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Document 32003D0281

    2003/281/CE: Décision de la Commission du 30 octobre 2002 relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de la raffinerie Leuna 2000 [notifiée sous le numéro C(2002) 4038] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    JO L 108 du 30.4.2003, p. 1–7 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

    Legal status of the document In force

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2003/281/oj

    32003D0281

    2003/281/CE: Décision de la Commission du 30 octobre 2002 relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de la raffinerie Leuna 2000 [notifiée sous le numéro C(2002) 4038] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    Journal officiel n° L 108 du 30/04/2003 p. 0001 - 0007


    Décision de la Commission

    du 30 octobre 2002

    relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de la raffinerie Leuna 2000

    [notifiée sous le numéro C(2002) 4038]

    (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    (2003/281/CE)

    LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

    vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

    vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

    après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées(1) et après avoir tenu compte des observations reçues,

    considérant ce qui suit:

    I. PROCÉDURE

    (1) Par lettre du 19 août 1997 enregistrée sous la référence SG(97) D/7156, la Commission a notifié à l'Allemagne sa décision du 23 juillet 1997 d'ouvrir, au sujet de l'aide accordée à la raffinerie Leuna 2000 (Saxe-Anhalt), la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.

    (2) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(2) et la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause.

    (3) La Commission a reçu des observations de la part de quatre intéressés et les a transmises le 6 mars 1998 à l'Allemagne afin de donner à celle-ci l'occasion d'y répondre. L'Allemagne a fait part de ses observations par lettres des 8 avril et 15 mai 1998.

    (4) Le 17 février 1999, la Commission a décidé de délivrer à l'Allemagne une injonction de fournir certaines informations.

    (5) La Commission a écrit au gouvernement allemand en date des 19 août 1997, 4 février, 6 mars, 7 avril, 26 et 29 mai, 23 juin, 15 et 29 juillet, 16 et 17 septembre 1998, 28 janvier, 17 mars, 22 mars, 29 avril, 15 mai et 29 juin 1999, 31 octobre et 27 novembre 2000.

    (6) La Commission a écrit à Elf en date des 31 juillet, 16 et 23 septembre 1998, 4 et 15 janvier, 4 et 24 février, 13 octobre 1999, 21 janvier et 11 avril 2002.

    (7) La Commission a reçu de l'Allemagne des lettres datées des 5 et 18 septembre, 6 novembre 1997, 11 février, 9 mars, 8 et 24 avril, 15 mai, 19 août, 4 novembre, 15 et 20 décembre 1998, 16 et 27 janvier, 8, 9 et 16 mars, 16 et 27 avril, 10 et 31 mai 1999, 2, 10 et 26 juin, 2 juillet et 28 septembre 1999, 6 novembre 2001, 22 février et 17 juillet 2002.

    (8) Elf ou ses représentants ont écrit à la Commission les 31 juillet, 24 août, 12 novembre, 1er et 11 décembre 1998, 5, 26 et 27 janvier, 3 et 7 juin 1999, 18 octobre 2000, 26 novembre, 12 et 18 décembre 2001, 30 janvier, 22 avril et 28 mai 2002.

    (9) En outre, différents entretiens ont eu lieu entre la Commission et les entreprises concernées.

    II. DESCRIPTION DE L'AIDE

    (10) Actuellement, la société Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie GmbH Leuna (ci-après dénommée "Mider") de Leuna (Spergau) a une capacité de 10 millions de tonnes de pétrole brut par an. Le pétrole brut arrive directement par canalisation de Russie, de Rostock et/ou de Dantzig. D'après les renseignements fournis par l'entreprise, celle-ci emploie environ 2550 personnes et ses principaux produits sont l'essence, le gazole, le mazout, le kérosène et le méthanol.

    (11) La présente affaire remonte aux décisions de la Commission du 30 juin 1993 (aides N 109/93 et NN 11/93)(3) et du 25 octobre 1994 (aide N 543/94) qui portaient sur une enveloppe d'aides à verser à la Treuhandanstalt, l'ancien organisme chargé de la privatisation des entreprises de l'est de l'Allemagne qui a été remplacé par la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS). Ces aides devaient être octroyées à Elf(4)/Mider dans le cadre de la privatisation et de la restructuration des raffineries Zeitz/Leuna et du réseau de stations-service Minol. C'est en 1992 qu'Elf a créé Mider, sa filiale à 100 %, pour la construction de la raffinerie Leuna 2000.

    (12) La privatisation et la construction des nouvelles installations faisaient partie du plan de restructuration des anciennes installations chimiques de Leuna. Par sa décision de juin 1993, la Commission a notamment décidé de ne pas soulever d'objections à l'égard de l'aide à l'investissement de 749,3 millions d'euros [1465,5 millions de marks allemands (DEM)] destinée à la construction de la raffinerie. En novembre 1994, elle a approuvé une aide supplémentaire de 20,5 millions d'euros (40 millions de DEM) pour d'autres investissements d'un montant de 102,3 millions d'euros (200 millions de DEM).

    (13) La plupart des aides ont été octroyées au titre de différents régimes d'aides régionales que la Commission avait autorisés. Initialement, l'investissement pour la construction de la raffinerie avait été estimé à 2301 millions d'euros (4500 millions de DEM), ce qui représentait une intensité d'aide brute de 32,56 %. Le total des aides à l'investissement autorisées s'élevait à 769,7 millions d'euros (1505,5 millions de DEM) pour un investissement total de 2403,1 millions d'euros (4700 millions de DEM). L'intensité de l'aide brute étant de 32 % pour l'ensemble du projet, elle était inférieure au plafond de 35 % autorisé pour les grandes entreprises des nouveaux Länder.

    (14) La partie la plus importante du projet global était la construction des installations de raffinage. À cet effet, Mider a conclu avec l'entreprise commune TLT (constituée par le consortium Thyssen-Lurgi-Technip) un contrat de construction à prix ferme et définitif avec livraison clés en mains, appelé "contrat EPC forfaitaire" [lump-sum turnkey EPC(5) contract]. Le prix arrêté avec le consortium TLT pour la construction de l'installation s'élevait à 1692,4 millions d'euros (3310 millions de DEM), tandis que les autres frais concernaient la préparation du projet, l'infrastructure nécessaire et la mise en service de l'installation.

    (15) En 1997, dans le cadre de son obligation de surveillance, l'Allemagne a remis à la Commission un rapport relatif à une étude réalisée en 1996 pour la BvS par la société de conseil Solomon Associates Ltd. Ce rapport devait permettre de fixer le prix d'achat des parts de la nouvelle raffinerie. Par protocole d'accord du 30 avril 1994, la BvS a émis en faveur d'Elf/Mider une option de vente des parts Mider permettant à la BvS d'entrer dans le projet à la demande d'Elf/Mider(6).

    (16) L'étude Solomon parvenait initialement à la conclusion que les coûts indiqués par Elf et sur lesquels reposaient les décisions de la Commission étaient nettement supérieurs aux coûts usuels pour la construction d'une installation comparable. Solomon a calculé les coûts en appliquant une méthode statistique à une installation théorique.

    (17) Le rapport Solomon chiffre le coût usuel d'un contrat EPC à 1207 millions d'euros (2400 millions de DEM). La différence entre le montant calculé par Solomon et le coût calculé sur la base du contrat EPC s'élève à 340 millions d'euros (665 millions de DEM) en tenant compte des ajustements opérés par Solomon(7).

    III. MOTIFS D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2

    (18) Lorsque la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, elle a exprimé des doutes quant à l'exécution de ses décisions d'autorisation initiales et aux renseignements sur lesquels elle a fondé celles-ci. Par voie de conséquence, elle a également exprimé des doutes quant à la légalité des aides. En particulier, la Commission a estimé que les renseignements communiqués par l'Allemagne étaient insuffisants pour dissiper ses doutes au sujet du coût réel de la construction de Leuna 2000 et aux moyens effectivement investis par Elf/Mider(8).

    (19) La Commission considère que les renseignements obtenus jusque-là ne permettaient pas de justifier l'écart entre le montant de l'investissement estimé par Elf et le prix calculé par Solomon.

    (20) La fixation à un montant trop élevé du coût de l'investissement éligible à l'aide aurait pu déboucher sur un montant d'aide supérieur à celui qui était indispensable pour l'exécution du projet, ce qui aurait été contraire au principe de la nécessité de l'aide.

    (21) En outre, il se peut qu'il y ait eu dépassement de l'intensité d'aide autorisée pour les aides à l'investissement dans ce domaine. Si la Commission devait constater que l'aide a été appliquée de manière abusive, elle serait tenue par l'article 88, paragraphe 2, du traité CE d'imposer à l'État membre, par voie de décision, d'annuler l'aide ou de la modifier dans le délai qu'elle fixera.

    IV. OBSERVATIONS D'INTÉRESSÉS

    (22) Après l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a reçu des observations de la part de quatre entreprises intéressées, dont Elf/Mider.

    (23) Un concurrent du secteur des huiles minérales a attiré l'attention sur les effets néfastes du projet Leuna sur la concurrence dans ledit secteur. D'autres observations ont été présentées par le Royaume-Uni, lequel s'est montré préoccupé par le dépassement éventuel du plafond des aides à finalité régionale et a également signalé, notamment au vu des capacités européennes de raffinage, les effets néfastes de l'aide sur la concurrence dans le secteur des huiles minérales et sur le concurrent britannique. Par ailleurs, la Commission a reçu une lettre d'un consortium de deux entreprises russes désireuses d'acquérir une participation dans Mider, qui ont contesté l'affirmation faite dans la décision d'ouverture de la procédure selon laquelle elles auraient renoncé à la participation prévue. Elles ont déclaré que le consortium était disposé à payer un prix correspondant au montant à acquitter par la BvS pour les parts Mider conformément à l'option de vente.

    (24) Les observations d'Elf/Mider concernent les aspects de l'ouverture de la procédure relevant du droit procédural ainsi que des points relevant du droit positif. En ce qui concerne la procédure, Elf/Mider ont déclaré que, dans le cas des régimes d'aide existants, la compétence de la Commission était limitée à l'examen du respect des décisions initiales et que la vérification ne devait pas déboucher sur le réexamen total des aides existantes et de leur compatibilité avec le marché commun. En outre, Elf/Mider estiment que l'ouverture de la procédure d'examen n'est pas justifiée en l'espèce, car elle se réfère essentiellement au rapport Solomon. Or, selon elles, ce rapport a un autre objet, à savoir l'évaluation des parts Mider que la BvS pourrait acquérir, et la thèse Solomon consiste en une évaluation subjective de la question de savoir si le coût de la construction est justifié ou raisonnable en fonction de ce qu'une autre entreprise pétrolière investirait. Selon Elf/Mider, cette évaluation est sans rapport avec le coût effectivement supporté par Mider et est inférieure à celui-ci. La dernière observation d'ordre procédural concerne le libellé de la décision de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2: la communication correspondante de la Commission manque de précision et est partiellement contestable.

    (25) Dans ses observations situées sur le plan du droit positif, Elf/Mieder s'attachent à démontrer que les renseignements dont la Commission disposait pour les décisions initiales relatives aux aides d'État destinées à la raffinerie Leuna 2000 étaient exacts et que les investissements ont été effectués comme prévu. En outre, les régimes d'aides à finalité régionale ont été convenablement gérés. Toujours selon Elf/Mider, ni le montant de l'aide ni l'intensité d'aide approuvée par la Commission n'ont été dépassés.

    (26) Elf/Mider déclarent en outre que les conditions de l'option de vente sur les parts Mider prévue dans le protocole d'accord de 1994 ne sauraient faire l'objet de la présente procédure. Selon elles, en effet, l'option de vente fait déjà partie du compromis signé le 30 décembre 1997 entre Elf et la BvS et qui fait l'objet d'une procédure spécifique (N 94/98). Par conséquent, les questions relatives au protocole d'accord et à l'option de vente sont sans objet pour la présente procédure.

    V. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

    (27) L'Allemagne a fourni des éléments relatifs au coût réel de la construction et des explications sur la justification des frais supplémentaires. Elle a en outre déclaré que le prix forfaitaire ferme et définitif était justifié, parce que la raffinerie devait être construite très rapidement et que les impondérables devaient être intégrés.

    VI. ÉTUDE DES EXPERTS - INJONCTION DE FOURNIR DES INFORMATIONS

    (28) En cours d'examen, la Commission a commandé une étude indépendante destinée à vérifier le coût de construction de la raffinerie. Elle a confié cette étude en juillet 1998 à la société milanaise Parpinelli Tecnon, une entreprise du groupe Tecnon Consulting. Ces consultants extérieurs ont été chargés de vérifier si l'aide octroyée par l'Allemagne pour la construction de la raffinerie pétrochimique de Leuna avait été employée dans le respect des décisions d'autorisation de la Commission. L'étude de Tecnon devait être axée sur deux grands pôles. Il s'agissait, en premier lieu, de déterminer la valeur de la raffinerie et du contrat de construction conclu entre Elf/Mider et le consortium TLT et, en second lieu, de vérifier les paiements effectifs pour l'ensemble du projet et de les comparer au plan initial sur lequel la Commission avait fondé sa décision.

    (29) Au mois de janvier 1999, Tecnon a remis un rapport intermédiaire qui a confirmé que le total des coûts éligibles du projet d'investissement, comme prévu dans les décisions initiales de la Commission, s'élevait à quelque 2403,1 millions d'euros (4700 millions de DEM)(9). Ce montant comportait 1730,7 millions d'euros (3385 millions de DEM) pour le consortium TLT qu'Elf/Mider avaient chargé, par le contrat EPC, de la construction clés en mains de la raffinerie.

    (30) Tecnon a eu libre accès aux données comptables et financières d'Elf/Mider relatives à la construction de Leuna 2000. En revanche, la société de conseil n'a pas eu accès aux documents de TLT et à d'autres données qui ne concernaient pas directement l'étude.

    (31) Ne disposant donc pas de renseignements sur les offres de fournisseurs et sur les factures des sous-traitants, Tecnon a calculé le prix du marché du contrat EPC et de l'investissement à l'aide des données en sa possession concernant d'autres projets de raffinerie. Tecnon a déclaré que cette méthode correspondait en principe à celle que Solomon avait précédemment utilisée pour l'estimation du contrat EPC, à ceci près que la méthode Tecnon a été adaptée à l'installation en cause.

    (32) D'après l'évaluation effectuée à partir des éléments en possession de Tecnon, les sommes payées par Elf/Mider à TLT au titre du contrat EPC et d'autres commandes ont excédé de 700 millions de DEM la valeur du marché des produits et services concernés, ce qui concorde avec l'estimation de Solomon. L'étude conclut cependant que, d'après les documents disponibles, Elf/Mider ont effectivement payé les sommes indiquées. En outre, il a été constaté que les fournisseurs ont perçu les sommes qu'ils avaient facturées et que les investissements ont été conformes au contrat TLT modifié en 1994. Par ailleurs, Tecnon a indiqué que les modifications apportées au contrat pendant la construction peuvent être considérées comme normales pour un projet de cette nature et de cette ampleur.

    (33) L'Allemagne et Elf/Mider ont contesté les résultats de l'étude et la méthode employée. Leur principale objection a été que le rapport Tecnon, à l'instar du rapport Solomon(10), présentait des estimations de la valeur de marché, mais pas le coût réel de construction de la raffinerie. En particulier, l'étude ne tiendrait pas compte des circonstances particulières du projet Leuna 2000. Les critiques ont porté sur l'estimation de la valeur de marché, l'exactitude de l'analyse et le fait qu'une série d'aspects particuliers justifiant les coûts supplémentaires n'ont pas été pris en compte. Il s'agit, notamment, des règles environnementales plus rigoureuses applicables à Elf/Mider, des conditions de l'ancienne installation de Leuna et d'autres dépenses imprévues.

    (34) La Commission a continué à nourrir des doutes sérieux quant à la crédibilité et à l'exhaustivité des renseignements fournis par l'Allemagne. D'après les conclusions du rapport d'expert, le prix à acquitter par Elf/Mider pour la construction de la raffinerie était excessif, de sorte que l'aide n'était pas limitée au strict minimum nécessaire. En outre, la Commission était convaincue que des documents essentiels n'avaient pas encore été présentés. Pour être en mesure d'apprécier de façon inattaquable s'il y avait eu emploi abusif des aides, il lui fallait avoir accès aux documents financiers de TLT et à ses documents relatifs au marché, et notamment les offres des fournisseurs et les factures réelles des sous-traitants.

    (35) Par décision du 17 février 1999, la Commission a sommé l'Allemagne de remettre les offres des fournisseurs obtenues par TLT à l'époque de l'élaboration du contrat EPC et que TLT a utilisées pour fixer le prix du contrat. Par ailleurs, l'Allemagne a été sommée de communiquer des justificatifs des prix payés par TLT à des sous-traitants pour certains travaux ainsi que les factures correspondantes. En outre, TLT devait communiquer des relevés de coûts détaillés et des arrêtés de compte.

    (36) TLT s'est déclarée disposée à communiquer ces documents et Tecnon a réalisé une étude complémentaire dans laquelle ces nouveaux documents ont été compilés et analysés. Les consultants ont estimé que les documents présentés étaient complets et que tous ceux qui étaient cités dans l'injonction avaient été présentés. Au mois d'août 1999, Tecnon a remis une version définitive de son rapport à partir des nouveaux renseignements de TLT.

    (37) Dans cette version, Tecnon constate que la différence de 357,9 millions d'euros (700 millions de DEM) dans le calcul du coût avait été explicitée de manière crédible et était apparemment justifiée par les spécificités de l'installation de Leuna. Les coûts supplémentaires de 400 millions de DEM dus à des besoins plus importants en matières et matériaux de construction, ont été examinés essentiellement à partir de données financières vérifiées(11). Ils s'expliquent par le développement coûteux de l'infrastructure dû à de nombreux facteurs, parmi lesquels la législation allemande, notamment en matière de protection de l'environnement. Ces coûts ont réellement été supportés. Ils se rapportent à des contrats conclus avec des tiers, les sous-traitants, sur la base d'offres faites sur un marché équitable et concurrentiel. D'un montant de 100 millions de DEM, la facture énergétique plus élevée s'explique par des taux homme/heure plus élevés que ceux des données internes de Tecnon. Compte tenu de la structure concurrentielle du consortium TLT, Tecnon n'avait aucune raison de mettre ses taux en doute. En effet, la répartition des produits d'exploitation entre les trois partenaires du consortium est la suivante: Technip et Lurgi perçoivent les produits des prestations d'ingénierie, tandis que la part de Thyssen correspond principalement à un pourcentage du bénéfice net. C'est ce qui explique que Thyssen avait intérêt à contrôler les coûts énergétiques réels. Une tranche supplémentaire de coûts énergétiques de 300 millions de DEM est imputable à un dépassement des dépenses. À partir de son analyse, Tecnon a jugé l'explication de TLT plausible dans son approche. Le dépassement des dépenses a été provoqué par divers facteurs, et notamment la sous-estimation des effets de la nouvelle réglementation en matière de pression pour les canalisations, de la complexité des systèmes, du changement de personnel chez Mider et des nombreuses faillites de fournisseurs.

    (38) Pour Tecnon, il a été suffisamment démontré que la différence entre les chiffres qui lui ont été communiqués et sa propre estimation se situait probablement au-dessous de la marge de précision de son analyse, soit +/- 20 %, et était imputable à des coûts que TLT n'avait pas prévus lors de l'établissement du budget. D'après Tecnon, ces coûts sont difficiles à déterminer lorsque l'on n'a pas une connaissance directe des négociations qui ont lieu entre les fournisseurs et les autorités locales, territoriales et fédérales durant la phase de construction. Tecnon a été en mesure de confirmer que les coûts plus élevés vérifiés par ses soins avaient réellement été engagés par TLT et que le bénéfice indiqué pour TLT dans ce projet n'était pas anormalement élevé, compte tenu des risques assumés par le consortium.

    VII. DÉCISIONS DE LA COMMISSION EN RAPPORT AVEC LA PRÉSENTE ESPÈCE

    (39) Deux décisions de la Commission, qui concernent elles aussi le projet Leuna 2000, doivent être mentionnées dans le cadre du présent examen. Il s'agit de la décision du 1er octobre 1997(12) de ne pas autoriser la prolongation de la loi sur l'encouragement des investissements (C 28/96). Cette loi constituait la base juridique de l'octroi d'une prime fiscale à l'investissement de 184,1 millions d'euros (360 millions de DEM) qui devait couvrir 8 % du coût d'investissement de la raffinerie. Par suite de cette décision, l'aide déjà octroyée à Elf/Mider est devenue illégale et incompatible avec le marché commun, mais les investisseurs l'ont restituée entre-temps. Elf/Mider ont formé devant le Tribunal de première instance un recours en annulation de cette décision (affaire T-9/98). Le 22 novembre 2001, le Tribunal a annulé la décision de la Commission(13) dans la mesure où elle concernait la situation de la requérante. La Commission traitera séparément les effets de cet arrêt, lequel n'aboutira cependant pas à l'octroi d'aides supplémentaires à Elf/Mider (voir à ce propos les points 31 et 37 de l'arrêt dans l'affaire T-9/98).

    (40) Dans l'autre affaire (N 94/98) en rapport avec la présente espèce, la Commission a approuvé par décision du 2 février 2000 un compromis signé le 30 décembre 1997 entre la BvS, le Land de Saxe-Anhalt et Elf/Mider, dans lequel l'Allemagne reconnaît une demande d'indemnisation d'Elf/Mider de 184,1 millions d'euros (360 millions de DEM). La contribution de la BvS devait notamment permettre d'indemniser le droit né du non-respect du protocole d'accord sur l'option de vente conclue le 30 avril 1994 entre les deux parties. En outre, ce compromis prévoyait expressément qu'Elf/Mider étaient tenues de rembourser à la BvS les fonds supérieurs à un montant de 184,1 millions d'euros (360 millions de DEM) qu'elles auraient éventuellement perçus au titre de la prime fiscale à l'investissement de 8 %.

    (41) La Commission estime que la somme de 122,7 millions d'euros (240 millions de DEM) à verser par la BvS ne constituait pas une aide. En revanche, le solde de 61,4 millions d'euros (120 millions de DEM) à verser par le Land de Saxe-Anhalt à titre d'indemnisation de la perte de la prime fiscale prévue par la loi sur l'encouragement des investissements, a été considéré comme une aide. Dans sa décision, la Commission a cependant déclaré que cette aide était compatible avec les règles communautaires en matière d'aides d'État. L'Allemagne s'est engagée à ne pas verser cette somme directement au bénéficiaire, mais à la déposer sur un compte bloqué où elle devait rester jusqu'à l'adoption de la décision finale dans la présente affaire.

    VIII. APPRÉCIATION DE L'AIDE

    (42) D'après les renseignements communiqués par l'Allemagne, le coût d'investissement total éligible pour la raffinerie s'est élevé à 2403,1 millions d'euros (4700 millions de DEM). Les experts de la Commission ont vérifié ces renseignements et n'ont trouvé aucun indice permettant de conclure que ces coûts éligibles étaient d'un montant anormal. Du reste, ce montant a été confirmé par un rapport des autorités du Land de Saxe-Anhalt (Verwendungsnachweisprüfung). Initialement, les aides à l'investissement se sont élevées à 769,7 millions d'euros (1505,5 millions de DEM). L'intensité d'aide du projet a été de 32 %, soit un taux inférieur au plafond de 35 %. Le projet n'a pas bénéficié de concours des fonds structurels communautaires.

    (43) À ce jour, l'aide octroyée pour la construction de la raffinerie s'élève à 585,7 millions d'euros (1145,5 millions de DEM). Ce montant correspond à celui qui avait été initialement approuvé par la Commission, déduction faite de 360 millions de DEM par suite de la décision négative concernant la loi sur l'encouragement des investissements. Si l'on y ajoutait les 61,4 millions d'euros (120 millions de DEM) placés sur un compte bloqué à la suite de la décision relative au compromis, l'aide octroyée pour le projet s'élèverait à 647 millions d'euros (1265,5 millions de DEM).

    (44) Étant donné que le coût d'investissement éligible pour le projet s'élève à 2403,1 millions d'euros (4700 millions de DEM) et que l'aide représente 647 millions d'euros (1265,5 millions de DEM), l'intensité d'aide serait de 26,9 %(14). Selon les renseignements dont la Commission dispose et après examen de ces renseignements, l'intensité d'aide pour ce projet serait nettement inférieure au plafond autorisé pour la région de Saxe-Anhalt, qui est de 35 %. D'après ces calculs, ce plafond ne serait dépassé que si la Commission déterminait que le coût de construction de la raffinerie a été supérieur de plus de 554,4 millions d'euros (1084,3 millions de DEM)(15).

    (45) Ce montant de 554,4 millions d'euros est nettement supérieur à la majoration éventuelle de 357,9 millions d'euros (700 millions de DEM) indiquée dans le rapport intermédiaire de Tecnon. De même, il est nettement supérieur à la différence qui est indiquée dans l'étude Solomon et se trouve à l'origine du présent examen. Les conclusions du rapport final de Tecnon, qui repose sur les chiffres réels de l'entreprise, n'indiquent aucun dépassement de coûts.

    (46) En outre, il a été établi que les coûts indiqués étaient justifiés et correspondaient aux sommes effectivement payées par Elf/Mider, pièces à l'appui. De même, les enquêtes judiciaires et parlementaires effectuées en Allemagne sur les dépenses engagées pour la raffinerie Leuna 2000 n'ont pas révélé d'indication erronée des coûts ni un emploi abusif des aides d'État. Enfin, le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les libéralités des partis, qui a été publié en juillet 2002, ne révèle aucun emploi abusif de fonds dans le cadre de la construction de la raffinerie.

    (47) En ce qui concerne le rapport Solomon, celui-ci avait pour objet le calcul de la valeur de marché des parts sociales en vue de leur cession éventuelle à la BvS. Cette évaluation, qui ne devait pas constituer une estimation du coût de construction réel de la raffinerie, reposait sur des estimations et non sur des documents concrets de l'entreprise. Du reste, le rapport intermédiaire Tecnon reposait lui aussi sur des estimations, car, même si les collaborateurs de Tecnon disposaient de renseignements détaillés d'Elf/Mider sur la raffinerie de Leuna, ils n'étaient pas en possession des données de marchés pertinentes utilisées par le consortium TLT pour la fixation des prix. Après que Tecnon eut obtenu l'accès à ces éléments, la différence entre la première analyse et les coûts fondés sur le contrat EPC a pu être expliquée. En effet, Tecnon est parvenue à la conclusion que l'écart entre les coûts calculés s'expliquait par des éléments plausibles, en intégrant la marge de précision de son rapport.

    (48) En ce qui concerne les observations présentées par des tiers au sujet de l'ouverture de la procédure, la Commission constate que rien n'indique que des aides ont été octroyées au-delà du montant initialement autorisé. Comme on l'a vu ci-dessus, l'intensité de l'aide est nettement inférieure au plafond autorisé. Les conditions de l'option de vente pour la BvS ont été traitées séparément dans la décision relative au compromis de l'année 2000.

    IX. CONCLUSIONS

    (49) Les renseignements communiqués et l'examen effectué par la Commission dans le cadre de la présente procédure ne fournissent aucun indice permettant de conclure à un emploi abusif des aides. Il n'a pas été possible de démontrer un dépassement des coûts éligibles ou l'octroi d'aides supérieures au montant indiqué dans les décisions initiales relatives à l'approbation du projet d'investissement Leuna 2000. En conséquence, les doutes de la Commission quant à la compatibilité de l'aide accordée à Elf/Mider avec l'article 87 du traité CE et l'article 61 de l'accord EEE sont dissipés, de sorte que la Commission peut clore la procédure.

    (50) Comme elle l'a déjà exposé dans la décision relative au compromis, la Commission ne soulève pas d'objections à l'égard du paiement de la somme de 61,4 millions d'euros (120 millions de DEM) actuellement déposée sur un compte bloqué(16). En vertu des dispositions de ce compromis, les montants supérieurs à la somme de 184,1 millions d'euros (360 millions de DEM) doivent être remboursés à la BvS.

    (51) Toutefois, la décision de la Commission de clore la procédure d'examen est subordonnée à la condition qu'elle puisse renouveler l'examen si elle prenait connaissance de faits nouveaux contraires aux conclusions du présent examen,

    A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

    Article premier

    L'aide d'État que l'Allemagne a accordée au titre de la construction de la raffinerie Leuna 2000 et qui a fait l'objet des décisions de la Commission N 109/93, NN 11/93 et N 543/94, est compatible avec le marché commun en vertu de l'article 87 du traité CE. C'est pourquoi l'exécution intégrale des mesures d'aide pour un montant de 647 millions d'euros (1265,5 millions de DEM) est autorisée. Ce montant comprend la somme de 61,4 millions d'euros (120 millions de DEM) qui avait été autorisée dans la décision de la Commission relative au compromis (N 94/98).

    Article 2

    La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

    Fait à Bruxelles, le 30 octobre 2002.

    Par la Commission

    Mario Monti

    Membre de la Commission

    (1) JO C 394 du 30.12.1997, p. 14.

    (2) Voir note 1 de bas de page.

    (3) JO C 214 du 7.8.1993.

    (4) Depuis lors, Elf fait partie de TotalFinaElf SA.

    (5) Engineering, Planning and Construction (ingénierie, planification et construction).

    (6) Le protocole d'accord et l'option de vente correspondante ont fait l'objet de la décision de la Commission du 2 février 2000 relative au "compromis" (N 94/98) entre la BvS, le Land de Saxe-Anhalt et Elf/Mider. La Commission y revient au chapitre VII de la présente décision.

    (7) Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a indiqué un montant de 460,2 millions d'euros (900 millions de DEM); elle n'a cependant pas tenu compte des ajustements de Solomon qui représentaient 235 millions de DEM et réduisaient les écarts.

    (8) Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a également demandé des renseignements sur le contrat d'option de vente qui devait être examiné à une date ultérieure.

    (9) Le coût total réel s'est élevé à 2607,6 millions d'euros (5100 millions de DEM), y compris les intérêts payés durant la période précédant la mise en service.

    (10) En novembre 1998, Solomon a présenté une deuxième mouture remaniée du rapport commandé par la BvS. Dans cette version, le montant estimé a été revu à la hausse, de sorte que la différence entre Solomon et TLT n'est plus que de 181,5 millions d'euros (355 millions de DEM) au lieu des 340,1 millions d'euros (665 millions de DEM) initiaux.

    (11) Il a été constaté que des vérificateurs indépendants avaient vérifié les données financières et les relevés de coûts. Leurs rapports ont été communiqués. Ainsi, la Commission a eu accès aux relevés de coûts certifiés conformes par KPMG.

    (12) JO L 73 du 12.3.1998, p. 38.

    (13) Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie contre Commission, Rec. 2001, p. II-3367.

    (14) Elf/Mider ont indiqué que, en raison de modifications du planning financier et technique du projet, ce taux avait baissé à un niveau situé entre 22 et 24,3 %.

    (15) Ce calcul repose sur la différence entre 35 % de 4700 millions de DEM (1645 millions de DEM) et les 1265,5 millions de DEM effectivement accordés. La différence entre ces deux montants (379,5 millions de DEM) représente le montant de l'aide qui pourrait théoriquement encore être accordée dans le respect de l'intensité d'aide de 35 %. Il correspond à une base d'investissement éligible de 1084,3 millions de DEM.

    (16) Intérêts en sus.

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