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Document 52011IE1391

Avis du Comité économique et social européen sur le «Ciel unique européen II» (avis d'initiative)

JO C 376 du 22.12.2011, p. 38–43 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/38


Avis du Comité économique et social européen sur le «Ciel unique européen II» (avis d'initiative)

2011/C 376/07

Rapporteur: M. KRAWCZYK

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

«Ciel unique européen II».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 22 juin 2011.

Lors de 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le système européen de gestion du trafic aérien (ATM) souffre de fragmentation et de carences depuis des décennies. La création d'un ciel unique européen (CUE) peut renforcer la sécurité et améliorer l'efficacité des opérations de vol. Cela permettrait de réduire significativement les émissions de CO2 par vol et d'atténuer considérablement les autres impacts sur l'environnement (les émissions de CO2 causées par les avions pourraient être réduites de 12 % par vol), tout en entraînant des économies de coûts considérables.

1.2   La création d'un ciel unique européen est aussi un facteur fondamental pour assurer la compétitivité du secteur européen de l'aviation sur le marché mondial. Il est essentiel que la Commission européenne joue un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du paquet «Ciel unique européen II» (CUE II). Ce n'est que grâce à une direction forte et incontestée de la Commission que l'on parviendra à surmonter avec succès les différents obstacles et problèmes politiques auxquels on s'est heurté au cours des précédentes années.

1.3   La réalisation du ciel unique européen dépendra dans une large mesure de la réussite de la mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances fondé sur des objectifs réalistes, mais ambitieux en matière de sécurité, de rentabilité, de rapports capacité/retards et d'efficacité des opérations de vol. Le CESE est préoccupé par le fait que le niveau actuel d'engagement des États membres de l'UE en faveur d'un ciel européen unique est insuffisant.

1.4   Il y a lieu de développer des blocs d'espace aérien fonctionnels (BEAF– abréviation anglaise: FAB) en fonction des besoins opérationnels et en ayant toujours présents à l'esprit la sécurité, la capacité de l'espace aérien, les objectifs d'accroissement de la rentabilité et les améliorations environnementales grâce à une augmentation de l'efficacité des opérations de vol. La Commission européenne devrait fixer – et surveiller de près – les paramètres des performances à respecter par les différentes initiatives des BEAF, à l'aide du cadre de suivi des performances du paquet législatif «Ciel unique européen II».

1.5   De l'avis du CESE, Eurocontrol pourrait jouer un rôle en renforçant les fonctions de gestion de réseau du système européen ATM, telles que la conception du réseau de routes, la gestion centrale des flux ainsi que celle des ressources limitées, mais uniquement à la condition que ce rôle soit conforme à la législation européenne, que la réforme de l'agence Eurocontrol soit menée à bien et que sa base de coût soit encore rationalisée. Le CESE se félicite de la décision de la Commission européenne de nommer Eurocontrol «gestionnaire de réseau» de l'Europe.

1.6   Le CESE estime que les objectifs de sécurité et de performance, ainsi que l'interopérabilité avec les systèmes ATM non européens (comme l'initiative NextGen des États-Unis) devraient demeurer le ressort principal du programme SESAR (système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien). Aussi le CESE considère-t-il qu'il convient de s'attaquer aux défis relatifs à la mise en place de SESAR, exposés ci-après:

assurer le déploiement synchronisé des améliorations apportées aux infrastructures aériennes et terrestres;

disposer de ressources financières adéquates et en temps utile pour la mise en place de SESAR;

définir la gouvernance appropriée au déploiement de SESAR.

1.7   La sécurité va au-delà des règlements de sécurité. Elle englobe aussi les capacités humaines, une culture de la sécurité, des compétences, de la formation et de la gestion des ressources des équipes. Dans ce contexte, il est important:

d'être conscient des performances humaines s'agissant de gérer par anticipation les risques de sécurité;

de s'assurer que les professionnels disposent d'un niveau approprié de compétence et de formation,

de promouvoir la participation des partenaires sociaux à la mise en œuvre du ciel unique européen à tous les niveaux; et

de bâtir une culture solide de la sécurité qui intègre la culture de la communication transparente des informations et la «culture juste» en tant que fondement de la sécurité des opérations.

1.8   Le CESE observe que le paquet «Ciel unique européen II» a élargi le champ d'action du système de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) à la réglementation de la sécurité de l'ATM à l'échelle européenne, garantissant ainsi une approche intégrée, selon un concept de porte à porte, de la réglementation et de la surveillance relatives à la sécurité de l'ATM au sein de l'UE.

2.   Introduction

2.1   La création d'un ciel unique européen peut renforcer la sécurité et améliorer l'efficacité des opérations de vol. Cela permettrait de réduire significativement les émissions de CO2 par vol et d'atténuer considérablement les autres impacts sur l'environnement (les émissions de CO2 causées par les avions pourraient être réduites de 12 % par vol), tout en entraînant des économies de coûts considérables.

2.2   La création d'un ciel unique européen est aussi un facteur fondamental pour assurer la compétitivité du secteur européen de l'aviation sur le marché mondial. De plus, suivant les prévisions, le système ATM actuel sera incapable de répondre à l'augmentation du trafic qui se produira entre aujourd'hui et 2030 en raison d'une hausse de la demande (selon les dernières prévisions à long terme d'Eurocontrol, le trafic aérien va augmenter jusqu'à atteindre 16,9 millions de vols en 2030, soit 1,8 fois le niveau actuel du trafic).

2.3   Un premier paquet «Ciel unique européen» (CUE I) est entré en vigueur en 2004. À l'époque, le problème majeur de la gestion du trafic aérien était l'encombrement de l'espace aérien et les retards qui en découlaient: cette question a donc été, avec celle de la sécurité, au cœur du CUE I.

2.4   Ces dernières années, la situation de l'ATM a quelque peu changé: si la sécurité et la capacité restent des objectifs majeurs, la situation s'est diversifiée, l'accent étant davantage mis sur l'environnement (efficacité des opérations de vol) et la rentabilité. En outre, l'approche réglementaire a été modifiée suite aux demandes des États membres et des parties prenantes, au profit d'une approche moins prescriptive (le «mieux légiférer»).

2.5   Même si quelques objectifs du ciel unique européen ont été réalisés, les difficultés rencontrées par les États membres pour atteindre certains objectifs du paquet CUE I et la nécessité de mettre à jour d'autres objectifs, comme ceux qui touchent à l'environnement et aux performances, sont à l'origine du lancement du paquet «Ciel unique européen II» (CUE II). Il a été adopté par le législateur européen en 2009 et publié au Journal officiel le 14 novembre 2009. Ce paquet législatif fournit les outils essentiels, le cadre juridique et les grands axes qui permettront de mettre en œuvre un ciel unique européen à partir de 2012.

2.6   Par ailleurs, le programme SESAR a été lancé en tant que complément technique et opérationnel aux réformes institutionnelles envisagées dans le cadre du paquet «Ciel unique européen II».

2.7   Toutefois, des défis considérables subsistent. Dépasser ces obstacles exigera de procéder à des améliorations opérationnelles majeures ainsi que d'adopter des mesures politiques continues pour garantir une mise en œuvre rapide du paquet CUE II en se fondant sur des objectifs de performance ambitieux et en visant l'objectif final de combler le fossé qui existe sur le plan des performances entre le système ATM européen et les systèmes ATM d'autres parties du monde.

2.8   Le CESE a déjà insisté sur la nécessité de disposer d'un ciel unique européen dans des avis antérieurs, notamment les dossiers TEN 354 et 355 visant à améliorer la performance du système d'aviation européen grâce au paquet CUE II. Le présent avis d'initiative a pour objet de fournir une vision de haut niveau qui doit guider la mise en œuvre du paquet CUE II et de déployer SESAR. Il aborde les aspects suivants:

mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances du paquet CUE II, avec des objectifs de performance ambitieux;

mise en œuvre de blocs d'espace aérien fonctionnels, fondés sur ces objectifs de performance ambitieux;

renforcement des fonctions du réseau européen de gestion du trafic aérien, à partir d'une réforme d'Eurocontrol;

réforme d'Eurocontrol, en vue de soutenir le projet de ciel unique européen avec une base de coûts moindre;

SESAR en tant qu'élément technique et opérationnel du ciel unique européen doté d'un financement public pour en soutenir la phase de mise en œuvre;

recours à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) en tant que régulateur unique de la sécurité, avec des règles de sécurité fondées sur les principes en la matière et s'appuyant sur les règles existantes.

Tous ces aspects devraient être sous-tendus par un principe d'attention portée aux facteurs humains et au dialogue social avec le personnel en première ligne, ainsi qu'une consultation appropriée de l'ensemble des acteurs concernés.

3.   Mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances du paquet CUE II, avec des objectifs de performance ambitieux

3.1   La réalisation du ciel unique européen dépendra dans une large mesure de la réussite de la mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances fondé sur des objectifs ambitieux en matière de sécurité, de rentabilité, de rapport capacité/retards et d'efficacité des opérations de vol. Un engagement politique sans faille sera nécessaire pour garantir qu'il sera possible de bénéficier rapidement des avantages gagnés. Dans ce contexte, le CESE souligne qu'il importe que les États membres de l'UE respectent leurs engagements à accélérer la mise en place d'un ciel européen unique, comme il a été décidé lors du Conseil «Transports» de mai 2010. Le CESE est préoccupé par le fait que le niveau actuel d'engagement des États membres de l'UE en faveur d'un ciel européen unique est faible.

3.2   Le CESE estime qu'il est essentiel d'assurer une cohérence entre les objectifs de performance à l'échelle de l'UE et les objectifs des blocs d'espace aérien fonctionnels nationaux. Il faudra à cette fin mettre en place un système de résolution des incohérences entre ces différents objectifs. Cela signifie en pratique que les pays ayant les moins bonnes performances devront avoir des objectifs plus ambitieux que ceux ayant de meilleurs résultats. Pour définir les objectifs détaillés des fournisseurs d'ATM individuels, il conviendra d'utiliser les rapports de la commission d'examen des performances d'Eurocontrol portant sur les seuils de performance des ATM. En liaison avec les autres objectifs de performance, il conviendrait d'élaborer et de mettre en œuvre des objectifs en matière de distances de sécurité afin d'assurer une approche équilibrée. À cet égard, l'on ne devrait pas transiger sur les niveaux de sécurité, et la sécurité devrait continuer d'être améliorée.

3.3   Le CESE souligne qu'il importe de préserver l'indépendance des autorités nationales de surveillance (ANS) vis-à-vis des prestataires de services de navigation aérienne (PSNA) ainsi que de toute interférence politique; cela est essentiel pour garantir une mise en œuvre réussie. En conséquence, il faut allouer des ressources appropriées aux ANS. La Commission européenne devrait assurer un suivi minutieux du strict respect de ces principes, en utilisant les outils disponibles au sein du paquet CUE II. De plus, les autorités nationales de surveillance devraient assurer une meilleure coordination de leurs activités en recourant abondamment à la plate-forme des ANS qui a été créée et, le cas échéant, une consolidation devrait être envisagée dans le cadre des BEAF pour garantir des économies d'échelle et prévenir une augmentation des coûts de surveillance. A cette fin, il convient de renforcer le rôle du coordinateur des BEAF.

3.4   Le dispositif d'amélioration des performances devrait concerner à la fois les redevances de route et de terminaux. Il est essentiel de garantir que les compagnies aériennes et les passagers en retirent des avantages significatifs, en se fondant sur le concept de porte à porte. Le fait d'établir une feuille de route claire contribuerait à réduire à long terme les coûts directs et indirects du système ATM de l'Union européenne, et par conséquent à réduire les redevances du contrôle de la circulation aérienne (ATC) facturées aux usagers de l'espace aérien, qui touchent donc les passagers comme les usagers du fret.

3.5   Le CESE estime que le dispositif d'amélioration des performances du CUE II devrait être associé à un dispositif d'incitation bien développé. L'incitation la plus forte consistera à abolir le système de recouvrement du coût total de l'ATM, conformément à ce qui a déjà été convenu dans le paquet CUE II, et à le remplacer par un système de coûts fixes.

3.6   Il convient aussi que les fonctions de réseau, telles que l'Unité centrale de gestion des flux (CFMU) et le Service central de redevances de route (SCRR) au sein d'Eurocontrol soient fondées sur des objectifs de performance clairs, qui devraient toutefois comporter des clauses garantissant que l'organe d'évaluation des performances soit strictement indépendant de ces fonctions de réseau.

4.   Mise en œuvre des blocs d'espace aérien fonctionnels (BEAF) sur la base de ces objectifs de performance ambitieux

4.1   Parvenir à un nombre minimum de blocs d'espace aérien fonctionnel (BEAF, abréviation anglaise: FAB) reposant principalement sur les exigences, la capacité et la rentabilité du trafic aérien demeure un objectif à atteindre. Les mesures de sécurité et les procédures devraient être les mêmes pour tous les BEAF. Ces derniers sont un outil essentiel pour permettre aux différents prestataires de services de navigation aérienne d'atteindre les objectifs de performance ambitieux à partir de 2012.

4.2   Les BEAF doivent être élaborés en fonction des besoins opérationnels, en ayant toujours présents à l'esprit la sécurité, la capacité maximale de l'espace aérien, les objectifs d'accroissement de la rentabilité et les améliorations environnementales grâce à une augmentation de l'efficacité des opérations de vol. La réalisation de ces objectifs exige un engagement politique et un contrôle au plus haut niveau. La Commission européenne devrait fixer – et surveiller de près – les paramètres des performances à respecter par les différentes initiatives des BEAF, à l'aide du cadre de suivi des performances du paquet législatif «Ciel unique européen II» (CUE II).

4.3   Les blocs d'espace aérien fonctionnel doivent garantir l'intégration technique progressive du système européen pour la gestion du trafic aérien, aujourd'hui trop fragmenté, sur la base d'une feuille de route assortie d'objectifs clairs. Pour y parvenir, une coordination clairement définie et une coopération entre les différents blocs sont nécessaires.

4.4   En ce qui concerne les changements des méthodes de travail, il est indispensable d'entretenir de bonnes relations industrielles. On ne peut y parvenir qu'à travers une consultation adéquate et permanente dans le vrai sens du terme. Au fur et à mesure que l'on avance, il est impératif de mener un véritable dialogue social si l'on veut éviter les problèmes dans le futur. Les travailleurs sont des atouts majeurs des entreprises et les changements des méthodes de travail, s'ils ne sont pas convenablement gérés, peuvent provoquer un malaise social.

4.5   Aux termes de la réglementation relative au ciel unique européen, les prestataires de services de navigation aérienne sont tenus de disposer de plans d'urgence pour l'ensemble des services qu'ils fournissent en cas d'événements conduisant à une dégradation significative ou à une interruption de leurs services. Les prestataires de services de navigation aérienne doivent concentrer leurs efforts sur des solutions plus efficaces et plus rentables en envisageant d'abord des possibilités de repli sur les infrastructures nationales existantes (autres centres de contrôle régional (CCR) ou équipements militaires) et anticiper les dispositions relatives aux blocs d'espace aérien fonctionnels pour faire face aux situations d'urgence.

4.6   La coopération entre les prestataires de services civils et militaires est cruciale pour le bon développement du ciel unique européen et l'élimination des goulots d'étranglement les plus importants au cœur de l'Europe. Les États membres et la Commission doivent rechercher une coopération entre les secteurs civil et militaire dans le contexte des BEAF qui concilie besoins civils et militaires de manière pragmatique et non politique. Compte tenu du fait que des pays européens non membres de l'UE et les États-Unis sont également impliqués, une coopération plus étroite avec l'OTAN s'impose. Le CESE se félicite de la réallocation de certaines zones d'entraînement militaires, loin des principaux courants de trafic aérien civil, qui a été envisagée par certains BEAF, et estime que cette politique devrait être activement poursuivie par toutes les initiatives relatives aux BEAF. En outre, la mise en œuvre d'un système de gestion du trafic aérien nocturne, comme ont envisagé pour certains BEAF, devrait également être poursuivie dans le cadre de tous les BEAF afin d'améliorer l'efficacité des opérations de vol nocturnes lorsque les zones de formation militaires ne sont pas utilisées.

4.7   Le CESE estime de même qu'il est essentiel d'étendre les BEAF et le principe du ciel unique européen au-delà des frontières de l'UE, en particulier aux pays voisins de l'Europe. Pour ce faire, un renforcement de la coopération au niveau international est nécessaire.

4.8   L'engagement politique est essentiel si l'on veut que les BEAF offrent de réels avantages aux utilisateurs finaux. La Commission européenne et le coordonnateur des BEAF pour l'UE devraient continuer à rappeler aux États membres qu'il est de leur devoir de mettre en œuvre le ciel unique européen et les BEAF.

5.   Désignation d'un responsable du réseau européen assurant les fonctions de gestion de réseau du système européen pour la gestion du trafic aérien

5.1   Le CESE reconnaît que le renforcement des fonctions de gestion de réseau – conception du réseau de routes, gestion centrale des flux et gestion des ressources limitées (radiofréquences et codes de répondeur radar) constitue un élément essentiel du paquet législatif «Ciel unique européen II».

5.2   De l'avis du CESE, Eurocontrol pourrait jouer un rôle dans ces tâches mais uniquement à la condition que ce rôle soit conforme à la législation européenne, que la réforme de l'Agence d'Eurocontrol soit menée à bien et que sa base de coût soit encore rationalisée. La restructuration de l'Agence exigera un fort engagement politique de tous les États membres d'Eurocontrol. Le CESE se félicite de la décision de la Commission européenne de nommer Eurocontrol «gestionnaire de réseau» de l'Europe.

5.3   Le CESE demande dès lors à la Commission européenne de veiller au strict respect de cet élément essentiel avant de confier cette mission à Eurocontrol.

5.4   Le CESE se déclare préoccupé par l'annonce de l'augmentation des retards des services de contrôle de la circulation aérienne (ATC) au cours de l'été 2011. Il invite Eurocontrol, en tant que gestionnaire de réseau du ciel unique européen, à trouver des solutions à court terme afin d'atténuer l'impact sur le trafic aérien et sur les voyageurs, en collaboration avec les prestataires de services de navigation aérienne et les usagers de l'espace aérien.

5.5   Enfin, le CESE souhaite rappeler que les éruptions de l'Eyjafjallajökull en Islande en 2010 ont causé des fermetures de l'espace aérien qui ont conduit à des perturbations importantes pour le secteur du transport aérien et pour les passagers. Ce phénomène a eu un impact considérable en termes de coût sur le secteur aéronautique et sur l'économie de l'UE dans son ensemble. À la suite de ces événements, un accord est intervenu suivant lequel l'Europe devait revoir ses procédures. C'est dans ce contexte que le CESE souligne la nécessité pour l'Europe d'aligner ses procédures sur les bonnes pratiques existant dans d'autres régions du monde, par exemple aux États-Unis. L'Europe est en effet la seule région du monde où la responsabilité de gérer les risques potentiels liés aux cendres volcaniques n'incombe pas aux compagnies aériennes. Le récent exercice de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en la matière (avril 2010) a montré qu'en dépit des progrès effectués, des orientations plus strictes sont nécessaires afin d'éviter à l'avenir une approche trop fragmentée. Le CESE invite l'AESA à fournir des orientations claires à tous les États membres de l'UE afin qu'ils procèdent à un réexamen de leur politique.

6.   Réformer Eurocontrol dans la perspective du ciel unique européen et réduire la base de coût

6.1   Le CESE salue les progrès considérables accomplis par Eurocontrol sous l'égide de son directeur général qui a réussi à restructurer et à alléger l'organisation dans la perspective du ciel unique européen. Ce processus, qui n'est pas terminé, devrait être accéléré et exigera un engagement sans faille de la part de tous les États membres d'Eurocontrol.

6.2   Le CESE félicite Eurocontrol de la création, au sein de son Agence, du pilier CUE afin de fournir une assistance technique au ciel unique européen. Les différentes fonctions d'Eurocontrol, de même que leurs besoins en matière de ressources et leur mode de financement, doivent être absolument transparentes. Il va sans dire que ce n'est pas aux compagnies aériennes de payer pour des fonctions gouvernementales telles que celles relevant du pilier CUE. Les travaux entrepris afin de fixer les meilleurs principes de gouvernance pour Eurocontrol doivent être poursuivis, de manière à permettre de réaliser pleinement les objectifs du CUE.

6.3   Le CESE souligne également l'importance de maintenir une approche paneuropéenne qui ne se limite pas aux frontières de l'UE. La Commission européenne devrait dès lors étendre l'espace aérien européen commun à tous les pays voisins de l'Union européenne.

7.   SESAR en tant que composante technique et opérationnelle du ciel unique européen dotée d'un financement public pour soutenir sa phase de mise en œuvre

7.1   Le programme SESAR a été créé en tant que complément technique et opérationnel au ciel unique européen II. La Commission européenne compte sur SESAR pour «bâtir un futur système européen ATM pour 2020 et au-delà qui puisse, par comparaison avec les performances actuelles:

permettre de tripler les mouvements du trafic aérien tout en écourtant les retards;

améliorer la sécurité des opérations d'un facteur 10;

permettre de réduire de 10 % par vol les incidences sur l'environnement et

fournir aux usagers de l'espace aérien des services ATM à un prix réduit de moitié au moins.»

7.2   Le CESE estime que ces objectifs, ainsi que l'interopérabilité avec les systèmes ATM non européens (comme l'initiative NextGen des États-Unis) devraient demeurer le ressort du programme SESAR. Le CESE se réjouit l'accord de coopération qui a été signé le 3 mars 2011 à Budapest entre SESAR et NextGen; il y voit un pas en avant vers une meilleure synchronisation des deux projets de développement les plus importants en matière de systèmes ATM mondiaux.

7.3   Le CESE estime qu'il est capital de continuer à associer le personnel en première ligne au développement de SESAR. Dès lors, il apparaît essentiel de le former à l'utilisation des nouvelles technologies et des nouveaux concepts opérationnels.

7.4   Le CESE souhaite souligner qu'en dépit des avantages qu'il présentera à long terme pour les usagers de l'espace aérien, les citoyens de l'UE et l'environnement, SESAR est confronté à plusieurs défis complexes s'agissant de son déploiement. Sa mise en œuvre efficace et en temps utile est capitale. En plus d'un engagement de l'industrie fort, il devra bénéficier d'un soutien politique et financier considérable sous forme de partenariat public-privé. Dès lors, la mise en place de SESAR pourrait faire partie intégrante de la stratégie Europe 2020, de manière à le doter d'une gouvernance économique solide fondée sur un modèle économique clair ainsi que la coopération et l'harmonisation mutuelles avec le système NextGen des États-Unis.

7.5   Aussi le CESE considère-t-il qu'il convient de s'attaquer aux défis relatifs à la mise en œuvre de SESAR, exposés ci-après.

7.5.1   Assurer le déploiement synchronisé des améliorations apportées aux infrastructures aériennes et terrestres.

Il y a lieu d'actualiser le plan directeur définissant une feuille de route claire en vertu de laquelle la Commission, les États membres, les prestataires de services de navigation aérienne et les usagers de l'espace aérien s'engagent à assurer une plus grande cohérence avec le cadre du ciel unique européen, y compris pour les blocs d'espace aérien fonctionnel. L'entreprise commune SESAR devrait de toute urgence donner un degré de priorité élevé à l'examen des travaux entrepris à ce jour et définir la façon dont chaque instrument du ciel unique européen contribuera aux objectifs de performance de l'UE, des blocs d'aériens fonctionnels et des pays.

Les technologies SESAR devraient être mises en place selon un modèle économique positif et bien établi, comportant un argumentaire de sécurité crédible et une analyse de rentabilité crédible et positive, sur la base duquel on pourrait se mettre d'accord sur les besoins en matière d'amélioration des performances et les définir. Dans les cas où il n'est pas possible de démontrer que les technologies concourent à la réalisation des objectifs paneuropéens (y compris en matière de sécurité) ou qu'elles permettent une transition sûre et en temps voulu, alors il conviendra d'abandonner les travaux.

Pour réaliser le plan directeur SESAR, l'engagement sans réserve de tous les États membres sera nécessaire.

7.5.2   Disposer de ressources financières adéquates et en temps utile pour la mise en place de SESAR.

7.5.2.1   La mise en œuvre de SESAR créera une valeur considérable dans les domaines économique, environnemental et stratégique pour l'Europe dans son ensemble. Un retard de dix ans dans la mise en œuvre de SESAR représente un impact négatif direct de plus de 150 milliards d'euros pour le PIB de l'UE à 27, et une perte d'efficacité énergétique supérieure à 150 millions de tonnes de CO2.

7.5.2.2   Cela étant, le déploiement de SESAR exige des investissements d'un montant total supérieur à 30 milliards d'euros, et le financement précoce et l'équipement des infrastructures (aériennes et terrestres) constituent un enjeu important si l'on veut enregistrer les résultats attendus de la mise en œuvre des nouvelles technologies le plus tôt possible.

7.5.2.3   Les difficultés de financement de la mise en place de SESAR proviennent de la déconnexion partielle des investissements et des bénéfices durant la phase de transition. Ainsi une compagnie aérienne investissant dans un nouvel équipement aérien ne verra aucun bénéfice poindre avant que les prestataires de services de navigation aérienne n'aient consenti les investissements correspondants. D'un autre côté, pour un prestataire de services de navigation aérienne (qui devra investir dans un contexte où les performances seront limitées en vue de générer des profits), le modèle économique peut ne pas être positif avant qu'un nombre significatif d'avions soient équipés. Enfin, des changements peuvent se produire, bénéfiques pour l'ensemble du réseau et l'activité économique, qui demanderont toutefois à certains acteurs d'investir alors que cela demeurera pour eux un coût net. En pareil cas, il conviendrait de prévoir un financement.

7.5.2.4   Les fonds débloqués par l'UE pour soutenir la mise en place de SESAR seraient donc utilisés pour garantir une adoption synchronisée et rapide de la technologie afférente par les opérateurs (prestataires de services de navigation aérienne, usagers de l'espace aérien, aéroports). Qui plus est, afin de s'assurer des investissements constants dans la R&D et l'innovation, des moyens supplémentaires, de l'ordre de ceux mis à disposition pour la phase actuelle de R&D, seraient nécessaires pour la période 2014-2020 dans le domaine de l'ATM.

7.5.2.5   Pour tenir le rythme qui convient afin d'atteindre les objectifs de performance de l'ATM, l'on estime que le déploiement de SESAR nécessite un financement de l'UE à hauteur d'environ 3 milliards d'euros, une somme qui serait complétée en combinant différentes facilités financières actuellement à l'examen, comme par exemple - mais pas limitées à cela – des fonds propres de l'industrie, des obligations liées aux projets européens, des garanties, des prêts de la BEI, etc. Pour la période couvrant 2014 à 2020, on peut donc conclure que:

faute d'une véritable allocation de ressources par l'UE pour soutenir SESAR, il apparaît peu probable que ce programme soit mis en œuvre à temps.

7.5.3   Définir la gouvernance appropriée au déploiement de SESAR.

Il convient de créer une entité indépendante pour le déploiement de SESAR, qui intègre son financement et sa mise en place en un seul cadre unique de gestion.

Cette entité devrait être tournée vers l'industrie et dans sa structure de gouvernance devraient figurer des usagers de l'espace aérien, des aéroports et des prestataires de services de navigation aérienne, qui sont les principaux preneurs de risque. Il conviendrait que les autres acteurs de l'aviation soient dûment consultés.

Les représentants des travailleurs du secteur du transport aérien devraient être dûment consultés tout au long de la phase de mise en œuvre de SESAR.

Le rôle des fabricants (équipementiers) dans la phase de développement consiste avant tout à vendre aux compagnies aériennes, aux aéroports et aux prestataires de services de navigation aérienne un équipement conforme aux exigences de SESAR. Afin d'éviter les conflits d'intérêt, il faudrait donc que les fabricants ne participent pas à la gouvernance de la mise en place de SESAR, contrairement à ce qui se passe actuellement pour la gouvernance de l'entreprise commune SESAR.

Cette entité devrait assurer la coordination au niveau européen du déploiement synchronisé des technologies SES conformément aux objectifs contraignants du réseau. Ce faisant, elle pourrait émettre des recommandations concernant le financement.

7.6   Enfin, le CESE souhaite signaler que SESAR ne sera en mesure de donner des résultats que si les problèmes politiques et institutionnels évoqués dans les paragraphes précédents sont résolus sans délai supplémentaire et si le financement public nécessaire est débloqué pour la mise en œuvre.

8.   Régulateur européen unique en matière de sécurité sur la base du système de l'AESA

8.1   Le CESE observe que le paquet «Ciel unique européen II» a élargi le champ d'action du système de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) à la réglementation de la sécurité de l'ATM à l'échelle européenne, garantissant ainsi une approche intégrée, selon un concept de porte à porte, de la réglementation et de la surveillance relatives à la sécurité de l'ATM au sein de l'UE.

8.2   Le fait de confier à l'AESE des fonctions de surveillance renforcées (visant par exemple à contrôler les prestations des ANS pour s'assurer que les prestataires de services de navigation aérienne respectent les exigences communes) contribuerait à la réalisation des objectifs du CUE.

8.3   S'il soutient ce principe, le CESE juge qu'il est essentiel de surveiller étroitement la mise en œuvre pratique des nouvelles compétences dévolues à l'AESE. Il est important que les règles de sécurité de l'AESA en matière de gestion du trafic aérien s'appuient sur les règles existantes du ciel unique européen: l'AESA ne doit pas essayer de réinventer la roue moyennant des règles pesantes qui n'auraient aucune justification sur le plan de la sécurité.

8.4   Le CESE estime qu'à court terme, il convient de recourir aux ressources et à l'expertise d'Eurocontrol en tant que soutien technique aux activités réglementaires relatives à la sécurité de l'ATM menées par l'AESA.

8.5   Enfin, le CESE souhaite réaffirmer l'importance que revêt une «culture juste» comme il l'a déjà souligné dans son avis TEN/416 relatif au règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile. Par souci de sécurité de l'aviation, il est essentiel de proposer un cadre juridique où toutes les parties impliquées dans des accidents ou incidents puissent partager les informations et s'exprimer librement et en confiance. Le CESE souligne qu'il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste». Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer une «charte européenne de la culture juste».

9.   Sécurité et facteurs humains

La sécurité va au-delà des règlements de sécurité. Elle englobe aussi les capacités humaines, une culture de la sécurité, des compétences, de la formation et de la gestion des ressources des équipes.

Dans ce contexte, il est important:

d'être conscient des performances humaines, notamment des effets de la fatigue, s'agissant de gérer par anticipation les risques de sécurité;

de s'assurer que les professionnels disposent d'un niveau approprié de compétence et de formation;

de promouvoir la participation des partenaires sociaux à la mise en œuvre du ciel unique européen à tous les niveaux;

de bâtir une culture solide de la sécurité qui intègre la culture de la communication transparente des informations et la «culture juste» en tant que fondement de la sécurité des opérations.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


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