EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52002AE0034

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation"

JO C 80 du 3.4.2002, p. 52–60 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002AE0034

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation"

Journal officiel n° C 080 du 03/04/2002 p. 0052 - 0060


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation"

(2002/C 80/13)

Le 2 juillet 2001, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section "Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale", chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 décembre 2001 (rapporteur: M. Levitt).

Lors de sa 387e session plénière des 16 et 17 janvier 2002 (séance du 17 janvier 2002), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 92 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1. Introduction

1.1. La Commission a présenté une proposition de directive destinée à créer un "passeport unique pour les émetteurs": une fois approuvé par l'autorité du pays d'origine de l'émetteur, un prospectus devrait être accepté dans toute l'UE pour l'offre de valeurs mobilières au public et/ou l'admission de ces valeurs à la négociation sur des marchés réglementés. Un prospectus est un document d'information remis aux investisseurs par les émetteurs qui souhaitent se procurer des capitaux et/ou faire admettre leurs titres à la négociation. La directive proposée vise à simplifier considérablement le système de prospectus, de sorte qu'il devienne plus facile et moins coûteux de lever des capitaux dans l'UE. Cette initiative est l'un des éléments clés du plan d'action pour les services financiers, qui vise à la création d'un marché intégré de ces services. La Commission a souligné qu'il s'agit de l'une des deux premières propositions de directives élaborées selon la nouvelle méthode "Lamfalussy" entérinée par le Conseil européen de Stockholm (méthode qui consiste à distinguer les principes-cadres des détails techniques de l'exécution). La Commission a donc l'intention d'adopter des mesures techniques pour compléter les principes-cadres définis par la directive, après avoir consulté les représentants des États membres, réunis en un (nouveau) comité des valeurs mobilières, selon une procédure de comitologie.

1.2. Le but de la directive proposée est de faire en sorte que des normes de publicité appropriées et équivalentes s'appliquent dans tous les États membres, lorsque des valeurs mobilières sont mises à la disposition de l'ensemble des investisseurs européens, que ce soit par une procédure d'offre au public ou par l'admission de ces valeurs à la négociation. La directive proposée couvrirait tous les types de valeurs normalement négociées sur le marché et comporterait une définition commune de l'"offre au public".

1.3. Les principaux éléments de la proposition de directive tels que décrits dans le communiqué de presse et l'exposé des motifs de la Commission sont les suivants:

- définition de conditions pour l'offre de valeurs mobilières au public et l'admission à la négociation;

- harmonisation des définitions de base afin d'éviter les lacunes et les différences d'approche nationales et d'assurer ainsi l'égalité de traitement dans toute l'UE;

- introduction de normes de publicité renforcées, conformes aux normes internationales (OICV - Organisation internationale des commissions de valeurs) applicables en cas d'offre de valeurs mobilières au public ou d'admission de ces valeurs à la négociation (pour permettre aux émetteurs de l'UE de proposer plus facilement leurs titres à l'extérieur de l'Union européenne, notamment aux États-Unis);

- introduction d'un système de document d'enregistrement pour les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, de manière à garantir une actualisation annuelle des informations importantes les concernant;

- concentration des responsabilités entre les mains de l'autorité compétente de l'État membre d'origine;

- "passeport unique": possibilité d'offrir des valeurs mobilières au public ou de les faire admettre à la négociation sur la base d'une simple notification du prospectus approuvé par l'autorité compétente de l'État membre d'origine.

1.4. La Commission indique que la proposition de directive correspond à l'approche suggérée par le comité des sages (présidé par M. Lamfalussy) et approuvée en mars 2001 par une résolution du Conseil européen de Stockholm. Cette approche implique une concertation avec les praticiens du marché avant l'adoption de la législation/réglementation et repose sur une distinction entre les principes-cadres et les mesures d'exécution. En l'occurrence, cela signifie que toutes les règles, concepts et principes de base sont inscrits dans la directive. La Commission a par ailleurs l'intention, après avoir consulté les représentants des États membres réunis en un comité des valeurs mobilières, d'adopter des mesures d'orientation technique et d'exécution dans plusieurs domaines spécifiques:

- adaptation et actualisation des définitions et exemptions;

- définition de normes de publicité spécifiques pour les prospectus, conformément aux normes de publicité internationales définies par l'OICV pour les offres transfrontalières et l'admission initiale à la cote;

- définition de règles techniques et d'orientations détaillées sur des questions telles que la publication des prospectus, les communications à caractère promotionnel, l'approbation des prospectus, la reconnaissance des prospectus présentés par des émetteurs de pays tiers.

1.5. En vertu de la réglementation actuelle de l'UE, l'autorité du pays d'accueil, en cas de reconnaissance des prospectus, est autorisée à réclamer un complément d'information sur le marché domestique. Les réglementations et les pratiques sont très variables d'un État membre à l'autre. C'est ce qui explique que les marchés de capitaux de l'UE soient très fragmentés et qu'il soit rarement possible d'utiliser un prospectus pour lever des capitaux dans un autre pays. Bien que la directive sur les conditions d'admission à la cote (80/390/CEE) prévoie la reconnaissance mutuelle, celle-ci n'est accordée qu'aux prospectus qui fournissent les informations exigées par cette directive, et il n'existe aucun système européen de reconnaissance pour les valeurs mobilières qui n'entrent pas dans le champ d'application de la directive 80/390/CEE.

2. Observations générales

2.1. Le Comité déplore vivement que la Commission ait complètement omis de consulter les praticiens du marché préalablement à l'adoption de la proposition de directive. Cette proposition souligne, à juste titre, la nécessité d'introduire des normes de publicité communes renforcées en cas d'offres au public de valeurs mobilières. Les investisseurs professionnels, les émetteurs et les intermédiaires financiers reconnaissent tous le besoin de protéger les petits investisseurs, notamment par le biais d'une publicité adéquate, mais ils insistent également sur l'opportunité de prévoir un régime plus léger pour les marchés de gros. Le présent avis démontre qu'en divers points, la proposition de directive ne tient pas suffisamment compte des pratiques juridiques et des pratiques du marché qui sont en vigueur et donnent des résultats satisfaisants. (En outre, elle diffère d'un point de vue matériel du document élaboré par le FESCO - Forum des commissions de valeurs mobilières de l'Union européenne - sur le thème de la publicité, pour lequel des praticiens ont été consultés). Le Comité souligne également la nécessité d'inclure dans la référence à l'information relative aux salariés une information sur les procédures de consultation de ceux-ci.

2.2. La proposition de directive examine un domaine important pour lequel il convient manifestement de parvenir à:

- une meilleure convergence des exemptions aux exigences imposées par le prospectus et aux exigences connexes, notamment pour faciliter les placements institutionnels et privés de valeurs mobilières (ce qui présente un avantage particulier pour les activités transfrontalières des marchés de gros);

- une reconnaissance mutuelle accrue des prospectus, notamment en vue de réduire la nécessité de fournir une traduction complète des documents d'offre lorsque les offres sont présentées dans plus d'un État (ce qui présente un avantage particulier pour les offres transfrontalières de détail de valeurs mobilières).

Une avancée sur ces questions contribuerait réellement au développement du marché unique paneuropéen. L'approche adoptée dans la proposition de directive en vue d'aborder ces problématiques suscite toutefois quelques préoccupations.

2.3. Les objectifs louables de la directive tels que définis dans l'exposé des motifs et le communiqué de presse et résumés dans les grandes lignes dans les paragraphes précédents du présent avis, ne correspondent pas toujours au texte détaillé de la proposition de directive. Les paragraphes ci-après abordent les questions importantes suivantes:

- les exigences en matière de prospectus pour les placements institutionnels et privés ainsi que pour les petits investisseurs,

- le droit conféré à l'émetteur de choisir le lieu d'émission de valeurs mobilières (principe de l' "État d'origine"),

- les implications sur les marchés internationaux de titres de créance négociables dans l'UE et les effets particuliers sur les marchés des euro-obligations et les marchés des euro medium term notes (MTN) à émetteurs multiples,

- la mise à jour annuelle de la documentation à charge des sociétés, même si elles ne procèdent pas à de nouvelles émissions,

- le rapport entre la proposition de directive à l'examen et les directives existantes,

- les répercussions sur les émetteurs étrangers et sur la concurrence entre des marchés réglementés,

- d'autres thèmes, notamment le pouvoir des autorités compétentes d'imposer leurs exigences hors de leur territoire, les responsabilités juridictionnelles en matière de communications à caractère promotionnel et la relation avec la directive sur le commerce électronique.

3. Placements institutionnels et privés

3.1. À l'heure actuelle, l'un des principaux obstacles au développement des marchés de capitaux de gros européens est constitué par la divergence des approches adoptées par les États membres quant aux circonstances dans lesquelles les offres de valeurs mobilières sont exemptées des exigences en matière de prospectus. En particulier, les entreprises désireuses d'effectuer des placements institutionnels ou privés transfrontaliers de valeurs mobilières doivent tenir compte du fait que les États membres appliquent leurs exigences en matière de prospectus de manières très diverses. Si, dans un État membre, une offre à certaines catégories d'investisseurs professionnels est susceptible d'être exemptée de l'obligation de publier un prospectus, il se peut, dans d'autres, que des conditions minimales d'investissement, ou autres, doivent être satisfaites avant d'appliquer une quelconque exemption.

3.2. L'un des principaux avantages potentiels de la proposition de directive est l'harmonisation du régime d'exemptions de manière à faciliter véritablement les placements institutionnels et privés, notamment pour ce qui concerne la mobilisation transfrontalière de capitaux. Or, la directive proposée n'atteint pas du tout cet objectif.

3.2.1. La proposition de directive adopte en particulier une définition très limitée des types d' "investisseurs qualifiés" qui peuvent bénéficier de l'offre de valeurs mobilières sans tomber sous le coup de l'obligation de publier un prospectus. Ainsi, la proposition de directive (article 2, paragraphe 1, point c) exclut de cette définition même les entreprises les plus grandes et les plus complexes ainsi que de nombreux autres types d'investisseurs institutionnels, tels que des sociétés d'investissement et d'autres fonds communs de placement fermés (il est bien évidemment nécessaire de prendre en considération les différentes caractéristiques des divers fonds d'investissement pour déterminer s'ils sont ou ne sont pas "qualifiés"). La distinction entre les petits investisseurs professionnels et inexpérimentés est examinée actuellement dans le cadre de la consultation par la Commission relative à la directive sur les services d'investissement (DSI). Il se peut que de grandes sociétés et des investisseurs individuels expérimentés (personnes physiques) soient qualifiés de "professionnels". La proposition de directive devrait dès lors faire référence à la révision de la DSI. Si, comme indiqué plus haut (voir paragraphe 2.1), il est essentiel de protéger les petits investisseurs, la proposition de directive imposerait néanmoins une réglementation disproportionnée aux marchés essentiellement interprofessionnels, en particulier les marchés internationaux de titres de créance négociables sur lesquels quelque 95 % des investisseurs qui y opèrent sont des professionnels.

3.2.2. En réalité, la proposition de directive n'interdit pas aux États membres d'imposer l'obligation de pré-notification, de dépôt ou autre pour les offres de valeurs mobilières à des investisseurs qualifiés ou pour les offres autres que celles au public. Les États membres ne devraient pas avoir la faculté de dresser des obstacles aux placements institutionnels ou privés en imposant des exigences de ce type.

3.2.3. La proposition de directive n'aborde pas le cas fréquent dans lequel une offre est faite au public dans un État membre (ou un pays tiers), alors qu'un placement institutionnel ou privé est réalisé dans un autre. Les entreprises effectuant l'offre ne devraient pas être tenues de respecter la procédure de reconnaissance mutuelle (qui peut prévoir la traduction d'une partie au moins du prospectus) afin d'effectuer un placement institutionnel ou privé dans un État membre pour la simple raison qu'une offre est faite au public dans un autre État. Bien que l'article 3, paragraphe 2, prévoie des exemptions à l'obligation de publier un prospectus pour certains types d'investisseurs ou d'émissions au-delà d'un seuil déterminé, cette obligation est toujours d'application lorsque les titres sont admis à la négociation (c'est-à-dire inscrits à la cote officielle). Étant donné que de nombreux investisseurs professionnels sont autorisés à investir uniquement dans des valeurs mobilières cotées (soit en vertu de réglementations nationales soit de dispositions de leurs propres statuts), les exemptions actuellement définies sont insuffisantes pour leur éviter de tomber sous le coup de l'obligation de publier un prospectus sur les marchés de titres de créance négociables. Aussi, une nouvelle exemption devrait-elle être prévue pour les émissions de titres de dette d'un montant supérieur ou égal à 40000 EUR. (Ce seuil est prévu dans d'autres législations, notamment la directive sur les offres publiques; il ne nuirait pas à la publicité des petits investisseurs).

3.2.4. La proposition de directive (article 3, paragraphe 3) réduit de manière inopportune le champ d'application des exemptions, en excluant notamment les offres de droits ainsi que les offres d'options d'achat d'actions réservées aux travailleurs.

3.3. À cet égard, la proposition de directive s'avère considérablement plus restrictive que les propositions initiales formulées par le FESCO (Forum des commissions de valeurs mobilières de l'Union européenne) dans son document intitulé "Un passeport unique pour les émetteurs". Cette position est particulièrement préoccupante dans la mesure où la proposition de directive semblerait empêcher les États membres d'adopter une approche plus libérale quant à l'application de l'obligation de publier un prospectus, exigeant en effet de ces derniers qu'ils limitent ou abolissent des placements privés existants plus généreux ou d'autres exemptions analogues même si celles-ci sont prévues au titre des directives actuellement en vigueur.

4. Principe de l'État d'origine

4.1. En vertu de la proposition de directive (article 2, paragraphe 1, point g), l' "État d'origine" est le pays dans lequel l'émetteur s'est établi. Un émetteur est toujours tenu de soumettre un prospectus (ou une note relative aux valeurs mobilières ainsi qu'un résumé) aux autorités compétentes du pays d'établissement (article 4) en vue d'un contrôle préalable et d'une approbation, quel que soit le lieu où il propose d'effectuer une offre au public ou de procéder à l'admission de ses valeurs mobilières à la cote officielle ou à la négociation. Conformément aux directives en vigueur, un émetteur désireux de faire une offre au public (ou d'entreprendre les démarches en vue de l'admission de ses valeurs mobilières à la cote officielle) dans un autre État membre peut décider de faire contrôler préalablement son prospectus dans cet État et peut effectivement l'utiliser afin de réaliser une offre au public dans un troisième État membre en application de l'actuelle procédure de reconnaissance mutuelle. La seule exception à cette règle se pose lorsque l'émetteur effectue également une offre au public (ou tente de faire admettre ses valeurs mobilières à la cote officielle) dans son pays d'établissement.

4.2. Il ne semble exister aucune raison impérative d'empêcher un émetteur d'opter pour le contrôle préalable et l'approbation de son prospectus dans un État membre dans lequel il entend effectuer une offre au public ou faire admettre ses valeurs mobilières à la cote officielle ou à la négociation (au lieu de recourir aux autorités compétentes de son État d'origine). Certes, dans certains cas, il peut s'avérer plus opportun pour les autorités de l'État d'origine de vérifier les données concernant un émetteur. Néanmoins, pendant de nombreuses années, les autorités compétentes en matière de cotation ont contrôlé préalablement et approuvé des prospectus d'émetteurs provenant d'autres États membres ou de pays tiers sans difficultés particulières (e, encourageant même les émetteurs étrangers à demander une cotation multinationale). Les craintes d'un "arbitrage réglementaire" ou d'un "nivellement par le bas" sont exagérées. Les marchés de valeurs mobilières les plus performants dans le monde sont ceux qui appliquent les normes de publicité les plus strictes et cultivent la transparence et le respect des règles, inspirant ainsi confiance aux investisseurs comme aux émetteurs.

4.3. Par ailleurs, le fait de priver ainsi l'émetteur de la liberté de choisir un autre État membre pourrait engendrer une série de problèmes.

4.3.1. Prenons l'exemple d'un émetteur français qui souhaite lever des capitaux en Allemagne par le biais d'une offre au public allemand et faire admettre ses valeurs mobilières à la cote officielle en Allemagne. L'émetteur, tout en ne souhaitant pas faire une offre au public en France, serait néanmoins tenu, en vertu de la proposition de directive, de faire contrôler préalablement et approuver son prospectus par les autorités françaises.

4.3.2. Conformément à la proposition de directive, les autorités françaises seraient habilitées à exiger que le prospectus soit préparé en français (et présenté de la manière habituelle en France) (article 7) alors que les autorités allemandes pourraient uniquement exiger de l'émetteur qu'il prépare une traduction du résumé du prospectus en allemand en vue de déposer l'offre en Allemagne (article 16). Toutefois, pour des raisons pratiques de marketing (tout particulièrement si l'offre est destinée aux petits investisseurs allemands), l'émetteur pourrait être tenu de préparer une version allemande du prospectus tout entier (à présenter de la manière usuelle en Allemagne). En vertu des directives existantes, l'émetteur pourrait faire contrôler préalablement et approuver son prospectus en Allemagne et, par conséquent, ne faire préparer qu'une seule version linguistique de son prospectus.

4.3.3. Étant donné que l'émetteur sollicite la cotation de ses titres en Allemagne, il lui faudra toujours s'adresser aux autorités allemandes compétentes en vue du respect des critères d'admission à la cotation (article 15). En outre, il lui faudra également traiter avec les autorités compétentes pour remplir les obligations permanentes qui incombent aux émetteurs de valeurs mobilières (telles que les exigences de publicité ad hoc). Par ailleurs, du fait qu'il commercialise ses titres en Allemagne, il devra satisfaire à une série d'autres exigences juridiques allemandes portant sur les modalités de l'offre de ses valeurs mobilières au public (par exemple, article 15, paragraphe 3). Conformément aux directives en vigueur, l'émetteur serait uniquement tenu (dans ce cas de figure) de se conformer aux exigences juridiques allemandes relatives à la gestion de l'offre (et ne devrait traiter, de manière continue, qu'avec une seule instance de réglementation, en l'occurrence l'instance allemande, pour les obligations permanentes afférentes à la cotation). Selon la proposition de directive à l'examen, l'émetteur serait tenu de traiter à la fois avec les autorités allemandes et françaises et ce, tant lors du lancement de l'offre qu'au cours des étapes ultérieures.

4.3.3.1. Le besoin de traduction (cf. paragraphes 3.2.3, 4.3.2 et 4.3.3 ci-dessus) découlant de l'exigence relative à l'approbation par l'autorité du pays d'établissement, par opposition au pays où l'émission est réalisée ou admise à la cote, ainsi que la nécessité de satisfaire à une série d'exigences juridiques dans les deux pays (cf. paragraphe 4.3.3 ci-dessus) sont évidemment coûteux. L'émetteur pourrait dès lors décider que les charges liées au dépôt d'une offre transfrontalière et à la recherche d'une cotation multinationale sont excessives du fait de l'existence de ces exigences supplémentaires. Il pourrait être plus aisé pour l'émetteur de faire admettre ses titres à la cotation dans l'État membre d'origine et de limiter l'offre aux investisseurs de cet État. À la lumière de ce qui précède, la proposition de directive pourrait en fait avoir un effet dissuasif pour les offres et les cotations multinationales et limiter la concurrence entre les bourses de valeurs désireuses d'attirer les émetteurs sur leurs marchés.

4.3.3.2. De manière analogue, les propositions affecteront les émetteurs admis à la cote dans un pays qui choisissent d'obtenir pour leurs titres de créance internationaux une cotation à Londres, à Luxembourg ou dans tout pays autre que l'État d'origine. Ainsi, en l'état actuel des choses, une entreprise espagnole dont les titres sont cotés en Espagne et négociés sur une bourse de valeurs espagnole peut demander l'admission à la cote de ses euro-obligations au Royaume-Uni. À cette fin, elle élaborera un document d'information (prospectus pour l'admission à la cote officielle) en anglais, destiné à être contrôlé par les autorités britanniques, et les euro-obligations seront vendues à des investisseurs selon la procédure des placements privés ou exemptions similaires. La négociation des euro-obligations sera conduite selon la procédure traditionnelle de gré à gré au titre des règles prescrites par l'International Securities Market Association plutôt que celles de la bourse de Londres. Il n'y a pas lieu d'impliquer les autorités espagnoles dans cette opération.

4.3.3.3. En vertu de la proposition de directive, l'émetteur serait tenu de préparer une note relative aux valeurs mobilières ainsi qu'un résumé de l'offre, qui devraient être examinés et approuvés par les autorités espagnoles. Toutefois, si les autorités espagnoles exigent que ces documents (et le document d'enregistrement de base) soient rédigés en espagnol dans un format usuel en Espagne, l'émetteur peut également être tenu, en pratique, de préparer un document en anglais dans un format approprié pour les investisseurs internationaux (même si les autorités britanniques n'exigent pas une traduction en anglais du résumé). En outre, l'émetteur devra toujours s'adresser aux autorités britanniques pour solliciter la cotation de ses valeurs mobilières et se conformer à la réglementation britannique concernant les obligations permanentes applicables aux émetteurs admis à la cote. Ainsi, la mise en oeuvre de la directive, dans sa version actuelle, devrait engendrer à tout le moins une augmentation des coûts pour les émetteurs qui recherchent une cotation multinationale de leurs titres de créance et incitera ces derniers à rechercher une cotation nationale de leurs valeurs mobilières (moyennant l'aval des investisseurs internationaux).

4.3.3.4. Par ailleurs, la proposition de directive à l'examen pénalisera les émetteurs en les privant des avantages dont ils bénéficient actuellement en termes d'efficacité du fait de la centralisation efficace à Luxembourg et au Royaume-Uni du contrôle des documents relatifs à la cotation et à l'offre pour de nombreuses émissions internationales de titres de créance. En exigeant que ces questions soient toujours traitées dans le pays d'établissement de l'émetteur, la proposition de directive brise le dispositif relativement efficace mis en place à l'heure actuelle pour la révision des documents destinés aux marchés européens. Il n'est pas certain que la procédure de comitologie puisse atteindre un degré aussi élevé de convergence dans le traitement des cas particuliers. À la lumière du raisonnement ci-dessus, l'article 2, paragraphe 1, point g (voir paragraphe 4.1 du présent avis) devrait être modifié afin que l' "État membre d'origine" soit défini comme étant l'État dans lequel l'émetteur choisit d'admettre à la cote ou d'offrir des valeurs mobilières.

4.3.3.5. Il est clairement souhaitable de prévoir une exigence de publicité moins contraignante pour les euro-obligations, qui sont traitées sur le marché professionnel.

4.3.4. Les programmes d'émission d'euro medium term notes (MTN) sont des instruments grâce auxquels un émetteur ou un groupe d'émetteurs peut établir un document équivalent au prospectus de référence (shelf-registration) lui permettant, de temps à autre, d'émettre des titres de créance destinés à être cotés sur une ou plusieurs bourses de valeurs. Par exemple, un ensemble d'entreprises peut souhaiter organiser, à brève échéance, des émissions de titres de créance par le biais de la société mère et de diverses filiales, dont certaines peuvent être établies dans un État membre différent du pays d'établissement de la société mère (ou dans un pays tiers). Les titres seraient alors vendus à des investisseurs institutionnels dans une série de pays selon la procédure des placements privés ou exemptions similaires.

4.3.4.1. À l'heure actuelle, les émetteurs peuvent solliciter la cotation du programme à une seule bourse de valeurs et les autorités compétentes du pays dans lequel celle-ci est implantée procéderont au contrôle préalable et à l'approbation d'un document d'information unique (prospectus) couvrant toutes les émissions de titres effectuées dans le cadre du programme par tous les émetteurs concernés. Il n'est pas nécessaire pour ces derniers de faire approuver le document d'information par les autorités de leur État membre d'origine.

4.3.4.2. En vertu de la proposition de directive, une entreprise allemande souhaitant faire admettre un programme MTN à la cote officielle de la bourse de Luxembourg pour l'émission de titres de créance par elle-même, ainsi que par ses filiales en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis, devrait obtenir l'approbation du prospectus par les autorités compétentes allemandes, françaises et néerlandaises ainsi que par les autorités compétentes luxembourgeoises (du fait de l'émetteur américain). En conséquence, quatre autorités compétentes devraient contrôler préalablement et approuver le prospectus (et pourraient imposer leurs propres exigences en matière de langue, de forme et de contenu, prévues dans la directive) même si celui-ci porte sur un seul programme d'émission de titres de créance. Actuellement, il suffirait dans ce cas de figure que les autorités luxembourgeoises approuvent les documents relatifs au programme.

4.3.4.3. Manifestement, les exigences en matière de contrôle préalable et d'approbation d'une note relative aux valeurs mobilières et d'un résumé pour toutes les émissions de titres devraient engendrer des charges supplémentaires considérables pour les programmes MTN. Dans le cadre de ces programmes, l'émission d'une tranche des valeurs mobilières requiert uniquement le dépôt d'un complément d'évaluation des coûts (sans approbation obligatoire du document). Il n'est pas rare de nos jours que des euro medium term notes soient émis en 15 ou 20 minutes, lorsqu'une opportunité de marché se présente. La proposition de directive devrait être modifiée afin de permettre des offres ou des admissions à la négociation sur la base de l'approbation d'un prospectus unique pour un programme complet sans qu'il soit nécessaire d'élaborer un prospectus distinct pour des offres ultérieures présentées dans le cadre du même programme.

4.3.5. Le fait de lier (à perpétuité) les émetteurs à leur État membre d'origine peut avoir une incidence sur le choix du pays d'établissement pour les nouvelles entreprises dans la mesure où ce choix affectera les mobilisations ultérieures de capitaux effectuées par ces entreprises. Il pourrait s'ensuivre une distorsion de la concurrence dans le marché unique. Les créateurs d'entreprises pourraient être tentés d'éviter de s'implanter dans des pays dont les autorités compétentes apparaissent comme excessivement bureaucratiques ou inflexibles dans leurs procédures de contrôle des prospectus. À un stade ultérieur du cycle de vie de l'entreprise, il pourrait s'avérer difficile de restructurer un groupe et de changer le lieu d'établissement de la société mère (pour des raisons fiscales notamment). Le choix du pays d'établissement "approprié" revêtira dès lors une importance capitale pour les nouvelles entreprises - même si, à ce stade, elles peuvent encore ignorer dans quel pays elles souhaitent lever des capitaux ou faire admettre leurs titres à la cote officielle.

4.3.6. Les autorités (ou bourses) nationales compétentes seront moins enclines à renforcer les normes de publicité au-dessus du seuil minimal fixé par la directive (dans l'hypothèse où la proposition de directive le permet). Toute norme de publicité renforcée ne s'appliquera qu'aux émetteurs nationaux et non à ceux provenant d'autres États membres qui choisissent de faire admettre des titres sur leurs marchés.

4.3.7. Dans le même ordre d'idées, les autorités nationales compétentes ne subiront pas de pression concurrentielle les incitant à améliorer le niveau des services qu'elles offrent aux entreprises recherchant l'approbation de leurs prospectus. Les sociétés nationales n'auront pas d'autre alternative que de s'adresser à leurs autorités nationales compétentes et les émetteurs provenant d'autres États membres ne seront pas tenus de faire approuver leurs prospectus par les autorités compétentes des pays concernés, même s'ils procèdent à une offre au public ou sollicitent l'admission à la cote officielle sur le territoire de ces pays.

4.3.8. Si, nonobstant cette situation, une autorité nationale compétente devait décider d'imposer des exigences de publicité supérieures aux normes minimales prescrites par la directive (dans l'hypothèse où la proposition de directive le permet), cette décision aurait également des effets néfastes sur les émetteurs établis dans ce pays par rapport à la situation présente. Actuellement, ces émetteurs peuvent choisir de faire admettre leurs titres à la cote officielle dans un autre État membre. La proposition de directive à l'examen obligerait ces émetteurs à respecter toutes les normes de publicité imposées par l'instance de réglementation de leur État membre d'origine même s'ils ne souhaitent pas y lever des capitaux ou y inscrire leurs titres à la cote officielle.

4.3.9. Les directives en vigueur offrent une certaine souplesse à l'autorité nationale compétente en lui permettant d'accorder ponctuellement des dérogations aux exigences de publicité (par exemple, uniquement lorsque l'information revêt une moindre importance). Toutefois, en principe, le prospectus peut toujours bénéficier des avantages de la reconnaissance mutuelle, même si en l'occurrence des conditions précises doivent être remplies. La proposition de directive n'autorise aucune souplesse pour les dérogations au cas par cas.

4.4. Les propositions à l'examen sont considérablement plus restrictives que celles précédemment formulées dans le document publié sur ce thème par le FESCO. Ce document aurait au moins permis aux émetteurs de choisir entre leur pays d'établissement et le pays dans lequel ils détiennent leur inscription principale. Il n'est pas non plus cohérent avec le traitement des émetteurs de pays tiers dont les titres ne sont pas encore négociés sur une bourse de valeurs de l'UE. Ces émetteurs disposent du droit de choisir leur "pays d'origine" tant qu'ils sont en mesure de contrôler dans quel pays leurs titres sont admis en premier lieu à la négociation (voir ci-après si tel n'est pas le cas).

4.5. L'article 11, paragraphe 4 de la proposition de directive s'énonce comme suit: "À défaut d'une décision de l'autorité compétente de l'État membre d'origine dans les délais prévus aux paragraphes 2 et 3, la demande de l'émetteur ou de l'offreur est réputée rejetée. Ce rejet est susceptible d'un recours juridictionnel".

Le Comité estime que ce texte est inacceptable et prie la Commission de le supprimer. Il devrait être remplacé par le texte suivant: "À défaut d'une décision de l'autorité compétente dans les délais prévus aux paragraphes 2 et 3, la demande de l'émetteur ou de l'offreur est réputée acceptée, tandis que tout rejet est susceptible d'un recours juridictionnel. Si l'autorité compétente a besoin d'un délai supplémentaire, elle doit en aviser l'émetteur par écrit".

5. Système de prospectus de référence (shelf-registration) obligatoire

5.1. La proposition de directive prévoit un système selon lequel tout émetteur dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé de l'UE est tenu d'actualiser chaque année son "document d'enregistrement" (article 9). Le "document d'enregistrement" est la partie du prospectus contenant des informations sur la situation et les activités financières de l'émetteur. En vertu de la proposition de directive, lorsque l'émetteur envisage une émission spécifique de valeurs mobilières, le document d'enregistrement est assorti d'une "note relative aux valeurs mobilières" (fournissant des informations complémentaires sur les titres émis et des détails sur l'offre) ainsi que d'un "résumé" (présentant une synthèse des informations essentielles contenues dans la note relative aux valeurs mobilières et le document d'enregistrement) (article 15). Ces trois documents composent le prospectus. L'annexe II de la proposition de directive dresse un aperçu des informations à inclure au minimum dans le document d'enregistrement. La Commission a toutefois la possibilité de développer des règles plus spécifiques par le biais de la procédure de "comitologie". L'actualisation annuelle du document d'enregistrement doit être déposée auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'origine de l'émetteur et soumise à son contrôle.

5.2. Apparemment, le choix de cette structure est motivé en premier lieu par la volonté de faciliter les émissions futures de titres par un émetteur. Dans ce cas, l'émetteur n'aurait plus qu'à rédiger une note relative aux valeurs mobilières ainsi qu'un résumé (sauf si un changement important ou un développement récent est intervenu depuis la dernière mise à jour du document d'enregistrement). L'objectif consiste à autoriser un émetteur à émettre des valeurs mobilières selon une procédure accélérée sans qu'il soit tenu d'élaborer à chaque fois un prospectus complet.

5.3. Cela dit, l'obligation d'actualiser chaque année le document d'enregistrement entraînerait également un accroissement considérable du volume d'informations continues à fournir par tous les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur des marchés réglementés de l'UE. En effet, chaque émetteur sera tenu de rédiger annuellement les parties commerciale et financière d'un prospectus complet et de les faire examiner par l'autorité compétente de son pays d'origine. Cette obligation s'applique quelle que soit l'intention de l'émetteur de procéder ou non à une émission ultérieure de titres. Cette mesure affectera tout particulièrement les petites et moyennes entreprises qui ne lèvent qu'une seule fois des capitaux, au moment de leur admission initiale à la négociation sur une bourse de valeurs.

5.4. En outre, le régime proposé pourrait poser des difficultés aux émetteurs qui, au moment de l'actualisation annuelle, négocient une opération importante (une acquisition, par exemple), sans pour autant avoir atteint le stade pour lequel une information ad hoc est nécessaire. Il n'apparaît pas clairement si, dans ce cas de figure, l'émetteur serait à même d'élaborer un document d'enregistrement actualisé présentant de manière correcte les informations requises sans rien révéler des négociations en cours.

5.5. Le régime proposé est également plus lourd que celui initialement présenté dans le document élaboré par le FESCO qui suggérait simplement que le prospectus de référence ("shelf-registration") constitue une option pour les émetteurs.

6. Lien avec d'autres directives

6.1. La proposition de directive abrogerait les directives 80/390/CEE et 89/298/CEE. Ces directives portent sur le prospectus à publier pour l'admission de valeurs mobilières à la cote officielle d'une bourse de valeurs et sur le prospectus à publier en cas d'offre publique de valeurs mobilières. La proposition de directive n'opère aucune distinction entre valeurs cotées et non cotées admises à la négociation sur un marché réglementé. En outre, elle ne contient aucune définition d'un "marché réglementé" alors que cette question est évoquée dans la révision de la DSI, à laquelle il devrait être fait référence.

6.2. Toutefois, la directive proposée ne modifie pas les dispositions de la directive 79/279/CEE portant coordination des conditions d'admission de valeurs mobilières à la cote officielle d'une bourse de valeurs (y compris les obligations permanentes imposées aux émetteurs inscrits). Elle n'altère pas non plus les dispositions de la directive 82/121/CEE relative à l'information périodique à publier par les sociétés dont les actions sont admises à la cote officielle d'une bourse de valeurs. Ainsi, en vertu de la proposition de directive, les autorités compétentes de l'État dans lequel l'émetteur souhaite faire admettre ses valeurs mobilières à la cote officielle continueraient d'assumer d'importantes responsabilités. Par conséquent, la proposition ne modifie pas non plus la distinction entre segments cotés et non cotés des marchés réglementés. Il se peut aussi que la Commission procède à une révision distincte des directives susmentionnées.

6.3. On ne voit pas bien si, dans le cadre de cette révision, la Commission entend proposer l'abolition du concept de "cotation". Or, les raisons pour lesquelles il pourrait s'avérer important de continuer à considérer les titres "cotés" comme une catégorie à part entière sont multiples. Actuellement, de nombreuses restrictions tenant à la gestion d'investissements ainsi qu'à des accords ou des instruments similaires (tant au sein de l'UE que dans des pays tiers) limitent effectivement les investissements de l'institution concernée aux titres "cotés" sur une bourse de valeurs. Il est difficile de prévoir les effets d'une abolition éventuelle par l'UE du statut de "valeurs mobilières cotées". Dans le pire des cas, elle pourrait empêcher de nombreux investisseurs institutionnels d'investir dans des valeurs mobilières négociées sur des marchés communautaires.

6.4. On ne discerne pas non plus si la Commission entend proposer le transfert au "pays d'origine" de l'émetteur de certaines fonctions prévues dans le cadre des directives susmentionnées (et actuellement attribuées par ces dernières au pays de cotation). En effet, de nombreuses questions soulevées par la proposition de directive à l'examen sont liées aux interrogations posées par ces directives. Il est évident que le fait d'imposer aux émetteurs une actualisation obligatoire conduit à un chevauchement entre les exigences instaurées par la proposition de directive et les obligations permanentes imposées aux émetteurs par les autres directives (qui, à leur tour, sont liées aux exigences en matière d'information ad hoc prévues par la directive sur les abus de marché).

6.5. La proposition de directive donnerait manifestement lieu à des changements radicaux sur le plan de la répartition des responsabilités entre les autorités compétentes. Il est néanmoins difficile d'évaluer les conséquences de ces propositions sans connaître les propositions de réforme des autres directives.

7. Émetteurs de pays tiers

7.1. La proposition de directive pourrait avoir des répercussions négatives pour les émetteurs étrangers. Par exemple, un marché réglementé danois peut décider d'admettre à la négociation les valeurs mobilières d'un émetteur américain (sans l'aval de l'émetteur américain et sur la base d'un prospectus publié aux États-Unis). En conséquence, le Danemark deviendrait le "pays d'origine" de l'émetteur américain si ce dernier souhaitait un jour lever des capitaux dans l'UE par le biais d'une offre au public ou faire admettre ses titres à la négociation sur un autre marché réglementé. Cette situation se présenterait même si l'émetteur américain ne souhaitait pas faire une offre au public au Danemark ou faire admettre à la négociation ses autres valeurs mobilières sur une bourse de valeurs danoise.

7.2. Par ailleurs, la proposition de directive à l'examen ne tient pas non plus compte du cas où un émetteur extracommunautaire réalise une offre publique dans deux ou plusieurs États membres (sans admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé). Il serait apparemment interdit à l'un de ces États membres de conférer la reconnaissance mutuelle au document d'offre approuvé par l'autre.

8. Concurrence des marchés

8.1. La proposition de directive pourrait avoir des effets néfastes sur la capacité des marchés réglementés d'admettre des valeurs mobilières à la négociation sans l'approbation de l'émetteur. À titre d'illustration, les marchés réglementés peuvent actuellement se livrer concurrence en matière de prestations de services en admettant des valeurs mobilières à la négociation même si cette admission n'a pas été sollicitée par l'émetteur. D'une manière générale, cette situation ne serait possible dans un marché réglementé que si les informations destinées au public sont suffisantes pour permettre le fonctionnement d'un véritable marché de valeurs (par exemple, en raison de la cotation des valeurs dans un autre pays). La structure de la proposition de directive rendrait cependant la tâche des marchés réglementés sensiblement plus difficile. Il apparaît notamment que les marchés réglementés seraient chargés de veiller en permanence à ce qu'un émetteur respecte ses obligations en matière d'actualisation du prospectus (voir article 4). Cette disposition provoque, semble-t-il, une certaine confusion entre les exigences relatives à la réglementation boursière et aux plateformes de négociation et celles relatives à la réglementation des émetteurs. Il pourrait en résulter une limitation de la concurrence entre les plateformes de négociation.

9. Extraterritorialité

9.1. Les dispositions de la proposition de directive laissent entendre que les autorités compétentes peuvent imposer leurs exigences à un émetteur hors de leur territoire, pour la simple raison qu'un marché réglementé décide d'admettre à la négociation les valeurs mobilières de cet émetteur, indépendamment du fait que ce dernier ait ou n'ait pas sollicité cette admission (ou du fait qu'il y consente ou non). Ainsi, les modalités d'application des dispositions énoncées aux articles 15 et 21 restent floues pour le cas où l'émetteur n'aurait pas avalisé l'admission à la négociation de ses titres dans une autre juridiction.

10. Communications à caractère promotionnel

10.1. En vertu de l'article 13, toutes les annonces et tous les avis doivent faire l'objet d'une approbation préalable par l'État membre d'origine. Cette disposition est inadéquate et disproportionnée en cas de notifications de nouvelles émissions à des investisseurs professionnels (par exemple, via le service électronique d'informations financières). La proposition de directive devrait dès lors exclure tous les avis aux investisseurs professionnels. En outre, cet article ne prévoit aucun délai de décision par les autorités, ce qui est inacceptable. Il n'est pas non plus clairement précisé qui est censé respecter ces exigences.

11. Commerce électronique

11.1. La proposition de directive n'aborde pas la question de savoir quand une offre est censée avoir été effectuée "sur" le territoire d'un autre État membre. Plus particulièrement, elle reste muette sur le lien existant entre la présente directive et les règles relatives au pays d'origine édictées dans la directive sur le commerce électronique.

12. Carnet d'ordres ("Book building")

12.1. Il est actuellement possible d'émettre de nouveaux titres pour un montant équivalant à 10 % au maximum de l'émission initiale en cours sans publication préalable d'un prospectus. La proposition de directive devrait être modifiée afin de ne pas imposer une obligation de publier un prospectus pour les nouvelles émissions ou les admissions à la négociation de titres d'un type déterminé existant dont le montant n'excède pas 10 %.

13. Conclusions

13.1. Le Comité déplore vivement que la Commission ait omis de consulter les praticiens du marché préalablement à l'adoption de la proposition de directive. Le présent avis démontre qu'en divers points du document, la Commission ne tient pas suffisamment compte des pratiques du droit du marché qui sont en vigueur et donnent des résultats satisfaisants.

13.2. Les objectifs louables de la directive, tels que définis dans l'exposé des motifs et le communiqué de presse et résumés sommairement dans les paragraphes précédents du présent avis, ne correspondent pas tout à fait au texte détaillé de la proposition de directive, ce qui soulève une série d'inquiétudes:

- distinction inadéquate des exigences en matière de prospectus en cas de placements institutionnels et privés,

- d'où découleraient, sauf modifications, des exigences contraignantes et inutiles pour ces types de placement,

- suppression du droit conféré à l'émetteur de choisir le lieu d'émission de valeurs mobilières (principe de l'"État" d'origine),

- posant ainsi des difficultés aux émetteurs qui espèrent mobiliser des fonds sur d'autres marchés nationaux de l'UE et sur des marchés internationaux de titres de créance négociables, et produit des effets particulièrement néfastes sur les marchés des euro-obligations et les marchés des euro medium term notes (MTN) à émetteurs multiples,

- exigence coûteuse relative à la traduction dans le cas d'une émission transfrontalière découlant de la suppression de la liberté de choisir l'autorité compétente,

- laquelle pourrait également rendre moins attrayante la levée par une entreprise de capitaux en dehors de son propre pays, d'où la nécessité pour la directive de prévoir certaines dérogations destinées à imposer un régime moins lourd aux marchés des euro-obligations et aux marchés des euro medium term notes (MTN), sur lesquels opèrent essentiellement des professionnels,

- coûts liés à la mise à jour annuelle de la documentation à charge des sociétés, même si elles ne procèdent pas à de nouvelles émissions,

- ambiguïté du rapport entre la proposition de directive à l'examen et les directives existantes,

- répercussions négatives éventuelles sur les émetteurs étrangers et sur la concurrence entre des marchés réglementés.

13.3. Des ambiguïtés apparaissent en ce qui concerne le pouvoir des autorités compétentes d'imposer leurs exigences hors de leur territoire, les responsabilités juridictionnelles en matière de communications à caractère promotionnel et la relation avec la directive sur le commerce électronique.

13.4. Par conséquent, lors de la phase d'élaboration détaillée de la directive, il conviendra d'être plus rigoureux afin de lever les ambiguïtés et de démontrer une plus grande reconnaissance des besoins des marchés professionnels de titres de créance négociables, tout en protégeant les intérêts légitimes des petits investisseurs, par l'instauration de dérogations aux dispositions relativement contraignantes, qui s'avèrent trop pénalisantes pour les marchés de gros interprofessionnels. Sans ces modifications, la directive compromettrait toute intégration des marchés.

Bruxelles, le 17 janvier 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

Top