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Document 62023CC0254

Conclusions de l'avocat général M. A. M. Collins, présentées le 26 septembre 2024.
INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. e.a. et Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o. e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Ustavno sodišče.
Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement et libre prestation des services – Articles 49 et 56 TFUE – Protocole (no 26) sur les services d’intérêt général, annexé aux traités UE et FUE – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Champ d’application – Monopoles et services d’intérêt économique général – Exigences à évaluer – Article 15 – Déchets – Directive 2008/98/CE – Régimes de responsabilité élargie des producteurs – Articles 8 et 8 bis – Création d’un monopole sur le marché de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs – Organisation unique sans but lucratif – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Notion d’“entreprise” – Modalités de création et de fonctionnement – Modalités transitoires – Obligation d’adhésion incombant aux producteurs soumis à la responsabilité élargie – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise et droit de propriété – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Proportionnalité.
Affaire C-254/23.

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2024:794

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 26 septembre 2024 ( 1 )

Affaire C‑254/23

INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o.,

Interzero Circular Solutions Europe GmbH,

et autres,

Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o.,

DINOS, družba za pripravo sekundarnih surovin d.o.o.,

et autres

contre

Državni zbor Republike Slovenije

[demande de décision préjudicielle formée par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Déchets – Services d’intérêt économique général – Liberté d’établissement et libre prestation de services – Directive 2006/123/CE – Directive 2008/98/CE – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Proportionnalité »

I. Introduction

1.

La République de Slovénie a introduit un régime de responsabilité élargie des producteurs (ci-après « REP ») ( 2 ) à l’égard de différentes catégories de produits de consommation. En vertu de ce régime, la responsabilité de satisfaire aux obligations de REP pour chacune de ces catégories est confiée à une unique organisation exerçant ses activités sans but lucratif. L’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie) pose à la Cour dix questions quant à la compatibilité de ce régime avec les règles relatives aux services d’intérêt économique général (ci-après « SIEG »), le marché intérieur et certaines dispositions du droit dérivé de l’Union.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive relative aux services

2.

Les considérants 8, 40 et 70 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur ( 3 ) (ci-après la « directive relative aux services ») disposent :

« (8)

Les dispositions de la présente directive concernant la liberté d’établissement et la libre circulation des services ne devraient s’appliquer que dans la mesure où les activités en cause sont ouvertes à la concurrence, de manière à ce qu’elles n’obligent pas les États membres à libéraliser les services d’intérêt économique général ou à privatiser des entités publiques proposant de tels services, ni à abolir les monopoles existants pour d’autres activités ou certains services de distribution.

[...]

(40)

La notion de “raisons impérieuses d’intérêt général” à laquelle se réfèrent certaines dispositions de la présente directive a été élaborée par la Cour de justice dans sa jurisprudence relative aux articles 43 et 49 du traité et est susceptible d’évoluer encore. Cette notion, au sens que lui donne la jurisprudence de la Cour, couvre au moins les justifications suivantes : [...] la santé publique, [...] la protection de l’environnement [...]

[...]

(70)

Aux fins de la présente directive, et sans préjudice de l’article 16 du traité, des services ne peuvent être considérés comme des services d’intérêt économique général que s’ils sont fournis en application d’une mission particulière de service public confiée au prestataire par l’État membre concerné. L’attribution de cette mission devrait se faire au moyen d’un ou de plusieurs actes, dont la forme est déterminée par l’État membre concerné, et devrait définir la nature exacte de la mission attribuée. »

3.

En vertu de l’article 1er de la directive relative aux services :

« [...]

2.   La présente directive ne traite pas de la libéralisation des services d’intérêt économique général, réservés à des organismes publics ou privés, ni de la privatisation d’organismes publics prestataires de services.

3.   La présente directive ne traite pas de l’abolition des monopoles fournissant des services, ni des aides accordées par les États membres qui relèvent des règles communautaires en matière de concurrence.

La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit communautaire, ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d’État ou les obligations spécifiques auxquelles ils doivent être soumis.

[...] »

4.

L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive relative aux services prévoit que celle-ci ne s’applique pas aux services d’intérêt général non économiques. L’article 4 de la directive relative aux services définit les notions d’« exigence » et de « raisons impérieuses d’intérêt général » comme suit :

« [...]

7)

“exigence”, toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ne sont pas en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive ;

8)

“raisons impérieuses d’intérêt général”, des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : [...] la santé publique ; [...] la protection de l’environnement et de l’environnement urbain [...]

[...] »

5.

Aux termes de l’article 15 de la directive relative aux services :

« 1.   Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.

2.   Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

a)

les limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ;

[...]

c)

les exigences relatives à la détention du capital d’une société ;

d)

les exigences [...] qui réservent l’accès à l’activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l’activité ;

[...]

3.   Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :

a)

non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;

b)

nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

4.   Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces paragraphes ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été confiée.

[...] »

6.

En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la directive relative aux services :

« Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

[...] »

7.

En vertu de l’article 17, paragraphe 1, sous e), de la directive relative aux services, l’article 16 de cette directive ne s’applique pas aux services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre, dont notamment le traitement des déchets.

2. La directive-cadre relative aux déchets

8.

Aux termes du considérant 27 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives ( 4 ) (ci-après la « directive-cadre relative aux déchets ») :

« L’introduction de la responsabilité élargie du producteur dans la présente directive est l’un des moyens de soutenir la conception et la fabrication de produits selon des procédés qui prennent pleinement en compte et facilitent l’utilisation efficace des ressources tout au long de leur cycle de vie, y compris en matière de réparation, de réemploi, de démontage et de recyclage, sans compromettre la libre circulation des marchandises dans le marché intérieur. »

9.

L’article 3, point 21, de la directive-cadre relative aux déchets ( 5 ) définit, aux fins de ladite directive, le « régime de responsabilité élargie des producteurs » comme un « ensemble de mesures prises par les États membres pour veiller à ce que les producteurs de produits assument la responsabilité financière ou la responsabilité financière et organisationnelle de la gestion de la phase “déchet” du cycle de vie d’un produit ».

10.

En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive-cadre relative aux déchets ( 6 ) :

« En vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation en matière de déchets, les États membres peuvent prendre des mesures législatives ou non pour que la personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits (le producteur du produit) soit soumise au régime de responsabilité élargie des producteurs.

De telles mesures peuvent notamment prévoir le fait d’accepter les produits renvoyés et les déchets qui subsistent après l’utilisation de ces produits, ainsi que la gestion qui en découle et la responsabilité financière de telles activités. Ces mesures peuvent prévoir l’obligation de fournir des informations accessibles au public sur la mesure dans laquelle le produit peut faire l’objet d’un réemploi ou être recyclé.

Lorsque ces mesures comprennent la mise en place de régimes de responsabilité élargie des producteurs, les exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis s’appliquent.

Les États membres peuvent décider que les producteurs de produits qui assument de leur propre initiative les responsabilités financières ou les responsabilités financières et organisationnelles de la gestion de la phase “déchet” du cycle de vie d’un produit devraient appliquer tout ou partie des exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis. »

11.

L’article 8 bis de la directive-cadre relative aux déchets ( 7 ) pose des exigences générales minimales pour les régimes de REP. D’après ces exigences, lues à la lumière du considérant 14 de la directive 2018/851, les producteurs peuvent satisfaire à leurs obligations de REP de manière individuelle ou collective.

B.   Le droit national

12.

L’ancien Zakon o varstvu okolja ( 8 ) (ancienne loi relative à la protection de l’environnement) prévoyait que les producteurs de produits pouvaient satisfaire à leurs obligations de gestion des déchets individuellement ou collectivement par la création avec d’autres producteurs d’une association. À cette fin, les producteurs de produits pouvaient également s’appuyer sur un ou plusieurs opérateurs économiques.

13.

Le nouveau Zakon o varstvu okolja ( 9 ) (nouvelle loi relative à la protection de l’environnement) abroge cette législation. Les producteurs de produits de consommation doivent satisfaire à leurs obligations de REP à travers une organisation collective que les autorités publiques compétentes autorisent à cet effet. Les producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % d’une catégorie donnée de produits doivent créer une organisation collective pour gérer les déchets liés à ces produits ( 10 ). Les producteurs de tels produits qui ne sont pas détenteurs du capital d’une organisation collective doivent satisfaire à leurs obligations de REP en concluant un contrat avec cette organisation. Bien que chaque organisation collective jouisse d’un monopole légal aux fins de la satisfaction des obligations de REP, ces organisations exercent leur activité sans but lucratif. Les organisations collectives assurent la collecte et le traitement des déchets liés à une catégorie donnée de produits, mais elles ne collectent et ne traitent pas elles-mêmes ces déchets, ces missions étant accomplies par des opérateurs indépendants en vertu de contrats que les organisations collectives attribuent chaque année ( 11 ). Qu’ils soient membres d’une organisation collective ou qu’ils concluent avec elle un contrat, tous les producteurs versent la même redevance, calculée sur la base de la couverture des coûts, pour les services fournis par l’organisation collective.

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

14.

Le 9 juin 2021, la Commission européenne a adressé à la République de Slovénie un avis motivé dans lequel elle exprimait son opinion selon laquelle la Slovénie avait manqué à son obligation de transposer la directive 2018/851 dans le délai prescrit ( 12 ). En mars 2022, la République de Slovénie a adopté la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement. Au mois de février 2023, la Commission a clos la procédure en manquement en ce qui concerne la non‑transposition de la directive 2018/851.

15.

Interzero Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. (ci-après « Interzero ») et Surovina družba za predelavo odpadkov d.o.o. (ci-après « Surovina ») sont des sociétés commerciales qui fournissent des services de gestion des déchets en Slovénie. Interzero est une filiale de Interzero Circular Solutions Europe GmbH, une société établie en Autriche (ci-après « Interzero Autriche »). En 2022, Interzero, Interzero Autriche, Surovina, plusieurs sociétés commerciales slovènes actives dans le secteur de la gestion de déchets ainsi qu’un certain nombre de producteurs soumis aux obligations de REP ont engagé des procédures devant l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) en soutenant que la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement était contraire à certaines dispositions de la Constitution slovène et du droit de l’Union, dont notamment les articles 49, 56, 102 et 106 TFUE, les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et la directive relative aux services. Ils ont contesté la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement au motif que cette loi transformait l’activité économique de la gestion de déchets en une activité non économique réservée à des monopoles. Interzero et Surovina ont soutenu que le gouvernement slovène n’avait pas démontré que le système géré sous l’empire de l’ancienne loi relative à la protection de l’environnement avait été inefficace, ou expliqué pourquoi l’activité de gestion des déchets devait être exercée sans but lucratif et sans concurrence.

16.

Le gouvernement slovène a soutenu que les modifications introduites par la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement étaient nécessaires pour transposer la directive-cadre relative aux déchets et assurer que les obligations de REP, à savoir la collecte et le traitement des déchets, étaient satisfaites. Le nouveau régime prévoit que les organisations à but non lucratif créées en vertu de celui-ci sont destinées à promouvoir les objectifs environnementaux sans être entravées par des considérations commerciales. La directive-cadre relative aux déchets autorise les États membres à exiger que les obligations de REP soient satisfaites par la mise en place d’une unique organisation collective créée et gérée par les producteurs à l’égard d’une catégorie donnée de produits ( 13 ). Selon le gouvernement slovène, un tel système est plus efficace d’un point de vue environnemental, plus efficient sous l’angle économique, et son respect est plus simple à contrôler. Il souligne que la collecte et le traitement des déchets continuent à être une activité économique exercée par des tiers.

17.

Le 19 mai 2022, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a suspendu l’application des dispositions contestées de la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement, en attendant le prononcé de son arrêt dans cette procédure.

18.

L’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) se demande si la satisfaction des obligations de REP à travers la création d’un réseau d’organisations collectives chargées de la gestion de cette mission pourrait constituer un SIEG. Dans ce contexte, il demande si la création d’un monopole sans but lucratif est contraire au droit de l’Union. Il interroge la Cour sur le point de savoir si le droit de l’Union autorise les États membres à décider qu’une activité économique donnée doit être exercée en tant qu’activité sans but lucratif. Si les États membres y sont autorisés, sont-ils tenus de prévoir une période transitoire ou d’indemniser les opérateurs économiques affectés par ce changement ? L’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) cherche également à savoir si certaines règles spécifiques comme celles régissant la qualité de membre des organisations collectives et les activités que ces entités peuvent exercer sont conformes au droit de l’Union. Il a enfin des doutes quant au point de savoir si une exigence en vertu de laquelle les producteurs qui ne sont pas détenteurs du capital d’une organisation collective pertinente doivent conclure avec celle-ci des contrats pour gérer les déchets est conforme au droit de l’Union.

19.

Dans ces circonstances, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Peut-on considérer comme une entreprise chargée de la fourniture de services d’intérêt économique général au titre de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] (eu égard à l’article 14 [TFUE], au protocole no 26 sur les services d’intérêt général et aux articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets]) une personne morale jouissant du droit exclusif d’exercer l’activité de mise en œuvre [collective] des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même type de produits sur le territoire de la République de Slovénie, ce droit recouvrant :

la conclusion de contrats avec les producteurs de certains produits par lesquels ces derniers autorisent cette personne morale à assurer en leur nom la gestion adéquate des déchets issus de ces produits ;

l’organisation d’un système de collecte et de traitement des déchets (conclusion de contrats avec des sociétés commerciales pour collecter et traiter adéquatement au nom de l’organisation tous les déchets collectés issus de ces produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs) ;

la tenue d’un registre relatif aux produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs et mis sur le marché en République de Slovénie et d’un registre relatif aux déchets collectés et traités issus des produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs et transmission de ces données au ministère[,]

et qui est tenue, en liaison avec l’exercice de ces activités, de conclure des contrats tant avec les producteurs soumis aux obligations de responsabilité élargie des producteurs qu’avec les sociétés commerciales qui effectueront la collecte et le traitement des déchets ?

2)

Convient-il d’interpréter les articles 16 et 17 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la [directive relative aux services], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même type de produits ne peut être exercée que par une unique personne morale sur le territoire de l’État membre, et ce à titre non lucratif, cela signifiant que les recettes ne dépassent pas les coûts effectifs de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et que la personne morale doit utiliser les bénéfices uniquement pour exercer l’activité et réaliser les mesures de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question, convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle un État membre transforme l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même type de produits, d’une activité marchande à titre lucratif réglementée, qu’exercent plusieurs opérateurs économiques, en une activité que ne peut exercer qu’une unique organisation, et ce à titre non lucratif au sens de la [deuxième question] ?

4)

Les dispositions du droit de l’Union citées dans la [troisième question] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle, du fait de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation relative à la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, celle-ci affecte ex-lege les rapports individuels en ce sens qu’expirent tous les contrats conclus entre les opérateurs économiques qui exerçaient l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs en vertu de la réglementation antérieure et les producteurs soumis à l’obligation de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’entre les opérateurs économiques qui exerçaient l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs en vertu de la réglementation antérieure et les opérateurs économiques qui exercent l’activité de collecte et de traitement des déchets issus des produits objet de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ?

5)

Convient-il, dans les circonstances de l’adoption de la nouvelle réglementation décrite dans les [troisième et quatrième questions], d’interpréter les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce sens que le législateur doit prévoir une période transitoire et/ou un système de compensation ? En cas de réponse affirmative : quels sont les critères définissant une période transitoire ou un système de compensation raisonnable ?

6)

Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la [directive relative aux services], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs qui sont soumis à l’obligation en matière de responsabilité élargie des producteurs et qui mettent sur le marché 51 % d’un même type de produits soumis à l’obligation de la responsabilité élargie des producteurs sont tenus de créer une personne morale qui exercera l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, et les producteurs d’un même type de produits doivent, en cas de retrait éventuel de l’autorisation, récréer cette personne morale, et les dispositions suscitées du droit de l’Union doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle seuls les producteurs peuvent être détenteurs d’une participation dans cette personne morale ?

7)

Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la [directive relative aux services], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs qui sont détenteurs d’une participation dans une personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ne sauraient être des personnes qui effectuent la collecte ou le traitement des déchets issus des produits objet de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs au sein de cette personne morale ?

8)

Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la [directive relative aux services], et les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle un producteur qui est détenteur d’une participation dans une personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et la personne morale qui exerce l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ne sauraient

avoir directement ou indirectement de liens en capital avec une personne qui effectue la collecte et le traitement des déchets issus de produits objet de la mise en œuvre collective des obligations au sein d’une personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, et ils ne sauraient détenir au sein de cette personne des droits de gestion ou de contrôle ;

avoir de liens en capital ou de parenté avec une personne qui a ou contrôle des droits de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance ou représente la personne au titre du point précédent ?

9)

Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la [directive relative aux services], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive-cadre relative aux déchets] en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les restrictions au titre des [septième et huitième questions] valent également pour les membres de l’organe de direction de la personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, de son organe de surveillance ou leurs représentants ?

10)

Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte] ainsi que les articles 49 et 56 [TFUE], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs soumis à l’obligation en matière de responsabilité élargie des producteurs et qui mettent sur le marché des produits destinés à un usage domestique sont tenus de conclure un contrat par lequel ils autorisent la personne morale qui a l’autorisation pour exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, à remplir leurs obligations en matière [de] responsabilité élargie des producteurs ? »

20.

Interzero, Surovina, les gouvernements tchèque, néerlandais et slovène ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites. Lors de l’audience qui s’est tenue le 11 juin 2024, Interzero, Surovina, les gouvernements tchèque, hongrois, néerlandais et slovène ainsi que la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries et ont répondu aux questions de la Cour.

IV. Appréciation

A.   Sur la première question préjudicielle

21.

Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si une organisation qui se voit confier la responsabilité de la satisfaction collective des obligations de REP peut être une entreprise chargée d’un SIEG au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

22.

Aucune des parties à la procédure devant la Cour ne conteste que les États membres jouissent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils désignent un SIEG. La Commission observe que deux conditions doivent être remplies pour qu’un service soit désigné ainsi. Un État membre doit formellement confier à un opérateur la responsabilité de fournir un SIEG. Il doit également expliquer pourquoi ce service est si différent d’autres activités économiques que cela justifie cette désignation. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la Commission admet que la création des organisations collectives qui font l’objet de la procédure au principal pourrait satisfaire à ces exigences.

23.

Le gouvernement slovène explique que le fonctionnement du système sous l’empire de l’ancienne loi relative à la protection de l’environnement n’était pas satisfaisant. Les opérateurs économiques responsables d’assurer le respect des obligations de REP traitaient une quantité insuffisante de déchets d’emballage ( 14 ). Les services municipaux de gestion des déchets devaient donc stocker une quantité significative de déchets d’emballage, créant ce faisant un risque pour la santé publique, la sécurité publique et l’environnement. Afin d’éliminer ces risques, les autorités publiques ont assumé le traitement de ces déchets et les coûts qui y sont associés. C’est pour ces raisons que la République de Slovénie a décidé de confier la responsabilité d’atteindre les objectifs de REP à des organisations collectives qui fournissent un SIEG.

24.

Interzero avance cinq raisons pour lesquelles la Cour devrait répondre à la première question préjudicielle par la négative. Premièrement, en vertu de la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement, les organisations collectives assurent des missions de nature purement administrative qui ne sont pas un SIEG. Deuxièmement, le gouvernement slovène n’a pas adopté d’acte formel par lequel il aurait confié un SIEG aux organisations collectives. Troisièmement, le traitement inadéquat d’une certaine quantité de déchets d’emballage collectés par les services municipaux s’expliquait par le fait que la législation nationale alors en vigueur exemptait des obligations de REP les producteurs qui mettaient sur le marché moins de quinze tonnes d’emballages par an. Quatrièmement, la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement a créé un système qui est moins efficace que le système précédent. Cinquièmement, les problèmes nés du traitement des déchets d’emballage ont été réglés dans la mesure où il n’y a plus de défaillance du marché.

25.

Le gouvernement tchèque est d’avis que la Cour n’a pas besoin de décider si les organisations collectives fournissent un SIEG puisque la législation nationale doit être appréciée à l’aune de la directive-cadre relative aux déchets.

26.

L’article 14 TFUE et l’article 1er du protocole (no 26) sur les services d’intérêt général (ci-après le « protocole no 26 »), qui vise à interpréter cet article du traité, reconnaissent que les SIEG jouent un rôle essentiel au sein de l’Union européenne. En vertu de l’article 36 de la Charte, l’Union reconnaît et respecte l’accès aux SIEG conformément aux traités. C’est dans ce contexte que l’article 106, paragraphe 2, TFUE soustrait les SIEG au droit de l’Union dans la mesure nécessaire pour assurer que sa pleine application n’entrave pas l’accomplissement, en droit ou en fait, des missions particulières qui leur sont imparties. Les autorités nationales, régionales et locales jouissent ainsi d’un large pouvoir d’appréciation quant à la création, l’attribution et l’organisation de tels services ( 15 ), et l’exercice de ce pouvoir d’appréciation ne peut être contesté avec succès qu’en cas d’erreur manifeste ( 16 ).

27.

Bien que l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne définisse ni la notion de « SIEG », ni les conditions en vertu desquelles un État membre peut appliquer cette notion, la jurisprudence des juridictions de l’Union fournit trois repères.

28.

Premièrement, un État membre sera considéré exercer légalement son pouvoir d’appréciation lorsqu’il est démontré que les forces du marché n’ont pas été en mesure de répondre à une demande qui devrait être satisfaite dans l’intérêt général ( 17 ). La Commission adopte également la position selon laquelle l’existence d’une défaillance du marché est une condition préalable à ce qu’un État membre établisse un SIEG ( 18 ). Lorsque les forces du marché ne parviennent pas à répondre à des exigences tenant à l’intérêt général comme la protection de l’environnement et de la santé publique, eu égard en particulier à la gestion des déchets, un État membre pourra légitimement créer un SIEG afin de répondre à ces besoins ( 19 ).

29.

Deuxièmement, un État membre qui souhaite établir un SIEG doit aussi respecter certains critères qui pourraient être considérés comme ayant un caractère plus formel. Une autorité publique doit confier à des opérateurs l’accomplissement d’une mission globale et obligatoire d’intérêt général ( 20 ). La réglementation accorde une flexibilité considérable quant au statut de l’acte par lequel un SIEG est confié : il peut s’agir d’un ensemble de mesures ( 21 ) ou prendre la forme d’un contrat, mais il doit toujours pouvoir être identifié ( 22 ). Le fait qu’un opérateur ait été impliqué dans le processus qui a conduit à ce qu’il se voie confier l’exécution d’un SIEG ne s’oppose pas à ce qu’un acte d’une autorité publique lui confie cette mission ( 23 ). Un État membre doit également indiquer pourquoi il estime que la nature spécifique de l’activité en cause est si différente que cette activité peut être caractérisée comme un SIEG. Ces exigences facilitent un contrôle objectif de toute erreur manifeste qu’un État membre pourrait commettre dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans l’établissement d’un SIEG ( 24 ). Les États membres doivent donc clairement exposer les obligations qu’ils confient aux entreprises, ce qui suppose une définition précise de la nature, de la durée et de l’étendue de ces responsabilités ( 25 ).

30.

Troisièmement, l’article 106, paragraphe 2, TFUE exprime clairement que les SIEG sont fournis par des « entreprises ». Bien que le traité ne définisse pas la notion d’« entreprise », la jurisprudence a itérativement jugé qu’elle recouvre toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de sa forme juridique et de son mode de financement ( 26 ). Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services contre rémunération. La rémunération est la contrepartie de la fourniture de biens ou de services ( 27 ). Dès lors que des biens ou services sont fournis contre rémunération, il est sans pertinence de savoir si le prestataire opère sans but lucratif ( 28 ) ou jouit d’un monopole légal ( 29 ).

31.

Je propose d’examiner la première question préjudicielle à la lumière de ces observations.

32.

Le gouvernement slovène soutient qu’en vertu de l’ancienne loi relative à la protection de l’environnement, les opérateurs économiques responsables de la satisfaction des obligations de REP n’avaient pas assuré que les emballages collectés par les services municipaux de gestion des déchets seraient traités correctement, créant ce faisant des risques pour l’environnement et la santé publique nécessitant une intervention du gouvernement. Si la juridiction de renvoi devait confirmer la véracité de cette présentation des faits, celle-ci semblerait démontrer l’existence d’une défaillance du marché qui suffirait à justifier la décision de la République de Slovénie de créer un SIEG pour répondre à un besoin public non satisfait.

33.

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les autorisations en vertu desquelles les autorités slovènes ont attribué aux organisations collectives la responsabilité d’assurer la satisfaction collective des obligations de REP à l’égard de certaines catégories de produits sont des actes qui leur confient l’accomplissement d’une mission globale et obligatoire ayant la nature d’un SIEG. Cette juridiction doit ce faisant également examiner si les autorisations en cause contiennent des motivations adéquates pour leur adoption et si elles définissent avec suffisamment de précision la nature, la durée et l’étendue des obligations de service public qu’elles confient aux organisations collectives.

34.

D’après l’ordonnance de renvoi, l’organisation collective responsable de la satisfaction des obligations de REP pour une catégorie de produits collecte une redevance calculée par référence au coût de la fourniture de tels services, y compris l’organisation d’appels d’offres pour la collecte et le traitement des déchets et la garantie que les producteurs remplissent leurs obligations de REP. Cette redevance est ainsi la rémunération de la fourniture de ces services ( 30 ). Eu égard au point 30 des présentes conclusions, si ces faits sont établis, ils démontrent que les organisations collectives envisagées en vertu de la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement sont des entreprises aux fins de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

35.

Je suggère donc à la Cour de répondre à la première question préjudicielle en ce sens que l’article 106, paragraphe 2, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une organisation chargée de la satisfaction collective des obligations de REP peut être une entreprise à laquelle un SIEG est confié lorsqu’il existe un intérêt public légitime, comme la protection de l’environnement ou de la santé publique, auquel les forces du marché n’ont pas su répondre adéquatement, lorsque les autorités nationales lui ont clairement confié une mission de service public par des actes qui contiennent une motivation adéquate de leur adoption et qu’il est démontré qu’elle exerce une activité économique.

B.   Sur la deuxième question préjudicielle

36.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le fait de confier la responsabilité de satisfaire aux obligations de REP à une unique organisation sans but lucratif est contraire aux articles 49, 56 et à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, aux articles 16 et 17 de la Charte, à la directive relative aux services ou à l’article 8 bis de la directive-cadre relative aux déchets.

37.

Interzero, soutenue par Surovina, soutient que le fait de confier une telle responsabilité à une organisation qui accomplit des missions purement administratives est contraire à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Empêcher d’autres opérateurs d’accomplir des missions administratives restreint la liberté d’établissement (article 49 TFUE) et la libre prestation de services (article 56 TFUE). Si le gouvernement slovène devait invoquer la protection de l’environnement comme raison impérieuse d’intérêt général pour justifier cette décision, Interzero et Surovina soutiennent que celui-ci n’a pas démontré que les mesures adoptées sont indispensables et proportionnées pour atteindre cet objectif. D’après Surovina, le gouvernement slovène a à sa disposition des mesures moins restrictives, comme la création d’une entité spécifique pour contrôler les activités des opérateurs économiques chargés de satisfaire aux obligations de REP. Interzero et Surovina soulignent en outre que la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement les contraindra à cesser leur activité en Slovénie. Ils soutiennent que, pour des raisons similaires, la loi est également contraire à la directive relative aux services.

38.

Pour autant que la directive relative aux services puisse s’appliquer, la Commission soutient que le système d’harmonisation complète qu’elle établit prive d’objet un examen de la deuxième question préjudicielle à l’aune de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Selon la Commission, bien que le fait de confier les missions en question à une unique organisation puisse constituer une restriction quantitative/territoriale ou réserver l’accès à des activités au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous a) et d), de la directive relative aux services, l’obligation en vertu de laquelle une telle organisation doit exercer son activité sans but lucratif semble tomber en dehors du champ d’application d’une telle mesure, de sorte que la Cour doit apprécier sa compatibilité avec la liberté d’établissement. La Commission rappelle qu’en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la directive relative aux services, toute restriction imposée à l’accès à ou à l’exercice d’une activité de services doit être non discriminatoire, nécessaire pour protéger une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnée ( 31 ). Les règles examinées par la juridiction de renvoi n’opèrent pas de discrimination sur le fondement de la nationalité et elles cherchent, notamment, à protéger l’environnement, un objectif d’intérêt général. Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi d’apprécier le caractère proportionné de ces règles, la Commission doute que le même résultat aurait pu être atteint sans que l’organisation chargée de l’exécution du SIEG se voie conférer des droits exclusifs. L’obligation d’accomplir ces missions sur une base non lucrative pourrait aussi faciliter la réalisation d’objectifs environnementaux. Bien que les conditions de l’article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux services ne s’appliquent pas aux SIEG lorsque ces conditions pourraient faire obstacle à l’accomplissement, en droit ou en fait, des missions qui leur sont imparties, la Commission estime que rien ne vient suggérer que l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux services s’applique dans les présentes circonstances.

39.

Les gouvernements tchèque, hongrois, néerlandais et slovène soutiennent que les États membres jouissent d’une large marge d’appréciation s’ils décident de confier la satisfaction des obligations de REP à une ou plusieurs organisations tenues d’opérer sans but lucratif ( 32 ). Quant à la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement, le gouvernement slovène soutient que, à la différence du régime précédent et de ses déficiences, le système qu’elle établit est tant efficace qu’économiquement efficient, garantissant ce faisant un niveau élevé de protection de l’environnement. Il observe en outre que le nouveau régime ne s’applique qu’aux produits destinés à un usage domestique. Le gouvernement néerlandais affirme qu’il pourrait être plus efficace et plus simple, dans un petit pays, de confier la satisfaction des obligations de REP à une unique organisation, notamment, en vue d’éviter le problème du « parasitage » qui peut survenir lorsque certains producteurs cherchent à faire le minimum possible pour satisfaire à leurs obligations de REP.

40.

Pour autant que ses règles nationales puissent restreindre la liberté d’établissement et la libre prestation de services, le gouvernement slovène soutient que ces restrictions sont justifiées par l’objectif de protection de l’environnement, qui est une raison impérieuse d’intérêt général. Par voie de conséquence, la réponse à la deuxième question préjudicielle n’exige pas de la Cour qu’elle examine les mesures devant la juridiction de renvoi à la lumière des articles 16 et 17 de la Charte ou de la directive relative aux services.

41.

Nonobstant la large marge d’appréciation dont jouissent les États membres, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 106, paragraphe 2, TFUE autorise des dérogations à l’application des règles du traité FUE à condition que ces exceptions soient nécessaires à l’accomplissement de missions particulières imparties à une entreprise chargée d’un SIEG et soient proportionnées pour atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi ( 33 ). Il suffit pour un État membre de démontrer que, faute d’octroi ou de maintien des droits en question, il serait impossible pour l’entreprise chargée de l’accomplissement des missions qui lui sont imparties ou confiées de les exécuter dans des conditions économiquement acceptables ( 34 ). La Cour a également jugé que l’article 106, paragraphe 2, TFUE autorise les États membres à accorder à des entreprises auxquelles ils ont confié l’exécution de SIEG des droits exclusifs qui restreignent, voire excluent, la concurrence à condition que l’octroi de tels droits soit nécessaire pour garantir l’accomplissement des missions imparties ( 35 ).

42.

Dans la présente espèce, Interzero et Surovina s’opposent à l’octroi de droits exclusifs à une unique organisation en ce qui concerne les déchets liés à certaines catégories de produits. Ils contestent également l’obligation en vertu de laquelle de telles organisations doivent exercer leur activité sans but lucratif.

43.

Il découle de la jurisprudence citée au point 41 des présentes conclusions que les États membres peuvent accorder des droits exclusifs et, ce faisant, éliminer toute concurrence sur un marché donné, à condition que cela soit nécessaire pour garantir l’accomplissement de certaines missions d’intérêt général. Les documents dans le dossier de la Cour indiquent que le gouvernement slovène a confié l’accomplissement de telles missions à une unique organisation sans but lucratif, précisément parce que le régime antérieur, en vertu duquel plusieurs entreprises à but lucratif se faisaient concurrence pour fournir ces services, ne parvenait pas à accomplir ces missions d’une manière satisfaisante. La coexistence de plusieurs opérateurs économiques avait conduit à un phénomène de « cherry-picking » ou « picorage » ( 36 ) et empêchait le contrôle du fonctionnement du système. Le but lucratif avait ainsi pour effet de faire obstacle à, plutôt que de promouvoir, l’objectif d’assurer une protection adéquate de l’environnement. Le gouvernement slovène soutient en outre que sa décision de confier l’accomplissement des missions en question à une unique organisation pour chaque catégorie de produits participe à assurer que tous les déchets liés à ces produits seront collectés et traités d’une manière sûre et respectueuse de l’environnement. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si des preuves confortent ces arguments ou si le gouvernement slovène a à sa disposition des moyens manifestement moins restrictifs lui permettant d’atteindre un niveau comparable de protection de l’environnement et de la santé publique.

44.

L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive relative aux services, lu en combinaison avec son considérant 8, exclut de son champ d’application les SIEG qui étaient réservés aux entités publiques ou privées à la date de son entrée en vigueur ( 37 ). Puisque la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement a été adoptée après l’entrée en vigueur de la directive relative aux services, les dispositions de cette dernière s’appliquent aux faits de l’affaire pendante devant l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle). Pour les raisons qui suivent, la directive relative aux services pourrait n’avoir que peu, voire aucune, incidence sur la réponse à la deuxième question préjudicielle. Pour autant que le fait de confier l’accomplissement des missions pertinentes pour chaque catégorie de produits à une unique organisation pourrait être une condition qui réserve l’accès à certaines activités à des prestataires particuliers aux fins de l’article 15, paragraphe 2, sous d), de la directive relative aux services, cette exigence doit être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ( 38 ) et être proportionnée ( 39 ). Une analyse de la deuxième question préjudicielle au regard du principe de liberté d’établissement ne conduirait pas, selon moi, à une réponse différente de celle proposée aux points 41 à 43 des présentes conclusions. De plus, l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive relative aux services ne s’applique aux SIEG que dans la mesure où cette disposition ne fait pas obstacle à l’accomplissement, en droit ou en fait, de missions particulières imparties à des entreprises qui fournissent des SIEG ( 40 ). Pour ce qui est de la libre prestation de services, l’article 17, premier alinéa, de la directive relative aux services prévoit que les exigences concernant l’accès à une activité de services exposée à l’article 16 de cette directive ne s’appliquent pas aux SIEG.

45.

Dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive à l’échelle de l’Union européenne, la compatibilité de mesures nationales avec le droit de l’Union devrait être examinée à la lumière de ces dispositions d’harmonisation et non au regard des traités ( 41 ). Une restriction à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services qui relève du champ d’application de la directive relative aux services, comme une mesure qui confère à une unique organisation la responsabilité d’accomplir certaines missions, n’a pas besoin d’être examinée à la lumière des articles 49 et 56 TFUE ( 42 ). Dans la mesure où la directive relative aux services ne gouverne pas une exigence légale à opérer sans but lucratif, sa conformité au droit de l’Union doit être appréciée par référence aux libertés du marché intérieur.

46.

Les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement sont considérées comme des restrictions de cette liberté ( 43 ). Une législation nationale qui réserve l’accès à une activité économique à des entités sans but lucratif pourrait restreindre la liberté d’établissement dans la mesure où elle gêne l’exercice de cette liberté par des entités à but lucratif. De telles restrictions à la liberté d’établissement ne sont autorisées que lorsqu’elles sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et respectent le principe de proportionnalité ( 44 ).

47.

Il est de jurisprudence constante que l’objectif de la protection de l’environnement, qui fait partie des objectifs essentiels de l’Union européenne ( 45 ), constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui peut justifier des restrictions à l’exercice de la liberté d’établissement ( 46 ). Le gouvernement slovène soutient que l’incitation à réaliser un bénéfice que facilitait l’ancienne loi relative à la protection de l’environnement empêchait d’atteindre l’objectif d’une protection adéquate de l’environnement. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si, au vu des faits qui lui ont été présentés, les autorités slovènes avaient à leur disposition des moyens moins restrictifs leur permettant d’atteindre cet objectif.

48.

Il est inutile pour la Cour d’examiner la moindre restriction à l’exercice des droits et libertés consacrés par les articles 16 et 17 de la Charte dans un contexte dans lequel il suffit à cette fin d’examiner la légalité de ces restrictions par référence aux articles 49 et 56 TFUE ( 47 ). En tout état de cause, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte prévoit que des restrictions peuvent être imposées à l’exercice des droits et libertés que reconnaît la Charte tant que ces restrictions sont prévues par la loi, respectent l’essence des droits et libertés ainsi protégés et, sous réserve du principe de proportionnalité, sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général que l’Union reconnaît ou à la nécessité de protéger les droits et libertés d’autrui. L’article 16 de la Charte protège les libertés d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre ( 48 ). Ces libertés ne sont cependant pas absolues et leur exercice peut aussi faire l’objet d’un large éventail d’interventions des autorités publiques, dont des limitations adoptées dans l’intérêt général ( 49 ). Il en va de même pour le droit de propriété que reconnaît l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, et son exercice peut aussi être soumis à des restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général qui ne constituent pas, en ce qui concerne l’objectif poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti ( 50 ). Je suis donc d’avis qu’il n’est pas nécessaire pour la Cour d’interpréter les articles 16 et 17 de la Charte afin de répondre à la deuxième question préjudicielle puisque cet exercice ne conduirait pas à une réponse différente de celle qui découle de son analyse de cette question à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

49.

Enfin, l’article 8 bis, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive-cadre relative aux déchets exige des États membres, là où plusieurs organisations coexistent, qu’ils désignent un organisme indépendant pour surveiller la mise en œuvre des obligations de REP ( 51 ). Cette disposition ne semble avoir rien à dire en ce qui concerne les pouvoirs des États membres pour confier à une unique organisation la satisfaction des obligations de REP pour une catégorie donnée de produits.

50.

Je suggère donc à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle en ce sens que les articles 49, 56 et l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les articles 16 et 17 de la Charte, la directive relative aux services ainsi que l’article 8 bis de la directive-cadre relative aux déchets n’interdisent pas à un État membre de confier la responsabilité de satisfaire aux obligations de REP à une unique organisation sans but lucratif lorsque ces mesures visent à garantir un niveau adéquat de protection de l’environnement et de la santé publique et qu’il n’y a pas de moyens moins restrictifs disponibles pour atteindre cet objectif.

C.   Sur les troisième, quatrième et cinquième questions préjudicielles

51.

Par ses troisième, quatrième et cinquième questions, qui peuvent être examinées ensemble, la juridiction de renvoi demande si une modification d’un régime juridique, en vertu de laquelle une activité à but lucratif exercée par plusieurs opérateurs économiques est transformée en une activité confiée à une unique organisation sans but lucratif sans prévoir de période transitoire ou le versement d’une indemnisation adéquate pour toute perte que ces opérateurs économiques pourraient avoir subie du fait de cette modification, est contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

52.

Bien qu’Interzero et Surovina admettent que les opérateurs économiques ne peuvent pas s’attendre à ce que la législation nationale ne soit pas modifiée ( 52 ), elles soutiennent que dans les circonstances exposées dans l’ordonnance de renvoi, la jurisprudence de la Cour au sujet de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique exige des États membres qu’ils introduisent une période transitoire et accordent une indemnisation adéquate aux opérateurs économiques affectés par de tels changements.

53.

Le gouvernement slovène et la Commission soutiennent que les États membres peuvent adopter une législation qui a pour conséquence que la poursuite d’une activité à but lucratif exercée par un certain nombre d’opérateurs économiques peut être confiée à une unique organisation sans but lucratif. Le gouvernement slovène soutient que le principe de sécurité juridique est respecté dès lors que les règles adoptées à cette fin sont claires. Le principe de protection de la confiance légitime est également respecté parce que les modifications législatives de ce type étaient prévisibles depuis l’adoption de la directive-cadre relative aux déchets. Puisque les modifications législatives étaient légales, il n’était pas nécessaire d’indemniser les opérateurs économiques pour toute perte qu’ils pourraient avoir subie. Nonobstant ce qui précède, la Commission n’exclut pas que, dans certains cas, il puisse être nécessaire pour un État membre d’accorder aux opérateurs une période transitoire appropriée afin de leur permettre de s’adapter à un nouveau régime. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les circonstances dont elle a à connaître constituent l’un de ces cas.

54.

Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime font partie de l’ordre juridique de l’Union européenne. Les États membres doivent respecter ces principes lorsqu’ils donnent effet aux directives de l’Union européenne ( 53 ).

55.

Le principe de sécurité juridique n’empêche pas les États membres d’exercer leurs pouvoirs pour modifier leur législation ( 54 ). En vertu d’une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible, tout particulièrement lorsque ces règles pourraient avoir des conséquences défavorables pour les individus ou les entreprises affectés ( 55 ). Ce principe exige qu’une réglementation soit rédigée d’une manière qui permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions pour se protéger des conséquences qui pourraient en découler ( 56 ).

56.

Le principe de protection de la confiance légitime vise à garantir que lorsqu’une autorité nationale donne des assurances précises à un opérateur économique, ce dernier puisse se prévaloir de ces assurances à l’égard de cette autorité. En l’absence d’assurances de cette nature, lorsque des autorités nationales peuvent choisir de modifier une certaine situation à tout moment, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante ( 57 ).

57.

Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas à ce qu’un État membre modifie une loi avec effet immédiat, sans prévoir de régime transitoire ( 58 ). La jurisprudence de la Cour n’exclut pas complètement la possibilité que des opérateurs économiques, qui pourraient avoir réalisé des investissements coûteux afin de se conformer à un régime législatif, puissent invoquer la protection de la confiance légitime lorsque ce régime est supprimé avant une date qui avait déjà été annoncée sans accorder à ces opérateurs économiques le temps nécessaire pour s’adapter aux conséquences de cette suppression ( 59 ).

58.

Il appartient en définitive à la juridiction de renvoi de vérifier les circonstances entourant l’adoption de la législation nationale en cause dans l’affaire dont elle est saisie. J’observe néanmoins que, dans la mesure où la nouvelle loi relative à la protection de l’environnement confie la responsabilité de la satisfaction des obligations de REP à une unique organisation sans but lucratif, cette circonstance semble être exprimée en termes clairs et précis. Il ne semble pas non plus y avoir la moindre indication dans le dossier de la Cour qu’une autorité nationale compétente aurait donné des assurances aux opérateurs économiques que l’ancienne loi relative à la protection de l’environnement ne serait pas abrogée ou qu’elle demeurerait en vigueur pour une durée quelconque.

59.

Je suggère donc à la Cour de répondre aux troisième, quatrième et cinquième questions préjudicielles en ce sens que les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ne font pas obstacle à une modification du régime juridique en vertu de laquelle une activité à but lucratif exercée par plusieurs opérateurs économiques est transformée en une activité confiée à une unique organisation sans but lucratif sans prévoir de période transitoire ou le versement d’une indemnisation adéquate pour toute perte que les opérateurs économiques pourraient avoir subie du fait de ce changement.

D.   Sur la sixième question préjudicielle

60.

La sixième question préjudicielle demande si une législation nationale en vertu de laquelle les producteurs qui placent sur le marché au moins 51 % d’une certaine catégorie de produits doivent créer une organisation responsable de la satisfaction des obligations de REP (ci-après la « règle des 51 % ») et que seuls de tels producteurs peuvent être des détenteurs du capital de cette organisation (ci‑après la « règle relative à la détention du capital ») est contraire aux articles 49 et 56 TFUE, à l’article 16 de la Charte, à la directive relative aux services ainsi qu’à la directive-cadre relative aux déchets.

61.

Interzero soutient que la règle des 51 % restreint la liberté d’entreprise garantie à l’article 16 de la Charte. Il n’y a aucune raison pour laquelle une organisation collective destinée à assurer la mise en œuvre des obligations de REP devrait être créée par les producteurs de certains produits, étant donné notamment que ces producteurs ne sont pas des experts de la gestion des déchets. Interzero affirme aussi que la règle des 51 % équivaut à une discrimination indirecte fondée sur la nationalité puisque les entreprises nationales forment une claire majorité des producteurs qui mettent des produits de consommation sur le marché en Slovénie.

62.

Le gouvernement slovène soutient que la règle des 51 % vise à assurer que soit créée une unique organisation collective ayant la responsabilité des déchets liés à chaque catégorie de produits de consommation.

63.

La Commission affirme que la règle des 51 % est une restriction à la liberté d’établissement dans la mesure où elle pourrait dissuader des producteurs de s’établir en Slovénie ( 60 ). Bien que cette règle puisse être justifiée, référence faite à la protection de l’environnement, la juridiction nationale doit vérifier que la législation nationale est proportionnée pour atteindre cet objectif et qu’il n’y a pas d’arrangements moins restrictifs qui garantiraient la responsabilité de la gestion des déchets en lien avec chaque catégorie de produits. La Commission suggère que la règle relative à la détention du capital pourrait être disproportionnée bien qu’elle admette qu’il s’agit d’une question qu’il appartient à la juridiction de renvoi de trancher.

64.

Sous réserve des considérations qui suivent, je suggère à la Cour de répondre en ce sens que la réponse à la sixième question préjudicielle peut être déduite de l’application des observations formulées aux points 41 à 49 des présentes conclusions.

65.

Premièrement, pour autant que la règle des 51 % et la règle relative à la détention du capital semblent constituer des exigences liées à la détention du capital d’une société aux fins de l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive relative aux services, je renvoie aux réflexions présentées au point 44 des présentes conclusions. Pour qu’elles soient compatibles avec la directive relative aux services, ces exigences doivent être non discriminatoires, nécessaires pour répondre à une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées ( 61 ).

66.

Bien qu’Interzero soutienne que la règle des 51 % constitue une forme de « discrimination à rebours » fondée sur la nationalité, elle ne conteste pas que, d’un point de vue juridique, cette règle est non discriminatoire puisqu’elle s’applique de la même manière à tous les producteurs, indépendamment de leur nationalité. Le fait que plus de producteurs nationaux que de producteurs d’autres États membres peuvent être actifs sur un marché donné est une circonstance qui peut évoluer au cours du temps et qui par conséquent ne rend pas la règle des 51 % discriminatoire. Pour ce qui est de la nécessité d’atteindre un objectif impérieux d’intérêt général, la règle des 51 % cherche à assurer que seule une organisation collective peut être créée à l’égard de chaque catégorie de produits avec pour objectif d’œuvrer en faveur de la protection de l’environnement. La règle relative à la détention du capital cherche à atteindre cet objectif en garantissant que les producteurs assument la pleine responsabilité organisationnelle de la gestion des déchets liés à leurs produits. Pour ce qui est de l’application du principe de proportionnalité, les parties à la présente procédure n’ont pas suggéré le moindre arrangement moins restrictif qui pourrait atteindre le niveau de protection de l’environnement auquel les autorités slovènes aspirent.

67.

Deuxièmement, ainsi que l’indique le point 45 des présentes conclusions, lorsqu’une restriction à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services relève du champ d’application de la directive relative aux services, il est inutile d’examiner sa conformité aux dispositions du traité FUE relatives au marché intérieur. La règle des 51 % doit en tout état de cause être analysée du point de vue de la liberté d’établissement. Tout obstacle auquel seraient confrontés les opérateurs économiques établis dans d’autres États membres qui pourraient souhaiter offrir leurs services afin d’assurer la satisfaction collective des obligations de REP survient en conséquence de l’octroi d’un SIEG à une unique organisation pour chaque catégorie de produits. Ce n’est donc pas une conséquence de la règle des 51 %. Cette règle peut néanmoins rendre moins attrayante la possibilité pour les producteurs de s’établir en Slovénie, constituant ce faisant une restriction à la liberté d’établissement ( 62 ). La règle relative à la détention du capital constitue une restriction supplémentaire à la liberté d’établissement puisqu’elle empêche d’autres entreprises d’avoir un intérêt financier dans les organisations collectives ( 63 ). Il ne s’ensuit pas que l’une quelconque de ces règles serait contraire au droit de l’Union. Ainsi que je l’ai observé aux points 46 et 47 des présentes conclusions, l’imposition de telles restrictions à la liberté d’établissement pourrait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général qui incluent la protection de l’environnement et de la santé publique, sous réserve à chaque fois du respect du principe de proportionnalité, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

68.

Troisièmement, les parties à la procédure devant la Cour n’ont pas identifié la moindre disposition de la directive-cadre relative aux déchets qui pourrait constituer un obstacle à l’application de la règle des 51 %. Tant cette règle que la règle relative à la détention du capital semblent viser à garantir que les producteurs assument la responsabilité financière et organisationnelle pour le stade de la gestion des déchets du cycle de vie de leurs produits, justifications qu’autorise l’article 8, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive-cadre relative aux déchets.

69.

Quatrièmement, au vu des considérations exprimées au point 48 des présentes conclusions, il semble que toute appréciation de ces règles par référence à l’article 16 de la Charte pourrait ne pas être indispensable et que, en tout état de cause, elle ne conduirait pas à une autre issue dans les circonstances du présent renvoi préjudiciel.

70.

Je suggère donc à la Cour de répondre à la sixième question préjudicielle en ce sens que les articles 49 et 56 TFUE, l’article 16 de la Charte, la directive relative aux services et la directive-cadre relative aux déchets ne s’opposent pas à une législation nationale en vertu de laquelle les producteurs qui placent sur le marché au moins 51 % d’une certaine catégorie de produits doivent créer une organisation responsable de garantir la satisfaction des obligations de REP et que seuls de tels producteurs peuvent être détenteurs du capital de cette organisation.

E.   Sur les septième, huitième et neuvième questions préjudicielles

71.

Les septième, huitième et neuvième questions préjudicielles, qui peuvent faire l’objet d’une réponse commune, cherchent à déterminer si une législation nationale qui empêche les détenteurs du capital d’organisations collectives d’exercer des activités de collecte et de traitement des déchets, de participer au capital de tout opérateur exerçant de telles activités et qui impose les mêmes interdictions aux membres des organismes de direction et de surveillance de ces organisations collectives (ci-après les « règles relatives aux conflits d’intérêts ») est contraire aux articles 49 et 56 TFUE, à l’article 16 de la Charte, à la directive relative aux services ainsi qu’à la directive-cadre relative aux déchets.

72.

Interzero considère que l’objectif d’éviter les conflits d’intérêts aurait pu être atteint par des moyens moins restrictifs comme une interdiction faite aux organisations collectives de conclure des contrats avec des opérateurs dans lesquels elles ont un intérêt financier.

73.

Le gouvernement slovène soutient que les règles relatives aux conflits d’intérêts sont nécessaires pour prévenir que de tels conflits naissent entre des organisations collectives et des opérateurs intervenant dans la collecte et le traitement de déchets entraînant des conséquences défavorables pour l’accomplissement des missions imparties aux opérateurs. Le gouvernement tchèque souscrit à cette opinion et signale que la prévention de conflits d’intérêts entre les organisations collectives et les opérateurs chargés de la collecte et du traitement des déchets fait partie des objectifs de la directive-cadre relative aux déchets.

74.

La Commission admet que le fait d’interdire aux détenteurs du capital d’une organisation collective de détenir le moindre investissement dans des opérateurs effectuant la collecte et le traitement de déchets semble être une restriction appropriée afin d’éviter des conflits d’intérêts.

75.

Les principes exposés aux points 41 à 49 et 64 à 69 des présentes conclusions participent à fournir une réponse aux septième, huitième et neuvième questions préjudicielles, sous réserve des considérations suivantes relatives à la directive relative aux services ( 64 ).

76.

Pour autant que les règles relatives aux conflits d’intérêts sont des exigences qui concernent la détention du capital d’une société au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive relative aux services, celles-ci doivent être non discriminatoires, nécessaires pour répondre à une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées ( 65 ). Les règles relatives aux conflits d’intérêts semblent appropriées pour garantir l’objet pour lequel elles ont été adoptées. Elles cherchent en définitive à assurer, notamment, la protection de l’environnement en écartant le risque que des soumissionnaires qui ne sont pas les plus efficaces économiquement ou sur le plan environnemental soient retenus sur le fondement de considérations ou de relations commerciales. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la lumière des arguments avancés par les parties, s’il existe des moyens moins restrictifs disponibles permettant à la République de Slovénie d’atteindre cet objectif.

77.

Je suggère donc à la Cour de répondre aux septième, huitième et neuvième questions préjudicielles en ce sens que les articles 49 et 56 TFUE, l’article 16 de la Charte, la directive relative aux services et la directive-cadre relative aux déchets ne s’opposent pas à une législation nationale qui interdit aux détenteurs du capital d’organisations collectives d’exercer des activités de collecte et de traitement des déchets, de détenir une participation dans tout opérateur exerçant ces activités, et qui impose la même interdiction aux membres des organes de direction et de surveillance des organisations collectives, à condition qu’il n’y ait pas de moyens moins restrictifs de prévenir les conflits d’intérêts qui offriraient le même niveau de protection de l’environnement et de la santé publique.

F.   Sur la dixième question préjudicielle

78.

La dixième question de la juridiction de renvoi demande si l’obligation pour les producteurs qui ne sont pas détenteurs du capital d’une organisation collective de conclure un contrat avec celle-ci afin de satisfaire à leurs obligations de REP est contraire aux articles 49 et 56 TFUE et à l’article 16 de la Charte.

79.

Interzero affirme que cette obligation est une restriction à la liberté d’entreprise garantie à l’article 16 de la Charte, qu’elle n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et qu’elle est, en tout état de cause, disproportionnée parce que les producteurs devraient avoir le choix de satisfaire à leurs obligations de REP en créant leur propre organisation ou en concluant des contrats appropriés avec des organisations de leur choix.

80.

Le gouvernement néerlandais considère qu’une telle obligation pourrait éviter le « parasitage » pratiqué par certains producteurs qui cherchent à faire le minimum requis pour satisfaire à leurs obligations de REP.

81.

La Commission soutient que cette obligation est une restriction à la libre prestation de services garantie à l’article 56 TFUE et à la liberté d’entreprise au titre de l’article 16 de la Charte. Bien que cette obligation semble poursuivre l’objectif de protéger, notamment, l’environnement, la Commission invite la juridiction de renvoi à vérifier qu’il n’y a pas de moyens alternatifs moins restrictifs permettant d’atteindre cet objectif.

82.

Selon moi, la réponse à la dixième question préjudicielle est étroitement liée à celle que je propose que la Cour donne à la deuxième question préjudicielle. Si le droit de l’Union autorise les États membres à confier la responsabilité d’assurer la satisfaction des obligations de REP à une unique organisation collective, il s’ensuit que les producteurs qui ne sont pas détenteurs du capital d’une organisation collective devront conclure des contrats avec cette organisation étant donné qu’il s’agira pour eux du seul moyen légal de satisfaire à leurs obligations de REP.

83.

Je suggère donc à la Cour de répondre à la dixième question préjudicielle en ce sens que, si le droit de l’Union autorise les États membres à confier la responsabilité d’assurer la satisfaction des obligations de REP à une unique organisation collective, les producteurs qui ne sont pas détenteurs du capital de cette organisation peuvent être obligés de conclure un contrat avec celle-ci afin de satisfaire à leurs obligations de REP.

V. Conclusion

84.

Je suggère par conséquent à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles présentées par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie) :

1)

L’article 106, paragraphe 2, TFUE

doit être interprété en ce sens que :

une organisation responsable de la satisfaction collective des obligations de responsabilité élargie des producteurs peut être une entreprise chargée d’un service d’intérêt économique général lorsqu’il existe un objectif légitime d’intérêt public comme la protection de l’environnement ou de la santé publique que les forces du marché n’ont pas été de mesure de satisfaire adéquatement, que les autorités nationales lui ont clairement confié une mission de service public par des actes qui contiennent une motivation adéquate pour son adoption et qu’il est démontré qu’elle exerce une activité économique.

2)

Les articles 49, 56 et l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur et l’article 8 bis de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, ne s’opposent pas à ce qu’un État membre confie la responsabilité de satisfaire aux obligations de responsabilité élargie des producteurs à une unique organisation sans but lucratif lorsque ces mesures visent à garantir un niveau adéquat de protection de l’environnement et de la santé publique et qu’il n’y a pas de moyens moins restrictifs disponibles pour atteindre cet objectif.

3)

Les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ne font pas obstacle à une modification du régime juridique en vertu de laquelle une activité à but lucratif exercée par plusieurs opérateurs économiques est transformée en une activité confiée à une unique organisation sans but lucratif sans prévoir de période transitoire ou le versement d’une indemnisation adéquate pour toute perte que ces opérateurs économiques pourraient avoir subie en conséquence de ce changement.

4)

Les articles 49 et 56 TFUE, l’article 16 de la charte des droits fondamentaux, la directive 2006/123 et la directive 2008/98 ne s’opposent pas à une législation nationale en vertu de laquelle les producteurs qui placent sur le marché au moins 51 % d’une certaine catégorie de produits doivent créer une organisation responsable d’assurer la satisfaction des obligations de responsabilité élargie des producteurs et que seuls de tels producteurs peuvent être détenteurs du capital de cette organisation.

5)

Les articles 49 et 56 TFUE, l’article 16 de la charte des droits fondamentaux, la directive 2006/123 et la directive 2008/98 ne s’opposent pas à une législation nationale qui empêche les détenteurs du capital d’organisations collectives d’exercer des activités de collecte et de traitement des déchets, de détenir des participations dans tout opérateur exerçant ces activités et qui impose la même interdiction aux membres des organes de direction et de surveillance des organisations collectives, à condition qu’il n’y ait pas de moyens moins restrictifs de prévenir les conflits d’intérêts qui offriraient le même niveau de protection de l’environnement et de la santé publique.

6)

Si le droit de l’Union autorise les États membres à confier la responsabilité d’assurer la satisfaction des obligations de responsabilité élargie des producteurs à une unique organisation collective, les producteurs qui n’ont pas de participation au capital de cette organisation peuvent être tenus de conclure un contrat avec ladite organisation afin de satisfaire à leurs obligations de responsabilité élargie des producteurs.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Les États membres adoptent des régimes de REP afin de garantir que les producteurs de biens supportent la responsabilité financière et organisationnelle de la gestion des déchets liés à leurs produits.

( 3 ) JO 2006, L 376, p. 36.

( 4 ) JO 2008, L 312, p. 3.

( 5 ) Telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018 (JO 2018, L 150, p. 109), directive qui visait à définir la notion de « REP » et à établir des exigences minimales à cet effet.

( 6 ) Telle que modifiée par la directive 2018/851.

( 7 ) Ajouté par la directive 2018/851.

( 8 ) Uradni list RS, no 39/06.

( 9 ) Uradni list RS, no 44/22.

( 10 ) Une même organisation collective peut assurer que les obligations de REP seront respectées à l’égard de plusieurs catégories de produits.

( 11 ) Il est interdit aux organisations collectives et aux détenteurs de leur capital de fournir des services de collecte et de traitement des déchets, et elles ne sauraient avoir d’intérêts financiers directs ou indirects dans des entreprises fournissant ces services. Les producteurs qui concluent un contrat avec une organisation collective afin de satisfaire à leurs obligations de REP ne sont pas soumis à ces restrictions.

( 12 ) En vertu de son article 2, les États membres devaient se conformer à la directive 2018/851 au plus tard le 5 juillet 2020.

( 13 ) Le gouvernement slovène ajoute que la République tchèque et la République d’Estonie prévoient un régime similaire.

( 14 ) Le gouvernement slovène ajoute que les opérateurs économiques chargés d’assurer collectivement la satisfaction des obligations de REP ont violé le droit national de la concurrence en concluant des accords horizontaux anticoncurrentiels.

( 15 ) Le protocole no 26 affirme en outre que les traités n’affectent nullement la compétence des États membres pour fournir, attribuer et organiser des services non économiques d’intérêt général.

( 16 ) Voir, en ce sens, article 1er, premier tiret, du protocole no 26 sur les services d’intérêt général. Voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée). Voir aussi arrêts du 1er mars 2017, France/Commission (T‑366/13, EU:T:2017:135, point 92 et jurisprudence citée), ainsi que du 1er mars 2017, SNCM/Commission (T‑454/13, EU:T:2017:134, point 111).

( 17 ) Mme l’avocate générale Sharpston a observé que « [l]a caractéristique essentielle d’une entreprise fournissant un SIEG est qu’une prestation est fournie, dont la fourniture sert l’intérêt général, mais qui ne serait pas exécutée (ou qui ne serait exécutée qu’à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d’accessibilité, d’égalité de traitement ou d’accès universel) par le marché libre en l’absence d’intervention de l’État (ce qu’on appelle le “critère de la défaillance du marché”) » : conclusions dans l’affaire Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:492, point 90). Les conclusions de M. l’avocat général Wathelet dans l’affaire Comunidad Autónoma del País Vasco e.a/Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, C‑70/16 P et C‑81/16 P, EU:C:2017:654, point 122) défendaient la même thèse. Dans le même ordre d’idée, voir aussi arrêts du 1er mars 2017, France/Commission (T‑366/13, EU:T:2017:135, point 123), et du 1er mars 2017, SNCM/Commission (T‑454/13, EU:T:2017:134, point 172), où le Tribunal a jugé que les États membres peuvent établir un SIEG lorsque celui-ci satisfait un besoin réel de service public et que les forces du marché ne répondent pas à cette demande.

( 18 ) Voir point 14 de la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe (JO 2001, C 17, p. 4) ; la page 3 de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions intitulée « Un cadre de qualité pour les services d’intérêt général en Europe », du 20 décembre 2011 [COM(2011) 900 final], et point 48 de la communication de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (JO 2012, C 8, p. 4, ci‑après la « communication sur l’application des règles en matière d’aides d’État aux SIEG »). Pour une analyse de la jurisprudence sur l’exigence d’une défaillance dans le contexte des SIEG, voir Szyszczak, E., « Services of General Economic Interest, State Aid and State Measures Affecting Competition », Journal of European Competition Law & Practice, 2017, vol. 8, no 10, p. 680 à 683. Voir aussi Collins, A. M., Martínez Navarro, M., « Economic Activity, Market Failure and Services of General Economic Interest : It Takes Two to Tango », Journal of European Competition Law & Practice, 2021, vol. 12, no 5, p. 384 à 386.

( 19 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 1998, BFI Holding (C‑360/96, EU:C:1998:525, point 52) ; du 23 mai 2000, Sydhavnens Sten & Grus (C‑209/98, EU:C:2000:279, point 75), et du 19 décembre 2019, Engie Cartagena (C‑523/18, EU:C:2019:1129, point 33).

( 20 ) Voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (127/73, EU:C:1974:25, point 20) ; du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, EU:T:2008:29, point 172), et du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 78).

( 21 ) Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 79).

( 22 ) Voir, en ce sens, point 52 de la communication sur l’application des règles en matière d’aides d’État aux SIEG.

( 23 ) Arrêt du 15 juin 2005, Olsen/Commission (T‑17/02, EU:T:2005:218, point 188).

( 24 ) Arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, EU:T:2008:29, point 172).

( 25 ) Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 79). Voir aussi point 52 de la communication sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux SIEG.

( 26 ) Arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 21 et jurisprudence citée).

( 27 ) Arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, points 45 et 47 ainsi que jurisprudence citée).

( 28 ) Arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 27), et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 46).

( 29 ) Arrêt du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission (T‑696/17, EU:T:2019:652, point 98).

( 30 ) La Cour a suggéré qu’une organisation privée sans but lucratif ayant un agrément des autorités publiques et qui a reçu des contributions de producteurs en échange de la satisfaction des obligations de REP de ces derniers est une entreprise : arrêt du 21 octobre 2020, Eco TLC (C‑556/19, EU:C:2020:844, points 31 à 51).

( 31 ) Article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux services. La Commission considère également que les règles régissant un SIEG doivent être nécessaires à l’exercice de la tâche particulière de service public confiée à une entreprise et être proportionnées.

( 32 ) Le gouvernement hongrois ajoute que la directive-cadre relative aux déchets ne contraint pas les États membres à autoriser les producteurs à satisfaire à leurs obligations de REP en collectant et traitant les déchets eux-mêmes.

( 33 ) Voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission (C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 29) ; du 19 mars 2019, Inpost Paczkomaty et Inpost/Commission (T‑282/16 et T‑283/16, EU:T:2019:168, point 115), et du 8 septembre 2021, Achema et Achema Gas Trade/Commission (T‑193/19, EU:T:2021:558, point 102).

( 34 ) Voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 1998, Dusseldorp e.a. (C‑203/96, EU:C:1998:316, point 65) ; du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance (C‑437/09, EU:C:2011:112, point 76), et du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission (C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 30).

( 35 ) Arrêts du 19 mai 1993, Corbeau (C‑320/91, EU:C:1993:198, point 14), et du 27 avril 1994, Almelo (C‑393/92, EU:C:1994:171, point 46).

( 36 ) D’après le gouvernement slovène, les opérateurs économiques se concentraient sur l’exécution des activités de gestion des déchets plus lucratives au détriment de celles qui étaient moins profitables (par exemple les services fournis dans les zones rurales).

( 37 ) Arrêt du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie (C‑171/17, EU:C:2018:881, points 41 à 43). L’article 15, paragraphe 4, et l’article 17, premier alinéa, de la directive relative aux services soutiennent l’interprétation de la Cour puisque ces dispositions sembleraient sinon dépourvues d’objet.

( 38 ) Telle que définie par la jurisprudence de la Cour : voir, en ce sens, l’article 4, paragraphe 8, de la directive relative aux services, lu en combinaison avec son considérant 40.

( 39 ) Article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux services.

( 40 ) Article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux services.

( 41 ) Arrêt du 11 juin 2020, KOB (C‑206/19, EU:C:2020:463, point 30 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir, en ce sens, arrêts du 23 février 2016, Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2016:108, point 118), et du 26 juin 2019, Commission/Grèce (C‑729/17, EU:C:2019:534, points 52 et 54).

( 43 ) Arrêts du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo (C‑106/16, EU:C:2017:804, point 46 et jurisprudence citée), ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 61).

( 44 ) Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 64 et jurisprudence citée).

( 45 ) Arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien) (C‑261/18, EU:C:2019:955, point 115).

( 46 ) Arrêts du 4 juillet 2019, Commission/Allemagne (C‑377/17, EU:C:2019:562, point 71), et du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C‑50/21, EU:C:2023:448, point 69).

( 47 ) Arrêts du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 60), et du 20 décembre 2017, Global Starnet (C‑322/16, EU:C:2017:985, point 50).

( 48 ) Arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 82).

( 49 ) Arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 83).

( 50 ) Arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 85).

( 51 ) Il prévoit que, « [l]orsque, sur le territoire d’un État membre, plusieurs organisations mettent en œuvre des obligations de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs de produits, les États membres concernés désignent au moins un organisme indépendant des intérêts privés ou une autorité publique pour surveiller la mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ».

( 52 ) Interzero admet que, au plus tard en 2023, les opérateurs économiques pouvaient envisager que la législation nationale serait modifiée à certains égards du fait de l’entrée en vigueur de la directive-cadre relative aux déchets.

( 53 ) Arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol (C‑201/08, EU:C:2009:539, point 43).

( 54 ) Arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol (C‑201/08, EU:C:2009:539, point 49).

( 55 ) Arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due (C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 29 et jurisprudence citée).

( 56 ) Arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due (C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 30).

( 57 ) Arrêt du 27 juin 2024, Gestore dei Servizi Energetici (C‑148/23, EU:C:2024:555, point 54).

( 58 ) Arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft (C‑332/14, EU:C:2016:417, point 56).

( 59 ) Arrêts du 10 septembre 2009, Plantanol (C‑201/08, EU:C:2009:539, point 52), et du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a. (C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 64).

( 60 ) La Commission a initialement soutenu que la règle des 51 % restreignait la libre prestation de services, mais a abandonné cet argument lors de l’audience.

( 61 ) Voir article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux services.

( 62 ) Voir jurisprudence citée au point 45 des présentes conclusions.

( 63 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, points 44 à 49).

( 64 ) Ainsi qu’il est indiqué dans ces points des présentes conclusions, il est inutile de procéder à un examen distinct de ces dispositions par référence aux dispositions du traité FUE relatives au marché intérieur ou de la Charte. J’observe également que les parties à la procédure devant la Cour n’ont pas identifié la moindre disposition de la directive-cadre relative aux déchets qui ferait obstacle à l’adoption de règles relatives aux conflits d’intérêts.

( 65 ) Voir article 15, paragraphe 3, de la directive relative aux services. Cela est sans préjudice de la possibilité d’invoquer l’article 15, paragraphe 4, de la directive relative aux services dans le contexte des SIEG.

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