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Document 52009DC0532

Communication de la Commission - Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance

/* COM/2009/0532 final */

52009DC0532

Communication de la Commission - Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance /* COM/2009/0532 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 19.10.2009

COM(2009) 532 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance

Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE

TABLE DES MATIÈRES

1. INTRODUCTION 3

2. LE LIVRE VERT ET LA CONSULTATION PUBLIQUE 3

3. PROCHAINES ÉTAPES: EXPLOITER LES RÉSULTATS DE LA CONSULTATION 4

3.1. Bibliothèques et archives 5

3.2. Œuvres orphelines 6

3.3. Enseignement et recherche 7

3.4. Personnes handicapées 9

3.5. Contenus créé par l’utilisateur 10

4. Conclusions 11

INTRODUCTION

La création, la diffusion et la circulation des connaissances dans le marché unique entretiennent un lien direct avec les objectifs plus larges de la stratégie de Lisbonne. Avec le progrès technologique, l’information est devenue plus aisément accessible sous forme électronique.

Soucieuses de préserver leurs archives et/ou de les diffuser en ligne, y compris en ce qui concerne l’utilisation des œuvres orphelines (c’est-à-dire des œuvres pour lesquelles les titulaires des droits ne peuvent être identifiés ou retrouvés), les bibliothèques sont intéressées par les projets de numérisation de masse. Pour leur part, les établissements de recherche et d’enseignement réclament plus de souplesse pour la diffusion des matériels, y compris dans le cadre de l’apprentissage transfrontalier à distance. Quant aux personnes handicapées, elles continuent à se heurter à des difficultés pour accéder à l’information ou aux produits de la connaissance. Les malvoyants, en particulier, font pression pour que soit mis fin à la «famine» dont ils souffrent en matière de livres – puisque seulement 5 % des publications européennes sont disponibles dans des formats qui leur soient accessibles, une situation qui se trouve encore aggravée par les restrictions pesant sur la distribution transfrontalière, même entre des pays ayant une langue commune.

Les éditeurs et les auteurs s’inquiètent néanmoins de ce que les projets de numérisation de masse, financés par les bibliothèques ou d’autres, et la diffusion en ligne des œuvres sans recherche diligente des titulaires de droits puissent porter atteinte aux droits d’auteur et éroder leurs revenus. Les éditeurs soutiennent en outre qu’ils mettent d’ores et déjà en ligne quelque 90 % des revues scientifiques, qu’ils investissent dans des modèles nouveaux et innovants de distribution électronique (comme les livres électroniques), y compris pour l’apprentissage à distance, et qu’ils veillent à ce que les malvoyants y aient accès.

C’est dans ce contexte que la Commission a lancé une consultation publique sur son livre vert relatif au droit d’auteur dans l’économie de la connaissance[1]. L’objectif était d’examiner comment parvenir à une vaste diffusion des connaissances dans le marché unique, notamment dans le cadre de l’environnement en ligne, compte tenu de la législation en vigueur en matière de droits d’auteur, et en particulier de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (ci-après «la directive»)[2]. La présente communication passe en revue les conclusions de cette consultation et annonce une série d’actions préparatoires destinées à fournir une base solide à des mesures de suivi concrètes venant s’intégrer dans une stratégie en matière de droits de propriété intellectuelle à la fois ambitieuse et globale, qui devrait être présentée par la prochaine Commission.

LE LIVRE VERT ET LA CONSULTATION PUBLIQUE

Le livre vert traitait de la problématique générale des exceptions aux droits exclusifs. Il posait la question de savoir s’il conviendrait, ou non, de développer les exceptions ayant le plus d’incidence sur la diffusion des connaissances. Il soulevait également la question des arrangements contractuels et des modèles de concession de licences. Il examinait l’opportunité de faire évoluer, à l’ère de la diffusion numérique, les exceptions et limitations concernant notamment les bibliothèques et les archives, l’enseignement et la recherche, et les personnes handicapées. Il soulevait enfin des questions relatives aux œuvres orphelines ainsi que des questions concernant les consommateurs, et notamment celle des contenus créés par l’utilisateur.

La consultation a recueilli 372 réponses. Ces réponses émanaient: i) d’éditeurs (56); ii) de sociétés de gestion collective et de sociétés de concession de licences (47); iii) d’universités (47); iv) de bibliothèques, d’archives et de musées (114); v) de fédérations industrielles et commerciales (30); vi) d’organisations de représentation des personnes handicapées (4); vii) d’États membres (11); et viii) d’autres parties intéressées (63).

D’une manière générale, deux vues divergentes se sont dégagées: les bibliothèques, les archives et les universités plaident, au nom de l’«intérêt public», pour un système de droits d’auteur plus permissif; les éditeurs, les sociétés de gestion collective et les autres titulaires de droits arguent qu’il n’existe pas de meilleur moyen d’améliorer la diffusion des connaissances et de garantir aux utilisateurs un accès efficace et élargi aux œuvres que les accords de concession de licences.

Les bibliothèques et les universités estiment que certaines exceptions sont plus importantes que d’autres pour l’économie de la connaissance. Elles sont favorables à un ensemble d’exceptions fondamentales d’«intérêt public», qui seraient de caractère contraignant, pour faciliter l’«accès à la connaissance»[3]. Elles escomptent aussi que ces exceptions ne soient pas remises en cause par des mesures techniques de protection. Selon elles, les limites du droit d’auteur devraient plutôt être définies par le législateur.

Les éditeurs, les sociétés de gestion collective et les autres titulaires de droits considèrent, pour leur part, que les contrats, susceptibles d’être taillés sur mesure pour tenir compte des nouvelles technologies, permettent d’atteindre un résultat tout aussi satisfaisant. D’après les éditeurs, des exceptions de caractère contraignant pourraient saper les retombées économiques et encourager le parasitisme.

L’avènement de la culture en ligne du partage et de l’échange de fichiers, de l’extraction de données et de l’apprentissage interactif oppose ceux qui souhaitent aller vers un système de droits d’auteur plus permissif et ceux qui tiennent au maintien du statu quo[4]. Toute la difficulté est de concilier ces intérêts. La Commission dispose de plusieurs instruments pour y parvenir.

PROCHAINES ÉTAPES: EXPLOITER LES RÉSULTATS DE LA CONSULTATION

Cette section de la communication présente les principales conclusions de la consultation en ce qui concerne la conservation numérique et la diffusion des matériels scientifiques, culturels et éducatifs, l’utilisation des œuvres orphelines, l’accès des personnes handicapées à la connaissance et les contenus créés par l’utilisateur. Elle présente également les actions que la Commission entend mettre en œuvre en vue d’apporter des solutions adéquates aux problèmes mis en évidence par la consultation.

Bibliothèques et archives

Deux questions fondamentales ont été soulevées: la reproduction numérique, à des fins de conservation, de matériels figurant dans les collections des bibliothèques et la diffusion électronique des copies ainsi réalisées auprès des utilisateurs.

Le cadre législatif en vigueur ne prévoit pas d’exception générale en faveur des bibliothèques et des archives, qui permettrait à celles-ci de numériser l’intégralité de leurs collections (numérisation de masse). L’exception applicable est limitée à des actes de reproduction spécifiques, effectués à des fins non commerciales[5]. La numérisation des collections d’une bibliothèque est ainsi soumise à l’autorisation préalable des titulaires de droits. Les bibliothèques se plaignent de ce que ce système d’«autorisation préalable» leur impose des contraintes considérables eu égard au nombre de transactions à réaliser (il est en effet rare que les éditeurs disposent de droits «numériques», et l’octroi des droits au cas par cas coûte trop cher). D’autres problèmes se posent lorsque le matériel numérisé se compose de lettres non publiées, de journaux intimes ou de registres commerciaux. Les bibliothèques et les archives mettent en avant, dans ce contexte, le rôle unique qu’elles jouent dans la gestion et la préservation à long terme du patrimoine culturel. Elles soulignent qu’elles vont plus loin que les éditeurs, parce qu’elles ont pour mission d’agir dans l’intérêt public, tandis que les éditeurs sont des entreprises commerciales. Ces établissements d’intérêt public veulent aussi rendre leurs collections accessibles en ligne, notamment les œuvres introuvables dans le commerce, et font valoir que cette possibilité ne devrait pas se limiter à un accès dans leurs locaux-mêmes[6]. La question de la numérisation a été largement débattue au sein du groupe d’experts de haut niveau sur les bibliothèques numériques, où une amorce de consensus s’est dégagée. Un protocole d’accord sur la recherche diligente des titulaires de droits a ainsi été signé entre ceux-ci et les institutions culturelles. Cependant, aucune solution définitive aux problèmes susmentionnés n’a encore été trouvée.

Pour les éditeurs et les sociétés de gestion collective, rien ne justifie d’étendre, en faveur des bibliothèques et des archives, les exceptions actuelles en matière de préservation et de mise à disposition. Ces acteurs sont favorables au maintien des systèmes actuels de concession de licences et d’arrangements contractuels pour la numérisation des œuvres et un accès en ligne renforcé à celles-ci. Selon eux, assouplir les exceptions actuelles, de façon à permettre aux bibliothèques, aux archives et aux établissements d’enseignement de proposer des services en ligne aux utilisateurs, affaiblirait les titulaires de droits, soumettrait les éditeurs à une concurrence déloyale et les découragerait d’investir dans de nouveaux modèles commerciaux. Les bibliothèques devraient certes continuer à assurer des services essentiels, mais la fourniture de matériels en ligne ne doit pas être synonyme d’accès totalement libre par les utilisateurs ou du droit d’utiliser des œuvres protégées sans rien devoir payer. Il est impératif de prévoir des mesures de sauvegarde contre les «fuites numériques», en veillant à ce que l’exception permettant aux bibliothèques de proposer leurs œuvres en ligne soit limitée à un accès dans leurs locaux.

Prochaines étapes

La consultation a montré que, pour qu’un système d’autorisation préalable puisse fonctionner pour toute une série d’initiatives émanant des bibliothèques, il est nécessaire de disposer de systèmes d’octroi des droits simples et efficients, qui couvrent la numérisation et la diffusion en ligne. En 2010, la Commission poursuivra le travail au niveau européen, en vue de traiter les aspects de cette problématique qui touchent aux droits d’auteur dans le contexte de sa nouvelle stratégie en matière de droits de propriété intellectuelle. Ce travail aura notamment pour objet de clarifier les implications juridiques de la numérisation de masse et les solutions possibles au problème des coûts de transaction liés à l’octroi des droits. Toutes les options possibles devraient être étudiées dans ce cadre, y compris le système des licences collectives, qui pourrait être complété par un système de licences collectives étendues, selon lequel un gestionnaire de droits est réputé représenter également les «outsiders», c’est-à-dire les titulaires de droits qui ne sont pas officiellement membres du système d’octroi des droits, et basé sur le principe d’une recherche diligente des titulaires de droits.

Sur cette base, la Commission appréciera la nécessité de nouvelles initiatives venant s’intégrer dans sa nouvelle stratégie, y compris la création éventuelle d’une exception réglementaire pour les projets de numérisation du type évoqué.

Œuvres orphelines

Les œuvres orphelines sont des œuvres qui sont couvertes par le droit d’auteur, mais dont les propriétaires ne peuvent être identifiés ou localisés. Les œuvres protégées peuvent devenir orphelines si les informations relatives à leur auteur et/ou aux autres titulaires de droits concernés (éditeurs, photographes ou producteurs de films, par exemple) font défaut ou sont périmées.

Une œuvre ne peut être exploitée qu’après obtention de l’autorisation préalable des titulaires de droits. Dans le cas des œuvres orphelines, il est impossible d’obtenir une telle autorisation, ce qui fait que des millions d’œuvres ne peuvent être copiées ou autrement utilisées (par exemple, une photographie ne peut venir illustrer un article de presse, un livre être numérisé, ou un film être restauré à des fins de projection publique). Le risque existe également qu’une proportion importante d’œuvres orphelines ne puisse être intégrée aux projets de numérisation de masse et de préservation du patrimoine culturel tels Europeana ou autres projets similaires.

Les bibliothèques, les universités, les archives, certains utilisateurs commerciaux et plusieurs États membres font valoir que le problème des instruments existants, comme la recommandation 2006/585/CE de la Commission[7] ou le protocole d’accord sur les œuvres orphelines de 2008, avec les lignes directrices qu’il prévoit sur la recherche diligente des titulaires de droits, réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’actes juridiquement contraignants et qu’ils négligent la question de la numérisation de masse. Dès lors qu’une initiative non législative ne garantit pas une sécurité juridique suffisante ni ne résout le problème de l’infraction aux droits d’auteur que constitue toute utilisation d’une œuvre orpheline, ces acteurs préconisent une solution législative de niveau européen, en vue d’autoriser différentes utilisations des œuvres orphelines. Ils soulignent également que les échanges intracommunautaires d’œuvres orphelines pourraient se révéler difficiles, si chaque État membre devait adopter ses propres règles pour traiter le problème.

Les éditeurs, les sociétés de gestion collective et les autres titulaires de droits estiment, en revanche, que le problème des œuvres orphelines est un problème d’octroi des droits. L’idée d’instaurer une exception générale autorisant l’utilisation de ces œuvres les laisse sceptiques. Pour eux, le point crucial est d’assurer qu’une recherche diligente pour identifier et localiser les titulaires de droits soit effectuée de bonne foi, au moyen des bases de données existantes[8].

Prochaines étapes

L’objectif global en ce qui concerne les œuvres orphelines – leur numérisation, leur préservation et leur diffusion – est d’établir des normes communes quant au niveau de diligence dont il doit être fait preuve dans la recherche de leurs propriétaires, d’une part, et de résoudre le problème de l’infraction potentielle aux droits d’auteur que constitue leur utilisation, d’autre part. En tant que composante essentielle de la nouvelle stratégie globale en matière de droits de propriété intellectuelle, toute initiative relative aux œuvres orphelines devrait viser une solution à l’échelle de l’Union européenne, qui garantisse la sécurité juridique, facilite les flux de connaissances nécessaires à l’innovation et empêche que les échanges intracommunautaires des œuvres orphelines ne se trouvent entravés.

Le problème des œuvres orphelines fera l’objet d’une analyse d’impact, qui explorera divers moyens de faciliter leur numérisation et leur diffusion. Un acte autonome, juridiquement contraignant, sur l’octroi des droits et la reconnaissance mutuelle des œuvres orphelines, une exception aux dispositions de la directive 2001/29/CE ou des lignes directrices sur la reconnaissance mutuelle transfrontalière des œuvres orphelines figurent parmi les options possibles.

La Commission engagera ses travaux sur l’analyse d’impact en 2009.

Enseignement et recherche

Grâce aux technologies modernes de l’information et de la communication, l’internationalisation et le caractère transfrontalier des activités d’enseignement, d’apprentissage et de recherche vont croissant. Les possibilités d’accès à l’information et d’utilisation de celle-ci ne sont plus géographiquement limitées. Par conséquent, confiner l’enseignement et la recherche en certains lieux spécifiques est jugé contraire aux réalités de la vie moderne.

Une question qui a surgi est celle de la distinction qu’il conviendrait peut-être d’opérer entre publications à des fins scientifiques et publications à des fins artistiques et littéraires. Si les scientifiques et les auteurs scientifiques ont d’autres sources de revenus et publient pour avancer la cause de la recherche et de la science, les auteurs de littérature (comme les romanciers) doivent, en revanche, pouvoir vivre de la publication de leurs œuvres. Afin d’éviter la duplication inutile de travaux de recherche, il conviendrait que les résultats publiés de travaux ayant bénéficié de financements publics soient mis à la disposition de l’ensemble de la communauté scientifique, voire du grand public – toute recherche s’appuyant sur des recherches antérieures. Dans ces circonstances, la publication en libre accès et la constitution de registres publics des articles publiés constitueraient des solutions.

Les bibliothèques et les universités soulignent la complexité et la fragmentation du système actuel d’accords de concession de licences avec les éditeurs. Typiquement, une université européenne doit signer une centaine, sinon plus, de tels accords pour pouvoir utiliser le matériel de recherche numérique fourni par divers éditeurs[9]. Examiner ce que chacune des licences ainsi obtenues permet de faire en matière, par exemple, d’accès, d’impression, de conservation et de reproduction est un processus fastidieux. Les bibliothèques et les universités soutiennent également que l’obtention de licences transnationales à l’intérieur de l’Union européenne est difficile, voire impossible. Selon elles, il serait plus pratique et plus efficace de disposer, dans le cas des matériels numériques, d’une organisation centrale chargée d’octroyer toute une palette de droits en ligne. Elles réclament l’instauration, en faveur de l’enseignement et de la recherche, d’exceptions de caractère contraignant, qui fassent aussi expressément référence à l’apprentissage à distance. Elles déplorent en outre que les frais d’abonnement à certaines revues les privent de ressources qu’elles pourraient autrement consacrer à la recherche ou à l’enseignement[10].

De leur côté, les éditeurs arguent que des solutions passant par la concession de licences, plutôt que par des normes juridiques prescriptives, offrent la souplesse nécessaire pour satisfaire aux exigences de l’enseignement et de la recherche, y compris l’apprentissage à distance. Ils soulignent qu’ils offrent déjà aux bibliothèques et aux établissements d’enseignement et de recherche, par divers accords de concession de licences, un accès électronique très large à leurs bases de données, revues et ouvrages. Les éditeurs et les sociétés de concession de licences soulignent l’importance d’assurer, lors de la mise à disposition d’œuvres à des fins d’apprentissage à distance ou d’utilisation à domicile, que l’accès soit limité aux fins auxquelles le matériel est destiné (non commerciales et éducatives).

Prochaines étapes

L’avènement de l’internet et les possibilités qu’il offre en matière de diffusion sans frontière des connaissances, scientifiques et autres, ont amené la Commission à prendre d’ores et déjà, en étroite concertation avec les parties intéressées, des mesures concrètes concernant l’ouverture de l’accès aux résultats des travaux de recherche ayant bénéficié de financements publics. Cette action sera, si nécessaire, poursuivie dans les années à venir.

Il convient de réduire les contraintes auxquelles se heurtent typiquement les universités européennes pour obtenir des licences. La Commission consultera les parties intéressées sur les meilleures pratiques susceptibles de permettre aux universités d’acquérir de manière moins fragmentée les droits d’utilisation des revues scientifiques.

En ce qui concerne l’apprentissage à distance, la Commission continuera à suivre la mise en place de l’espace européen intégré d’apprentissage transfrontalier à distance. Si nécessaire, de nouvelles mesures d’accompagnement seront envisagées.

Personnes handicapées

Le débat concernant les exceptions au droit d’auteur dont devraient bénéficier les personnes handicapées se focalise sur leur droit fondamental, consacré par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées[11], de jouir d’une égalité d’accès aux produits d’information, publications et produits culturels dans des formats accessibles. Le principe de l’égalité de traitement des personnes handicapées en matière d’accès aux biens et aux services et de fourniture de biens et de services a aussi été inclus dans la proposition, présentée par la Commission, de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle[12].

Les organisations de représentation des personnes handicapées soulignent la «famine» dont celles-ci souffrent en matière de livres – puisque, par an, seulement 5 % des ouvrages publiés en Europe sont convertis dans des formats accessibles (bande audio, braille ou impression en gros caractères). Elles affirment en outre qu’environ 95 % du matériel disponible est fourni par des agences spécialisées financées par des organismes caritatifs ou des fonds publics, en vertu d’exceptions au droit d’auteur. Les personnes malvoyantes ou souffrant d’un autre handicap les empêchant de lire les imprimés estiment qu’elles devraient avoir accès aux livres et autres matériels protégés dans les mêmes conditions que n’importe qui d’autre, et à des prix comparables. La solution qui a leur préférence est que les éditeurs fournissent d’emblée les œuvres dans des formats accessibles, aisément convertibles en bandes audio, en braille ou en imprimés en gros caractères.

Même si tous les États membres ont prévu des exceptions au droit d’auteur dans leur droit national, ils n’ont pas procédé selon une approche harmonisée, d’où un certain degré d’insécurité juridique. Plus fondamentalement, les échanges transfrontaliers d’un matériel dont l’offre est déjà restreinte se trouvent entravés par la limitation territoriale des exceptions, qui relèvent du droit national. Pour pouvoir exporter une œuvre convertie vers un autre État membre, une organisation doit ainsi acquérir les droits dans le pays de destination, ce qui est un processus très coûteux. Autre obstacle cité, les mesures techniques de protection empêchent, quant à elles, les organisations ou les individus de convertir dans des formats accessibles des œuvres légalement acquises. Pour toutes ces raisons, les personnes handicapées plaident pour une exception au droit d’auteur qui soit de caractère contraignant, de portée globale et harmonisée à l’échelle de l’Union européenne.

Les éditeurs conviennent que l’objectif premier est de garantir que la majorité des livres publiés sont disponibles dans un format accessible. Selon eux, le meilleur moyen de réaliser cet objectif est de se fonder sur les régimes de licences de caractère non contraignant existants, plutôt que d’instaurer des exceptions de caractère contraignant. Les éditeurs et autres titulaires de droits mettent ainsi en avant toute une série de tels régimes, communément proposés dans l’UE aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou d’un autre handicap les empêchant de lire les imprimés[13]. Ils soulignent que fournir l’accès aux œuvres a un coût social, qui ne devrait pas être supporté par les seuls éditeurs. Parallèlement, ils se disent désireux de résoudre les problèmes d’accès auxquels se heurtent les personnes handicapées via la création d’une plate-forme des parties intéressées, le but étant de rendre les œuvres adaptables aux besoins des malvoyants.

Prochaines étapes

L’objectif immédiat est d’encourager les éditeurs à proposer un plus grand nombre d’œuvres dans des formats accessibles aux personnes handicapées. Par ailleurs, la conversion d’œuvres acquises légalement dans des formats accessibles ne devrait pas être empêchée par des mesures techniques de protection. Il conviendrait aussi que les licences contractuelles respectent les exceptions réglementaires en faveur des personnes handicapées, et notamment les personnes malvoyantes[14]. La consultation a montré que toute une série d’effort de collaboration sont d’ores et déjà mis en œuvre dans l’UE en faveur des personnes malvoyantes ou souffrant d’un autre handicap les empêchant de lire les imprimés. Ces efforts devraient être accélérés et étendus à toute l’UE.

En guise de première étape, la Commission organisera, d’ici à fin 2009, un forum des parties prenantes sur les besoins des personnes handicapées, et en particulier des personnes malvoyantes. Ce forum étudiera l’ensemble des problèmes auxquels se heurtent ces personnes et les politiques qui pourraient être mises en œuvre pour y répondre. La convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées devrait servir de référence à l’aune de laquelle mesurer les progrès accomplis dans ce domaine.

Le forum devrait également s’intéresser aux moyens d’encourager l’exportation sans entraves d’une œuvre convertie vers un autre État membre, tout en garantissant une rémunération adéquate des titulaires de droits pour l’utilisation de leur œuvre. Il devrait enfin étudier de près la question de la reconnaissance mutuelle et de la libre circulation des informations, des publications et des matériels éducatifs et culturels accessibles aux personnes handicapées et réfléchir aux problèmes d’accessibilité des contenus en ligne.

La Commission appréciera si de nouvelles initiatives sont justifiées sur la base des résultats du forum.

Contenus créé par l’utilisateur

Grâce aux applications Web 2.0 (blogs, podcasts, wikis, partage de fichiers ou de vidéos…), les utilisateurs peuvent aisément produire et partager textes, vidéos et images. L’internet a ainsi permis le développement de nouvelles applications, qui posent le problème des contenus (amateurs) créés par l’utilisateur, les consommateurs tendant de plus en plus à devenir des créateurs de contenus, qu’ils basent parfois sur du matériel protégé par le droit d’auteur.

Le livre vert a examiné les exceptions existantes qui pourraient s’appliquer aux contenus créés par l’utilisateur (citations faites à des fins de critique ou de revue, utilisation fortuite ou utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche)[15] ainsi que l’opportunité de créer une nouvelle exception en faveur des «œuvres créatives, transformatives ou dérivées».

Il ressort toutefois de la consultation que, de l’avis de la plupart des parties prenantes, il serait prématuré de réglementer les contenus créés par l’utilisateur, parce que leur définition n’est pas claire. D’autres questions restent également en suspens: conviendrait-il qu’aussi bien les non-professionnels que les professionnels bénéficient de règles spéciales en la matière, et comment établir une distinction entre ces deux groupes? Ou encore, comment des règles relatives aux contenus créés par l’utilisateur pourraient-elles s’articuler avec les exceptions existantes (citations, utilisation fortuite ou utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche)?

Prochaines étapes

Les contenus créés par l’utilisateur étant encore un phénomène naissant, la Commission entend approfondir son analyse des besoins spécifiques des non-professionnels qui utilisent des œuvres protégées pour créer leurs propres œuvres. Elle poursuivra en outre les consultations sur la recherche de solutions permettant un octroi des droits plus facile, moins onéreux et plus convivial pour les utilisateurs non-professionnels.

CONCLUSIONS

La principale conclusion qui se dégage du débat ci-dessus est que toute politique en matière de droits d’auteur doit viser à répondre aux défis qui se posent dans le cadre d’une économie de la connaissance fondée sur l’internet[16]. Parallèlement, il est fondamental d’assurer une protection adéquate des droits de propriété intellectuelle pour stimuler l’innovation dans l’économie de la connaissance. Les différents intérêts en jeu doivent être soigneusement mis en balance. Le travail préparatoire annoncé dans la présente communication garantira que les jalons nécessaires sont posés pour des mesures de suivi appropriées, constituant un volet essentiel de la future stratégie globale en matière de droits de propriété intellectuelle. À cet effet, la Commission restera activement engagée auprès de toutes les parties prenantes, et notamment la communauté scientifique, les bibliothèques et le public des internautes au sens large.

La Commission est résolue à prendre les mesures de suivi qui conviennent dans le cadre de sa future stratégie en matière de droits de propriété intellectuelle. Dans l’immédiat, pour bon nombre des questions soulevées dans le livre vert, la préférence va à un dialogue structuré entre les parties prenantes, qui serait facilité par les services de la Commission. En particulier, la priorité doit être accordée à l’avancement du dialogue sur la création de produits d’information, publications et produits culturels dans des formats accessibles aux personnes handicapées. Une autre priorité doit être de trouver des solutions appropriées en matière de concession de licences pour les projets de numérisation de masse dans un contexte européen. La Commission réalisera, par ailleurs, une analyse d’impact sur les moyens de résoudre les problèmes d’octroi des droits qui se posent avec les œuvres orphelines. Cette analyse d’impact portera sur le degré de diligence dont il doit être fait preuve dans la recherche des titulaires de droits avant qu’une œuvre orpheline ne puisse être utilisée, ainsi que sur la reconnaissance mutuelle du statut d’œuvre orpheline dans toute l’Europe.

[1] COM(2008) 466.

[2] Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.

[3] Ont notamment été suggérées comme exceptions possibles de caractère contraignant aux dispositions de la directive 2001/29/CE: i) la copie privée [article 5, paragraphe 2, point b)]; ii) la reproduction par des bibliothèques, des archives et des musées [article 5, paragraphe 2, point c)]; iii) l’utilisation à des fins éducatives et scientifiques [article 5, paragraphe 3, point a)]; iv) l’utilisation par des personnes handicapées [article 5, paragraphe 3, point b)]; v) l’utilisation à des fins d’information sur des questions d’actualité et de communiqués de presse [article 5, paragraphe 3, point c)]; et vi) l’utilisation dans le cadre de citations faites à des fins de critique ou de revue [article 5, paragraphe 3, point d)].

[4] Le «test en trois étapes» est consacré par l’article 10 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, par l’article 16 du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes et par l’article 5, paragraphe 5, de la directive.

[5] Article 5, paragraphe 2, point c), de la directive

[6] En vertu des règles en vigueur sur les droits d’auteur, un tel accès n’est autorisé qu’à des fins de recherche ou d’études privées à partir de terminaux spécialisés installés dans les locaux des bibliothèques [article 5, paragraphe 3, point n), de la directive].

[7] Recommandation de la Commission sur la numérisation et l’accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique (2006/585/CE).

[8] Plusieurs éditeurs, organisations de représentation des droits de reproduction et bibliothèques ont commencé à travailler ensemble dans le cadre du projet ARROW (Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works), qui est subventionné par l’Union européenne et qui vise à informer les utilisateurs souhaitant numériser leurs collections du statut des œuvres protégées. S’il peut être considéré comme une première étape importante, le projet ARROW ne couvre cependant pas encore l’ensemble des États membres. Par ailleurs, ARROW n’est pas habilité à délivrer des licences pour la numérisation et la diffusion d’œuvres protégées.

[9] Voir la contribution de l’International Federation of Library Associations.

[10] Par exemple, l’abonnement au Brain Research Journal, publié par Reed Elsevier, coûte 20 835 euros par an (prix 2008) – contribution de l’ULB, page 3, note de bas de page n° 6.

[11] Cette convention des Nations unies a été signée par tous les États membres de l’Union européenne et par la Communauté européenne. Voir en particulier ses articles 4, 9, 21 et 30.

[12] COM(2008) 426 final.

[13] La Federation of European Publishers (p. 11 à 13), la UK Publishers Association (p. 5 et 13 et annexes) et la Copyright Licensing Agency (p. 3 et 8) donnent des exemples de régimes de licences, arrangements conclus sur une base volontaire ou lignes directrices appliqués au niveau national.

[14] La British Library a constaté que, sur un échantillon de 100 licences souscrites auprès d’éditeurs en ligne, seules 2 reconnaissaient les exceptions en faveur des personnes malvoyantes.

[15] Article 5, paragraphe 3, points d), i) et k), de la directive.

[16] La Commission traitera certains des aspects plus larges de cette question dans sa prochaine communication sur les contenus créatifs dans la société de l’information.

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