’application de la loi de la résidence habituelle du cédant permet de déterminer la loi applicable à l’opposabilité de la cession de créances futures.

(22)La nécessité de déterminer qui possède le titre de propriété sur une créance cédée apparaît souvent lors de la définition de la masse de l’insolvabilité lorsque le cédant devient insolvable. Une cohérence entre les règles de conflit de lois du présent règlement et celles établies dans le règlement (UE) 2015/848 relatif aux procédures d’insolvabilité est donc souhaitable. Cette cohérence devrait être assurée grâce à l’application, en règle générale, de la loi de la résidence habituelle du cédant à l’opposabilité des cessions de créances, car l’utilisation de la résidence habituelle du cédant en tant que critère de rattachement coïncide avec le centre des intérêts principaux du débiteur, utilisé comme critère de rattachement aux fins des procédures d’insolvabilité.

(23)La convention des Nations unies de 2001 sur la cession de créances dans le commerce international prévoit que la priorité du droit d’un cessionnaire sur la créance cédée par rapport au droit d’un réclamant concurrent est régie par la loi de l’État dans lequel est situé le cédant. La compatibilité entre les règles de conflit de lois de l’Union établies dans le présent règlement et la solution préconisée au niveau international par cette convention devrait faciliter la résolution des litiges internationaux.

(24)Si le cédant change de résidence habituelle entre plusieurs cessions de la même créance, la loi applicable devrait être celle de la résidence habituelle du cédant au moment où l’un des cessionnaires rend pour la première fois sa cession opposable en satisfaisant aux exigences requises par la loi applicable sur la base de la résidence habituelle du cédant à ce moment.

(25)Conformément à la pratique du marché et aux besoins des acteurs du marché, il convient que l’opposabilité de certaines cessions de créances soit, à titre d’exception, régie par la loi de la créance cédée, c’est-à-dire par la loi régissant le contrat initial entre le créancier et le débiteur dont découle la créance.

(26)La loi de la créance cédée devrait régir l’opposabilité de la cession, par un titulaire de compte, des espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit, lorsque le titulaire du compte est le créancier/cédant et l’établissement de crédit le débiteur. Une plus grande prévisibilité est offerte aux tiers, tels que les créanciers du cédant et les cessionnaires concurrents, si la loi de la créance cédée s’applique à l’opposabilité de ces cessions, car il est généralement admis que la créance détenue par un titulaire de compte sur les espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit est régie par la loi du pays où cet établissement est établi (plutôt que par la loi du pays où le titulaire de compte/cédant a sa résidence habituelle). Cette loi est normalement choisie dans le contrat de compte conclu entre le titulaire du compte et l’établissement de crédit.

(27)Il y a également lieu que l’opposabilité de la cession de créances découlant d’instruments financiers soit soumise à la loi qui régit la créance cédée, c’est-à-dire la loi qui régit le contrat dont la créance découle (tel qu’un contrat dérivé). Il est essentiel, pour préserver la stabilité et le bon fonctionnement des marchés financiers, de soumettre l’opposabilité des cessions de créances découlant d’instruments financiers à la loi de la créance cédée plutôt qu’à la loi de la résidence habituelle du cédant. Cette stabilité et ce bon fonctionnement sont préservés dans la mesure où la loi régissant l’instrument financier dont la créance découle est la loi choisie par les parties au contrat ou la loi déterminée conformément aux règles non discrétionnaires applicables aux marchés financiers.

(28)Il convient de prévoir une certaine souplesse dans la détermination de la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances dans le cadre d’une titrisation, afin de prendre en compte les besoins de tous les titriseurs et de faciliter l’extension du marché de la titrisation transfrontière aux petits opérateurs. S’il est vrai que la loi de la résidence habituelle du cédant devrait s’appliquer en règle générale à l’opposabilité des cessions de créances dans le cadre d’une titrisation, le cédant (l’initiateur) et le cessionnaire (l’entité ad hoc) devraient être en mesure de décider que c’est la loi de la créance cédée qui devrait s’appliquer à l’opposabilité de la cession de créances. Le cédant et le cessionnaire devraient pouvoir décider que l’opposabilité de la cession de créances dans le cadre d’une titrisation devrait rester soumise à la règle générale de la résidence habituelle du cédant ou choisir la loi de la créance cédée en fonction de la structure et des caractéristiques de l’opération, par exemple le nombre et la localisation des initiateurs et le nombre de lois régissant les créances cédées.

(29)Des conflits de priorité entre cessionnaires de la même créance peuvent survenir lorsque l’opposabilité de la cession a été soumise à la loi de la résidence habituelle du cédant lors d’une cession et à la loi de la créance cédée lors d’une autre cession. En pareil cas, la loi applicable pour régler le conflit de priorité devrait être celle applicable à l’opposabilité de la cession de la créance qui a été la première à devenir opposable en vertu de sa loi applicable.

(30)Le champ d’application de la loi nationale désignée par le présent règlement en tant que loi applicable à l’opposabilité d’une cession de créance devrait être uniforme. La loi nationale désignée comme étant applicable devrait régir plus particulièrement i) l’opposabilité de la cession, c’est-à-dire les mesures que doit prendre le cessionnaire pour acquérir le titre de propriété sur la créance cédée (par exemple, l’enregistrement de la cession auprès d’une autorité publique ou dans un registre public ou une notification écrite au débiteur l’informant de la cession) et ii) les questions de priorité, c’est-à-dire les conflits entre plusieurs réclamants quant à savoir qui possède le titre de propriété sur la créance (par exemple, entre deux cessionnaires lorsque la même créance a été cédée deux fois, ou entre un cessionnaire et un créancier du cédant).

(31)Compte tenu du caractère universel du présent règlement, les lois de pays ayant des traditions juridiques différentes peuvent être désignées comme loi applicable. Lorsque, à la suite de la cession de créance, le contrat dont la créance découle est transféré, la loi désignée par le présent règlement comme loi applicable à l’opposabilité d’une cession de créance devrait également régir un conflit de priorité entre le cessionnaire de la créance et le nouveau bénéficiaire de la même créance à la suite du transfert du contrat dont la créance découle. Pour la même raison, la loi désignée par le présent règlement comme loi applicable à l’opposabilité d’une cession de créance devrait également s’appliquer lorsque la novation est utilisée comme équivalent fonctionnel du transfert d’un contrat, pour régler un conflit de priorité entre le cessionnaire d’une créance et le nouveau bénéficiaire de la créance fonctionnellement équivalente à la suite de la novation du contrat dont la créance découle.

(32)Des considérations d’intérêt public justifient, dans des circonstances exceptionnelles, le recours par les tribunaux des États membres aux mécanismes que sont l’exception d’ordre public et les lois de police, qui doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive.

(33)Le respect des engagements internationaux souscrits par les États membres justifie que le présent règlement n’affecte pas les conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties au moment de l’adoption du présent règlement. Afin de rendre les règles en vigueur en la matière plus accessibles, la Commission devrait publier la liste des conventions concernées au Journal officiel de l’Union européenne, en se fondant sur les informations transmises par les États membres.

(34)Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le présent règlement vise, en particulier, à encourager l’application des articles 17 et 47 qui concernent, respectivement, le droit de propriété et le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.

(35)Étant donné que les objectifs du présent règlement ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent, en raison de sa dimension et de ses effets, l’être mieux au niveau de l’Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité sur l’Union européenne. L’uniformité recherchée des règles de conflit de lois en ce qui concerne l’opposabilité des cessions de créances ne peut être réalisée qu’au moyen d’un règlement, car seul un règlement assure une interprétation et une application cohérentes des règles au niveau national. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(36)Conformément à l’article 3 et à l’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole nº 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, [le Royaume-Uni] [et] [l’Irlande] [a/ont notifié son/leur souhait de participer à l’adoption et à l’application du présent règlement] [ne participe/participent pas à l’adoption du présent règlement et n’est/ne sont pas lié/liée/liés par celui-ci ni soumis à son application].

(37)Conformément aux articles 1er et 2 du protocole nº 22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Danemark ne participe pas à l’adoption du présent règlement et n’est pas lié par celui-ci ni soumis à son application,

ONT ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

CHAPITRE I

CHAMP D’APPLICATION ET DÉFINITIONS

Article premier

Champ d’application

1.    Le présent règlement s’applique, dans les situations comportant un conflit de lois, à l’opposabilité des cessions de créances relevant de la matière civile et commerciale.

Il ne s’applique pas, en particulier, aux matières fiscales, douanières et administratives.

2.    Sont exclues du champ d’application du présent règlement:

(a)la cession de créances découlant des relations de famille ou des relations réputées avoir, en vertu de la loi applicable, des effets comparables, y compris les obligations alimentaires;

(b)la cession de créances découlant des régimes matrimoniaux, des régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, ont des effets comparables au mariage et aux successions;

(c)la cession de créances nées des lettres de change, des chèques, des billets à ordre, ainsi que d’autres instruments négociables, dans la mesure où les obligations nées de ces autres instruments négociables dérivent de leur caractère négociable;

(d)la cession de créances découlant de questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des agents pour les dettes de la société, association ou personne morale;

(e)la cession de créances découlant de la constitution des trusts et des relations qu’ils créent entre les constituants, les trustees et les bénéficiaires;

(f)la cession de créances résultant des contrats d’assurance vie découlant des activités menées par des organismes autres que les entreprises visées à l’article 2, paragraphes 1 et 3, de la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) 49 , ayant pour objet de verser des prestations à des personnes salariées ou à des personnes indépendantes faisant partie d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, en cas de décès, en cas de vie, en cas de cessation ou de réduction d’activités, en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail.

Article 2

Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:

(a)«cédant»: toute personne qui transfère à une autre personne son droit de faire valoir une créance à l’égard d’un débiteur;

(b)«cessionnaire»: toute personne qui obtient d’une autre personne le droit de faire valoir une créance à l’égard d’un débiteur;

(c)«cession»: le transfert volontaire d’un droit de faire valoir une créance à l’égard d’un débiteur. Cette définition comprend les transferts de créances purs et simples, la subrogation conventionnelle, les transferts de créances à titre de garantie, ainsi que les nantissements ou autres sûretés sur les créances;

(d)«créance»: le droit de réclamer une dette de quelque nature que ce soit, monétaire ou non monétaire, découlant d’une obligation contractuelle ou non contractuelle;

(e)«opposabilité»: les effets patrimoniaux, c’est-à-dire le droit du cessionnaire de faire valoir son titre de propriété sur une créance qui lui a été cédée à l’égard d’autres cessionnaires ou bénéficiaires de la même créance ou d’une créance fonctionnellement équivalente, de créanciers du cédant et d’autres tiers;

(f)«résidence habituelle»: pour une société, une association ou une personne morale, le lieu où elle a établi son administration centrale; pour une personne physique agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, son lieu d’activité principal;

(g)«établissement de crédit»: une entreprise au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), du règlement (UE) nº 575/2013 50 , y compris les succursales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17), dudit règlement, d’établissements de crédit ayant leur administration centrale à l’intérieur ou, conformément à l’article 47 de la directive 2013/36/UE 51 , à l’extérieur de l’Union lorsque ces succursales sont situées sur le territoire de l’Union;

(h)«espèces»: de l’argent porté au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit dans n’importe quelle monnaie;

(i)«instrument financier»: un instrument visé à l’annexe I, section C, de la directive 2014/65/UE 52 .

CHAPITRE II

RÈGLES UNIFORMES

Article 3

Application universelle

Toute loi désignée par le présent règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre.

Article 4

Loi applicable

1.    Sauf disposition contraire du présent article, l’opposabilité d’une cession de créances est régie par la loi du pays où le cédant a sa résidence habituelle au moment considéré.

Si le cédant a changé de résidence habituelle entre deux cessions de la même créance à des cessionnaires différents, la priorité du droit d’un cessionnaire par rapport au droit d’un autre cessionnaire est régie par la loi de la résidence habituelle du cédant au moment de la cession qui a été la première à devenir opposable au titre de la loi désignée comme loi applicable en vertu du premier alinéa.

2.    La loi applicable à la créance cédée régit l’opposabilité de la cession:

(a)d’espèces portées au crédit d’un compte auprès d’un établissement de crédit;

(b)de créances découlant d’un instrument financier.

3.    Le cédant et le cessionnaire peuvent choisir la loi applicable à la créance cédée comme loi applicable à l’opposabilité d’une cession de créances en vue d’une titrisation.

Le choix de la loi est effectué expressément dans le contrat de cession ou par convention séparée. La validité matérielle et formelle de l’acte en vertu duquel le choix de la loi est effectué est régie par la loi choisie.

4.    Un conflit de priorité entre cessionnaires de la même créance lorsque l’opposabilité de l’une des cessions est régie par la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle et que l’opposabilité des autres cessions est régie par la loi de la créance cédée est régi par la loi applicable à l’opposabilité de la cession de la créance qui a été la première à devenir opposable au titre de sa loi applicable.

Article 5

Champ d’application de la loi applicable

La loi applicable à l’opposabilité d’une cession de créances en vertu du présent règlement régit notamment:

a)    les exigences permettant d’assurer l’opposabilité de la cession à l’égard de tiers autres que le débiteur, telles que les formalités en matière d’enregistrement ou de publication;

b)    la priorité des droits du cessionnaire par rapport aux droits d’un autre cessionnaire de la même créance;

c)    la priorité des droits du cessionnaire par rapport aux droits des créanciers du cédant;

d)    la priorité des droits du cessionnaire par rapport aux droits du bénéficiaire d’un transfert de contrat à l’égard de la même créance;

e)    la priorité des droits du cessionnaire par rapport aux droits du bénéficiaire d’une novation de contrat à l’égard du débiteur pour la créance équivalente.

Article 6

Lois de police

1.    Les dispositions du présent règlement ne portent pas atteinte à l’application des lois de police du juge saisi.

2.    Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un État membre pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable, en vertu du présent règlement, à l’opposabilité des cessions de créances.

CHAPITRE III

AUTRES DISPOSITIONS

Article 7

Ordre public

L’application d’une disposition de la loi d’un pays désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for.

Article 8

Exclusion du renvoi

Lorsque le présent règlement prescrit l’application de la loi d’un État, il entend les règles de droit en vigueur dans cet État, à l’exclusion de ses règles de droit international privé.

Article 9

Systèmes non unifiés

1.    Lorsqu’un État comprend plusieurs unités territoriales dont chacune a ses propres règles de droit en matière d’opposabilité des cessions de créances, chaque unité territoriale est considérée comme un État aux fins de la détermination de la loi applicable selon le présent règlement.

2.    Un État membre qui comprend plusieurs unités territoriales dont chacune a ses propres règles de droit en matière d’opposabilité des cessions de créances n’est pas tenu d’appliquer le présent règlement aux conflits de lois qui concernent uniquement ces unités.

Article 10

Relations avec d’autres dispositions du droit de l’Union

Le présent règlement n’affecte pas l’application des dispositions du droit de l’Union qui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d’opposabilité des cessions de créances.

Article 11

Relations avec les conventions internationales existantes

1.    Le présent règlement n’affecte pas l’application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l’adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d’opposabilité des cessions de créances.

2.    Toutefois, le présent règlement prévaut entre les États membres sur les conventions conclues exclusivement entre deux ou plusieurs d’entre eux dans la mesure où elles concernent des matières régies par le présent règlement.

Article 12

Liste des conventions

1.    Au plus tard le [date d’entrée en application], les États membres communiquent à la Commission les conventions visées à l’article 11, paragraphe 1. Après cette date, les États membres communiquent à la Commission toute dénonciation de ces conventions.

2.    Dans un délai de six mois après réception des communications visées au paragraphe 1, la Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne:

a)    la liste des conventions visées au paragraphe 1;

b)    les dénonciations visées au paragraphe 1.

Article 13

Clause de réexamen

Au plus tard le [cinq ans après son entrée en application], la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport sur l’application du présent règlement. Ce rapport est accompagné, le cas échéant, de propositions visant à modifier le présent règlement.

Article 14

Entrée en application

1.    Le présent règlement s’applique aux cessions de créances conclues le ou après le [date d’entrée en application].

2.    La loi applicable en vertu du présent règlement détermine si les droits d’un tiers à l’égard d’une créance cédée après la date d’entrée en application du présent règlement ont la priorité sur les droits d’un autre tiers acquis avant l’entrée en application du présent règlement.

Article 15

Entrée en vigueur et en application

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Il est applicable à partir du [18 mois après sa date d’entrée en vigueur].

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres conformément aux traités.

Fait à Bruxelles, le

Par le Parlement européen    Par le Conseil

Le président    Le président

(1)    COM(2018) 89.
(2)    Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, JO L 168 du 27.6.2002, p. 43.
(3)    Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, JO L 166 du 11.6.1998, p. 45.
(4)    Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, JO L 125 du 5.5.2001, p. 15.
(5)    Règlement (UE) nº 389/2013 de la Commission du 2 mai 2013 établissant un registre de l’Union conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et aux décisions nº 280/2004/CE et nº 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les règlements (UE) nº 920/2010 et (UE) nº 1193/2011 de la Commission, JO L 122 du 3.5.2013, p. 1.
(6)    Voir l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive sur les contrats de garantie financière (DCGF), l’article 9, paragraphe 2, de la directive sur le caractère définitif du règlement (DCDR) et l’article 24 de la directive «liquidation» (DL). Si la DCGF et la DCDR font référence aux instruments financiers transmissibles par inscription, la DL parle d’instruments dont l'existence ou le transfert suppose l'inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé.
(7)    Factoring and Commercial Finance: A Whitepaper, p. 20, par l’EU Federation for the Factoring and Commercial Finance Industry (EUF).
(8)    L’affacturage en Europe en tant que région représentait un montant de 1 566 000 000 EUR en 2015. Les principaux marchés européens sont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Le marché mondial de l’affacturage représentait un montant de 2 373 000 000 EUR en 2015. Source: Factors Chain International FCI.
(9)    L’Eurosystème est composé de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales des États membres qui ont adopté l’euro.
(10)    Environ 22 % des opérations de refinancement de l’Eurosystème sont garanties par des créances privées, équivalant à quelque 380 000 000 000 EUR au deuxième trimestre de 2017, dont environ 100 000 000 000 EUR représentaient des créances privées mobilisées sur une base transfrontière. D’une manière générale, l’Eurosystème avait mobilisé quelque 450 000 000 000 EUR dans des garanties transfrontières à la fin du mois de juin 2017.
(11)    Le marché des émissions d’actifs titrisés représentait un volume de 237 600 000 000 EUR dans l’UE en 2016, avec un encours de 1 270 000 000 000 EUR à la fin de 2016 - AFME Securitisation Data Report Q4 2016.
(12)    Cet exemple est adapté de celui qui figure dans le guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties, p. 16 et 17.
(13)    Joint Administrators of Lehman Brothers International Europe (LBIE), Fifteenth Progress Report, 12.4.2016. Voir http://www.pwc.co.uk/services/business-recovery/administrations/lehman/lehman-brothers-international-europe-in-administration-joint-administrators-15th-progress-report-12-april-2016.html
(14)    Voir les réponses de l’EU Federation for the Factoring and Commercial Finance Industry (EUF), de la Fédération bancaire française (France) et de l’Asset Based Finance Association Limited (ABFA) (Royaume-Uni) à la question 23 de la consultation publique.
(15)    EU Federation for the Factoring and Commercial Finance Industry - EUF Yearbook, 2016-2017, p. 13.
(16)    Règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JO L 177 du 4.7.2008, p. 6.
(17)    Les instruments financiers sont énumérés dans la section C de l’annexe 1 de la directive Directive MiFID II (directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, JO L 173 du 12.6.2014, p. 349).
(18)    Voir l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive sur les contrats de garantie financière (DCGF), l’article 9, paragraphe 2, de la directive sur le caractère définitif du règlement (DCDR) et l’article 24 de la directive «liquidation» (DL). Si la DCGF et la DCDR font référence aux instruments financiers transmissibles par inscription, la DL concerne les instruments dont l'existence ou le transfert suppose l'inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé.
(19)    Factoring and Commercial Finance: A Whitepaper, p. 20, par l’EU Federation for the Factoring and Commercial Finance Industry (EUF).
(20)    Article 14, paragraphe 1, du règlement Rome I.
(21)    Article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I.
(22)    Articles 2 et 3 du règlement Rome I.
(23)    Question 18 du livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, COM(2002) 654 final , p. 39.
(24)    Article 13, paragraphe 3, de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), COM(2005) 650 final.
(25)    Voir l’article 13, paragraphe 3, de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles, COM(2005) 650 final et l’article 14 du règlement Rome I .
(26)    Article 27, paragraphe 2, du règlement Rome I.
(27)    British Institute of International and Comparative Law (BIICL), étude sur la question de l’opposabilité d’une cession ou subrogation aux tiers, ainsi que du rang de la créance faisant l’objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d’autres personnes, 2011 (« étude BIICL »).
(28)    Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur la question de l'opposabilité d'une cession ou subrogation aux tiers, ainsi que du rang de la créance faisant l'objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d'autres personnes, COM(2016) 626 final rapport de la Commission »).
(29)    Rapport de la Commission, p. 12.
(30)    Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, JO L 141 du 5.6.2015, p. 19.
(31)    Voir l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive sur les contrats de garantie financière (DCGF), l’article 9, paragraphe 2, de la directive sur le caractère définitif du règlement (DCDR) et l’article 24 de la directive «liquidation» (DL). Si la DCGF et la DCDR font référence aux instruments financiers transmissibles par inscription, la DL concerne les instruments dont l'existence ou le transfert suppose l'inscription dans un registre, dans un compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé.
(32)    Par exemple, la Fédération bancaire française (FBF) indique, dans sa réponse à la consultation publique, que, dans le cadre de la diligence raisonnable, les banques françaises vérifient la loi applicable à l’insolvabilité du cédant.
(33)    Par exemple, dans sa réponse à la consultation publique, le German Banking Industry Committee indique que dans les opérations de titrisation, les parties doivent vérifier les obligations en matière de notification ou d’enregistrement. L’Association for Financial Markets in Europe (AFME) affirme dans sa réponse que les parties doivent vérifier si la cession sera opposable aux tiers dans la loi du cédant.
(34)    Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO C 326 du 26.10.2012, p. 391).
(35)    JO C  du , p. .
(36)    COM(2015) 63 final.
(37)    COM(2015) 468 final.
(38)    COM(2016) 430 final.
(39)    Règlement (CE) nº 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), JO L 199 du 31.7.2007, p. 40.
(40)    Règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JO L 177 du 4.7.2008, p. 6.
(41)    Règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 351 du 20.12.2012, p. 1.
(42)    Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, JO L 141 du 5.6.2015, p. 19.
(43)    En particulier ses articles 3, 4 et 14.
(44)    Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, JO L 173 du 12.6.2014, p. 349.
(45)    Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, JO L 168 du 27.6.2002, p. 43.
(46)    Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, JO L 166 du 11.6.1998, p. 45.
(47)    Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, JO L 125 du 5.5.2001, p. 15.
(48)    Règlement (UE) nº 389/2013 de la Commission du 2 mai 2013 établissant un registre de l’Union conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et aux décisions nº 280/2004/CE et nº 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les règlements (UE) nº 920/2010 et (UE) nº 1193/2011 de la Commission, JO L 122 du 3.5.2013, p. 1.
(49)    Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), JO L 335 du 17.12.2009, p. 1.
(50)    Règlement (UE) nº 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) nº 648/2012, JO L 176 du 27.6.2013, p. 1.
(51)    Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, JO L 176 du 27.6.2013, p. 338.
(52)    Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, JO L 173 du 12.6.2014, p. 349.
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