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Document 62014CJ0511

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 16 juin 2016.
    Pebros Servizi Srl contre Aston Martin Lagonda Ltd.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Bologna.
    Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) nº 805/2004 – Titre exécutoire européen pour les créances incontestées – Article 3, paragraphe 1, sous b) – Conditions de la certification – Jugement par défaut – Notion de “créance incontestée” – Comportement procédural d’une partie pouvant valoir “absence de contestation de la créance”.
    Affaire C-511/14.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:448

    ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

    16 juin 2016 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 805/2004 — Titre exécutoire européen pour les créances incontestées — Article 3, paragraphe 1, sous b) — Conditions de la certification — Jugement par défaut — Notion de “créance incontestée” — Comportement procédural d’une partie pouvant valoir “absence de contestation de la créance”»

    Dans l’affaire C‑511/14,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne, Italie), par décision du 6 novembre 2014, parvenue à la Cour le 14 novembre 2014, dans la procédure

    Pebros Servizi Srl

    contre

    Aston Martin Lagonda Ltd,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. D. Šváby, J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

    avocat général : M. Y. Bot,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour Pebros Servizi Srl, par Me N. Maione, avvocato,

    pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Salvatorelli, avvocato dello Stato,

    pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mme F. Moro et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2016,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO 2004, L 143, p. 15).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par Pebros Servizi Srl, société établie en Italie, tendant à la certification en tant que titre exécutoire européen, au sens du règlement no 805/2004, d'un jugement devenu définitif, rendu par défaut contre Aston Martin Lagonda Ltd (ci-après « Aston Martin »), société établie au Royaume-Uni.

    Le cadre juridique

    Le droit de l'Union

    3

    Aux termes des considérants 5, 6, 10, 12, 17 et 20 du règlement no 805/2004 :

    « (5)

    La notion de “créances incontestées” devrait recouvrir toutes les situations dans lesquelles un créancier, en l’absence établie de toute contestation du débiteur quant à la nature et au montant d’une créance pécuniaire, a obtenu soit une décision judiciaire contre ce débiteur soit un acte exécutoire nécessitant une acceptation expresse du débiteur, qu’il s’agisse d’une transaction judiciaire ou d’un acte authentique.

    (6)

    L’absence d’objections de la part du débiteur telle qu’elle est prévue à l’article 3, paragraphe 1, point b), peut prendre la forme d’un défaut de comparution à une audience ou d’une suite non donnée à l’invitation faite par la juridiction de notifier par écrit l’intention de défendre l’affaire.

    [...]

    (10)

    Lorsqu’une juridiction d’un État membre a rendu une décision au sujet d’une créance incontestée en l’absence de participation du débiteur à la procédure, la suppression de tout contrôle dans l’État membre d’exécution est indissolublement liée et subordonnée à la garantie suffisante du respect des droits de la défense.

    [...]

    (12)

    Il convient d’établir les normes minimales auxquelles doit satisfaire la procédure conduisant à la décision, afin de garantir que le débiteur soit informé, en temps utile et de telle manière qu’il puisse organiser sa défense, de l’action en justice intentée contre lui, des conditions de sa participation active à la procédure pour contester la créance en cause et des conséquences d’une absence de participation.

    [...]

    (17)

    Les juridictions compétentes pour l’examen du plein respect des normes minimales de procédure devraient, si elles sont respectées, délivrer un certificat de titre exécutoire européen normalisé rendant cet examen et ses résultats transparents.

    [...]

    (20)

    La demande de certification en tant que titre exécutoire européen pour les créances incontestées devrait être facultative pour le créancier, qui peut également opter pour le système de reconnaissance et d’exécution prévu par le règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1),] ou par d’autres instruments communautaires. »

    4

    L’article 1er du règlement no 805/2004, intitulé « Objet », énonce :

    « Le présent règlement a pour objet de créer un titre exécutoire européen pour les créances incontestées en vue, grâce à l’établissement de normes minimales, d’assurer la libre circulation des décisions, des transactions judiciaires et des actes authentiques dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure intermédiaire dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution. »

    5

    L’article 3 de ce règlement, intitulé « Titres exécutoires devant être certifiés en tant que titre exécutoire européen », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Le présent règlement s’applique aux décisions, transactions judiciaires et actes authentiques portant sur des créances incontestées.

    Une créance est réputée incontestée :

    a)

    si le débiteur l’a expressément reconnue en l’acceptant ou en recourant à une transaction qui a été approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d’une procédure judiciaire ; ou

    b)

    si le débiteur ne s’y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l’État membre d’origine, au cours de la procédure judiciaire ; ou

    c)

    si le débiteur n’a pas comparu ou ne s’est pas fait représenter lors d’une audience relative à cette créance après l’avoir initialement contestée au cours de la procédure judiciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier en vertu du droit de l’État membre d’origine ; ou

    d)

    si le débiteur l’a expressément reconnue dans un acte authentique. »

    6

    L’article 6 dudit règlement, intitulé « Conditions de la certification en tant que titre exécutoire européen », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Une décision relative à une créance incontestée rendue dans un État membre est, sur demande adressée à tout moment à la juridiction d’origine, certifiée en tant que titre exécutoire européen si les conditions suivantes sont remplies :

    a)

    la décision est exécutoire dans l’État membre d’origine ;

    b)

    la décision n’est pas incompatible avec les dispositions en matière de compétence figurant dans les sections 3 et 6 du chapitre II du règlement (CE) no 44/2001 ;

    c)

    la procédure judiciaire dans l’État membre d’origine a satisfait aux exigences énoncées au chapitre III dans le cas d’une créance incontestée au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b) ou c) [...] »

    7

    L’article 9 du règlement no 805/2004, intitulé « Délivrance du certificat de titre exécutoire européen », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Le certificat de titre exécutoire européen est délivré au moyen du formulaire type figurant à l’annexe I. »

    8

    Le chapitre III du règlement no 805/2004, dans lequel figurent les articles 12 à 19 de ce dernier, établit des normes minimales applicables aux procédures relatives aux créances incontestées. Ces normes, qui servent à préserver les droits de la défense du débiteur, portent non seulement sur les modes de signification ou de notification de l’acte introductif d’instance et des autres actes, mais également sur le contenu informatif de cet acte, le débiteur devant être informé de la créance ainsi que de la procédure à suivre pour contester celle-ci. L’article 12 de ce règlement, intitulé « Champ d’application des normes minimales », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Une décision relative à une créance incontestée au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b) ou c), ne peut être certifiée en tant que titre exécutoire européen que si la procédure judiciaire dans l’État membre d’origine a satisfait aux conditions de procédure visées dans le présent chapitre. »

    9

    Aux termes de l’article 27 du règlement no 805/2004, intitulé « Relation avec le règlement (CE) no 44/2001 » :

    « Le présent règlement n'affecte pas la possibilité de demander la reconnaissance et l'exécution, conformément au règlement (CE) no 44/2001, d'une décision, d'une transaction judiciaire ou d'un acte authentique portant sur une créance incontestée. »

    Le droit italien

    10

    Dans le droit italien, la procédure par défaut est régie au livre II, titre I, chapitre VI, du Codice di procedura civile (code de procédure civile). Ledit chapitre VI comporte les articles 290 à 294 de ce code.

    11

    L'article 291 du code de procédure civile, intitulé « Défaut du défendeur », dispose, à son premier alinéa :

    « Si le défendeur ne comparaît pas et que le juge d’instruction relève un vice qui emporte nullité de la signification de la citation, celui-ci fixe au demandeur un délai péremptoire pour la réitérer. La réitération empêche toute caducité. »

    12

    L’article 293 dudit code, intitulé « Comparution de la partie défaillante », prévoit :

    « La partie qui a été déclarée défaillante peut comparaître à tout moment de la procédure, jusqu’à l’audience de précision des conclusions.

    La comparution peut avoir lieu par dépôt d’un mémoire, de la procuration et des pièces au greffe, ou par comparution à l’audience.

    La partie défaillante qui comparaît peut, dans tous les cas, contester lors de la première audience ou dans le délai qui lui est imparti par le juge d’instruction les écritures produites contre elle. »

    13

    L’article 294 du même code, intitulé « Relevé de forclusion », énonce, à son premier alinéa :

    « La partie défaillante qui comparaît peut demander au juge d’instruction à être autorisée à accomplir des actes pour lesquels elle serait autrement forclose si elle démontre que, en raison de la nullité de la citation ou de la signification de celle-ci, elle n’a pas pu prendre connaissance de l’instance ou qu’elle a été empêchée de comparaître par une cause qui ne lui est pas imputable. »

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    14

    Il ressort de la décision de renvoi que Pebros Servizi a assigné devant le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne, Italie) plusieurs sociétés, parmi lesquelles figure Aston Martin.

    15

    La procédure opposant Pebros Servizi à Aston Martin devant cette juridiction s’est déroulée en l’absence de cette dernière, bien que, selon la décision de renvoi, l’assignation lui ait été dûment notifiée et qu’elle ait été mise en mesure de participer à cette procédure.

    16

    Par un jugement du 24 janvier 2014 mettant fin à ladite procédure, le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne) a condamné Aston Martin à verser à Pebros Servizi la somme de 18000 euros, majorée des intérêts légaux à compter de la publication de ce jugement et jusqu’au paiement, ainsi qu’à payer les dépens, pour des montants de 835 euros et de 9500 euros au titre, respectivement, de frais de procédure et de frais professionnels, majorés de la taxe sur la valeur ajoutée et d’autres cotisations accessoires de sécurité sociale prévues par le droit interne.

    17

    N’ayant pas fait l’objet d’un recours, ledit jugement est devenu définitif.

    18

    Le 14 octobre 2014, Pebros Servizi a saisi le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne) d'une demande de certification dudit jugement en tant que titre exécutoire européen, au sens du règlement no 805/2004, afin de pouvoir engager la procédure d’exécution permettant le recouvrement de sa créance.

    19

    La juridiction de renvoi émet des doutes quant à l’applicabilité du règlement no 805/2004 dans l’affaire au principal, dans la mesure où, dans le système juridique italien, l’absence à la procédure ne vaut pas acquiescement du défendeur à la demande présentée contre lui. Se poserait, dès lors, la question de savoir si une condamnation par défaut peut être assimilée à une condamnation pour créance incontestée.

    20

    À cet égard, cette juridiction relève que deux interprétations de la notion d’« absence de contestation » sont envisageables. La première interprétation, suggérée par ladite juridiction et fondée sur le droit national, exclurait l’application du règlement no 805/2004, étant donné que la procédure par défaut prévue dans l’ordre juridique italien n’équivaudrait pas à une non-contestation de la créance. En revanche, selon la seconde interprétation, cette notion d’« absence de contestation » serait définie de manière autonome par le droit de l’Union et engloberait également l’absence à la procédure.

    21

    Dans ces circonstances, le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « En cas de jugement par défaut (en l’absence d’une partie) par lequel une partie n’ayant pas comparu/absente a été condamnée, sans, toutefois, que celle-ci reconnaisse expressément le droit,

    appartient-il au droit national de déterminer si ce comportement procédural vaut non-contestation au sens du règlement no 805/2004, éventuellement, selon le droit national, en niant la nature de créance incontestée,

    ou,

    en vertu du droit européen, une condamnation par défaut/en l’absence d’une partie implique-t-elle, par nature, une non-contestation, de sorte que le règlement no 805/2004 s’applique indépendamment de l’appréciation du juge national ? »

    Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle et de la question préjudicielle

    22

    Le gouvernement italien conteste la recevabilité à la fois de la demande de décision préjudicielle et de la question préjudicielle.

    Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    23

    Selon le gouvernement italien, dans l’affaire au principal, le Tribunale di Bologna (tribunal de Bologne) n’intervient pas en qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, dans la mesure où la procédure qu'il suit, lorsqu’il est amené à se prononcer sur une demande de certification d’une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen, ne satisfait pas aux critères permettant de qualifier cette procédure d’exercice d’une activité juridictionnelle, ladite procédure devant plutôt être assimilée à une procédure purement administrative ou à une procédure gracieuse.

    24

    Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, si l’article 267 TFUE ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule une question préjudicielle, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (arrêt du 25 juin 2009, Roda Golf & Beach Resort, C‑14/08, EU:C:2009:395, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

    25

    En effet, tel est le cas de la procédure aboutissant à la certification d’une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen. À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que cette procédure exige un examen juridictionnel des conditions prévues par le règlement no 805/2004, afin d’apprécier le respect des normes minimales visant à garantir le respect des droits de la défense du débiteur (arrêt du 17 décembre 2014, Imtech Marine Belgium, C‑300/14, EU:C:2015:825, points 46 et 47).

    26

    Ainsi, ce règlement impose à l’organe procédant à la certification d’une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen d’effectuer toute une série de vérifications des éléments énumérés dans le formulaire figurant à l’annexe I du règlement no 805/2004. En ce qui concerne le contrôle de la régularité de la procédure judiciaire qui a abouti à l’adoption d'une décision faisant l’objet de la certification, que cette juridiction effectue au stade de cette certification, celui-ci n’est pas, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 29 de ses conclusions, d’une nature différente des vérifications de caractère juridictionnel qu’elle est amenée à effectuer avant de rendre ses décisions judiciaires dans des autres procédures. En outre, à son article 6, ce règlement impose à ladite juridiction, au-delà du contrôle de la régularité de cette procédure judiciaire antérieure et du respect des règles de compétence, notamment un contrôle du caractère exécutoire de la décision rendue et de la nature de la créance.

    27

    Par ailleurs, bien que la procédure de certification intervienne après que le litige a été tranché par la décision judiciaire qui met fin à l’instance, il n’en demeure pas moins que, en l’absence de certification, cette décision n’est pas encore, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, apte à circuler librement dans l’espace judiciaire européen.

    28

    À cet égard, il convient de rappeler que si les termes « rendre son jugement », au sens de l’article 267, paragraphe 2, TFUE, englobent l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi, ces termes doivent faire l’objet d’une interprétation large, afin d’éviter que nombre de questions procédurales soient considérées comme irrecevables et ne puissent faire l’objet d’une interprétation par la Cour et que cette dernière ne puisse connaître de l’interprétation de toutes dispositions du droit de l’Union que la juridiction de renvoi est tenue d’appliquer (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, Weryński, C‑283/09, EU:C:2011:85, points 41 et 42, ainsi que du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a., C‑226/13, C‑245/13, C‑247/13 et C‑578/13, EU:C:2015:383, point 30).

    29

    Dès lors, la procédure de certification d'une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen apparaît, d’un point de vue fonctionnel, non pas comme une procédure distincte de la procédure judiciaire antérieure, mais comme la phase ultime de celle-ci, nécessaire pour assurer sa pleine efficacité, en permettant au créancier de procéder au recouvrement de sa créance.

    30

    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la certification d'une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen constitue un acte de nature juridictionnelle, dans le cadre de l’adoption duquel la juridiction nationale est habilitée à saisir la Cour d’une question préjudicielle. Par conséquent, la demande de décision préjudicielle est recevable.

    Sur la recevabilité de la question préjudicielle

    31

    Le gouvernement italien excipe de l’irrecevabilité de la question posée à titre préjudiciel, en soutenant que, en l’absence d’application impérative, dans le litige au principal, du règlement no 805/2004, cette question est dépourvue de pertinence. En effet, selon ce gouvernement, l’application, dans ce litige, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), permet d’éviter le problème posé par la définition d’une créance incontestée, tel qu’il se présente dans ledit litige, en ce que ce dernier règlement ne contient pas de référence aux règles de procédure nationales.

    32

    À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union bénéficiant d’une présomption de pertinence, le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a., C‑226/13, C‑245/13, C‑247/13 et C‑578/13, EU:C:2015:383, point 25 et jurisprudence citée).

    33

    En l’occurrence, Pebros Servizi a demandé, en application du règlement no 805/2004, la certification d’un jugement en tant que titre exécutoire européen. Partant, la juridiction saisie de cette demande doit vérifier si les conditions prévues par ce règlement sont remplies. Indépendamment du fait que le règlement no 1215/2012 n’est pas applicable ratione temporis à l’affaire au principal, dont les faits sont antérieurs à la date à partir de laquelle ce règlement est devenu applicable, la circonstance que, en cas de rejet d’une telle demande, Pebros Servizi puisse, selon le gouvernement italien, engager la procédure d’exécution prévue par ce dernier règlement ou opter directement pour cette procédure est sans incidence sur la pertinence de la question posée.

    34

    Il s’ensuit que la question posée à titre préjudiciel est recevable.

    Sur le fond

    35

    Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les conditions selon lesquelles, en cas de jugement par défaut, une créance est réputée « incontestée », au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 805/2004, doivent être déterminées selon la loi du for ou de manière autonome, en vertu de ce seul règlement.

    36

    Selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 5 décembre 2013, Vapenik, C‑508/12, EU:C:2013:790, point 23 et jurisprudence citée).

    37

    À cet égard, il convient de constater que le règlement no 805/2004 ne définit pas la notion de « créance incontestée » moyennant un renvoi aux droits des États membres. Au contraire, il ressort d’une lecture de l’article 3 de ce règlement, à la lumière du considérant 5 de ce dernier, que cette notion est une notion autonome du droit de l’Union. La référence aux droits des États membres figurant à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b) et c), dudit règlement ne porte pas sur les éléments constitutifs de ladite notion, mais concerne des éléments spécifiques de son application.

    38

    Le considérant 5 du même règlement énonce que la notion de « créances incontestées » devrait recouvrir toutes les situations dans lesquelles un créancier, en l’absence établie de toute contestation du débiteur quant à la nature et au montant d’une créance pécuniaire, a obtenu, notamment, une décision judiciaire contre ce débiteur.

    39

    Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, Aston Martin, en sa qualité de débiteur dûment informé et mis en mesure de participer à la procédure judiciaire, est restée inactive tout au long de cette procédure, en ne participant à aucun moment à celle-ci. Pour cette raison, un jugement par défaut a été prononcé à son égard. Il s’ensuit que la situation de cette société relève de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 805/2004, en vertu duquel une créance est réputée incontestée, si « le débiteur ne s’y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l’État membre d’origine, au cours de la procédure judiciaire ».

    40

    Le considérant 6 de ce règlement précise, à cet égard, que l’absence d’objections de la part du débiteur, telle qu’elle est prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, peut prendre la forme d’un défaut de comparution à une audience ou d’une suite non donnée à l’invitation faite par la juridiction de notifier par écrit l’intention de défendre l’affaire.

    41

    Par conséquent, une créance peut être réputée « incontestée », au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 805/2004, si le débiteur n’agit d’aucune manière pour s’opposer à celle-ci, en ne donnant pas suite à l’invitation faite par la juridiction de notifier par écrit l’intention de défendre l’affaire ou en ne comparaissant pas à l’audience.

    42

    Partant, il convient de constater que la circonstance que, en vertu du droit italien, une condamnation par défaut n’équivaut pas à une condamnation pour créance incontestée est dépourvue de pertinence aux fins de la réponse à apporter à la question posée par la juridiction de renvoi. Le renvoi exprès aux règles de procédure de l’État membre, prévu à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 805/2004, ne vise pas les conséquences juridiques de l’absence du débiteur à la procédure, celles-ci faisant l’objet d'une qualification autonome en vertu de ce règlement, mais concerne exclusivement les modalités procédurales selon lesquelles le débiteur peut efficacement s’opposer à la créance.

    43

    En effet, il y a lieu de relever que le règlement no 805/2004 établit uniquement des normes minimales de procédure, nécessaires pour respecter les droits de la défense du débiteur défaillant, sans toutefois régler tous les aspects de la contestation de la créance, tels que, notamment, la forme d’un acte de contestation, les organes impliqués dans la procédure de contestation ou les délais applicables. Par conséquent, dans chaque État membre, le débiteur doit procéder à une telle contestation, conformément aux règles de la procédure civile en vigueur.

    44

    Par ailleurs, en ce qui concerne les normes minimales de procédure énoncées au chapitre III de ce règlement et visées au point précédent du présent arrêt, ces normes, dont le respect est nécessaire, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, pour qu’une décision relative à une créance incontestée rendue dans un État membre puisse être certifiée en tant que titre exécutoire européen, ont pour objectif de garantir, conformément au considérant 12 du même règlement, que le débiteur soit informé, en temps utile et de telle manière qu’il puisse organiser sa défense, d’une part, de l’action en justice intentée contre lui ainsi que des conditions de sa participation active à la procédure en vue de contester la créance concernée et, d’autre part, des conséquences d’une absence de participation à celle-ci. Dans le cas particulier d’une décision rendue par défaut, au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 805/2004, lesdites normes minimales de procédure visent à assurer l’existence de garanties suffisantes du respect des droits de la défense.

    45

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les conditions selon lesquelles, en cas de jugement par défaut, une créance est réputée « incontestée », au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 805/2004, doivent être déterminées de manière autonome, en vertu de ce seul règlement.

    Sur les dépens

    46

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

     

    Les conditions selon lesquelles, en cas de jugement par défaut, une créance est réputée « incontestée », au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, doivent être déterminées de manière autonome, en vertu de ce seul règlement.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

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