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Document 52016JC0031

COMMUNICATION CONJOINTE AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Éléments pour la mise en place d'un cadre stratégique à l'échelle de l'UE visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité

JOIN/2016/031 final

Strasbourg, le 5.7.2016

JOIN(2016) 31 final

COMMUNICATION CONJOINTE AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Éléments pour la mise en place d'un cadre stratégique à l'échelle de l'UE visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité

{SWD(2016) 221 final}


1.    Justification et champ d'application

La réforme du secteur de la sécurité (RSS) est le processus consistant à transformer le système de sécurité d'un pays 1 de manière à fournir progressivement aux individus et à l’État des services de sécurité plus efficaces et se conformant à l'obligation de rendre des comptes, dans le respect des droits de l’homme, de la démocratie, de l’état de droit et des principes de bonne gouvernance. La RSS est une démarche à long terme et de nature politique, dans la mesure où elle touche à l'essence même des relations de pouvoir dans un pays. Elle doit relever de la responsabilité nationale et exige un engagement et une volonté politiques, une coopération interinstitutionnelle et une large participation des parties concernées afin de recueillir le consensus le plus large possible.

Les conflits, l’insécurité et l’instabilité sont généralisés, y compris dans les pays directement voisins de l’UE 2 . Ils sont à l'origine de souffrances humaines et de déplacements forcés, et ont des conséquences désastreuses en termes de développement 3 , tel que cela a été reconnu par la politique de développement de l'UE 4 , dans les travaux sur la sécurité et le développement en général et dans la résolution des Nations unies «Transformer notre monde: le programme de développement durable à l’horizon 2030», notamment l'objectif 16 5 et ses objectifs liés à la sécurité.

L’insécurité et l’instabilité sont souvent engendrées ou aggravées par l’absence de systèmes de sécurité efficaces et responsables. Aider les pays partenaires à réformer leurs systèmes de sécurité soutient les objectifs de l’Union concernant la paix et la stabilité, le développement inclusif et durable, le renforcement des institutions et de la démocratie, l'état de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international 6 . Ainsi qu’il est reconnu dans le programme européen 2015 en matière de sécurité 7 , qui insiste sur le lien étroit entre la sécurité intérieure et extérieure de l’UE, les conflits et l’insécurité dans les pays partenaires, parfois associés à des formes violentes d'extrémisme, ont également une incidence sur la sécurité intérieure de l’UE, ainsi que sur celle des citoyens de l’UE, et sur les intérêts commerciaux et en matière d’investissements de l'UE à l’étranger.

L’action de l’UE en matière de RSS à ce jour est évaluée dans le document de travail conjoint des services 8 accompagnant la présente communication conjointe, qui résume les résultats de différentes évaluations, de rapports sur les «enseignements tirés», d'études et de consultations des parties intéressées de ces 15 dernières années. L’évaluation conclut qu’il est possible d’améliorer la cohérence, la complémentarité et la coordination des capacités et des instruments de l’Union. Elle souligne aussi que la RSS approfondie est complexe et nécessite une détermination s'inscrivant dans la durée, sans préjudice des initiatives à plus court terme qui pourraient être nécessaires pour répondre à des menaces immédiates pour la sécurité.

Les interventions de l’UE dans les domaines diplomatique et financier, militaire et civil, à court et à long terme, devraient être ancrées plus solidement dans un cadre d’appui unique à la RSS, à l’échelle de l’UE, qui tienne compte de l’interdépendance entre politique, sécurité, justice, action humanitaire 9 , développement, conflits et situations de fragilité. En particulier dans les pays fragiles, en développement et en transition, la RSS nécessite un soutien politique, financier et technique des partenaires internationaux. Forte de sa dimension mondiale, de sa vaste panoplie d'outils et d'instruments de politique extérieure, de sa présence bien établie et de son expérience, l’Union européenne est bien placée pour aider les pays partenaires à cet égard, en coordination avec d’autres acteurs internationaux, notamment les Nations unies.

La présente communication conjointe 10 fournit les éléments d’un tel cadre, comme indiqué dans les conclusions du Conseil de mai 2015 11 , notamment aussi pour orienter l’action de l’UE concernant le renforcement des capacités à l’appui de la sécurité et du développement (CBSD) 12 . Elle tient compte de l’approche globale à l’égard des crises et conflits extérieurs 13 en associant la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et tous les autres outils utilisables de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), les instruments de l’action extérieure et les acteurs en matière de liberté, de sécurité et de justice, fusionnant et mettant à jour deux concepts stratégiques de l’UE en matière de soutien à la RSS, auparavant distincts 14 . Elle contribuera à l’efficacité de la stratégie globale en matière de politique étrangère et de sécurité 15 et du programme européen en matière de sécurité 16 . Elle tient également compte des décisions pertinentes de l'OCDE-CAD 17 et, le cas échéant, des directives de l'OCDE-CAD en matière de paix et de sécurité.

Ce cadre:

s’applique à tous les acteurs et instruments de l’Union: instruments politiques, diplomatiques, d’action extérieure, en matière de réaction aux crises 18 et acteurs civils et militaires relevant de la PSDC à tous les niveaux. Les États membres de l’UE sont encouragés à élaborer leurs programmes de RSS bilatéraux dans ce cadre, notamment au moyen d'exercices de programmation conjointe, conformément aux conclusions du Conseil relatives au «renforcement de la programmation conjointe» 19 ;

orientera le choix, la planification et/ou la mise en œuvre/l'exécution de tous les instruments/programmes/projets de l'UE en matière d'action extérieure liés à la RSS, y compris les outils de PSDC assortis de mandats spécifiques et/ou partiels impliquant des activités liées à la RSS. Si l’accent est mis sur le soutien de l’UE aux secteurs de la sécurité dans d’autres pays, la présente communication conjointe met en évidence l’interdépendance entre la sécurité et la justice. Les principes qui y sont énoncés peuvent également s’appliquer à des acteurs de l'appareil judiciaire, lorsque leurs rôles et fonctions ont des implications claires pour le secteur de la sécurité;

s'applique dans tous les contextes, et pas seulement dans les situations de conflit et d'après-conflit 20 , et est suffisamment large pour permettre l’adaptation aux besoins générés par chaque situation spécifique.

2.    Ce que nous voulons accomplir

L’objectif général du présent cadre stratégique au niveau de l’UE est de contribuer à rendre les États plus stables et à assurer plus de sécurité aux personnes. À cette fin, il vise à renforcer l’efficacité des actions de l’Union ayant pour objet de promouvoir et de soutenir:

A.les pays partenaires dans leurs efforts pour assurer la sécurité des personnes et de l’État; ainsi que

B.la légitimité, la bonne gouvernance, l’intégrité et la viabilité du secteur de la sécurité des pays partenaires.

A.    Assurer la sécurité des personnes et de l’État;

Pour être efficace, un secteur de la sécurité nationale doit:

disposer d’un cadre juridique clair et approprié;

être guidé par des stratégies et des politiques adéquates en matière de sécurité et de justice; et

comprendre des institutions bien coordonnées et coopératives, devant être chacune bien structurée et organisée, investie d'un rôle clairement défini, disposant de procédures appropriées et dotée d'un personnel qualifié et de ressources appropriées.

Il doit prendre en compte les fournisseurs de sécurité existants informels ou non gouvernementaux et faire respecter l’état de droit.

Sécurité humaine

Le premier objectif d’un système de sécurité national doit être d’assurer la sécurité des personnes, telle que perçue et ressentie par ces dernières. Cela implique la défense de leurs libertés fondamentales 21 et l'évaluation correcte, de manière participative, des besoins en matière de sécurité des différents groupes, y compris les plus vulnérables. Le système doit répondre aux besoins de sécurité spécifiques des femmes, des mineurs, des personnes âgées et des minorités.

Les réformes entreprises doivent tenir compte de la dimension de genre 22 , afin que les femmes et les hommes aient un accès égal et effectif aux services judiciaires et de sécurité. À cette fin, la formulation ou la révision de politiques de sécurité nationales devraient être étayées par des analyses tenant compte de la dimension de genre. En outre, l'aide apportée aux victimes de violences devrait aller de pair avec des mesures préventives (législation, sensibilisation aux questions de genre dans les structures policières et militaires, lutte contre l'impunité des auteurs de violences).

Prévention et lutte contre les menaces pour la sécurité transnationale

Les systèmes nationaux de sécurité doivent aussi être efficaces dans la lutte contre les menaces pour la sécurité transnationale, telles que le terrorisme et le crime organisé sous toutes ses formes. Parmi les mesures à prendre figurent notamment la mise en place ou le renforcement de la coopération internationale.

B.    Légitimité 23 , bonne gouvernance, intégrité et viabilité

Droits de l'homme, état de droit et principes démocratiques 24

Les acteurs de la sécurité doivent respecter et défendre les droits de l’homme, sans discrimination, dans l'intérêt de l’ensemble de la population et de leurs propres membres. Le secteur de la sécurité doit faire l’objet d’un contrôle démocratique efficace et de surveillance 25 . Il doit fonctionner dans un cadre juridique clair et non ambigu approuvé par le législateur national, comprenant notamment un contrôle efficace exercé par la société civile. Son budget doit faire partie intégrante du budget national et être examiné et approuvé par le législateur, qui doit être en mesure d’exercer une surveillance effective. La consultation et la participation de la société civile devraient devenir une pratique courante dans l’élaboration et le suivi des politiques et actions en matière de sécurité et de justice.

Principes de bonne gouvernance 26

La transparence et l'ouverture doivent s'appliquer et les garanties juridiques doivent être mises en place pour éviter la prise de décisions arbitraires. Les procédures de recrutement et de promotion et les nominations à des postes de haut niveau de la structure chargée d’assurer la sécurité doivent reposer sur des critères clairement définis et accessibles au public. Les chaînes de commandement officielles doivent être respectées. Le classement et la diffusion de documents relevant du secteur de la sécurité ainsi que l'accès à ceux-ci (y compris les passations de marchés) doivent faire l’objet de procédures prévisibles et convenues officiellement. Les informations doivent être accessibles au public, afin d’améliorer la transparence et de faciliter la compréhension. Des limites à l’ouverture et à la transparence peuvent être justifiées pour des raisons d’ordre public bien définies (par exemple, la protection des données), mais doivent toujours être réduites au minimum.

La participation de toutes les parties prenantes au processus de réforme implique que les stratégies et politiques nationales de sécurité soient élaborées dans le cadre d’un processus de consultation ouvert à tous. En particulier, la participation des femmes doit être assurée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies applicables en la matière 27 .

Le secteur de la sécurité proprement dit doit être ouvert à tous. Les forces de sécurité ne doivent exercer aucune exclusion ni discrimination contre un groupe donné. Pour éviter de créer des tensions, l’affectation des ressources doit être accessible au public et justifiée, et doit refléter des rôles/tâches juridiquement définis. Les femmes doivent bénéficier des mêmes possibilités et pouvoir accéder à des postes à responsabilités au sein des forces de sécurité.

Des systèmes de redevabilité interne efficaces, tels que des services d’inspection internes et des audits, doivent être mis en place au sein des différentes institutions chargées de la sécurité, qui devraient également faire l’objet d’un contrôle externe portant sur la conduite des opérations et la gestion financière, exercé par la Cour des comptes nationale et d'autres organes de supervision ou équivalents. Des mécanismes tels que les enquêtes de sécurité, les codes de conduite, les organismes indépendants de traitement des plaintes et le contrôle par la société civile contribuent également à la redevabilité. Afin d’éviter l’impunité, il est important de veiller au respect du principe de l’égalité devant la loi, du refus de l’arbitraire, et de la transparence procédurale et juridique lorsqu’un acteur de la sécurité est traduit en justice. Le mandat de tout système de justice militaire distinct doit être clair et bien défini; dans tous les cas, les civils doivent être jugés exclusivement par des tribunaux civils.

Intégrité et lutte contre la corruption

La confiance entre la population et les acteurs du secteur de la sécurité est essentielle pour garantir l’efficacité de ce secteur. Elle se retrouve fragilisée par toute tentative de corruption, d’abus de confiance, d’extorsion de fonds, de clientélisme et de népotisme. Les ressources financières affectées au secteur de la sécurité doivent être gérées sur la base des principes de bonne gouvernance qui s’appliquent à d’autres secteurs publics. À l’instar d’autres procédures de passation de marchés publics, les achats d’équipements militaires et de police et les services associés devraient être soumis à des procédures, à des contraintes et à des contrôles appropriés. Des stratégies de lutte contre la corruption à l’échelle nationale doivent s’appliquer de la même façon aux acteurs du secteur de la sécurité.

Viabilité

Pour être opérationnelles et efficaces, la législation, les institutions et les procédures de sécurité devront être élaborées sur la base de processus ayant fait l'objet d'une appropriation au niveau national, dans le respect de l’«ensemble de la société» 28 . La détermination des principaux acteurs politiques, de la justice et de la sécurité, et le soutien de la société civile sont essentiels.

En principe, les niveaux d’effectifs, de ressources financières et d’investissement devraient être fondés sur une planification adéquate et être viables sur le plan budgétaire, afin de ne pas compromettre la fourniture d’autres services publics essentiels.

3.    De quelle manière nous entendons y parvenir

L’action de l’UE dans le secteur de la sécurité est fondée sur une série d’éléments et de principes essentiels, notamment les principes d’efficacité de l’aide 29 , qui s’appliquent à la sécurité au même titre qu'à d'autres domaines de coopération.

Comprendre le secteur de la sécurité dans un contexte plus large

Une action de l'UE dans le secteur de la sécurité d’un pays ou d’une région partenaire passera par la compréhension et la prise en compte des règles formelles et informelles qui régissent la manière dont évoluent les acteurs de la sécurité et de la justice. Une appréciation similaire s’impose pour les interactions et les rapports de force entre les acteurs de la sécurité, de la justice et des secteurs non liés à la sécurité, ainsi que pour la dynamique des conflits existante 30 . La sensibilisation au contexte politique, socio-économique, culturel et historique est primordiale.

L’UE devrait fonder son dialogue et son action politiques sur une analyse préalable du secteur de la sécurité du pays concerné et sur la manière dont ils se situent dans ce contexte plus large. Les délégations de l’UE ont reçu pour consigne d'analyser le secteur de la sécurité et de faire rapport sur celui-ci en utilisant les mécanismes de notification existants. Lorsqu'une mission PSDC est présente, cette analyse et cet établissement de rapports seront conjoints, conformément à l'«approche globale». Les ambassades des États membres, en particulier celles qui comptent des attachés de sécurité et/ou de défense, seront invitées à y contribuer en fournissant des informations et une expertise.

Lorsqu’un soutien à la RSS à grande échelle est envisagé, l’UE procédera à une analyse structurée du contexte (par exemple, à une analyse d'économie politique) portant sur l’ensemble des parties prenantes (les acteurs de la sécurité et de la justice, y compris les sources de résistance escomptées, les moteurs du changement et les groupes traditionnellement exclus des institutions compétentes en matière de sécurité et de justice, comme les femmes, les jeunes et les minorités, etc.). Cette évaluation devrait être axée sur les besoins en matière de sécurité tels qu'ils sont perçus et ressentis par les principaux groupes démographiques et sur la manière dont le secteur de la sécurité répond à ces besoins.

L’évaluation devrait inclure une analyse des politiques/stratégies et du budget nationaux existants, des pratiques locales sur le plan judiciaire et de la sécurité, des sources d'insécurité et d'instabilité, des facteurs de risque potentiels, du respect des principes de la gouvernance démocratique et de la sécurité humaine, de l'efficacité avec laquelle la sécurité des personnes est assurée, de la coopération et de la coordination internationales existantes, ainsi que des possibilités de soutien. Elle devrait recenser les problèmes de sécurité spécifiques que l'aide de l'UE pourrait cibler en priorité, de même que les changements auxquels cette dernière peut contribuer. L’UE devrait promouvoir une analyse commune en y associant les sources d’expertise et les acteurs locaux et internationaux concernés. Dans la mesure du possible, les autorités nationales seront associées à ces évaluations et, idéalement, elles les dirigeront. L’expertise en matière d'évaluation par les pairs peut être mobilisée.

En plus d'alimenter la conception du soutien à la RSS, ces évaluations serviront à établir des points de référence permettant de mesurer l'incidence de l'action de l'UE. Elles seront mises à jour régulièrement afin de garder une trace des changements et de conserver leur utilité pour la mise en œuvre du soutien.

Actions envisagées 

Conformément aux instructions, les délégations de l'UE incluront une analyse du secteur de la sécurité dans leurs rapports réguliers (en collaboration avec les missions PSDC si elles sont présentes). L'UE devrait lancer des évaluations plus approfondies du secteur de la sécurité lorsqu'une action significative est envisagée.

En s’appuyant sur les documents méthodologiques existants, le SEAE/les services de la Commission fourniront des orientations sur la manière d’effectuer les analyses du secteur de la sécurité.

Permettre une large appropriation nationale

L'«appropriation nationale» va au-delà de l'acceptation, par un gouvernement, des interventions d'acteurs internationaux. Les réformes engagées ne peuvent être efficaces et viables que si elles trouvent un ancrage dans les institutions nationales (notamment par un engagement budgétaire), si elles font l'objet d'une appropriation de la part des acteurs de la sécurité et de la justice au niveau national et si elles sont considérées comme légitimes par la société dans son ensemble. Autrement dit, les acteurs nationaux devraient diriger le processus et assumer la responsabilité générale des résultats des interventions, tout en bénéficiant des conseils et de l'appui des partenaires extérieurs. L'ensemble des acteurs (étatiques et non étatiques), y compris les groupes marginalisés, devraient donc aussi être associés aux efforts déployés pour dégager progressivement un consensus sur les interventions dans le secteur de la sécurité, sur la base de stratégies qui font l’objet d’une appropriation et d'une acceptation au niveau national, le cas échéant. Ce ne sera pas chose facile, car ces acteurs auront des intérêts divergents et certains résisteront aux réformes.

Dans une situation de crise ou immédiatement après un conflit, lorsque les institutions de l'État peuvent être faibles ou inexistantes, les premières phases de l’aide de l’UE devraient ouvrir la voie à une appropriation nationale sur la base d’un processus participatif incluant la société civile.

Actions envisagées 

Lorsqu'elle mène des actions de soutien à la RSS, l'UE devrait:

-évaluer la volonté politique d'engager des réformes, les sources de résistance probables et la manière dont son appui peut faire émerger des groupes susceptibles de soutenir le processus de changement;

-fonder son soutien sur des politiques, des stratégies et des plans nationaux, ainsi que sur des questions prioritaires, en s’appuyant, le cas échéant, sur les processus nationaux ou les actions en cours;

-associer l'ensemble des parties prenantes, y compris les acteurs non étatiques et ceux de la société civile, depuis la phase d’identification, en vue de dégager le plus large consensus possible sur les interventions.

Avoir une vision plus large

La gouvernance du secteur de la sécurité reflète la situation générale du pays en question sur le plan de la gouvernance et devrait être envisagée dans le cadre d'initiatives plus vastes dans ce domaine. L’UE devrait encourager les gouvernements partenaires et la société civile à intégrer les questions relatives au secteur de la sécurité dans les stratégies de développement pluriannuelles nationales, ainsi qu'à les associer, dans la mesure du possible, aux actions en cours ou prévues en matière de gouvernance dans d'autres secteurs. De même, les dialogues sur les actions à mener en ce qui concerne la gestion des finances publiques et la transparence/le contrôle du budget doivent inclure le secteur de la sécurité.

Les conséquences du soutien à la RSS sur le secteur de la sécurité et au-delà devraient être anticipées. La chaîne pénale et la gestion des frontières sont des exemples manifestes d'une forte corrélation entre divers acteurs de la sécurité et de la justice, nécessitant une approche globale. Cela ne signifie pas pour autant que le soutien de l'UE doive couvrir l'ensemble du secteur de la sécurité du pays partenaire; il peut s'avérer plus efficace de cibler certains points d'entrée plus accessibles, susceptibles d'évoluer de manière positive et/ou qui optimisent l'effet de levier.

Afin de régler les problèmes de sécurité recensés, l'UE peut envisager d'adopter une approche axée sur la résolution des problèmes en élaborant des programmes composés de différentes interventions. Ces interventions peuvent ne pas toutes concerner directement les acteurs de la sécurité et de la justice, mais viseront à associer diverses parties prenantes issues de différents secteurs. Par exemple, les programmes de sécurité urbaine peuvent inclure un soutien aux services de sécurité locaux, à l’urbanisme et à la formation professionnelle des jeunes.

Là où c'est possible, des opérations d'appui budgétaire efficaces et offrant un bon rapport coûts-bénéfices, basées sur des politiques ou des stratégies nationales et sur des indicateurs liés à la sécurité clairs et réalisables, devraient être encouragées pour renforcer l'appropriation et la gouvernance au niveau national, dans le plein respect des lignes directrices sur l’appui budgétaire concernées 31 .

Un dialogue politique et stratégique systématique

Les interventions liées à la RSS devraient s'accompagner systématiquement d'un vaste dialogue sectoriel et être appuyées par un engagement politique de haut niveau. Des références croisées doivent être effectuées avec le(s) dialogue(s) politique(s) et stratégique(s) sur les questions liées aux droits de l'homme, à l'état de droit, à la démocratie et à la bonne gouvernance; le respect des obligations internationales, dans le domaine du  droit international humanitaire, entre autres, s'impose également. Les progrès accomplis en ce sens feront l'objet de contrôles et d'évaluations tout au long de l'intervention. Le dialogue politique et stratégique peut également servir à promouvoir l’appropriation nationale.

Actions envisagées

En cas d'action significative, l'UE et le pays partenaire peuvent débattre des critères de référence et des mécanismes appropriés permettant de procéder à un réexamen régulier et s'entendre sur ceux-ci afin d'évaluer les progrès réalisés en matière de gouvernance et d'efficacité du secteur de la sécurité. Ces mécanismes peuvent prendre la forme d'un instrument non contraignant comportant des engagements politiques 32 ; des dispositions spécifiques seront arrêtées au cas par cas.

Coordonner le soutien de l'UE

Conformément à l’approche globale de l'UE à l’égard des crises et conflits extérieurs, l'ensemble des actions diplomatiques, de développement et de soutien de l'UE au titre de la PSDC devraient être cohérentes, coordonnées, complémentaires, soigneusement planifiées et conformes aux cadres juridiques, stratégiques et institutionnels. L’objectif est de promouvoir l’efficacité du soutien de l'UE à la RSS. Lorsque d’importantes interventions de l’UE dans le secteur de la sécurité sont prévues, l’UE et les États membres devraient répertorier les actions menées en matière de RSS, de préférence avec d’autres acteurs internationaux. Cela permettra d'échanger des informations afin de parvenir à une perception commune du contexte et de recueillir les enseignements tirés et les recommandations qui viendront alimenter le dialogue politique et stratégique, les adaptations à apporter aux programmes en cours, l'élaboration des interventions prévues et les processus de programmation.

Les acteurs de l'UE pourraient également se servir de cet exercice de recensement pour définir conjointement les objectifs communs et élaborer une «matrice de coordination» (coordonnée dans le domaine concerné par la délégation de l'UE), ce qui leur permettrait de définir la planification et les liens appropriés entre le dialogue politique, les activités/instruments de coopération et les possibles missions/opérations PSDC. La «matrice de coordination» serait un document évolutif, s'appuyant, s'il y a lieu, sur les cadres politiques existants pour la gestion des crises (PFCA) et/ou sur les stratégies et cadres de programmation nationaux, y compris dans le cadre de la programmation conjointe.

Les instruments de l’UE font l'objet de différentes procédures décisionnelles et de programmation et de différentes contraintes réglementaires, qui découlent de leurs bases juridiques respectives. Les matrices de coordination de l’UE au niveau national ne modifieront pas ces règles, mais témoigneront plutôt de l'existence d'une compréhension mutuelle entre les acteurs de l'UE pour ce qui est des priorités, des objectifs et des rôles qu'ils pourraient jouer.

Ces «matrices de coordination» permettront de détecter les risques ainsi que de définir les mesures d’atténuation et, dans la mesure du possible, une stratégie de désengagement qui soit cohérente avec le plan national et la capacité financière à long terme du pays partenaire. Elles constitueront la base d’un système de suivi et d’évaluation qui permettra d'évaluer les progrès accomplis et l’incidence du soutien de l’UE. Dans le cas où une stratégie de soutien unique sera élaborée, ces éléments seront examinés directement et approuvés à ce niveau.

Actions envisagées

Une «matrice de coordination» globale de l'UE sera élaborée dans deux pays au moins au cours des deux années suivant l'adoption de la présente communication conjointe, en accord avec les éventuelles matrices existantes de programmation conjointe des bailleurs de fonds.

Assurer la coordination avec d'autres acteurs internationaux

L’UE, en coordination avec les États membres, devrait rechercher des synergies avec d’autres acteurs internationaux et s'employer à établir un consensus avec ces derniers, conformément à l’article 210 du TFUE. À cette fin, une coopération étroite sera recherchée avec les Nations unies, les organisations régionales et les autres organisations internationales (en particulier celles ayant un mandat dans le domaine de la sécurité), les partenaires bilatéraux qui s'occupent de questions liées à la sécurité et, le cas échéant, les ONG internationales spécialisées. Le secteur de la sécurité devrait faire partie intégrante de la coordination sur le terrain entre les acteurs/bailleurs de fonds internationaux. Lorsque cela est possible et s'il y a lieu, les acteurs internationaux devraient envisager d'élaborer leurs actions autour d’une stratégie de soutien unique pour le développement du secteur de la sécurité, faisant l’objet d’une appropriation au niveau national.

Actions envisagées

En s’appuyant sur la «matrice de coordination», l’UE, en concertation avec les États membres et d’autres partenaires internationaux, favorisera une action internationale globale s'articulant autour d'une stratégie de soutien unique dans le secteur de la sécurité, devant être élaborée conjointement avec le pays partenaire.

Faire preuve de souplesse et trouver un équilibre entre les changements systémiques à long terme et les besoins immédiats en matière de sécurité

La transformation d'un secteur de la sécurité est toujours un processus de longue haleine qui doit prendre en compte la spécificité des cultures institutionnelles et la faculté de changement. Cela demande une vision et une action à long terme. Dans chaque contexte spécifique, l’UE doit trouver le bon équilibre et la cohérence adéquate entre ces efforts à long terme et la nécessité de répondre aux besoins les plus urgents, souvent immédiats, des personnes en matière de sécurité.

L’environnement opérationnel pouvant changer rapidement, en particulier dans les États fragiles ou sortant de conflits, certaines actions peuvent être interrompues ou les principes relatifs aux droits de l'homme ou à la gouvernance peuvent être enfreints. Les programmes de soutien à la RSS devront pouvoir être adaptés.

Actions envisagées

Lorsqu'elle mène des actions liées à la RSS, l'UE devrait:

-fixer des objectifs progressifs et réalisables;

-mener des actions à court terme visant à gagner la confiance des acteurs de la sécurité et de la justice, à ouvrir de nouvelles perspectives pour la coopération future et à poursuivre le dialogue politique et stratégique;

-s’adapter à l’évolution rapide des conditions opérationnelles, en particulier dans les États fragiles ou sortant de conflits. Le cas échéant, l’intervention sera mise en œuvre en recourant à la flexibilité permise par les règles et les procédures financières de l’Union;

-planifier les missions PSDC à l'appui de la RSS pour tenir compte de la nécessité d'un engagement durable et à long terme dans le secteur de la sécurité et favoriser une coopération étroite avec les délégations de l'UE.

Mesurer les progrès accomplis: suivi et évaluation

Les principes généraux de suivi et d'évaluation pour les projets et programmes s'appliquent à l'ensemble des interventions dans le secteur de la sécurité; il importe tout particulièrement:

-de définir d'emblée les points de référence;

-d'établir des objectifs et des indicateurs d'impact clairement définis, réalisables et situés dans le temps, liés à des critères clairs, pour mesurer la réalisation des résultats et objectifs; et

-d'allouer des ressources humaines et financières suffisantes pour le suivi interne.

Les actions de suivi et d'évaluation devraient inclure une collecte de données et une analyse qualitatives et quantitatives visant à intégrer les perceptions communautaires et individuelles du changement conformément aux approches de la sécurité humaine axées sur les personnes.

Un suivi rigoureux et des évaluations régulières des interventions en cours permettront à l'UE (et à ses partenaires actifs de pays tiers) de faire le point sur les progrès réalisés, de tirer des enseignements et de réexaminer les actions menées.

Actions envisagées

Le SEAE/les services de la Commission élaboreront conjointement des lignes directrices en matière de suivi et d'évaluation, y compris des indicateurs relatifs au renforcement des capacités dans le secteur de la sécurité et aux actions liées à la RSS, qui seront applicables à l'ensemble des missions et des instruments de l'action extérieure.

Gérer les risques

Le soutien à la RSS comporte des risques, qui doivent être anticipés et vis-à-vis desquels des mesures d’atténuation doivent être élaborées. Parmi ces risques figurent:

i.    une volonté politique de changement insuffisante à l’échelon national

La volonté politique de réforme peut se révéler insuffisante ou superficielle ou s’estomper au fil du temps. L’UE doit se doter des instruments nécessaires pour évaluer le niveau réel de volonté du pays partenaire et planifier son action en conséquence. Dans certains contextes, elle pourrait commencer par de petites interventions visant à renforcer la confiance et la volonté politique nationale, puis élargir son action à un stade ultérieur. Le dialogue avec la société civile peut constituer un point de départ.

ii.    des effets négatifs non désirés

Aucune intervention n’est neutre et le soutien au secteur de la sécurité doit reposer sur une approche visant à «ne pas nuire» 33 et tenant compte des sources sous-jacentes de conflit. Une analyse du contexte aidera les acteurs de l’UE à éviter tout effet négatif non désiré sur la dynamique des conflits. Aussi ces acteurs s’abstiendront-ils:

de reproduire ou d’amplifier involontairement des tensions existantes, par exemple en renforçant des schémas de domination et d’exclusion;

d’introduire des réformes et de fournir des ressources qui favorisent des intérêts particuliers ou se retrouvent engluées dans des systèmes de corruption et de népotisme, et de générer ainsi un mécontentement/une instabilité supplémentaire.

iii.    un risque pour la réputation

Les acteurs de la sécurité bénéficiant du soutien de l’UE peuvent avoir des comportements partiaux, discriminatoires ou abusifs vis-à-vis de la population, ce qui aura des effets négatifs indirects sur la réputation de l’UE. De même, les ressources peuvent tomber entre de mauvaises mains. Une coopération avec les autres acteurs internationaux, axée sur l’évaluation du risque pour la réputation et l’élaboration de mesures d’atténuation réalistes, fera partie intégrante de la conception du soutien à la RSS. S’il y a lieu, en fonction d’une analyse minutieuse au cas par cas, il pourra être dérogé aux règles de visibilité des programmes/instruments d’action extérieure de l’UE.

iv.    un risque lié à la non-intervention

Il est du devoir de tout État de protéger sa population civile. Dans certains cas, le manquement à ce devoir peut conduire à de graves violations des droits de l’homme ou des principes démocratiques, à des souffrances humaines ou à la perte de vies humaines, y compris à des atrocités. Lorsque ce sera jugé utile pour éviter que de tels événements extrêmes se produisent et contribuer à y faire face le cas échéant, l’UE pourra décider, sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou d’un accord bilatéral avec l’État partenaire, de mener des actions de soutien à la RSS même si certaines conditions importantes ne sont pas remplies, comme l’existence d’une volonté réelle de changement.

Actions envisagées

Le SEAE/les services de la Commission élaboreront une méthode spécifique de gestion des risques à appliquer au soutien de l’UE. Celle-ci comprendra des mesures d’atténuation reposant entre autres sur le «cadre de gestion des risques pour l’appui budgétaire» 34 .

Comme prévu dans son plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie (2015-2019) 35 , l’UE doit élaborer une «politique de vigilance en matière de droits de l’homme» composée de mesures destinées à faire en sorte que l’appui de l’UE et de ses États membres au secteur de la sécurité soit conforme/contribue à la promotion, à la protection et à l’application du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit humanitaire international et cadre avec les politiques de l’UE en matière de droits de l’homme.

Utiliser au mieux l’expertise de l’UE en matière de RSS

Il convient que l’UE mobilise du personnel possédant les compétences et l’expérience requises et comprenant bien les questions techniques et politiques liées à la RSS. L’UE doit s’appuyer sur l’expertise des États membres et, dans les domaines spécifiques dans lesquels celles-ci apportent clairement une valeur ajoutée, sur celle de ses agences concernées (Europol, CEPOL, Frontex, par exemple), compte tenu de leurs mandats, priorités et ressources respectifs.

Le présent cadre stratégique en matière de RSS à l’échelle de l’UE prévoit une coordination et une coopération étroites entre les acteurs de l’UE et les États membres de manière à favoriser les synergies et les complémentarités entre leurs instruments et leurs missions dans le cadre d’une approche applicable à l’ensemble de l’UE. Il prévoit également une coordination avec les activités des organisations internationales et régionales et des ONG concernées.

Au siège

La Commission et la haute représentante créeront un groupe de travail interservices informel permanent en matière de RSS, composé de représentants des services thématiques concernés du SEAE et de la Commission, qui conseillera et assistera les délégations de l’UE, le SEAE, les services de la Commission et les missions PSDC. Ce groupe contribuera à garantir la cohérence et la complémentarité des activités de RSS de l’UE et apportera son appui à la planification et à la conception des projets de coopération au développement axés sur la RSS et des documents de planification de la PSDC. Son rôle devrait également être consigné dans la prochaine édition des procédures de gestion de crise. Le groupe élaborera des outils méthodologiques, des normes, des procédures et des pratiques en lien avec les activités de RSS de l’UE et dispensera des formations, en prêtant notamment son concours au Collège européen de sécurité et de défense (CESD). Il supervisera le cadre de suivi, d’évaluation et d’apprentissage et les mécanismes de gestion des risques.

Sur le terrain

La responsabilité de la coordination du soutien au secteur de la sécurité sur le terrain incombe au chef de la délégation de l’Union dans le pays partenaire ou dans la région concernée. Lorsqu’une mission PSDC est présente dans le pays, le Conseil est invité à veiller à ce que son mandat lui permette d’assister la délégation de l’UE pour les questions liées à la RSS. À cet égard, le chef de la mission sera disponible pour conseiller le chef de la délégation.

Les délégations de l’Union et les missions diplomatiques des États membres devraient s’échanger des informations et des analyses, participer à des analyses communes et contribuer à l’élaboration des matrices de coordination de la RSS.

Dans les cas où son action à l’égard du secteur de la sécurité est particulièrement vaste et diversifiée et où il n’existe pas de structures de coordination adéquates, l’UE tentera de mettre en place des groupes de coordination du soutien au secteur de la sécurité au niveau national (rassemblant les sections politiques et opérationnelles des délégations de l’UE, les missions PSDC, les États membres et, si possible, les partenaires concernés, tels que les Nations unies, la Banque mondiale et les pays non membres de l’UE intervenant dans le secteur de la sécurité).

Actions envisagées

Un groupe de travail interservices informel permanent en matière de RSS sera créé pour superviser les activités de RSS de l’UE.

Les programmes de formation du CESD concernant la RSS devraient être mis à jour pour tenir compte du présent cadre stratégique à l’échelle de l’UE. De même, la coopération entre le CESD et les services de formation compétents de la Commission devrait être renforcée afin de faire transparaître cette approche applicable à l’ensemble de l’UE.

Les chefs de délégation auront notamment pour instruction d’assurer la coordination locale entre toutes les parties prenantes de l’UE pour ce qui est du dialogue sur le secteur de la sécurité et du soutien à ce secteur. Cela n’aura pas d’incidence sur la ligne hiérarchique des missions PSDC.

Le mandat des missions PSDC devrait inclure la fourniture de conseils techniques aux délégations de l’UE.

Dans les pays où l’action de l’UE en faveur de la RSS est considérable, il conviendra de veiller à ce que la délégation dispose de compétences appropriées en lien avec le secteur de la sécurité.

4.    Domaines d’action

L’UE peut apporter son soutien à toutes les composantes du secteur de la sécurité, y compris l’armée, dans les limites prévues par sa législation, au moyen des activités mentionnées ci-après (liste non exhaustive).

Appui institutionnel

L’appui aux institutions compétentes dans les domaines de la sécurité et de la justice comprend une aide à l’élaboration des politiques et des stratégies nationales des pays partenaires en matière de défense, de sécurité et de justice, des mécanismes de coordination nationaux, des procédures administratives, des procédures de communication et des procédures opérationnelles, des mécanismes internes de redevabilité, des systèmes de planification et de gestion des ressources humaines, des systèmes d’information et de données et des systèmes de budgétisation et de gestion financière, dans le plein respect des principes des droits de l’homme et du droit humanitaire international.

L’appui institutionnel peut inclure une assistance à la planification des réformes; cette assistance devrait être adaptée au contexte et viser à aider les États partenaires à évaluer leurs propres besoins et à exprimer et à réaliser leur vision en fixant des objectifs réalistes à court, moyen et long terme. De plus, elle devrait les aider à allouer les ressources humaines, techniques et financières appropriées. Dans le cadre de ce processus, l’Union dialoguera aussi avec des acteurs non étatiques et des acteurs de la société civile.

L’UE devrait veiller à ce que ses efforts de renforcement des institutions aient des effets positifs directs à court terme pour la population sous la forme de services de sécurité améliorés.

Formation

Le soutien de l’UE recouvre le renforcement des capacités des établissements de formation nationaux ou régionaux. Il peut passer par l’assistance technique et le mentorat, l’évaluation des besoins en formation, l’élaboration de nouveaux programmes et la «formation des formateurs». Dans le cadre de son soutien en matière de formation, l’UE précisera les connaissances, les compétences et/ou les attitudes qu’elle entend transmettre de manière à encourager des changements de comportement au sein du personnel, des unités et des institutions du secteur de la sécurité. Elle tentera aussi de faire en sorte que la formation soit valorisée par des perspectives de carrière et que le personnel effectue les tâches pour lesquelles il a été formé.

Le soutien peut être associé à un dialogue et à des mesures d’appui concernant les systèmes nationaux de gestion des ressources humaines, impliquant la détermination des profils requis par les institutions compétentes dans les domaines de la sécurité et de la justice, l’établissement de procédures de recrutement et de promotion équitables et transparentes, etc.

S’il est nécessaire de rétablir rapidement des services de base en matière de justice et de sécurité, l’UE peut fournir une formation directement, notamment dans le cadre des missions PSDC. Dans la mesure du possible, elle le fera en coopération avec les établissements de formation nationaux, en vue de les renforcer et, à terme, de leur céder la responsabilité de la formation.

Matériel

L’UE peut fournir du matériel non létal 36 aux acteurs du secteur de la sécurité. La fourniture de ce matériel s’inscrira dans un cadre plus vaste d’appui au pays en matière de sécurité. L’UE devra obtenir des garanties appropriées que le matériel ne sera pas utilisé pour violer les droits de l’homme, les libertés fondamentales ou l’état de droit. Pour éviter que le matériel devienne inutilisable, soit abandonné, disparaisse ou fasse l’objet d’une utilisation abusive, l’existence et le fonctionnement de systèmes d’appui logistique et d’enregistrement/de traçabilité seront évalués et, au besoin, une aide sera fournie pour en améliorer l’efficacité. La définition de bonnes pratiques de base en matière de gestion du matériel fera partie intégrante de toute fourniture de matériel, le but étant d’en garantir l’entretien, le réapprovisionnement et l’élimination.

Soutien aux mécanismes de surveillance

L’UE devrait soutenir la mise en place d’un contrôle et d’une surveillance civils effectifs ou leur renforcement, notamment:

en promouvant et en soutenant l’élaboration et l’application d’actes législatifs et de procédures en la matière;

en accroissant les capacités des institutions et des mécanismes indépendants de traitement des plaintes ainsi que des institutions et des mécanismes de contrôle civil.

Les bénéficiaires peuvent être les organes législatifs nationaux ainsi que des organismes indépendants ou quasi-indépendants tels que les médiateurs, les institutions ou les commissions compétentes en matière de droits de l’homme, les commissions anticorruption, les commissions indépendantes chargées des plaintes contre la police et les autorités judiciaires dans leur rôle de surveillance des services répressifs, etc.

L’UE devrait encourager la participation active de la société civile à ces mécanismes de contrôle et, au besoin, soutenir des initiatives de la société civile visant à surveiller le comportement des forces de sécurité. Elle promouvra également la liberté des médias et renforcera leur capacité à rendre compte de manière responsable des activités du secteur de la sécurité.

Sécurité locale

Lorsque la violence et les conflits sont liés à des problèmes politiques, sociaux et économiques purement locaux ou lorsque les forces de sécurité nationales sont incapables de fournir des services de sécurité vitaux, l’UE peut financer des initiatives d’appui produisant des effets positifs en matière de sécurité et de justice pour la population au moyen d’une approche locale de la sécurité associant les autorités locales (officielles et/ou traditionnelles), dans la mesure du possible, les habitants des localités et des zones concernées et les forces de sécurité locales. L’objectif sera d’améliorer la sécurité de la population locale, de résoudre les conflits, de s’attaquer aux causes profondes de la violence au niveau local et, en définitive, de faire en sorte que les autorités nationales soient à même de régler les problèmes de sécurité et de conflits au niveau local.

Liens entre la RSS et d’autres domaines d’action

Désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants

La notion de «désarmement, démobilisation et réintégration» (DDR) fait référence à un ensemble d’interventions s’inscrivant dans un processus de démilitarisation de groupes armés officiels et non officiels passant par le désarmement et la dissolution des groupes non étatiques ou la réduction des effectifs des forces armées et la réintégration des personnes concernées dans la vie civile 37 . Les processus de DDR devraient répondre aux besoins immédiats en matière de sécurité et contribuer à jeter les bases d’une stabilité à long terme dans un pays ou une région. Ils devraient donc être associés à un processus de paix global et, de préférence, à une RSS plus vaste. Dans les situations de conflit et d’après-conflit, le soutien de l’UE à la RSS et aux processus de DDR mettra en balance la nécessité de rétablir des services de sécurité de base en tant que mesure de stabilisation d’urgence et celle de ne pas entraver la stabilité à long terme, par exemple en légitimant des forces de sécurité non inclusives.

Justice transitionnelle

La justice transitionnelle englobe «l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation» 38 . Les mesures de justice transitionnelle devraient, à terme, contribuer à rétablir et à renforcer l’état de droit.

Dans les pays qui sortent d’un conflit et sont en transition, la RSS en tant que composante des réformes institutionnelles peut contribuer à empêcher que des conflits éclatent à nouveau; elle aide ainsi à garantir l’obligation de rendre compte de ses actes et le respect des droits de l’homme et à prévenir de futures violations. Les conclusions du Conseil sur le soutien à la justice transitionnelle 39 soulignent l’importance de la RSS.

Armes légères et de petit calibre (ALPC)

La disponibilité d’ALPC est souvent un élément déterminant dans le déclenchement et la propagation de l’insécurité. Les «conflits rémanents» soutenus par la dissémination illicite d’ALPC font souvent disparaître la frontière entre conflit armé et criminalité 40 . Le contrôle des ALPC est intrinsèquement lié aux efforts de RSS, notamment parce qu’il limite le besoin réel ou ressenti qu’ont les individus ou les groupes d’assurer leur propre défense ou la propension qu’ils ont à le faire.

5.    Suivi et évaluation de la mise en œuvre de la politique

La mise en œuvre du présent cadre stratégique fera l’objet d’un suivi et d’une évaluation réguliers. Chaque année, une équipe interservices composée de représentants du SEAE et de la Commission, assistés au besoin par des consultants externes, procédera à l’examen de l’action globale de l’UE dans le secteur de la sécurité dans au moins un pays prioritaire.

Les critères d’évaluation seront fondés sur les objectifs et les principes décrits dans la présente communication conjointe, sur les lignes directrices communes en matière de suivi et d’évaluation et sur la mise en œuvre pratique du cadre de gestion des risques applicable.

La pertinence de l’action de l’UE sera également évaluée, sur la base de critères tels que:

-la qualité et l’exhaustivité de son analyse du secteur de la sécurité;

-sa capacité de réaction aux crises urgentes et aux nouvelles possibilités;

-la cohérence entre le soutien de l’UE, les objectifs plus vastes de l’UE en matière de sécurité et de développement et les objectifs des pays partenaires dans le domaine de la sécurité.

Les évaluations seront rendues publiques. Des recommandations seront élaborées et les mesures prises pour y donner suite feront l’objet d’un suivi. Les évaluations seront également l’occasion de consigner les bonnes pratiques et les enseignements tirés, de manière à en tenir compte dans le cadre de la formation du personnel de l’UE et des réflexions sur les instruments financiers de l’UE. Ce processus contribuera à améliorer les procédures internes et l’efficience du soutien apporté.

Le fonctionnement général du présent cadre stratégique sera évalué après cinq ans.

La Commission européenne et la haute représentante invitent le Parlement européen et le Conseil à approuver et à soutenir l’approche exposée dans la présente communication conjointe et à s’engager pleinement sur la voie d’une action plus cohérente et plus efficace de l’UE pour contribuer à la RSS dans les pays partenaires.

(1)

     Conformément aux lignes directrices du CAD-OCDE sur la réforme des systèmes de sécurité, un système national de sécurité est considéré comme englobant les institutions chargées de faire appliquer la loi (services de police, forces de gendarmerie, services des douanes, services de garde-frontières, etc.), le système de justice pénale (p. ex. juridictions pénales, ministère public, tribunaux correctionnels), les forces armées, les services de renseignement, les institutions qui assurent un contrôle politique, financier et judiciaire (ministères, commissions parlementaires, Cour des comptes, système judiciaire, etc.), et des acteurs de la sécurité non étatiques, notamment des autorités coutumières, des systèmes de justice traditionnelle, des armées de guérillas et de libération, des milices privées et des sociétés de services sécuritaires. Voir le Manuel de l'OCDE sur la réforme des systèmes de sécurité: soutenir la sécurité et la justice (Publication de l’OCDE, Paris).

(2)

     JOIN(2015) 50, Réexamen de la politique européenne de voisinage.

(3)

     43 % des personnes vivant dans la pauvreté absolue résident dans des pays fragiles et frappés par des conflits.

(4)

     COM(2011) 637 et conclusions du Conseil Accroître l’impact de la politique de développement de l’UE: un programme pour le changement (3166e session du Conseil des affaires étrangères, Bruxelles, 14 mai 2012.

(5)

     Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015; AGNU A/RES/70/1); Objectif 16: «Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous».

(6)

     Conformément aux dispositions des traités de l’Union pour l’action extérieure de l’UE en général (articles 21 à 22 du TUE), la PESC/PSDC (articles 23 à 46 du TUE), la politique de coopération au développement (articles 208 à 211 du TFUE) et d'autres politiques de coopération (articles 212 à 213 du TFUE).

(7)

     Le programme européen en matière de sécurité, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions [COM(2015) 185]).

(8)

     SWD(2016) 221.

(9)

     Conformément à la communication JOIN(2013) 30 final, l’aide humanitaire doit être fournie selon son modus operandi spécifique, qui respecte les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, sur la seule base des besoins des populations touchées.

(10)

     Initiative n° 21 de l'annexe I du programme de travail de la Commission pour 2016 [COM(2015) 610 final].

(11)

     Conclusions du Conseil sur la PSDC, Conseil de l’Union européenne (document 8971/15, mai 2015).

(12)

     JOIN(2015) 17 final, Renforcer les capacités pour favoriser la sécurité et le développement – Donner à nos partenaires les moyens de prévenir et de gérer les crises.

(13)

     JOIN(2013) 30 final, L’approche globale de l’UE à l'égard des crises et conflits extérieurs.

(14)

     Réflexion sur l’appui apporté par la Communauté européenne à la réforme du secteur de la sécurité, communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen [SEC(2006) 658]; et le concept de l’UE pour le soutien de la PESD à la RSS (Conseil 12566/4/05), qui a été élaboré sur la base de la Stratégie européenne de sécurité - Une Europe sûre dans un monde meilleur, adoptée par le Conseil européen en décembre 2003.

(15)

     Vision partagée, action commune: Une Europe plus forte – Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, juin 2016.

(16)

     COM(2015) 185 final, Le programme européen en matière de sécurité. 

(17)

     Par exemple, l’accord d'«actualiser et de moderniser les directives concernant la prise en compte dans l’APD des dépenses relatives à la paix et à la sécurité»; voir le communiqué final de la réunion à haut niveau (OCDE CAD, 19 février 2016).

(18)

     Aux fins de la présente communication, la réaction aux crises n’englobe pas l’aide humanitaire.

(19)

     Voir le document du Conseil 8831/16.

(20)

     Si les principes définis dans la présente communication conjointe s’appliquent également aux pays concernés par l’élargissement, le processus d’adhésion implique des mesures et procédures différentes visant à garantir que les pays remplissent les critères d’adhésion.

(21)

     En commençant par le droit de vivre à l’abri du besoin et de la peur et la liberté d’agir pour son propre compte.

(22)

     Voir les conclusions du Conseil sur le plan d’action sur l’égalité des sexes 2016-2020 (document 13201/15).

(23)

     Aux fins du présent document, un secteur de la sécurité est considéré comme légitime quand: i. il respecte les normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme et d'état de droit et les principes démocratiques; ii. il applique les principes de bonne gouvernance, en matière de transparence et d’ouverture, de participation et d’ouverture à tous, et de responsabilité; et iii. il lutte contre la corruption.

(24)

     Conformément aux articles 3 et 21c du TUE, qui prévoient que l'Union, dans ses relations avec le reste du monde, affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts, notamment la démocratie, l'état de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le traité de Lisbonne exige que les politiques de l’Union, y compris celles concernant les relations extérieures, soient conformes à la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

(25)

     Dans le cas particulier de l’appareil judiciaire, la séparation des pouvoirs doit être assurée de façon à ce que l’indépendance de la justice soit garantie et que les juridictions ne soient pas soumises à une influence inappropriée exercée par les autres branches du pouvoir ou par des intérêts privés ou partisans.

(26)

     Voir Gouvernance européenne: un Livre blanc [COM(2001) 428]; deux autres principes de bonne gouvernance (efficacité et cohérence) sont présentés sous l'objectif A et au chapitre 3.

(27)

     CSNU S/RES/1325 (2000); CSNU S/RES/2242 (2015) sur les femmes et la paix et la sécurité.

(28)

     Comme indiqué dans le programme-cadre Horizon 2020 - Programme de travail 2016-2017, défi de société n° 7: Sociétés sûres - protéger la liberté et la sécurité de l’Europe et de ses citoyens et défi de société n° 6: l'Europe dans un monde en évolution: des sociétés ouvertes à tous, innovantes et capables de réflexion.

(29)

     Voir la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide du CAD de l'OCDE (2005), le programme d'action d'Accra (2008),
le partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement et le quatrième forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide (Busan, République de Corée, du 29 novembre au 1er décembre 2011).

(30)

     Voir la «Note d’orientation sur le recours à l’analyse des conflits à l’appui de l’action extérieure de l’UE», élaborée conjointement par le SEAE et les services de la Commission.

(31)

     Lignes directrices sur l'appui budgétaire. Programmation, conception et gestion de l'appui budgétaire – Une approche moderne de l'appui budgétaire, document de travail, direction générale du développement et de la coopération – EuropeAid, Commission européenne, septembre 2012.

(32)

Par exemple, protocoles d’accord, déclarations communes, dispositifs, etc.

(33)

     COM(2010) 126, L’assistance alimentaire humanitaire.

(34)

     Lignes directrices sur l’appui budgétaire – Programmation, conception et gestion de l’appui budgétaire – Une approche moderne de l’appui budgétaire, document de travail, direction générale du développement et de la coopération – EuropeAid, Commission européenne, septembre 2012.

(35)

     JOIN(2015) 16.

(36)

     JOIN(2015) 17 final.

(37)

     Concept de l’UE pour le soutien au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration (DDR), approuvé par la Commission le 14 décembre 2006 et par le Conseil de l’Union européenne le 11 décembre 2006.

(38)

     Document S/2004/616 du Conseil de sécurité des Nations unies.

(39)

     Conclusions du Conseil sur le soutien de l’UE à la justice transitionnelle, 16 novembre 2015 (13576/15).

(40)

     Stratégie de l’UE de lutte contre l’accumulation et le trafic illicites d’armes légères et de petit calibre (ALPC) et de leurs munitions, conclusions du Conseil (5319/06).

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