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Document 52001DC0745

    Livre vert sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil

    /* COM/2001/0745 final */

    52001DC0745

    Livre vert sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil /* COM/2001/0745 final */


    LIVRE VERT sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil

    (présenté par la Commission)

    TABLE DES MATIÈRES

    LIVRE VERT sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil

    LIVRE VERT sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil

    Résumé

    I. INTRODUCTION

    II. LES QUESTIONS JURIDICTIONNELLES

    A. La dimension communautaire

    1. Rappel des principes

    2. Résumé des problèmes à résoudre

    3. Évaluation des modifications possibles de l'article 1er, paragraphe 3

    a) La modification des cinq critères constitutifs de l'article 1er, paragraphe 3, n'apportera probablement pas d'amélioration notable

    b) Aucune modification de l'article 22 ne paraît de nature à apporter d'amélioration sensible (et exigerait du reste un rapprochement des législations nationales)

    c) Compétence communautaire automatique pour les opérations devant faire l'objet de notifications multiples

    d) Conclusion sur les options possibles de modification de l'article 1er, paragraphe 3

    4. Attribution des compétences dans une Communauté élargie - Perspectives à long terme

    B. La procédure de renvoi aux États membres, article 9

    1. Le mécanisme de renvoi

    2. Résumé des problèmes à résoudre

    3. Les modifications possibles

    a) Simplification des critères déterminant le renvoi d'une affaire

    b) Renvoi à l'initiative de la Commission

    c) Calendrier

    C. Les demandes conjointes de renvoi à la Commission, article 22, paragraphe 3

    1. Les faiblesses procédurales de l'article 22, paragraphe 3

    2. Les faiblesses opérationnelles de l'article 22, paragraphe 3

    3. Conclusion sur l'article 22, paragraphe 3

    D. La notion de "concentration": questions à soumettre à la révision

    1. Les participations minoritaires

    2. Les alliances stratégiques

    3. L'article 2, paragraphe 4

    4. Les entreprises communes de production d'exercice partiel

    5. Les opérations multiples

    6. Les investissements en capital à risque, article 3, paragraphe 5

    7. Convergence - "Contrôle" ou "groupe"

    8. Résumé des conclusions

    III. LES QUESTIONS DE FOND

    A. Le critère de fond

    B. Efficacités specifiques des concentrations

    C. La procédure simplifiée

    IV. LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

    A. La notification - le fait déterminant la notification

    B. La suspension d'une opération de concentration

    C. Le calcul des délais

    D. L'efficacité administrative

    E. L'obligation de fournir des informations complètes

    F. La procédure des engagements

    1. La modification de la procédure applicable

    G. L'article 8, paragraphe 4

    H. Les dispositions d'exécution

    I. Les frais de dossier

    J. Les droits de la défense et les mécanismes régulateurs

    V. INVITATION À PRÉSENTER DES OBSERVATIONS

    ANNEXES AU LIVRE VERT

    LIVRE VERT

    sur la révision du Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil

    Résumé

    Le propos de la révision du Règlement sur les concentrations est de faire en sorte qu'il reste un instrument efficace de contrôle des concentrations dans un environnement économique et politique en pleine mutation, en Europe comme dans le reste du monde. Tout en se fondant sur l'application fructueuse du Règlement ces dix dernières années, les propositions visent également à relever les défis que posent les opérations de concentration au niveau mondial, l'union monétaire, l'intégration des marchés, l'élargissement de l'Union et la nécessité de coopérer avec d'autres systèmes juridictionnels. La Commission pense que la réforme doit se fonder sur le principe à la base du Règlement sur les concentrations, c'est-à-dire la nécessité d'assurer un contrôle effectif, efficace, équitable et transparent des opérations de concentration au niveau le plus approprié, conformément au principe de subsidiarité.

    Questions juridictionnelles

    La dimension communautaire

    L'examen par la Commission de l'application du Règlement sur les concentrations a révélé que les seuils établis à l'article 1er, paragraphe 2, ainsi que la règle des deux tiers, fonctionnaient d'une manière satisfaisante. Toutefois, si le principe essentiel à la base de l'article 1er, paragraphe 3 (à savoir que la Commission doit instruire les cas qui affectent au moins trois États membres) reste valable, les critères juridictionnels contenus dans cette disposition n'ont pas résolu le problème des notifications multiples auquel ils devaient remédier. Par conséquent, des affaires de dimension communautaire sont toujours soumises à la notification et à l'examen dans un certain nombre de juridictions de l'Union européenne. Ainsi, on observe notamment une tendance préoccupante à l'augmentation des notifications multiples à au moins trois États membres, que l'élargissement de la Communauté devrait d'ailleurs normalement exacerber. C'est la raison pour laquelle la proposition de la Commission vise en particulier la modification de l'article 1er, paragraphe 3, qui devrait être mise en vigueur avant cet élargissement.

    Ayant analysé différentes modifications d'ordre numérique à la combinaison des seuils et autres conditions de l'article 1er, paragraphe 3, la Commission invite à exprimer des points de vue sur la possibilité d'instaurer

    * une compétence communautaire automatique pour les opérations qui doivent faire l'objet de notifications multiples à au moins trois États membres.

    Les articles 9 et 22 concernant la procédure de renvoi restent importants parce qu'ils garantissent un certain degré de souplesse dans l'attribution des compétences en matière de contrôle des concentrations dans l'Union européenne. L'enquête de la Commission a fait apparaître une attitude généralement favorable à la simplification du critère utilisé pour formuler une demande de renvoi en application de l'article 9, par exemple en séparant l'obligation de démontrer qu'une opération menace de créer ou de renforcer une position dominante et/ou en supprimant la nécessité d'établir que le marché en cause ne constitue pas une partie "substantielle" du marché commun. Cette modification permettrait de renvoyer plus facilement les opérations dont les effets ne s'étendent pas au-delà des frontières nationales, et donc d'accélérer la procédure. Dans la même logique, le présent document propose de permettre à la Commission de renvoyer de sa propre initiative aux États membres les opérations qui remplissent les critères fixés. La Commission propose également de modifier selon les mêmes principes les dispositions de l'article 22 concernant la procédure de renvoi par les États membres.

    La notion de concentration

    Se fondant sur l'expérience acquise et en tenant compte de l'évolution des pratiques commerciales, le présent document explore un certain nombre d'ajustements qui pourraient être apportés à la notion de concentration définie à l'article 3 du Règlement sur les concentrations. En ce qui concerne les participations minoritaires et les alliances stratégiques, tout en reconnaissant les effets structurels potentiels de ces opérations, le document décrit la difficulté de délimiter les différents cas avec une sécurité juridique suffisante. En ce qui concerne l'article 2, paragraphe 4, relatif aux entreprises communes coopératives de plein exercice, la Commission conclut à ce stade qu'il convient d'acquérir plus d'expérience en la matière avant d'envisager une modification; il apparaît que pour l'instant, il n'y a pas de raison majeure d'étendre le Règlement sur les concentrations aux entreprises communes de production d'exercice partiel. Le présent document propose de modifier les dispositions actuelles sur les opérations multiples, afin d'assurer une application plus cohérente et plus efficace des règles sur le contrôle des concentrations à trois types bien précis d'opérations de ce genre, et pose également des interrogations quant à l'applicabilité du Règlement sur les concentrations à certains types d'opérations de capital à risque. Enfin, cette section examine s'il y a lieu d'harmoniser la notion de groupe de l'article 5, paragraphe 4, et la notion de contrôle de l'article 3, paragraphe 3.

    Les questions de fond

    Le critère de fond

    Le Livre vert lance un débat sur les avantages respectifs du "critère de la position dominante" établi dans le Règlement sur les concentrations et du critère d'une "diminution signification de la concurrence" utilisé dans certains autres systèmes juridictionnels. La valeur et l'efficacité du critère de la position dominante sont reconnues et on observe que la convergence internationale à cet égard est d'ores et déjà considérable, indépendamment de tout rapprochement proprement dit des législations. Une révision du texte du Règlement sur ce point pourrait toutefois être souhaitable, principalement afin que les systèmes juridictionnels importants appliquent le même critère ou afin de créer une base plus explicite dans la législation pour tenir compte de considérations d'efficacité.

    La procédure simplifiée

    Le Livre vert présente des propositions qui pourraient tirer profit de l'application réussie de la Communication de la Commission de 2000 sur la procédure simplifiée. Il propose de codifier cette pratique dans un Règlement "d'exemption par catégorie", ce qui aurait l'avantage de réduire encore une partie de la charge réglementaire qui pèse sur les opérations qui ne nuisent pas à la concurrence et de concentrer les ressources réglementaires disponibles sur les cas qui requièrent un examen plus approfondi.

    Les questions de procédure

    Les engagements

    Sur le plan de la procédure, la proposition la plus importante vise à réorganiser le calendrier de la communication et de la discussion des engagements dans les première et seconde phases de l'enquête, afin de donner à tous les intéressés plus de temps pour bien préparer leur contribution. Plus précisément, le document propose l'insertion d'une disposition de suspension, qui serait mise en oeuvre à la demande des parties de façon à éviter toute prolongation d'office de la procédure.

    Les droits de la défense

    Le présent document expose en outre les divers mécanismes d'exercice des droits de la défense dans les procédures de concentration, auxquels les nouvelles règles sur le traitement des engagements seraient ajoutées. Dans ce contexte, l'analyse porte aussi sur le problème de l'efficacité du contrôle juridictionnel et invite les parties intéressées à commenter toutes ces questions.

    Autres questions de procédure

    Le Livre vert analyse aussi d'autres questions intéressant la procédure. Plus précisément, il examine les pratiques actuelles en ce qui concerne le fait déterminant la notification et les délais à respecter, ainsi que "l'obligation de suspension" (article 7). En ce qui concerne toujours la notification, la Commission souhaite recevoir des commentaires sur la notification électronique, l'envoi d'exemplaires de la notification par les parties elles-mêmes directement aux États membres, les frais de dossier et les modalités à respecter pour déclarer une notification incomplète. Le débat englobe aussi certains aspects de l'article 8, paragraphe 4, et un réexamen des procédures d'exécution à la lumière des propositions de modernisation relatives au Règlement n° 17. Enfin, le Livre vert envisage l'introduction de jours ouvrables pour le calcul des délais.

    Commentaires des parties intéressées

    La Commission invite les parties intéressées à faire connaître leur avis sur les questions soulevées dans le Livre vert, ainsi que sur d'autres problèmes intéressant l'amélioration du contrôle des concentrations en Europe. Ces observations doivent lui parvenir pour le 31 mars 2002 au plus tard.

    I. INTRODUCTION

    1. Le Règlement n° 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (ci-après "le Règlement"), adopté le 21 décembre 1989, est entré en vigueur le 21 septembre 1990. Ce Règlement fixe les règles applicables aux opérations de concentration importantes dont les effets sur le marché sont présumés dépasser le territoire d'un État membre.

    2. Depuis plus d'une décennie, le Règlement a été très largement salué pour sa capacité d'assurer un contrôle efficace des concentrations au niveau européen. L'instauration de délais stricts et de courte durée était et reste l'un de ses aspects essentiels. La Commission pense qu'il représente toujours une approche réglementaire adéquate sur la voie de l'intégration graduelle des marchés dans toute l'Europe et qu'il est susceptible en particulier de s'adapter constamment à l'évolution économique, juridique et politique, à la fois en Europe et au-delà.

    3. Le Règlement était fondé sur l'idée que l'établissement du marché intérieur entraînerait une réorganisation transfrontalière majeure des entreprises et qu'il importait de créer des règles du jeu égales afin que de telles opérations ne portent pas un préjudice durable à la concurrence. En d'autres termes, il fallait que les mêmes obligations en matière de notification et les mêmes procédures et normes juridiques s'appliquent à toutes les concentrations ayant des effets transfrontaliers significatifs.

    4. C'est la raison pour laquelle le Règlement a conféré à la Commission une compétence exclusive pour connaître des "opérations de concentration de dimension communautaire". Ce principe du guichet unique sert un double but. D'abord, dans l'esprit de la subsidiarité, il se fonde sur la constatation que le contrôle des concentrations au niveau communautaire se justifie eu égard à l'incapacité de tout État membre pris individuellement d'appréhender complètement la portée et les effets transfrontaliers de ce type d'opérations. De surcroît, le principe du guichet unique mis en place par le Règlement simplifie les procédures administratives, ce qui permet à la fois aux autorités de la concurrence et aux entreprises de minimiser les coûts du contrôle des concentrations.

    5. Depuis l'adoption du Règlement, l'Union européenne est passée de 12 à 15 États membres, dont les marchés sont de plus en plus intégrés. De plus, après l'entrée en vigueur de l'accord de 1994 instituant l'Espace économique européen (EEE), la compétence exclusive de la Commission européenne à l'égard des concentrations qui atteignent les seuils fixés a été étendue à l'ensemble du territoire de l'EEE. La réorganisation transfrontalière des entreprises en Europe s'est accentuée après l'instauration de l'union monétaire en 1999.

    6. Nous devons maintenant envisager la perspective d'une Union européenne comptant un nombre beaucoup plus important de membres à partir de 2004, et celle de l'achèvement de l'union monétaire avec la phase finale de l'introduction de l'euro qui doit se faire en 2002. En même temps, la tendance à l'internationalisation, voire à la mondialisation, des entreprises et des marchés se poursuit à un rythme accéléré.

    7. Parallèlement à cette évolution, un nombre toujours croissant de régimes de contrôle préalable sont institués dans le monde entier, ce qui entraîne une hausse des coûts liés aux obligations en matière de notifications multiples.

    8. Depuis 1990, environ 1 800 concentrations ont été notifiées à la Commission (juillet 2001). Or, ce chiffre ne représente qu'une fraction du nombre total d'opérations notifiées aux autorités nationales de la concurrence de l'Union européenne pendant la même période [1]. Depuis 1990, un grand nombre d'États membres, ainsi que de pays candidats, ont institué des règles de contrôle des opérations de concentration (ou modifié celles qui existaient). Par conséquent, plusieurs systèmes nationaux de contrôle des concentrations s'inspirent très largement des principes du Règlement. En dépit de cette "harmonisation douce", les divergences subsistent, notamment sur le plan des procédures.

    [1] En 2000, un total de 3021 notifications ont été adressées auprès des autorités nationales UE de la concurence, comparé à 345 cas notifiés à la Commission cette année.

    9. Tous ces facteurs montrent bien qu'il est souhaitable de revoir l'ensemble du système européen de contrôle des concentrations, afin que la Commission et les différentes autorités nationales de la concurrence puissent, individuellement et ensemble, mobiliser leurs ressources d'une manière optimale pour préserver la concurrence dans la Communauté, tout en réduisant toute charge inutile pour les entreprises, tenues de respecter la réglementation, et en améliorant la sécurité juridique. Ce principe s'applique en particulier aux entreprises moyennes, qui, vu leur taille limitée, n'atteignent pas les seuils en vigueur du Règlement et restent soumises à l'obligation d'effectuer des notifications nationales multiples.

    10. L'expérience acquise au cours des dix premières années d'application du Règlement révèle aussi que certaines améliorations peuvent être apportées quant à la portée et au fonctionnement de ce texte. En ce qui concerne sa portée, l'une des notions de base, à savoir celle de "concentration", a été réexaminée sous des angles différents. De la même façon, le cadre procédural du Règlement a été revu et il semble qu'un certain nombre d'options permettraient d'améliorer encore l'efficacité des règles et la sécurité juridique pour ceux auxquels elles s'appliquent.

    11. Depuis son adoption en 1989, le Règlement s'est fondé sur le principe selon lequel les concentrations sont appréciées sur la base du critère de la position dominante sur le marché: les concentrations qui créent ou renforcent cette position dominante doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun (et sont par conséquent illégales). Globalement, ce critère d'appréciation a permis d'éviter efficacement les problèmes de concurrence potentiels. De nombreux systèmes juridictionnels ont d'ailleurs suivi cet exemple et institué ce même critère d'appréciation dans leur règlement de procédure. L'autre critère principal d'appréciation des concentrations utilisé par un certain nombre de systèmes juridictionnels importants et actuellement envisagé dans certains États membres est celui de la diminution substantielle de la concurrence. Selon certains commentateurs, le manque d'harmonisation globale des critères d'appréciation des opérations de concentration pose des problèmes. Par conséquent, comme elle a maintenant acquis une expérience non négligeable de l'application du critère de la position dominante, la Commission considère que l'occasion est toute trouvée pour ouvrir un débat plus vaste sur les avantages respectifs des deux critères, notamment eu égard à la nécessité reconnue d'améliorer la convergence globale des normes en matière de contrôle des concentrations.

    12. Il convient également de réexaminer dans ce contexte les dispositions du Règlement qui intéressent les droits de la défense. Il s'agit de questions plus vastes touchant les enquêtes, l'adoption des décisions et le contrôle juridictionnel. Les commentateurs s'accordent en outre sur l'importance cruciale de la transparence à chaque étape de la procédure.

    13. Cette révision du Règlement relatif au contrôle des concentrations complète la révision précédente du Règlement 17 (sur l'amélioration des règles des pratiques anticoncurrentielles des articles 81 et 82 du Traité) [2]. Il existe néanmoins une différence fondamentale entre ces deux systèmes, notamment le fait que la Commission a des pouvoirs exclusifs relatifs aux concentrations à dimension communautaire, alors que la compétence est partagée entre la Commission et les Etats membres dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles. Malgré cette différence, la révision du Règlement 17 doit être prise en considération, permettant aux deux révisions de faire partie d'une modernisation globale du cadre législatif du droit communautaire de la concurrence.

    [2] Voir la proposition de la Commission du 27.9.2000 concernant un réglement du Conseil sur l'amélioration du droit de la concurrence basées sur les articles 81 et 82 du traité et modifiant les Règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 2988/74, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87, COM(2000)582 final.

    14. Pour conclure, il est donc nécessaire, afin de tirer profit de l'expérience accumulée et de préparer le système européen de contrôle des concentrations à relever les défis des années qui viennent, d'engager un processus de réforme. La Commission pense que celui-ci doit se fonder sur les principes à la base du Règlement, c'est-à-dire la nécessité d'assurer un contrôle effectif, efficace, équitable et transparent des opérations de concentration au niveau le plus approprié.

    II. LES QUESTIONS JURIDICTIONNELLES

    LES OPÉRATIONS DE CONCENTRATION DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE

    15. Le Règlement confère à la Commission une compétence exclusive pour connaître des opérations de concentration de dimension communautaire. Le Règlement présume que celles-ci ont un effet sur le marché qui s'étend au-delà des frontières nationales d'un État membre (neuvième considérant).

    16. La répartition des compétences entre la Communauté et les États membres dans le domaine du contrôle des concentrations s'est donc inspirée des principes à la base de la notion de subsidiarité. Selon ce principe, il convient d'agir au niveau de juridiction le plus approprié, eu égard aux objectifs à atteindre et aux moyens à la disposition de la Communauté et des États membres [3].

    [3] Selon l'article 5 du traité CE, il convient d'agir au niveau auquel les objectifs peuvent être atteints d'une manière suffisante. Ainsi qu'il est précisé dans le rapport de la Commission au Conseil européen sur l'adaptation de la législation existante au principe de subsidiarité (COM(93)545 final, 24.11.93), il convient d'agir au niveau de juridiction le plus approprié, eu égard aux objectifs à atteindre et aux moyens à la disposition de la Communauté et des États membres.

    17. L'expérience a confirmé que la Commission était généralement mieux placée pour connaître des opérations de concentration lorsque les parties sont actives sur des marchés qui dépassent le territoire national. Pour les opérations qui se déroulent sur les marchés mondiaux ou à l'échelle de l'Europe, les pouvoirs d'enquête ainsi que les mesures correctives et les moyens d'exécution de la Commission conviennent nettement mieux que les moyens plus limités dont disposent les États membres. Cette constatation s'applique souvent aussi aux affaires qui suscitent des préoccupations sous l'angle de la concurrence dans plusieurs États membres. De telles affaires peuvent avoir des répercussions importantes dans d'autres parties de la Communauté, par exemple en entravant l'entrée de concurrents d'autres États membres dans les pays concernés.

    18. L'un des aspects particuliers de la création du marché intérieur dans l'Union européenne réside dans le fait qu'un certain nombre de ces marchés se trouvent dans une phase transitoire. L'affaire Pirelli-BICC [4] illustre le résultat d'un processus dans lequel la dérégulation et l'harmonisation au niveau européen ont effectivement permis d'élargir les marchés en cause. Dans ce cas, la Commission a confirmé que le marché était effectivement à l'échelle de l'EEE pour le motif que les clients se procurent de plus en plus les câbles électriques au niveau européen en recourant notamment aux procédures prévues dans les directives communautaires en matière de marchés publics. L'affaire Pirelli marque un tournant par rapport à des affaires antérieures concernant le même secteur: en 1992, ces mêmes marchés étaient toujours considérés comme de portée nationale. La Commission est particulièrement bien placée pour connaître des affaires où cette transition se déroule, car elle peut en examiner tous les effets au niveau national et au niveau européen.

    [4] Affaire COMP/M.1882 - Pirelli-BICC. Décision de la Commission du 19.7.2000 en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du Règlement (CEE) n° 4064/89.

    19. Si chaque État membre est capable d'appréhender ces questions dans les affaires qui concernent son propre territoire, il est évident que la Commission est mieux à même de s'occuper de l'ensemble de ces problèmes à l'échelle de la Communauté. La compétence communautaire dans de telles affaires serait par conséquent conforme au principe de subsidiarité puisqu'il s'agit du meilleur moyen d'éviter la création d'obstacles à la poursuite de l'intégration européenne. De surcroît, l'instruction d'une même affaire en parallèle dans plusieurs États membres n'est guère envisageable pour des raisons d'efficacité.

    20. Inversement, les États membres sont généralement mieux placés pour connaître des opérations qui, eu égard aux activités des entreprises en cause, produisent leurs effets dans un seul État membre et n'entraînent pas, par exemple, de fermeture importante du marché ni d'effets induits. Un règlement efficace n'exige pas dans ce cas le recours aux pouvoirs plus étendus de la Commission et les autorités nationales sont normalement mieux placées lorsqu'il s'agit de réunir les données utiles sur le marché.

    A. La dimension communautaire

    1. Rappel des principes

    21. Dans son rapport au Conseil, en date du 28 juin 2000, sur l'application des seuils prévus par le Règlement ("le rapport de 2000") [5], la Commission exposait ses constatations préliminaires concernant le fonctionnement des seuils de l'article 1er du Règlement, y compris en ce qui concerne les "notifications multiples", c'est-à-dire le cas des concentrations qui doivent être notifiées dans au moins deux États membres. Après l'adoption de ce rapport, la Commission a entrepris des études complémentaires, dont les résultats sont exposés et examinés en détail à l'Error! Reference source not found., qui fournit un ensemble de données à la base des conclusions de la présente section.

    [5] COM(2000)399 final - 28.6.2000.

    2. Résumé des problèmes à résoudre

    22. Dans son analyse, la Commission a réexaminé si les seuils de chiffres d'affaires de l'article 1er étaient toujours adéquats, c'est-à-dire s'ils étaient non seulement efficaces, mais également prévisibles et transparents. Il convient de faire observer que si les critères juridictionnels de l'article 1er ne sont pas remplis, l'opération doit normalement faire l'objet d'une notification obligatoire dans un ou plusieurs États membres.

    23. Quant au fonctionnement des seuils actuels, l'enquête de la Commission n'a pas fait apparaître, comme on le verra plus en détail à l'annexe I, de besoin urgent de modifier l'article 1er, paragraphe 2. Cet article continue à produire des résultats généralement conformes au principe de subsidiarité, et la révision des seuils de chiffres d'affaires qui y sont fixés n'apporte pas de bonne solution au problème des notifications multiples. Cet examen n'a pas non plus fait ressortir la nécessité de modifier la règle des deux tiers. Cette dernière, qui applique une approche de centre de gravité à la division des compétences, donne des résultats généralement conformes au principe de subsidiarité. De surcroît, dans la mesure limitée où la règle des deux tiers entraîne des notifications multiples, il est très rare qu'un projet de concentration doive être notifié à plus de deux autorités nationales.

    24. Il convient de conclure à l'inverse que l'article 1er, paragraphe 3 n'a pas atteint l'objectif visé. Lorsqu'il a été adopté en 1997, il devait conférer à la Commission la compétence de statuer sur les opérations affectant au moins trois États membres. Si l'analyse confirme en gros la valeur de cet objectif puisqu'il s'agit généralement d'affaires d'intérêt communautaire, cette disposition n'a pas répondu aux attentes. Seule une faible part des opérations en cause sont tombées dans le champ d'application du Règlement. En 2000, seules 20 opérations ont été notifiées conformément à l'article 1er, paragraphe 3, contre 75 notifications multiples à au moins trois États membres. L'échec de l'article 1er, paragraphe 3 est également illustré par le fait qu'en 2000, 5 % seulement du total des notifications ont été effectuées conformément à cet article, ce qui représente une nette baisse par rapport au niveau, déjà faible, de 1999 [6].

    [6] En 2000, seules 20 des 345 notifications ont été effectuées conformément à l'article 1er, paragraphe 3. Pour 1999, le chiffre correspondant est de 12 %, soit 34 des 292 notifications.

    25. Il ressort des études qui ont été réalisées qu'un grand nombre d'opérations soumises aux notifications multiples ont des effets transfrontaliers. L'une des indications est précisément que trois notifications nationales au moins étaient requises. De surcroît, dans la majorité de ces cas, un certain nombre ou la totalité des États membres intéressés ont apprécié et/ou défini le marché géographique en cause comme dépassant le territoire national. On notera également que la majorité de ces opérations remplissaient le critère juridictionnel s'appliquant au niveau communautaire, tout en étant loin d'avoir un centre de gravité national (selon l'application de la règle des deux tiers). Un grand nombre de ces opérations de concentration avaient des effets transfrontaliers au-delà des pays où la notification avait été effectuée, comme le confirme le fait qu'elles portaient souvent sur des activités se déroulant dans plusieurs États membres où elles n'étaient pas notifiées.

    26. Du point de vue des entreprises en cause, l'enquête indique également que des notifications multiples dans au moins trois États membres entraînent des difficultés supplémentaires: longueur de la procédure, coûts et insécurité juridique (on trouvera en annexe I de plus amples informations sur les résultats des études).

    27. Cette conclusion est confirmée en outre par deux autres facteurs. D'abord, on observe une tendance à l'augmentation graduelle des notifications multiples dans au moins trois États membres, en chiffres absolus et par rapport au nombre d'affaires notifiées conformément au Règlement. Ces données montrent que le problème s'aggrave, même dans l'Europe des 15 actuelle. L'élargissement prochain de la Communauté à compter de 2004 risque fort d'accentuer encore les effets préjudiciables des notifications implicant un grand nombre d'États membres.

    28. La Commission suit et soutient pleinement l'initiative prise récemment par les autorités de la concurrence des États membres de renforcer la coopération lorsqu'elles ont à connaître notamment d'affaires de concentration notifiées dans plus d'un pays. Cette coopération devrait certainement avoir un effet bénéfique en renforçant le niveau de protection de la concurrence, tout en améliorant l'efficacité procédurale. Il est toutefois douteux que cette coopération, même si elle se développe fortement, puisse équivaloir au système du guichet unique appliqué au contrôle des concentrations ayant des effets transfrontaliers.

    3. Évaluation des modifications possibles de l'article 1er, paragraphe 3

    29. La solution à apporter aux imperfections de l'article 1er, paragraphe 3, doit permettre d'assurer l'application effective des règles de concurrence de la Communauté aux opérations ayant des effets transfrontaliers tout en réduisant d'une manière équilibrée la charge administrative qui pèse sur les entreprises en cause. Cette solution, qui doit être mise en oeuvre avant l'adhésion de nouveaux États membres, doit de surcroît être de nature à renforcer les principes à la base du Règlement, à savoir préserver efficacement la concurrence conformément au principe de subsidiarité.

    30. Pour remédier aux imperfections reconnues de l'article 1er, paragraphe 3, on pourrait envisager de modifier un ou plusieurs de ses cinq critères constitutifs. D'après une analyse minutieuse des données disponibles, il est peu probable que la modification des critères actuels de l'article 1er, paragraphe 3, apporte les résultats espérés, principalement parce que, vu la complexité de cet article, les raisons les plus diverses peuvent expliquer pourquoi les entreprises ne remplissent pas les critères qui y sont fixés. Ce phénomène sera expliqué plus en détail dans le présent document.

    31. Par ailleurs, certains ont déclaré à la Commission qu'il n'était peut-être pas nécessaire d'adapter du tout l'article 1er, paragraphe 3, parce que l'effet souhaité pouvait être obtenu par la modification de l'article 22. Cette suggestion a également été examinée minutieusement et, là encore, les résultats de l'enquête qui sont développés plus loin montrent qu'elle a peu de chances de produire une solution pragmatique.

    32. La Commission estime donc à ce stade qu'il serait préférable d'apporter spécifiquement des modifications de nature à produire les effets recherchés. Celles-ci devraient obtenir un résultat direct lorsque des opérations qui pourraient normalement avoir des effets transfrontaliers importants relèveraient de la compétence de la Commission. La Commission recherche des points de vue sur la possibilité de l'article 1er, paragraphe 3, à être remplacé par une disposition selon laquelle la notification à trois États membres fournirait une indication fiable de la nature manifestement transfrontalière d'une concentration [7]. La proposition est fondée sur les idées déjà défendues par la Commission dans son Livre vert de 1996.

    [7] On notera que les informations disponibles ne viennent pas à l'appui d'une réduction "directe" des seuils mondiaux ou du seuil de chiffre d'affaires communautaire de l'article 1er, paragraphe 2. Si de telles mesures, selon les valeurs choisies, auraient de toute évidence pour effet d'étendre la compétence de la Commission, il paraît peu probable qu'elles puissent cibler les opérations de concentration ayant des effets transfrontaliers.

    33. Une analyse à plus long terme de la répartition des tâches dans une Communauté élargie figure à la fin de la section qui suit. Étant donné que les mesures qui y sont esquissées exigeraient au moins un niveau minimum de rapprochement des règles nationales de contrôle des concentrations, ce problème sort du cadre de la présente révision.

    a) La modification des cinq critères constitutifs de l'article 1er, paragraphe 3, n'apportera probablement pas d'amélioration notable

    i) Modification de l'article 1er, paragraphe 3, par l'ajustement des différents seuils

    34. Il importe de noter aux fins de la présente discussion que les seuils de l'article 1er, paragraphe 3 ont été fixés sans avoir vérifié si les modifications envisagées permettraient effectivement de capter les opérations de dimension communautaire. Il est d'ailleurs peu probable que des données utiles de ce genre puissent être recueillies. Le chiffre d'affaires est et reste un instrument de mesure de l'effet probable des concentrations, mais continuera à produire des résultats variant d'un secteur économique à l'autre. Néanmoins, on s'accorde généralement pour considérer que le chiffre d'affaires est le meilleur critère permettant de définir les opérations de concentration de dimension communautaire.

    35. Il n'est donc guère surprenant que l'enquête de la Commission amène à conclure qu'il n'y a pas de réponse directe et simple à la question du niveau auquel les seuils de l'article 1er, paragraphe 3 permettraient de capter toutes les concentrations de dimension communautaire. Il convient de souligner de surcroît que l'article 1er, paragraphe 3, représente en quelque sorte une "matrice" de dispositions susceptibles de modifications en un nombre infini de combinaisons. Ainsi, il est assez simple d'indiquer l'effet, par exemple, d'un abaissement isolé à 2 milliards d'euros du seuil actuel de 2,5 milliards d'euros de l'article 1er, paragraphe 3, point a). En théorie, cette réduction serait bien entendu associée à un certain nombre de modifications aux points b), c) et/ou d), de l'article 1er, paragraphe 3. De toute évidence, il est toutefois impossible (et sans doute peu utile) de réaliser une analyse excessivement complexe du niveau et de la combinaison idéaux de ces critères.

    36. C'est la raison pour laquelle la présentation qui suit cherchera en fait à expliquer l'effet d'exclusion de chacun des critères de l'article 1er, paragraphe 3, en ce qui concerne les notifications effectuées dans au moins trois États membres [8].

    [8] On trouvera une présentation plus détaillée à l'annexe I, section B, consacrée aux résultats des enquêtes menées par la Commission.

    37. Les données disponibles indiquent que 71 % de toutes les opérations notifiées dans au moins trois États membres n'atteignent pas le seuil de 2,5 milliards d'euros fixé à l'article 1er, paragraphe 3, point a). L'effet d'exclusion serait ramené à 58 % si ce chiffre était remplacé par celui de 2 milliards d'euros. L'exemple suivant permet d'illustrer mieux encore la difficulté de trouver un niveau idéal. Le seuil de l'article 1er, paragraphe 3, point a), devrait être ramené à 500 millions d'euros, voire moins encore, pour faire entrer dans le champ d'application du règlement toutes les opérations notifiées dans au moins trois États membres. Or, même alors, un certain nombre d'entre elles ne rempliraient pas les critères des points b), c) et/ou d).

    38. Environ 40 % des opérations notifiées dans au moins trois États membres n'atteignent pas le seuil du chiffre d'affaires total réalisé dans au moins trois États membres de 100 millions d'euros (article 1er, paragraphe 3, point b)). L'effet d'exclusion serait ramené à 31 % si ce chiffre était remplacé par celui de 50 millions d'euros.

    39. Parmi les opérations notifiées dans au moins trois États membres, 68 % n'atteignent pas le seuil de 25 millions d'euros fixé à l'article 1er, paragraphe 3, point c). L'effet d'exclusion serait ramené à 38 % si ce chiffre était remplacé par celui de 15 millions d'euros.

    40. Environ 35 % de la totalité des opérations notifiées dans au moins trois États membres n'atteignent pas le seuil de 100 millions d'euros fixé à l'article 1er, paragraphe 3, point d). L'effet d'exclusion serait ramené à 25 % si ce chiffre était remplacé par celui de 50 millions d'euros.

    41. Soulignons que les chiffres ci-dessus ne doivent pas être considérés cumulativement. En d'autres termes, si une estimation montre, par exemple, qu'une réduction du seuil prévu à l'article 1er, paragraphe 3, point a) devait faire entrer 15 % du total des notifications multiples dans le champ d'application du Règlement, elle ne saurait être ajoutée à une modification, par exemple, de l'article 1er, paragraphe 3, point b), qui, selon les estimations, y ferait déjà entrer 10 % des notifications multiples. En d'autres termes, les deux mesures peuvent être considérées comme deux options possibles pour étendre le champ d'application du Règlement à certaines, voire à la totalité des opérations visées par la première mesure.

    42. Dans les limites de ce qui peut être déduit des données disponibles, il paraît peu probable que la modification des cinq critères de l'article 1er, paragraphe 3 puisse faire entrer les opérations notifiées à au moins trois États membres dans le champ de compétence de la Commission. Elles indiquent tout au plus que c'est la réduction du seuil du chiffre d'affaires prévu à l'article 1er, paragraphe 3, points a) et c) qui apporterait la plus nette amélioration. Il semble en effet que des réductions bien précises de ces critères aient une incidence plus élevée sur les opérations notifiées à au moins trois États membres. On constate que, même en les modifiant, un nombre extrêmement élevé de concentrations dont la dimension communautaire est particulièrement nette (si l'on considère le nombre d'États membres affectés) n'atteindraient toujours pas les seuils fixés [9].

    [9] Des modifications de ce genre auraient sans doute aussi très probablement pour effet de faire entrer, involontairement, certaines opérations qui ne font pas l'objet de notifications dans au moins trois États membres dans le champ de compétence de la Commission.

    ii) Modification de l'article 1er, paragraphe 3, consistant à ramener le nombre de pays de trois à deux

    43. L'une des autres solutions qui ont été suggérées en lieu et place d'un abaissement pur et simple des différents seuils de l'article 1er, paragraphe 3, consisterait à ramener le nombre actuel de pays de trois à deux. Cette condition signifie que le chiffre d'affaires total réalisé par les entreprises concernées dans au moins trois États membres doit être égal ou supérieur à 100 millions d'euros et que le chiffre d'affaires réalisé individuellement par au moins deux des entreprises considérées doit atteindre 25 millions d'euros. Or c'est précisément cette dernière condition qui explique généralement pourquoi certaines opérations ne remplissent pas les critères de l'article 1er, paragraphe 3, ce qui a pour effet d'obliger les parties à notifier leur projet dans au moins trois États membres.

    44. Rappelons cependant que l'article 1er, paragraphe 3 ne devait pas être applicable aux opérations de concentration qui ne devraient être notifiées que dans deux États membres. S'il est clair que l'effet réel de la condition des trois pays a dépassé son objectif initial, la conversion de l'article 1er, paragraphe 3 en "condition de deux pays" n'aura sans doute qu'un effet relativement limité s'il s'agit de diminuer le nombre de notifications obligatoires dans au moins trois États membres [10].

    [10] Les données disponibles ne permettent pas de mesurer la probabilité que l'adoption du chiffre de deux pays à l'article 1er, paragraphe 3, point c) fasse entrer dans le domaine de compétence de la Commission les opérations actuellement notifiées dans un seul pays.

    iii) Scission des critères des points b) et c) de l'article 1er, paragraphe 3

    45. L'une des solutions qui pourrait être envisagée au lieu d'une baisse pure et simple des différents seuils fixés à l'article 1er, paragraphe 3 consisterait à scinder le critère de l'article 1er, paragraphe 3, point b), qui doit garantir que les entreprises déploient une part importante de l'ensemble de leurs activités dans au moins trois États membres, de celui de l'article 1er, paragraphe 3, point c), qui doit garantir qu'au moins deux des entreprises concernées aient une présence forte dans ces États membres.

    46. En théorie, on pourrait faire valoir que le chiffre d'affaires de 25 millions d'euros prévu à l'article 1er, paragraphe 3, point c) est relativement modeste et qu'il serait étonnant que des concentrations de dimension communautaire ne remplissent pas ce critère. À cet égard, il est intéressant de constater que, d'après les données disponibles, la proportion d'opérations qui remplissent ce critère passerait à environ 54 % si cette condition était dissociée du critère de l'article 1er, paragraphe 3, point b). Par conséquent, si la combinaison actuelle des deux critères vise à exclure que le chiffre d'affaires total pris en considération aux fins de l'article 1er, paragraphe 3, point b) soit réalisé par l'une des parties, elle a manifestement aussi des effets d'exclusion excessifs dans certaines circonstances.

    47. Il est difficile d'admettre que ces 54 % d'opérations exclues, qui autorisent la présomption de trois fois 25 millions d'euros, n'auraient néanmoins, en général, qu'un effet transfrontalier de minimis. Le fait que les affaires relevant de cette catégorie fassent souvent l'objet d'une notification obligatoire dans au moins trois États membres renforce cette impression.

    48. Une autre observation va d'ailleurs dans le même sens: les règles nationales actuellement en vigueur exigent souvent la notification des opérations qui représentent moins des 25 millions d'euros requis par l'article 1er, paragraphe 3, ce qui fait naître la présomption que des effets significatifs peuvent également se produire au-dessous de ce seuil.

    49. Une modification qui permettrait de considérer qu'une plus large part des opérations à prendre en compte ont un effet significatif dans au moins trois États membres consisterait à supprimer le critère de l'article 1er, paragraphe 3, point b). Cette modification rendrait la Communauté compétente dans tous les cas où l'une des entreprises en cause, généralement l'entreprise acquérante, remplit tous les critères de l'article 1er, paragraphe 3, alors que l'autre entreprise concernée, généralement l'entreprise cible, remplit les critères de l'article 1er, paragraphe 3, points c) et d). Or, les données disponibles ne permettent pas de se prononcer sur les conséquences qu'aurait cette modification sur l'extension du champ d'application du Règlement aux opérations qui ne font actuellement pas l'objet de notifications multiples.

    50. À l'inverse, il serait possible d'éliminer le caractère cumulatif de l'article 1er, paragraphe 3, points b) et c), en transformant cette disposition en alternative. Cependant, afin d'éviter que le chiffre d'affaires total visé à l'article 1er, paragraphe 3, point b) ne soit réalisé par une seule des entreprises concernées, il faut y ajouter d'autres critères. On peut se demander si ce résultat pourrait être obtenu dans la logique de l'article 1er sans référence à un seuil. Ainsi, sur le plan de la sécurité juridique, une disposition exigeant simplement qu'au moins deux des entreprises en cause exercent des activités dans trois États membres où elles réalisent le chiffre d'affaires de 100 millions d'euros paraît sujette à caution.

    iv) Conclusion sur le potentiel de modification des cinq critères constitutifs de l'article 1er, paragraphe 3

    51. D'après les considérations qui précèdent, il est peu probable que la modification des critères actuels de l'article 1er, paragraphe 3, donne les résultats escomptés. D'une part, ces modifications n'apporteraient aucune garantie contre le maintien des notifications multiples dans au moins trois États membres et, d'autre part, elles feraient entrer dans le champ de compétence de la Commission des opérations qui ne font pas actuellement l'objet de ces notifications multiples.

    b) Aucune modification de l'article 22 ne paraît de nature à apporter d'amélioration sensible (et exigerait du reste un rapprochement des législations nationales)

    52. Certains ont fait valoir que le problème des notifications multiples pourrait être résolu par des modifications qui feraient des demandes conjointes au sens de l'article 22 du Règlement un instrument plus largement disponible. Étant donné que les difficultés d'application de l'article 22 sont discutées en détail dans la section qui suit sur les procédures de renvoi, tous les arguments qui y sont développés ne sont pas répétés ici. Sur la question de la modification de l'article 1er, paragraphe 3, il suffit de noter que la possibilité de faire de l'article 22 une mesure utile d'application générale aux notifications multiples paraît limitée.

    53. Parmi les raisons principales pour lesquelles l'article 22 n'a pas abouti à des demandes conjointes, on note les différences techniques qui subsistent entre les procédures nationales de contrôle des concentrations, notamment en ce qui concerne le fait déterminant la notification et les règles concernant les délais de notification. Un certain degré de rapprochement des législations nationales sera sans doute nécessaire pour résoudre ces questions. Or, il est évident que ce problème sort du cadre de la présente étude et il supposerait de toute façon une procédure assez longue.

    c) Compétence communautaire automatique pour les opérations devant faire l'objet de notifications multiples

    54. Pour résoudre le problème des notifications nationales multiples, la Commission avait proposé, dans son Livre vert de janvier 1996, d'étendre la compétence de la Commission aux concentrations inférieures aux seuils qui seraient du ressort de plus d'un système national.

    55. La proposition visait à étendre la compétence de la Commission aux concentrations faisant l'objet de notifications multiples et tombant entre les seuils de l'article 1er, paragraphe 2, et certains seuils inférieurs, fixés à titre indicatif à 2 milliards d'euros (sur le plan mondial) ou à 100 millions d'euros (sur le plan communautaire). En bref, d'après la proposition, l'article 1er du Règlement serait modifié de façon à considérer que les opérations de concentration n'atteignant pas le seuil fixé à l'article 1er, paragraphe 2 sont néanmoins de dimension communautaire lorsqu'elles entrent dans le champ de compétence de trois États membres.

    56. Or, lors des discussions ultérieures, la proposition de la Commission n'a pas obtenu le soutien nécessaire. Les critiques portaient surtout sur la façon de résoudre le problème de la disparité entre les législations des États membres sur des points tels que la définition d'"opération de concentration" et la notification obligatoire ou volontaire. Manifestement, cette disparité posait non seulement des problèmes de sécurité juridique, mais compliquait à l'excès la tâche de la Commission, chargée de décider si des règles nationales s'appliquaient à un cas donné.

    57. Depuis les discussions portant sur la proposition de la Commission de 1996, un rapprochement très net des règles nationales en matière de contrôle des concentrations s'est produit de facto. Les difficultés d'application du système proposé qui avaient été recensées à l'époque devraient s'en trouver atténuées. Il paraît donc adéquat de rouvrir la discussion sur les avantages de la proposition et, à cet effet, la Commission retient l'orientation de base du Livre vert de 1996, c'est-à-dire que les affaires visées par cette modification seraient celles qui comportent au moins trois notifications nationales. Il apparaît toutefois, d'après les données plus détaillées recueillies sur le fonctionnement de l'article 1er, paragraphe 3, qu'il n'y a pas de base empirique pour limiter l'applicabilité d'un tel système aux opérations qui atteignent des seuils déterminés de chiffres d'affaires.

    i) La procédure

    58. Une fois établie la compétence de la Commission sur la base du critère des notifications multiples, ses pouvoirs et la procédure à suivre seraient les mêmes que dans les affaires relevant de l'article 1er, paragraphe 2. Toutefois, outre les critères normaux qui établissent la compétence de la Commission, il s'agirait de déterminer si la concentration en cause atteint les seuils de notification dans au moins trois États membres.

    59. Selon les discussions qui ont eu lieu sur le Livre vert de 1996, ce système devrait poser le principe que les États membres concernés devraient confirmer à la Commission l'interprétation faite par les parties des seuils nationaux [11].

    [11] Toute autre approche obligerait la Commission à interpréter les législations nationales sur les concentrations. Étant donné que ces législations ne sont pas encore pleinement harmonisées, même lorsqu'il s'agit d'une option technique telle que le calcul du chiffre d'affaires, une telle approche causerait des problèmes d'interprétation divergente des législations nationales par la Commission et les États membres.

    60. Dans un système où la notification à la Commission serait rendue obligatoire pour les affaires qui remplissent les conditions de la notification dans au moins trois États membres, les parties devraient certainement démontrer, au moins au stade de la notification formelle, que l'opération en cause atteint effectivement les seuils requis. Il n'y a d'ailleurs pas de raison pour que les parties ne fournissent pas ces informations à la Commission et aux États membres concernés même à un stade antérieur. En tout cas, un système devrait être établi selon lequel les États membres intéressés confirmeraient l'analyse des parties à la Commission dans un délai fixé. Afin d'éviter toute insécurité juridique, il faudrait que cela se fasse dans un délai relativement bref (par exemple d'une ou de deux semaines). Le système pourrait par exemple prendre la forme d'une procédure de non-opposition, c'est-à-dire que si les États membres concernés ne s'opposent pas à l'analyse des parties dans les délais fixés, la compétence de la Commission serait établie.

    61. Lors des consultations qui ont suivi le Livre vert de 1996, certains ont fait valoir qu'il pouvait être difficile de déterminer rapidement si une concentration était conforme aux seuils de notification nationaux, en particulier dans les États membres qui appliquent d'autres critères que les chiffres d'affaires (comme des seuils de parts de marché). Toutefois, comme l'application de certains seuils nationaux peut être problématique, la difficulté ne serait pas aggravée par la proposition puisque cette appréciation devrait de toute façon être faite si le Règlement n'était pas applicable. De surcroît, comme le nombre d'États membres appliquant des critères autres que les chiffres d'affaires a diminué depuis 1996, cette objection ne devrait plus se poser dans la même mesure. Enfin, si un problème grave de sécurité juridique surgissait à cet égard, il serait possible de trouver une solution, par exemple en prévoyant que le délai d'une semaine prévu à l'article 4, paragraphe 1 ne serait pas applicable à cette catégorie d'opérations.

    d) Conclusion sur les options possibles de modification de l'article 1er, paragraphe 3

    62. La proposition décrite ci-dessus vise à atteindre un résultat bien précis; à cet effet, le critère décisif de l'article 1er, paragraphe 3 ne serait plus fondé directement sur des seuils précis de chiffres d'affaires. Selon cette proposition, le fait qu'une opération de concentration doit donner lieu à au moins trois notifications nationales constituerait une présomption suffisante de dimension communautaire. Ce modèle exigerait l'établissement d'une méthode transparente et rapide permettant aux États membres de confirmer l'applicabilité de leur droit national à une opération donnée.

    63. Les parties intéressées sont invitées à donner leur avis sur cette proposition et sur la façon dont elle pourrait être mise en oeuvre le plus utilement, et à commenter le cas échéant les autres formules envisageables. Elles peuvent également présenter des observations sur la procédure qui conviendrait le mieux pour établir l'applicabilité des règles de contrôle des concentrations dans au moins trois États membres, ainsi que sur d'autres questions techniques et procédurales. Enfin, la Commission souhaite recevoir leurs commentaires sur les inconvénients ou, d'une manière générale, les avantages d'une modification de l'article 1er, paragraphe 3.

    4. Attribution des compétences dans une Communauté élargie - Perspectives à long terme

    64. Les données recueillies aux fins de la présente analyse indiquent également qu'une solution plus globale pourrait être envisagée à long terme. Un système tel que celui qui est décrit ci-après exigerait de toute évidence une modification des règles communautaires et nationales allant au-delà de la portée du présent document. La présente section vise par conséquent à ouvrir un débat plus vaste sur la forme et la conception à donner au contrôle des concentrations en Europe dans les années qui suivront l'élargissement de la Communauté.

    65. Ce débat devrait surtout porter sur la conception du système qui servirait le mieux le principe de subsidiarité tout en permettant à chaque autorité de la concurrence de faire le meilleur usage de ses ressources limitées et en répondant aux demandes légitimes des entreprises qui souhaitent des décisions plus prévisibles et la réduction des coûts inutiles.

    66. Bien qu'ils aient produit des résultats généralement conformes au principe de subsidiarité, les critères juridictionnels du Règlement sur les concentrations pourraient en principe être modifiés de façon à définir une méthode plus directe et logique pour établir la dimension transfrontalière d'une opération de concentration.

    67. On pourrait par exemple envisager la création d'un système qui supprimerait les seuils de chiffres d'affaires dans le Règlement et où le fait déterminant la notification à la Commission serait l'obligation de soumettre l'opération en cause à des notifications multiples dans l'Union européenne. De cette façon, la détermination des opérations dont on peut présumer qu'elles sont de dimension communautaire serait directement liée à l'effet que ces opérations auraient dans plusieurs États membres. L'une des conditions essentielles pour que ce système puisse fonctionner serait toutefois un rapprochement plus poussé des seuils nationaux de contrôle des concentrations. D'après l'enquête de la Commission, les conditions actuellement non harmonisées régissant la notification dans les États membres ne permettent pas de déterminer d'une manière fiable les États membres dans lesquels une opération donnée aurait un effet significatif. Or, une approche plus systématique en matière de fixation des seuils de notification dans le droit national du contrôle des concentrations permettrait de les utiliser comme mesure directe de l'effet transfrontalier des opérations de concentration.

    68. Afin d'élaborer une approche de réseau en matière de contrôle des concentrations en Europe, il serait également utile de renforcer l'alignement de facto déjà réalisé des règles de contrôle des concentrations dans la Communauté. C'est le cas notamment de certains points essentiels, tels que la notion de concentration et des parties importantes du cadre procédural. Il conviendrait également d'examiner si un rapprochement plus poussé des critères de concurrence applicables serait utile pour assurer une protection effective et transparente de la concurrence et le maintien de règles du jeu égales. Cet environnement harmonisé serait également bénéfique à la création d'un réseau plus ouvert d'autorités de la concurrence où, en dernière analyse, la Commission et une ou plusieurs autorités naitonales de la concurrence pourraient se partager la tâche d'apprécier la totalité des effets de l'opération de concentration sur les marchés, qu'ils soient mondiaux ou locaux.

    B. La procédure de renvoi aux États membres, article 9

    1. Le mécanisme de renvoi

    69. Le mécanisme de renvoi établi à l'article 9 du Règlement vise à ajuster les effets du système des seuils de chiffres d'affaires pour établir la compétence, de façon à permettre à l'autorité la mieux placée de connaître de l'affaire. Ce mécanisme est fondé sur un critère mesurant les effets de l'opération de concentration sur la concurrence dans un marché à l'intérieur d'un État membre. Si le critère est rempli, les concentrations peuvent, même si les seuils de l'article 1er sont atteints, être traitées au niveau national. Cet arrangement est conforme à l'esprit de la subsidiarité.

    70. Aux termes de l'article 9, paragraphe 10, les dispositions en matière de renvoi pourront être réexaminées en même temps que les seuils mentionnés à l'article 1er. Se fondant sur le rapport présenté par la Commission en juin 2000, les États membres ont apporté leur appui à ce réexamen et suggéré que la Commission étudie de plus près les coûts supplémentaires que ces procédures de renvoi entraîneraient.

    71. L'analyse a porté sur les cas de notifications ayant fait l'objet de demandes de renvoi ces cinq dernières années (de novembre 1996 à janvier 2001). Les résultats figurent à l'Annexe II.

    2. Résumé des problèmes à résoudre

    72. Les résultats de cette enquête toute récente, s'ils ne semblent pas prouver que les renvois entraînent des coûts supplémentaires, mettent en lumière certains aspects du mécanisme actuel de renvoi qui pourraient utilement être modifiés. Il s'agit notamment du calendrier, des critères déterminant le renvoi d'une affaire et des problèmes causés par les renvois partiels. De plus, certains se disent préoccupés par le traitement des cas renvoyés par les autorités nationales de la concurrence, principalement pour des raisons de procédure. Ce qui ressort à l'évidence de l'enquête de la Commission est le souhait de voir établir une procédure efficace assurant une transparence suffisante entre les entreprises en cause, la Commission et les États membres, qui limite les doubles emplois et les pertes de temps et qui garantisse des décisions rapides et cohérentes.

    73. L'une des remarques les plus fréquemment formulées par les commentateurs sur le calendrier concerne le délai de trois semaines dont les autorités nationales de la concurrence disposent pour soumettre une demande de renvoi. Un grand nombre d'entre eux jugent ce délai trop long. C'est le cas notamment lorsqu'une demande porte sur des marchés pour lesquels une autorité nationale est manifestement plus compétente. Certains ont indiqué que le délai supplémentaire peut avoir des effets négatifs, car il peut déranger le calendrier des procédures nationales d'appel d'offres. Des problèmes pourraient également surgir du fait qu'une demande arrive près de l'expiration du délai, alors que les parties peuvent être en train d'élaborer des propositions de mesures correctives à discuter avec la Commission. Enfin, les questions de calendrier prennent de l'importance eu égard à la durée variable des délais à respecter par les autorités nationales de la concurrence pour prendre une décision finale, notamment dans les cas de renvoi partiel.

    74. En ce qui concerne le critère déterminant le renvoi des opérations de concentration (article 9, paragraphe 2, du Règlement), la plupart des répondants seraient favorables à l'établissement de critères "prévisibles", "simples", voire "automatiques". Ils proposent à titre d'exemple "des marchés de produits et géographiques faciles à distinguer", "l'absence, ou des flux très faibles, de commerce intracommunautaire", un critère nettement axé sur les effets, tel que la création ou le renforcement d'une position dominante, ou toute combinaison des précédents. L'article 9, paragraphe 2, point b), institué pour faciliter les demandes de renvoi en fixant un critère moins strict, n'a en fait été utilisé qu'une fois avec succès [12].

    [12] Affaire Govia/Conex (2001), renvoyée aux autorités britanniques.

    75. Plusieurs entreprises qui ont eu l'expérience de renvois partiels indiquent que ce système porte atteinte aux avantages du guichet unique et qu'il peut également avoir un effet négatif sur les délais, les coûts et la sécurité juridique, surtout si l'appréciation des différentes parties d'une opération est renvoyée à plus d'un État membre. La plupart des entreprises affirment que les procédures de renvoi représentent des coûts supplémentaires en ressources financières et humaines, en particulier lorsqu'une demande de renvoi est acceptée, mais sans les quantifier. Il convient toutefois de songer, comme le confirme l'enquête, que les entreprises sont généralement capables de prévoir dans quels cas une affaire va faire l'objet d'un renvoi et peuvent intégrer ce facteur par avance dans leurs calculs de coûts.

    76. Un grand nombre d'intervenants se préoccupent de l'application des règles nationales, en particulier en matière de procédure, aux opérations renvoyées. Bien que ces dernières paraissent surtout avoir été appréciées par les autorités nationales sur la base de critères de concurrence, l'insécurité juridique persiste quant à la longueur des procédures nationales et à la protection des secrets d'affaires dans l'instruction de ces dossiers. Certains souhaitent un rapprochement plus poussé des règles de procédure nationales, au moins à un niveau minimum.

    77. Un nombre considérable de répondants estiment que l'appréciation des concentrations au niveau national serait susceptible d'influences politiques selon le degré de maturité du droit national de la concurrence, le régime de propriété des entreprises en cause et, enfin, l'importance politique ou sociale du secteur considéré pour l'État membre en question.

    78. Une fois qu'une affaire a été renvoyée, le Règlement impose deux obligations aux États membres. En premier lieu, aux termes de l'article 9, paragraphe 6, les autorités nationales de la concurrence doivent annoncer leurs conclusions dans un délai maximum de 4 mois. Certains indiquent que le libellé actuel de cette règle laisse à ces autorités plus de temps pour l'examen national que n'en aurait eu la Commission, si elle avait eu à instruire l'affaire, et que le cas s'est effectivement produit. En deuxième lieu, l'article 9, paragraphe 8, oblige les États membres à ne prendre que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné. Si les autorités nationales de la concurrence restent libres de décider de la façon de respecter ce dernier article, celui-ci les oblige à adhérer au principe de proportionnalité. Étant donné que le pouvoir discrétionnaire des États membres à cet égard est soumis au contrôle des juridictions nationales, il ne semble pas, contrairement à ce que suggèrent certains représentants du monde des affaires, qu'il soit nécessaire de modifier cette disposition en instaurant une forme de surveillance par la Commission. Deux cas récents constituent des exemples du rôle des juridictions nationales dans les affaires de renvoi [13].

    [13] Affaire COMP/M.2216, ENEL/FT/Wind/Infostrada, renvoyée à l'Italie le 19 janvier 2001, recours formé contre la décision devant le tribunal national compétent; affaire COMP/M.2044, Interbrew/Bass, renvoyée au Royaume-Uni le 22 octobre 2000, décision annulée par le tribunal national compétent, mais uniquement pour des raisons de procédure.

    3. Les modifications possibles

    79. Une simplification des exigences posées pour la demande de renvoi serait manifestement de nature à renforcer l'efficacité procédurale et à raccourcir les délais actuels de demande et d'acceptation d'une demande. Ce dernier objectif dépend très largement de la possibilité de simplifier les exigences de procédure en vigueur au niveau national. À cet égard, il ne semble guère possible de raccourcir le délai de trois semaines aussi longtemps que l'autorité nationale doit démontrer qu'il y a menace de création ou de renforcement d'une position dominante (article 9, paragraphe 2, point a)). Toutefois, la simplification des conditions entourant la demande de renvoi réduirait la nécessité pour les autorités nationales d'examiner au préalable les effets probables d'une concentration. De surcroît, il serait possible de limiter les délais requis par les consultations internes dans la structure administrative de l'État membre considéré puisqu'une demande ne constituerait plus une conclusion provisoire que l'opération est de nature à avoir des effets anticoncurrentiels.

    80. Conformément à l'objectif de faciliter le renvoi des cas qu'il vaudrait mieux, eu égard à leur manque d'effets transfrontaliers significatifs, instruire au niveau national, il serait raisonnable de permettre à la Commission de renvoyer ces affaires de sa propre initiative. Cette procédure supposerait naturellement des consultations préalables entre la Commission et l'autorité compétente de l'État membre intéressé et éviterait à ce dernier de devoir engager les démarches procédurales préalables à cette demande. Outre qu'elle simplifierait la procédure de renvoi, cette possibilité établirait, pour les opérations ayant des effets infranationaux, des règles du jeu plus égales dans l'ensemble de la Communauté. L'option qu'a la Commission de renvoyer ces affaires aux États membres serait en fait le pendant de l'option actuellement ouverte aux États membres de lui renvoyer certaines affaires en application de l'article 22 du Règlement.

    81. Dans le souci d'améliorer encore la transparence, il serait bon que la Commission adopte des lignes directrices spéciales en matière de traitement des renvois selon le système modifié. Ces lignes directrices pourraient, sous une forme analogue à la Communication qu'elle a récemment adoptée sur les mesures correctives, expliquer les principes à la base des renvois et la façon de définir les opérations de dimension locale ou régionale, avec des exemples pratiques à l'appui.

    a) Simplification des critères déterminant le renvoi d'une affaire

    Il est proposé de ne maintenir que l'article 9, paragraphe 2, point b), mais de faciliter son application. Cela signifie qu'il convient de scinder la demande de renvoi, de l'administration de la preuve que l'opération menace de créer ou de renforcer une position dominante. Une affirmation motivée quant aux effets sur la concurrence dans un marché distinct de l'État membre considéré devrait suffire. En ce qui concerne les dimensions et l'importance du marché en cause, le critère ne devrait pas être la question de savoir si ce marché représente une partie substantielle du marché commun; il faudrait fixer un critère géographique plus simple. Pour les besoins d'une procédure de renvoi, il ne serait même pas nécessaire de définir la portée géographique du ou des marchés en cause, à condition que les effets ne se fassent pas sentir au-delà des frontières de l'État membre. Il suffirait par conséquent qu'une demande établisse que l'effet allégué sur la concurrence, qui justifierait le renvoi, n'est pas significatif, qu'il s'agisse de fermeture du marché, d'effets sur des marchés voisins plus vastes ou d'autres effets transfrontaliers similaires.

    b) Renvoi à l'initiative de la Commission

    Afin de préserver la concurrence sur les marchés à l'intérieur d'un État membre, la Commission devrait, conformément au principe de subsidiarité, pouvoir renvoyer une affaire en tout ou en partie aux autorités nationales lorsque les critères définis plus haut sont remplis.

    c) Calendrier

    Une fois éliminée la nécessité de démontrer la création ou le renforcement d'une position dominante, le délai de trois semaines pour la demande de renvoi, pour l'exercice par la Commission de son droit de procéder au renvoi de sa propre initiative, ou les deux, pourrait être ramené à deux semaines. Les parties notifiantes soucieuses de la sécurité juridique pourraient ménager plus de temps pour les discussions avec les autorités nationales de la concurrence compétentes et la Commission en prenant dès le début des contacts préalables à la notification. Afin de préserver la valeur ajoutée de ce stade plus souple et confidentiel de la procédure, il faudrait toutefois éviter de le formaliser dans le Règlement.

    82. À un niveau plus général, il paraît normal que la partie notifiante ne se trouve pas dans une position plus défavorable du fait qu'une affaire est renvoyée, non seulement pour des questions de fond, mais également pour des questions de procédure qui peuvent les affecter. À l'inverse, il serait juste que les affaires renvoyées soient traitées sur un pied d'égalité dans tous les cas soumis à une procédure de contrôle des concentrations par l'autorité compétente. Néanmoins, il pourrait être utile de chercher à harmoniser les délais dans lesquels la décision finale est prise. Ainsi, la règle actuelle de l'article 9, paragraphe 6 pourrait être clarifiée de façon à ce qu'une décision définitive comparable à une décision en vertu de l'article 8 du Règlement soit adoptée dans le même délai que celui qu'aurait dû respecter la Commission. Une autre possibilité, plus ambitieuse, consisterait à inclure dans le Règlement une disposition prévoyant que toute autorité nationale ayant à connaître d'une affaire qui lui a été renvoyée devrait respecter la procédure indiquée dans le Règlement. L'une ou l'autre de ces modifications exigerait sans doute une modification ultérieure des procédures nationales de contrôle des concentrations.

    83. Afin de lancer la débat sur ces questions, la Commission invite les parties intéressées à lui faire savoir comment, selon elles, le système actuel de répartition des tâches entre la Commission et les autorités nationales de la concurrence pourrait être amélioré. Elles sont invitées à prendre en considération le double objectif de mieux préserver la concurrence, même lorsque les effets négatifs possibles ne sont pas transfrontaliers, et de rendre le système actuel plus efficace. La Commission souhaite également qu'elles lui fassent part des inconvénients que comporterait selon elles une modification de cette nature ou s'ils la considèrent comme souhaitable.

    C. Les demandes conjointes de renvoi à la Commission, article 22, paragraphe 3

    84. Avant d'être modifié par le Règlement n° 1310/97, l'article 22, paragraphe 3 permettait aux États membres de demander à la Commission de prendre en quelque sorte leur place et d'apprécier les effets des opérations de concentration inférieures aux seuils fixés à l'article 1er. Par conséquent, l'article 22, paragraphe 3 était à l'origine conçu à l'avantage des États membres qui ne disposaient pas encore des instruments appropriés pour enquêter sur les concentrations au niveau national. On s'est demandé si cet objectif premier de l'article 22, paragraphe 3 était compatible avec le principe de subsidiarité, car, en l'absence de cet article, ces opérations n'auraient été soumises au contrôle d'aucun organisme au niveau national.

    85. Cependant, comme on l'a vu plus haut, tous les États membres à l'exception du Luxembourg ont maintenant adopté des règles de contrôle des concentrations. En pratique, cela signifie que le potentiel d'application de l'article 22, paragraphe 3 sous sa forme originale est très limité [14].

    [14] En fait, le dernier renvoi en application de l'article 22, paragraphe 3 a été effectué en 1997 par les autorités néerlandaises dans l'affaire IV/M.890 - Blokker/Toys "R" Us. Au total, quatre affaires seulement ont été renvoyées à la Commission en application de cette procédure, deux par les Pays-Bas, une par la Finlande et une par la Belgique.

    86. Les modifications qui ont pris effet en 1998 devaient conférer à l'article 22, paragraphe 3 la fonction de permettre à au moins deux États membres de faire des demandes conjointes de renvoi à la Commission lorsqu'ils estimaient que celle-ci était mieux placée pour agir. L'intention du législateur était donc de renforcer l'application du droit communautaire de la concurrence aux opérations ayant des effets transfrontaliers, ainsi que le principe de guichet unique, et de résoudre le problème des notifications multiples. En un sens, cet amendement peut être considéré comme un complément à l'adoption, au même moment, des seuils de l'article 1er, paragraphe 3, qui devaient également apporter une solution aux mêmes problèmes. Or, malheureusement, les modifications apportées à l'article 22, paragraphe 3 se sont révélées encore moins efficaces que l'article 1er, paragraphe 3. En fait, la Commission n'a encore été saisie d'aucune demande conjointe de renvoi.

    87. La Commission a invité les entreprises qui avaient effectué des notifications multiples si, à leur connaissance, les autorités nationales de la concurrence considérés avaient envisagé une demande conjointe de renvoi à la Commission. Ce n'est que dans 6 % des cas notifiés à au moins trois États membres que les parties notifiantes ont été informées que ces autorités avaient pensé à cette solution. Aucune des entreprises ayant notifié une opération dans deux États membres ne savait si cette démarche avait été envisagée.

    88. De plus, les mêmes entreprises ont été invitées à préciser si elles avaient été informées, au cours de la procédure de notifications multiples, de contacts entre les autorités compétentes (par exemple par des demandes d'accord sur l'échange d'informations confidentielles entre les autorités). Pour 8 % des opérations notifiées à au moins trois États membres, les parties savaient qu'il y avait une certaine coordination entre les autorités nationales de la concurrence. Le chiffre équivalent pour les entreprises notifiant des opérations dans deux États membres était de 2 %.

    1. Les faiblesses procédurales de l'article 22, paragraphe 3

    89. S'il convient de préciser que la source des informations qui précèdent se limite à l'impression subjective des parties notifiantes répondant au questionnaire adressé à celles qui avaient dû effectuer des notifications multiples, il est évident que dans la plupart de ces cas, la première condition préalable à une demande conjointe, à savoir des contacts pris très tôt entre les intéressés, n'est pas remplie. C'est la raison pour laquelle, et dans le souci d'améliorer le fonctionnement de l'article 22, paragraphe 3, pour résoudre le problème des notifications multiples, il faudrait sans doute imaginer un mécanisme d'échange d'informations entre toutes les parties intéressées. Ce mécanisme devrait nécessairement s'étendre aux parties notifiantes, à tous les États membres concernés et à la Commission.

    90. Dans un petit nombre de cas, la Commission a eu des contacts informels avec les autorités nationales de la concurrence et a examiné avec elles la possibilité d'une demande conjointe. Ces contacts ont mis en lumière trois éléments supplémentaires, se rapportant principalement aux règles de procédure prévues à l'article 22, paragraphe 4, deuxième alinéa, qui sont de nature à entraver les efforts des États membres qui cherchent à faire une demande conjointe.

    91. Le premier problème réside dans le fait que cette demande doit être faite dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'opération de concentration a été portée à la connaissance des États membres introduisant une demande commune ou a été réalisée. Ce délai commence à courir à compter de la survenance du premier de ces événements. Il n'y a pas de définition de ce qu'il y a lieu d'entendre par "porter une opération de concentration à la connaissance de l'État membre". Il serait sans doute utile de clarifier les dispositions en cause sur ce point, mais il paraît naturel de prendre la date d'une notification nationale comme date de départ dans les États membres où la notification est obligatoire. Il paraît en effet déraisonnable de se fonder sur une autre forme d'annonce, moins formelle, lorsque le droit national prévoit spécifiquement les modalités de notification d'une concentration à l'État membre [15]. Un autre aspect du problème, davantage sujet à discussion, est la question de savoir comment l'expression "porter une opération de concentration à la connaissance de l'État membre" doit être interprétée lorsque le droit national ne prévoit pas la notification obligatoire [16]. En outre, on peut concevoir qu'une opération de concentration soit mise à exécution à des dates différentes selon l'État membre considéré.

    [15] Cette interprétation a toutefois été critiquée pour des raisons d'efficacité; certains ont fait valoir qu'il ne serait peut-être pas nécessaire d'obliger les parties à entreprendre le travail souvent détaillé que demande l'élaboration de plusieurs notifications nationales si l'opération a finalement toutes les chances d'être renvoyée à la Commission.

    [16] Après l'entrée en vigueur du nouveau système français de contrôle des concentrations, cette difficulté ne se posera normalement plus qu'au Royaume-Uni et au Luxembourg (mais pourra concerner toute opération inférieure aux seuils prévus par le système national de contrôle des concentrations).

    92. Le deuxième problème, qui est en partie lié à celui qui vient d'être décrit, réside dans le fait que les systèmes nationaux de contrôle des opérations de concentration diffèrent très largement quant aux exigences entourant la date à laquelle une notification peut ou doit être faite; il existe des disparités considérables dans les systèmes nationaux à cet égard. En pratique, il est donc difficile de prévoir à quelle date expirera le délai d'un mois prévu à l'article 22, paragraphe 4, dans l'un quelconque des États membres. Le problème est de toute évidence multiplié par le nombre d'États membres qui peuvent prendre part à la demande conjointe de renvoi. À cela s'ajoute la difficulté de prévoir objectivement combien d'États membres pourraient prendre part à une demande conjointe. Par conséquent, selon les États membres qui y procèdent en commun, le délai de l'article 22, paragraphe 4 peut varier très largement puisqu'il dépend à son tour de la date à laquelle la concentration a été portée à la connaissance de chacun de ces États membres.

    93. Le troisième problème, sans doute le plus difficile à résoudre, qui est lui aussi lié à l'absence d'harmonisation des procédures entre les États membres, réside dans le fait que le Règlement ne prévoit pas la suspension des délais applicables sur le plan national dans l'attente d'une demande conjointe de renvoi. Cela signifie, par exemple, que le pays X peut être légalement tenu par son droit national d'adopter une décision sur l'opération notifiée avant l'expiration du délai dans lequel le pays Z doit soumettre sa demande à la Commission. De toute évidence, les choses se compliquent encore lorsque plus de deux pays envisagent une demande conjointe de renvoi, à quoi s'ajoute le fait que la Commission est libre, conformément à l'article 22, paragraphe 3, d'accepter ou non une demande de renvoi.

    94. Pour conclure, pour que l'article 22, paragraphe 3 puisse constituer un mécanisme correcteur généralement applicable au problème des notifications multiples, il ne suffira probablement pas de modifier le seul Règlement. Il paraît difficile d'amender ce texte de façon à prévoir des consultations obligatoires entre États membres sur la notification des opérations qui ne sont pas de dimension communautaire (selon la définition de l'article 1er). Il en va de même des problèmes décrits plus haut découlant de la diversité des dispositions nationales applicables au fait déterminant la notification.

    95. Par conséquent, il est probable que l'article 22, paragraphe 3 ne pourrait devenir opérationnel que si les législations nationales présentaient un degré suffisant d'harmonisation. Toutefois, même dans ce cas, le système recèlerait toujours certaines faiblesses opérationnelles, qui sont examinées ci-après.

    2. Les faiblesses opérationnelles de l'article 22, paragraphe 3

    96. Sur le plan de l'efficacité, la disposition de l'article 22 concernant le renvoi se traduit d'une manière générale par des procédures plus longues et par moins de sécurité juridique pour tous les intéressés. Comme toute disposition de renvoi comportera toujours tout naturellement une appréciation par au moins deux autorités de la concurrence, un système qui n'entraîne pas de temps d'attente plus long que le système direct du guichet unique paraît difficile à concevoir. De surcroît, comme - du moins dans le système actuel - chaque autorité de la concurrence intéressée est libre d'exiger ou non ou d'accepter ou non une demande de renvoi, la procédure est forcément empreinte d'une insécurité juridique encore plus grande. Les parties à la concentration, qui pourraient exploiter les différences qui existent entre les législations nationales pour obtenir un résultat bien précis, peuvent aggraver cette insécurité. Si ces faiblesses doivent pouvoir être admises dans un système conçu comme un mécanisme correcteur dans des cas exceptionnels, elles vont au-delà de ce qui peut se justifier dans un système qui vise à résoudre plus généralement le problème des notifications multiples.

    97. La deuxième faiblesse opérationnelle de l'article 22, paragraphe 3 réside dans le fait qu'une demande conjointe de renvoi permet uniquement à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le territoire de l'État membre ou des États membres qui lui ont adressé cette demande. Cette disposition est peut-être logique dans un système fondé sur l'idée que la Commission se substituera dans ce cas à l'État membre ou aux États membres en question, mais elle risque d'avoir des conséquences incompatibles avec le principe du guichet unique (car les États membres qui n'effectuent pas cette demande peuvent poursuivre des procédures parallèles) ou, pire encore, d'empêcher la Commission de s'attaquer à un problème patent de concurrence (si les États membres qui n'ont pas fait la demande ne mènent pas d'enquête).

    3. Conclusion sur l'article 22, paragraphe 3

    98. Ainsi qu'on l'a vu plus haut, certaines des faiblesses actuelles de l'article 22, paragraphe 3 pourraient être résolues par la clarification de cette disposition (notamment de l'expression "porter à la connaissance d'un État membre"). En outre, comme l'article 22 a toujours servi de pendant à l'article 9, le type de modification esquissé pour ce dernier pourrait également être envisagé (par exemple, une simplification du critère applicable).

    99. Quoi qu'il en soit, eu égard à ses faiblesses, on voit mal comment cette disposition pourrait être modifiée de façon à fournir une méthode générale efficace permettant de résoudre le problème des notifications multiples. Les parties intéressées sont néanmoins invitées à faire connaître leur point de vue à ce propos et à formuler toute suggestion permettant d'intégrer cette disposition dans un système cohérent d'attribution des compétences.

    D. La notion de "concentration": questions à soumettre à la révision

    100. Outre les fusions, la notion de concentration recouvre l'acquisition, par une ou plusieurs entreprises, du contrôle de fait ou de droit d'une ou de plusieurs entreprises, et notamment la création d'entreprises communes coopératives de plein exercice.

    101. Il s'ensuit qu'une opération qui ne comporte pas l'acquisition de ce contrôle n'entre pas dans le champ d'application du Règlement. En d'autres termes, les opérations portant sur l'acquisition, par une seule entreprise ou plusieurs agissant conjointement, de participations minoritaires qui ne confèrent pas le contrôle d'une société n'entrent pas dans son champ d'application, et ce que l'opération soit ou non effectuée par un concurrent. Aussi longtemps que le critère du contrôle n'est pas rempli, le même principe s'applique également aux alliances stratégiques, notion commerciale qui s'est répandue depuis l'adoption du Règlement. En principe, la Commission examine actuellement ce type d'opérations au regard des articles 81 et 82 CE. Elle est consciente de ce qu'elles puissent avoir un effet "structurel" sur les marchés en cause, mais elle sait aussi qu'il est difficile de définir suffisamment les opérations en question pour déterminer une notification obligatoire ex ante.

    102. Comme on l'a vu plus haut, le Règlement s'applique aux entreprises communes coopératives de plein exercice. En 1998, son champ d'application a été élargi par la modification de l'article 2, paragraphe 3, et l'adoption de l'article 2, paragraphe 4, qui ont permis d'étendre l'appréciation aux aspects coopératifs d'une entreprise commune. L'expérience acquise les premières années d'application de cette nouvelle disposition sera analysée plus loin. En outre, le Livre blanc de 1999 sur la modernisation des règles d'application des articles 81 et 82 soulevait la question de savoir s'il convenait de faire entrer dans le champ d'application du Règlement les entreprises communes de production d'exercice partiel. Dans sa proposition du 27 septembre 2000, la Commission a toutefois reporté l'examen de cette question à la révision du Règlement.

    103. L'une des questions qui ont parfois posé des problèmes d'interprétation difficiles concerne les concentrations consistant en opérations multiples. Pour dire les choses simplement, il s'agit de déterminer dans quelles conditions deux ou plusieurs opérations juridiquement distinctes doivent être considérées, aux fins de l'application du Règlement, comme une seule opération notifiable. La réponse à cette question peut avoir des répercussions sur la répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales. Afin de garantir un contrôle effectif et efficace des concentrations au niveau le plus approprié, la Commission pense qu'il convient d'attribuer à une seule et même autorité la compétence exclusive pour les opérations économiquement interdépendantes. En même temps, le système devrait exclure la combinaison artificielle d'opérations distinctes.

    104. La notion de concentration amène aussi à poser la question de l'application du Règlement à certaines opérations, notamment dans le secteur financier (capital à risque, etc.) qui, en réalité, ne donnent pas lieu à une concentration de l'offre ou de la demande sur un marché. L'article 3, paragraphe 5, du Règlement prévoit une exemption pour certaines opérations de ce genre. Cependant, eu égard à l'évolution de la situation depuis 1990 sur les marchés financiers et dans le secteur du financement des entreprises, il convient d'examiner si cet article remplit toujours sa fonction ou s'il y a lieu de le réviser.

    105. Enfin, l'analyse de la notion de concentration pose la question de la convergence entre cette notion et celle de groupe, selon l'article 5 du Règlement. La distinction actuelle entre les deux a parfois été controversée et il est donc souhaitable d'examiner si l'adoption d'une notion commune dans ces deux articles pourrait faciliter l'application du Règlement.

    1. Les participations minoritaires

    106. Dans un petit nombre de cas, la Commission a tenu compte de la cession de participations minoritaires ou de l'abandon de l'interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration, ce qui lui a évité de devoir analyser les questions parfois très complexes découlant de l'appréciation [17].

    [17] Voir par exemple les affaires IV/M.1080 - Thyssen/Krupp, décision du 2 juin 1998, COMP/M.1712 - Generali/INA, décision du 12 janvier 2000 et COMP/M.1980 - Volvo/Renault, décision du 1er septembre 2000.

    107. Or le Règlement n'est pas applicable à l'acquisition de participations minoritaires sauf si, pour d'autres raisons, une situation de contrôle de fait ou de droit est établie. Il est toutefois possible qu'une participation minoritaire, qui pourrait être associée à une interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration, modifie la volonté des entreprises liées de se faire concurrence et affecte de la sorte la situation du marché. Bien que le Règlement ne soit pas applicable à ce type d'affaires, les articles 81 et 82 CE peuvent, selon la jurisprudence établie, servir à apprécier des participations minoritaires et les problèmes de concurrence qu'elles peuvent poser.

    108. L'attention de la Commission a été attirée sur les participations minoritaires et les cas d'interpénétration des sociétés au niveau des conseils d'administration, facteurs qui pourraient faciliter la création d'une position dominante commune, et sur le fait qu'un certain nombre d'autres systèmes juridictionnels appliquent les règles sur les concentrations à l'acquisition de participations minoritaires, indépendamment de l'acquisition du contrôle [18]. Selon certaines suggestions, la réglementation communautaire pourrait utilement être étendue de la même façon.

    [18] Ainsi, les règles applicables en Allemagne, en Autriche et en Irlande en matière d'appréciation des opérations de concentration s'étendent à l'acquisition d'une participation de 25 %, indépendamment de modifications de la structure du contrôle au sens du Règlement. Dans ces systèmes, une deuxième notification peut être requise si, ultérieurement, il y a acquisition du contrôle exclusif. De la même façon, les règles britanniques sur les concentrations sont applicables, outre aux prises de contrôle, aux opérations par lesquelles une partie acquiert la possibilité d'"influencer matériellement" une autre partie. La réglementation américaine en la matière (section 7 de la loi Clayton) s'applique également à des cas ne correspondant pas à la définition de concentration donnée par le Règlement. Les questions se rapportant à l'interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration sont régies par la section 8 de la loi Clayton. La réglementation américaine recourt notamment au "critère de la taille de l'opération", qui peut s'appliquer aux opérations qui ne s'accompagnent pas du transfert du contrôle (au sens du Règlement), à condition que les titres rachetés dépassent le seuil de 50 millions d'USD.

    109. La Commission ne possède pas, à ce stade, de données complètes sur la fréquence des participations minoritaires et des phénomènes d'interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration. L'expérience actuelle révèle toutefois qu'un petit nombre seulement de ces opérations poseraient des problèmes de concurrence qui ne pourraient être résolus d'une manière satisfaisante par le recours aux articles 81 et 82 CE. Dans cette hypothèse, il serait disproportionné de soumettre toutes les acquisitions de participations minoritaires au contrôle ex ante du Règlement. En même temps, on voit mal comment on pourrait trouver une définition appropriée capable d'appréhender les cas où les participations minoritaires et l'interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration justifieraient cette procédure.

    110. La Commission invite néanmoins les parties intéressées à décrire leur expérience du traitement des participations minoritaires et de l'interpénétration des entreprises au niveau des conseils d'administration au regard des règles de concurrence communautaires, et à donner leur avis sur le régime qu'il conviendrait d'appliquer dorénavant à ces opérations.

    2. Les alliances stratégiques

    111. Les alliances stratégiques sont des accords de coopération de portée diverse qui impliquent l'établissement de différents liens, généralement contractuels, mais présentant aussi des aspects structurels. Ces alliances peuvent aller de la création d'une entreprise commune à la spécialisation sur certains marchés, aux activités communes en matière de recherche et de développement, au transfert de technologie, aux fournitures réciproques et aux engagements en matière de coopération future dans d'autres domaines, voire aux acquisitions de participations [19]. Les alliances stratégiques sont souvent conclues entre des concurrents actuels qui cherchent à faire concurrence à d'autres alliances similaires. Elles se sont surtout nouées sur les marchés récemment libéralisés, où elles fournissent le moyen de soutenir la concurrence sur les marchés qui s'intègrent au niveau mondial. Le droit de la concurrence cherche principalement à assurer l'indépendance et la concurrence effective entre ces alliances.

    [19] Voir 24e rapport sur la politique de concurrence (point 156).

    112. Les accords conclus dans le cas d'une alliance stratégique (à savoir notamment les licences exclusives et les clauses d'achat, de distribution et de non-concurrence) peuvent restreindre la concurrence et donc être frappés de l'interdiction de l'article 81. Jusqu'à présent, une seule alliance, à savoir l'alliance stratégique entre Alitalia et KLM [20], a été appréciée au regard du Règlement. Dans ce cas, la Commission a considéré que, pour un certain nombre de raisons [21], l'alliance remplissait les critères définissant l'entreprise commune de plein exercice au sens de la Communication de la Commission.

    [20] JV.19 - KLM/Alitalia.

    [21] Les faits sont les suivants: les sociétés fondatrices cesseraient de coopérer sur les marchés regroupés dans l'alliance; elles se chargeraient de l'exploitation quotidienne et adopteraient en commun les principales décisions stratégiques et commerciales; les actifs corporels de chacune des parties seraient exclusivement consacrées à l'alliance; l'accord serait de longue durée.

    113. Aux termes du 23e considérant du Règlement, il est indiqué de définir le concept de concentration de telle manière qu'il ne couvre que les opérations qui aboutissent à une modification durable de la structure des entreprises concernées. Les alliances stratégiques ne sont normalement pas conçues pour produire les modifications structurelles visées à l'article 3, paragraphe 1, du Règlement et ne conduisent pas nécessairement à la création d'une entité économique autonome au sens de la définition donnée dans la Communication relative à la notion d'entreprises communes coopératives de plein exercice. Par conséquent, il semble que l'article 81 constitue toujours l'instrument juridique le plus approprié pour apprécier ce type d'opérations.

    3. L'article 2, paragraphe 4

    114. L'une des modifications cruciales apportées au Règlement de 1998 consistait à y inclure certaines entreprises communes dont on avait considéré précédemment qu'elles tombaient hors de son champ d'application (à savoir les entreprises communes coopératives de plein exercice).

    115. Entre mars 1998 et décembre 2000, au total 47 entreprises communes de ce genre ont été notifiées. Parmi celles-ci, une seule notification était fondée sur les critères de chiffres d'affaires fixés à l'article 1er, paragraphe 3, 46 autres remplissant les critères de l'article 1er, paragraphe 2.

    116. L'extension du Règlement à toutes les entreprises communes coopératives de plein exercice est généralement considérée comme une bonne mesure. L'expérience a montré que ces opérations se prêtaient bien à la forme d'appréciation plus structurée prévue par le Règlement. Leur inclusion dans le champ d'application de celui-ci a permis de réduire les coûts et les délais nécessaires pour obtenir l'autorisation réglementaire pour les entreprises qui menaient de telles opérations et l'article 2, paragraphe 4 permet d'évaluer tous les aspects concurrentiels qu'elles présentent dans le cadre d'une seule procédure administrative.

    117. Sur le fond, on peut illustrer comme suit la probabilité que les entreprises communes coopératives de plein exercice soulèvent des problèmes de concurrence. La Commission a constaté, au cours de la première ou de la seconde phase, que sept des opérations de ce genre mentionnées plus haut risquaient de poser des problèmes de position dominante. Le chiffre équivalent pour toutes les autres affaires notifiées conformément au Règlement pendant la même période était de 75 (sur 798 notifications). À titre de comparaison, des problèmes de position dominante se sont posés pour environ 15 % des entreprises communes coopératives de plein exercice et pour 9 % des autres types d'opérations.

    118. Pendant la même période, deux affaires intéressant deux entreprises communes coopératives de plein exercice [22] ont soulevé des problèmes touchant à la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes (c'est-à-dire des problèmes relevant de l'article 81). Dans ces affaires, la Commission n'a pas poursuivi l'enquête sur ces problèmes parce que les modifications apportées par les parties à leur projet initial les ont résolus et ont donc rendu superflue une enquête approfondie. À ce stade, la Commission n'a pas déclaré d'entreprises de ce genre incompatibles avec le marché commun.

    [22] Affaire M.1327 - NC/Canal +/CDPQ/Bank America et affaire JV.15 - BT/AT&T.

    119. Si le type de problèmes que l'article 2, paragraphe 4 devait résoudre ne se posent pas souvent, il faut reconnaître que cette disposition n'est en vigueur que depuis assez peu de temps. Il convient donc d'acquérir plus d'expérience pratique avant de procéder à une évaluation plus détaillée.

    4. Les entreprises communes de production d'exercice partiel

    120. Comme on l'a vu plus haut, la proposition de modernisation des articles 81 et 82 présentée par la Commission prévoyait que la question de l'extension de la notion de concentration serait examinée dans le cadre de la présente révision. Le Livre blanc de la Commission avait en effet fait apparaître qu'il était souhaitable de maintenir un système d'autorisation préalable pour les entreprises communes de production d'exercice partiel: on considérait que ce type d'opérations impliquait des investissements substantiels et l'intégration très poussée des activités. Le texte envisageait de soumettre les entreprises communes de production d'exercice partiel, de même que les entreprises communes de plein exercice, à la fois aux critères définissant l'existence d'une position dominante et à l'article 2, paragraphe 4, du Règlement.

    121. Or, lors de la procédure de consultation qui a suivi, plusieurs critiques importantes ont été formulées à l'égard de ces propositions. L'un des problèmes constatés résidait dans la difficulté de trouver une définition juridique claire de la notion d'entreprise commune de production d'exercice partiel, en particulier pour les marchés de services. Ce type d'opérations ne se prête donc peut-être pas au contrôle dans un système de notifications ex ante obligatoires.

    122. Chose plus importante encore, la consultation n'a pas montré que ces entreprises communes de production se prêtaient mieux à un contrôle ex ante que d'autres opérations supposant des investissements à grande échelle (c'est-à-dire les entreprises communes de recherche et de développement ou les systèmes de distribution). À titre d'exemple, étant donné que les entreprises communes de production d'exercice partiel ne seraient par définition pas actives sur un marché quel qu'il soit, la seule appréciation réelle de ce type d'opérations, si elles devaient entrer dans le champ d'application du Règlement, porterait sur la coordination entre les entreprises fondatrices. Comme le critère applicable resterait le même (c'est-à-dire l'article 81), il convient d'observer que rien n'indique une forte préférence des parties en cause pour le contrôle ex ante en vigueur dans le système actuel d'application de l'article 81: il est rare que les parties aux entreprises communes de production d'exercice partiel notifient leurs projets conformément à l'article 81 et attendent une décision de la Commission pour les mettre à exécution.

    123. Du reste, les entreprises communes de production d'exercice partiel continueraient à bénéficier de l'application des règlements d'exemption par catégorie en vertu de l'article 81. On notera en particulier dans ce contexte ceux qui s'appliquent aux accords de recherche et développement et aux accords de spécialisation. Ainsi, le Règlement n° 2658/2000 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE à des catégories d'accords de spécialisation [23] exempte notamment les accords en vertu desquels deux ou plusieurs parties acceptent de fabriquer certains produits conjointement. L'exemption est soumise à un plafond de part de marché de 20 %. Le Règlement n° 2659/2000 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de recherche et de développement [24] accorde une exemption par catégorie en faveur de la recherche et du développement en commun de produits ou de procédés ainsi que de l'exploitation en commun de leurs résultats. Lorsque les parties à l'accord sont des concurrents, l'exemption par catégorie est soumise à un plafond de part de marché de 25 %.

    [23] JO L 304 de 2000, p. 3.

    [24] JO L 304 de 2000, p. 7.

    124. Pour conclure, d'après les renseignements disponibles, il n'y a pas de raison impérieuse d'étendre le champ d'application du Règlement aux entreprises communes de production d'exercice partiel. La Commission invite néanmoins les parties qui jugeraient cette extension utile à expliquer comment on pourrait incorporer dans le système un degré suffisant de sécurité juridique.

    5. Les opérations multiples

    125. Dans le passé, la Commission a été amenée à plusieurs reprises à décider si un certain nombre d'opérations, liées par divers aspects, devaient être considérées comme une seule concentration.

    126. La question est importante pour déterminer la compétence de la Commission. Une opération qui, en elle-même, ne serait pas de dimension communautaire parce qu'elle n'atteint pas les seuils du Règlement pourrait néanmoins entrer dans son champ d'application en tant que partie d'une concentration consistant en plusieurs opérations.

    127. L'article 3 est applicable au cas où des entreprises "acquièrent directement ou indirectement le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises". Outre cette définition générale, la seule autre disposition se rapportant directement à la situation où deux ou plusieurs opérations constituent une seule concentration est l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa. Cette disposition devait à l'origine éviter que le Règlement ne soit tourné par la séparation d'une concentration en plusieurs opérations. Le Règlement a établi une présomption égale irréfragable selon laquelle toutes les opérations qui remplissent les critères de l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa doivent être considérées comme une seule concentration.

    128. Conformément au principe du guichet unique, il n'y a en principe aucune raison de ne pas apprécier globalement d'autres opérations multiples qui ne semblent pas constituer une seule concentration au sens de l'actuel Règlement si elles comportent un lien économique attestant d'une unité économique entre les opérations assimilable à une seule concentration.

    129. La notion d'unité économique doit être appréciée au regard des objectifs poursuivis par les parties. Les facteurs qui permettent d'établir que le cas équivaut à une seule et même concentration comprennent nécessairement un lien temporel ainsi qu'une identité, tant des participants aux opérations que de la portée de celles-ci.

    130. L'application du principe du guichet unique aux opérations multiples décrites ci-après répondrait mieux à l'objectif global de préserver une concurrence effective, car il soumettrait à une seule appréciation cohérente la totalité des effets de ce type de concentration. Pour des raisons valables aussi pour n'importe quelle autre concentration, une application plus stricte du principe du guichet unique devrait également améliorer la sécurité juridique pour les parties à la concentration ou celles qui sont affectées par celle-ci. Afin d'éviter une distinction artificielle dans le traitement des opérations multiples qui, du point de vue des parties et/ou du marché, se caractérisent par une unité économique, il paraît utile de mieux préciser les circonstances dans lesquelles les opérations multiples doivent être considérées globalement aux fins de l'application du Règlement. Cela semble être le cas dans les trois scénarios suivants [25]:

    [25] Le quatrième scénario qui pourrait être envisagé concerne les offres communes. Ces opérations sont déjà considérées comme une seule concentration aux fins de l'application du Règlement, à moins que les parties à l'offre commune n'aient convenu de partager les actifs ainsi acquis selon un plan préexistant imméditament après la réalisation de l'opération. Dans ce dernier scénario, le point 24 de la Communication sur la notion d'entreprises concernées précise que ce type d'acquisition d'actifs sera considéré comme une opération distincte. Ce premier principe étant déjà établi, il ne serait pas nécessaire de modifier les dispositions en vigueur. Il peut toutefois être utile de clarifier les limites de l'exemption au point 24 de la Communication sur la notion d'entreprises concernées lors de la prochaine révision de ce texte. Il conviendrait alors d'expliquer que s'il y a incertitude quant au sort futur des actifs acquis en commun, l'offre commune sera considérée, dans sa totalité, comme une seule et même concentration, dont l'appréciation portera aussi sur toutes les dispositions connues prises pour partager les actifs acquis.

    131. Certaines opérations comportent la prise de contrôle en commun d'une partie d'une entreprise et la prise du contrôle exclusif d'une autre partie; c'est normalement le cas lorsque l'acquisition directe porte sur la société mère d'un groupe. Dans ce scénario, la société cible peut souvent détenir une ou plusieurs filiales contrôlées en commun qui, sous l'effet de l'acquisition directe, seront contrôlées (en commun) par le nouveau propriétaire de la société mère. Dans ce scénario, il serait évidemment artificiel de ne pas considérer le groupe racheté comme une seule unité économique, et aussi longtemps que la situation, du point de vue économique, est la même, il n'y aurait aucune raison de ne pas y appliquer le même principe général. Ce postulat peut être démontré à l'aide d'un exemple simple. Prenons une situation dans laquelle la société A entend vendre les actifs suivants (qui, pour les besoins de cet exemple, peuvent avoir des activités sur le même marché en cause et avoir été gérés comme une seule entité par A) à la société B:

    * 100 % de sa filiale A1,

    * sa participation de 50 % dans A2 (une entreprise contrôlée en commun), et

    * sa participation de 25 % (ne constituant pas une participation de contrôle) dans A3.

    132. Selon la réglementation actuelle, les opérations de rachat de A1 et de A2 seraient considérées comme des concentrations séparées, alors que l'acquisition de la participation dans A3 ne constituerait en aucune façon une concentration. Les deux premières opérations, selon les chiffres d'affaires en cause dans chaque cas, seraient évaluées au regard du Règlement par un ou plusieurs États membres. Le résultat serait tout à fait différent si A, avant la vente, intégrait A1-A3 dans une société holding (par exemple pour des raisons fiscales) qui serait ensuite cédée à B. Dans ce cas, il n'y aurait qu'une seule concentration dans laquelle B acquerrait le contrôle exclusif de la société holding. De surcroît, le chiffre d'affaires total lié aux actifs détenus par cette entreprise serait pris en considération aux fins de l'attribution de compétence, ce qui signifierait par conséquent que la totalité du transfert des actifs serait évaluée soit au niveau communautaire, soit au niveau des États membres. Afin de capter l'ensemble des activités économiques combinées par la concentration, il paraît donc nécessaire de modifier l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa du Règlement pour l'étendre à ce type de scénario [26].

    [26] Il faudrait par conséquent également modifier les Communications interprétatives de la Commission (voir la Communication concernant la notion de concentration, point 16).

    133. L'échange d'actifs entre deux sociétés aura normalement pour résultat final le maintien sur le marché de deux entités séparées (encore qu'avec d'autres constellations d'actifs). Cet échange sera souvent régi par un seul contrat et la conclusion de chaque opération dépendra, presque par définition, de la conclusion de l'autre. Sous sa forme actuelle, le Règlement n'admet pas que de tels liens soient suffisants pour considérer les échanges d'actifs comme une seule concentration. Toutefois, afin d'assurer une appréciation cohérente de l'ensemble de l'opération, une nouvelle approche paraît justifiée. De surcroît, l'un des échanges ou les deux peuvent être partiels, le propriétaire précédent maintenant une participation financière dans l'activité échangée. En ce qui concerne l'appréciation, chaque côté de l'échange peut certainement avoir une influence sur l'appréciation de l'autre. Toutes ces raisons et le fait que les échanges, du point de vue des parties, représentent normalement une unité économique, plaideraient en faveur de dispositions assimilant de telles opérations aux concentrations consistant en une seule opération. Il paraît donc utile de modifier l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du Règlement pour l'étendre à ce type de scénario [27].

    [27] Là aussi, il faudrait également modifier d'autres Communications interprétatives de la Commission (voir la Communication sur la notion d'entreprises concernées, points 49 et 50).

    134. Les reprises "rampantes" par l'intermédiaire de la bourse offrent un autre exemple de concentration impliquant des opérations multiples. Ces opérations peuvent être mises à exécution de diverses manières, plus ou moins complexes, allant des opérations relativement simples de rachat direct d'actions à un certain nombre d'actionnaires précédents, à des structures de transaction associant un nombre variable d'intermédiaires financiers recourant à toute une gamme d'instruments financiers. Ce type d'opérations se déroulera souvent dans des conditions "hostiles", lorsque la société cible et/ou certains de ses anciens actionnaires ne sont guère favorables à la reprise. Dans les scénarios de ce genre, il sera normalement peu pratique et artificiel de considérer que la concentration intervient au rachat de l'action ou du bloc d'actions conférant à l'acquéreur le contrôle (de fait) de l'entreprise cible. Au contraire, il sera évident pour toutes les parties en cause qu'un certain nombre d'acquisition de droits, juridiquement distinctes, forment une unité et que l'intention est de prendre le contrôle de la société cible. Il paraît donc utile de modifier l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du Règlement de façon à l'étendre à ce type de scénario [28].

    [28] Voir également le paragraphe 0 (et suivants) sur le lien existant dans ce type de situations entre les articles 4 et 7 du Règlement.

    135. La Commission pense qu'il serait possible de faire entrer les opérations qui viennent d'être décrites dans le champ d'application du Règlement par l'ajustement de l'article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa. Afin de ne pas étendre à l'excès l'application du principe qui y est énoncé, il convient toutefois d'en limiter la portée aux opérations qui portent sur le même secteur économique. Une fois modifié de la sorte, l'article 5, paragraphe 2 serait libellé comme suit (modifications en caractères gras).

    2. Par dérogation au paragraphe 1, lorsque la concentration consiste en l'acquisition de parts, constituées ou non en entités juridiques, d'une ou de plusieurs entreprises, seul le chiffre d'affaires se rapportant aux parts qui sont l'objet de la transaction est pris en considération dans le chef du ou des cédants.

    Toutefois, deux ou plusieurs transactions qui ont lieu au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, à moins qu'elles ne portent sur des secteurs industriels non liés et quel que soit le type de contrôle qui en résulte, sont à considérer comme une seule opération de concentration intervenant à la date de la dernière transaction.

    Le principe énoncé au deuxième alinéa s'applique mutatis mutandis aux échanges d'actifs et aux acquisitions multiples de titres, au sens de l'article 7, paragraphe 5, second alinéa, d'une entreprise.

    136. Les parties intéressées sont invitées à présenter leurs commentaires sur ce projet de modification de l'article 5, paragraphe 2, du Règlement. Elles sont également invitées à préciser si, selon elles, il serait utile de clarifier le régime à appliquer en vertu du Règlement à d'autres types de concentrations consistant en opérations multiples.

    6. Les investissements en capital à risque, article 3, paragraphe 5

    137. L'article 3, paragraphe 5 définit étroitement certaines situations dans lesquelles une opération de concentration n'est pas réalisée. L'une de ces exceptions concerne l'activité normale de transaction et de négociation de titres des établissements financiers. Or, l'expérience montre que, vu ses limitations, cette disposition (en ce qui concerne les actions sans droit de vote et la période maximum de détention des titres) n'est que rarement appliquée. En même temps, les restrictions de ce genre visent à décourager ceux qui tenteraient de tourner le Règlement et donc à préserver son efficacité ainsi que l'égalité des règles du jeu.

    138. La révision du Règlement a attiré l'attention de la Commission sur l'existence de nouvelles formes de financement se pratiquant sur les marchés des capitaux, qui devraient être prises en considération dans la révision de la portée du Règlement. Le phénomène du capital à risque s'est fortement développé en Europe depuis l'adoption du Règlement. Selon une distinction, le capital à risque peut être subdivisé en deux grandes catégories: les prises de participations dans les entreprises traditionnelles et les prises de participations dans les entreprises de croissance/de technologie.

    139. Les prises de participations dans les entreprises traditionnelles consistent normalement en rachat d'entreprises établies, cotées ou non, et sont analogues à de nombreux égards aux opérations classiques de ce genre. Elles ne semblent pas poser de problèmes particuliers intéressant la présente analyse.

    140. Les prises de participations dans des entreprises de croissance/de technologie, en revanche, présentent certaines caractéristiques qui méritent un examen plus approfondi. Ces placements sont normalement faits pour fournir du capital à une nouvelle entreprise au cours de sa phase de démarrage, dans le but ultime d'introduire la société en bourse à moyen terme. Normalement, le chef d'entreprise gardera le contrôle opérationnel intégral de son activité et l'entreprise peut très bien ne pas avoir de conseil d'administration. Certains considèrent que ce type de capital à risque est assimilable aux facilités de crédit normales accordées par les banques. Le phénomène qui intéresse surtout le Règlement est le fait les investisseurs dans le capital à risque détiendront des actions dans la nouvelle entreprise et disposeront normalement au moins de droits de veto sur son budget et son plan d'entreprise. Selon les méthodes de financement traditionnelles, les banques ne détiendraient normalement pas d'actions, mais pourraient en revanche toujours refuser de renouveler les crédits.

    141. La raison pour laquelle ces prises de participations dans des entreprises de croissance/de technologie peuvent entrer dans le champ d'application du Règlement est qu'elles sont normalement faites en consortium, c'est-à-dire que deux ou plusieurs investisseurs partagent le placement. Du fait de cette construction, ces opérations peuvent, même dans le cas d'entreprises nouvelles qui n'ont pas encore d'activité de vente, être notifiables conformément aux règles applicables aux entreprises communes de plein exercice. Diverses raisons font que les investisseurs dans le capital à risque comme les chefs d'entreprise peuvent préférer agir en consortium, notamment afin de limiter le risque et de combiner les expériences de chacun.

    142. Cette forme d'investissement de capital à risque concernera souvent les entreprises petites et moyennes et, de surcroît, va encourager l'activité des chefs d'entreprise, ce qui doit, à moyen ou à long terme, être favorable à la concurrence ainsi qu'à l'économie en général. Selon les règles en vigueur, ces investissements de capital à risque devraient normalement remplir les critères d'une procédure simplifiée au regard du Règlement (voir plus loin). Toutefois, même si l'on admet que ces investissements de capital à risque ne devraient normalement pas poser de problèmes de concurrence puisqu'ils fournissent du capital à de nouvelles entreprises dans leur phase de démarrage, il est difficile de définir la portée d'une exemption spécifique. L'un des problèmes réside dans le fait qu'il n'existe pas de définition commune de l'investisseur en capital à risque. À cet égard, il est clair que les problèmes de concurrence risquent moins de se poser si l'investisseur est une société purement financière (comme une banque) que s'il s'agit d'une filiale d'une entreprise industrielle [29]. Par ailleurs, il est évident que l'appréciation doit aussi porter sur les problèmes de concurrence qui peuvent surgir selon le rôle, plus ou moins actif, joué dans l'entreprise par le consortium d'investisseurs en capital à risque. Ces problèmes de concurrence ne se poseront guère lorsque les investisseurs en capital à risque adoptent un rôle passif et se bornent en gros à fournir des capitaux d'une manière comparable aux facilités bancaires traditionnelles. Ce ne sera pas nécessairement pas le cas lorsque ces investisseurs, souvent spécialisés et qui investissent dans un grand nombre d'entreprises d'un secteur déterminé, jouent un rôle plus actif, par exemple en procédant au transfert d'actifs et/ou d'informations entre divers investissements.

    [29] L'association européenne de capital à risque - European trade association for VC investors (EVCA) comprend notamment des filiales de banques et de sociétés de gestion de fonds, mais également des "corporate ventures", filiales de sociétés industrielles. L'objectif de cette dernière catégorie peut être d'investir dans de nouvelles technologies qui vont soutenir et développer des activités industrielles existantes.

    143. Pour qu'une exemption, quelle qu'en soit la forme, soit utile, il convient de résoudre un autre problème, à savoir celui du lien entre cette exemption et les règles de contrôle des concentrations en vigueur dans les États membres. Une exemption qui aurait pour effet de soumettre les prises de participations en consortium dans des entreprises de croissance/de technologie à des notifications multiples au niveau national serait non seulement incompatible avec le principe du guichet unique, mais alourdirait plutôt que d'alléger la charge réglementaire.

    144. Bien qu'il soit difficile de définir une catégorie d'investissement de capital à risque qui ne susciterait pas de problème de concurrence, la Commission reste ouverte à la possibilité d'élargir la portée de l'article 3, paragraphe 5. Elle invite donc les parties intéressées à lui faire connaître leur avis, et notamment à lui proposer des moyens propres à atteindre l'objectif visé sans porter atteinte à l'efficacité du Règlement. À cet égard, elle leur suggère notamment d'examiner si les propositions qui suivent concernant l'extension de la procédure simplifiée pourraient éviter de devoir résoudre les problèmes supplémentaires que posent les investissements de capital à risque.

    7. Convergence - "Contrôle" ou "groupe"

    145. L'article 3, paragraphe 3 définit la notion de "contrôle" pour déterminer les circonstances dans lesquelles une opération de concentration est réalisée. Ce critère est de nature qualitative et non quantitative et peut être appliqué sur la base du droit et des faits.

    146. L'article 5, paragraphe 4 définit la notion de groupe d'entreprises qui, outre l'entreprise en cause, seront comprises dans l'appréciation des seuils de chiffres d'affaires visés à l'article 1er. Cette disposition a pour objet d'appréhender l'ensemble des ressources économiques mises en jeu dans une opération de concentration.

    147. Dans quelques cas, la compatibilité entre l'article 3, paragraphe 3 et l'article 5, paragraphe 4 a suscité une certaine controverse, qui résulte essentiellement des deux faits suivants:

    - les premier à troisième tirets de l'article 5, paragraphe 4, point b) précisent qu'une entreprise est considérée comme faisant partie d'un groupe si ce dernier dispose soit de plus de la moitié du capital ou du capital d'exploitation, soit du pouvoir d'exercer plus de la moitié des droits de vote, soit du pouvoir de désigner plus de la moitié des membres de son conseil d'administration;

    - le quatrième tiret de l'article 5, paragraphe 4, point b) prévoit qu'une entreprise fait partie du groupe si ce dernier dispose du droit de gérer les affaires de l'entreprise.

    148. Les trois premiers tirets de l'article 5, paragraphe 4 constituent ce qu'on pourrait appeler des critères quantitatifs formels. Le quatrième tiret est davantage axé sur les effets et est donc plus proche du critère qualitatif de l'article 3, paragraphe 3. Par conséquent, si le résultat final des deux types d'analyse peut être identique dans la grande majorité des cas, il est évident qu'il existe des différences entre les deux dispositions et que ces différences peuvent parfois créer une certaine insécurité juridique.

    149. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, le contrôle au sens de l'article 3, paragraphe 3 peut être acquis par une entreprise qui détient nettement moins que la moitié des droits de vote d'une autre entreprise (dans l'hypothèse où elle a néanmoins toutes les chances d'obtenir une majorité à l'assemblée des actionnaires). À l'inverse, il n'est pas certain qu'il y aurait contrôle au sens de l'article 3, paragraphe 3, même après le rachat de, par exemple, 51 % du capital-actions ou du capital d'exploitation (dans l'hypothèse, par exemple, où un autre actionnaire détiendrait plus de la moitié des droits de vote dans l'entreprise).

    150. De la même façon, le libellé de l'article 5, paragraphe 4, y compris de son quatrième tiret, est plus conforme à une situation de contrôle exclusif qu'à une situation de contrôle en commun entre plusieurs entreprises fondatrices.

    151. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission invite les parties intéressées à lui faire savoir si, en pratique, les différences actuelles qui existent entre l'article 3, paragraphe 3, et l'article 5, paragraphe 4 leur posent des problèmes et, dans l'affirmative, si elles jugent utile de fonder également la notion de groupe sur les principes de l'article 3, paragraphe 3. La Commission souhaite également recevoir leurs commentaires sur les inconvénients qu'il y aurait à rapprocher les deux dispositions.

    152. L'une des questions liées à celles qui précèdent concerne la pratique de la Commission, par analogie avec l'article 5, paragraphe 5, d'inclure une partie du chiffre d'affaires des entreprises communes dans le calcul du chiffre d'affaires total du groupe [30]. Bien que cette application par analogie de l'article 5, paragraphe 5, n'ait pas été contestée, il paraît utile de clarifier cette approche dans la disposition elle-même.

    [30] Voir point 40 de la Communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires.

    8. Résumé des conclusions

    153. Les auteurs du présent chapitre ont envisagé différentes modifications possibles de la notion de concentration figurant à l'article 3 du Règlement. Ils ont d'abord analysé cette notion par rapport aux participations minoritaires et aux alliances stratégiques. Si certaines de ces opérations peuvent avoir un effet structurel, ce n'est pas la règle générale et il ne paraît guère possible d'établir cette distinction avec suffisamment de sécurité juridique. Par conséquent, il semble que l'article 81 reste l'instrument le plus adéquat pour apprécier ce type d'opérations.

    154. Dans ce chapitre, les aspects relevant de l'article 2, paragraphe 4, et les entreprises communes d'exercice partiel ont également été examinés. Dans le premier cas, il y a lieu de conclure que si son insertion dans le Règlement en1998 n'a pas permis de déceler beaucoup d'effets induits, cette disposition est conforme au principe du guichet unique et devrait par conséquent être maintenue. En ce qui concerne les entreprises communes d'exercice partiel, il y a lieu de conclure qu'aucun argument convaincant ne justifie l'extension du Règlement à ce type d'opérations.

    155. L'examen du problème des "opérations multiples" a permis de conclure que les dispositions actuelles devraient être modifiées de façon à assurer une application plus cohérente et effective des règles de contrôle des concentrations à trois types particuliers d'opérations de ce genre.

    156. Dans ce même chapitre, les auteurs ont également examiné s'il convenait de limiter l'applicabilité du Règlement à un type particulier d'opérations de capital à risque. Il faudrait toutefois éviter que cette limitation ne compromette l'efficacité du Règlement.

    157. Enfin, les auteurs ont étudié l'opportunité d'harmoniser la notion de groupe de l'article 5, paragraphe 4, et celle de contrôle prévue à l'article 3, paragraphe 3.

    158. Les parties intéressées sont invitées non seulement à présenter leurs commentaires sur les questions qui précèdent, mais également à faire part de leurs observations sur tout autre aspect de la notion de concentration qui mériterait d'être clarifié ou revu.

    III. LES QUESTIONS DE FOND

    A. Le critère de fond

    159. Le critère de fond selon lequel les opérations de concentration notifiées sont appréciées est fixé à l'article 2 du Règlement. Au cours de la présente analyse, certains ont suggéré que la Commission profite de l'occasion pour examiner quels sont les avantages du critère de la position dominante qui y est défini. Aussi bien des raisons de procédure que des raisons de fond ont été avancées pour réévaluer la valeur de ce critère.

    160. Du point de vue procédural, la principale raison alléguée en faveur de cette réévaluation est qu'elle permettrait d'aligner les critères d'appréciation prévus par le Règlement sur ceux qui sont appliqués dans d'autres systèmes juridictionnels importants, comme ceux des États-Unis, du Canada et de l'Australie, qui se fondent sur la notion de diminution substantielle de la concurrence ("le critère SLC"). Cet alignement sur une norme mondiale d'évaluation des concentrations présente certains avantages. Il faciliterait par exemple l'appréciation globale, par les parties à la concentration, des problèmes de concurrence que poseraient les opérations envisagées en leur évitant de devoir, comme c'est le cas actuellement, défendre leur projet selon des critères différents. Les autorités de la concurrence disposeraient à leur tour d'une base plus solide pour fonder la coopération effective dans le cas des opérations notifiées à plusieurs systèmes juridictionnels. Du reste, comme l'adoption d'un critère commun soulignerait davantage son application effective, plutôt que le critère lui-même, il serait possible de mieux mesurer l'efficacité de l'action des autorités de la concurrence et des tribunaux et de faciliter le développement d'activités de recherche et de modélisation en matière de concurrence.

    161. Il convient néanmoins de souligner que la modification du critère prévu par le Règlement présenterait aussi certains inconvénients. Bien qu'il ne faille pas surestimer cet effet, les parties intéressées pourraient, au moins dans une période initiale suivant une réforme de ce genre, éprouver plus de difficultés à prévoir les conclusions probables des procédures de contrôle des concentrations en Europe. Cela s'explique par le fait que la jurisprudence (à la fois la pratique de la Commission et la jurisprudence des tribunaux) s'est formée sur la base du critère de la position dominante prévue par le Règlement. À cela s'ajoute une autre complication résultant du fait que la plupart des États membres (ainsi que les pays candidats) ont aligné leurs règles de contrôle des concentrations sur le critère actuel de la position dominante [31]. Par conséquent, à moins que les règles nationales ne soient également modifiées, un changement du critère de concurrence du Règlement pourrait avoir pour effet malencontreux de renforcer l'alignement sur le plan international tout en accentuant les disparités à l'intérieur de la Communauté.

    [31] On notera toutefois que le Royaume-Uni et l'Irlande envisagent des réformes allant dans le sens de l'adoption d'un critère SLC. De plus, d'autres États membres souhaiteraient analyser les avantages possibles de ce critère.

    162. Quant au fond, le critère de la position dominante et le critère SLC présentent de grandes similarités. Ainsi, l'application des deux critères suppose une enquête sur la taille du marché en cause ainsi qu'une évaluation des effets que le projet de concentration aura sur le ou les marchés considérés et des contraintes de concurrence auxquelles l'entité issue de la concentration sera exposée. On remarque aussi qu'en dépit de l'écart actuel entre les critères juridiques, la grande majorité des affaires soumises à la Commission et aux autres grands systèmes juridictionnels appliquant le critère SLC témoignent d'une convergence assez poussée dans l'approche de l'analyse des concentrations.

    163. Depuis l'adoption du Règlement en 1989, l'application de la notion de position dominante s'est adaptée à l'évolution de la théorie économique et aux raffinements apportés aux instruments économétriques actuels pour mesurer le pouvoir de marché. En d'autres termes, l'évaluation des opérations de concentration est maintenant moins tributaire qu'il y a dix ans du critère des parts de marché, assez grossier et imprécis. Il est tout naturel que le critère de la position dominante ait évolué de cette manière et l'article 2 s'est montré jusqu'à présent suffisamment souple pour permettre d'analyser les effets des opérations à l'aide de modèles et d'instruments microéconomiques plus complexes mis au point par des recherches économétriques et d'organisation industrielle.

    164. L'exemple sans doute le plus connu de cette évolution est l'interprétation donnée par les juridictions européennes au critère de la concurrence du Règlement, jugé applicable dans des situations de position dominante collective, comme en témoignent les arrêts rendus par la Cour de justice et le Tribunal de première instance dans les affaires Kali und Salz et Gencor.

    165. Certains ont néanmoins fait valoir que le critère SLC serait plus proche de l'esprit de l'analyse économique menée en matière de contrôle des concentrations et serait moins rigide (sur le plan juridique) que le critère de la position dominante. Par conséquent, ils considèrent qu'il convient mieux à un contrôle efficace des concentrations, notamment dans le contexte d'un développement du phénomène de concentration sur le plan industriel. D'autres ont indiqué à l'inverse que l'adoption du critère SLC diminuerait la sécurité juridique.

    166. L'une des questions plus hypothétiques qui ont parfois été soulevées quant à la portée du critère de la position dominante dans le Règlement est celle de savoir s'il permettrait un contrôle effectif lorsque les entreprises sont capables de majorer les prix unilatéralement et donc d'exercer un pouvoir de marché. Le type d'exemple généralement cité est celui d'une concentration entre les deuxième et troisième acteurs d'un marché où ces entreprises sont les substituts les plus proches. Dans un tel scénario, les entreprises parties à une concentration peuvent rester d'une taille inférieure à celle de la première entreprise du marché. Certains font valoir que le critère SLC serait mieux adapté dans ce cas, notamment si les caractéristiques du marché ne permettent pas de détecter une position dominante collective. Quel que soit l'intérêt de cette discussion théorique, la Commission n'a toutefois pas encore rencontré de situation de ce genre.

    167. Pour conclure, l'expérience de l'application du critère de la position dominante n'a pas fait apparaître de lacunes importantes. Elle n'a pas non plus produit souvent de résultats différents de ceux qui découlent de l'application du critère SLC dans d'autres systèmes juridictionnels. Cependant, vu le développement de l'activité de concentration sur le plan international, la Commission pense qu'il est temps de lancer un débat de fond sur les avantages respectifs des deux critères applicables au contrôle des opérations de concentration.

    168. Afin d'ouvrir un débat de grande ampleur sur ces questions importantes, les parties intéressées sont invitées à faire connaître et à motiver leur avis sur les avantages et inconvénients du libellé actuel de l'article 2 du Règlement, ainsi qu'à évaluer l'efficacité de ce critère par rapport au critère SLC.

    169. Étant donné que ces discussions touchent à des principes d'une importance fondamentale pour le droit de la concurrence, non seulement au niveau communautaire, mais également au niveau des États membres, la Commission est consciente de ce qu'il ne sera peut être pas possible d'aboutir à des conclusions définitives dans les délais fixés pour la présente révision.

    B. Efficacités specifiques des concentrations

    170. Certains commentateurs font valoir en outre que le critère de la position dominante ne rend pas suffisamment compte des gains d'efficacité que peuvent produire les concentrations. Or, à ce jour, la question des gains d'efficacité ne s'est posée que dans un petit nombre de décisions prises en vertu du Règlement, et on ne sait pas encore exactement dans quelle mesure ce type de considérations peut être pris en compte. En revanche, certains systèmes juridictionnels prévoient explicitement la prise en compte de gains d'efficacité spécifiques dans le cadre du contrôle des concentrations (voir par exemple les lignes directrices américaines concernant les concentrations horizontales). Ce mode de défense fondé sur les gains d'efficacité permet la réalisation d'un projet de concentration lorsque les avantages pour l'économie qui en découlent sont réputés l'emporter sur le préjudice pour l'économie résultant de la diminution de la concurrence. Ces systèmes, quel que soit le critère de fond utilisé, n'admettent généralement ce type de défense que dans des circonstances assez exceptionnelles où les gains d'efficacité ont toutes les chances d'être répercutés sur les consommateurs et en dépit de l'existence d'une position dominante ou d'une diminution substantielle de la concurrence.

    171. En tout état de cause, la charge de la preuve qu'une concentration donnée a des chances de produire des gains d'efficacité importants incombe tout naturellement à la partie qui escompte ces avantages, c'est-à-dire les parties notifiantes qui, de toute façon, sont le mieux placées pour expliquer la portée des gains d'efficacité ainsi que les raisons pour lesquelles la concentration proposée est nécessaire pour les obtenir.

    172. La Commission suit et soutient le débat en cours sur la question de la prise en compte des gains d'efficacité dans l'analyse des affaires de concurrence [32]. Par conséquent, et indépendamment de la question des deux critères de fond, la Commission invite les personnes intéressées à donner leur avis sur le rôle et la portée que devraient revêtir les considérations d'efficacité dans le domaine du contrôle des concentrations.

    [32] Voir par exemple OCDE/GD(96)65, "L'argument de l'efficience dans les fusions et accords horizontaux".

    C. La procédure simplifiée

    173. D'après le rapport de 2000, l'industrie européenne, certes favorable à une modification conférant à la Commission la compétence pour toutes les opérations ayant des effets transfrontaliers, a également indiqué qu'une approche moins restrictive devrait être adoptée pour les opérations qui ne risquent guère d'avoir des effets négatifs sur la concurrence. Elle a proposé notamment que, pour ce type d'affaires, le niveau d'information requis dans une notification soit limité et que la disposition de l'article 7, paragraphe 1, relative à la suspension de l'opération de concentration n'y soit pas applicable.

    174. En septembre 2000, la Commission a adopté une Communication relative à une procédure simplifiée de traitement de certaines opérations de concentration en application du Règlement sur les concentrations [33]. L'expérience de l'application de ces principes est d'ores et déjà très positive et la Communication a permis d'améliorer nettement l'efficacité du contrôle européen des concentrations.

    [33] Publié au Journal officiel des Communautés européennes du 29 juillet 2000 (JO C 217 du 29.7.2000, p. 32).

    175. Entre septembre 2000 et le 30 avril 2001, 216 opérations ont été notifiées à la Commission conformément au Règlement. Environ 39 % de celles-ci ont pu bénéficier du régime de la procédure simplifiée. La durée moyenne entre la notification et l'autorisation était de 25 jours civils. Par conséquent, si la nouvelle approche n'a eu que peu d'effet sur la longueur de la procédure, rien ne devrait changer, à moins que la règle actuelle de l'article 9, paragraphe 2 (qui donne aux États membres trois semaines à compter de la réception de la copie de la notification pour effectuer une demande de renvoi) ne soit modifiée. Cette modification pourrait être envisagée soit en liaison avec un raccourcissement du délai actuel de trois semaines pour les demandes de renvoi fondées sur l'article 9, comme on l'a vu plus haut dans la section consacrée aux procédures de renvoi. On pourrait également imaginer que l'article 9, paragraphe 2 ne soit pas applicable du tout ou serait applicable, mais avec des délais plus brefs, dans les cas où les parties invoqueraient la Communication sur la procédure simplifiée dans leur notification.

    176. Si le succès de la nouvelle procédure simplifiée est confirmé par l'expérience à ce jour, on peut imaginer d'autres mesures encore pour simplifier les procédures; ainsi, il est prévu de concevoir un formulaire CO simplifié. Ce projet sera entrepris dans le contexte d'une révision plus générale du Règlement n °447/98 de la Commission.

    177. Certains ont fait valoir que la pratique de la procédure simplifiée pourrait être consolidée soit dans le Règlement lui-même, soit sous une forme d'"exemption par catégorie", formulée sur la base des principes sous-jacents de la Communication. L'avantage potentiel d'une telle formule serait d'éviter de devoir instruire les concentrations dénuées d'effets nuisibles et adopter des décisions formelles dans les cas qui ne devraient pas avoir une valeur de précédent significative. Cependant, il est prudent et utile sur le plan de la sécurité juridique de maintenir certaines exigences en matière d'information de la Commission et des États membres.

    178. Sur le fond, certains ont en outre proposé que le Règlement, comme le font d'ores et déjà certaines réglementations nationales, prévoie un seuil de minimis, ce qui éviterait à la Commission de devoir examiner les problèmes de position dominante qui pourraient se poser sur des marchés de taille réduite.

    179. Les parties intéressées sont invitées à préciser de quelle manière un règlement modifié pourrait permettre au mieux de simplifier la procédure en ce qui concerne les questions mentionnées ci-dessus ou d'autres questions connexes. La Commission souhaite en particulier avoir leur avis sur les questions de transparence et de sécurité juridique, mais aussi sur l'un quelconque des points évoqués ci-dessus.

    IV. LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

    A. La notification - le fait déterminant la notification

    180. Selon le rapport de 2000, les représentants de l'industrie estimaient que, dans certaines circonstances, il était nécessaire de clarifier les éléments visés à l'article 4, paragraphe 1, qui déterminent l'obligation de notifier une opération de concentration. Ces notions ont été expliquées dans la Communication de la Commission sur la notion de concentration, datée de 1998. Cependant, eu égard à l'expérience acquise depuis dans l'application du Règlement, la nécessité d'apporter d'autres éclaircissements sera examinée ci-après.

    181. La discussion portera aussi sur la suggestion faite par certains répondants des entreprises de rendre la notification possible même avant les faits déterminants actuellement prévus à l'article 4, paragraphe 1, c'est-à-dire avant la conclusion d'un accord juridiquement contraignant.

    182. Contrairement à d'autres systèmes de contrôle des concentrations comportant une obligation de notification préalable, l'article 4, paragraphe 1, du Règlement fixe explicitement le moment auquel l'opération doit être notifiée. Les entreprises concernées qui ne respectent pas cette règle s'exposent à une amende en vertu de l'article 14, paragraphe 1, point a). Comme il est normalement de l'intérêt des parties d'effectuer la notification le plus tôt possible, afin d'obtenir une décision dans les meilleurs délais, la Commission n'a pas eu en pratique à faire respecter cette obligation d'une semaine [34]. Par ailleurs, selon une pratique bien établie, la Commission ne cherchera pas à faire respecter cette obligation, en admettant que les parties n'entreprennent pas de mettre à exécution l'accord de concentration, de façon à leur laisser le temps d'élaborer et d'effectuer une notification complète. Différentes propositions ont été avancées en ce qui concerne le délai ultime de notification. Ces propositions vont d'une suppression pure et simple des délais de notification à une codification de la pratique actuelle à cet égard, en passant par une modification qui aurait pour effet de faire porter le délai d'une semaine sur la fourniture de renseignements informels sur l'opération, un délai plus long pouvant être accordé pour la notification elle-même.

    [34] Les cas dans lesquels des amendes ont été infligées pour notification tardive comportaient aussi la réalisation de la concentration en violation de l'article 14, paragraphe 2, point b), et de l'article 7, paragraphe 1, voir Samsung et AP Möller.

    183. Certains représentants des entreprises ont proposé que l'article 4, paragraphe 1, soit ou bien annulé, ou bien modifié en ce qui concerne le moment à partir duquel la notification peut être effectuée. En pratique, la Commission a régulièrement admis des notifications sur la base d'un accord entre les conseils d'administration des entreprises en cause, même lorsque celui-ci ne peut être mis à exécution si certaines conditions ne sont pas remplies par la suite, comme dans le cas d'un accord sous réserve d'approbation de l'assemblée des actionnaires. L'une des difficultés d'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, réside dans les pouvoirs différents, d'un pays à l'autre, des organes de gestion d'une société d'engager cette dernière. Ces différences découlent principalement du droit national des sociétés, mais peuvent également s'expliquer par la diversité des traditions contractuelles.

    184. L'argument principal avancé pour assouplir la condition prévoyant l'existence d'un accord qui engage les entreprises concernées est qu'il serait plus facile de coordonner la notification à la Commission avec la notification à d'autres systèmes juridictionnels, aux États-Unis par exemple. Il convient néanmoins d'observer que cette coordination est déjà possible dans le système actuel, par exemple par la notification de l'opération à toutes les autorités compétentes à la date de conclusion d'un accord contraignant. On comprend toutefois dans une certaine mesure que des raisons commerciales peuvent justifier le désir d'entamer chaque procédure réglementaire le plus tôt possible.

    185. La politique actuelle consistant à obliger une partie à effectuer la notification dès la conclusion d'un accord suffisamment contraignant (ou d'une offre publique) se fonde sur un certain nombre d'hypothèses qui restent valables à première vue. À tout le moins, les notifications doivent, comme c'est à ce moment-là que les délais d'enquête commencent à courir, être effectuées dès que des raisons de confidentialité ne restreignent plus la capacité de la Commission de mener une enquête complète sur les opérations en cause [35]. En outre, il peut être préférable de ne pas lancer l'enquête à un stade préliminaire de l'opération si cette procédure met un tiers dans une position avantageuse ou désavantageuse par rapport aux parties notifiantes. La possibilité de procéder aux notifications plus tôt peut également poser un problème d'utilisation efficace des ressources de la Commission (ainsi que de celles des autres parties à de telles procédures). Enfin, si le Règlement permettait d'effectuer une notification à un stade antérieur de la transaction, les parties ne seraient peut-être pas capables de fournir tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de mener à bien l'appréciation initiale dans le délai d'un mois fixé à l'article 10, paragraphe 1.

    [35] Le fait de la notification est publié au Journal officiel des Communautés européennes conformément à l'article 4, point 3.

    186. Quelles que soient ces réserves, la Commission pense qu'il convient d'explorer davantage la possibilité d'assouplir les dispositions en cause de façon à améliorer la coordination des enquêtes en matière de concentrations dans les différents systèmes juridictionnels. Elle invite les parties intéressées à lui faire connaître leur avis sur les avantages ou inconvénients d'une telle approche et en particulier sur la façon d'atteindre l'objectif fixé en évitant les conséquences négatives décrites ci-dessus.

    B. La suspension d'une opération de concentration

    187. Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, une concentration ne peut être réalisée ni avant d'avoir été notifiée ni avant d'avoir été déclarée compatible avec le marché commun (disposition dénommée ci-après "l'obligation de suspension"). Sous certaines conditions, une dérogation à cette règle de suspension est prévue à l'article 7, paragraphe 3, en faveur des offres publiques d'achat ou d'échange. Dans d'autres cas, la Commission peut accorder une dérogation individuelle en vertu de l'article 7, paragraphe 4. Toute violation de l'obligation de suspension est sanctionnée par des amendes substantielles infligées en vertu de l'article 14, paragraphe 2, point b). Au surplus, les opérations visées à l'article 7, paragraphe 5 qui sont réalisées en violation de cette obligation sont nulles, à moins qu'elles ne soient ensuite déclarées compatibles avec le marché commun.

    188. Certains ont suggéré que la liaison entre, d'une part, l'exemption prévue à l'article 7, paragraphe 3, en faveur des offres publiques d'achat ou d'échange et, d'autre part, la situation des autres acquisitions en bourse mériterait d'être clarifiée. Contrairement aux offres publiques, les acquisitions en bourse ne sont pas soumises à des règles contraignantes qui obligent l'entreprise qui fait l'offre à exécuter la transaction à une date déterminée. Les entreprises qui réalisent de telles acquisitions ont néanmoins fait valoir que, pour des raisons pratiques, l'article 7, paragraphe 1 ne devrait pas anticiper sur la réalisation de ces opérations aussi longtemps que les conditions fixées à l'article 7, paragraphe 3 sont respectées. La thèse opposée, à savoir qu'il faudrait respecter strictement l'obligation de suspension prévue à l'article 7, paragraphe 1, est généralement défendue par l'entreprise qui est la cible de l'acquisition.

    189. Comme on l'a vu plus haut dans l'examen de la notion de concentration, il paraît nécessaire d'étendre le champ d'application de l'article 5, paragraphe 2, de façon à englober plus clairement certaines acquisitions en bourse. Les parties intéressées sont invitées à faire savoir si, outre cette modification, il y aurait lieu de clarifier le champ d'application de l'actuelle obligation de suspension à l'égard de telles acquisitions ou d'une manière générale. Dans leurs commentaires, les répondants qui estiment que le délai d'une semaine de l'article 4, paragraphe 1 pourrait être abandonné sont invités à examiner l'effet de cette modification et à préciser quelle devrait être la portée de l'obligation de suspension.

    C. Le calcul des délais

    190. L'un des aspects les plus importants du Règlement est qu'il établit un système de délais brefs et définitifs pour l'appréciation des opérations de concentration notifiées. Ainsi, il contient plusieurs articles qui précisent le moment auquel certains événements doivent se produire. Ces délais sont actuellement exprimés en mois, en semaines et en jours. La Commission a fourni des informations plus détaillées sur le calcul de ces délais dans son règlement d'application, qui fixe également le principe de la récupération des jours de congé.

    191. Vu l'importance du respect de ces délais pour la procédure de contrôle des concentrations et afin d'améliorer la transparence dans leur calcul, il paraît opportun d'envisager une méthode de calcul plus simple. Cette simplification pourrait être réalisée par le recours à la notion de jours ouvrables dans toutes les parties du Règlement où cette notion est évoquée.

    192. On notera que la notion de jours ouvrables est déjà utilisée par certaines autres autorités de la concurrence. En ce qui concerne le délai le plus important du Règlement, la notion de jours ouvrables pourrait donner à titre indicatif 23 à 25 jours ouvrables pour l'appréciation normale de la première phase [36]. En même temps, la durée normale de la seconde phase serait fixée à environ 90 jours ouvrables, avec des délais intermédiaires, par exemple pour proposer des mesures correctives.

    [36] Eu égard à la discussion de l'extension possible de la procédure simplifiée (voir plus haut), il serait raisonnable d'adopter un délai de 25 jours ouvrables pour les autres opérations, qui impliqueraient, par définition, une analyse de fond de leurs effets sur la concurrence. Par comparaison, on notera que la proposition actuelle de révision du système britannique de contrôle des concentrations instituerait un délai de 30 jours ouvrables.

    193. Les parties intéressées sont invitées à faire connaître leur avis sur les avantages de l'adoption des jours ouvrables dans le Règlement.

    D. L'efficacité administrative

    194. Aux termes de l'article 19 du Règlement, la Commission transmet dans un délai de trois jours ouvrables aux autorités compétentes des États membres copie des notifications. La date de réception de la notification par les États membres est importante puisqu'elle détermine la période dans laquelle une demande de renvoi en vertu de l'article 9 doit être faite.

    195. On peut se demander si ces règles permettent l'utilisation la plus efficace du temps et des ressources, d'autant plus que des améliorations majeures ont été apportées dans les moyens de transmission de l'information et des documents depuis la conception initiale des règles en question.

    196. Il paraît donc opportun d'examiner s'il ne faudrait pas modifier ces dispositions de manière à ce que les notifications soient soumises directement par les parties notifiantes aux autorités compétentes des États membres. Les parties intéressées sont invitées aussi à se prononcer sur les moyens permettant d'assurer la transmission sûre et fiable des documents, ainsi que la notification des opérations de concentration par voie électronique.

    E. L'obligation de fournir des informations complètes

    197. Les consultations préalables au rapport de 2000 ont également fait ressortir que la sécurité juridique des parties notifiantes pourrait être renforcée par la clarification de certains aspects de la procédure prévue par le Règlement. Un assez grand nombre d'intervenants estiment qu'il faudrait fixer le délai légal dans lequel la Commission peut déclarer qu'une notification qui lui a été soumise est incomplète (cette déclaration détermine le nouveau début du délai d'un mois, conformément à l'article 4, paragraphe 2, du Règlement d'application (CE) n° 447/98 de la Commission). Diverses propositions ont été avancées quant à la durée de ce délai (de une à trois semaines suivant la notification).

    198. Suivant un dialogue constructif entre la communauté juridique en Europe et les représentants de la Commission, un code de bonnes pratiques a été élaboré en 1999, qui peut être consulté sur le site de la Commission [37]. Les discussions ont fait ressortir que, de toute évidence, la Commission, de même que les milieux d'affaires et la communauté juridique, souhaiteraient réduire le plus possible le nombre de cas où la Commission doit déclarer la notification incomplète. Les participants ont néanmoins reconnu que les parties notifiantes ne pourraient pas suivre ce code dans toutes les circonstances et que, dans certains cas, la Commission serait effectivement contrainte de déclarer la notification incomplète.

    [37] Voir http://europa.eu.int/comm/competition/mergers/others/best_practice_gl.html.

    199. La Commission a été moins souvent amenée à déclarer des notifications incomplètes depuis la publication de ce code de bonnes pratiques de 1999. Entre 1997 et 1999, la part de notifications déclarées incomplètes est restée stable autour de 10 à 11 %. En l'an 2000, elle est tombée à 6 % et pour 2001, on s'attend à une nouvelle réduction. L'une des raisons principales qui expliquent cette évolution favorable est le recours accru des entreprises, ces dernières années, aux contacts préalables à la notification avec la task force Concentration, comme le préconise d'ailleurs le code.

    200. Il convient d'examiner avec soin la suggestion visant à rendre le système plus rigide. Il faut admettre notamment qu'un système moins souple pourrait compromettre une utilisation efficace des ressources de la Commission et donc, en dernière analyse, la protection de la concurrence. Il faut se demander au demeurant si la fixation d'un délai légal pour déclarer une notification incomplète serait nécessairement à l'avantage des parties notifiantes. Si un nouveau problème surgit après la notification, la Commission mettra de toute évidence tout en oeuvre pour le résoudre en poursuivant l'enquête pendant le temps qui lui reste. Or, il est probable que dans certains cas, faute de pouvoir déclarer que la notification est incomplète, la Commission serait contrainte d'ouvrir une enquête approfondie. Le cas pourrait se présenter même si les parties ont fait tout leur possible pour divulguer pleinement et ouvertement tous les faits en cause dans la notification. Étant donné que l'ouverture d'une enquête approfondie déclenche automatiquement diverses étapes procédurales (audition, comité consultatif, traductions, adoption de la décision par le Collège des commissaires), l'expérience montre qu'il est très difficile de mener à bien la procédure dans un délai beaucoup plus court que les quatre mois prévus.

    201. Par conséquent, s'il fallait durcir le système en instaurant un délai pour déclarer une notification incomplète, les parties notifiantes risqueraient davantage un allongement de la procédure. Dans une telle situation, la seule option qui s'ouvrirait à elles pour l'éviter serait de retirer la notification et de renotifier l'opération. Cette démarche entraîne non seulement des coûts supplémentaires et une perte de temps, mais également une insécurité sur le plan contractuel, car un retrait de la notification sans renonciation simultanée à l'opération en cause signifie que les parties notifiantes enfreignent l'article 4, paragraphe 1, ce qui amène à envisager l'application de l'article 14, paragraphe 1, point a).

    202. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission pense que la possibilité actuelle de déclarer une notification incomplète permet d'atteindre un objectif proportionné et adéquat dans les cas, très rares, où elle est utilisée. Les personnes intéressées sont néanmoins invitées à présenter leurs observations sur ce point.

    F. La procédure des engagements

    203. La Commission a reçu des observations aussi bien des représentants des milieux d'affaires que des États membres, qui soulignent la nécessité de revoir les règles de procédure dans le cadre du Règlement. Pour les entreprises, les objectifs les plus cruciaux à cet égard sont en gros l'amélioration de la sécurité juridique et la création d'une atmosphère propice à des discussions utiles. Bien que ces préoccupations concernent surtout la seconde phase, vu le caractère final de la décision prise à ce stade, elles englobent également les discussions sur les engagements à la fin de la première phase. Les intérêts de l'industrie convergent en partie avec ceux des États membres, qui souhaitent généralement modifier le texte de manière à assurer leur pleine participation à la procédure, conformément à l'article 19 du Règlement [38].

    [38] Voir également la Communication de la Commission du 21.12.2000 concernant les mesures correctives recevables conformément au Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil et au Règlement (CE) n° 447/98 de la Commission ("la Communication").

    204. Le calendrier selon lequel les discussions sur les mesures correctives se déroulent dans le cadre du Règlement est compliqué. Il diffère d'ailleurs selon qu'il s'agit de la première ou de la seconde phase. Dans la première phase, les parties notifiantes peuvent proposer des engagements dans un délai de trois semaines à compter de la date de la notification (article 18, paragraphe 1, du Règlement n° 447/98). Dans la seconde phase, elles peuvent le faire dans un délai de trois mois à compter de la date d'ouverture de la procédure (article 18, paragraphe 2, du Règlement n° 447/98). Ces délais sont nécessaires pour laisser à la Commission suffisamment de temps pour consulter les États membres et les tiers intéressés et mener à bien sa propre appréciation de l'affaire.

    205. L'article 18, paragraphe 2 permet de prolonger le délai de trois mois dans des cas "exceptionnels". Afin de faire respecter les délais et de garantir l'égalité des règles du jeu, cette disposition doit être interprétée strictement. Elle peut être appliquée dans les cas où les parties notifiantes, sous l'effet de facteurs extérieurs sur lesquels elles n'ont aucune influence, sont incapables de soumettre les mesures correctives dans les délais prescrits [39]. Cette disposition ne saurait toutefois constituer une solution aux contraintes exposées ci-après.

    [39] Voir par exemple la décision prise par la Commission le 13.10.1999 dns l'affaire COMP/M.1439, Telia/Telenor, JO L 40 du 9.2.2001.

    206. Ces délais prévus à l'article 18 visent à réserver un temps suffisant aux trois acteurs participant à la procédure, c'est-à-dire la Commission, les milieux d'affaires (parties notifiantes et tiers) et les États membres, pour produire des contributions de bonne qualité. Cette relation impose des contraintes particulières quant à l'organisation et aux aspects procéduraux du système européen de contrôle des concentrations. Ces dispositions devaient en effet répondre au souhait d'obtenir une solution équilibrée, présentant des garanties de procédure acceptables pour toutes les parties intéressées, tout en limitant le plus possible la durée de la procédure.

    207. Pendant la seconde phase, les parties notifiantes peuvent éprouver des problèmes du fait que le délai de trois mois intervient souvent deux à trois semaines ou, en tout état de cause, peu après l'audition. En d'autres termes, elles peuvent avoir à se préparer à des discussions sur les engagements au moment même où elles doivent absorber le contenu de la communication des griefs que la Commission leur a adressée en vertu de l'article 18 et préparer l'audition. Les représentants des milieux d'affaires ont indiqué que la procédure devrait séparer plus nettement le délai dans lequel ils doivent absorber les griefs de la Commission et préparer leur défense et le délai dans lequel ils doivent se préparer aux discussions sur les mesures correctives.

    208. Cette position, légitime en soi, des parties notifiantes amène souvent ces dernières à soumettre leurs engagements le dernier jour du délai de trois mois. De ce fait, la Commission ne dispose elle-même que de très peu de temps pour mener les consultations nécessaires avec les États membres et les tiers intéressés avant d'élaborer un projet de décision à discuter au comité consultatif. Dans tous les cas, sauf circonstances exceptionnelles, la Commission ne sera pas en mesure d'inclure une analyse complète de la proposition dans le projet adressé aux États membres, à moins que les engagements proposés ne soient clairs et directs et/ou n'aient été soumis bien avant le délai fixé [40].

    [40] Selon l'article 19, paragraphe 5, les États membres sont normalement en droit de recevoir l'avant-projet de décision 2 semaines avant la réunion du comité consultatif.

    209. Pour les raisons qui précèdent, les règles de procédure actuelles pourraient être modifiées afin de donner à toutes les parties plus de temps pour pouvoir bien évaluer les moyens de résoudre le problème de concurrence constaté. Afin de ne pas établir de procédures excessivement longues et complexes, il serait bon que les nouvelles dispositions ne soient mises en oeuvre qu'à l'initiative des parties et sous l'effet direct du droit. En même temps, le système doit encourager les parties à effectuer les notifications dans des délais qui n'empiètent pas trop sur le temps dont disposent les États membres ou la Commission.

    210. L'expérience a également montré qu'en ce qui concerne les engagements de la première phase, le délai de trois semaines dans lequel les mesures correctives doivent être proposées est parfois trop court pour mesurer exactement les problèmes de concurrence qui se posent. De la même façon, le temps qui reste après l'expiration de ce délai peut soumettre à des contraintes excessives l'appréciation des propositions qui sont soumises. Ces facteurs peuvent affecter les parties notifiantes si elles éprouvent des difficultés à formuler une proposition adéquate dans les délais prescrits. Pour la Commission et les États membres également, le système actuel peut comporter des inconvénients; ainsi, il raccourcit à l'excès le délai dans lequel ils peuvent se former une opinion sur les propositions qui leur sont soumises. Il paraît donc utile de prévoir également la possibilité de prolonger dans certaines limites le délai de la première phase, à l'initiative des parties.

    211. Si les modifications décrites ci-dessus sont adoptées, il faudra également modifier la Communication sur les mesures correctives.

    1. La modification de la procédure applicable

    212. Une prolongation pure et simple serait probablement disproportionnée puisqu'elle pénaliserait les parties notifiantes qui, selon les règles actuelles, présentent bien à temps des propositions appropriées. Une simple prolongation risquerait en tout cas, sauf modification du calendrier et des mesures d'incitation, de ne faire que retarder le problème. La solution consisterait apparemment à encourager les parties à soumettre des engagements adéquats bien à temps, tout en prévoyant un délai supplémentaire limité, souvent nécessaire entre l'audition et le délai fixé pour communiquer les engagements. Le système devrait de toute évidence aussi être structuré de manière à empêcher les parties d'empiéter sur le temps nécessaire aux États membres et à la Commission pour procéder à une évaluation appropriée.

    213. Or, une disposition de suspension pourrait remplir ces critères. Elle apporterait une solution proportionnée au problème du manque de temps de la Commission et des États membres lorsque les propositions d'engagement sont présentées vers la fin des délais prévus (ou sont modifiées après ces délais).

    214. Toutefois, afin de ne pas rendre la procédure inefficace, ce qui serait inacceptable, ou d'éviter qu'elle ne soit tournée, une disposition de ce genre devrait être assortie de sauvegardes procédurales. Ainsi, pour la seconde phase, il faudrait respecter le principe fondamental qui veut qu'une demande de suspension soit présentée dans le délai initial de trois mois. De plus, pour que la procédure reste efficace, la nouvelle disposition ne devrait être appliquée qu'à la demande des parties. Elle devrait en outre se fonder sur le principe que le délai ne peut être prolongé que pour une période déterminée de courte durée, par exemple de 20 à 30 jours ouvrables, le délai supplémentaire étant réparti proportionnellement entre toutes les parties intéressées. Pour que l'ensemble du système reste efficace, une période plus longue ne paraît pas souhaitable. Un délai supplémentaire plus bref, réparti également entre les parties et la Commission (par exemple à raison de cinq jours ouvrables chacune), a également été examiné. Cette dernière formule assouplirait le système (par exemple lorsqu'il est probable que l'affaire ne requiert qu'un bref délai supplémentaire), mais le rendrait nettement plus difficile à gérer (en ce qu'il compliquerait la planification des réunions du comité consultatif).

    215. Une disposition de suspension présenterait différents avantages pour la seconde phase de la procédure:

    * elle renforcerait les garanties procédurales des parties en ménageant plus de temps pour la discussion suivant l'audition, où les parties notifiantes et la Commission pourraient examiner plus longuement les problèmes constatés et les solutions possibles;

    * si la première proposition est présentée suffisamment tôt, le temps perdu du fait que les parties notifiantes présentent d'abord une proposition qui n'est pas optimale (par exemple lorsqu'elles croient sincèrement, mais finalement à tort, qu'elles pourront réfuter les objections de la Commission) pourrait être récupéré;

    * cette disposition rendrait la procédure plus transparente en permettant au comité consultatif d'examiner un projet de décision en vertu de l'article 8, paragraphe 2 évaluant la proposition finale des parties (actuellement, un projet de décision en vertu de l'article 8, paragraphe 3 peut bien être le seul document disponible). À cet égard également, les garanties procédurales des parties notifiantes seraient renforcées.

    216. Les "coûts" d'une telle procédure seraient limités. D'abord, pour les parties notifiantes, ce sont leurs propres choix stratégiques qui détermineront si le délai supplémentaire est nécessaire. Pour les marchés, la possibilité d'un délai supplémentaire de 20 à 30 jours ouvrables n'aurait normalement pas d'effet significatif. Deuxièmement, pour la Commission et les États membres, cette procédure exigerait surtout un peu plus de souplesse, car le calendrier des réunions devrait le cas échéant être aménagé, ce qui à son tour compliquerait la logistique des réunions du comité consultatif (salles, traductions, interprètes, etc.). Dans l'ensemble, les effets positifs devraient cependant l'emporter sur ces quelques inconvénients mineurs.

    217. En pratique, le système offrirait aux parties notifiantes des options très claires. La première solution consisterait à proposer un engagement bien avant l'expiration du délai de trois mois, ce qui permettrait d'établir les résultats de l'étude du marché avant la fin du troisième mois de la procédure. Dans l'hypothèse où le résultat serait positif, il n'y aurait pas à demander de suspension et les services de la Commission disposeraient d'un délai suffisant pour élaborer un projet de décision complet en vue de la réunion du comité consultatif. Si, à l'inverse, l'étude du marché donnait un résultat négatif, les parties resteraient libres de demander une suspension pendant que des discussions supplémentaires et l'étude du marché se dérouleraient. Selon cette proposition, les parties recevraient alors un nouveau délai de 10 à 15 jours ouvrables pour trouver une solution adéquate, après quoi la Commission disposerait du même délai pour vérifier si la proposition finale est viable et élaborer un projet de décision complet en vue de la réunion du comité consultatif.

    218. À l'inverse, les parties peuvent décider de ne proposer d'engagements qu'à la fin du délai de trois mois. Dans ce cas, une étude du marché bien conduite peut être impossible avant l'expiration de ce délai. Les parties devraient donc décider s'il y a lieu de demander une suspension sans connaître les résultats complets de cette étude. Si elles décident de formuler cette demande, le reste de la procédure suivra le cours indiqué au paragraphe précédent. Lorsque les parties décident en revanche de ne pas solliciter de suspension, la suite de la procédure dépendra de la viabilité de la proposition. Par conséquent, lorsque la proposition tardive apporte une solution satisfaisante aux problèmes constatés, la Commission reste soumise à des délais difficiles pour élaborer un projet de décision d'autorisation complet bien à temps avant la réunion du comité consultatif. Toutefois, il est rare que cette façon de faire entraîne de gros problèmes, car les mesures correctives acceptables soumises vers la fin du délai de trois mois sont en général très claires. Il en va de même des solutions non satisfaisantes proposées vers le dernier jour du délai de trois mois, lorsque le projet de décision de la Commission se fonderait très largement sur sa communication des griefs, assortie de commentaires supplémentaires sur la proposition et ses lacunes.

    219. Pour la première phase, la nouvelle procédure pourrait très largement se dérouler suivant les étapes décrites ci-dessus. Il incomberait donc aux parties de décider, si, dans un délai limité, à l'expiration du délai de trois semaines, elles pensent qu'il serait utile de demander une suspension pour une période brève et définie afin de discuter d'une proposition nouvelle ou fortement remaniée. Contrairement à ce qui est le cas dans la seconde phase, il y aurait toutefois des raisons de permettre à la Commission de décider d'accepter ou de refuser une demande de suspension. Il serait en effet inefficace sur le plan de la procédure de prendre plus des six semaines actuelles pour la première phase dans les cas où la Commission juge qu'il est impossible d'adopter une décision d'autorisation, même sur la base de la proposition nouvelle ou fortement remaniée. La Commission devrait alors conserver le droit d'arrêter une décision en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), au terme du délai de six semaines.

    220. La Commission invite les tiers intéressés à lui faire part de leur expérience et de leur avis sur la proposition ainsi que, d'une manière générale, sur le fonctionnement de la procédure prévue pour les engagements des première et seconde phases.

    221. Outre les questions évoquées plus haut sur le calendrier de la procédure dans les cas où des engagements doivent être présentés, certains commentateurs ont proposé d'ajouter une modification conférant à la Commission un rôle plus actif dans la définition des mesures qu'elle juge nécessaires pour ne pas s'opposer à un projet de concentration notifié. Les intéressés sont également invités à préciser s'ils considèrent cette modification comme souhaitable, eu égard en particulier aux effets juridiques d'une telle "proposition" ou de son absence (comme dans le cas des interdictions où aucune mesure corrective appropriée ne peut être trouvée).

    G. L'article 8, paragraphe 4

    222. Si une opération de concentration a déjà été réalisée, la Commission peut ordonner, aux termes de l'article 8, paragraphe 4, la séparation des activités regroupées ou la cessation du contrôle commun ou toute autre action appropriée pour rétablir une concurrence effective. De telles décisions, qui sont soumises aux garanties procédurales de l'article 18, peuvent être adoptées en vertu de l'article 8, paragraphe 3 ou par voie de décision distincte.

    223. Le principal scénario où l'application de l'article 8, paragraphe 4 peut être nécessaire est celui dans lequel une opération de concentration a été réalisée en infraction à l'article 7, paragraphe 1. Parmi d'autres scénarios possibles, on peut envisager les offres publiques d'achat ou d'échange, qui ne relèvent pas de l'article 7, paragraphe 1, et les cas qui sont entrés dans le champ de compétence de la Commission par l'application de l'article 22. Enfin, il peut être utile de recourir à cette disposition dans les cas où les parties se rendent coupables d'une violation grave des conditions ou des charges qui avaient permis à la Commission d'approuver l'opération en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point b), ou de l'article 8, paragraphe 2. Dans ce dernier scénario, la violation entraînerait l'illégalité automatique (si une condition n'est pas respectée) ou la possibilité de révoquer la décision autorisant l'opération (si les parties contreviennent à une charge, aux termes de l'article 8, paragraphe 5). On peut toutefois envisager des situations où, pour des raisons de sécurité juridique, il faurait consigner ces constatations tout en élaborant le type de mesures qui seraient nécessaires pour rétablir une concurrence effective.

    224. Certains ont suggéré que l'article 8, paragraphe1, aux termes duquel chaque procédure engagée en application de l'article 6, paragraphe 1, point c) est clôturée par voie de décision conformément à l'article 8, paragraphes 2 à 5, limiterait l'applicabilité de ces dispositions aux cas où l'opération a été notifiée et où la seconde phase de la procédure a été engagée. La Commission ne partage pas cette interprétation, car elle irait à l'encontre de l'objet même et de la lettre de l'article 8 et notamment de son paragraphe 4, qui contient l'expression "une opération de concentration", sans limiter la compétence de la Commission aux opérations de concentration "notifiées" (terme qui se retrouve ailleurs dans le Règlement, comme à l'article 6, à l'article 8, paragraphe 2, à l'article 9, paragraphe 1, etc.) et habilite la Commission à agir "par voie de décision distincte", possibilité qui serait sans objet si elle ne pouvait agir que dans le cas des opérations de concentration interdites par l'article 8, paragraphe 3. La Commission invite néanmoins les parties intéressées à lui faire savoir si, selon elles, il conviendrait d'améliorer le libellé de l'article 8, paragraphe 4.

    H. Les dispositions d'exécution

    225. Au cours des consultations préalables au rapport de 2000, certains États membres ont suggéré de rendre les dispositions d'exécution du Règlement plus efficaces. Ces dispositions s'appliquent à deux points essentiels: les pouvoirs d'enquête (articles 11 à 13) et les pénalités (articles 14 à 15). Lors de l'adoption du Règlement, elles ont été conçues en suivant étroitement le modèle des dispositions du Règlement n° 17 régissant les mêmes aspects. La proposition de la Commission concernant la modernisation des articles 81 et 82 a prévu un certain nombre de modifications visant à préserver la concurrence. Dans la mesure où ces ajustements portent sur des questions d'importance similaire pour la procédure de contrôle des concentrations, il semble adéquat d'apporter les mêmes modifications au Règlement. Suivant l'ordre de la proposition de modernisation, les points suivants pourraient être modifiés et/ou insérés dans le Règlement:

    * les enquêtes de marché. Conformément au Règlement, la Commission devrait pouvoir non seulement mener des enquêtes sur la base d'une notification donnée, mais également réaliser des études plus générales, notamment après la réalisation de l'opération. De telles études permettent de collecter des informations utiles sur les effets des décisions prises et donc être utilisées pour aménager la politique future;

    * une disposition précisant que les entreprises restent responsables de l'exactitude des informations fournies par leurs représentants autorisés (juristes);

    * le pouvoir de recueillir des déclarations. La procédure de contrôle des opérations de concentration, qui fixe des délais très brefs, est particulièrement adaptée à l'enregistrement des déclarations orales et à leur utilisation à titre de preuve. On estime en effet que ce système peut renforcer considérablement l'efficacité de l'enquête sur les faits dans les affaires de concentration;

    * les vérifications. La Commission n'a effectué de vérifications en vertu du Règlement qu'à titre exceptionnel. Toutefois, il n'y a pas de raison pour ne pas renforcer ces dispositions selon les mêmes lignes que pour les articles 81 et 82;

    * les enquêtes par les autorités nationales de la concurrence. Dans le contexte des articles 81 et 82, cette disposition sera modifiée de façon à permettre à un État membre de mener des enquêtes sur son propre territoire au nom de l'autorité de la concurrence d'un autre État membre. Cette modification n'a pas d'équivalent dans le Règlement, qui, contrairement aux articles 81 et 82, est fondé sur un système de compétence exclusive;

    * les amendes. Il conviendrait, également dans le contexte du Règlement, d'adopter un mode de calcul en pourcentage des amendes pour infraction aux règles de procédure (jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires annuel). En outre, il conviendrait d'ajouter à la liste de l'article 14, paragraphe 2, point a), de ce Règlement l'inexécution d'une charge imposée par voie de décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 2, du Règlement;

    * les astreintes. Il conviendrait, également dans le contexte du Règlement, d'adopter un mode de calcul en pourcentage des astreintes (jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen). Là encore, il conviendrait d'ajouter à la liste de l'article 15, paragraphe 2, point a), de ce Règlement l'inexécution d'une charge imposée par voie de décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 2, du Règlement;

    * de surcroît, les délais très courts fixés par le Règlement justifieraient, au moins dans certaines circonstances, le droit pour la Commission d'adopter une décision exigeant la fourniture de certaines informations sans avoir fait d'abord une demande non assortie de sanctions. Une disposition de ce genre permettrait à la Commission d'appliquer directement l'article 11, paragraphe 5, du Règlement, par exemple lorsqu'il y a des raisons de supposer que la partie intéressée ne fournira pas de réponse complète dans les délais requis.

    226. La Commission invite les tiers intéressés à lui faire part de leur expérience et de leur avis sur les modifications évoquées plus haut.

    I. Les frais de dossier

    227. D'après le rapport de 2000, il fallait réexaminer la question de l'instauration de frais de dossier pour les notifications d'opérations de concentration. Ces frais sont actuellement perçus dans plusieurs États membres (Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Espagne, Irlande et Grèce), ainsi que dans un certain nombre de pays candidats et d'autres systèmes juridictionnels non communautaires, notamment les États-Unis [41]. Dans ces systèmes de droit, les frais de dossier sont souvent justifiés, par le fait que les coûts associés au contrôle des concentrations incombent aux parties à l'opération.

    [41] On trouvera à l'Error! Reference source not found., section B, une comparaison des frais de dossier perçus dans différents systèmes juridictionnels.

    228. Des études sur d'autres systèmes juridictionnels révèlent qu'il existe essentiellement deux options pour l'instauration de frais de dossier. Ceux-ci doivent soit être perçus sous la forme d'un montant fixe par notification, soit être fixés proportionnellement à la complexité de l'opération notifiée. Dans chaque modèle, les frais peuvent être supportés par l'une ou plusieurs des parties intéressées. Quelle que soit la formule retenue, un principe de base doit être respecté: ces frais doivent être dissociés du budget de l'autorité de la concurrence afin de ne pas susciter une impression de partialité.

    229. Ainsi, la Commission demande de recevoir des commentaires afin de savoir s'il est approprié d'inclure une disposition dans le Règlement habilitant la Commission à instaurer des frais de dossier par voie de règlement ultérieur de la Commission, si et quand elle peut considérer cette mesure comme justifiée.

    230. Il convient de noter en outre que la Commission participe activement aux discussions en cours sur le plan international sur les effets de l'instauration de frais de dossier par un grand nombre d'autorités de la concurrence dans le monde entier, évolution qui suscite une certaine préoccupation dans les milieux d'affaires. La Commission se réjouit que l'instauration de frais de dossier dans les affaires de concentration soit examinée sur le plan international et pense qu'un rapprochement futur sur le plan international dans ce domaine pourrait, le cas échéant, être utile.

    231. La Commission invite les parties intéressées à commenter ce point et à lui faire part de leur expérience des frais de dossier dans d'autres systèmes juridictionnels.

    J. Les droits de la défense et les mécanismes régulateurs

    232. L'une des caractéristiques les plus utiles et les plus appréciées du Règlement a résidé, dès sa conception, dans sa capacité de fournir des résultats dans des délais très stricts tout en préservant un degré élevé d'efficacité et de transparence.

    La nature et les caractéristiques de la procédure

    233. Les systèmes de contrôle des concentrations en vigueur dans le monde entier combinent de diverses manières valables les éléments administratifs et/ou judiciaires de la procédure. À des degrés divers, certains de ces systèmes comprennent également un élément politique, consistant par exemple dans l'application d'un critère qui ne se limite pas aux préoccupations de concurrence ou, plus directement, dans l'intervention du gouvernement ou des ministres. Il importe de préciser que la procédure établie par le Règlement et son Règlement d'application est de nature administrative et non judiciaire [42]. La fonction apparemment double de la Commission en tant qu'enquêteur et organe de décision est propre à la structure d'une procédure administrative de ce genre et n'a pas été jugée contraire à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Chose plus importante, selon la jurisprudence, la Commission est soumise à un contrôle juridictionnel "effectif" par une juridiction indépendante et impartiale [43].

    [42] Conformément à la jurisprudence, la Commission ne saurait être qualifiée de tribunal au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, affaires jointes C-100-3/80, Musique diffusion française/Commission, Rec. 1983, p. 1825.

    [43] Affaires jointes 100-3/80, op. cit., affaire T-348/94, Enso Espanola/Commission, Rec. 1998, p. II-1875.

    234. La procédure administrative formelle prévoit un ensemble de droits de la défense en faveur des parties, affirmé et précisé par une jurisprudence volumineuse en matière de concurrence des juridictions européennes. La transparence revêt une importance cruciale dans l'ensemble de la procédure et est préservée par divers éléments, tels que l'adoption d'une décision motivée lorsqu'une enquête en profondeur est ouverte, la communication des griefs aux parties, l'accès au dossier, le droit de réfuter les griefs par écrit ainsi que lors d'une audition, et le fait que les décisions finales doivent être dûment motivées.

    235. Sur un plan plus général, la transparence de la politique de la Commission est renforcée par sa pratique consistant à publier des Communications sur des questions juridictionnelles et de fond importantes. De surcroît, le traitement réservé par la Commission aux différentes affaires fait l'objet d'une publication; c'est le cas par exemple des notifications, des décisions d'ouvrir une enquête approfondie et du texte complet des décisions finales.

    236. D'autres services de la Commission et les États membres font jouer des mécanismes régulateurs intérieurs et extérieurs. Les décisions de la phase II, y compris les interdictions, doivent être adoptées par la Commission réunie en Collège. Ces méthodes de travail reflètent la nature et la structure de la Commission dans sa mission de gardienne des traités et d'autorité d'exécution du Règlement. Dans cette optique, il est compréhensible que la structure et le calendrier de la procédure doivent prévoir des aménagements pour les contraintes d'organisation résultant des méthodes de travail de la Commission, c'est-à-dire les consultations interservices et avec les quinze États membres, les traductions et l'interprétation, la logistique des réunions, les auditions et la rédaction finale de la décision (préparation du vote du Collège, signature, etc.)

    237. Les paragraphes qui suivent illustrent brièvement les droits de la défense et les mécanismes régulateurs incorporés dans la procédure d'évaluation des concentrations par la Commission.

    Les droits de la défense

    238. Il convient d'observer d'abord qu'une pratique bien établie de contacts préalables à la notification et un formulaire CO très détaillé permettent à la Commission d'engager une procédure formelle dès la notification et contribuent à rendre plus efficace la procédure qui suit. La Commission peut exercer d'autres pouvoirs d'enquête à l'égard des parties notifiantes et d'autres acteurs du marché pendant la première comme pendant la seconde phase. Le Règlement soumet les demandes de renseignements ainsi que les enquêtes à diverses conditions de procédure formelles (articles 11 à 13). Les informations recueillies ne peuvent être utilisées que dans le but poursuivi par la procédure en question (article 17, paragraphe 1).

    239. Les décisions motivées prises par la Commission en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c) d'engager la procédure d'enquête approfondie sont communiquées aux parties et leur permettront en pratique de prévoir avec précision la portée de la procédure.

    240. La seconde phase de la procédure peut revêtir un caractère plus contradictoire que la première phase; c'est à ce stade que les droits de la défense sont incorporés le plus solidement et le plus explicitement dans le système.

    241. Plus précisément, les parties disposent des droits suivants:

    * Au terme de l'enquête (en gros deux mois avant la décision finale), la Commission doit adresser aux parties une communication des griefs établissant d'une manière claire et détaillée toutes ses objections, afin que les parties sachent exactement les points qu'elles doivent prendre en considération dans leur défense. C'est aussi sur la base de la communication des griefs que les parties peuvent élaborer des propositions de mesures correctives.

    * Après avoir reçu la communication des griefs, les parties peuvent demander à avoir accès au dossier de la Commission afin de vérifier les résultats de l'enquête et d'examiner par elles-mêmes les sources sur lesquelles elle a fondé ses griefs (sous réserve de l'intérêt légitime des entreprises à la protection des secrets d'affaires et des informations commercialement sensibles).

    * Dans leur réponse écrite à la communication des griefs de la Commission, les parties ont le droit de demander une audition formelle, où elles peuvent développer leurs moyens de défense en réponse à la communication des griefs. Les autorités compétentes des États membres assistent à l'audition. L'importance de l'avis des États membres, notamment en vue de l'étape procédurale suivante (c'est-à-dire la réunion du comité consultatif en matière de concentrations) est clairement reconnue par les parties, qui prennent régulièrement des contacts bilatéraux avec les autorités nationales au sujet de l'affaire. Les parties auxquelles la Commission se propose d'infliger une astreinte disposent des mêmes droits de la défense.

    242. Les tiers qui justifient d'un intérêt suffisant (et notamment les membres des organes d'administration des entreprises concernées et les représentants des travailleurs de ces entreprises (article 18, paragraphe 4), les clients, fournisseurs et concurrents) peuvent également demander à être entendus et à présenter leurs observations par écrit.

    243. Il est une catégorie importante de tiers qui ne font que rarement connaître leur avis dans le contexte des procédures de contrôle des concentrations: il s'agit des consommateurs (ou des organisations qui les représentent). Bien que ce problème ne relève pas strictement de la révision du Règlement, la Commission souhaite recevoir des suggestions sur les mesures qu'elle pourrait prendre pour encourager les groupes et organisations de consommateurs à jouer un rôle plus actif en faisant connaître leur avis sur les opérations de concentration relevant du Règlement et affectant leurs intérêts.

    244. La Commission est disposée à entendre les points de vue des employés, y compris pendant la première phase du contrôle des concentrations, dans la mesure du possible des contraintes temporaires liées à ces enquêtes. Dans cette optique, la Commission souhaite également recevoir des suggestions sur la manière dont les employés et leurs représentants pourraient avoir plus de possibilités d'exprimer effectivement leurs points vue sur l'éventuel impact sur le marché de la concentration projetée.

    245. Les auditions sont organisées et présidées par un conseiller-auditeur, dont le rôle consistant à veiller à l'exercice du droit d'être entendu dans le cadre des procédures a été renforcé par une nouvelle décision relative à son mandat [44]. Le conseiller-auditeur fait rapport directement au commissaire compétent sur l'audition. Les observations contenues dans ce rapport portent sur les aspects généraux, notamment la divulgation des documents et l'accès au dossier, les délais de réponse aux communications des griefs, le bon déroulement de l'audition; le cas échéant, le conseiller-auditeur peut formuler des observations sur la poursuite de la procédure (par exemple sur l'abandon de certains griefs). Dans son rapport final (qui est communiqué aux États membres, joint au projet de décision final et publié au Journal officiel en même temps que la décision), il examine si le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les parties ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue et si les enquêtes concernant les effets des engagements sur la concurrence avaient un caractère objectif. Selon ces nouvelles règles, le conseiller-auditeur est directement rattaché au membre de la Commission chargé de la concurrence; il est nommé à l'issue d'une procédure transparente et ne doit pas nécessairement être fonctionnaire de la Commission.

    [44] Décision de la Commission du 23.5.2001 relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence, JO L 162 du 19.6.2001, p. 21.

    Les mécanismes régulateurs intégrés dans le processus de décision

    246. Les États membres apportent un élément crucial de contrôle extérieur à la procédure. Leur rôle est plus formalisé pendant la seconde phase. Alors que, dans la première phase, ils peuvent recevoir des copies de la notification et des documents les plus importants (notamment des engagements) sur lesquels ils peuvent présenter des observations, au cours de la seconde phase, ils sont également réunis au sein du comité consultatif en matière de concentrations, qui se compose de représentants des autorités compétentes. Divers documents, dont un avant-projet de décision et les engagements proposés le cas échéant, leur sont envoyés au préalable. Si les parties soumettent de nouveaux engagements, une nouvelle consultation du comité peut être nécessaire. La Commission attache beaucoup d'importance à son avis, comme en atteste le fait qu'il est publié.

    247. D'autres unités compétentes de la direction générale de la concurrence, ainsi que divers services de la Commission, ont aussi un rôle à jouer et leur contribution est souhaitée tout au long de la procédure, de la phase d'enquête jusqu'à celle de la rédaction et de la motivation de la décision. Le service juridique a pour mission particulière de contrôler les aspects juridiques de l'affaire, aussi bien quant au fond que sur le plan de la procédure. Son approbation préalable est requise avant de pouvoir proposer et adopter un acte ayant des effets juridiques. Lorsque des décisions sur les opérations de concentration sont contestées, le service juridique est appelé à défendre la Commission devant les juridictions européennes. La direction générale des affaires économiques et financières et la direction générale des entreprises ou toute autre direction générale compétente, ainsi que les économistes affectés à la direction générale de la concurrence, apportent leurs compétences techniques, économiques et industrielles à l'analyse réalisée dans les affaires de concentration. Ils sont également appelés à commenter les avis provisoires élaborés aux différents stades de la procédure, tant de la première que de la seconde phase, par l'équipe responsable de l'enquête.

    La modification du cadre procédural actuel

    248. Il doit être possible d'améliorer la procédure actuelle d'appréciation des concentrations, mais, de toute évidence, elle doit rester dans les limites imposées par les traités actuels et les méthodes de travail de la Commission, comme on l'a vu plus haut. Il est essentiel à cet égard de permettre aux intéressés d'apporter des contributions de meilleure qualité au bon moment et au stade voulu de la procédure. Les propositions de réforme doivent également reconnaître que des concessions dans un sens peuvent signifier des restrictions dans un autre. Toute modification de la procédure des engagements (voir plus haut) doit être vue dans cette optique. C'est ainsi que la proposition de la Commission concernant la procédure de la seconde phase permet des concessions, en ce qui concerne les délais très stricts, afin d'améliorer la transparence et la participation de toutes les parties en cause à la discussion des engagements.

    249. C'est dans cet esprit que la Commission examinera les autres suggestions motivées qui lui seraient soumises.

    250. Certains commentateurs considèrent le système actuel de contrôle juridictionnel des décisions en matière de concentrations comme peu satisfaisant et inefficace. La longueur de la procédure devant les juridictions européennes est, selon eux, de nature à décourager les actions et donc à éliminer les contraintes que représente la menace d'un contrôle juridictionnel sur les actes administratifs. Le 6 décembre 2000, le Tribunal de première instance a arrêté diverses modifications de son règlement de procédure afin d'accélérer le déroulement des procédures dans différents domaines, dont le cas échéant le contrôle des concentrations [45]. Comme ces modifications ont pris effet le 1er janvier 2001, il est encore trop tôt pour les évaluer. Remarquons à cet égard que si la réforme des procédures judiciaires ne relève pas de la compétence de la Commission et sort très certainement du cadre de la présente révision, la Commission est favorable à toute autre réforme entreprise par les juridictions européennes pour accélérer la procédure de recours, ce qui aurait aussi l'avantage d'enrichir encore la jurisprudence.

    [45] JO L 322 du 19 décembre 2000.

    251. Quoi qu'il en soit, il y a eu un nombre non négligeable d'actions judiciaires dans des affaires de concentration et, chose plus importante, plusieurs recours formés contre des décisions d'interdiction. Ainsi, sept décisions d'interdiction sur quinze ont été contestées par les parties notifiantes, c'est-à-dire que dans 47 % des cas, la décision de la Commission a été ou est actuellement examinée minutieusement par le Tribunal de première instance [46].

    [46] Au 1er octobre 2001, RTL/VERONICA/ENDEMOL, GENCOR/LONRHO, KESKO/TUKO, BERTELSMANN/KIRCH/PREMIERE, AIRTOURS/FIRST CHOICE, WORLDCOM MCI/SPRINT et GENERAL ELECTRIC/HONEYWELL.

    252. Certains commentateurs ont relevé des éléments d'autres systèmes de contrôle des concentrations qu'ils considèrent comme mieux à même de garantir effectivement un contrôle juridictionnel systématique. Ainsi, dans le système américain, les autorités de la concurrence doivent ouvrir la procédure devant un tribunal fédéral pour suspendre une opération de concentration. L'expérience révèle toutefois qu'un grand nombre d'affaires réglées par voie de transaction extrajudiciaire ne vont pas jusqu'aux tribunaux. De même, les décisions d'interdiction prises dans ce pays ne font pas nécessairement l'objet d'un contrôle juridictionnel, car les parties à la concentration peuvent renoncer à leur projet au moment où les autorités de la concurrence engagent une action [47].

    [47] Entre 1996 et 2001, la FTC (Commission fédérale américaine du commerce) a sollicité une injonction provisoire afin de suspendre la réalisation de 12 concentrations. Sept de ces affaires sont parvenues devant les tribunaux et l'une a été réglée avant le procès. Dans quatre cas, les parties ont renoncé à leur projet après le dépôt d'une plainte (dans quatre autres cas, les parties y ont renoncé lorsque la Commission a décidé de déposer plainte ou après avoir appris l'intention des services compétents de recommander à la Commission de solliciter des mesures provisoires. Par conséquent, au total, le nombre de projets abandonnés pendant la période (8) a été aussi élevé que le nombre d'affaires soumises au tribunal (7). Entre 1996 et 2000, le ministère de la justice a intenté une action devant le tribunal du district dans 80 cas, alors que 126 projets étaient remaniés ou abandonnés avant le dépôt de la plainte, la FTC ayant annoncé son intention de s'y opposer.

    253. Pour conclure et indépendamment du fait que la réforme des procédures judiciaires sort du cadre de la révision du Règlement, la Commission ne pense pas que le système actuel de contrôle juridictionnel soit incapable d'apporter une protection judiciaire adéquate aux entreprises dont les projets en matière de concentration sont contestés en vertu du Règlement. Néanmoins, en restant dans ces limites, la Commission examinera volontiers comment appuyer les suggestions motivées qui lui seraient faites pour améliorer le contrôle juridictionnel des décisions qu'elle rend en matière de concentrations. De la même façon, elle souhaite recevoir des réflexions argumentées sur les avantages du système procédural institué par le Règlement par rapport aux formes de contrôle des concentrations en usage dans d'autres systèmes juridictionnels.

    V. INVITATION À PRÉSENTER DES OBSERVATIONS

    254. La Commission invite les parties intéressées à faire connaître leur avis sur les différents problèmes évoqués dans le présent Livre vert, ainsi que sur toutes les questions intéressant l'amélioration du contrôle des concentrations en Europe.

    255. Ces observations doivent lui parvenir au plus tard le 31 mars 2002 et peuvent lui être communiquées:

    soit par courrier à l'adresse suivante:

    Commission européenne

    Direction générale de la concurrence

    Contrôle des concentrations - Livre vert

    B-1049 Bruxelles

    Belgique

    soit par courrier électronique:

    mtfmergerreview@cec.eu.int

    256. Des exemplaires supplémentaires du présent document peuvent être obtenus:

    http://europa.eu.int/comm/competition/mergers/review

    ANNEXES AU LIVRE VERT

    Annexe I : Questions relatives aux seuils

    Annexe II : Article 9 - Article 22

    Seule la version anglaise des annexes est disponible en pièce jointe à la version originale du Livre vert à l'adresse suivante:

    http://europa.eu.int/comm/competition/mergers/review

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