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Document 61993CC0364

    Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 21 septembre 1994.
    Antonio Marinari contre Lloyds Bank plc et Zubaidi Trading Company.
    Demande de décision préjudicielle: Corte suprema di Cassazione - Italie.
    Convention de Bruxelles - Article 5, point 3 - 'Lieu où le fait dommageable s'est produit'.
    Affaire C-364/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 I-02719

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1994:338

    61993C0364

    Conclusions de l'avocat général armon présentées le 21 septembre 1994. - Antonio Marinari contre Lloyds Bank plc et Zubaidi Trading Company. - Demande de décision préjudicielle: Corte suprema di Cassazione - Italie. - Convention de Bruxelles - Article 5, point 3 - 'Lieu où le fait dommageable s'est produit'. - Affaire C-364/93.

    Recueil de jurisprudence 1995 page I-02719


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. Par ordonnance du 21 janvier 1993, la Corte Suprema di Cassazione vous interroge sur l' interprétation de l' article 5, point 3, de la convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale (1) (ci-après "la convention"), à l' occasion d' un litige dont les faits peuvent être ainsi résumés.

    2. Au mois d' avril 1987, M. Antonio Marinari, domicilié en Italie, dépose, auprès de la filiale établie à Manchester de la Lloyd' s Bank dont le siège social est à Londres, des billets à ordre ("promissory notes") d' une contre-valeur de 752 500 000 USD, émis par la province du Negros Oriental de la République des Philippines en faveur de la Zubaidi Trading Company de Beyrouth. Il résulte de l' ordonnance précitée que les employés de la banque, après avoir ouvert le pli, ont refusé de restituer les billets à ordre et prévenu la police de l' origine prétendument douteuse de ces effets, ce qui a provoqué l' arrestation du demandeur au principal et la mise sous séquestre des "promissory notes".

    3. Relaxé par la justice anglaise, M. Marinari a assigné la Lloyd' s Bank devant le Tribunale di Pisa afin d' obtenir réparation du dommage que lui aurait causé le comportement des employés de cet établissement. Sa réclamation porte, ainsi que l' a précisé son conseil lors de la procédure orale, non pas sur la restitution des billets à ordre, mais sur la condamnation de la banque à lui verser, à titre de dédommagement, une somme de 795 500 000 USD, représentant d' une part la contre-valeur de ces billets, d' autre part une somme de 43 000 000 USD pour les intérêts, dépenses et dommages encourus.

    4. La Lloyd' s Bank a soulevé l' incompétence de la juridiction italienne au motif que le dommage, fondement de la compétence ratione loci, était survenu en Angleterre. M. Marinari, soutenu par la société Zubaidi, a demandé par requête que la Corte Suprema di Cassazione se prononce au préalable sur cette question de compétence.

    5. C' est à cette fin que cette haute juridiction vous pose la question préjudicielle suivante:

    "Y a-t-il lieu, pour l' application de la règle de compétence énoncée à l' article 5, point 3, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, précisée par l' arrêt de la Cour de justice du 30 novembre 1976 dans l' affaire 21/76, d' entendre la notion de 'lieu où le fait dommageable s' est produit' uniquement comme désignant le lieu où s' est produit un préjudice physique causé à des personnes ou à des choses, ou également comme désignant le lieu où se sont produits les préjudices patrimoniaux éprouvés par le demandeur?"

    6. Avant toute analyse du texte visé, il convient de s' interroger sur votre compétence eu égard aux circonstances de votre saisine.

    7. La Corte Suprema di Cassazione n' est pas, en effet, saisie d' un pourvoi contre une décision rendue par une juridiction inférieure mais dans le cadre de l' article 41 du code de procédure civile italien selon lequel toute partie peut, par requête, en cas de contestation de la compétence de la juridiction de premier degré saisie, obtenir que cette dernière surseoie à statuer jusqu' à règlement de cette question par la juridiction suprême.

    8. Or, s' il est incontestable que cette dernière est une juridiction au sens de l' article 2, point 1, du protocole, elle n' est pas, en revanche, appelée à rendre directement une décision dans la mesure où le Tribunale di Pisa demeure saisi du litige et qu' il n' est pas une juridiction au sens du protocole dès lors qu' il ne statue ni dans le cadre d' un appel ni dans celui de l' article 37 de la convention.

    9. Rappelons que l' article 3, point 1, du protocole, sur lequel se fonde, semble-t-il, la Corte Suprema di Cassazione dispose:

    "Lorsqu' une question portant sur l' interprétation de la convention et des autres textes mentionnés à l' article 1er est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction indiquée à l' article 2, paragraphe 1, cette juridiction, si elle estime qu' une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, est tenue de demander à la Cour de justice de statuer sur cette question."

    10. Cependant, force est de constater que, lorsque cette haute juridiction statue sur le fondement de l' article 41 du code de procédure civile, la décision rendue s' analyse comme une réponse à une question préjudicielle de droit interne soumise à sa seule compétence, décision qui ne peut être frappée de recours.

    11. Ainsi que l' écrit M. Mandrioli dans son ouvrage Corso di diritto processuale civile (2):

    "... l' istanza di regolamento non apre affatto un nuovo grado di giudizio, ma apre solo una parentesi che si inserisce nell' ambito del giudizio di primo grado. Chiusa questa parentesi, il giudizio prosegue sui suoi normali binari; la pronuncia sulla giurisdizione appartiene alla sentenza di primo grado anche se, naturalmente, questa parte della sentenza non è più impugnabile" (3).

    12. Nous estimons donc que, régulièrement saisis, il y a lieu pour vous de répondre à la question posée.

    13. Celle-ci est, en substance, relative à la prise en considération, aux fins de la détermination de la compétence au titre de l' article 5, point 3, non seulement des effets immédiats du fait causal (préjudice physique causé à des personnes ou à des choses) mais également des conséquences dommageables de ces effets dans le patrimoine du demandeur (préjudice patrimonial).

    14. Rappelons que, outre l' affaire Shevill (4), actuellement en cours de délibéré et dans laquelle nous avons conclu le 14 juillet dernier, cette disposition a déjà fait l' objet, en ce qui concerne la notion de "lieu où le fait dommageable s' est produit" de deux de vos arrêts, à savoir Mines de potasse d' Alsace et Dumez France et Tracoba (5).

    15. A l' occasion du premier, vous avez dégagé une notion autonome du "lieu où le fait dommageable s' est produit" dans le cadre d' un litige concernant une pollution transfrontalière, dont était considérée responsable une entreprise française établie en France, au détriment d' un horticulteur domicilié aux Pays-Bas.

    16. Vous avez relevé que les compétences spéciales de l' article 5 reposent sur

    "... l' existence, dans certaines hypothèses bien déterminées, d' un lien de rattachement particulièrement étroit entre une contestation et la juridiction qui peut être appelée à en connaître, en vue de l' organisation utile du procès" (6),

    sans faire toutefois référence à la nécessité d' une protection de la victime.

    17. Et vous avez considéré que la notion de "lieu où le fait dommageable s' est produit" devait s' entendre comme comprenant

    "... le lieu où le fait dommageable est survenu et le lieu de l' événement causal" (7).

    18. La doctrine s' est trouvée divisée quant à la motivation contenue dans cet arrêt et la solution par lui dégagée. Sans entrer dans les subtilités d' un débat désormais dépassé, rappelons que M. Droz (8) avait critiqué cette décision au motif qu' elle permettait aux victimes "secondaires" de saisir le tribunal dans le ressort duquel elles étaient domiciliées, en sorte qu' elle aurait favorisé le "forum actoris". MM. Gothot et Holleaux (9) n' attribuaient pas une telle portée à cette décision et considéraient, au contraire, qu' elle était circonscrite

    "... aux cas où, dès l' origine, il y a une dissociation de l' événement causal et de la première manifestation matérielle du dommage" (10).

    19. L' affaire ayant donné lieu à l' arrêt Dumez a précisément été pour vous l' occasion de trancher ce débat.

    20. Rappelons-en les faits. Deux sociétés mères françaises avaient assigné en France des banques allemandes en réparation du préjudice consécutif à la liquidation judiciaire de leurs deux filiales allemandes chargées de la réalisation, en Allemagne, d' une opération immobilière, au motif que cette liquidation aurait résulté de l' arrêt des travaux survenu après résiliation, par les banques, des conditions d' octroi de crédit au promoteur.

    21. Nous vous avions proposé de rejeter la conception consistant à reconnaître la compétence de la juridiction du lieu où la victime par ricochet subit son préjudice. Vous nous avez suivi et avez considéré que

    "La règle de compétence juridictionnelle énoncée à l' article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 ... ne peut être interprétée comme autorisant un demandeur qui invoque un dommage qu' il prétend être la conséquence du préjudice subi par d' autres personnes, victimes directes du fait dommageable, à attraire l' auteur de ce fait devant les juridictions du lieu où il a lui-même constaté le dommage dans son patrimoine" (11).

    22. Disons-le tout net: l' exclusion du for du lieu où le montant du préjudice est déterminé ° c' est-à-dire celui où le préjudice est subi et non pas survenu ° doit s' appliquer tout autant à la victime directe qu' à la victime indirecte, sans quoi serait réintroduite la compétence du for du demandeur que la convention a précisément eu soin d' évincer en son article 3.

    23. L' avocat général M. Warner avait déjà eu l' occasion de prendre parti, en ce sens, dans ses conclusions sous l' arrêt Rueffer (12):

    "Il n' a jamais été suggéré ..., et moins encore été considéré par la Cour, que le lieu où le fait dommageable s' était produit pouvait être le lieu où la société demanderesse avait son siège ou bien le lieu où était fixé le montant du préjudice causé à son activité" (13).

    24. Cette analyse était au demeurant partagée par les juridictions nationales qui avaient été amenées à prendre position sur la compétence du tribunal du lieu du patrimoine dans le ressort duquel s' était matérialisée une perte financière consécutive à un dommage initial. Nous avons déjà examiné les décisions prises en la matière par certaines juridictions d' États contractants et nous nous bornerons, à cet égard, à renvoyer aux points 20 à 24 de nos précédentes conclusions sous l' arrêt Dumez.

    25. Et ce n' est certainement pas l' arrêt Mines de potasse d' Alsace qui permettrait, comme le prétend le demandeur au principal, de fonder une interprétation différente au motif que vous y avez jugé que

    "... dans le cas où le lieu où se situe le fait susceptible d' entraîner une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle et le lieu où ce fait a entraîné un dommage ne sont pas identiques, l' expression 'lieu où le fait dommageable s' est produit' ... doit être entendu en ce sens qu' elle vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l' événement causal".

    26. En effet, l' espèce concernait un "fait complexe" dans lequel événement causal et conséquences dommageables étaient situés, dès l' origine, dans deux États contractants différents. Ici, en revanche, comme l' a justement relevé le gouvernement britannique, tant le fait générateur (à savoir le comportement reproché aux employés de la Lloyd' s Bank) que le dommage initial (séquestre des billets à ordre ainsi qu' emprisonnement) sont survenus en Grande-Bretagne. Seul le préjudice consécutif allégué (pertes financières) peut avoir été subi en Italie.

    27. Nous sommes donc dans une situation particulière dans laquelle fait générateur et conséquences dommageables directes sont localisés dans un seul territoire et où ces dommages initiaux ont entraîné une diminution du patrimoine de la victime dans un autre État contractant.

    28. Si vous n' avez pas été amenés à trancher directement une telle question, les éléments de réponse sont incontestablement fournis par vos arrêts précités puisque l' on ne fait que se retrouver en présence de la distinction, primordiale dans le cadre de la détermination de compétence, entre le lieu où le dommage est survenu et celui où il est subi.

    29. Seul a été considéré par vous pertinent, aux fins de la désignation du for compétent, dans le premier de vos arrêts en la matière, le dommage survenu. Plus clairement encore, dans l' arrêt Dumez, vous avez, selon nous, marqué votre hostilité à la prise en considération des conséquences financières ultérieures, en faisant référence au "lieu où s' est manifesté le dommage initial" (14), donc au lieu de survenance de celui-ci.

    30. Or, conférer compétence à la juridiction dans le ressort de laquelle les pertes patrimoniales ont été constatées reviendrait à méconnaître la spécificité du lieu de survenance en tant que critère attributif de compétence en lui assimilant celui où le dommage est subi.

    31. Cette extension reviendrait ainsi à consacrer le forum actoris puisque c' est bien à son domicile qu' une victime subit généralement son préjudice. Un tel résultat serait manifestement en totale contradiction avec l' article 5 de la convention dont l' objectif répond, selon votre jurisprudence, à l' impératif de bonne administration de la justice.

    32. L' esprit de la convention s' oppose donc à une telle solution. Bien plus, celle que nous proposons s' inscrit dans la logique ainsi que dans la ligne de votre jurisprudence.

    33. Rappelons, en premier lieu, que

    "... les 'compétences spéciales' énumérées aux articles 5 et 6 de la convention constituent des dérogations au principe de la compétence des juridictions de l' État du domicile du défendeur, qui sont d' interprétation stricte" (15).

    34. Admettre, aux fins de la détermination de la compétence, la prise en considération du dommage financier consécutif à un dommage initial irait très exactement à l' encontre d' un tel objectif.

    35. Mais surtout une telle solution favoriserait la multiplication des fors concurrents, alors que vous avez tenu à souligner dans votre arrêt Effer (16) que

    "... la convention prévoit un ensemble de règles visant entre autres à éviter la multiplication, en matière civile et commerciale, des procédures judiciaires concurrentes dans deux ou plusieurs États membres, et permettant, dans l' intérêt de la sécurité juridique et dans celui des parties, la détermination de la juridiction nationale territorialement la plus qualifiée pour connaître d' un litige" (17).

    36. Ce souci d' éviter cette multiplication, avec le danger, à l' horizon, d' un "dépeçage" de compétence, a été par vous à nouveau exprimé dans l' arrêt Dumez. Vous avez dit, en effet,

    "... il est indispensable d' éviter la multiplication des juridictions compétentes, laquelle accentue les risques d' inconciliabilité de décisions, motifs de refus de reconnaissance ou d' exequatur selon l' article 27, point 3, de la convention" (18).

    37. Dès lors, la solution que nous vous proposons ne remet pas en question votre jurisprudence Dumez. Elle en constitue au contraire le prolongement naturel.

    38. Commentant cette décision (19), Mme Gaudemet-Tallon considère que

    "L' arrêt Dumez, refusant de reconnaître la compétence des juridictions du domicile des victimes indirectes, ne tenant compte que du préjudice direct et reprenant les expressions 'lieu où le dommage est survenu' , 'lieu où s' est manifesté le dommage initial' (cf. att. 10, 15, 20, 21), permet de penser que c' est uniquement le tribunal du lieu où s' est matérialisé le premier dommage qui peut être compétent. Certes, la Cour de justice ne statue ici qu' à propos d' une victime indirecte, mais il n' y a aucune raison qu' elle donne une réponse différente s' agissant du dommage survenu à une victime directe et qui produit ultérieurement d' autres conséquences dommageables localisées le plus souvent au domicile de la victime.

    Il ne s' agit donc pas de savoir où la victime subit le préjudice, car l' objectif poursuivi par la Convention n' est pas à titre essentiel la protection de la victime, ce qui aurait pu conduire au forum actoris" (20).

    39. Nous souscrivons pleinement à une telle analyse qui a d' ailleurs fait l' objet d' un développement dans nos conclusions Dumez (21).

    40. Cette position est au demeurant pleinement partagée par la doctrine dominante.

    41. M. Huet (22) estime également, dans une forme cependant interrogative, que la portée de l' arrêt Dumez dépasse l' hypothèse de la victime par ricochet:

    "la Cour ne veut-elle pas dire aussi que, lorsqu' une victime immédiate se plaint de préjudices successifs, notamment financiers, en conséquence d' un dommage initial, seul le lieu de celui-ci est attributif de compétence judiciaire?" (23)

    42. La doctrine britannique est, elle aussi, réfractaire à toute attribution de compétence au tribunal du lieu des préjudices financiers ultérieurs. Ainsi, selon M. Collins,

    "Even though in one sense a plaintiff may suffer economic loss at the place of its business, that is not sufficient to confer jurisdiction on that place, for otherwise the place of business of the plaintiff would almost automatically become another basis of jurisdiction" (24).

    43. MM. O' Malley et Layton estiment de même que:

    "It seems in such a case that the economic consequences of the damage should be distinguished from the damage itself (not necessarily an easy task in economic torts) and the location of the estate or person suffering damage by reason of the harmful event is not necessarily the location of the damage" (25).

    44. Il y a convergence de la doctrine allemande ° dont il faut d' ailleurs relever la discordance avec la position soutenue par le gouvernement allemand dans le cadre de la présente affaire ° et notamment de M. Kropholler (26), lequel insiste sur le danger de forum shopping si venait à être consacrée la compétence du for du lieu dans le ressort duquel se produisent des dommages ultérieurs.

    45. Ainsi que l' écrit cet auteur:

    "Es spricht viel dafuer, den Ort des (weiteren) Schadenseintritts nach erfolgter Rechtsgutverletzung fuer die Zustaendigkeitsbegruendung nicht ausreichen zu lassen. Denn sonst wuerde die Deliktszustaendigkeit auf Kosten des in Art. 2 verankerten Grundsatzes des Beklagtenwohnsitzes stark ausgedehnt und einem Klaegergerichtsstand angenaehert" (27).

    46. Il est au surplus intéressant de relever que même la doctrine qui interprète l' article 5, point 3, comme fondée sur l' idée d' une protection de la victime (28), ne propose nullement que cette disposition soit sollicitée dans le sens d' une compétence des juridictions du préjudice ultérieur. M. Bourel (29) écrit, en effet:

    "Ainsi, l' analyse aussi bien doctrinale que jurisprudentielle révèle de façon indiscutable que la notion de lieu du dommage doit être comprise, au sens du rattachement juridictionnel du délit, comme étant le lieu où se réalise le préjudice immédiatement subi par la victime (directe ou par ricochet) au moment de la survenance du fait générateur, sans qu' il soit tenu compte des suites ou conséquences de ce préjudice, qui pourraient s' être manifestées en un lieu différent et notamment au domicile du demandeur" (30).

    47. La victime pourrait, en effet, à son choix, saisir, outre la juridiction du domicile du défendeur, celle du fait générateur et celle de la survenance du dommage, également celle dans le ressort de laquelle le préjudice a été constaté, c' est-à-dire ultérieurement subi, ce qui conduirait inévitablement à encourager le forum shopping.

    48. Nous estimons, par conséquent, que l' article 5, point 3, de la convention ne peut être interprété de manière à permettre à la victime d' un préjudice financier consécutif à un dommage initial survenu dans un autre État contractant à en attraire l' auteur prétendu devant les juridictions du lieu où ce préjudice aurait été subi.

    49. Nous concluons donc à ce que vous disiez pour droit que:

    "L' article 5, point 3, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens qu' il n' autorise pas un demandeur qui invoque un préjudice financier consécutif à un dommage initial survenu dans un autre État contractant à attraire le défendeur devant les juridictions du lieu où ce préjudice aurait été subi."

    (*) Langue originale: le français.

    (1) ° Telle que modifiée par la convention d' adhésion du 9 octobre 1978 relative à l' adhésion du royaume de Danemark, de l' Irlande et du Royaume-Uni (JO L 304, p. 1).

    (2) ° Vol. 1, Nozioni introduttive e disposizioni generali , Giappichelli editore, Torino, 1989.

    (3) ° Paragraphe 34, p. 182. Traduction libre: ... la procédure de règlement (devant la Cour de cassation) n' ouvre pas du tout un nouveau degré de juridiction mais ouvre seulement une parenthèse qui s' insère dans le cadre de la procédure de premier degré. Cette parenthèse fermée, la procédure suit son cours normal; la décision quant à la compétence appartient à la juridiction de premier degré même si, naturellement, ce point de la décision n' est plus attaquable.

    (4) ° Affaire C-68/93.

    (5) ° Arrêt du 11 janvier 1990 (C-220/88, Rec. p. I-49).

    (6) ° Attendu 11.

    (7) ° Dispositif.

    (8) ° Recueil Dalloz Sirey, 1977, n 40, p. 614.

    (9) ° La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire et effets des jugements dans la CEE, Jupiter, 1985.

    (10) ° Point 89, p. 50.

    (11) ° Dispositif.

    (12) ° Arrêt du 16 décembre 1980 (814/79, Rec. p. 3807).

    (13) ° p. 3836.

    (14) ° Point 21.

    (15) ° Arrêt du 27 septembre 1988, Kalfelis (189/87, Rec. p. 5565, point 19). Voir également, en ce sens, l' arrêt du 17 juin 1992, Handte (C-26/91, Rec. p. I-3967, point 14).

    (16) ° Arrêt du 4 mars 1982 (38/81, Rec. p. 825).

    (17) ° Point 6.

    (18) ° Point 18.

    (19) ° Revue critique de droit international privé, 1990, p. 367 et suiv.

    (20) ° p. 375.

    (21) ° Voir particulièrement point 24.

    (22) ° Journal de droit international, 1990, p. 498 et suiv.

    (23) ° p. 501, in fine.

    (24) ° The Civil Jurisdiction and Judgments Act 1982, 1983, chapitre 4, p. 60.

    (25) ° European Civil Practice, Sweet and Maxwell, 1989, p. 427, 17.50. Voir également Kaye, P.: Civil Jurisdiction and Enforcement of Foreign Judgements, Profesionnal Books, 1987, sp. p. 583.

    (26) ° Europaeisches Zivilprozessrecht, Kommentar zum EuGVUE, Hamburg, 1987.

    (27) ° Article 5, point 45. Traduction libre: Il serait préférable de ne pas considérer comme pertinent, aux fins de la compétence, le lieu du dommage successif, survenu après la violation du droit. Sinon la compétence délictuelle serait fortement étendue en contradiction avec le principe du domicile du défendeur énoncé à l' article 2, et se rapprocherait de la compétence du tribunal du demandeur.

    (28) ° Voir, à cet égard, la note de Bourel P. sous votre arrêt Mines de potasse d' Alsace, Revue critique de droit international privé, 1977, p. 568-576. Celui-ci n' hésite pas, en effet, à écrire p. 572: Toutes ces considérations amènent donc à penser que l' idée de protection de la victime ne peut être éliminée du débat comme étant étrangère aux dispositions de l' article 5-3 . Nous estimons même qu' elle est la seule apte à résoudre le problème de la détermination du tribunal du lieu du fait dommageable.

    (29) ° Du rattachement de quelques délits spéciaux en droit international privé , Recueil des Cours, Académie de droit international de la Haye, 1989, II, tome 214 de la collection, p. 251 et suiv.

    (30) ° Point 164, p. 386.

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